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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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23 janvier 2015

André Fèvre (1895-1914).

Andre_fevre

Natif de la Côte d'Or, André Charles Robert Benjamin Fèvre voit le jour le 27 mars 1895 dans la ville de Dijon. À sa naissance, son père, Alphonse Nicolas, lieutenant du 8e train des équipages est âgé de 37 ans. Sa mère, Marie Amélie Humbert, est âgée de 23 ans. André est élève au lycée de Buffon dans le XVe arrondissement de Paris.

Il est admis comme élève à l’école spéciale militaire par décision ministérielle du 23 septembre 1913.

À peine âgé de 18 ans, le jeune André signe un acte d’engagement spécial aux jeunes gens reçus à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, le 29 octobre 1913, pour une durée de 8 ans. Encore mineur, son père est obligé de venir donner son consentement pour officialiser cet acte.

André Fèvre intègre la promotion de la Croix du Drapeau. Il est nommé aspirant le 8 novembre 1913.

Cette promotion ne terminera pas sa formation complètement. Quelques jours après la déclaration de la guerre avec l’Allemagne il est promu sous-lieutenant le 6 août 1914. Le 15 août 1914, il est affecté au 149e R.I.. Il arrive sur le front le 16 août 1914 pour intégrer la 11e compagnie. La période durant laquelle le sous-lieutenant Fèvre est engagé contre l’ennemi sera très brève. Il décède à Strasbourg le 21 août 1914, cinq jours après son arrivée au régiment !

Dans un premier temps, il est considéré comme disparu. Les autorités allemandes feront parvenir, par l’intermédiaire de la croix rouge internationale, des informations détaillées qui confirmeront le décès du sous-lieutenant Fèvre.

Personne n’a assisté le défunt durant ses derniers moments. Les morts sont restés 2 jours étendus sur le terrain avant qu’il soit possible de les inhumer. L’inhumation a lieu le dimanche 23 août dans l’après-midi entre 16 h 00 et 15 h 00 par les soins des habitants. Le sous-lieutenant Fèvre est enterré dans la fosse commune n° 3 au Freiwald, qui se trouve sur le territoire de Biberkirch, avec 27 autres soldats. La somme de 366 francs en billets et en or et un petit carnet de notes sont trouvés dans ses effets.

Après de nombreuses procédures administratives,son décès est officialisé en 1920.

Jusqu’en 1925, André Fèvre est enterré dans le cimetière provisoire d’Abreschviller. Le 3 juin 1925, son corps est exhumé d’une tombe qui porte le n° 400 ; celui-ci est déposé dans le cimetière national mixte « La Valette » d’Abreschviller où il repose sous la sépulture n° 36.

Actuellement, le sous-lieutenant Fèvre repose toujours dans ce cimetière. Sa sépulture porte le n° 36.

Sepulture_Andre_Fevre

Il est décoré de la croix de guerre avec une palme.

Citation  à l’ordre n° 70 de la Xe  armée en date du 31 mai 1915 :

« A été blessé mortellement au combat du 21 août 1914 à Abreschviller en se tenant debout au milieu de sa section pour inspirer confiance à ses hommes tandis qu’une très violente attaque ennemie tendait à ébranler leur moral. »

Son nom est inscrit sur une plaque commémorative qui se trouve à l’intérieur de l’église Saint-Pierre de Montrouge. Une église qui est située dans le 14e arrondissement de Paris.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le portrait du sous-lieutenant Fèvre provient du tableau d’honneur de la guerre 1914-1918 publié par la revue « l’illustration ».

La photo de la sépulture du sous-lieutenant Fèvre a été réalisée par J. C. Balla.

Un grand merci à M. Bordes, à J.C. Balla, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

16 janvier 2015

Paul le Brigant (1891-1914).

Paul_le_Brigant

Paul Marie Eugène le Brigant voit le jour le 9 septembre 1891 dans la ville bretonne de Saint-Malo.  Ce petit Malouin est le fils d’Yves et d’Anne Marie le Chevalier. Son père, un homme âgé de 30 ans, originaire de Trébeurden, exerce la profession d’officier d’administration. Il est absent le jour de la naissance de son garçon. C’est la sage femme qui vient déclarer l’enfant à la mairie de Saint-Malo.

Très vite séparé de sa famille, Paul passe une grande partie de son jeune âge comme enfant de troupe, à l’école préparatoire militaire des Andelys, une école qui se trouve dans le département de l’Eure. L’obéissance et la rigueur deviennent le lot quotidien de son éducation.

Habitué à la vie militaire, il souhaite faire une carrière de soldat. Devenu adulte, il se rend à la mairie des Andelys pour signer un engagement volontaire d’une durée de cinq ans.

Une fois son affectation connue, le jeune homme apprend qu’il va devoir retrouver sa Bretagne natale. Il doit rejoindre la caserne Saint-Georges du 41e R.I. dans la deuxième décade du mois de septembre 1909. Ce régiment est installé dans la ville de Rennes. Le soldat le Brigant est nommé caporal le 10 janvier 1910, puis sergent le 20 novembre de la même année.

Le 8 juin 1911, son capitaine de compagnie lui inflige 8 jours de punition. Il lui porte le motif suivant :

« A revêtu, au cours d’une permission, une tenue de fantaisie, avec insigne de rengagé auquel il n’a pas encore le droit de prétendre. »

Ce petit manquement à la discipline ne l’empêchera pas d’être admis à suivre les cours du 2e degré, durant le second semestre de l’année 1911. Le sergent le Brigant a de l’ambition, il souhaite devenir officier. Pour cela, il va devoir se préparer à passer le concours d’entrée de l’école de Saint-Maixent dans les meilleures conditions possibles. Mais il va falloir travailler dur !

Le 19 septembre 1911, il écope à nouveau d’une punition de trois jours donnés par un lieutenant. Celui-ci écrit dans son rapport : « Ne s’est pas assuré que le havresac d’un homme absent était au convoi.»

Le capitaine Le Guern, son chef de compagnie, dit de lui que c’est une personne sympathique, douée d’un excellent esprit militaire. Il décrit son subordonné comme étant un homme très consciencieux, à l’intelligence vive.

Paul le Brigant est également un sportif qui excelle dans l’art de l’escrime.

Au début de l’année 1912, il effectue un stage de fourrier ; cette formation lui offre la possibilité d’assumer cette fonction au sein de son régiment, du 2 mars au 4 juillet 1912.

Ce sous-officier passe également le brevet de chef de section en août 1912. Brevet qu’il obtient avec d’excellentes notes.

Paul le Brigant s’apprête à quitter la 11e compagnie du 41e R.I.. Le jeune homme va devoir laisser la Bretagne derrière lui pour venir s’installer dans le département des Deux-Sèvres. Il est nommé aspirant le 1er octobre 1913, au moment où il est admis à l’école de Saint-Maixent. Le travail fourni à son ancien régiment vient de porter ses fruits. Celui-ci intègre la 34e promotion, celle qu’on nommera plus tard « promotion de la mobilisation ».

À la fin de sa formation, il peut revêtir l’uniforme de sous-lieutenant et rejoindre le 149e R.I. le 2 août 1914.

Deux jours plus tard, il se présente au colonel Menvielle, l’officier qui commande le régiment spinalien,qui se trouve à ce moment-là dans la région de Vanémont. Le sous-lieutenant le Brigant doit attendre le lendemain pour connaître son affectation. Muté à la 10e compagnie, il se met sous les ordres du capitaine Laure. La guerre ne lui laisse pas beaucoup de temps pour s’intégrer dans son nouveau régiment !  Dix-sept jours plus tard, il trouve la mort au cours des combats qui se déroulent à proximité d’Abreschviller.

Considéré comme disparu dans un premier temps, il faudra attendre le 8 juin 1920 pour qu’il soit reconnu « mort pour la France » par le tribunal civil d’Andelys. Celui-ci valide officiellement son décès à la date du 21 août 1914.

Pas de citations et de décorations connues pour cet officier. Est-ce en lien avec son mauvais classement obtenu à l’école de Saint-Maixent ? Est-ce le fait qu’il n’ait pas eu le temps de montrer beaucoup des compétences attendues au cours des quelques jours qu’il a passé au 149e R.I ? Est -ce tout simplement que sa mort est été si rapide qu’il n’a pas été possible à ses supérieurs d’évaluer ses qualités d’officier au cours d’une attaque ?

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Archives municipales de Saint-Malo.

Le classement de la 34e promotion de l’école de Saint-Maixent peut se consulter sur le site de la bibliothèque virtuelle « Gallica ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante :

Gallica

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives municipales de Saint-Malo.

9 janvier 2015

Flambeau, Papillon, Blako... "les poilus à quatre pattes" du 149e R.I..

Chien_1

Tout au long de la guerre, de nombreux chiens ont accompagné les régiments. Ils ont souvent été adoptés comme « mascottes » par un petit groupe d’hommes au sein d’une compagnie. Leur rôle ? Peut-être, tout simplement, aider les soldats de tout grade à mieux supporter les moments difficiles de la vie quotidienne, surtout lorsque ceux-ci se trouvent dans les lieux de cantonnement à l’arrière.

Ce fidèle compagnon de l’homme a également été utilisé à des fins plus militaires. Qu’ils soient de noble race ou modestes bâtards, courts sur pattes ou de grande taille, à poil long où à poil ras, ils ont été utilisés pour leur intelligence, leur odorat ou pour leur ouïe, comme sentinelles, comme transporteurs de message ou encore, comme ravitailleurs en apportant armes, munitions et ravitaillement aux fantassins qui se trouvent en premières lignes.

Voici une petite poignée de photographies montrant quelques-uns d’entre eux qui ont « servi » au 149e R.I.. Les missions exercées par les « chiens soldats » décrites précédemment sont difficilement visibles sur ces photos, puisqu’elles ont toutes été réalisées durant des temps de repos.

Ce sont des rôles qui n’ont, à une exception, laissé aucune trace dans les documents concernant le 149e R.I..

Chien_2

Le nom de l’animal visible sur les deux précédentes photographies demeure inconnu. Ces clichés ont été réalisés le 4 juin 1917 dans le petit village picard de Vailly-sur-Aisne, à proximité du chemin des Dames.

Les deux photographies suivantes proviennent de la collection personnelle de J. Huret. Un grand merci à lui pour son autorisation de les publier ici.

Flambeau_1

En juin 1917, un essai de casque peu conventionnel est effectué par le chien Flambeau sous le regard attentif du capitaine Guilleminot dans la carrière du Sourd !

Flambeau_2

Le temps de déclencher l’obturateur de l’appareil photo, il est demandé à Flambeau du 1er bataillon du 149e R.I. de rester bien tranquillement sur une « petite reine ».  Une tâche bien difficile ! Ce cliché a été réalisé en décembre 1917 à Vaudoncourt, une petite commune vosgienne.

Chien_et_brancardier

Encore un canidé dont le nom est resté anonyme. Celui-ci pause fièrement à côté du brancardier Mathieu du 1er bataillon du 149e R.I.. Cette photographie a été prise au cours d’une grand’halte près d’Armentières-sur-Ourcq dans l’Aisne.

Papillon_1

Papillon, le chien de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. en équilibre sur une échelle puis à l’entraînement !

Papillon_2

Paul Megnin dans son livre « Les chiens de France, soldats de la Grande Guerre », évoque une situation concernant un des chiens du 149e R.I..

« … Il arrive que des chiens, qui ont été faits prisonniers, s’évadent ! Témoin celui-ci du 149e R.I., qui en sentinelle au P.C. Albertini, cerné avec son maître par l’ennemi, profite du moment où les Allemands lui enlèvent son collier pour leur fausser compagnie. Il traverse les lignes allemandes et françaises, les barrages amis et ennemis pour rejoindre les lignes. Essoufflé, il rejoint le poste de commandement du sous-secteur qui était son point d’attache. (Rapport d’un chef de bataillon du 149e R.I.) »

Une autre anecdote se trouve dans l’ouvrage « La 43e Division pendant la campagne de 1918 ». Il y a de fortes probabilités pour que ce soit le même événement raconté différemment.

« La prouesse du chien de liaison Blako du 149e R.I., un affreux sang mêlé qui est tombé aux mains d’un groupe d’ennemis, profite du moment où ceux-ci détachent son collier pour prendre ses dépêches, pour leur fausser compagnie et regagner le régiment. »

Sources :

« La 43e Division pendant la campagne de 1918 ». Éditions Mayence, grande imprimerie moderne. 1922

Pour en savoir plus sur le sujet :

« Les chiens de France, soldats de la Grande Guerre ». Ouvrage de Paul Megnin. Éditions Paris Albin Michel.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à J. Huret.

2 janvier 2015

Une petite note qui laisse présager le pire...

                 Marcel_Michelin_4

Une courte note, rédigée à la va-vite, est retrouvée sur le corps du lieutenant Michelin. Celle-ci indique les consignes à suivre en cas de décès… Le texte est écrit en grosses lettres sur deux modestes pages d’un petit carnet, qui sont remises en main propre au capitaine Laure. 

En voici le contenu :

Je serai reconnaissant à celui qui trouvera mes affaires.

1) De prévenir mon frère à la gare de Sens (P.L.M.).

2) De lui remettre ma chaîne de montre comme souvenir

3) De prendre l’argent qui se trouve sur moi. De cet argent, il y a 200 francs à la compagnie. Que l’on envoie le reste à ma famille qui paiera les quelques dettes courantes laissées à Épinal.

Cependant, je désire que l’on laisse 100 francs pour améliorer l’ordinaire de la compagnie.

Jusqu’à ce jour, 13 août, je n’ai pas touché mon indemnité d’entrée en campagne.

Deux lettres sont également retrouvées. La première est adressée à son frère, la seconde à sa mère.

Pour mon frère,

Tu resteras probablement seul avec maman pour la consoler. Dis-lui bien que dans ces crises où se jouent les vies du peuple, il faut que chaque famille soit représentée devant l’ennemi.

Je ferai mon devoir en bon français. Je te quitte, mon cher Maurice, et je t’embrasse de tout mon cœur, avec ta bonne compagne. Chérissez bien maman tous les deux.

Je ne puis pas t’exprimer tout ce que mon cœur contient, mais tu le comprendras facilement sans phrases. Je suis prêt à faire mon devoir jusqu’au dernier sacrifice, comme tu me le conseillerais si tu étais là. J’aurais tout de même bien voulu pouvoir t’embrasser avant de partir. Néanmoins, je le fais maintenant sur cet éperon boisé en face de Sainte-Marie où je viens de passer deux nuits glacées. Je t’embrasse donc de tout cœur dans une suprême et dernière étreinte.

Marcel

Pour ma mère,

Ma bonne maman,

Par ces journées ou par l’instabilité de l’existence, on pense aux êtres qui vous aiment. Mon esprit, dès qu’il est un peu libre, se reporte sans cesse vers toi. Tu ne reçois pas de nouvelles, mais cela n’a rien d’étonnant par ces temps troublés. Néanmoins, chaque jour, je songe à toi.

Marcel

 Dès le lendemain, Auguste Laure prend le temps de rédiger une lettre annonçant la mauvaise nouvelle, au frère de Marcel Michelin.

22 août 1914

Cher Monsieur,

La seule vue d’une écriture inconnue va vous donner des inquiétudes…

Aussi bien, je n’oublierai pas que j’écris à un homme, et pour lui parler d’un homme ! Vous voudrez bien m’excuser de le faire aussi carrément, en soldat, mais en ces temps douloureux, combien de nouvelles comme celle-ci frapperont au cœur des foyers aussi soudainement que les balles sur le champ de bataille !

Votre frère, votre pauvre frère, que j’aimais d’une affection profonde, est tombé hier, frappé d’une balle en pleine poitrine, alors qu’il accomplissait, avec un courage faisant l’admiration de tous ses hommes, une mission difficile confiée à la 10e compagnie, sous ses ordres.

Il était chargé d’assurer un repli du bataillon à un moment où celui-ci,  attaqué avec une impétuosité foudroyante, était menacé d’une véritable débâcle.

Grâce à lui, grâce à la froide et merveilleuse énergie avec laquelle il a su clouer au sol tous ses hommes pour couvrir notre mouvement de retraite, grâce au sacrifice qu’il a fait de sa vie en donnant ses ordres debout pour qu’ils soient mieux entendus, le bataillon a été sauvé.

À sa mémoire, je dois donc d’abord un remerciement ému. À son souvenir, j’attacherai celui d’un exemple qui restera toujours fixé devant mes yeux, nous ses chefs ou ses soldats. La profonde affection qu’il inspirait à sa troupe a permis qu’il ne fût pas abandonné sur le champ de bataille.  Sage, son ancien ordonnance l’a relevé, l’a transporté à l’ambulance. Il l’a remis entre les mains des médecins avec un dévouement et une fidélité que je ne saurais trop vous dire.

Je ne puis encore vous faire savoir où sa dépouille a été d’abord transportée, mais vous en serez avisé et vous recevrez, par les soins de l’autorité militaire, tous les renseignements qui vous sont indispensables, ainsi que les papiers ou l’argent qui auront été trouvés sur votre frère.

Veuillez bien, mon cher et pauvre Monsieur, exprimer à Madame votre mère, en lui apprenant la terrible nouvelle, l’hommage de mes condoléances les plus profondément respectueuses. Dites-lui que son fils est tombé magnifiquement en homme et en soldat, en lui adressant sa dernière pensée,  remerciez-la pour l’armée et pour le pays, du courage avec lequel elle acceptera ce sacrifice. Agréez, je vous prie, Monsieur, l’assurance de ma plus profonde sympathie.

Auguste Laure

Dans l’impossibilité de poster son courrier, le capitaine Laure en écrit une seconde quelques jours plus tard.

Paray-le-Monial le 27 août 1914

Monsieur,

Je vous envoie d’ici, où je viens d’arriver blessé, la lettre que je vous ai écrite il y a quelques jours déjà, pour vous annoncer la douloureuse nouvelle relative à votre frère. Nous avons été tellement bousculés depuis lors que nous n’avons pu envoyer aucune correspondance ! Ne m’en veuillez pas de ce retard, croyez que les horreurs de la guerre se sont, hélas ! abattues encore sur bien d’autres familles depuis que je vous écrivais. Veuillez bien trouver en moi, le meilleur ami, l’affection la plus sûre et la plus dévouée qu’ait pu s’assurer votre cher et si regretté frère.

Je vous parle dans ma lettre du soldat Sage, qui a retiré du feu le corps de son officier. Votre frère l’aimait beaucoup et lui avait promis un souvenir. Je lui ai remis provisoirement,et jusqu’à votre approbation, la montre de votre frère, détachée de la chaîne, que votre frère a spécifié dans ses notes, vous être destinée.

En me répondant, vous voudrez bien me faire connaître si vous approuvez. Je suis pour une huitaine de jours à Paray-le-Monial, puis je rejoindrai le 149e R.I.

Je vous reste redevable de la somme de 350 francs. Je pense qu’il est préférable d’attendre pour vous l’envoyer. Les papiers que je porte sur moi spécifient nettement qu’elle vous appartient.

Auguste Laure

Après inventaire, la cantine contenant les effets personnels du lieutenant Michelin est expédiée à la gare de Sens, pour être restituée à la famille.

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Sources :

Les lettres rédigées par le capitaine Laure et par lieutenant Michelin ainsi que l’inventaire de la cantine ont été communiqués les descendants de la famille de Marcel Michelin.

Pour en savoir plus sur le capitaine Laure, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

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Un grand merci à M. Bordes, à A.M. et G Lalau, à A. Carobbi et  à M. Porcher.

26 décembre 2014

Hippolyte Journoud, un talent foudroyé...

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Un livre vient de paraître, consacré à Hippolyte Journoud, jeune peintre lyonnais plein de promesses, mort au Chemin des Dames le 21 juin 1917.

 

« UN TALENT FOUDROYÉ » 

 Hippolyte Journoud peintre lyonnais, tué au Chemin des Dames.
Auteur : Henry Destour

Grâce à la riche documentation aimablement communiquée par sa famille, l’ouvrage présente une cinquantaine de dessins au fusain, des photos, des correspondances. On retrouve l’enfant, l’étudiant aux Beaux-Arts de Lyon, le jeune homme dans la bohème parisienne. En septembre 1914, il doit abandonner son chevalet et ses pinceaux pour le Lebel et l’as de carreau. Il est incorporé au 149e Régiment d’Infanterie auquel il appartiendra jusqu’à sa mort à Jouy. On partage ses craintes et ses espoirs de poilu à travers les lettres échangées avec ses cousins également mobilisés et sa marraine de guerre. On rencontre également sa famille, originaire de Saint-Genis-Terrrenoire aujourd’hui Genilac et dont la guerre et la mort vont briser les rêves.

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Pour celles et ceux qui souhaiteraient commander l’ouvrage, voici les coordonnées de l’auteur :

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26 décembre 2014

Hippolyte Journoud (1894-1917).

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Un très grand merci à la famille descendante d’Hippolyte Journoud et à Henry Destour sans qui cette notice biographique n’aurait pas pu voir le jour.

Enfance et adolescence

Hippolyte Jean Antoine Journoud voit le jour à Lyon, le 13 août 1894, dans un appartement situé au n° 6 de la rue d’Aguesseau. Il est le fils de Jean Claude Journoud et de Clémentine Perette Albert. À sa naissance, son père, âgé de 34 ans, est comptable indépendant. Sa mère, âgée de 26 ans, est ménagère. De l’union de Jean Claude et de Clémentine naît, en 1898, une petite fille qu’ils prénomment Germaine ; elle prononcera ses vœux de religieuse en 1932 et rejoindra la communauté de l’Oeuvre du Prado.

Dès son plus jeune âge, Hippolyte se passionne pour la représentation graphique. Il se met à lire avec avidité tous les livres d’images qui lui tombent entre les mains et commence très tôt à s’exercer au dessin. Ses parents, remarquant l’intérêt qu’il porte pour le 3e art, décident de l’inscrire en classe préparatoire à l’École nationale des Beaux-arts de Lyon où il entre en 1908. Il y a pour maîtres Castex-Dégrange et Auguste Morisot. Il suit également les cours du peintre Tony Tollet à l’école municipale de dessin du « Petit collège ».

Tout au long de sa formation, le jeune élève fait un excellent travail et reçoit, chaque année, de nouvelles récompenses. En 1912, il obtient une bourse de voyage qui lui est attribuée par la chambre de commerce de la ville de Lyon. Cette somme allouée lui offre l’opportunité de découvrir, pour la première fois de son existence, la Provence d’où il va ramener une multitude de dessins. Sa scolarité se termine en 1913.

Jeunesse

Une fois ses études terminées, le jeune Hippolyte décide de venir s’installer à Paris pour rejoindre son ami Raoul Servant, son « inséparable frère » qui partage la même passion pour la peinture. Ils logent tous les deux dans une toute petite pièce qui leur sert à la fois d’atelier et de lieu de vie. Au cours de cette période, le jeune artiste exerce ses talents en réalisant plusieurs œuvres ; « Le marché des fleurs », « Les deux sœurs », « Notre Dame-de-Paris », « Le port au sable du quai Malaquais » et « Romantisme » qui restera son dernier tableau réalisé avant le déclenchement du conflit.

Il est l’heure pour Hippolyte d’abandonner les pinceaux et de les remplacer par le lebel.

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Au 149e R.I.

La fiche signalétique et des services d’Hippolyte nous donne quelques précieuses informations sur son parcours de soldat. Entre autres, celle-ci nous fait savoir que le futur fantassin de 2e classe Journoud est affecté au 149e R.I. et qu’il doit arriver au corps le 8 septembre 1914.

Le temps de son instruction, de septembre 1914 à son départ au front, il est à la 25e compagnie du dépôt du 149e R.I. La photographie de groupe visible ci-dessus a été prise à Jorquenay pendant cette période, soit à l’occasion d’un exercice (ce qui est peu probable, vu l’absence de toutes traces de salissure sur les uniformes), soit après l’équipement au lieu de cantonnement (d’où la présence d’une jeune fille ou d’une femme).

En novembre 1914, dans une lettre rédigée à l’intention d’un de ses cousins, il annonce son départ imminent pour le front. Pour lui, la guerre va commencer en Belgique.

Début 1915, son régiment quitte la région d’Ypres pour venir s’installer en Artois, dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Hippolyte Journoud, soldat de la 5e compagnie du régiment, est blessé, tout comme son chef de compagnie, le lieutenant Paul Isler et 32 de ses compagnons d’infortune, le 10 mai 1915. Quelques éclats d’obus sont venus se loger dans son cuir chevelu. Cette blessure le fait évacuer vers l’arrière. Après avoir subi les premiers soins, il est envoyé en convalescence pour une courte période, près de Villedieu, une petite commune normande.

Un bref moment de repos à Épinal en mai juin 1915 lui permet de réaliser quelques croquis. La Moselle, les jardins, l’église Saint-Maurice lui fournissent l’occasion de sortir plusieurs fois les fusains… Puis, c’est le retour au front.

Au cours de l’hiver 1915, de graves problèmes de gelures aux mains le font à nouveau quitter la zone des combats. Hippolyte Journoud est soigné dans un premier temps à Ohlain, puis à Berk-Plage. Depuis ce lieu, il envoie à sa famille le petit courrier suivant :

« Je vais pouvoir me reposer tout à mon aise. Je n’en pouvais plus. Cette boue, la pluie, les fatigues m’avaient anéanti… »

Cette courte phrase en dit vraiment long sur l’état moral du jeune homme… Celui-ci quitte l’hôpital fin mars 1916 alors que ses camarades de régiment subissent l’enfer meusien dans le secteur du fort de Vaux…

Hippolyte rejoint le 149e R.I., après une brève convalescence qui lui permet de revoir la famille, les amis et certains de ses anciens professeurs.

Hippolyte_Journoud_posant_devant_son_dernier_tableau

Avril 1917, le 149e R.I. se trouve dans le secteur de Villersexel. L’artiste est sollicité par le lieutenant-colonel Paul Francis Pineau qui lui demande de réaliser un rideau de scène pour le théâtre de son régiment. Tout heureux de retrouver sa palette et ses pinceaux, c’est un véritable moment de bonheur pour le jeune peintre de pouvoir à nouveau s’adonner à son art.

Theatre_du_149e_R

Le soldat Journoud se trouve à la C.H.R. lorsqu’il décède le 21 juin 1917 par suite de plaie due à des éclats d’obus reçus dans la région des reins. Ce jour-là, il exerce ses fonctions de télégraphiste dans un petit poste avancé qui se trouve dans le secteur de Jouy, une commune située dans le département de l’Aisne. Plusieurs de ses camarades trouvent la mort en même temps que lui.

Les sergents Henri Edmond Arfeuille et Raoul Guillaume Florent Arnal, tous deux du 149e R.I. confirment sont décès.

Hippolyte partage le même terrible destin que son ami le peintre Raoul Servant, tué en septembre 1915, en Champagne.

Le jeune homme est, dans un premier temps, enterré dans le cimetière de Ciry-Salsogne sous une croix de bois qui porte le n° 29. Il repose actuellement dans le caveau familial du petit cimetière de Saint-Genis-Terrenoire, devenu Genilac en 1973.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la ville de Lyon, parc de la Tête d’or, et sur celui de Saint-Genis.

Citation à  l’ordre du régiment n° 53 en date du 27 juin 1917 :

« Soldat courageux et dévoué, tombé glorieusement à son poste de combat le 21 juin 1917. Mort pour la France »

La Médaille militaire lui est attribuée à titre posthume.

Hippolyte_Journoud_2

Tout au long du conflit, Hippolyte Journoud va réaliser de nombreux dessins. Ses croquis montrent des paysages, des destructions dues à la guerre, des scènes de vie quotidienne dans les tranchées qui laissent percevoir une grande sensibilité chez le jeune homme. Ses œuvres ont été exposées à Lyon, en 1919, à la Galerie des deux collines. Toujours en 1919, un certain nombre ont pu être rassemblées dans un ouvrage édité à l’initiative de son père et tiré à un nombre réduit d’exemplaires.

La_manille

Sources :

La fiche signalétique et des services d’Hippolyte Journoud a été consultée sur le site des archives départementales de la ville de Lyon.

L’acte de naissance d’Hippolyte Journoud a été trouvé sur le site des archives municipales de Lyon.

Ouvrage :

« Hippolyte Journoud » Imprimerie de la maison des deux collines. XXXII phototypies 1919.

Les deux dessins « Artois 1915 le départ pour la relève » et « Manille » proviennent de cet ouvrage.

Articles de revues :

Article de journal de Lyon « le salut public » Samedi 22 février 1919.

Hippolyte Journoud, peintre méconnu. Article de  A. Pouilloux, in « Aujourd’hui Genilac » n°31, avril 1993.

Genilac : Bulletin d’informations n° 91. Février 2014.

Le peintre lyonnais Hippolyte Journoud (1894-1917) un jeune talent victime de la Grande Guerre. Article de Jean Burdy.  Mémoire des pays du Gier.  A.R.R.H., numéro 23. Année 2012.

Un grand merci à M. Bordes, à la famille Aupetit, à A. Carobbi et à H. Destour.

19 décembre 2014

Carnet du lieutenant Marcel Michelin.

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Un chaleureux merci à la famille descendante de Marcel Michelin pour m’avoir donné l’autorisation de reproduire ici l’intégralité du témoignage laissé par cet officier.

Ma cordiale reconnaissance à M. Porcher pour m’avoir mis en relation avec eux.

Une amicale poignée de main à S. Agosto pour la réalisation de ce dessin illustrant une scène évoquée dans le témoignage de Marcel Michelin.

Un petit carnet retrouvé dans les effets personnels du lieutenant Michelin nous raconte le départ du 149e R.I. depuis la caserne Courcy, la montée des troupes dans les trains à la gare d’Épinal, les longues marches pour rejoindre la frontière allemande et les tout débuts du conflit.

31 juillet 1914

L’alerte attendue depuis le départ du Valdahon arrive enfin. À 2 heures du matin, mon ordonnance vient me réveiller. Le régiment se mobilise. Ma cantine est prête, il ne me reste qu’à me mettre en tenue de campagne et à monter. Un flot de pensées me traverse l’esprit, mes parents laissés à l’intérieur et qui resteront sans nouvelles. La revanche tant souhaitée, tant attendue et dont l’heure semblait enfin sonnée. Espérons que nous prendrons l’offensive et que bientôt, nous dévalerons les pentes alsaciennes, fiers de montrer à ces sympathiques populations, que la race française n’a pas guéri.

Au quartier, il y a une animation sans pareille. Néanmoins, toutes les opérations se passent dans le calme le plus absolu. On se croirait à un exercice qui finira quelques heures après.

Devant le quartier, les parents des soldats, les femmes et les enfants des sous-officiers viennent embrasser leur fils, leur mari ou leur père. Qui sait ? Ce sera peut-être la dernière fois.

À 9 heures, le colonel passe la revue, on se croirait à la parade. Le lieutenant-colonel Escallon est présenté aux troupes, puis les officiers descendent en ville par moitié. Ils ont deux heures pour déjeuner. Une grande gaieté règne à la table des lieutenants. C’est la dernière fois que nous sommes réunis, aussi débouchons-nous quelques bouteilles, puis rapidement nous remontons vers le quartier. Nous attendons toute la journée. À 7 heures du soir, le télégramme de couverture arrive. Nous allons partir !

1er août 1914

La 10e compagnie étant de jour, je suis désigné pour commander la garde de police. Je constate à la gare, le même calme qu’hier à la caserne. L’équipe d’embarquement fonctionne comme nous embarquerions pour une manœuvre. Le général de brigade monte dans notre train.

À 4 heures 30, le convoi s’ébranle. Cependant, nous nous arrêtons encore quelques instants dans la gare d’Épinal. Sur le quai, le lieutenant Ranger reconnait sa femme et sa petite fille, qui s’en vont elles aussi vers l’intérieur, n’attendant pas l’évacuation de la ville. J’admire cet homme qui a assez de sang froid pour cacher la vérité à sa femme, dont le visage ne trahit aucun sentiment et qui embrasse sa petite fille sans que personne ne puisse se douter que ce sera peut-être la dernière fois !

Gare_Epinal_carnet_Marcel_Michelin

Nous arrivons à Bruyères où nous débarquons. Tout le long de la route, les populations nous acclamèrent. On sentait vraiment que la guerre avait passé là, il y a quarante-quatre ans.

Carte_1_carnet_Marcel_Michelin

À 16 heures, la mobilisation est décrétée. Il faut admirer ces gens qui lisant l’affiche se retournaient tranquillement, embrassant leurs femmes et leurs enfants, puis obéissant immédiatement à leurs fascicules.

Je passe la nuit au corps de garde. À chaque instant, les sentinelles arrêtent des personnes que je dois interroger. Cela rend le service un peu moins monotone. Les nouvelles les plus fantaisistes commencent à circuler. Le 158e R.I. aurait, parait-il, déjà tiré. Cela me parait bien extraordinaire.

2 août 1914

Je suis relevé de garde à 5 heures par le lieutenant Bruzon. Je fais rentrer ma section dans son cantonnement. Le capitaine me permet de m’allonger sur son lit. J’en ai bien besoin. C’était la 3e nuit que pour ainsi dire je n’avais pas dormi. Nous passons la journée à Bruyères.

3 août 1914

À 3 heures 30, mon ordonnance vient me réveiller. Il faut se tenir prêt à partir. Le bataillon est bientôt rassemblé et nous attendons les nouvelles avec impatience.

Enfin, l’ordre du corps d’armée arrive. Nous devons nous porter sur Corcieux et attendre l’artillerie de corps. Nous quittons Bruyères à 8 heures. La chaleur est torride. Les hommes peinent de façon extraordinaire. Les habitants mettent des seaux le long de la route. Ils feraient mieux de s’en abstenir ! Certains hommes boivent jusqu’à deux ou trois litres d’eau en peu de temps. Cela les exténue davantage. D’autres sont atteints de coups de chaleur. Le capitaine réquisitionne deux voitures pour porter les sacs des plus fatigués. Je ne puis m’empêcher de comparer cette marche à celle qu’effectua le 5e corps prussien, le 5 août 1870. Elle est en tous points semblable. Rassemblements prématurés, attente d’une longueur excessive, les hommes boivent parce qu’ils ne savent que faire. En route, ils ne sont pas assez raisonnables pour seulement se rincer la bouche.

Le soir, je vais reprendre la garde à la ferme des Echères.

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4 août 1914

Ce matin, nous recevons nos réservistes, ce qui porte notre compagnie à 250 hommes. Vers huit heures, le commandant nous rejoint à la ferme des Echères et nous nous portons vers le village la Côte, où nous passons la journée.

À 15 heures, un télégramme officiel nous apprend la déclaration de la guerre.

5 août 1914

La compagnie est relevée de ses avant-postes par la 11e compagnie. Nous regagnons la réserve à Vanémont. Nous apprenons que l’Angleterre mobilise, que le 152e R.I. est déjà rentré en Alsace. Quand aurons-nous cet honneur ? Nous avons reçu le sous-lieutenant le Brigant, fraîchement promu de Saint-Maixent. Quel beau début de carrière !

6 août 1914

À 1 heure du matin, nous sommes réveillés. Nous partons pour Saulcy-sur-Meurthe. Une pluie diluvienne s’abat sur nous. Néanmoins, les hommes conservent leur gaieté. Je dois de nouveau prendre les avant-postes  près de la ferme Corneille. Mais la journée se passe aussi monotone que les autres. Le 10e bataillon de chasseurs a parait-il tués quelques uhlans. Le maire de Saales a été fusillé ainsi que celui de  Neuvillers-sur-Fave. Les Belges auraient, parait-il, repoussé les Allemands devant Liège. Telles sont les nouvelles. Quand marcherons-nous sur l’Alsace ?

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7 août 1914

Nous restons sur les emplacements de la veille.

8 août 1914

Nous recevons l’ordre de nous tenir prêts à partir. À midi, nous partons pour la Croix-aux-Mines. Vers 16 heures, nous repartons cette fois pour la frontière.

Nous passons la frontière près du col de la Grande Cude. Le bataillon s’arrête sur la crête. Comme l’on ne sait pas où est le 31e B.C.P., je suis envoyé en reconnaissance avec quatre hommes afin de le découvrir.

Après avoir fait 2 kilomètres en Alsace, nous arrivons près d’une ferme à l’est d’Hochbrück où se trouve une section de chasseurs. Je remets au lieutenant le pli dont j’étais chargé pour le commandant du 31e B.C.P., puis je retrouve la section du lieutenant le Brigant qui devait reconnaitre un éperon boisé dominant Sainte-Marie-aux-Mines. Nous restons ainsi jusqu’à onze heures du soir, heure à laquelle nous recevons l’ordre de rejoindre la compagnie. Il fait un froid terrible pendant cette nuit. Aussi, le matin, nous nous réveillons tout transis.

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9 août 1914

Vers 4 heures du matin, nous nous réveillons pour aller occuper l’éperon boisé. J’étais déjà venu la veille avec le sous-lieutenant le Brigant. Nous restons sur cet éperon toute la journée sans recevoir de ravitaillement. On entame les vivres de réserve.

Toute la journée, le canon a tonné de part et d’autre. Ses obus sifflent et éclatent presque sans discontinuer.

Sur le mamelon qui nous fait face et qui domine la route du col à Sainte-Marie, une fusillade intense se poursuit toute la journée et ne cesse qu’à la nuit. Nous passons la nuit sur le même éperon, toujours le même froid, aucun ravitaillement.

10 août 1914

Vers 8 heures du matin, je suis appelé vers la lisière du bois. Quelques patrouilleurs prussiens montent la crête. Mes hommes tirent sur ces tirailleurs. Aussitôt, une batterie prussienne ouvre le feu sur nous.

Pendant quelques minutes, les obus pleuvent sur nous, les hommes baissent la tête. Enfin, le cercle de feu s’élargit. Nous n’avons eu qu’un blessé. Le soleil se met à darder, une chaleur torride s’abat sur nous et nous restons sur la position jusqu’à 13 heures.

A treize heures, nous sommes relevés. Nous laissons quelques patrouilles et nous attendons.

Un moment, nous avons eu l’espoir d’être relevés sur notre position. Mais il a fallu bientôt laisser cette espérance s’envoler. Ce soir, nous nous attendions à réentendre le canon allemand, mais nous nous couchons sans avoir à l’écouter. À minuit, nous sommes réveillés, il parait que nous allons être relevés par un bataillon du 75e R.I..

En effet, nous partons et nous allons bivouaquer à quelques centaines de mètres du col et nous attendons.

11 août 1914

Au réveil, de nouvelles rafales éclatent et pendant une demi-heure, il faut rester tapis. Nous sommes tranquilles jusqu’à midi, heure à laquelle la danse recommence.

Cependant, notre artillerie semble avoir pris une large supériorité. Vers le soir, de nouvelles rafales éclatent sur nous, les hommes se glissent sous les maigres branchages qui leur servent d’abri. De nouveau les obus cessent de pleuvoir. Nous nous portons alors à la lisière et nous organisons une tranchée. Nous rentrons à minuit.

12 août 1914

 Nous partons pour Bertrimoutier où nous restons une partie de la journée. Beaucoup d’officiers et d’hommes ont été perdus dans le combat de dimanche dernier près du Renclos-des-Vaches. Les lieutenants Bedos, Dezitter, Camus, le commandant de Sury et bien d’autres manquent à l’appel. Ce sera peut-être notre tour demain. Le soir, nous repartons et nous allons cantonner à Colroy-la-Grande après une marche de nuit. Nous avons appris que le quartier général était à Saales. Il est donc probable que nous allons repasser la frontière.

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13 août 1914

Nous allons cantonner à Provenchères.

14 août 1914

Nous nous portons de Provenchères sur le col de Saales que nous franchissons. Chacun respirait de la fraîcheur en Alsace.

Les hommes en oubliaient presque le chargement. Le 3e bataillon est désigné pour se porter de Bourg Bruche vers les Hauts-de-Steige. Il doit servir de liaison entre le 21e et le 14e C.A.. Arrivés près de Steige, le commandant tombe blessé mortellement.

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15 août 1914

Nous restons sur notre position des Hauts-de-Steige. Le bataillon est placé sous les ordres du général Vittel ( ?). Vers 11 heures du matin, le village est bombardé, une de ses maisons prend feu. Le soir, nouveau bombardement.

Quelques Allemands quittent leurs tranchées et s’enfuient.

À la nuit, une pluie diluvienne s’abat sur nous. Les modestes abris de branches et de feuilles construits par les hommes sont vite traversés. Le matin, nous nous levons absolument transis et mouillés.

16 août 1914

Nous restons sur notre position de Hauts-de-Steige, la pluie continue à tomber. Nous n’avons plus un fil de sec. Le soir nous allons cantonner à la Salcée pour servir de soutien à l’artillerie qui se retire dans le pays.

Le capitaine Laure prend le commandement du bataillon. Provisoirement, je dois commander la compagnie, devoir dont malgré ma grande inexpérience j’essayerai d’accomplir du mieux possible. Ce matin en passant Saales, j’étais assez violemment ému, d’abord pour les souvenirs historiques et aussi parce que je suis déjà passé là aux dernières permissions de la Pentecôte à la suite de notre excursion à Sainte-Odile et Barr. Ce n’était plus en fugitifs que les officiers passaient la frontière. Nous sommes renforcés vers le soir, par un bataillon du 158e  R.I.. La nuit se passe sans incident.

17 août 1914

Nous revenons vers les Hauts-de-Steige. Nous attendons avec impatience d’être relevés de cette position. Le soir, l’ordre arrive et nous allons cantonner à Ranrupt.

18 août 1914

Nous quittons Ranrupt vers 3 heures du matin et prenons la route de Schirmeck puis celle de Donon. La montée du Donon est très dure. Beaucoup d’hommes restent en route avant d’arriver dans le haut où nous faisons la grand’ halte. Spectacle lamentable d’une colonne s’égrenant tout le long d’une route sans qu’aucune force humaine puisse y remédier.

Nous bivouaquons près de l’hôtel Velleda. Le soir, tous les officiers du bataillon se réunissent. Il y a bien longtemps que pareille joie nous avait été réservée…

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Tels sont les derniers mots écrits par le lieutenant Marcel Michelin. Il fut tué le 21 août 1914, près de la Valette, un petit hameau situé au nord d’Abreschviller, sans avoir pu écrire une nouvelle fois dans son carnet.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à M. Porcher, et à la famille descendante de Marcel Michelin. 

12 décembre 2014

Lettres de Marcel Michelin à sa mère.

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La campagne contre l’Allemagne effectuée par le lieutenant Marcel Michelin est brève. Au cours de cette courte période, qui a duré un peu plus de trois semaines, il rédige trois lettres qui sont toutes adressées à sa mère. La dernière a été écrite la veille de sa mort.

Tous mes remerciements à la famille descendante du lieutenant Michelin pour leur autorisation de publier ici ces quelques lettres.

Lettre du 13 août 1914

Ma chère maman,

Je ne sais pas exactement où tu te trouves. En tout cas, j’envoie cette carte à Sens. Vous n’avez pas encore reçu de mes nouvelles parce que nous n’avons pas arrêté depuis notre départ d’Épinal. Nous avons été engagés pendant trois jours consécutifs. Enfin, la poste ne fonctionnant pas très bien, il est probable que même cette carte arrivera avec beaucoup de retard.

Pour m’écrire, il faut adresser les lettres de la façon suivante :

Lieutenant Michelin – 10e compagnie du 149e R.I. par Langres.

Jusqu’à présent, je me porte à ravir. Espérons que cela continuera. Surtout, ne te fais pas trop de mauvais sang, surtout si tu ne reçois pas de nouvelles, car cela n’a rien d’extraordinaire.

Je vous embrasse bien fort tous les trois.

Marcel Michelin

Lettre du 18 août 1914

Ma bonne maman,

Depuis ma dernière lettre, pas mal de pérégrinations. Nous sommes de nouveau rentrés en Alsace par le col de Saales et pendant 4 jours nous avons tenu une position près du Haut-de-Steige. Notre brave commandant a trouvé la mort dans ces escarmouches. Mon capitaine a pris le commandement du bataillon et moi celui de la compagnie. C’est un commandement un peu lourd pour un jeune officier, mais enfin, je ferai mon possible pour m’en tirer avec honneur.

La vie de campagne, comme tu t’en doutes, est totalement différente de celle du temps de paix. Non seulement à cause des balles ou des obus, mais aussi à cause des privations que l’on endure.

Depuis mon départ d’Épinal, je n’ai couché qu’une seule fois dans un lit et 3 ou 4 fois dans le foin, le reste du temps sur l’herbe ou la terre. On ne mange plus aux heures régulières, mais quand on peut, un mauvais morceau de viande avec du pain dur. Je suis privé de légumes. Une chose me frappe encore, c’est la facilité avec laquelle on s’habitue à toutes ces misères, à tel point qu’un verre de vin, de loin en loin, nous semble un délice digne des rois.

Surtout après ces descriptions, ne te mets pas martel en tête, ne t’imagine pas que je suis malheureux. Une seule chose me manque, c’est vous. Il me semble qu’il y  a une éternité que nous nous sommes quittés.

Dans le cas où vous n’auriez pas reçu ma dernière lettre, pour m’écrire, il faut m’adresser les lettres de la façon suivante :

Lieutenant Michelin – 10e compagnie du 149e R.I. par Langres.

Je te quitte, ma bonne maman et t’embrasse bien sur les deux joues ainsi que Maurice et Suzanne.

Marcel Michelin

Lettre du 20 août 1914

Ma bonne maman,

Je reçois ce matin une lettre de Suzanne. Je ne suis pas étonné, outre mesure, de voir que vous n’avez encore rien reçu. En questionnant les autres officiers, je m’aperçois qu’ils sont à la même enseigne. Les lettres ont énormément de retard. Ne vous inquiétez donc pas.

Je voudrais bien vous donner quelques détails sur nos propres opérations, mais c’est formellement interdit, car le courrier peut être saisi et il ne faut donner aucun renseignement à l’ennemi.

Nous avons la chance de faire la guerre en pays ennemi, ce qui n’appauvrit pas le nôtre, au contraire. Il faut souhaiter que le beau temps continue,car coucher dehors, sans abri, ce n’est pas drôle sous la pluie.

Les canons tonnent toujours, les fusils aussi. Les hommes n’ont presque plus rien de réglementaire et l’on emploie largement ce que l’on trouve sur les Allemands (Sacs, sceaux, couvertures, marmites…)

Jusqu’à présent, je n’ai pas eu la moindre indisposition. Je pense que vous vous portez bien et que vous ne souffrez pas beaucoup de la crise.

Bons baisers à vous trois.

Marcel Michelin

Sources :

Les lettres et la carte d’identité du lieutenant Marcel Michelin ont été communiquées par les descendants de cet officier.

Un grand merci à M. Bordes, à A.M. et G. Lalau et à M. Porcher.

5 décembre 2014

Marcel Michelin (1888-1914).

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Marcel Michelin voit le jour le 25 octobre 1888 au 38e bis du boulevard Saint-Marcel à Paris. Son acte de naissance est enregistré à la mairie du Panthéon située dans le 5e arrondissement de la capitale. À cette époque, son père, Antoine Henri, âgé de 45 ans, travaille comme chef de bureau aux chemins de fer de Lyon. Sa mère, Jeanne Charlotte Meillier a 32 ans. Elle n’exerce pas de profession.

Après avoir obtenu son baccalauréat ès sciences, langues vivantes et mathématiques, le jeune Marcel souhaite faire une carrière militaire. Il quitte le domicile de sa mère, pour venir signer un engagement volontaire d’une durée de quatre ans à la mairie du 12e arrondissement de Paris, le 7 octobre 1909. Il n’a pas encore fêté ses 20 ans. Il doit maintenant se mettre en route pour rejoindre la ville d’Auxonne. Trois jours plus tard, il intègre le 10e R.I. comme simple soldat.       

Admis à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr par décision ministérielle du 19 septembre 1909, il quitte la caserne Chambure pour commencer sa formation d’officier à la mi-octobre 1910. Marcel Michelin intègre la promotion de Fez avec le grade d’aspirant.

Au cours de ses deux années d’études, le jeune homme sera sanctionné à quatre reprises. Toutes ces punitions lui seront infligées par son capitaine de groupe. Celles-ci nous donnent une idée assez précise de ce que pouvaient vivre au quotidien des élèves de Saint-Cyr. Les notions de responsabilité et de sécurité sont vraiment prises très au sérieux par l’ensemble des encadrants. Elles font parties intégrantes de la formation des futurs officiers.

Le 5 janvier 1911, son supérieur lui impose une punition de 4 jours d’arrêts simples. L’aspirant Michelin ne s’est pas conformé aux instructions données par son capitaine pour l’exécution du tir à la cible.

Le 2 mai de la même année, Marcel Michelin reçoit un avertissement. Cette fois-ci,  il lui est reproché de ne pas avoir signalé les dégradations survenues dans la salle des jeux, alors qu’il en était le fonctionnaire fourrier responsable.

Le 25 octobre 1912, une sanction un peu plus sévère lui vaut 8 jours d’arrêts simples. Son capitaine fait savoir que son subordonné n’a pas pu rendre compte des circonstances dans lesquelles avait disparu la clef servant, en cas d’incendie, à ouvrir la porte qui sépare la salle Magenta des locaux disciplinaires.

Le 10 novembre 1912, il est puni d’un jour d’arrêts simples pour avoir placé,sur la case, une paire de chaussures insuffisamment nettoyées.

Nommé sous-lieutenant au 149e R.I. dès sa sortie de l’école, le jeune homme doit rejoindre son nouveau régiment le 1er octobre 1912. Un an plus tard, jour pour jour, il peut coudre sur sa  vareuse ses galons de lieutenant.

Marcel Michelin est décrit par ses supérieurs comme étant un officier intelligent et cultivé. Une timidité due à son jeune âge et à son manque d’assurance le gêne encore un peu dans l’art du commandement. Il doit acquérir de l’expérience… seul le temps pourra le permettre.

En 1913, des soucis de santé viennent interrompre momentanément sa carrière. Il doit prendre un congé de convalescence d’une durée de deux mois, après avoir fait un séjour à l’hôpital. Remis sur pieds, il retrouve son régiment à temps pour participer aux manœuvres d’automne. Au cours de ces exercices, il s’applique à remplir toutes les missions qui lui sont assignées avec zèle et conscience. Le commandant du régiment dit de lui qu’il a tout ce qu’il faut pour devenir un excellent officier.

Mais le cours de l’histoire va en décider autrement ! Fin juillet 1914, la guerre contre l’Allemagne se profile. Le 149e R.I. doit se mettre en route pour rejoindre la frontière. Après plusieurs jours de marche, le régiment engage son premier combat. Celui-ci se déroule le 9 août 1914, près du village de Wisembach.

 À ce moment-là, le lieutenant Michelin encadre une section de la 10e compagnie, qui se trouve sous les ordres du capitaine Laure. Cette compagnie ne participera pas à ce combat.

Le 21 août 1914, Marcel Michelin dirige la 10e compagnie, il en a pris le commandement depuis que le capitaine Laure est parti remplacer le commandant Didierjean à la tête du 3e bataillon du 149e R.I..

Ce jour-là, il reçoit l’ordre de couvrir, avec ses hommes, les mouvements de repli des 2e et 3e bataillons du régiment. Ceux-ci se trouvent en grande difficulté dans le secteur du bois de Voyer.

Le lieutenant Michelin est tué près de la Valette, un petit hameau situé au nord d’Abrechviller, en assumant sa mission, il allait avoir 26 ans.

Dans un premier temps, Marcel Michelin est enterré à proximité du sanatorium avec onze soldats français. En 1920, sa mère est informée du transfert du corps du lieutenant dans le petit cimetière militaire d’Abreschviller. En avril 1921, la famille obtient l’autorisation de faire inhumer Marcel Michelin dans le caveau familial du cimetière d’Ahuy, petite ville située dans le département de la Côte-d’Or.

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Le 14 février 1915, le lieutenant-colonel Gothié écrit ceci à son sujet : « Cet homme de devoir et d’action a dirigé sa compagnie avec une rare énergie. Il a préféré se faire tuer sur place plutôt que de céder  un pouce de terrain à l’ennemi. »

Citation à l’ordre de l’armée n° 44 de la Xe armée du 11 janvier 1915 :

«  A été tué à la tête de la compagnie dont il avait le commandement, en résistant le 21 août 1914 devant Abreschviller, sur une position de repli qu’il avait reçu l’ordre de tenir à tout prix et où il s’est trouvé attaqué par des forces très supérieures en nombre, a réussi par son sacrifice et par le magnifique exemple de son énergie à remplir complètement la mission qui avait été donnée à la compagnie. »

Chevalier de la Légion d’honneur par arrêté ministériel du 18 octobre 1920.

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En 1998, deux plaques commémoratives sont retrouvées dans le grenier du lycée de la ville de Sens ; l’une d’entre elles porte le nom de Marcel Michelin. Celle-ci avait été initialement posée dans une des sept salles d’honneur inaugurées le 13 juillet 1923 par le général Émile Belin, président d’honneur de l'association amicale des anciens élèves du lycée de Sens.

Cette plaque commémorative se trouve, depuis novembre 2000, dans la salle 219.

Le nom du lieutenant Marcel Michelin figure également sur la plaque 1914 du monument aux morts de l'établissement de la ville de Sens qui rappelle le sacrifice des anciens élèves depuis les guerres du Second Empire.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le portrait du lieutenant Michelin provient du livre d’or des anciens élèves du lycée de Sens publié aux  éditions : « Sens, société générale d’imprimerie et d’édition ».1925.

La photographie de la sépulture a été réalisée par les descendants lieutenant Michelin.

Certaines informations concernant Marcel Michelin ont été communiquées par la famille de cet officier.

La photographie et les informations concernant  la plaque commémorative  du lieutenant Michelin ont été fournies par D. P. Lobreau, professeur agrégé d’histoire. Pour en savoir plus, il suffit de cliquer une fois sur l'mage suivante :

Lyc_e_de_Sens

Un grand merci à M. Bordes, à  A.M. et G. Lalau, à D.P. Lobreau à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

28 novembre 2014

Joseph René Micard (1876-1914).

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Joseph René Micard est né le 2 février 1876 dans la petite ville d’Isigny, une commune située dans le département du Calvados. À sa naissance, son père, Jean Sidoine, âgé de 58 ans, exerce la profession de percepteur-receveur. Sa mère, Marie Camille Poupiet, est âgée de 43 ans.

Après l’obtention de son certificat d’études, Joseph poursuit sa scolarité au collège Stanislas de Paris, puis au lycée Sainte-Geneviève de Versailles. Il obtient son baccalauréat ès lettres et philosophie en 1896.

L’âge adulte est arrivé, il est temps pour lui de faire un choix professionnel ! Le jeune Micard opte pour le métier de soldat. Il signe un engagement volontaire d’une durée de 3 ans à la mairie de Versailles le 30 octobre 1896 et entre, le jour même, à l’école spéciale militaire. Joseph intègre la 81e promotion dite « première des grandes manœuvres », comme élève de 2e classe. Il vient d’être admis avec le numéro 160 sur 538 élèves.

Il commence à pratiquer l’escrime et la gymnastique à partir du  1er novembre 1896. Ces deux activités sportives occuperont une place importante dans sa carrière militaire. Le 1er octobre 1898, c’est la nomination au grade de sous-lieutenant par décret du 17 septembre 1898, sa formation saint-cyrienne vient tout juste de se terminer.

Le général responsable de l’école dit de lui : «  C’est un homme à l’esprit pondéré, intelligent, qui a un bon jugement, un peu lent, mais très consciencieux. Il fera un bon officier sur lequel on pourra compter en toutes circonstances. »

Joseph Micard quitte Saint-Cyr avec le numéro 343 sur 522. Sa « feuille de route » lui fait savoir qu’il doit se rendre à Langres, pour rejoindre le 21e R.I..

Le 27 mars 1899, un léger manquement à la discipline lui vaut 2 jours d’arrêts simples. Le capitaine adjudant major de semaine Charrière lui porte le motif suivant : « Étant commandé pour recevoir, comme officier de semaine, l’appel du soir du dimanche 26 mars, à la caserne des Ursulines, n’a pas exécuté ce service.» Ce sera l’unique punition qu’il aura dans tout son parcours de militaire.

Joseph Micard devient lieutenant le 1er octobre 1900. Au cours de l’année suivante, il exerce les fonctions de lieutenant d’armement. Il reprend son service d’officier de compagnie au début du mois d’avril 1902. Considéré comme étant un peu timide à ses débuts par ses supérieurs, cet officier de 26 ans commence à prendre de l’assurance dans l’art du commandement.

 Le lieutenant Micard suit les cours de l’école nationale de gymnastique et d’escrime du 15 octobre 1902 au 15 janvier 1903. Dès son retour de formation, il est chargé de mener à bien les exercices corporels effectués par la troupe. Il est également responsable de la télégraphie en 1903-1904.

En 1905, cet officier est détaché au peloton des dispensés où il est perçu comme un excellent instructeur. Joseph Micard est très apprécié de ses hommes.

En mars 1906, il effectue un stage de 15 jours à l’école normale de tir de Châlons, pour être formé au commandement des sections de mitrailleuses de campagne. À la fin de ce stage, il aura, sous ses ordres, une section de mitrailleuses de son régiment.

En 1907, il se présente au concours de l’école de guerre, mais sans succès.  Le lieutenant Micard suit les cours de l’école des travaux de campagne du 6e génie à Angers, du 7 juillet au 18 août 1907.

Les années d’expérience d’officier commencent à s’accumuler. L’année 1910 le voit de nouveau partir en formation. Il accomplit un stage de cinq semaines à l’école normale de tir de la Valbonne du 20 février au 27 mars 1910.

Le 16 octobre 1911, il épouse mademoiselle Marguerite Marie Hoffmann, une jeune vosgienne âgée de 30 ans qui est domiciliée à Poussay. De cette union naîtra une petite fille.

Un décret du 23 décembre 1912 lui permet de devenir capitaine à compter du 9 janvier 1913. Avec cet avancement, une nouvelle affectation l’attend. Il se prépare à traverser une grande partie de la France, d’est  en ouest pour rejoindre la Bretagne. Il vient d’être muté au 25e R.I., un régiment qui est cantonné à Cherbourg.

Cette région ne semble pas le satisfaire. Quelques mois plus tard, il demande à être muté dans un régiment vosgien pour convenances personnelles. Cette demande est acceptée, le capitaine Micard doit rejoindre le 149e R.I.. Il arrive dans la ville d’Épinal au début du mois d’août 1913 pour prendre le commandement de la 5e compagnie. Il y restera jusqu’au début du conflit contre l’Allemagne en août 1914.

Dans la matinée du 31 juillet 1914, sa compagnie quitte les quais de la gare spinalienne pour se rendre à Bruyères, un petit village situé à quelque 28 km. Ensuite, une longue marche en direction de la frontière commence, celle-ci durera plusieurs jours. Le 9 août 1914, c’est le baptême du feu, le capitaine Micard mène ses hommes au combat, dans le secteur du Renclos des Vaches qui se trouve près de Wisembach.

Le 21 août 1914, cet officier est tué au cours d’une mission de reconnaissance, près du petit village lorrain de Biberkirch.

Joseph Micard est, dans un premier temps, enterré dans une tombe commune, avec un lieutenant et sept soldats français. Le 5 mars 1920, il est inhumé dans le cimetière militaire de Sarrebourg. Sa sépulture individuelle porte le numéro 86 E.

Il repose actuellement dans le petit cimetière communal vosgien de Poussay, dans la sépulture de famille de son épouse.

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Citation à l’ordre n° 70 de la 10e armée en date du 31 mai 1915 :

« Tué le 21 août 1914 vers Abreschviller, en allant reconnaître avec quelques hommes un bois qui se trouvait à la droite de sa compagnie et qui était, depuis la veille, occupé par l’ennemi. Avait déjà fait preuve d’un grand sang-froid et du plus beau courage au combat du 9 août au col de Sainte-Marie en ramenant, sous une fusillade des plus meurtrières, un de ses officiers grièvement blessé. »

Il est inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur par arrêté du 22 juillet 1919 (J.O. du 17 octobre 1919).

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de Vincennes.

La photographie de la sépulture du capitaine Micard a été réalisée par É. Mansuy (avec l’aimable autorisation de F. Tabellion pour la publication de ce cliché).

Livre d’or de l’école Sainte-Geneviève (1854-1924). 576 pages. Imprimerie de Catalar frères. 1925.

La fiche individuelle de Joseph Micard, est extraite du fichier des « morts pour la France » du site « mémoire des hommes ».

Un grand merci à M. Bordes, à F. Tabellion, à  A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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