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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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10 juin 2016

Clément Henri Bonnaud (1880-1916).

Clement_Henri_Bonnaud

Les années de jeunesse

Clément Henri Bonnaud voit le jour le 7 juillet 1880 dans le petit hameau charentais de Chez-Bois. François, son père qui est un cultivateur âgé de 30 ans, doit, ce jour là, quitter le champ quelques heures pour aller à la mairie de Salles-de-Villefagnan où il doit déclarer la naissance de l’enfant. Sa mère, Françoise Goumain, est une jeune femme âgée de 23 ans qui n’exerce pas de profession.

Clément Henri obtient son certificat d’études primaires et son brevet d'études primaires sans qu'il soit possible de dire s'il entra ensuite au lycée.

Il va tout d’abord travailler comme employé de commerce, mais cette profession ne semble pas vraiment lui convenir. Alors qu’il n’est pas encore tout à fait l’heure de penser à la conscription, il décide de tout abandonner. Le 15 mars 1899, le jeune homme se rend à la mairie d’Angoulême pour venir y signer un engagement volontaire d’une durée de 4 ans. Il n’a pas encore 19 ans. Le motif qui le pousse à faire ce choix ne nous est pas connu. Monotonie de son quotidien, déception amoureuse, profession peu rémunératrice, à chacun de s’imaginer ce qui aurait pu le pousser à prendre cette décision ! Quelle qu'elle fut, il trouva les arguments auprès de sa famille pour avoir l'autorisation de le faire.

Le jeune homme s’apprête à faire son premier grand voyage. Il se prépare à quitter sa Charente natale pour s’établir dans une caserne vendéenne. Il gagne, par voie ferrée, La Roche-sur-Yon pour intégrer la 1ère compagnie du 93e R.I.. Son instruction commence le 16 mars 1899, celle-ci durera six mois.

Caserne_93e_R

Nommé caporal le 23 septembre 1899, puis sergent le 2 juillet 1900, Clément Henri Bonnaud est amené à exercer les fonctions de sergent fourrier dans sa compagnie à partir du mois de septembre 1900. Le 16 octobre 1901, il réintègre un poste de sergent à la 1ère compagnie du 93e R.I..

Le 1er février 1902, il est de nouveau sergent fourrier, mais cette fois-ci, ce sera pour travailler à la S.H.R. du régiment.

Une carrière dans la Légion étrangère

Son contrat avec l’armée arrive à échéance ; il a obligation de le renouveler pour poursuivre sa carrière sous l’uniforme. Le 9 mars 1903, il signe de nouveau pour trois années consécutives.

Cette fois-ci, ce sera pour vivre une toute autre expérience. Les portes de l’Afrique ne sont pas loin ! Le jeune sous-officier choisit le 2e Régiment étranger, une unité de la Légion qui est installée en Algérie. Une fois la Méditerranée traversée, il doit se rendre à Saïda, surnommée la ville des sources, pour découvrir sa nouvelle compagnie d’affectation.

Caserne_2e_R_giment_Etranger

Le sergent Bonnaud cantonne dans la région d’Oran entre le 27 mars et le 15 mai 1903. Le 11 avril, il occupe une place de sergent fourrier, une charge qu’il connaît maintenant parfaitement bien, à la 22e compagnie.

Envoyé dans les régions sahariennes entre le 16 mai et le 21 juin 1903, il est affecté à la colonne de Béchar dès le lendemain.

Clément Henri Bonnaud s’installe avec son unité dans la province de Figuig qui est située à l'extrême sud-est du pays, au sud de la région de l’Oriental, du 4 juillet au 9 novembre 1903.

Du 10 novembre 1903 au 21 octobre 1904, il est de retour dans la région d’Oran. Durant cette période, le sous-officier  est  de nouveau sergent fourrier. Cette fois ci, il est chargé de l’intendance de la 6e compagnie à partir du 1er août 1904.

Le 1er octobre 1904, il peut coudre ses galons de sergent-major sur les manches de sa vareuse,

Clément Henri Bonnaud devient responsable des registres de la comptabilité et de l’administration de la 5e compagnie montée, qui se trouve sous les ordres du capitaine Morel. Du 22 octobre 1904 au 15 octobre 1905, il est, de nouveau, en mission dans les régions sahariennes.

Le 26 septembre 1905, il signe un troisième contrat avec l’armée. Celui-ci prend effet à compter du 15 mars 1906. Le légionnaire vient de se réengager pour quatre ans.

Le sergent-major Bonnaud est de retour dans la région d’Oran à partir du 16 octobre 1905.

Au cours du mois de mars l’année 1907, il reçoit une médaille d’argent de l’alliance française.

Le 15 avril 1907, il est en partance pour Marseille. Le sergent-major Bonnaud vient d’être désigné pour faire partie de la relève qui doit se rendre au Tonkin par voie de mer. Après une longue traversée, le sous-officier arrive à destination le 27 mai 1907 pour servir au 5e bataillon du régiment.

C’est dans cette lointaine colonie qu'il est nommé adjudant le 13 août 1908, cela, après avoir été proposé au tableau d’avancement durant plusieurs années.

Le 1er janvier 1911, il est transféré à la 17e compagnie du 2e Régiment étranger. Promu sous-lieutenant huit jours plus tard pour être aussitôt affecté à la 9e compagnie du régiment, il est muté à la 19e compagnie du régiment à la fin du mois de février 1911.

 Fraîchement nommé dans son grade, il doit rejoindre Cao-Bang, pour exercer les fonctions de comptable sous les ordres directs du capitaine Morin.

Juin 1911, c’est le retour en France. Il embarque sur le paquebot vapeur « Nera » qui doit quitter Haiphong le 3 juin 1911, à destination du port de la cité phocéenne.

Nera

Rapatrié du Tonkin où il est resté 4 années, Clément Henri Bonnaud a le droit à plusieurs semaines de repos. Un congé de fin de campagne d’une durée de trois mois lui est accordé. Il profite de ce long temps de vacances pour retourner en Charente où il va pouvoir prendre du temps avec les siens.

De retour en Afrique, nous le retrouvons dans les régions sahariennes au début du mois de novembre 1911. Le 7 janvier 1912, le lieutenant Bonnaud change de garnison. Il a reçu l’ordre de quitter Beni Ormif pour se rendre dans la ville de Mascara.

Il s’occupe de nouveau de comptabilité lorsqu’il retrouve la caserne de Saïda. Ses supérieurs le désignent pour prendre en charge l’armement et l’habillement du régiment.

Clément Henri Bonnaud est nommé lieutenant le 9 janvier 1913. Il est  muté au 1er régiment de marche dans la 1ère quinzaine d’avril 1913. Destiné à intervenir dans le cadre de la campagne du Maroc, ce régiment  avait été formé en 1907 à partir d’éléments du 2e Régiment étranger.

Le lieutenant Bonnaud  prend part en avril et mai 1913 à la colonne Henrys. Il est ensuite désigné d’office pour assurer les fonctions d’officier de détails. Bien que remplissant très bien cette mission, il préfère de loin être sur le terrain. Il demande à reprendre du service actif. Ce choix est accordé. Clément Henri Bonneau prend un poste d’officier dans une compagnie qu’il commande avec autorité durant l’absence de son capitaine. C’est lui qui organise le caravansérail d’Ain-Hamman.

Il participe à plusieurs opérations militaires dans le Maroc occidental entre le 24 mars 1913 et le 1er août 1914.

Le 18 avril 1913, c’est l’affaire d’Auras. Le 14 septembre 1913 il est à Meknès. Le 18 juillet 1914, le lieutenant Bonnaud participe au combat de Mahajibat. Le 25 juillet c’est le combat de Sidi Amdal puis celui du col de Ziar le 4 août 1914. Les 5 et 6 août il participe au combat de Khénifra.

En mai 1915, Clément Henri Bonneau est à la compagnie montée du 2e Régiment étranger.

Cet officier arrive en France le 10 décembre 1915.

Au 149e R.I.

Le lieutenant Bonnaud rejoint le front la veille de Noël de l’année 1915, pour prendre le commandement de la 10e compagnie du 149e R.I.. A cette période de l’année, le régiment s’apprête à quitter l’Artois, une région où il est resté durant 13 mois.

Clément Henri Bonnaud est promu au grade de capitaine à titre temporaire, suite à une décision prise par le général commandant en chef le 5 février 1916 ; celle-ci est ratifiée le 10 février 1916.

Son passage au 149e R.I. sera de très courte durée. En effet, le capitaine Bonnaud est  tué quelques semaines après son arrivée au régiment. Le 30 mars 1916, la commune de Dugny est attaquée par l’aviation allemande. Les bombes qui sont tombées sur le village font plusieurs victimes, Clément Henri Bonnaud fait partie du nombre.

La dernière mission effectuée par le capitaine Bonnaud est décrite dans un témoignage laissé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint- André.

« 29 mars 1916

… Un message me prescrit de rallier d’urgence Dugny pour y prendre,par intérim, le commandement du 3e bataillon du 149e R.I. qui monte en secteur le 31 mars au fort de Vaux… Je connais déjà à fond les officiers, le 3e bataillon ayant eu l’occasion de travailler avec moi et ils me connaissent.

Je pars en reconnaissance, en voiture, avec mes quatre commandants de compagnie. Il fait un froid très vif. Nous sommes frigorifiés lorsque nous débarquons au Cabaret, où les projectiles tombent assez nombreux. Nous passons d’abord par le fort de Tavannes puis nous redescendons du tunnel par une profonde tranchée neuve… Nous allons par la sortie sud du tunnel et la Lauffée. Nous atteignons la batterie de Damloup, pour arriver pendant une accalmie de marmitage, dans un abri de bombardement à 400 m sud-est du fort de Vaux, qui sert de P.C. et d’abri pour un peloton…

Le dispositif est presque linéaire. Devant le fort, une tranchée d’un mètre de profondeur qui est sans cesse marmitée. Pas de téléphone, il est continuellement coupé. Pas d’optique possible à cause du terrain. Pour avoir l’appui de l’artillerie, il faut envoyer un coureur au fort, qui, lui, peut communiquer. Pas d’eau, une seule source connue et marmitée Ces agréables constatations faites, la reconnaissance, très sommaire, est terminée. Retour par le fort de Tavannes à Dugny, sans accroc. À 16 h 00, je suis à Belrupt, où le détachement me rejoint. Je laisse à Dugny un de mes capitaines, tué par bombe d’avion au moment où nous arrivions. »

L’intégralité de ce texte  peut se lire en cliquant une fois sur l’image suivante.

Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andre_22

Le capitaine Bonnaud  repose actuellement  dans une sépulture individuelle qui se trouve dans le cimetière national français de Dugny-sur-Meuse. Sa tombe porte le numéro 1218 A.

Décorations obtenues :

Chevalier de la Légion d’honneur (décret du 10 avril 1915).

Croix de guerre avec une étoile de vermeil.

Citation à l’ordre de 21e C.A. n° 84 du 29 mars 1916 :

« Chargé de tenir des tranchées soumises à un bombardement intense d’artillerie de gros calibre, à su accomplir sa mission avec une volonté de fer, luttant pendant 12 heures sans arrêt, pour réparer sous le feu, ses tranchées bouleversées, déterrer ses hommes ensevelis etterrer constamment, prêt à recevoir un assaut qui paraissait imminent. Légèrement blessé à l’épaule, ayant les pieds gelés, a refusé, malgré ses souffrances, de se faire évacuer. »

Médaille coloniale avec agrafes « Sahara, Algérie et Maroc ».

Clément Henri Bonnaud a également été décoré de l’ordre honorifique du Ouissam Alaouite avec le grade d’officier. Cette décoration est considérée comme étant l’équivalent de la Légion d’honneur française, pour avoir rendu des services éminents au Royaume du Maroc.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photographie de sa sépulture a été réalisée par F. Radet.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à  M. Porcher, à F. Radet et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

3 juin 2016

« Le grand bal » de la 8e au nord d’Abreschviller…

L_assaut_des_troupes_allemandes

La 8e compagnie du 149e R.I. sillonne les routes avec l’ensemble du régiment depuis le 11 août 1914. Les marches sont éreintantes, les hommes sont épuisés par les kilomètres avalés, mais il va falloir se tenir prêt à affronter l’ennemi pour la seconde fois…

Un très chaleureux merci à T. de Chomereau pour son autorisation de publier ici une nouvelle partie du témoignage laissé par son grand-père.

Un autre très chaleureux merci à B. Bordes pour ses illustrations qui accompagnent ce témoignage.

21 août 1914.

Je suis sur pied avant le jour. Je fais occuper la lisière par une section du sergent Gueldry et une demi-section du sergent-major Pesant. Le temps est ad­mirable. Il y a quelques coups de feu isolés sur ma droite où se trouventune com­pagnie et une sec­tion de mitrailleuses du régiment.

Micard part en patrouille avec quelques hommes pour explorer une crête qui indique un peu Biberkirch. Nous ne le re­verrons plus.

Pour en savoir plus sur le capitaine Micard, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Joseph_Rene_micard_2

Le feu monte, nous attendons en complétant l’organi­sation assez rudimentaire du bois. À quatre heures et demie, brusquement, sur la droite, la fusillade commence et, très vite, elle prend une inten­sité très grande.

Une attaque allemande se dé­clenche. Elle est vigou­reuse et imprévue. Environ, une brigade ennemie prend de flanc la droite de notre bataillon. Le 3e bataillon du régiment qui forme échelon en arrière à droite tient la Valette et les abords.

Plan_1__G

Plan dessiné par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André concernant l’attaque allemande du 21 août 1914 menée contre sa compagnie.

Plan_1_Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andre_21_aout_1914

Legende_plan_1_G

La section et demie que j’avais mise en ligne se voit tirer dessus. Elle est prise de flanc, puis bientôt à revers. Elle fait feu du côté de l’attaque. Je la fais appuyer aussitôt par les sections de l’adjudant Dodin et du sergent-major Dargent.

Elles ont l’ordre de se déployer à droite de Gueldry et de tenir l’intervalle entre lui et la compagnie qui com­mence à refluer. J’ai gardé une demi-section en réserve, craignant toujours une autre attaque vers Biberkirch.

Le bois est assez touffu et le com­bat a lieu à très courte portée. Il est très sanglant. Je vois tout à coup refluer les sections de Gueldry et de Dodin dont les chefs sont grièvement blessés. Je les fais em­porter.

L’ennemi avance et nous déborde aussi par la droite. La section de Dargent est écrasée. Je réussis pourtant à rame­ner en avant, avec l’aide de ma réserve, plusieurs sections et nous te­nons un bon moment derrière un talus. Ma droite me tourmente à juste titre, car j’aperçois de ce côté, à cinquante mètres, un capitaine ou un commandant et sa liaison qui franchissent un layon en me regardant.

Il y a du grouillement in­tense et je risque de me faire en­tourer. Le Capitaine François qui commande le 2e bataillon prescrit un repli qui s’exécute assez bien. La sec­tion de mitrailleuses nous suit, ou du moins ce qu’il en reste !

Je voudrais profiter des taillis pour donner un coup de poing et je prends le commandement d’une section. Plus de cadres, hélas, et quand, au bout de cent mètres, je veux faire serrer les hommes et les masser dans une clairière, je constate qu’il reste ma liaison, quelques dévoués, dont le sergent Jacquemin et mon ordonnance ! Bien que dissi­mulés, nous subissons un arrosage sérieux et mon brave Fréjavier refuse de se terrer : « Puisque vous êtes debout, je peux l’être aussi ».

Impossible, avec ce qui reste, de bourrer. Je re­prends position sur une chaîne de tirailleurs constituée par les sections mélangées, mais tenant rigoureusement. L’ennemi attaque toujours sur la droite du batail­lon, et paraît menacer La Valette où se trouvent nos chevaux ! C’est évidem­ment le danger pour nous, car nous risquons d’être tournés tout à fait de côté.

Je détache plusieurs patrouilles pour savoir si le 3e batail­lon occupe toujours ce point. Le capitaine François, dont un obus égaré a déchiré une manche, est inquiet lui aussi. Nous échangeons nos impressions, tan­dis que les branchettes de hêtres et de sapins dé­gringolent autour de nous.

Au milieu d’un bou­can infernal, car les coups de fusil résonnent ter­riblement dans ces futaies, Petermann et J…, les deux Saints-Cyriens, ont une atti­tude superbe. Je suis forcé d’eng… le premier qui s’expose follement. Le pauvre petit, il y est resté, comme aussi mon pauvre Dargent, si crâne, si jeune, et qui a dû tomber au début sans que j’aie pu, par la suite, avoir des détails sur sa mort.

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Petermann, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Robert_Petermann

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Dargent, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Albert_Dargent

Je remarque également Benoît, un en­gagé de quarante ans, admirable soldat, qui plaisante entre deux coups de fusil, et auquel je promets les galons de caporal. Encore un qui a manqué à l’appel du 22.

Pertes sensibles chez nous, mais les Allemands sont arrêtés net et tourbillonnent dans le vallonnement en avant, puis refluent malgré les vorwaert des officiers.

Le soir passe, le capo­ral Mariel est enlevé par deux camarades. Il a la poitrine traversée et n’a plus certainement que quelques minutes à vivre. Pourtant, il répond d’un geste quand je lui parle. C’était un médiocre gradé qui meurt en brave.

Je ne sais quelle heure il est. Il est peut-être sept heures, huit heures ?  quand le capitaine François,constatant que La Valette a été enlevé par l’ennemi,prescrit le repli sur Abreschwiller. Nous avons tenu, trop bien même, car l’ennemi nous déborde complètement déjà de ses feux. Notre unique ligne de repli : un couloir menant vers Voyer.

Le bataillon dévale en bon ordre (j’ai reconstitué la 8e compagnie) d’abord dans un bois, mais ensuite il faut, sous peine d’être pris, défiler presque à découvert, un par un, fusillés de flanc à six cents mètres. Pour comble de bonheur, nous sommes aussi entre les bat­teries de 75 en position au sud-est de Voyer et les batteries lourdes allemandes qui balaient l’itiné­raire suivi. Avec cela, des taillis de sapins inex­tricables interdisent tout cheminement indi­qué.

La_retraite

Oh ! cette retraite, l’odieux souvenir ! Décamper ainsi devant des gens que nous avions si bien arrêtés ! Des unités du 3e bataillon vien­nent se mêler à nous, puis des isolés du 13e Corps qui refluent sur Voyer. Dès lors, il devient impossible de garder l’ordre maintenu jus­qu’alors. Par paquets, conduit par les officiers présents, le repli continue à s’effectuer.

J’ai der­rière moi, la tête de ma compagnie et je traverse Voyer où les 105 font rage, défilant ainsi devant nos 75, en contrebas, pour ne pas les gêner. C’est plus dangereux, mais je trouve absurde d’aller en plein sur nos pièces. Après Voyer, j’ai nettement, cette fois, l’impression d’une défaite. Partout des fractions reculent.

Le vallon à l’ouest du village est d’ailleurs momentanément tranquille et je tâche de grouper mes hommes. La tête de colonne seule a suivi et a eu la chance de ne laisser personne dans les ruelles où bris­leaux et pierres dégringolaient de tous côtés.

J’ai là des hommes de vingt unités différentes au moins ! Je conduis tout cela dans le bois de Barville. Je n’ai malheureusement pas de carte : j’avais prêté la mienne à Dargent avant l’attaque et n’ai pas eu le temps de la reprendre. Je m’oriente cependant sur la crête qui me sépare d’Abreschwiller. Les 105 dégringolent et des frac­tions se replient, mélange de différents corps.

Où retrouver, dans la bataille du moins, des unités du 149 ? Tout paraît disloqué, sans qu’il y ait le moins du monde panique. Le mieux est de ga­gner le pont, sur lequel tout reflue, avant qu’il ne soit arrosé lui aussi. En bon ordre, l’œil au guet, car je redoute quelque surprise de cavalerie dans ces futaies de hêtres largement percées, nous partons, protégeant le retrait de nombreux isolés que je m’efforce de dynamiser.

Au milieu de bois, un paquet d’une quinzaine d’hommes. Ce sont les Sapeurs du 92e d’infanterie, le dra­peau, la garde et le colonel, une belle figure de sol­dat à moustache blanche. Il a les poings crispés, la tête basse avec une expression de douleur qui me saisit. Je le comprends si bien et j’ai la gorge serrée par cette sensation de défaite. Je lui offre aussitôt de l’escorter jusqu’à la sortie du bois et il accepte avec empressement.

Il me semble revoir la crête de Sainte-Marie le 9 août, à la nuit tombante, la batterie alpine défilant sous les sapins sombres, poursuivie par les balles, le drapeau du 149 encadré par les débris de ma compagnie, baïonnette au canon, que Dargent précédait et que je suivais revolver à la main avec la hantise d’une attaque surgissant à l’improviste.

Le pont de Vasperviller est en­combré par l’artillerie qui se replie sur Lorquin. Nous nous faufilons et je tâche de me rensei­gner : « Le 149 ? Oui il est vers Saint-Quirin, déjà assez loin ».

Quelle heure peut-il être ? Je ne m’en souviens plus. Pourtant, fidèle à mon habitude, j’ai regardé souvent ma montre. Tard certainement, car il fait terriblement chaud. Mon détachement est exténué, il meurt de soif, et moi aussi. Nous passons de nouveau par des bois superbes, grimpant sur des hauteurs, car les che­mins du fond sont couverts de troupe.

De gros obus nous suivent par instants. Je me surmène à faire le chien de berger de ce troupeau. L’ef­fectif s’accroît de plusieurs blessés dont il faut organiser le transport, d’un cheval sans maître, d’un beau mitrailleur du 149 qui, son affût tré­pied sur l’épaule, suit stoïquement sans vouloir confier, fût-ce une minute, son fardeau à un ca­marade.

J’ai maintenant trois cents hommes de tous les corps ! Grâce au ciel, j’avise un sous-lieutenant du 4e chasseurs qui m’indique la direc­tion de Lorquin et me donne une carte au 1/100.000e, cadeau inappréciable en pareille si­tuation. J’apprends de lui que le 21e Corps d’Ar­mée se replie sur Cirey-sur-Vezouze où il va se rassembler.

Une demi-heure de marche, avec rencontre du 139e auquel je remets un grand nombre d’isolés appartenant à ce corps et j’arrive à Saint-Quirin ainsi gaiement traversé l’avant-veille. Plus de régiment ! Il y a seulement la section de mitrailleuses de Petitjean, lui aussi cherchant le 149. Celui-ci est parti, me dit-on, vers Cirey-sur-Vezouve.

Un capitaine d’état-major du 21e Corps me conseille de ne pas moisir ici. Saint-Quirin va être évacué par les troupes qui s’y trou­vent (artillerie et deux bataillons d’infanterie ?). Il faut pourtant que mes troupiers soufflent un peu. Nous nous arrêtons dix minutes, et c’est aussitôt la ruée vers la fontaine, suivie d’un casse-croûte rapide ; puis c’est le départ. J’encadre la section de mitrailleuses de Petitjean et nous fi­lons, toujours par les bois, vers Turquestein.

Arrivés à l’emplacement du bivouac des 18 et 19 août, c’est-à-dire de suite après avoir traversé la Sarre, nous tombons en plein bois sur une section d’un régiment qui a allumé des feux. Ils n’ont pas vu le 149. Eux aussi cherchent leur corps.

Plan_2_G

Plan réalisé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André indiquant le parcours effectué par sa compagnie entre le 19 et le 21 août 1914.

Plan_2_G

Legende_plan_2_G_de_Chomereau_de_Saint_Andre_21_aout_1914

Un peu partout j’aperçois sur les routes des détachements qui vont vers Cirey-sur-Vezouze et la direction du sud. Impossible de continuer sans un arrêt sérieux, car mes blessés sont à bout de force. Je prescris une grande halte d’une heure ; et mes disposi­tions de sûreté prises, je reçois, ainsi que Petitjean, l’hos­pitalité que fraternellement m’offre un capitaine du 139e et son sous-lieutenant.

Leur café pris, ils repartent et nous déjeunons d’un succulent potage aux haricots que nous appor­tent nos braves troupiers. Ceux-ci, la halte ter­minée, sont gaillards et ont oublié la situation. Je profite de cet entrain pour décamper en bon ordre, avec arrière-garde, patrouille, etc. Je couvre du même coup la marche d’un groupe d’ar­tillerie et d’une compagnie de chasseurs de ré­serve qui suivent le même itinéraire.

Longue étape (hélas, nous repassons la frontière et je tourne la tête pour ne pas voir les bornes renver­sées) qui nous conduit à Saussenrupt. Là, Petitjean part à vélo sur Cirey-sur-Vezouze aux renseigne­ments. Il doit être cinq ou six heures). Il revient me dire que le 149 doit être à Val-et-Châtillon. Mon groupe s’est accru des éclaireurs montés du 2e bataillon, de fusiliers blessés et de la voiture à bagages de l’état-major qui était égarée.

La chaleur est torride, ce qui n’empêche pas une entrée dans un ordre parfait. Les hommes sont alignés, les armes « placées » comme aux manœuvres. Les habitants ne se doutent de rien et me question­nent : « Il paraît que vous vous êtes battus ce matin ? Où donc ? ». J’éprouve un vrai re­mords à leur mentir effrontément, car il est sûr que demain on se battra par ici. En tout ça, il faut éviter tout méli-mélo dans l’installation.

De tous côtés débouchent de petites fractions : 158e, artillerie, puis la C.H.R. du ré­giment, gent encombrante et inutile, car, cela dit en passant, elle pa­raît ignorer le métier de brancardier, le service de santé, etc.

J’interdis d’en­trer dans les maisons à tout le monde et je pars à la recherche du régiment, guidé par un brave pay­san. Celui-ci me raconte la première occupation du village par la couverture allemande et com­ment celle-ci s’était retranchée dans des positions habilement choisies.

Quelques jours auparavant, l’avant-garde du 13e Corps français est arrivée et elle a at­taqué furieuse­ment. « Pensez, monsieur, les Allemands qui les guettaient depuis dix jours, et les pauvres Français (sic) qui ont attaqué sans se douter de rien ! (sic). Ah ! oui, les pauvres Français. Tenez, là, on en a enterré trois cents ». Cet homme, dans son gros bon sens, vient de quali­fier l’absurde tactique d’offensive aveugle qui a été la nôtre depuis le début. L’arrivée de nos troupes avait d’ailleurs sauvé Val-et-Châtillon d’une destruction qui allait avoir lieu.

Avec tout cela, pas de 149 ! Il faut agir. Je re­viens exténué, et dans la nuit tombante, je bourre tout ce qui appartient au 149 dans l’im­mense cour d’une usine. La porte est gardée ; comme cela je n’ai pas à craindre l’abrutissement des cabarets.

Cantonnement_dans_une_cours_d_usine

Je ré­quisitionne des vivres, met la soupe en train, etc.  J’ai une légère altercation avec un sous-lieutenant d’artillerie qui « veut » l’usine pour son groupe et que j’envoie promener. À force d’interroger à droite et à gauche des isolés qui affluent de tous côtés, j’apprends que le géné­ral Pillot qui commande la 85e brigade est arrivé. Il est « vers la mairie » et a réparti le cantonne­ment.

Ouf ! enfin, voilà qui est sûr. Non sans peine, je le découvre, car la nuit est venue. « Allez voir Pignat (capitaine, son offi­cier d’or­donnance) : il est là-haut ! » Pignat est en effet là-haut, c’est-à-dire au premier étage de la mairie, et il me donne des indications som­maires. Il pa­raît exténué et au moment où je le quitte, me re­tient : « Ah ! si vous saviez ! L’armée Castelnau a cédé aussi à notre droite, c’est une défaite complète. Je n’ai plus ma tête à moi, tant je suis las ». Et sortant des paquets de papiers de ses poches : « Tenez, voici ce que j’ai heureu­sement sauvé : le général Legrand (commandant le 21e C.A.) a dû détaler si vite qu’il les avait laissés. Quelle terrible jour­née ! »

Pauvre Pignat ! J’assure que cette annonce de la défaite de Castelnau, reçue ainsi en coup de massue, dans cette pièce aux murs nus, lugubre, éclairée par une lanterne après une journée éreintante et une retraite diffi­cile,me « faucherait » si j’avais du temps à perdre, mais j’ai autre chose à faire que me déso­ler ! « Ne répétez pas ce que je vous ai dit, c’est ultra confidentiel, mais je n’y tenais plus, il fal­lait que je me dégonfle avec un cama­rade » – « Soyez tranquille, et bon courage ».

Une chaude poignée de main et je repars du côté de l’église où je trouve l’adjudant-chef Bienfait qui vient faire le cantonnement. « Alors, tout le régiment est là ? » – « Oh ! non, mon capi­taine : il y a sept cents ou huit cents hommes et plusieurs of­ficiers, c’est un mélange ! » De notre mieux, courant dans les maisons, nous préparons l’ins­tallation.

Chaque unité aura quelques maisons et des plantons répartis dans les rues aiguillent les arrivants. Tout cela néces­site d’innombrables va-et-vient. Je ne puis litté­ralement plus me traîner et pourtant, je vais hâ­tivement, comme un automate remonté, hélant dans la nuit les groupes qui passent et qui errent, en quête de gîte. De la cour d’usine, j’ai cherché mon détachement. Tous sont là, musiciens compris, au repos de­puis deux ou trois heures, finissant d’avaler de pleines gamelles de « rats » aux pommes de terre. Ils sont gaillards et joyeux ! et je les conduis à leurs cantonnements.

Les officiers signalés précédemment sont arrivés et tous se ca­sent. Il y a parmi eux G… et Drouet. Eux aussi ont fait la soupe avant d’arriver. J’ai enfin le droit de penser à moi, et la conscience tranquille je gagne un caboulot où les docteurs ont com­mandé mon dîner avec le leur. Depuis long­temps ils ont fini. Quelle heure est-il ? Neuf heures ? Je m’écroule sur une chaise : depuis le grand bal, je ne me suis pas assis. Et sitôt sus­tenté, je re­commence à circuler.

Dans le canton­nement de la 8e, de braves gens me cèdent leur lit, et grim­pant au grenier, enjambant mes trou­piers qui dorment tout équipés, tombés par terre, entassés avec ce genre de ronflements assourdis de l’homme surmené.

Sources :

Témoignage inédit rédigé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Les deux plans donnant les positions successives de la 8e compagnie du 149e R.I. ont été dessinés par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Pour en savoir plus sur la capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Harmonium

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de la journée du  21 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Carte_2_journee_du_21_aout_1914

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à B. Bordes, à A. Carobbi, à T. de Chomereau et à É. Mansuy. 

27 mai 2016

Verdun… Retour en première ligne.

Fort_de_Tavannes

Le 149e R.I. est installé à Dugny depuis le 26 mars 1916. Les corvées et les travaux en tout genre sont le lot quotidien des hommes. Ici, personne ne se plaint vraiment, le secteur est considéré comme calme en comparaison de ce qui se passe sur la ligne de front située à une petite poignée de kilomètres !

Mais cette situation ne va pas durer…

Le général de Boissoudy, chef de la 43e D.I., transmet un ordre écrit au responsable de la 85e brigade. Ce document atteste qu’une grande partie de ses troupes va devoir se tenir prête à remonter en 1ère ligne.

Le 1er et le 3e bataillon du 149e R.I. ont dû se rendre à Belrupt. Ils arrivent dans ce village, tôt dans la matinée du 30 mars 1916, accompagnés de deux compagnies de mitrailleuses du régiment.

Le 2e bataillon est resté à Dugny avec la 3e compagnie de mitrailleuses qui est rattachée à la brigade.

Le bataillon du commandant Magagnosc et celui du capitaine de Chomereau de Saint-André, officier qui vient tout juste de remplacer le commandant de Witkowski, reçoivent l’ordre de quitter Belrupt à la tombée de la nuit.

La plupart de ces hommes connaissent bien le secteur qu’ils vont devoir occuper. Ils retrouvent, tout simplement, les positions quittées quelques jours plus tôt.

Carte_1

Legende_carte_1_journee_du_30_mars_1916

Le gros du 10e B.C.P. et le 3e bataillon du 149e R.I. sont désignés pour aller s’installer dans les premières lignes.

Deux compagnies du 3e B.C.P. constituent la réserve de brigade avec deux compagnies du 10e B.C.P.. Le 1er bataillon du 149e R.I assure la réserve de division avec deux compagnies du 31e B.C.P..

Le 3e bataillon du 149e R.I. quitte Belrupt vers 19 h 00. Le témoignage laissé par le capitaine de Chomereau de Saint André nous donne le parcours suivi par ses compagnies.

« Le bataillon passe par les casernes Chevert, le Cabaret, la voie ferrée et le tunnel »

Le témoignage du mitrailleur Paul Portier nous indique le chemin utilisé par la 1ère compagnie de mitrailleuse et probablement par le 1er bataillon du 149e R.I..

« Nous devons relever, dans la nuit du 30 au 31 mars le 159e R.I.. À 19 h 00, les mouvements de relève commencent. Nous nous dirigeons d’une façon générale, sur la ferme de Bellevue, en passant par la haie Houry, le Tillat et nous prenons ensuite le boyau qui conduit au tunnel de Tavannes… »

Ce parcours ne semble pas être tout à fait celui qui est emprunté par le 3e bataillon. Les informations données dans le J.M.O. de la 85e brigade ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre une certitude absolue concernant les déplacements effectués.

Les fantassins du 149e R.I. sont rejoints en cours de route par les compagnies de chasseurs qui ont également reçu l’ordre de remonter en ligne.

Carte_2_journee_du_30_mars_1916

Legende_carte_2_journee_du_30_mars_1916

Ces éléments de la 85e brigade doivent se présenter à la sortie est du tunnel de Tavannes.

Selon les ordres reçus, la tête du 10e B.C.P. doit atteindre le tunnel vers 22 h 00, celle du 3e bataillon du 149e R.I. doit arriver vers 23 h 00. Des guides les attendent. La tête des compagnies du 3e B.C.P. se présente vers minuit. Le 1er bataillon du 149e R.I. rejoint le fort de Tavannes vers 3 h 30.

Les horaires inscrits sur le papier ne seront pas respectés, la réalité sera tout autre !…

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 88e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 521/4.

J.M.O. de la 93e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 523/3.

J.M.O. de la 139e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 533/3.

J.M.O. du 42e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 827/8.

J.M.O. du 57e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 831/3.

J.M.O. du 60e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 832/8.

J.M.O. du 75e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 661/5.

J.M.O. du 97e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 672/12.

J.M.O. du 159e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 701/1.

J.M.O. du 226e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 721/1.

J.M.O. du 269e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 733/9.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 70e et 77e D.I. provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 70e et 77e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 30 mars 1916.

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

20 mai 2016

Témoignage de Louis Cretin : une longue retraite pour la C.H.R. du 149e R.I..

Girecourt_sur_Durbion

Tous mes remerciements à D. Browarsky et à T. Cornet qui me permettent de retranscrire sur ce blog le passage suivant du témoignage de Louis Cretin qui a été à la C.H.R. du 149e R.I. du début à la fin du conflit.

Le 22 août, la retraite continue. Un dirigeable allemand vient d’être abattu près de la frontière. Nous passons à Badonviller puis à Pexonne. Finalement, nous atteignons Raon-l’Étape après avoir fait au moins 50 km de repli depuis deux jours. Le service de brancardiers est impossible à assurer. Tout homme blessé, qui ne peut pas continuer, tombe fatalement entre les mains des Allemands. Plusieurs tentatives sont faites pour enrayer la poursuite. Sur les hauteurs de Neuf-Maisons, nous ne sommes pas parvenus à les arrêter. Nous continuons à battre en retraite en direction du col de la Chipotte. Nous arrivons le 24 au soir au village de Saint-Benoît. Nous sommes sans ravitaillement depuis quatre jours. Nous sommes exténués, les jambes sont raides. Les bretelles du sac nous scient les épaules et, toujours, toujours, quand nous croyons prendre quelques repos, les obus allemands nous harcèlent et nous poursuivent. Nous devenons des machines inconscientes.

Les civils se sauvent devant l’invasion, le spectacle est angoissant…

Le 25 août, l’avance allemande est maintenue sur les hauteurs boisées du col de la Chipotte. Notre régiment se bat sans arrêt dans le secteur et dans les environs de Ménil-sur-Belvitte. Les pertes sont grandes.

Le 28, le service de santé vient, en partie, se reposer aux casernements de Rambervillers. Dans la nuit, les Allemands marmitent le quartier. Nous sommes obligés de déménager en vitesse.

Le 30, je reçois la première lettre de chez nous. Celle-ci me rassure. J’étais inquiet en voyant mon pays occupé par les Allemands après notre retraite. Heureusement que le 7e C.A. a réussi à maintenir les Allemands sur les hauteurs de Thann. Tranquillisé de ce côté-là, je reprends courage.

Chaque fois que cela est possible, nous relevons nos blessés, mais nous ne pouvons pas le faire à découvert, car l’ennemi nous tire dessus.

La bataille est toujours aussi acharnée au cours des derniers jours du mois d’août, mais, maintenant, nous tenons nos positions. Les Allemands sont définitivement arrêtés.

Le 1er septembre, des officiers d’un autre corps viennent reconnaître le secteur. Le 2 septembre, le régiment est relevé. Il vient cantonner à Girecourt-sur-Durbion. Le 3, nous reformons les compagnies et nous nous reposons. Dans la nuit du 4, nous partons embarquer à Darnieulles où nous faisons l’embarquement des voitures.

Le 21e C.A. quitte les Vosges pour une destination que l’on ignore. Le grand quartier général savait la valeur de nos hommes et voulait nous employer utilement. Les nouvelles commencent à transpirer. Nous apprenons avec effroi que les troupes allemandes, après avoir envahi la Belgique et nous avoir défaits à Charleroi, s‘approchent de Paris.

Référence bibliographique :

Témoignage de Louis Cretin.

Un grand merci à M. Bordes,  à D. Browarsky et à T. Cornet. 

13 mai 2016

Le commandant Gaston de Chomereau de Saint-André quitte le 149e R.I...

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Cette photographie a été réalisée le 11 avril 1918 sur la commune vosgienne de Corcieux. Le 149e R.I. est installé dans ce secteur depuis le 7  avril, il y restera une dizaine de jours. Le commandant Gaston de Chomereau de Saint-André quitte le régiment le lendemain de la prise de ce cliché pour aller pendre le commandement du 48e B.C.P..

Tous les officiers du 1er bataillon du 149e R.I. représentés ici sont identifiés.

De gauche à droite : le Lieutenant Lesserteur, le capitaine Liétout, le lieutenant Alexandre de Parseval, le lieutenant Joseph Bihr, le Capitaine Pierre Quinot, le commandant Gaston de Chomereau de Saint-André, le sous-lieutenant Jean Loubignac, le médecin sous-aide major Raymond Bonnefous, le lieutenant Paul Bloch, le lieutenant René Boudène et le sous-lieutenant Robert.

Pour en savoir plus sur le capitaine Alexandre de Parseval, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Alexandre_de_Parseval

Pour en savoir plus sur le lieutenant Joseph Bihr, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Joseph_Bihr

Pour en savoir plus sur le commandant Gaston de Chomereau de Saint-André, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Capitaine_de_Chomereau

Pour en savoir plus sur le médecin sous-aide major Raymond Bonnefous, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Pour en savoir plus sur le lieutenant Paul Bloch, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Pour en savoir plus sur le lieutenant Gabriel René Boudène, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Cette photographie fait partie de la collection personnelle de N. Bauer.

Un grand merci à N. Bauer.

 

6 mai 2016

Petite correspondance rédigée à Seigneulles.

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Les témoignages et les récits des batailles focalisent le plus souvent l’attention du lecteur sur les activités militaires du soldat. Pourtant, les correspondances montrent régulièrement que le contact épistolaire permettait aux hommes de conserver un lien fort avec l’arrière, avec la famille. Les nouvelles du « pays », les nouvelles de la famille, les activités professionnelles, le lien n’était pas rompu. Y compris pour apprendre le décès de membres de la famille ou de l’entourage. Y compris dans les épisodes paroxystiques pour le régiment.

Début mars 1916, le 149e R.I. cantonne dans la petite commune de Seigneulles qui se trouve dans le département de la Meuse.

Nous sommes dans une période très anxiogène pour les hommes. Ils savent qu’ils ne vont pas tarder à remonter en ligne pour aller combattre dans le secteur de Verdun où les Allemands ont déclenché une vaste offensive depuis le 21 février. Personne ne sait vraiment ce qui les attend. Le bruit court que les combats sont terribles. Dans cette période un peu chaotique, le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, qui vient apprendre le décès d’un membre de sa famille, prend le temps de rédiger une petite carte à sa cousine.

« Aux armées 5 mars 1916,

Ma chère cousine,

J’apprends aujourd’hui le grand malheur qui vous frappe et veux vous dire la part bien vive et sincère prise à votre chagrin et la peine personnelle éprouvée dans le deuil qui nous atteint. Je sais, hélas, la douleur ressentie en pareil cas et je joins mes prières aux vôtres…

Pardonnez la brièveté de cette carte, mais je suis dans un coin terriblement agité depuis quelques jours et veuillez, je vous prie, ma chère cousine, agréer avec l’hommage de mon plus profond respect, l'expression de ma sympathie bien attristée et affectueuse.

G. de Chomereau »

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Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à T. de Chomereau. 

29 avril 2016

Une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

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En juin 1917, le commandant Albert de Longeaux fait le tri dans ses papiers. Il retrouve des documents concernant le sous-lieutenant Maurice Gaudin. La période de Verdun lui revient en mémoire, les souvenirs douloureux se ravivent…

Il décide de prendre le temps d’écrire une lettre à Madame Gaudin, l’épouse de son subordonné.

Madame,

Je retrouve dans mes papiers quelques feuilles qui portent des notes prises par votre regretté mari pour son service d’adjoint au chef de bataillon. Ces feuilles sont une preuve du soin qu’il apportait à l’accomplissement de ses devoirs militaires. Je prends la liberté de vous les envoyer sachant bien que les moindres souvenirs de l’héroïque défunt vous sont extrêmement précieux.

C’est très intentionnellement, Madame, que j’applique l’épithète d’héroïque à votre mari.

Je n’ai connu, en trois ans, aucun militaire qui neméritât autant que lui ce qualificatif.

J’admire particulièrement les officiers de réserve d’infanterie, et, parmi ceux que j’ai connus, c’est le souvenir de votre mari qui entraîne plus particulièrement l’admiration. Il avait le pressentiment de sa mort prochaine dès le jour où le l’ai rencontré. Il était sans cesse angoissé par la pensée de votre avenir à vous et à votre petite fille. Cependant, personne ne s’en doutait, sauf notre ami, son « petit-fils » Jacques Rousset, qui était son confident.

Il faisait son service avec une scrupuleuse exactitude, sans tenir compte ni de la fatigue, ni du danger. Il était toujours prêt à marcher. Non seulement cela, malgré ses angoisses pour vous et sa fille, il était toujours d’une humeur charmante, très gai, plein d’entrain et bienveillant pour tous.

Dans la nuit du 7 au 8 mars 1916, celle qui a précédé sa blessure mortelle, nous étions au bois des Hospices. Il vit que pour dormir, je n’avais rien sous moi. Sans rien me dire, il s’occupa de trouver un brancard d’ambulance. Au bout d’une heure de recherches, il me l’apporta lui-même.

Le lendemain, vers cinq heures du soir, j’appris qu’il avait un bras cassé et au côté, une plaie qu’on disait légère. Je n’ai pu aller jusqu’à lui. Le 9, j’étais blessé moi aussi.

J’ai su plus tard qu’à la relève, brusquement, les camarades s’étaient trouvés en face de sa tombe.

Oui Madame, votre mari restera pour moi le type de héros le plus pur. Celui qui sacrifie pour l’honneur et pour la patrie, sans bruit, sans phrases, sans éclat, tout ce qu’il aime et tout ce qu’il a, sans parler de lui – même ; celui qui sait que ce sacrifice lui sera demandé et qui va au-devant, sans faiblesse. Celui enfin qu’on ignore et qu’on ne récompense pas.

Depuis le 6 mars, je ne commandais plus rien au 149e R.I..

Je n’ose espérer, Madame, que ces quelques mots d’un inconnu soit un adoucissement à votre douleur qui ne saurait accepter de consolation. Votre mari disait : « Si je suis tué, la Providence s’occupera de ma femme et de ma fille. » Je souhaite vivement que cette protection se manifeste sur vous de la façon la plus heureuse et la plus constante. Et, daignezagréer, Madame, l’hommage de mon plus profond respect.

Commandant de Longeaux

Le 19 juin 1917

1er Hussard, S.P. 229

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Pour en savoir plus sur le commandant Albert de Longeaux, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Sources :

La lettre rédigée par le commandant Albert de Longeaux provient de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly et  à A. Carobbi.

22 avril 2016

Albert de Longeaux (1865-1930).

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Les années d’enfance et de  jeunesse

Marie Étienne Albert Xavier de Longeaux voit le jour le 2 décembre 1865 à Charleville, dans les Ardennes. Son père, qui est garde général des forêts, se prénomme Angélique Charles Henri Marie. Il a 27 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Marie Marguerite Hélène de Lescale est une femme qui est âgée de 25 ans.

Le parcours scolaire d’Albert ne nous est pas connu, mais il a certainement obtenu son baccalauréat, clé d’accès qui lui a permis de tenter et de réussir le concours d’entrée de l’école spéciale de Saint-Cyr.

C’est comme simple élève qu’il commence sa formation d’officier le 28 octobre 1885. Les études vont être difficiles. Deux ans plus tard, il termine avec le n° 368, ce qui le place dans les tout derniers de la promotion de l’Annam.

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Albert de Longeaux : 3e compagnie de la promotion de l’Annam (1885-1887)

Le 1er octobre 1887, l’homme entre comme sous-lieutenant élève à l’école d’application de cavalerie de Saumur. Là aussi, les résultats ne seront pas exceptionnels. Le futur officier occupe la 75e place sur 78 étudiants. Il obtient tout de même la note générale « assez bien ».

Une expérience africaine

Muté au 6e régiment de chasseurs, le sous-lieutenant de Longeaux prend ses quartiers dans un escadron du régiment qui est cantonné à Saint-Mihiel, une ville du nord-est de la France. Il restera dans cette unité pendant quatre années.

Le 18 juin 1891, il épouse Marie Louise Magdeleine Voisin, une jeune femme qui est domiciliée à Reims. C’est une fille de général habituée à la vie militaire. De cette union naîtra le futur sous-lieutenant Jean de Longeaux qui verra le jour dans leur petit appartement sammiellois.

Le 1er juillet 1891, Albert de Longeaux est nommé lieutenant de 2e classe. L’année suivante, il est affecté au 13e régiment de dragons, il va falloir se rapprocher de la région parisienne. C’est la première mutation de sa carrière et il y en aura bien d’autres !  Le lieutenant de Longeaux quitte le 6e régiment de chasseurs à la fin du mois de décembre 1892 pour  venir s’installer dans la nouvelle caserne,construite dans le quartier Pajol de la ville de Melun.

L’officier est nommé lieutenant de 1ère classe, le 26 février 1894.

Tenté par l’aventure africaine, il fait une demande écrite à ses supérieurs qui y répondent de manière favorable. Une décision ministérielle du 1er octobre 1898 l’oblige à se mettre à la disposition du département des colonies ; pour raison administrative, il est mis hors cadre. L’officier trésorier du 6e régiment de chasseurs ne s’occupe plus de lui faire verser sa solde.

Albert de Longeaux quitte la France au début du mois d’août 1898 pour venir prendre ses nouvelles fonctions sur les terres soudanaises. Cet officier rejoint l’escadron des gardes-frontières du Sahel. Le lieutenant de Longeaux occupe, dans un premier temps, un poste à responsabilité sur le territoire du Néré-Nampala. Il quitte cette position retirée du monde en août 1899, pour être ensuite détaché à la région de Tombouctou. C’est au cours de cette période qu’il est incorporé dans la colonne de novembre 1899 qui sera amenée à combattre les Arabes Bérabiches.

En février 1900, Albert de Longeaux est nommé adjoint au commandant du cercle de Sakolo. Il quitte cet emploi en avril 1900 pour revenir dans la région du Néré-Nampala, un secteur qu’il connaît bien. Il y reste jusqu’au 6 juin 1900.

De cette expérience africaine, il revient avec plusieurs décorations.

Un officier de cavalerie mal noté

De retour en France, le lieutenant de Longeaux va connaître une carrière classique, probablement ralentie par les appréciations de ses supérieurs.

Il intègre à nouveau un régiment de dragons. Cette fois-ci, ce sera sur un cheval du 18e dragons qu’il devra poser sa selle. Le 3 décembre 1900, il est installé dans la ville de Lure.

Le 16 mars 1901, il obtient ses galons de capitaine en 2e. Cette promotion ne le fait pas pour autant changer d’affectation. Il va lui falloir attendre le 10 janvier 1905 pour être muté au 9e régiment de dragons.

Le 23 mars 1910, c’est le retour au 18e dragons. Il prend le commandement du 2e escadron du régiment.

18e_dragons_Lure

On sait qu’Albert de Longeaux est assez mal noté par ses supérieurs tout au long de son séjour dans ce régiment. En 1910, le colonel écrit dans son feuillet individuel de campagne : « Bien qu’il soit animé de la meilleure des volontés, cet officier n’a malheureusement rien produit de bon pendant le semestre. »

En 1912, il est carrément écrit que c’est un officier sans avenir !

En 1913, les appréciations ne sont guère plus encourageantes : « Très ancien capitaine, manque de feu sacré et agit beaucoup par routine. Caractère foncièrement honnête et loyal. Monte très vigoureusement à cheval, mais ne semble pas fait pour la fonction de major »

Cette évaluation ne l’empêchera pas pour autant d’être nommé major le 23 septembre 1913.  

Surtout, il est très difficile de savoir  s’il était un officier aussi peu méritant que ce qui transparaît dans les appréciations ou s’il s’agissait plutôt d’un problème de personne. L’affaire des fiches n’est pas si lointaine. Il serait intéressant de connaître l’avis renvoyé à la préfecture concernant sa loyauté vis-à-vis de la République, sa pratique de la religion. Cela pourrait expliquer le changement majeur dans ses appréciations entre l’avant-guerre et le début du conflit. En effet, tout cela va diamétralement changer avec l’entrée en guerre.

D’affectation en affectation

1914, c’est un tout autre officier qui se révèle dès le début de la campagne.

Albert de Longeaux débute le conflit contre l’Allemagne au sein du 18e dragon, mais il n’est pas envoyé au front au début de la guerre.  En fait, cet homme est resté au dépôt du régiment comme chef d’escadron en surnombre. Ce qui veut dire qu’il se retrouve sans commandement. Ce n’est que le 29 août 1914 qu’il rejoint le régiment qui est positionné dans les Vosges. Les premières missions qui lui sont confiées vont être purement d’ordre intérieur (Commandement de l’état-major et des convois, surveillance du personnel). Trois mois plus tard, il est muté au 11e régiment de dragons. C’est à partir de cet instant que les choses vont complètement changer pour lui.

Le lieutenant-colonel Vieillard est content du travail de son subordonné. Il écrit : « Le commandant de Longeaux à fait d’excellents débuts au 11e dragons à la tête de son demi-régiment. C’est un homme qui a de l’autorité, du calme et une grande valeur morale. Il a prouvé, au service des tranchées, son mépris complet du danger. »

C’est au cours de l’hiver 1915, que le major de Longeaux fait une demande pour  aller faire un stage dans un régiment d’infanterie. Ce sera au 149e R.I. qu’il sera affecté ! Concours de circonstances ? Fait du hasard ? Demande personnelle ?

Cette affectation n’a probablement rien à avoir avec le hasard. Son fils fut tué en août 1914 dans les rangs du 149e R.I. !

Pour en savoir plus sur le fils du commandant de Longeaux, il suffit de cliquer une  fois sur l’image suivante.

Jean_de_Longeaux

Il lui faut maintenant abandonner « sa selle de cavalier  pour venir chausser les godillots du fantassin »...

Albert de Longeaux doit rejoindre sa nouvelle affectation au cours du mois de décembre 1915. Le 149e R.I. s’apprête à quitter le front de l’Artois, une région où il a été particulièrement malmené durant toute l’année 1915. Albert de Longeaux donnera, là encore, entière satisfaction au responsable du régiment.

Le lieutenant-colonel Abbat note l’appréciation suivante dans son feuillet individuel de campagne : «  Stagiaire au 149e R.I. depuis plus de trois mois. Monsieur le commandant de Longeaux a beaucoup travaillé et appris. Il peut être, sans aucun inconvénient, mis à la tête d’un bataillon, auquel il communiquera son sentiment élevé du devoir. Officier vigoureux, plein de santé, de zèle et de dévouement sur lequel on peut absolument compter. »

Le 9 mars 1916, le commandant de Longeaux est blessé par une balle reçue dans le genou droit, au cours d’une attaque qui a lieu dans le village de Vaux-devant-Damloup près de Verdun. Rapidement évacué vers l’arrière, il est soigné dans un l’hôpital de Chalon-sur-Saône.

Après sa convalescence, il passe ensuite au 95e R.I.T. le 29 juillet 1916. Il rejoint sa nouvelle unité le 3 août pour être mis à la tête d’un des bataillons du régiment. Cette expérience sera de courte durée.

Quelques mois plus tard, le commandant de Longeaux reçoit l’ordre de réintégrer son arme d’origine.

Le 31 août 1916, il assure le commandement du 3e groupe du 8e régiment de chasseurs.

Le 25 janvier 1917, Albert de Longeaux est muté au 1er régiment de Hussards pour commander le 2e groupe.  Il passe à l'état-major de cette unité le 8 avril 1917.

Cet officier est remis à la disposition du ministre en vue de son emploi à l’intérieur (proposé pour être admis à la retraite). Il est maintenu au service dans le cadre des officiers de complément, suite à une décision prise par le général commandant en chef du 10 décembre 1918 et par une application de la décision ministérielle du 5 janvier 1919.

Le commandant de Longeaux est rayé des contrôles de l’armée active par décision présidentielle du 8 mars 1919. Cette décision prend effet le 15.

Il est ensuite nommé chef d’escadron de réserve des services spéciaux du territoire de la 11e Région à partir du  24 novembre 1920.

Le petit sous-lieutenant « mal classé » de Saint-Cyr, représenté comme étant peu doué et sans avenir par ses supérieurs de l’époque, va terminer sa carrière de soldat avec le grade de lieutenant-colonel de réserve.

Albert de Longeaux décède le 16 décembre 1930 à Nantes.

Cet officier a obtenu les décorations suivantes :

Chevalier de la Légion d’honneur le 10 juillet 1907.

Officier de la Légion d’honneur à compter du 1er avril 1917

« Officier supérieur très distingué, au front depuis le début de la campagne, s’est fait remarquer en toutes circonstances par son allant, sa bravoure, son énergie. Une blessure, a déjà été cité.

Croix de guerre avec deux étoiles d’argent et une étoile de bronze

Une citation à l’ordre de la 124e D.I. n° 12 en date du 7 septembre 1915 :

« De juillet au 28 août a exercé le commandement d’une zone de tranchées, s’est consacré avec un zèle infatigable à la préparation minutieuse d’une ouverture de parallèle qui s’est effectuée les 24, 25 et 26, malgré l’action énergique d’un ennemi très rapproché. Par son sentiment du devoir, son mépris du danger et son dévouement absolu, a donné le plus bel exemple qui puisse être proposé. »

Une citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 114 en date du 25 mars 1916 :

« S’est fait remarquer en maintes circonstances par son courage et son mépris du danger. Blessé le 9 mars 1916 d’une balle au genou, a continué, malgré sa blessure, à s’occuper de la direction des premiers éléments de combats »

Une citation à l’ordre du régiment n° 202 en date du 23 décembre 1918.

« Officier supérieur d’un moral très élevé au cœur chaud qui, pendant deux ans,n’a cessé de donner à tous l’exemple le plus complet du dévouement à la patrie. D’un courage admirable, n’hésitant jamais pour entraîner ses hommes, soit dans les tranchées de Régneville, soit, tout dernièrement encore, dans les reconnaissances lancées sur Voharies, à affronter le feu de l’ennemi »

Les autres décorations :

Albert de Longeaux a obtenu le 25 octobre 1896, une médaille d’honneur en argent de 2e classe de la part du ministre de l’Intérieur. Cet officier a sauvé un dragon qui était sur le point de se noyer dans la Seine.

Médaille coloniale avec agrafe « Soudan » en 1898.

Chevalier de l’ordre de l’Étoile noire le 30 juin 1899.

Officier de l’ordre de l’Étoile noire le 21 avril 1902.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photographie de la 3e compagnie de promotion de l’Annam provient de la collection personnelle du général D. de Longeaux.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, au général D. de Longeaux, à  M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

15 avril 2016

Paul Henri Durafour (1889-1916).

Paul DURAFOUR

Paul Henri Durafour voit le jour le 5 avril 1889 dans le petit village de Lélex situé dans le département de l’Ain. Son père se prénomme François Léonard. Il a 44 ans à la naissance de son fils. Facteur, c’est un homme qui est bien connu de tous dans la commune. Sa mère, Marie Suzanne Mallet, est une femme qui exerce le métier de cultivatrice. Elle est âgée de 41 ans.

Devenu adulte, Paul Henri est resté célibataire. Il pratique la profession de lapidaire. Il passe ses journées de travail à tailler des petites pierres fines et précieuses pour révéler leurs éclats et leurs couleurs tout en éliminant leurs défauts.

Ce jeune Lélerand est inscrit sous le numéro 10 du canton de Gex pour la conscription de 1910, année de ses 21 ans. Il est classé dans la 2e partie de la liste lors de son passage devant le conseil de révision. En raison d’une « musculature insuffisante », il se retrouve affecté au service auxiliaire et non au service armé.

Dispensé des exercices difficiles, il ne sera pas véritablement formé à la vie de fantassin. Il sera désigné pour effectuer une fonction administrative ou de service durant son service actif.

Paul Henri Durafour doit rejoindre la ville de Besançon pour accomplir ses devoirs de soldat au 60e R.I. au début du mois d’octobre 1910. Il arrive au régiment le 5 du mois.

Un peu moins de deux ans plus tard, c’est le retour au pays. Il est envoyé en disponibilité avec son certificat de bonne conduite en poche le 27 septembre 1912, puis versé dans la réserve de l’armée active trois jours plus tard.

Lorsque le conflit contre l’Allemagne commence en été 1914, Paul Henri Durafour est bien évidemment rappelé à l’activité militaire. Toujours soldat au service auxiliaire, il n’est pas envoyé dans une unité qui doit partir dans la zone des armées. Appartenant à la 24e section d’infirmiers militaires, il doit rejoindre un poste à l’hôpital de Gray.

Après les hécatombes dans les troupes d’août 1914, l’armée française a besoin d’hommes. La décision est prise de réexaminer la santé de tous les hommes du service auxiliaire… Le 10 novembre 1914, la commission de réforme spéciale de Gray doit statuer sur le sort du soldat Durafour. Comme beaucoup de ses camarades, il se retrouve classé dans le service armé. Paul Henri Durafour va devoir intégrer une unité combattante. 

Le soldat Durafour passe au 149e R.I. le 3 août 1915. Ce régiment combat en Artois, près d’Aix-Noulette, depuis la fin du mois de décembre 1914. Il restera dans ce secteur jusqu’en janvier 1916.

À cette période, le nom de Paul Henri Durafour figure sur la liste du registre des effectifs de la 2e compagnie du 149e R.I.. Au cours de l’hiver 1916, le régiment est engagé dans la bataille de Verdun. Le soldat Durafour ne va pas survivre à cette épreuve. Les circonstances et la date de son décès vont rester un peu floues durant plusieurs années.

En consultant la fiche personnelle de ce soldat sur le site « mémoire des hommes », nous pouvons remarquer une rature et un changement de date concernant sa mort. Celle-ci a été enregistrée une première fois au 23 mars 1916 puis remplacée par celle du 9 mars.

Qu'est-ce qui a pu justifier un tel changement ? L’écart entre les deux dates est tout de même de 19 jours !

Le 5 octobre 1921, cinq ans après sa disparition, le tribunal de Gex valide officiellement son décès à la date du 9 mars.

Comment faire la part des choses pour essayer de comprendre ce qui s’est réellement passé, à défaut de pouvoir consulter son dossier de jugement qui se trouve aux archives départementales de l’Ain ?

La première date figurant sur sa fiche M.D.H. pourrait bien être celle de sa disparition ; moment où le soldat Durafour aurait pu quitter la ligne de front pour tenter de rejoindre le poste de secours après avoir été blessé. L’autre date pourrait correspondre à celle de la découverte de son cadavre reconnu grâce à la lecture de sa plaque d’identité, ou d’un papier comportant une indication sur son identité.

Mais tout ceci ne reste bien évidemment qu’une hypothèse puisqu’il m’est impossible de la vérifier pour l’instant. Seule la lecture du dossier de jugement pourrait nous apporter un éclaircissement.

Le soldat Durafour est actuellement inhumé dans le cimetière national français meusien de Belleray. Sa sépulture porte le numéro 380.

Paul Henri Durafour

Son frère aîné, Sylvain Camille a également été tué dans le secteur du village de Vaux-devant-Damloup. Il servait au 158e R.I., régiment frère de division du 149e R.I., lorsqu’il trouve la mort le 2 avril 1916. Avait-il vu son frère pendant la période qui précède leurs arrivées à Verdun ? A-t-il été informé de la disparition de son frère ? Vu les contacts qui existaient entre les unités proches, c’est hélas fort probable !

Le nom et les prénoms de ces deux hommes ont été gravés sur la plaque commémorative qui est fixée sur le mur de la mairie de Lélex.

Sources :

Le portrait de Paul Henri Durafour provient du site « MémorialGenWeb ».

Les informations concernant ce soldat sont extraites de sa fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales de l’Ain, de sa fiche individuelle vue sur le site « Mémoire des Hommes » et du site « MémorialGenWeb ».

La photographie de la sépulture de Paul Henri Durafour à été réalisée par F. Radet.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à F. Radet, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du département de l’Ain. 

8 avril 2016

Joseph Poulet et André Canque, les camarades de Paul Portier.

Joseph Poulet et André Canque

Joseph Poulet et Louis André Canque, les frères d’armes de Paul Portier ont, tous deux, été évoqués dans le témoignage de ce dernier. Aucun de ces hommes ne rentra au pays après la guerre.

Joseph Poulet (1895-1916).

Joseph voit le jour le 16 septembre 1893, dans la ville de Vienne située dans le département de l’Isère. Il est le fils de Louis et de Marie Augustine Perroud. Ses parents sont de conditions modestes, le père est menuisier et la mère femme de ménage. Très bon élève, il va pouvoir accéder aux études supérieures. Sa fiche matricule nous indique qu’il possède un degré d’instruction de niveau 4. Joseph est étudiant à l’école des beaux-arts de Lyon, dans la section architecture, avant d’être rattrapé par les obligations militaires.

L’année de ses 20 ans, l’étudiant doit se préparer à faire son service militaire. Joseph est inscrit sous le numéro 109 de la liste du canton de Vienne-Sud. De constitution fragile, il se retrouve classé dans la 5e partie de cette liste ; Il est exempté de service militaire en 1913, puis une seconde fois en 1914.

Le 24 octobre 1914, le jeune célibataire doit de nouveau se présenter devant le conseil de révision qui va, cette fois-ci, le reconnaître « bon pour le service armé ». La guerre est là et la France a besoin de soldats.

Joseph Poulet est incorporé le 15 décembre 1914 au 158e R.I. pour y suivre une instruction accélérée. Malheureusement pour nous, sa fiche signalétique et des services reste très succincte. Celle-ci ne nous indique pas la date de son arrivée au 149e R.I.. Seule certitude, en mars 1916, le soldat Poulet fait partie de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I..

La fiche signalétique et des services et l’acte de décès de ce soldat nous font savoir qu’il est mort des suites de ses blessures, au fort de Vaux, le 4 avril 1916.

Après le décès de Joseph, la situation du père est particulièrement difficile. Cet homme, devenu veuf, exerçait la profession d’ébéniste, il n’avait pas d’autre enfant. Un secours de 150 francs lui a été alloué le 11 juillet 1916.

Le nom de cet homme est inscrit sur la plaque commémorative qui est placée à gauche de la nef, en entrant par la grande entrée de la cathédrale Saint-Maurice de Vienne.

Cathedrale_Saint_Maurice_de_Vienne

La localisation de sa sépulture est inconnue. Par contre, les circonstances de sa mort sont racontées dans le témoignage laissé par Paul Portier. Voici ce qu’il écrit :

« Dans la nuit du 4 au 5 avril, avec mon ami Poulet et mon camarade Canque, nous décidons d’aller chercher de l’eau…

… Un obus tombe près de nous sur le bord du parapet. Je suis à demi enterré et mon ami Poulet s’effondre près de moi, frappé à mort. Dans mes bras, il rend le dernier soupir, un gros éclat lui a fait dans le dos une blessure béante… »

Louis André Canque (1893-1918).

Louis André Canque n’a pas été blessé ou touché cette nuit du 4 avril 1916. Né le 12 août 1893 dans le petit village jurassien de Gevingey, il est le fils d’Émile Alphonse Jean Baptiste et de Marie Euphrasie Secretant.

André Canque vit toujours dans sa commune de naissance lorsqu’il reçoit sa convocation pour se présenter devant le conseil de révision de Lons-le-Saunier.

Il est classé dans la 1ère partie de la liste de ce canton. André doit laisser ses outils de paysan pour rejoindre le 149e R.I. le 27 novembre 1913.

Le soldat Canque est toujours à la caserne Courcy lorsque le conflit contre l’Allemagne voit le jour en août 1914.

Sa fiche signalétique et des services est totalement vierge concernant son parcours de soldat. Nous pouvons supposer que cet homme a dû participer, sans aucune blessure grave, à la grande majorité des combats dans lesquels le 149e R.I. a été engagé. Le témoignage de Paul Portier nous fait tout de même savoir qu’il a échappé de justesse à la mort le 4 avril 1916.

Le 1er juin 1918, André Canque décède, après avoir été fait prisonnier, des suites de ses blessures reçues au cours des combats qui se sont déroulés dans le secteur d’Arcy-Sainte-Restitue. C’est dans le Feldlazaret de Courcelles qu’il rend son dernier soupir. Ce soldat est, dans un premier temps, inhumé dans le cimetière de Courcelles, dans une tombe qui porte le n° 23. En janvier 1924, son corps est transféré dans le cimetière national mixte de Vauxbuin dans une sépulture numérotée 855.

Sepulture_Andre_Canque

Le soldat André Canque a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume.

« Soldat énergique et brave. Mort pour la France des suites de ses blessures, le 1er juin 1918. »

Cette citation lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze

Sources :

Témoignage de Paul Portier, soldat du 149e R.I., inédit, collection personnelle.

La fiche signalétique et des services de Joseph Poulet a été consultée sur le site des archives départementales de l’Isère.

Une copie de la fiche signalétique et des services d’André Canque m’a été envoyée par les archives départementales du Jura.

La photographie de la plaque commémorative de la cathédrale Saint-Maurice de Vienne a été réalisée par Y. Voyeaud.

La photographie de la sépulture d’André Canque à été réalisée par J. Baptiste.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Baptiste, à A. Carobbi, à Y. Voyeaud et aux archives départementales de l’Isère et du Jura.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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