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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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9 janvier 2015

Flambeau, Papillon, Blako... "les poilus à quatre pattes" du 149e R.I..

Chien_1

Tout au long de la guerre, de nombreux chiens ont accompagné les régiments. Ils ont souvent été adoptés comme « mascottes » par un petit groupe d’hommes au sein d’une compagnie. Leur rôle ? Peut-être, tout simplement, aider les soldats de tout grade à mieux supporter les moments difficiles de la vie quotidienne, surtout lorsque ceux-ci se trouvent dans les lieux de cantonnement à l’arrière.

Ce fidèle compagnon de l’homme a également été utilisé à des fins plus militaires. Qu’ils soient de noble race ou modestes bâtards, courts sur pattes ou de grande taille, à poil long où à poil ras, ils ont été utilisés pour leur intelligence, leur odorat ou pour leur ouïe, comme sentinelles, comme transporteurs de message ou encore, comme ravitailleurs en apportant armes, munitions et ravitaillement aux fantassins qui se trouvent en premières lignes.

Voici une petite poignée de photographies montrant quelques-uns d’entre eux qui ont « servi » au 149e R.I.. Les missions exercées par les « chiens soldats » décrites précédemment sont difficilement visibles sur ces photos, puisqu’elles ont toutes été réalisées durant des temps de repos.

Ce sont des rôles qui n’ont, à une exception, laissé aucune trace dans les documents concernant le 149e R.I..

Chien_2

Le nom de l’animal visible sur les deux précédentes photographies demeure inconnu. Ces clichés ont été réalisés le 4 juin 1917 dans le petit village picard de Vailly-sur-Aisne, à proximité du chemin des Dames.

Les deux photographies suivantes proviennent de la collection personnelle de J. Huret. Un grand merci à lui pour son autorisation de les publier ici.

Flambeau_1

En juin 1917, un essai de casque peu conventionnel est effectué par le chien Flambeau sous le regard attentif du capitaine Guilleminot dans la carrière du Sourd !

Flambeau_2

Le temps de déclencher l’obturateur de l’appareil photo, il est demandé à Flambeau du 1er bataillon du 149e R.I. de rester bien tranquillement sur une « petite reine ».  Une tâche bien difficile ! Ce cliché a été réalisé en décembre 1917 à Vaudoncourt, une petite commune vosgienne.

Chien_et_brancardier

Encore un canidé dont le nom est resté anonyme. Celui-ci pause fièrement à côté du brancardier Mathieu du 1er bataillon du 149e R.I.. Cette photographie a été prise au cours d’une grand’halte près d’Armentières-sur-Ourcq dans l’Aisne.

Papillon_1

Papillon, le chien de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. en équilibre sur une échelle puis à l’entraînement !

Papillon_2

Paul Megnin dans son livre « Les chiens de France, soldats de la Grande Guerre », évoque une situation concernant un des chiens du 149e R.I..

« … Il arrive que des chiens, qui ont été faits prisonniers, s’évadent ! Témoin celui-ci du 149e R.I., qui en sentinelle au P.C. Albertini, cerné avec son maître par l’ennemi, profite du moment où les Allemands lui enlèvent son collier pour leur fausser compagnie. Il traverse les lignes allemandes et françaises, les barrages amis et ennemis pour rejoindre les lignes. Essoufflé, il rejoint le poste de commandement du sous-secteur qui était son point d’attache. (Rapport d’un chef de bataillon du 149e R.I.) »

Une autre anecdote se trouve dans l’ouvrage « La 43e Division pendant la campagne de 1918 ». Il y a de fortes probabilités pour que ce soit le même événement raconté différemment.

« La prouesse du chien de liaison Blako du 149e R.I., un affreux sang mêlé qui est tombé aux mains d’un groupe d’ennemis, profite du moment où ceux-ci détachent son collier pour prendre ses dépêches, pour leur fausser compagnie et regagner le régiment. »

Sources :

« La 43e Division pendant la campagne de 1918 ». Éditions Mayence, grande imprimerie moderne. 1922

Pour en savoir plus sur le sujet :

« Les chiens de France, soldats de la Grande Guerre ». Ouvrage de Paul Megnin. Éditions Paris Albin Michel.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à J. Huret.

2 janvier 2015

Une petite note qui laisse présager le pire...

                 Marcel_Michelin_4

Une courte note, rédigée à la va-vite, est retrouvée sur le corps du lieutenant Michelin. Celle-ci indique les consignes à suivre en cas de décès… Le texte est écrit en grosses lettres sur deux modestes pages d’un petit carnet, qui sont remises en main propre au capitaine Laure. 

En voici le contenu :

Je serai reconnaissant à celui qui trouvera mes affaires.

1) De prévenir mon frère à la gare de Sens (P.L.M.).

2) De lui remettre ma chaîne de montre comme souvenir

3) De prendre l’argent qui se trouve sur moi. De cet argent, il y a 200 francs à la compagnie. Que l’on envoie le reste à ma famille qui paiera les quelques dettes courantes laissées à Épinal.

Cependant, je désire que l’on laisse 100 francs pour améliorer l’ordinaire de la compagnie.

Jusqu’à ce jour, 13 août, je n’ai pas touché mon indemnité d’entrée en campagne.

Deux lettres sont également retrouvées. La première est adressée à son frère, la seconde à sa mère.

Pour mon frère,

Tu resteras probablement seul avec maman pour la consoler. Dis-lui bien que dans ces crises où se jouent les vies du peuple, il faut que chaque famille soit représentée devant l’ennemi.

Je ferai mon devoir en bon français. Je te quitte, mon cher Maurice, et je t’embrasse de tout mon cœur, avec ta bonne compagne. Chérissez bien maman tous les deux.

Je ne puis pas t’exprimer tout ce que mon cœur contient, mais tu le comprendras facilement sans phrases. Je suis prêt à faire mon devoir jusqu’au dernier sacrifice, comme tu me le conseillerais si tu étais là. J’aurais tout de même bien voulu pouvoir t’embrasser avant de partir. Néanmoins, je le fais maintenant sur cet éperon boisé en face de Sainte-Marie où je viens de passer deux nuits glacées. Je t’embrasse donc de tout cœur dans une suprême et dernière étreinte.

Marcel

Pour ma mère,

Ma bonne maman,

Par ces journées ou par l’instabilité de l’existence, on pense aux êtres qui vous aiment. Mon esprit, dès qu’il est un peu libre, se reporte sans cesse vers toi. Tu ne reçois pas de nouvelles, mais cela n’a rien d’étonnant par ces temps troublés. Néanmoins, chaque jour, je songe à toi.

Marcel

 Dès le lendemain, Auguste Laure prend le temps de rédiger une lettre annonçant la mauvaise nouvelle, au frère de Marcel Michelin.

22 août 1914

Cher Monsieur,

La seule vue d’une écriture inconnue va vous donner des inquiétudes…

Aussi bien, je n’oublierai pas que j’écris à un homme, et pour lui parler d’un homme ! Vous voudrez bien m’excuser de le faire aussi carrément, en soldat, mais en ces temps douloureux, combien de nouvelles comme celle-ci frapperont au cœur des foyers aussi soudainement que les balles sur le champ de bataille !

Votre frère, votre pauvre frère, que j’aimais d’une affection profonde, est tombé hier, frappé d’une balle en pleine poitrine, alors qu’il accomplissait, avec un courage faisant l’admiration de tous ses hommes, une mission difficile confiée à la 10e compagnie, sous ses ordres.

Il était chargé d’assurer un repli du bataillon à un moment où celui-ci,  attaqué avec une impétuosité foudroyante, était menacé d’une véritable débâcle.

Grâce à lui, grâce à la froide et merveilleuse énergie avec laquelle il a su clouer au sol tous ses hommes pour couvrir notre mouvement de retraite, grâce au sacrifice qu’il a fait de sa vie en donnant ses ordres debout pour qu’ils soient mieux entendus, le bataillon a été sauvé.

À sa mémoire, je dois donc d’abord un remerciement ému. À son souvenir, j’attacherai celui d’un exemple qui restera toujours fixé devant mes yeux, nous ses chefs ou ses soldats. La profonde affection qu’il inspirait à sa troupe a permis qu’il ne fût pas abandonné sur le champ de bataille.  Sage, son ancien ordonnance l’a relevé, l’a transporté à l’ambulance. Il l’a remis entre les mains des médecins avec un dévouement et une fidélité que je ne saurais trop vous dire.

Je ne puis encore vous faire savoir où sa dépouille a été d’abord transportée, mais vous en serez avisé et vous recevrez, par les soins de l’autorité militaire, tous les renseignements qui vous sont indispensables, ainsi que les papiers ou l’argent qui auront été trouvés sur votre frère.

Veuillez bien, mon cher et pauvre Monsieur, exprimer à Madame votre mère, en lui apprenant la terrible nouvelle, l’hommage de mes condoléances les plus profondément respectueuses. Dites-lui que son fils est tombé magnifiquement en homme et en soldat, en lui adressant sa dernière pensée,  remerciez-la pour l’armée et pour le pays, du courage avec lequel elle acceptera ce sacrifice. Agréez, je vous prie, Monsieur, l’assurance de ma plus profonde sympathie.

Auguste Laure

Dans l’impossibilité de poster son courrier, le capitaine Laure en écrit une seconde quelques jours plus tard.

Paray-le-Monial le 27 août 1914

Monsieur,

Je vous envoie d’ici, où je viens d’arriver blessé, la lettre que je vous ai écrite il y a quelques jours déjà, pour vous annoncer la douloureuse nouvelle relative à votre frère. Nous avons été tellement bousculés depuis lors que nous n’avons pu envoyer aucune correspondance ! Ne m’en veuillez pas de ce retard, croyez que les horreurs de la guerre se sont, hélas ! abattues encore sur bien d’autres familles depuis que je vous écrivais. Veuillez bien trouver en moi, le meilleur ami, l’affection la plus sûre et la plus dévouée qu’ait pu s’assurer votre cher et si regretté frère.

Je vous parle dans ma lettre du soldat Sage, qui a retiré du feu le corps de son officier. Votre frère l’aimait beaucoup et lui avait promis un souvenir. Je lui ai remis provisoirement,et jusqu’à votre approbation, la montre de votre frère, détachée de la chaîne, que votre frère a spécifié dans ses notes, vous être destinée.

En me répondant, vous voudrez bien me faire connaître si vous approuvez. Je suis pour une huitaine de jours à Paray-le-Monial, puis je rejoindrai le 149e R.I.

Je vous reste redevable de la somme de 350 francs. Je pense qu’il est préférable d’attendre pour vous l’envoyer. Les papiers que je porte sur moi spécifient nettement qu’elle vous appartient.

Auguste Laure

Après inventaire, la cantine contenant les effets personnels du lieutenant Michelin est expédiée à la gare de Sens, pour être restituée à la famille.

Inventaire_de_la_cantine_du_lieutenant_Marcel_Michelin

Sources :

Les lettres rédigées par le capitaine Laure et par lieutenant Michelin ainsi que l’inventaire de la cantine ont été communiqués les descendants de la famille de Marcel Michelin.

Pour en savoir plus sur le capitaine Laure, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Auguste_Laure_1

Un grand merci à M. Bordes, à A.M. et G Lalau, à A. Carobbi et  à M. Porcher.

26 décembre 2014

Hippolyte Journoud, un talent foudroyé...

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Un livre vient de paraître, consacré à Hippolyte Journoud, jeune peintre lyonnais plein de promesses, mort au Chemin des Dames le 21 juin 1917.

 

« UN TALENT FOUDROYÉ » 

 Hippolyte Journoud peintre lyonnais, tué au Chemin des Dames.
Auteur : Henry Destour

Grâce à la riche documentation aimablement communiquée par sa famille, l’ouvrage présente une cinquantaine de dessins au fusain, des photos, des correspondances. On retrouve l’enfant, l’étudiant aux Beaux-Arts de Lyon, le jeune homme dans la bohème parisienne. En septembre 1914, il doit abandonner son chevalet et ses pinceaux pour le Lebel et l’as de carreau. Il est incorporé au 149e Régiment d’Infanterie auquel il appartiendra jusqu’à sa mort à Jouy. On partage ses craintes et ses espoirs de poilu à travers les lettres échangées avec ses cousins également mobilisés et sa marraine de guerre. On rencontre également sa famille, originaire de Saint-Genis-Terrrenoire aujourd’hui Genilac et dont la guerre et la mort vont briser les rêves.

Un_talent_foudroy___2_

Pour celles et ceux qui souhaiteraient commander l’ouvrage, voici les coordonnées de l’auteur :

Bon_de_commande_livre_Hippolyte_Journoud

26 décembre 2014

Hippolyte Journoud (1894-1917).

Hippolyte_Journoud_1

Un très grand merci à la famille descendante d’Hippolyte Journoud et à Henry Destour sans qui cette notice biographique n’aurait pas pu voir le jour.

Enfance et adolescence

Hippolyte Jean Antoine Journoud voit le jour à Lyon, le 13 août 1894, dans un appartement situé au n° 6 de la rue d’Aguesseau. Il est le fils de Jean Claude Journoud et de Clémentine Perette Albert. À sa naissance, son père, âgé de 34 ans, est comptable indépendant. Sa mère, âgée de 26 ans, est ménagère. De l’union de Jean Claude et de Clémentine naît, en 1898, une petite fille qu’ils prénomment Germaine ; elle prononcera ses vœux de religieuse en 1932 et rejoindra la communauté de l’Oeuvre du Prado.

Dès son plus jeune âge, Hippolyte se passionne pour la représentation graphique. Il se met à lire avec avidité tous les livres d’images qui lui tombent entre les mains et commence très tôt à s’exercer au dessin. Ses parents, remarquant l’intérêt qu’il porte pour le 3e art, décident de l’inscrire en classe préparatoire à l’École nationale des Beaux-arts de Lyon où il entre en 1908. Il y a pour maîtres Castex-Dégrange et Auguste Morisot. Il suit également les cours du peintre Tony Tollet à l’école municipale de dessin du « Petit collège ».

Tout au long de sa formation, le jeune élève fait un excellent travail et reçoit, chaque année, de nouvelles récompenses. En 1912, il obtient une bourse de voyage qui lui est attribuée par la chambre de commerce de la ville de Lyon. Cette somme allouée lui offre l’opportunité de découvrir, pour la première fois de son existence, la Provence d’où il va ramener une multitude de dessins. Sa scolarité se termine en 1913.

Jeunesse

Une fois ses études terminées, le jeune Hippolyte décide de venir s’installer à Paris pour rejoindre son ami Raoul Servant, son « inséparable frère » qui partage la même passion pour la peinture. Ils logent tous les deux dans une toute petite pièce qui leur sert à la fois d’atelier et de lieu de vie. Au cours de cette période, le jeune artiste exerce ses talents en réalisant plusieurs œuvres ; « Le marché des fleurs », « Les deux sœurs », « Notre Dame-de-Paris », « Le port au sable du quai Malaquais » et « Romantisme » qui restera son dernier tableau réalisé avant le déclenchement du conflit.

Il est l’heure pour Hippolyte d’abandonner les pinceaux et de les remplacer par le lebel.

Groupe_149e_R

Au 149e R.I.

La fiche signalétique et des services d’Hippolyte nous donne quelques précieuses informations sur son parcours de soldat. Entre autres, celle-ci nous fait savoir que le futur fantassin de 2e classe Journoud est affecté au 149e R.I. et qu’il doit arriver au corps le 8 septembre 1914.

Le temps de son instruction, de septembre 1914 à son départ au front, il est à la 25e compagnie du dépôt du 149e R.I. La photographie de groupe visible ci-dessus a été prise à Jorquenay pendant cette période, soit à l’occasion d’un exercice (ce qui est peu probable, vu l’absence de toutes traces de salissure sur les uniformes), soit après l’équipement au lieu de cantonnement (d’où la présence d’une jeune fille ou d’une femme).

En novembre 1914, dans une lettre rédigée à l’intention d’un de ses cousins, il annonce son départ imminent pour le front. Pour lui, la guerre va commencer en Belgique.

Début 1915, son régiment quitte la région d’Ypres pour venir s’installer en Artois, dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Hippolyte Journoud, soldat de la 5e compagnie du régiment, est blessé, tout comme son chef de compagnie, le lieutenant Paul Isler et 32 de ses compagnons d’infortune, le 10 mai 1915. Quelques éclats d’obus sont venus se loger dans son cuir chevelu. Cette blessure le fait évacuer vers l’arrière. Après avoir subi les premiers soins, il est envoyé en convalescence pour une courte période, près de Villedieu, une petite commune normande.

Un bref moment de repos à Épinal en mai juin 1915 lui permet de réaliser quelques croquis. La Moselle, les jardins, l’église Saint-Maurice lui fournissent l’occasion de sortir plusieurs fois les fusains… Puis, c’est le retour au front.

Au cours de l’hiver 1915, de graves problèmes de gelures aux mains le font à nouveau quitter la zone des combats. Hippolyte Journoud est soigné dans un premier temps à Ohlain, puis à Berk-Plage. Depuis ce lieu, il envoie à sa famille le petit courrier suivant :

« Je vais pouvoir me reposer tout à mon aise. Je n’en pouvais plus. Cette boue, la pluie, les fatigues m’avaient anéanti… »

Cette courte phrase en dit vraiment long sur l’état moral du jeune homme… Celui-ci quitte l’hôpital fin mars 1916 alors que ses camarades de régiment subissent l’enfer meusien dans le secteur du fort de Vaux…

Hippolyte rejoint le 149e R.I., après une brève convalescence qui lui permet de revoir la famille, les amis et certains de ses anciens professeurs.

Hippolyte_Journoud_posant_devant_son_dernier_tableau

Avril 1917, le 149e R.I. se trouve dans le secteur de Villersexel. L’artiste est sollicité par le lieutenant-colonel Paul Francis Pineau qui lui demande de réaliser un rideau de scène pour le théâtre de son régiment. Tout heureux de retrouver sa palette et ses pinceaux, c’est un véritable moment de bonheur pour le jeune peintre de pouvoir à nouveau s’adonner à son art.

Theatre_du_149e_R

Le soldat Journoud se trouve à la C.H.R. lorsqu’il décède le 21 juin 1917 par suite de plaie due à des éclats d’obus reçus dans la région des reins. Ce jour-là, il exerce ses fonctions de télégraphiste dans un petit poste avancé qui se trouve dans le secteur de Jouy, une commune située dans le département de l’Aisne. Plusieurs de ses camarades trouvent la mort en même temps que lui.

Les sergents Henri Edmond Arfeuille et Raoul Guillaume Florent Arnal, tous deux du 149e R.I. confirment sont décès.

Hippolyte partage le même terrible destin que son ami le peintre Raoul Servant, tué en septembre 1915, en Champagne.

Le jeune homme est, dans un premier temps, enterré dans le cimetière de Ciry-Salsogne sous une croix de bois qui porte le n° 29. Il repose actuellement dans le caveau familial du petit cimetière de Saint-Genis-Terrenoire, devenu Genilac en 1973.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la ville de Lyon, parc de la Tête d’or, et sur celui de Saint-Genis.

Citation à  l’ordre du régiment n° 53 en date du 27 juin 1917 :

« Soldat courageux et dévoué, tombé glorieusement à son poste de combat le 21 juin 1917. Mort pour la France »

La Médaille militaire lui est attribuée à titre posthume.

Hippolyte_Journoud_2

Tout au long du conflit, Hippolyte Journoud va réaliser de nombreux dessins. Ses croquis montrent des paysages, des destructions dues à la guerre, des scènes de vie quotidienne dans les tranchées qui laissent percevoir une grande sensibilité chez le jeune homme. Ses œuvres ont été exposées à Lyon, en 1919, à la Galerie des deux collines. Toujours en 1919, un certain nombre ont pu être rassemblées dans un ouvrage édité à l’initiative de son père et tiré à un nombre réduit d’exemplaires.

La_manille

Sources :

La fiche signalétique et des services d’Hippolyte Journoud a été consultée sur le site des archives départementales de la ville de Lyon.

L’acte de naissance d’Hippolyte Journoud a été trouvé sur le site des archives municipales de Lyon.

Ouvrage :

« Hippolyte Journoud » Imprimerie de la maison des deux collines. XXXII phototypies 1919.

Les deux dessins « Artois 1915 le départ pour la relève » et « Manille » proviennent de cet ouvrage.

Articles de revues :

Article de journal de Lyon « le salut public » Samedi 22 février 1919.

Hippolyte Journoud, peintre méconnu. Article de  A. Pouilloux, in « Aujourd’hui Genilac » n°31, avril 1993.

Genilac : Bulletin d’informations n° 91. Février 2014.

Le peintre lyonnais Hippolyte Journoud (1894-1917) un jeune talent victime de la Grande Guerre. Article de Jean Burdy.  Mémoire des pays du Gier.  A.R.R.H., numéro 23. Année 2012.

Un grand merci à M. Bordes, à la famille Aupetit, à A. Carobbi et à H. Destour.

19 décembre 2014

Carnet du lieutenant Marcel Michelin.

Dessin_S

Un chaleureux merci à la famille descendante de Marcel Michelin pour m’avoir donné l’autorisation de reproduire ici l’intégralité du témoignage laissé par cet officier.

Ma cordiale reconnaissance à M. Porcher pour m’avoir mis en relation avec eux.

Une amicale poignée de main à S. Agosto pour la réalisation de ce dessin illustrant une scène évoquée dans le témoignage de Marcel Michelin.

Un petit carnet retrouvé dans les effets personnels du lieutenant Michelin nous raconte le départ du 149e R.I. depuis la caserne Courcy, la montée des troupes dans les trains à la gare d’Épinal, les longues marches pour rejoindre la frontière allemande et les tout débuts du conflit.

31 juillet 1914

L’alerte attendue depuis le départ du Valdahon arrive enfin. À 2 heures du matin, mon ordonnance vient me réveiller. Le régiment se mobilise. Ma cantine est prête, il ne me reste qu’à me mettre en tenue de campagne et à monter. Un flot de pensées me traverse l’esprit, mes parents laissés à l’intérieur et qui resteront sans nouvelles. La revanche tant souhaitée, tant attendue et dont l’heure semblait enfin sonnée. Espérons que nous prendrons l’offensive et que bientôt, nous dévalerons les pentes alsaciennes, fiers de montrer à ces sympathiques populations, que la race française n’a pas guéri.

Au quartier, il y a une animation sans pareille. Néanmoins, toutes les opérations se passent dans le calme le plus absolu. On se croirait à un exercice qui finira quelques heures après.

Devant le quartier, les parents des soldats, les femmes et les enfants des sous-officiers viennent embrasser leur fils, leur mari ou leur père. Qui sait ? Ce sera peut-être la dernière fois.

À 9 heures, le colonel passe la revue, on se croirait à la parade. Le lieutenant-colonel Escallon est présenté aux troupes, puis les officiers descendent en ville par moitié. Ils ont deux heures pour déjeuner. Une grande gaieté règne à la table des lieutenants. C’est la dernière fois que nous sommes réunis, aussi débouchons-nous quelques bouteilles, puis rapidement nous remontons vers le quartier. Nous attendons toute la journée. À 7 heures du soir, le télégramme de couverture arrive. Nous allons partir !

1er août 1914

La 10e compagnie étant de jour, je suis désigné pour commander la garde de police. Je constate à la gare, le même calme qu’hier à la caserne. L’équipe d’embarquement fonctionne comme nous embarquerions pour une manœuvre. Le général de brigade monte dans notre train.

À 4 heures 30, le convoi s’ébranle. Cependant, nous nous arrêtons encore quelques instants dans la gare d’Épinal. Sur le quai, le lieutenant Ranger reconnait sa femme et sa petite fille, qui s’en vont elles aussi vers l’intérieur, n’attendant pas l’évacuation de la ville. J’admire cet homme qui a assez de sang froid pour cacher la vérité à sa femme, dont le visage ne trahit aucun sentiment et qui embrasse sa petite fille sans que personne ne puisse se douter que ce sera peut-être la dernière fois !

Gare_Epinal_carnet_Marcel_Michelin

Nous arrivons à Bruyères où nous débarquons. Tout le long de la route, les populations nous acclamèrent. On sentait vraiment que la guerre avait passé là, il y a quarante-quatre ans.

Carte_1_carnet_Marcel_Michelin

À 16 heures, la mobilisation est décrétée. Il faut admirer ces gens qui lisant l’affiche se retournaient tranquillement, embrassant leurs femmes et leurs enfants, puis obéissant immédiatement à leurs fascicules.

Je passe la nuit au corps de garde. À chaque instant, les sentinelles arrêtent des personnes que je dois interroger. Cela rend le service un peu moins monotone. Les nouvelles les plus fantaisistes commencent à circuler. Le 158e R.I. aurait, parait-il, déjà tiré. Cela me parait bien extraordinaire.

2 août 1914

Je suis relevé de garde à 5 heures par le lieutenant Bruzon. Je fais rentrer ma section dans son cantonnement. Le capitaine me permet de m’allonger sur son lit. J’en ai bien besoin. C’était la 3e nuit que pour ainsi dire je n’avais pas dormi. Nous passons la journée à Bruyères.

3 août 1914

À 3 heures 30, mon ordonnance vient me réveiller. Il faut se tenir prêt à partir. Le bataillon est bientôt rassemblé et nous attendons les nouvelles avec impatience.

Enfin, l’ordre du corps d’armée arrive. Nous devons nous porter sur Corcieux et attendre l’artillerie de corps. Nous quittons Bruyères à 8 heures. La chaleur est torride. Les hommes peinent de façon extraordinaire. Les habitants mettent des seaux le long de la route. Ils feraient mieux de s’en abstenir ! Certains hommes boivent jusqu’à deux ou trois litres d’eau en peu de temps. Cela les exténue davantage. D’autres sont atteints de coups de chaleur. Le capitaine réquisitionne deux voitures pour porter les sacs des plus fatigués. Je ne puis m’empêcher de comparer cette marche à celle qu’effectua le 5e corps prussien, le 5 août 1870. Elle est en tous points semblable. Rassemblements prématurés, attente d’une longueur excessive, les hommes boivent parce qu’ils ne savent que faire. En route, ils ne sont pas assez raisonnables pour seulement se rincer la bouche.

Le soir, je vais reprendre la garde à la ferme des Echères.

Carte_2_carnet_Marcel_Michelin

4 août 1914

Ce matin, nous recevons nos réservistes, ce qui porte notre compagnie à 250 hommes. Vers huit heures, le commandant nous rejoint à la ferme des Echères et nous nous portons vers le village la Côte, où nous passons la journée.

À 15 heures, un télégramme officiel nous apprend la déclaration de la guerre.

5 août 1914

La compagnie est relevée de ses avant-postes par la 11e compagnie. Nous regagnons la réserve à Vanémont. Nous apprenons que l’Angleterre mobilise, que le 152e R.I. est déjà rentré en Alsace. Quand aurons-nous cet honneur ? Nous avons reçu le sous-lieutenant le Brigant, fraîchement promu de Saint-Maixent. Quel beau début de carrière !

6 août 1914

À 1 heure du matin, nous sommes réveillés. Nous partons pour Saulcy-sur-Meurthe. Une pluie diluvienne s’abat sur nous. Néanmoins, les hommes conservent leur gaieté. Je dois de nouveau prendre les avant-postes  près de la ferme Corneille. Mais la journée se passe aussi monotone que les autres. Le 10e bataillon de chasseurs a parait-il tués quelques uhlans. Le maire de Saales a été fusillé ainsi que celui de  Neuvillers-sur-Fave. Les Belges auraient, parait-il, repoussé les Allemands devant Liège. Telles sont les nouvelles. Quand marcherons-nous sur l’Alsace ?

Carte_3_carnet_Marcel_Michelin

7 août 1914

Nous restons sur les emplacements de la veille.

8 août 1914

Nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir. À midi, nous partons pour la Croix-aux-Mines. Vers 16 heures, nous repartons cette fois pour la frontière.

Nous passons la frontière près du col de la Grande Cude. Le bataillon s’arrête sur la crête. Comme l’on ne sait pas où est le 31e B.C.P., je suis envoyé en reconnaissance avec quatre hommes afin de le découvrir.

Après avoir fait 2 kilomètres en Alsace, nous arrivons près d’une ferme à l’est d’Hochbrück où se trouve une section de chasseurs. Je remets au lieutenant le pli dont j’étais chargé pour le commandant du 31e B.C.P., puis je retrouve la section du lieutenant le Brigant qui devait reconnaitre un éperon boisé dominant Sainte-Marie-aux-Mines. Nous restons ainsi jusqu’à onze heures du soir, heure à laquelle nous recevons l’ordre de rejoindre la compagnie. Il fait un froid terrible pendant cette nuit. Aussi, le matin, nous nous réveillons tout transis.

Carte_4_carnet_Marcel_Michelin

9 août 1914

Vers 4 heures du matin, nous nous réveillons pour aller occuper l’éperon boisé. J’étais déjà venu la veille avec le sous-lieutenant le Brigant. Nous restons sur cet éperon toute la journée sans recevoir de ravitaillement. On entame les vivres de réserve.

Toute la journée, le canon a tonné de part et d’autre. Ses obus sifflent et éclatent presque sans discontinuer.

Sur le mamelon qui nous fait face et qui domine la route du col à Sainte-Marie, une fusillade intense se poursuit toute la journée et ne cesse qu’à la nuit. Nous passons la nuit sur le même éperon, toujours le même froid, aucun ravitaillement.

10 août 1914

Vers 8 heures du matin, je suis appelé vers la lisière du bois. Quelques patrouilleurs prussiens montent la crête. Mes hommes tirent sur ces tirailleurs. Aussitôt, une batterie prussienne ouvre le feu sur nous.

Pendant quelques minutes, les obus pleuvent sur nous, les hommes baissent la tête. Enfin, le cercle de feu s’élargit. Nous n’avons eu qu’un blessé. Le soleil se met à darder, une chaleur torride s’abat sur nous et nous restons sur la position jusqu’à 13 heures.

A treize heures, nous sommes relevés. Nous laissons quelques patrouilles et nous attendons.

Un moment, nous avons eu l’espoir d’être relevés sur notre position. Mais il a fallu bientôt laisser cette espérance s’envoler. Ce soir, nous nous attendions à réentendre le canon allemand, mais nous nous couchons sans avoir à l’écouter. À minuit, nous sommes réveillés, il parait que nous allons être relevés par un bataillon du 75e R.I..

En effet, nous partons et nous allons bivouaquer à quelques centaines de mètres du col et nous attendons.

11 août 1914

Au réveil, de nouvelles rafales éclatent et pendant une demi-heure, il faut rester tapis. Nous sommes tranquilles jusqu’à midi, heure à laquelle la danse recommence.

Cependant, notre artillerie semble avoir pris une large supériorité. Vers le soir, de nouvelles rafales éclatent sur nous, les hommes se glissent sous les maigres branchages qui leur servent d’abri. De nouveau les obus cessent de pleuvoir. Nous nous portons alors à la lisière et nous organisons une tranchée. Nous rentrons à minuit.

12 août 1914

 Nous partons pour Bertrimoutier où nous restons une partie de la journée. Beaucoup d’officiers et d’hommes ont été perdus dans le combat de dimanche dernier près du Renclos-des-Vaches. Les lieutenants Bedos, Dezitter, Camus, le commandant de Sury et bien d’autres manquent à l’appel. Ce sera peut-être notre tour demain. Le soir, nous repartons et nous allons cantonner à Colroy-la-Grande après une marche de nuit. Nous avons appris que le quartier général était à Saales. Il est donc probable que nous allons repasser la frontière.

Carte_5_carnet_Marcel_Michelin

13 août 1914

Nous allons cantonner à Provenchères.

14 août 1914

Nous nous portons de Provenchères sur le col de Saales que nous franchissons. Chacun respirait de la fraîcheur en Alsace.

Les hommes en oubliaient presque le chargement. Le 3e bataillon est désigné pour se porter de Bourg Bruche vers les Hauts-de-Steige. Il doit servir de liaison entre le 21e et le 14e C.A.. Arrivés près de Steige, le commandant tombe blessé mortellement.

Carte_6_carnet_Marcel_Michelin

15 août 1914

Nous restons sur notre position des Hauts-de-Steige. Le bataillon est placé sous les ordres du général Vittel ( ?). Vers 11 heures du matin, le village est bombardé, une de ses maisons prend feu. Le soir, nouveau bombardement.

Quelques Allemands quittent leurs tranchées et s’enfuient.

À la nuit, une pluie diluvienne s’abat sur nous. Les modestes abris de branches et de feuilles construits par les hommes sont vite traversés. Le matin, nous nous levons absolument transis et mouillés.

16 août 1914

Nous restons sur notre position de Hauts-de-Steige, la pluie continue à tomber. Nous n’avons plus un fil de sec. Le soir nous allons cantonner à la Salcée pour servir de soutien à l’artillerie qui se retire dans le pays.

Le capitaine Laure prend le commandement du bataillon. Provisoirement, je dois commander la compagnie, devoir dont malgré ma grande inexpérience j’essayerai d’accomplir du mieux possible. Ce matin en passant Saales, j’étais assez violemment ému, d’abord pour les souvenirs historiques et aussi parce que je suis déjà passé là aux dernières permissions de la Pentecôte à la suite de notre excursion à Sainte-Odile et Barr. Ce n’était plus en fugitifs que les officiers passaient la frontière. Nous sommes renforcés vers le soir, par un bataillon du 158e  R.I.. La nuit se passe sans incident.

17 août 1914

Nous revenons vers les Hauts-de-Steige. Nous attendons avec impatience d’être relevés de cette position. Le soir, l’ordre arrive et nous allons cantonner à Ranrupt.

18 août 1914

Nous quittons Ranrupt vers 3 heures du matin et prenons la route de Schirmeck puis celle de Donon. La montée du Donon est très dure. Beaucoup d’hommes restent en route avant d’arriver dans le haut où nous faisons la grand’ halte. Spectacle lamentable d’une colonne s’égrenant tout le long d’une route sans qu’aucune force humaine puisse y remédier.

Nous bivouaquons près de l’hôtel Velleda. Le soir, tous les officiers du bataillon se réunissent. Il y a bien longtemps que pareille joie nous avait été réservée…

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Tels sont les derniers mots écrits par le lieutenant Marcel Michelin. Il fut tué le 21 août 1914, près de la Valette, un petit hameau situé au nord d’Abreschviller, sans avoir pu écrire une nouvelle fois dans son carnet.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à M. Porcher, et à la famille descendante de Marcel Michelin. 

12 décembre 2014

Lettres de Marcel Michelin à sa mère.

Marcel_Michelin_2

La campagne contre l’Allemagne effectuée par le lieutenant Marcel Michelin est brève. Au cours de cette courte période, qui a duré un peu plus de trois semaines, il rédige trois lettres qui sont toutes adressées à sa mère. La dernière a été écrite la veille de sa mort.

Tous mes remerciements à la famille descendante du lieutenant Michelin pour leur autorisation de publier ici ces quelques lettres.

Lettre du 13 août 1914

Ma chère maman,

Je ne sais pas exactement où tu te trouves. En tout cas, j’envoie cette carte à Sens. Vous n’avez pas encore reçu de mes nouvelles parce que nous n’avons pas arrêté depuis notre départ d’Épinal. Nous avons été engagés pendant trois jours consécutifs. Enfin, la poste ne fonctionnant pas très bien, il est probable que même cette carte arrivera avec beaucoup de retard.

Pour m’écrire, il faut adresser les lettres de la façon suivante :

Lieutenant Michelin – 10e compagnie du 149e R.I. par Langres.

Jusqu’à présent, je me porte à ravir. Espérons que cela continuera. Surtout, ne te fais pas trop de mauvais sang, surtout si tu ne reçois pas de nouvelles, car cela n’a rien d’extraordinaire.

Je vous embrasse bien fort tous les trois.

Marcel Michelin

Lettre du 18 août 1914

Ma bonne maman,

Depuis ma dernière lettre, pas mal de pérégrinations. Nous sommes de nouveau rentrés en Alsace par le col de Saales et pendant 4 jours nous avons tenu une position près du Haut-de-Steige. Notre brave commandant a trouvé la mort dans ces escarmouches. Mon capitaine a pris le commandement du bataillon et moi celui de la compagnie. C’est un commandement un peu lourd pour un jeune officier, mais enfin, je ferai mon possible pour m’en tirer avec honneur.

La vie de campagne, comme tu t’en doutes, est totalement différente de celle du temps de paix. Non seulement à cause des balles ou des obus, mais aussi à cause des privations que l’on endure.

Depuis mon départ d’Épinal, je n’ai couché qu’une seule fois dans un lit et 3 ou 4 fois dans le foin, le reste du temps sur l’herbe ou la terre. On ne mange plus aux heures régulières, mais quand on peut, un mauvais morceau de viande avec du pain dur. Je suis privé de légumes. Une chose me frappe encore, c’est la facilité avec laquelle on s’habitue à toutes ces misères, à tel point qu’un verre de vin, de loin en loin, nous semble un délice digne des rois.

Surtout après ces descriptions, ne te mets pas martel en tête, ne t’imagine pas que je suis malheureux. Une seule chose me manque, c’est vous. Il me semble qu’il y  a une éternité que nous nous sommes quittés.

Dans le cas où vous n’auriez pas reçu ma dernière lettre, pour m’écrire, il faut m’adresser les lettres de la façon suivante :

Lieutenant Michelin – 10e compagnie du 149e R.I. par Langres.

Je te quitte, ma bonne maman et t’embrasse bien sur les deux joues ainsi que Maurice et Suzanne.

Marcel Michelin

Lettre du 20 août 1914

Ma bonne maman,

Je reçois ce matin une lettre de Suzanne. Je ne suis pas étonné, outre mesure, de voir que vous n’avez encore rien reçu. En questionnant les autres officiers, je m’aperçois qu’ils sont à la même enseigne. Les lettres ont énormément de retard. Ne vous inquiétez donc pas.

Je voudrais bien vous donner quelques détails sur nos propres opérations, mais c’est formellement interdit, car le courrier peut être saisi et il ne faut donner aucun renseignement à l’ennemi.

Nous avons la chance de faire la guerre en pays ennemi, ce qui n’appauvrit pas le nôtre, au contraire. Il faut souhaiter que le beau temps continue,car coucher dehors, sans abri, ce n’est pas drôle sous la pluie.

Les canons tonnent toujours, les fusils aussi. Les hommes n’ont presque plus rien de réglementaire et l’on emploie largement ce que l’on trouve sur les Allemands (Sacs, sceaux, couvertures, marmites…)

Jusqu’à présent, je n’ai pas eu la moindre indisposition. Je pense que vous vous portez bien et que vous ne souffrez pas beaucoup de la crise.

Bons baisers à vous trois.

Marcel Michelin

Sources :

Les lettres et la carte d’identité du lieutenant Marcel Michelin ont été communiquées par les descendants de cet officier.

Un grand merci à M. Bordes, à A.M. et G. Lalau et à M. Porcher.

5 décembre 2014

Marcel Michelin (1888-1914).

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Marcel Michelin voit le jour le 25 octobre 1888 au 38e bis du boulevard Saint-Marcel à Paris. Son acte de naissance est enregistré à la mairie du Panthéon située dans le 5e arrondissement de la capitale. À cette époque, son père, Antoine Henri, âgé de 45 ans, travaille comme chef de bureau aux chemins de fer de Lyon. Sa mère, Jeanne Charlotte Meillier a 32 ans. Elle n’exerce pas de profession.

Après avoir obtenu son baccalauréat ès sciences, langues vivantes et mathématiques, le jeune Marcel souhaite faire une carrière militaire. Il quitte le domicile de sa mère, pour venir signer un engagement volontaire d’une durée de quatre ans à la mairie du 12e arrondissement de Paris, le 7 octobre 1909. Il n’a pas encore fêté ses 20 ans. Il doit maintenant se mettre en route pour rejoindre la ville d’Auxonne. Trois jours plus tard, il intègre le 10e R.I. comme simple soldat.       

Admis à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr par décision ministérielle du 19 septembre 1909, il quitte la caserne Chambure pour commencer sa formation d’officier à la mi-octobre 1910. Marcel Michelin intègre la promotion de Fez avec le grade d’aspirant.

Au cours de ses deux années d’études, le jeune homme sera sanctionné à quatre reprises. Toutes ces punitions lui seront infligées par son capitaine de groupe. Celles-ci nous donnent une idée assez précise de ce que pouvaient vivre au quotidien des élèves de Saint-Cyr. Les notions de responsabilité et de sécurité sont vraiment prises très au sérieux par l’ensemble des encadrants. Elles font parties intégrantes de la formation des futurs officiers.

Le 5 janvier 1911, son supérieur lui impose une punition de 4 jours d’arrêts simples. L’aspirant Michelin ne s’est pas conformé aux instructions données par son capitaine pour l’exécution du tir à la cible.

Le 2 mai de la même année, Marcel Michelin reçoit un avertissement. Cette fois-ci,  il lui est reproché de ne pas avoir signalé les dégradations survenues dans la salle des jeux, alors qu’il en était le fonctionnaire fourrier responsable.

Le 25 octobre 1912, une sanction un peu plus sévère lui vaut 8 jours d’arrêts simples. Son capitaine fait savoir que son subordonné n’a pas pu rendre compte des circonstances dans lesquelles avait disparu la clef servant, en cas d’incendie, à ouvrir la porte qui sépare la salle Magenta des locaux disciplinaires.

Le 10 novembre 1912, il est puni d’un jour d’arrêts simples pour avoir placé,sur la case, une paire de chaussures insuffisamment nettoyées.

Nommé sous-lieutenant au 149e R.I. dès sa sortie de l’école, le jeune homme doit rejoindre son nouveau régiment le 1er octobre 1912. Un an plus tard, jour pour jour, il peut coudre sur sa  vareuse ses galons de lieutenant.

Marcel Michelin est décrit par ses supérieurs comme étant un officier intelligent et cultivé. Une timidité due à son jeune âge et à son manque d’assurance le gêne encore un peu dans l’art du commandement. Il doit acquérir de l’expérience… seul le temps pourra le permettre.

En 1913, des soucis de santé viennent interrompre momentanément sa carrière. Il doit prendre un congé de convalescence d’une durée de deux mois, après avoir fait un séjour à l’hôpital. Remis sur pieds, il retrouve son régiment à temps pour participer aux manœuvres d’automne. Au cours de ces exercices, il s’applique à remplir toutes les missions qui lui sont assignées avec zèle et conscience. Le commandant du régiment dit de lui qu’il a tout ce qu’il faut pour devenir un excellent officier.

Mais le cours de l’histoire va en décider autrement ! Fin juillet 1914, la guerre contre l’Allemagne se profile. Le 149e R.I. doit se mettre en route pour rejoindre la frontière. Après plusieurs jours de marche, le régiment engage son premier combat. Celui-ci se déroule le 9 août 1914, près du village de Wisembach.

 À ce moment-là, le lieutenant Michelin encadre une section de la 10e compagnie, qui se trouve sous les ordres du capitaine Laure. Cette compagnie ne participera pas à ce combat.

Le 21 août 1914, Marcel Michelin dirige la 10e compagnie, il en a pris le commandement depuis que le capitaine Laure est parti remplacer le commandant Didierjean à la tête du 3e bataillon du 149e R.I..

Ce jour-là, il reçoit l’ordre de couvrir, avec ses hommes, les mouvements de repli des 2e et 3e bataillons du régiment. Ceux-ci se trouvent en grande difficulté dans le secteur du bois de Voyer.

Le lieutenant Michelin est tué près de la Valette, un petit hameau situé au nord d’Abrechviller, en assumant sa mission, il allait avoir 26 ans.

Dans un premier temps, Marcel Michelin est enterré à proximité du sanatorium avec onze soldats français. En 1920, sa mère est informée du transfert du corps du lieutenant dans le petit cimetière militaire d’Abreschviller. En avril 1921, la famille obtient l’autorisation de faire inhumer Marcel Michelin dans le caveau familial du cimetière d’Ahuy, petite ville située dans le département de la Côte-d’Or.

Sepulture_Marcel_Michelin

Le 14 février 1915, le lieutenant-colonel Gothié écrit ceci à son sujet : « Cet homme de devoir et d’action a dirigé sa compagnie avec une rare énergie. Il a préféré se faire tuer sur place plutôt que de céder  un pouce de terrain à l’ennemi. »

Citation à l’ordre de l’armée n° 44 de la Xe armée du 11 janvier 1915 :

«  A été tué à la tête de la compagnie dont il avait le commandement, en résistant le 21 août 1914 devant Abreschviller, sur une position de repli qu’il avait reçu l’ordre de tenir à tout prix et où il s’est trouvé attaqué par des forces très supérieures en nombre, a réussi par son sacrifice et par le magnifique exemple de son énergie à remplir complètement la mission qui avait été donnée à la compagnie. »

Chevalier de la Légion d’honneur par arrêté ministériel du 18 octobre 1920.

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En 1998, deux plaques commémoratives sont retrouvées dans le grenier du lycée de la ville de Sens ; l’une d’entre elles porte le nom de Marcel Michelin. Celle-ci avait été initialement posée dans une des sept salles d’honneur inaugurées le 13 juillet 1923 par le général Émile Belin, président d’honneur de l'association amicale des anciens élèves du lycée de Sens.

Cette plaque commémorative se trouve, depuis novembre 2000, dans la salle 219.

Le nom du lieutenant Marcel Michelin figure également sur la plaque 1914 du monument aux morts de l'établissement de la ville de Sens qui rappelle le sacrifice des anciens élèves depuis les guerres du Second Empire.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le portrait du lieutenant Michelin provient du livre d’or des anciens élèves du lycée de Sens publié aux  éditions : « Sens, société générale d’imprimerie et d’édition ».1925.

La photographie de la sépulture a été réalisée par les descendants lieutenant Michelin.

Certaines informations concernant Marcel Michelin ont été communiquées par la famille de cet officier.

La photographie et les informations concernant  la plaque commémorative  du lieutenant Michelin ont été fournies par D. P. Lobreau, professeur agrégé d’histoire. Pour en savoir plus, il suffit de cliquer une fois sur l'mage suivante :

Lyc_e_de_Sens

Un grand merci à M. Bordes, à  A.M. et G. Lalau, à D.P. Lobreau à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

28 novembre 2014

Joseph René Micard (1876-1914).

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Joseph René Micard est né le 2 février 1876 dans la petite ville d’Isigny, une commune située dans le département du Calvados. À sa naissance, son père, Jean Sidoine, âgé de 58 ans, exerce la profession de percepteur-receveur. Sa mère, Marie Camille Poupiet, est âgée de 43 ans.

Après l’obtention de son certificat d’études, Joseph poursuit sa scolarité au collège Stanislas de Paris, puis au lycée Sainte-Geneviève de Versailles. Il obtient son baccalauréat ès lettres et philosophie en 1896.

L’âge adulte est arrivé, il est temps pour lui de faire un choix professionnel ! Le jeune Micard opte pour le métier de soldat. Il signe un engagement volontaire d’une durée de 3 ans à la mairie de Versailles le 30 octobre 1896 et entre, le jour même, à l’école spéciale militaire. Joseph intègre la 81e promotion dite « première des grandes manœuvres », comme élève de 2e classe. Il vient d’être admis avec le numéro 160 sur 538 élèves.

Il commence à pratiquer l’escrime et la gymnastique à partir du  1er novembre 1896. Ces deux activités sportives occuperont une place importante dans sa carrière militaire. Le 1er octobre 1898, c’est la nomination au grade de sous-lieutenant par décret du 17 septembre 1898, sa formation saint-cyrienne vient tout juste de se terminer.

Le général responsable de l’école dit de lui : «  C’est un homme à l’esprit pondéré, intelligent, qui a un bon jugement, un peu lent, mais très consciencieux. Il fera un bon officier sur lequel on pourra compter en toutes circonstances. »

Joseph Micard quitte Saint-Cyr avec le numéro 343 sur 522. Sa « feuille de route » lui fait savoir qu’il doit se rendre à Langres, pour rejoindre le 21e R.I..

Le 27 mars 1899, un léger manquement à la discipline lui vaut 2 jours d’arrêts simples. Le capitaine adjudant major de semaine Charrière lui porte le motif suivant : « Étant commandé pour recevoir, comme officier de semaine, l’appel du soir du dimanche 26 mars, à la caserne des Ursulines, n’a pas exécuté ce service.» Ce sera l’unique punition qu’il aura dans tout son parcours de militaire.

Joseph Micard devient lieutenant le 1er octobre 1900. Au cours de l’année suivante, il exerce les fonctions de lieutenant d’armement. Il reprend son service d’officier de compagnie au début du mois d’avril 1902. Considéré comme étant un peu timide à ses débuts par ses supérieurs, cet officier de 26 ans commence à prendre de l’assurance dans l’art du commandement.

 Le lieutenant Micard suit les cours de l’école nationale de gymnastique et d’escrime du 15 octobre 1902 au 15 janvier 1903. Dès son retour de formation, il est chargé de mener à bien les exercices corporels effectués par la troupe. Il est également responsable de la télégraphie en 1903-1904.

En 1905, cet officier est détaché au peloton des dispensés où il est perçu comme un excellent instructeur. Joseph Micard est très apprécié de ses hommes.

En mars 1906, il effectue un stage de 15 jours à l’école normale de tir de Châlons, pour être formé au commandement des sections de mitrailleuses de campagne. À la fin de ce stage, il aura, sous ses ordres, une section de mitrailleuses de son régiment.

En 1907, il se présente au concours de l’école de guerre, mais sans succès.  Le lieutenant Micard suit les cours de l’école des travaux de campagne du 6e génie à Angers, du 7 juillet au 18 août 1907.

Les années d’expérience d’officier commencent à s’accumuler. L’année 1910 le voit de nouveau partir en formation. Il accomplit un stage de cinq semaines à l’école normale de tir de la Valbonne du 20 février au 27 mars 1910.

Le 16 octobre 1911, il épouse mademoiselle Marguerite Marie Hoffmann, une jeune vosgienne âgée de 30 ans qui est domiciliée à Poussay. De cette union naîtra une petite fille.

Un décret du 23 décembre 1912 lui permet de devenir capitaine à compter du 9 janvier 1913. Avec cet avancement, une nouvelle affectation l’attend. Il se prépare à traverser une grande partie de la France, d’est  en ouest pour rejoindre la Bretagne. Il vient d’être muté au 25e R.I., un régiment qui est cantonné à Cherbourg.

Cette région ne semble pas le satisfaire. Quelques mois plus tard, il demande à être muté dans un régiment vosgien pour convenances personnelles. Cette demande est acceptée, le capitaine Micard doit rejoindre le 149e R.I.. Il arrive dans la ville d’Épinal au début du mois d’août 1913 pour prendre le commandement de la 5e compagnie. Il y restera jusqu’au début du conflit contre l’Allemagne en août 1914.

Dans la matinée du 31 juillet 1914, sa compagnie quitte les quais de la gare spinalienne pour se rendre à Bruyères, un petit village situé à quelque 28 km. Ensuite, une longue marche en direction de la frontière commence, celle-ci durera plusieurs jours. Le 9 août 1914, c’est le baptême du feu, le capitaine Micard mène ses hommes au combat, dans le secteur du Renclos des Vaches qui se trouve près de Wisembach.

Le 21 août 1914, cet officier est tué au cours d’une mission de reconnaissance, près du petit village lorrain de Biberkirch.

Joseph Micard est, dans un premier temps, enterré dans une tombe commune, avec un lieutenant et sept soldats français. Le 5 mars 1920, il est inhumé dans le cimetière militaire de Sarrebourg. Sa sépulture individuelle porte le numéro 86 E.

Il repose actuellement dans le petit cimetière communal vosgien de Poussay, dans la sépulture de famille de son épouse.

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Citation à l’ordre n° 70 de la 10e armée en date du 31 mai 1915 :

« Tué le 21 août 1914 vers Abreschviller, en allant reconnaître avec quelques hommes un bois qui se trouvait à la droite de sa compagnie et qui était, depuis la veille, occupé par l’ennemi. Avait déjà fait preuve d’un grand sang-froid et du plus beau courage au combat du 9 août au col de Sainte-Marie en ramenant, sous une fusillade des plus meurtrières, un de ses officiers grièvement blessé. »

Il est inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur par arrêté du 22 juillet 1919 (J.O. du 17 octobre 1919).

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de Vincennes.

La photographie de la sépulture du capitaine Micard a été réalisée par É. Mansuy (avec l’aimable autorisation de F. Tabellion pour la publication de ce cliché).

Livre d’or de l’école Sainte-Geneviève (1854-1924). 576 pages. Imprimerie de Catalar frères. 1925.

La fiche individuelle de Joseph Micard, est extraite du fichier des « morts pour la France » du site « mémoire des hommes ».

Un grand merci à M. Bordes, à F. Tabellion, à  A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

21 novembre 2014

André Martenot de Cordoux (1893-1991)

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Jeunesse 

 

Marie Charlotte Batilde Martenot de Cordoux est  âgée de 34 ans, lorsqu'elle donne naissance à un petit garçon, le 14 mars 1893. Il portera le troisième prénom inscrit sur son acte de naissance : Joseph, Marie, André. Divorcée d’une première union, elle s’était remariée deux ans plus tôt avec Claude Jean, un jeune agriculteur âgé de 24 ans. André voit le jour dans le village de Chalezeule qui se trouve dans le département du Doubs.

 

Devenu adulte, ce Chalezeulois doit se rendre à Besançon pour effectuer la visite médicale, qui décidera de sa future vie de soldat.

 

 

Après avoir été examiné par les médecins, il est ajourné durant une année pour faiblesse. André se retrouve classé « bon absent » par la commission de réforme n° 3 de la Seine, à compter du 26 novembre 1913. Le jeune homme obtient également un sursis d’incorporation, ce qui va lui permettre de terminer ses études d’ingénieur.

 

Au 149e R.I.

 

Rattrapé par les évènements qui vont déchirer l’Europe, puis le monde, il est appelé à l’activité militaire le 12 août 1914. Il lui faut gagner son corps d’affectation ; dès le lendemain André Jean doit rejoindre le 149e R.I.. L’apprentissage de la vie de soldat commence.

 

À l’exception des tout premiers combats du mois d’août, il va prendre part à toutes les batailles dans lesquelles est impliqué le régiment au cours de l’année 1914. : la Marne, la prise du village de Souain, la Belgique, pour ne citer que les plus importantes.

 

Il passe ensuite les six premiers mois de l’année 1915 en Artois, une région où le 149e R.I. est engagé à plusieurs reprises dans des combats particulièrement violents et meurtriers. Il voit mourir bon nombre de ses camarades au cours des attaques qui eurent lieu en mars, en mai et en juin 1915.

 

L’aviation pendant la guerre 1914-1918

 

André Jean souhaite quitter l’infanterie, l’envie de devenir aviateur le travaille depuis un bon bout de temps. Pourquoi ne pas tenter l’aventure ! Pour cela, il lui faut rédiger une lettre qui lui permettra peut-être d’être muté dans cette nouvelle arme.

 

Sa demande est acceptée, il va pouvoir être formé à l’art du pilotage. Le 5 août 1915, il se retrouve détaché au 2e groupe d’aviation. Direction le sud-ouest pour apprendre à maîtriser le manche et le palonnier à l’école de chasse de Pau.

 

Les premières heures de formation, s’effectueront sur un Blériot pingouin. L’ex-soldat du 149e R.I obtient son brevet de pilote le lendemain de Noël 1915. Il est nommé caporal le 28 janvier 1916. En avril 1916, André Jean doit rejoindre l’escadrille C 28.

 

Cet aviateur va se faire connaître sous le nom d’André Martenot de Cordoux. Est-ce à partir du moment où il est devenu pilote qu’il a fait le choix de porter le nom de famille de sa mère ? C’est une question sans réponse pour l’instant.

 

Le 20 mai 1916, il obtient sa première victoire. Revenant d’une patrouille, avec son mitrailleur Claude Martin installé derrière lui, ils attaquent deux L.V.G.. Le combat ne dure qu'un quart d’heure. Au cours de cet engagement, le pilote du Caudron est gravement blessé de trois balles à la jambe et au pied droit. Continuant la lutte, il descend l’un des Allemands dans la région de Beine. Grâce à son habileté, à son énergie et son sang-froid, l’aviateur parvient à poser son appareil sur le terrain où se trouve son escadrille.

 

Il est aussitôt pris en charge par l’ambulance 2/60 avant d’être évacué vers l’arrière. Ce premier succès lui permet d’obtenir sa première citation à l’ordre de l’armée.

 

« Le 20 mai, a attaqué à courte distance, un avion ennemi le forçant à atterrir à proximité des lignes, le pilote hors de combat ; atteint dans la lutte d’une balle qui lui a enlevé deux doigts au pied et fait une blessure grave au mollet, n’a dû de ramener son appareil au terrain d’atterrissage qu’à son habileté et son énergie ».

 

Après une longue convalescence, c’est le retour dans la zone de combats. Muté au groupe de protection N 513 au début du mois de février 1917, il pilote l’un des quatre appareils de cette unité rattachée à la C 56.

 

 Une seconde citation à l’ordre de l’armée lui est attribuée.

 

« Pilote adroit et plein d’ardeur. S’est toujours acquitté avec succès des missions de chasse et de protection qui lui ont été confiées. Grièvement blessé au cours d’un combat aérien, a repris sa place à l’escadrille, bien qu’incomplètement guéri, donnant ainsi un bel exemple de devoir. »

 

 En juin 1917, les groupes 512, 513 et 514 fusionnent pour donner naissance à l’escadrille N 94. André Martenot de Cordoux est nommé sergent le 22 juin 1916, puis adjudant le 1er juillet 1917 dans cette unité. Avec son Nieuport 24, ce dernier abat un second avion ennemi le 25 juillet 1917.

 

Cette deuxième victoire lui permet de mettre une troisième palme à sa croix de guerre.

 

« Pilote de chasse expérimenté, habile et courageux, s’est toujours montré à la hauteur de sa tâche dans les missions périlleuses qu’il réclame comme une faveur. Déjà cité à l’ordre de l’armée pour un combat où blessé grièvement, il descendait son adversaire ; est revenu, quoique incomplètement guéri, reprendre sa place au front. Le 25 juillet 1917, par une audacieuse manœuvre, a descendu un avion ennemi qui s’est écrasé au sol (2e avion abattu par ce pilote). »

 

Le 5 novembre 1917, il est décoré de la Médaille militaire.

 

Une décision du général commandant en chef du 25 janvier 1918 lui permet d’être nommé sous-lieutenant à titre temporaire. Cette promotion prend rang le 10 février 1918.

 

En mars 1918, les Nieuport 24 et 27 qui équipent son escadrille sont remisés dans une formation aérienne de réserve ; les Nieuport sont remplacés par des Spad VII flambant neufs. La N 94 devient alors la Spa 94.

 

Le 22 mars 1918, le sous-lieutenant Martenot de Cordoux reçoit la croix de guerre belge.

 

Le 1er avril 1918, la Spa 94 « mort qui fauche » se trouve en région picarde. Au cours d’une mission, André Martenot de Cordoux  doit assurer la défense d’une formation de Bréguet. Pour mener à bien ce travail, il est accompagné d’un second Spad piloté par le lieutenant Bechon. Au cours de la sortie, le groupe est attaqué par sept ou huit allemands. Les deux « gardiens » parviennent à dégager les appareils qui étaient sous leur protection. Ils réussissent même à abattre un adversaire. Cette victoire est homologuée le 8 avril.

 

Quelques mois plus tard, son appareil évolue dans le ciel soissonnais ; nous sommes le 1er juin 1918. Le pilote Martenot de Cordoux, en binôme avec l’adjudant Malinovitch, attaque une patrouille de six Fokker D. VII ; un autre groupe, composé de neuf appareils ennemis se trouvent au dessus, prêt a fondre sur tout adversaire qui livrera le combat. Il engage la lutte. Son moteur lui fait défaut juste après qu’il ait abattu un adversaire.  Il se retrouve coincé entre les deux patrouilles qui l’accompagnent de 3500 à 500 m. Pour compliquer la situation, sa mitrailleuse s’enraye. André Martenot de Cordoux doit faire appel à toute sa science de pilote pour essayer de se tirer d’affaire. Une longue série d’acrobaties commence... Heureusement pour lui, son moteur finit par redémarrer. Il peut ainsi se dégager d’une situation plus que périlleuse, sans aucune égratignure.

 

 Une quatrième citation à l’ordre de l’armée vient rendre hommage à sa bravoure.

 

 « Brillant pilote de chasse. Provoque chaque jour l’admiration de ses camarades par son allant et son entrain. À plusieurs reprises, a attaqué des patrouilles de dix à quinze appareils ennemis et, grâce à son sang-froid et à son audace, a pu sortir indemne de combats très durs. Vient d’abattre son quatrième avion ennemi. Une blessure. Deux citations, Médaillé militaire pour fait de guerre. »

 

Le 1er juin 1918, le sous-lieutenant André Martenot de Cordoux abat un triplace dans la région de Longpont-Parcy.

 

Le 3 juin 1918, en compagnie de l’adjudant Marinovitch, ils attaquent à plusieurs reprises un biplace qui est probablement obligé d’atterrir dans la région de la Ferté-Milon- Mosloy.

 

Le 5 juin 1918, André Martenot de Cordoux descend encore un appareil ennemi. Toujours en présence de l’adjudant Marinovitch, ils abattent un biplace à l’est de la forêt de Villers-Cotterêts. C’est sa cinquième victoire homologuée. Il est cité à l’ordre de la division.

 

Le 22 juillet, vers 10 h 25,  le sous-lieutenant attaque, sans succès, un biplace ennemi dans la région de Champillon. Une nouvelle citation à l’ordre de l’armée lui permet d’accrocher une cinquième palme à sa croix de guerre.

 

 « Pilote de chasse incomparable, animé du plus bel esprit offensif. Véritable exemple de bravoure et adresse pour ses camarades. A remporté récemment ses 4e et 5e victoires. Une blessure. Trois citations, Médaillé militaire pour fait de guerre. »

 

La sixième victoire est obtenue le 21 août 1918. Avec l’aide de l’adjudant Ondet, il libère un Bréguet en grande difficulté qui est attaqué par 5 Fokker D VII. Le pilote allemand, blessé, est fait prisonnier. Il partage ce succès avec son camarade Ondet.

 

En récompense de ses multiples exploits, la Légion d’honneur est accordée au sous-lieutenant Martenot de Cordoux :

 

« Pilote de chasse incomparable, véritable exemple de bravoure et d’adresse pour ses camarades. »

 

Elle lui est remise officiellement par l’aide-major général Duval le 2 septembre 1918.

 

Il abat son septième et dernier avion ennemi le 13 septembre 1918. C’est une victoire commune qui se partage avec les lieutenants Laganne et Carbonnel.

 

Une sixième citation à l’ordre de l’armée vient à nouveau le récompenser.

 

« Pilote d’un entrain et d’une bravoure au-dessus de tout éloge, véritable homme du devoir qui ne cesse de s’imposer à tous par son audace et son courage. Poursuivant toujours avec la même ardeur le combat contre les avions ennemis ; a abattu les 21 août et 13 septembre 1918, ses sixième et septième avions ennemis. Une blessure médaille militaire et chevalier de la Légion d’honneur pour fait de guerre. Quatre citations) » (J.O. du 8 janvier 1919).

 

André Martenot de Cordoux obtient sa septième citation, au cours des dernières opérations qui précédent l’armistice ; elle consacre, une fois de plus, la valeur de cet officier.

 

« Citation à l’ordre de l’armée : J.O. n° 25 du 26 janvier 1919

 

« Officier d’élite, ayant la plus haute conception du devoir, animé d’un courage au-dessus de tout éloge, et joignant aux qualités de pilote de chasse de grande valeur, celle d’observateur des plus minutieux. Les 6 et 12 octobre a opéré un jalonnement précis de notre infanterie malgré des circonstances atmosphériques les plus défavorables, et lui a donné des renseignements très importants, sur la situation de l’ennemi. Une blessure, Médaillé militaire et décoré de la Légion d’honneur pour fait de guerre. Cinq citations. »

 

 Une huitième victoire homologuée non retrouvée est attribuée à André Martenot de Cordoux.

 

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L’après-guerre

 

Les combats terminés, il est envoyé en mission spéciale avec une équipe de mécaniciens, en territoire occupé. Il doit récupérer les avions que devait abandonner l’ennemi, suivant les clauses du traité de paix. Jean Martenot de Cordoux intervient sur les terrains d’aviation de Metz, Strasbourg, Sarrebourg,  Bitche et Sarreguemine. Il fait ramener par des pilotes convoyeurs, environ 350 appareils de tous types sur le Bourget.

 

Par décret du président de la République en date du 5 mai 1919, qui est rendu sur la proposition du président du conseil, André Martenot de Cordoux est promu au  grade de lieutenant dans l’infanterie de réserve pour prendre rang le 26 mars 1919 (J.O. du 5 août 1919).

 

Une décision ministérielle du 22 juin 1920 l’affecte au 2e régiment d’aviation (J.O. du 6 juillet 1920). Il est mis en congé illimité de démobilisation le 25 octobre 1919. L’homme aux sept victoires se retire dans la petite ville de Billancourt. Ce n’est pas pour autant que sa carrière de pilote militaire s’achève.

 

Pour ne pas perdre la main, il doit accomplir plusieurs périodes d’entraînement. La première a lieu au 3e régiment d’aviation du 16 au 30 août 1920, la seconde, au 2e régiment d’aviation du 15 au 30 juin 1922, et la troisième du 11 juin au 26 juin 1923.

 

En juillet 1921, André Martenot de Cordoux réorganise l’aérodrome de Beauval. Il fait l’acquisition de 5 avions des surplus, Nieuport et Caudron, et propose des baptêmes de l’air.

 

À l’âge de trente ans, il passe dans l’aéronautique par décret du 20 juin 1923 en application de la loi du 8 décembre 1922. (J.O. du 7 juillet 1923).

 

Le 8 septembre 1925, il épouse Germaine Berthe Louise Henrion à Compiègne.

 

Suite à une décision ministérielle du 1er décembre 1928  (J.O. du 04/12/1928), il se retrouve rattaché au centre mobilisateur d’aviation n° 2. Une nouvelle affectation le conduit au centre mobilisateur d’aviation n° 52 par décision ministérielle du 1er juin 1929. (J.O. du 6 juin 1929).

 

Il doit se rendre au C.M. d’aviation n° 3, un changement qui est la conséquence de la décision ministérielle du 20 mars 1933 (J.O. du 23 mars 1933).

 

Une réorganisation territoriale du 1er décembre 1936 l’amène à la base aérienne de Châteauroux.

 

André Martenot de Cordoux est classé dans le cadre navigant en application de l’article 9 de la loi du 1er août 1936, à compter du 2 février 1937. Le 6 août 1937, il est muté à la base aérienne de Paris-Issy-les-Moulineaux. Affecté au bataillon de l’air n° 122 par décision ministérielle du 21 juin 1938 à compter du 1er juillet 1938.  Il est alors âgé de 47 ans.

 

En 1939, il fait une demande d’affectation en escadrille qui lui est refusée.

 

Le 29 décembre 1991, Henri Marie André Jean décède en son domicile, situé au 61 rue du Chemin Vert dans le XIarrondissement de Paris.Il était âgé de 98 ans. Il repose dans le cimetière de Saint-Ouen. 

 

Sources :

 

J.M.O. de la  Spa 94. Ref : 1 A 289/6.

 

Article publié dans la revue « La vie aérienne » du 15 mai 1919.

 

La fiche signalétique et des services d’André Jean a été consultée sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Cinq des citations à l’ordre de l’armée qui peuvent se lire dans ce texte ont été retrouvées sur le site de la bibliothèque virtuelle de Gallica.

 

Les deux citations manquantes proviennent  du centre des archives du personnel militaire qui se trouve à la caserne Bernadotte de Pau.

 

La carte postale représentant André Martenot de Cordoux sur le deuxième montage provient de ma collection personnelle.

 

Pour en savoir plus sur la carrière de pilote d’André Martenot de Cordoux, il faut se rendre sur les sites suivants :

 

Ciel_de_gloire

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André Martenot de Cordoux apparaît dans le début de l'émission « Horizon », diffusée le 1er novembre 1986 sur FR3. Pour la visualiser, il suffit de cliquer une fois sur le lien suivant :

 

Video

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes, au centre des archives du personnel militaire de Pau et à L’E.C.P.A.D..

14 novembre 2014

21 août 1914, une journée bien mouvementée...

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Les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. occupent depuis la veille des positions de premières lignes au nord d’Abreschviller dans le bois de Voyer. Trois compagnies du 1er bataillon du régiment se trouvent en soutien du 158e R.I. à Soldatenthal.

Des combats ont été engagés par les 1er, 3e et 10e B.C.P. de la 86e brigade dans le secteur de Plaine-de-Walsch et de Vallérysthal, deux petites communes situées au nord de Biberkirch et de Trois-Fontaines. Ces combats ne sont pas favorables aux Français. La brigade coloniale est également en grande difficulté du côté de Walscheid. Les unités de ces brigades sont de plus en plus malmenées, il faut penser à se replier… Les Allemands progressent… Ces mouvements de recul vont avoir une incidence fâcheuse sur les évènements à venir dans le secteur occupé par la 85e brigade dans le bois de Voyer.

Il n’est plus question, pour les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. d’aller de l’avant, comme il avait été prévu par le général Legrand-Girarde, l’officier qui commande le 21e C.A.. Ces deux bataillons vont devoir se retrancher sur leurs emplacements de la veille, à la lisière nord et nord-est du bois de Voyer.

À 5 h 00, le colonel Menvielle qui a, sous son autorité, un groupement composé du 31e B.C.P. et des 2e et 3e bataillons de son régiment, reçoit un ordre d’opération envoyé par le général Pillot, responsable de la 85e brigade. Cet ordre lui demande de se maintenir sur la ligne la Valette, cote 475, Haltenhausen, Eigenthal. Il lui faut construire son axe de défense en attendant la reprise de l’offensive. Le colonel Menvielle fait relier sa droite avec les éléments du 158e R.I. qui se trouvent près de la cote 500, et sa gauche avec l’aile droite du 13e C.A., vers la corne nord-ouest du bois de Voyer. La liaison avec les chasseurs est compliquée à mettre en place. Les ordres donnés par le colonel Menvielle ne parviennent pas au commandant du 31e B.C.P..

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Au sud-est d’Abreschviller avec le 1er bataillon du 149e R.I.

Une attaque, menée par une partie des unités de la 85e brigade a lieu du côté de Saint-Léon et de la cote 500. Le soleil n’est pas encore levé. Au loin, les hommes entendent une vive fusillade du côté de la Valette.

L’attaque française est un véritable succès. Le 31e B.C.P. reprend la petite bourgade de Saint-Léon. Le petit village de Walscheid et la ferme de Munichshof sont également reconquis. Un bataillon du 158e R.I. prend position à la cote 500, un autre bataillon de ce régiment s’installe près de Thomasthal. Les trois compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. qui se trouvent à Soldatenthal ont également été engagées en soutien. Celles-ci sont sous les ordres du lieutenant-colonel Escallon, l’officier qui commande en ce point. Un bataillon du 158e R.I. a été mis à sa disposition pour épauler ses compagnies.

Les Allemands ne restent pas inactifs. Leur artillerie ouvre le feu vers 8 h 30. Pendant une demi-heure, une pluie d’obus s’abat sur la ligne de front qui se trouve dans la zone de la cote 500. Aussitôt après, une attaque d’infanterie ennemie se déclenche dans le secteur. Les Allemands essayent de se glisser partout, en vain… Ceux-ci sont accueillis par des feux nourris, tirés par les fantassins français qui leur causent des pertes importantes. Ils deviennent très vite hésitants dans leurs progressions. L’offensive adverse est contenue.

La 43e D.I. n’a  plus de troupes disponibles pour reprendre le combat dans ce secteur. Le général Legrand-Girarde a engagé toutes ses réserves. La situation générale de la 85e brigade reste très fragile.

Dans le secteur d’Abreschviller avec les 2e et 3e bataillons du 149e R.I.

Les Allemands ont lancé une attaque dans le secteur du bois de Voyer. La brutalité de cet assaut est telle qu’elle modifie complètement les projets français dans cette région. La droite du 3e bataillon du 149e R.I. est débordée par des forces ennemies qui lui sont supérieures en nombre. Les deux bataillons du 149e R.I. sont mis à mal sur leur ligne de défense. Seules, les 6e, 9e et 12e compagnies réussissent à se maintenir sur leurs emplacements durant quelque temps.

Pour éviter le pire, il faut se résigner à faire demi-tour. Le 2e bataillon du 149e R.I. commence son mouvement de repli vers 8 h 00, il est aussitôt suivi par le 3e bataillon. 

La 10e compagnie du lieutenant Michelin est désignée pour couvrir l’ensemble de ces mouvements. Pour mener à bien cette mission, elle s’installe sur les lisières nord et est de la petite commune de la Valette. Le prix à payer pour protéger la retraite des camarades va être très élevé !

L’ennemi approche, le combat est engagé. Près de la moitié de la compagnie est mise « hors jeu ». Une grande partie des hommes est capturée par les Allemands.

Les autres compagnies des deux bataillons reculent par la lisière sud du bois de Voyer. Elles se dirigent sur le bois de Basse-Valette pour tenter de rejoindre Abreschviller. Une fois arrivés dans le village, les restes des deux bataillons se reforment sous les ordres du colonel Menvielle.

Beaucoup de soldats sont encore disséminés sur le terrain. Certains se sont égarés…

La 4e compagnie du capitaine Altairac, qui est installée à Abreschviller depuis la veille, est maintenue en soutien d’artillerie au nord de cette commune.

Les 5e et 9e compagnies prennent la direction de Saint-Quirin pour être aussitôt envoyées à Val-et-Chatillon, suite à un ordre donné par le général de division Lanquetot.

Du côté de Lettenbach avec les 1er, 2e et 3e bataillons du 149e R.I.

Les compagnies reformées des 2e et 3e bataillons du 149e R.I. qui sont encore disponibles se réunissent à Lettenbach à partir de 10 h 00. Les hommes du colonel Menvielle ont pour mission de fermer l’accès du ravin d’Eigenthal et de la croupe 452 aux Allemands. Lettembach va devenir l’objectif de l’ennemi.

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La 7e compagnie du capitaine Coussaud de Massignac reçoit l’ordre de se porter sur les pentes nord-est de Lettenbach. Elle est appuyée par une section de mitrailleuses du 105e R.I.. Une compagnie du 11e génie occupe les tranchées établies sur les pentes nord-ouest.

À 10 h 20, le reste des deux bataillons est amené par le colonel au col de la cote 420 sur la route de Lettenbach-Saint-Quirin. La troupe doit garder la direction de Saint-Quirin.

Les unités disponibles, placées sous le commandement du colonel commandant par intérim la 86e brigade, sont disposées sur le chemin, à un trait du col 430 de la cote 464 et du carrefour, situé à 600 m au sud-est, à partir de 11 h 15. Elles vont devoir tenir et surveiller tous les éclaircis et tous les chemins venant de la direction de Lettenbach et de vallée de la Sarre rouge.

Peu avant 13 h 00, la 1ère compagnie rejoint le colonel Menvielle. À 13 h 00, la 7e compagnie, qui vient de quitter ses positions de Lettenbach, rejoint également les unités du 149e R.I..

Des éléments des 10e et 17e B.C.P. viennent renforcer les compagnies du régiment spinalien. Le poste de commandement du colonel Menvielle est installé au carrefour entre 464 et 462.

Le général Pillot arrive au P.C. du colonel Menvielle à 14 h 30. Il lui donne l’ordre de faire surveiller plus particulièrement le ravin qui se trouve au sud de Streitwald. La 7e compagnie, une des unités qui a été la moins éprouvée, est désignée. Celle-ci va devoir former un barrage sur la crête à 500 m du carrefour, pour battre le ravin en question.

La 2e section de mitrailleuses du lieutenant Gérardin, qui est soutenue par deux sections des 5e et 6e compagnies, est poussée à la tête du ravin à 800 m sud de la cote 462. Les hommes se positionnent de manière à empêcher toute intrusion de l’ennemi de ce côté.

Le lieutenant-colonel Escallon qui est accompagné de la 2e compagnie, rallie le régiment en passant par le ravin sud de Streitwald à 15 h 30. Une heure plus tard, c’est au tour du capitaine Isler de rejoindre avec sa 3e compagnie.

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À 16 h 45, le 149e R.I. reçoit l’ordre d’aller cantonner à Turquestein. La 7e compagnie est rappelée au point de rassemblement du régiment.

En direction de Val-et-Châtillon

Le 149e R.I. quitte le carrefour qui se trouve à l’ouest de 462 à 17 h 30. Le 2e bataillon prend la tête de la colonne, il est suivi du 3e bataillon. Le 1er bataillon ferme la marche. Les hommes du colonel Menvielle prennent la direction du carrefour des 4 chemins qui est situé à quelque 800 m au sud de 462. Ils doivent suivre le chemin à un trait qui gagne Saint-Quirin par le fond du ravin Saint-Quirin. Lorsque le régiment arrive à Saint-Quirin, le général de division Lanquetot lui donne l’ordre d’aller s’installer à Val-et-Châtillon avec le 158e R.I. et l’artillerie de campagne du 21e C.A..

Le régiment fait une halte à l’entrée du bois de Turquestein, il est 19 h 30. Les hommes sont exténués, ils ont été durement éprouvés par tout ce qu’ils viennent de vivre au cours de la journée. Malgré la fatigue, ils trouvent le temps de se préparer du café.

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Vingt et une heures, il faut reprendre la route pour rejoindre le cantonnement. La fatigue est grande, les muscles des jambes commencent à se raidir.

Les compagnies du 149e R.I. suivent l’itinéraire Turquestein, cote 410, Saussenrupt, scierie Châtillon. Elles arrivent devant Val-et-Châtillon à 22 h 30. Chacun pense au sommeil bien mérité, mais les problèmes ne sont pas encore terminés !

En effet, les lieux de cantonnements n’ont pas été répartis au préalable entre les unités qui doivent occuper le village. Et ce n’est pas une mince affaire que de vouloir loger plusieurs milliers d’hommes ! Entre le 158e, le 149e R.I., et l’artillerie de campagne du 21e C.A.. C’est un peu la pagaille pour placer tout le monde. Finalement, les hommes du  149e R.I. vont prendre une formation de bivouac au carrefour situé à 1000 m au nord-est de l’église de Val-et-Châtillon.

Une grande partie des hommes du régiment va pouvoir enfin se reposer. Deux groupements composés de soldats du 149e R.I., chacun d’une valeur d’une compagnie, veillent sur leur sommeil. Ils sont chargés de couvrir les lieux de cantonnements de la 43e Division. Le premier groupement se trouve à Saussenrupt, le second est à la belle Charmille.

L’ennemi reste offensif, la vigilance est de rigueur.

 Sources :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » Général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie représentant un groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à 1914.

Les cartes du secteur d’Abreschviller qui peuvent se voir ici, ont été réalisées simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions et les déplacements des bataillons du 149e R.I. risque d’être assez importante. Elles ne sont donc là que pour se faire une idée approximative des différents lieux occupés par ces bataillons durant la journée du 21 août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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