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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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27 mars 2012

Juin 1915, Lucien Kern témoigne (1ère partie).

                 Lucien_Kern

De nouveau, je tiens à remercier très chaleureusement Suzanne Martel ainsi que ses sœurs Roselyne Duclos et Denise Martel. Elles viennent de me donner une nouvelle fois leurs autorisations pour que je puisse retranscrire une grande partie de la lettre écrite par Lucien Kern qu’il a rédigée à la fin du mois de juin 1915. Cette lettre avait été dans un premier temps, publiée dans le journal « La liberté », un hebdomadaire canadien paraissant dans le Manitoba. Lucien évoque ici sa terrible expérience des combats du 149e R.I. qui eurent lieu durant les attaques du mois de juin 1915. 

Ceci est le récit fidèle des engagements auxquels j’ai participé au cours des opérations qui se sont déroulées sur les pentes trop célèbres et surtout trop sanglantes, de Notre-Dame-de-Lorette, Noulette, Souchez qui ont eu lieu du 15 au 18 juin courant. Je le destine aux lecteurs de « la liberté ». De cette façon, les vrais cœurs français et épris de justice pourront juger de ce qu’est une bataille moderne, toute faite de canons et de mitrailleuses contre un ennemi invisible, puissant, très fortifié et résolu à s’accrocher désespérément aux fameuses positions qu’il occupait naguère. Ils étaient convaincus qu’elles étaient inexpugnables. Elles ne cédèrent qu’après trois attaques énergiques. Nous les avons chassés de haute lutte, l’épée dans les reins, mais nous avons, hélas, subi de lourdes pertes. Les pentes suent le sang, et l’odeur dégagée par cette multitude de cadavres en décomposition, toujours découverts et déchiquetés par les obus,est atroce. Elle vous prend à la gorge et vous fait frémir.

Le 15 juin au soir à 8 heures, nous recevons l’ordre de marcher en avant. Le régiment s’assemble et quitte le village où nous étions en repos pour quelques jours. La soirée est chaude, l’odeur de la campagne couverte de blés, parsemée de coquelicots rouges et de fleurs bleues, est enivrante. Le soleil couchant rougit à l’horizon. Le silence est complet, ni rires ni plaisanteries parmi les soldats, au contraire de l’ordinaire. Nous sommes avertis du mouvement que nous devons faire le lendemain. Chacun pense au devoir qui lui incombe et à l’ouvrage à faire demain. La chaleur est accablante, le pas des troupiers résonne fortement sur la route toute blanche. Nous la quittons au sortir du village où la population selon son habitude nous fait des ovations. Elle encourage les soldats qui vont combattre demain. La colonne suit le chemin de traverse. Elle se tronçonne en petits fragments de demi-section pour donner moins de prise au feu de l’artillerie allemande et pour se dissimuler autant que possible à la vue des avions et ballons allemands. Nous n’entendons que le cliquetis des baïonnettes et des fusils qui alternent avec le grondement du canon. La colonne arrive aux boyaux de communications. Nous les connaissons jusque dans les moindres détails depuis le mois de janvier que nous y passons. Nous arrivons en première ligne à 10 h 30. La nuit est noire, nous nous installons de notre mieux. Chacun veille à tour de rôle. Les autres sommeillent assis sur leurs sacs, réveillés de temps en temps par des fusillades et des obus qui éclatent tout près avec un bruit terrible, illuminant la nuit. Les éclats sifflent et tombent partout, mais nous ne nous inquiétons guère. C’est la chanson et le refrain quotidien. Au matin, le jus arrive. Chacun tend son quart et déguste le liquide transporté par les cuisiniers qui apportent en même temps le repas, met frugal pour la journée entière. Une chopine de vin à chacun, son pain, sa viande. La plupart balancent leur viande au-dessus du remblai et mangent de suite leur légendaire salade aux patates, c’est ce que nous mangeons de mieux aux tranchées. Cela nous donne de l’appétit et je vous assure que parfois nous en avons à revendre. À la guerre comme à la guerre, nous nous y faisons. Mais l’odeur insipide des morts, celle des détritus, cela nous coupe l’appétit net et chacun se regarde ayant la même pensée : « Au rabiot de barbaque, il y en a trop de la fraîche ici et elle sent fort ! »

Tout à coup, c’est le grand tumulte. Il faut mettre le sac de côté pour la charge à la baïonnette. Un homme qui est mon ami a la garde des sacs, ordre est donné de passer à l’avant dans la sape. Il fait à peine jour. Il est 2 heures et demie et nous avons mangé à une heure. Nous allons devoir nous serrer la ceinture d’un cran pour toute la journée, car les cuisiniers ne reviendront plus avant demain à cause du bombardement qui va se faire sentir tout à l’heure. Je suis désigné avec deux camarades pour ouvrir une brèche dans la sape qui est faite de sacs de terre, pour avoir plus de facilité et de vitesse dans l’escalade du remblai au moment de l’assaut. L’endroit est dangereux…

Ayant ouvert la brèche, nous déguerpissons au plus vite. Nous reprenons nos places, salués par quelques obus de 77. Mais passez petits frères !, il est trop tard. Pour notre peine nous sommes récompensés de deux doigts d’eau-de-vie dans un quart pour nous réchauffer. 

À 10 h 45, nous voyons arriver le lieutenant qui commande ma compagnie, la 9e, avec ses hommes de liaison, il y a baïonnette au canon. Je demande à la liaison ce que cela signifie, et lui de me répondre « nous attaquons dans sept minutes. » Oh là, là, gare à la casse. Je communique tout cela aux camarades. Chacun devient encore plus sérieux et plus d’un a pâli. Mais l’émotion, quelques braves que nous soyons, nous étrangle quand même, car nous savons ce que c’est. Nous savons qu’il faut courir sous la mitraille de toute sorte jusqu’à la tranchée ennemie qui se trouve dans « le fond de Buval ». Cette position est défendue avec opiniâtreté. Trois attaques déjà sur ce point ont échoué, malheureusement avec des pertes. La preuve en est là, ces corps couleur gris-bleu, l’attestent plus que tout argument et cela parle assez à notre cœur pour nous donner une émotion bien légitime. Nous n’avons guère le temps de nous faire des réflexions plus ou moins gaies. Tout à coup, sur notre droite, dans la plaine, un fourmillement, nos troupes, celles du Maroc, les zouaves et d’autres ont déclenché le mouvement. L’attaque se mène rondement, sans préparation spéciale d’artillerie. Le spectacle est imposant, tout en ligne, trois rangs se suivent déployés en tirailleurs.  Ils courent comme des lièvres, les Allemands ! Leurs tranchées ont été pulvérisées par le feu de nos canons, les jours précédents. Le reste se sauve ou se rend. Les nôtres foncent toujours avec la même ardeur sur les 2e et  3e lignes allemandes… 

Ce témoignage a été publié dans la liberté du 3 août 1915, volume 3, numéro 12, page 8. 

Références bibliographiques :

« Lettres de tranchées ». Correspondance de guerre de Lucien, Eugène et Aimé Kern, trois frères manitobains, soldats de l’armée française durant la première guerre. Éditions du blé. Saint-Boniface (Manitoba) Canada 2007.

Les dessins qui se trouvent sur le montage sont issus d’un cahier de 19 pages janvier 1911 appartenant à Lucien Kern. Ce sont des œuvres de jeunesse datant de janvier 1911 qui font référence à la guerre de 1870. 

Un très grand merci à M. Bordes, à R. Duclos, à S. et à D. Martel.

 

20 mars 2012

Marie Michel Mouriaux (1879-1915).

                 Marie_Michel_Mouriaux   

Marie Michel Mouriaux est né le 6 septembre 1879 à Plombières, une petite commune vosgienne. Il est le fils de Marie Joseph Mouriaux qui exerçait la profession d’ouvrier en fer et de Marie Céleste Joray. Aîné d’une fratrie de 7 enfants, il obtient un sursis de quelques mois avant de faire son service militaire. Il rejoint la caserne du 60e R.I. de Besançon au début du mois de novembre 1900. Envoyé dans la disponibilité en septembre 1901, il se retire vivre dans la ville de Paris. Nommé caporal après une première période exercice en 1903, puis sergent au début de l’année 1904, la guerre le retrouve avec ce grade dans le 43e R.I.T. d’Épinal. Le 6 mars 1915, il est au 170e R.I comme sergent-fourrier, puis au 149e R.I. à partir du 1er mai 1915. Il arrive sur le front dans le courant du mois de mai 1915 pour rejoindre la 4e compagnie du régiment qui se trouve en Artois. Nommé sous-lieutenant à titre provisoire le 8 juin 1915 il a tout juste le temps de  faire connaissance avec ses hommes en prenant le commandement d’une section de la 3e compagnie avant être tué le 16 juin 1915. 

                                                 Sepulture_Marie_Michel_Mouriaux

Citation à l’ordre de la Xe  Armée n° 87 en date du 10 juillet 1915 :

« Le 16 juin, à l’attaque d’une sape allemande dans le fond de Buval, a entraîné très courageusement ses hommes aux cris de : En avant, c’est pour la France ! » 

Le sous-lieutenant Marie Michel Mouriaux repose actuellement dans le carré militaire du cimetière communal de Sains-en-Gohelle (tombe n° 73, rang n° 10).

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le portrait du sous-lieutenant Marie Michel Mouriaux provient du tableau d’honneur de la guerre 14-18 publié par la revue « l'illustration ».

La photo de la sépulture à été réalisée par T. Cornet. 

Un grand merci à M. Bordes, à T. Cornet, à J. Huret, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

            

15 mars 2012

16 juin 1915… L’officier, il avait juste dit « En avant, c’est pour la France ! »

                 16_juin_1916

                                     Legende_journee_du_16_juin_1915

Après les combats du mois de mai 1915, le 149e R.I. se prépare pour une nouvelle attaque de plusieurs jours.

Cette attaque doit débuter à la mi-juin, l'objectif principal étant de  prendre le fond de Buval. 

Elle est menée conjointement avec des éléments de la 13e et de la 43e D.I..

Le 15 juin vers 21 h 30, le régiment reçoit l’ordre de se préparer pour une attaque qui doit avoir lieu le lendemain.

Cette sortie offensive doit être menée par les 1er et 3e  bataillons du régiment. Ils partiront tous les deux de la 1ère ligne actuelle en deux vagues successives de 2 compagnies qui se suivront à 100 m l’une de l’autre.

Le 1er bataillon s’étend du point n4 exclus et va se rallier à la 13e D.I., à la sape T0 inclue. Le 3e bataillon s’étend de la sape T0 exclue au point h1 pour rejoindre la 86e  brigade.

Le 2e bataillon du régiment forme une 3e vague de deux compagnies qui se mettent en place derrière les bataillons de 1ère ligne.

Les troupes sont en place le 16 juin à 2 h 00. La 1ère ligne subit un bombardement intense qui se prolonge toute la matinée. Il y a plusieurs tués et de nombreux blessés. L’attente du déclenchement de l’attaque est particulièrement déprimante. Les communications téléphoniques sont constamment interrompues et le fil est coupé en plusieurs endroits.

L’attaque débute à 12 h 15, l’artillerie française entre en action et allonge son tir au fur et à mesure. La 1ère vague est à peine  sortie de la tranchée de départ qu’un formidable barrage d’artillerie allemand vient aussitôt tomber en avant de la troupe. En même temps une fusillade d’infanterie et de mitrailleuses se produit du fond de Buval et du secteur h3 h4.

Malgré de lourdes pertes, les 1ère et 2e vagues parviennent tout de même à progresser. La gauche de la 13e D.I. reste bloquée.

Sur la droite, le 1er bataillon gagne un peu de terrain vers les pentes est du fond de Buval et s’y cramponne. Le centre et la gauche après avoir progressé vers le fond de Buval sont obligés de rétrograder en raison des pertes subies et du manque d’abris. La 3e vague a suivi le mouvement, mais elle doit revenir en arrière.

À la gauche du 3e bataillon, la 9e compagnie est obligée de rentrer dans la tranchée et dans les sapes de départ entre T3 et T2. La 3e vague est également obligée de se replier.

Le commandant du bataillon de la Forest Divonne est blessé. Il passe le commandement au capitaine Paul Girard.

Un peu avant 2 h 00, un nouvel ordre est donné aux chefs de bataillons de renouveler leur tentative d’attaque dès que les circonstances seront plus favorables.

Dans l’après-midi un ordre pour effectuer une nouvelle attaque est annulé. Cette attaque est tout de même lancée à 19 h 30 juste après un préparatif d’artillerie de 10 minutes. Elle est aussitôt arrêtée sur tout le front en raison d’un barrage de feu ennemi d’artillerie, de mitrailleuses et de mousqueterie qui se produit instantanément. Les hommes se sont carrément portés en avant, mais ils sont obligés de se réfugier dans les trous d’obus. Les compagnies qui composent la première vague reviennent très éprouvées aux tranchées de départ et celles de la 2e se trouvent dans l’impossibilité d’en sortir. L’attaque de nuit ayant échoué, les troupes s’organisent dans les tranchées qu’elles occupent.

 Les pertes pour cette journée sont de 84 tués au combat et de décédés des suites de leurs blessures, de 164 blessés et de 2 disparus.

                                       Tableau des tués pour la journée du 16 juin 1915

                        Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 16 juin 1915

                  Tableau_des_tu_s_journ_e_du_16_juin_1915

Le 1er et le 3e bataillon sont les plus exposés. La  4e et  la 12e compagnie subissent les pertes les plus importantes. La proportion de blessés est très élevée au 1er bataillon.

                  Tableau_des_bless_s__pour_la_journ_e_du_16_juin_1915

L'officier supérieur blessé ce jour-là n'est pas comptabilisé dans ce tableau. 

 Références bibliographiques :

 Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Fichier des « Morts pour la France » sur le site « mémoire des hommes ».

Les archives du S.H.D. ont été consultées, ainsi que le J.M.O. de la 85e brigade : série 26 N 520/10.

 Pour en savoir plus :

« Lorette. Une bataille de 12 mois » d’Henri René. Éditions Perrin et Cie. Paris 1919.

« Les campagnes de 1915 » du général Malleterre. Éditions librairie militaire Berger-Levrault. 1918. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez,  à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

8 mars 2012

Petit carnet écrit par Pierre Mathieu (3e partie).

                   Pierre_Mathieu

Encore une fois, un grand merci à toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 »

 Vendredi 9 avril

Exercice le matin. À 13 h 00, il y a un coup de vent qui enlève les tuiles de la ferme du château. Malgré une pluie battante, le sergent nous fait rassembler et nous conduit à l’exercice. L’adjudant nous fait retourner. Nous jouons aux cartes pour narguer le sous-off. 

Samedi 10 avril

Exercice. Déploiement en tirailleurs. 

Dimanche 11 avril

Je vais à la messe à Fresnicourt. L’abbé Marchal, nous donne des instructions. 

Lundi 12 avril

Le matin déploiement en tirailleurs. On prend le sac. Après-midi, marche sous bois dans le bois d’Olhain. 

Mardi 13 avril

Vaccination le matin. Le soir, je reste couché, j’ai de la fièvre.

Mercredi 14 avril

Repos, le soir la section va aux douches. Je reste au cantonnement. 

Jeudi 15 avril

La compagnie va en marche. Je vais passer la visite. Nous sommes 28, mais un grand nombre se fait vider pour les vaccins. Je suis à ménager deux jours. 

Vendredi 16 avril

La compagnie va encore le matin en marche. Repos. 

Samedi 17 avril

Exercice le matin et le soir. Déploiement en tirailleurs. Aussitôt rentré de l’exercice, nous nous assignons pour prendre la garde. À 17 h 00, nous prenons la garde. Je fais avec Berthou une ronde à 20 h 00 dans les bistrots. Il gèle la nuit. 

Dimanche 18 avril

Toujours de garde. Temps splendide. À 17 h 00, nous sommes relevés. 

Lundi 19 avril

Exercice le matin. Attaque d’une lisière de bois. On progresse en tirailleurs. L’après-midi, on va au tir. Je fais le maximum. On nous annonce que nous devons partir le lendemain pour Barlin ou Hersin-Coupigny. 

Mardi 20 avril

On nettoie le cantonnement avant de partir. À 11 h 00, départ pour Hersin-Coupigny. On rend les honneurs au drapeau.  On arrive en début d’après-midi. On cantonne sur un grenier. Il y a de la paille en insuffisance. À l’appel, on nous annonce que nous devons partir le lendemain à 3 heures du matin. Pour une fois que nous avons de la paille pour nous coucher. Nous n’avons pas de chance. 

Mercredi 21 avril

À 12 h 00, réveil, départ à 2 h 00 pour Aix-Noulette. On fait la pause un quart d’heure dans un pré en attendant que le cantonnement soit prêt. On cantonne dans un hangar. Aussitôt arrivé, on nettoie le cantonnement laissé par le 17e. Le soir, avant de partir pour les tranchées, on met de la paille sur les sacs. À 18 h 30, départ pour Noulette. On passe la nuit dans des abris de réserve. 

Jeudi 22 avril

Même emplacement. On joue aux cartes à 800 m des Allemands. 

Vendredi 23 avril

On passe toute la journée dans nos abris. Journée assez calme. À 21 h 30, nous sommes relevés. Nous partons pour Sains-en-Gohelle où l’on arrive à 23 h 00. Nous cantonnons dans les corons à Aix, nous couchons sur le plancher avec une botte de foin. 

Samedi 24 avril

À 10 h 00, les Allemands bombardent avec acharnement la mine. Ils y envoient une trentaine de marmites. Leur tir est bien ajusté. Le soir, je vais voir une maison située à 200 m de notre cantonnement, qui a été complètement détruite par une marmite. La personne et l’enfant qui y étaient se sont sauvés dans la cave et n’ont eu aucun mal. Il parait qu’il y en a pour 200 000 francs de dégâts à la mine. 

Dimanche 25 avril

Je vais à la messe militaire dite à l’église de Sains-en-Gohelle. Le prédicateur nous parle de l’esprit de sacrifice. Avant la messe, je me fais photographier avec quelques camarades. Nous revenons pour le rapport à 10 h 30 où l’on présente nos fusils qui sont passés en revue par le capitaine. On devait partir le soir aux tranchées, mais il y a contre-ordre. Je passe l’après-midi avec Charles Grivel et Célestin Mathieu. À 18 h 00, visite à la chapelle de Sains-les-Mines. 

Lundi 26 avril

Exercice le matin, école de section. À 15 h 00, il arrive un ordre. Nous devons nous tenir prêts à partir. En compagnie de quelques camarades, nous mangeons à la hâte une salade. J’ouvre une boite de sardines, mais aussitôt, on nous donne l’ordre de mettre sac au dos. Croyant à une fausse alerte, je laisse ma boite pour le retour. Mais réellement, on part au pas accéléré à Aix-Noulette. Ferait-on une attaque ? Je ne sais rien. Aussitôt arrivés, les hommes se munissent d’un outil de parc et après la soupe, on part pour Noulette. On arrive dans le bois derrière le château, on laisse nos sacs dans les abris et on part faire un boyau entre le bois 6 et le bois de Bouvigny. Nous travaillons toute la nuit pendant que les balles sifflent au dessus de nos têtes, car nous sommes à environ 800 m des Boches. 

Mardi 27 avril

Au petit jour, nous revenons dans nos abris. Repos. Le soir, la compagnie va travailler. Je passe la nuit dans nos abris, car la moitié des gradés seulement va avec les hommes. 

Mercredi  28 avril

Pendant que nos artilleurs tirent, on fait un concert en plein air. La voix des canons couvre souvent celle des artistes. Après un concours de jeu de quilles, à 18 h 00, je pars avec quatre hommes construire un boyau communiquant avec celui fait la veille. À côté de ce boyau, je trouve un bon abri. J’y passe dedans une bonne partie de la nuit. Au petit jour, nous revenons à nos abris. 

Jeudi 29 avril

Repos. L’après-midi je vais avec quelques hommes, je vais chercher des planches du château de Noulette pour faire des croix. On en construit une douzaine pendant que d’autres creusent une tombe collective pour des chasseurs à pied tués à l’attaque du 3 mars. Le soir, la compagnie va travailler dans le boyau. C’est mon tour de rester comme gradé dans les abris. 

Vendredi 30 avril

La compagnie ne revient dans les abris que vers 8 h 00. Le soir, à 20 h 30, nous partons pour Sains. Nous cantonnons dans les mêmes cités qu’auparavant. Nous aurons passé dans ce bois, à l’ombre des grands arbres quatre agréables journées. Dans nos cités, la paille fait toujours défaut et nous nous couchons sur le plancher. 

Samedi 1er mai

À 14 h 00, je vais à l’enterrement d’un soldat de la compagnie. Un pionnier qui faisait partie de mon équipe aux pionniers. Après les prières dites à la chapelle de Sains-les-Mines, nous allons au cimetière où le lieutenant Girard lui adresse un dernier adieu. Il est, dit-il, tombé au champ d’honneur en accomplissant son devoir. 

Référence bibliographique :

Tome 2 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1915, à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette..

1 mars 2012

Petit carnet écrit par Pierre Mathieu (2e partie).

                  Pierre_Mathieu

De nouveau un grand merci à toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 » 

Jeudi 18 mars

Nos artilleurs tirent de temps en temps. À 12 h 00, on part pour les tranchées de 1ère  ligne. On occupe des tranchées à gauche de la chapelle. 

Vendredi 19 mars

Au matin, il neige, nuit assez froide. Vers 5 h 00  les Allemands envoient des marmites dans le bois. Nombreux tués non encore enterrés après l’attaque. Les Allemands nous envoient des grenades à main. Giboulées de neige tout le jour, nous souffrons du froid. Nuit assez calme. 

Samedi 20 mars

Les Allemands bombardent et attaquent à notre droite. On dit que les chasseurs se sont laissés prendre quelques tranchées. À 10 h 00, duel d’artillerie assez violent. Les aéros voyagent car il fait un beau soleil. À 19 h 00, nous sommes relevés par la 2e compagnie. Nous venons occuper des abris dans le bois, des claies posées sur le sol nous servent de paille.

 Dimanche 21 mars

À 1 heure du matin, je pars avec 6 hommes porter des gabions en 1ère ligne. Mes hommes s’empêtrent très souvent dans le fil téléphonique. Nous rentrons à 2 h 30, nuit blanche. À 10 h 00, je pars avec une corvée porter des fusils au capitaine de la 5e compagnie. À 14 h 00, nous allons cantonner à Bouvigny. On couche sur un grenier. 

Lundi 22 mars

Je vais passer la  visite. Je prends une purge. Cantonnement consigné toute la journée. Visite à l’église. 

Mardi 23 mars

Revue d’armes à 9 h 00. Revue en tenue de campagne à 13 h 00. Exercice, on va cueillir des pissenlits près de Bouvigny. Je vais au salut. 

Mercredi 24 mars

À 6 h 30, nous partons dans le bois pour faire des hérissons, on assiste au lancement des grenades. Exercices après midi. Je vais au salut. 

Jeudi 25 mars

Je vais faire mes Pâques avec 2 camarades. À 17 h 00, départ. Nous passons près de la Faisanderie et nous devons occuper des abris de 2e ligne, entre la chapelle et Mont-Saint-Eloi. Abris peu confortables. On passe la nuit dans un petit abri, assis sur nos sacs. 

Vendredi 26 mars

Nous restons dans nos abris. Différentes corvées. À 23 h 00, l’alerte, on monte nos sacs en vitesse, le commandant croyant à une attaque nous fait venir au poste de commandement. Nous y restons jusqu’au matin et il fait très froid. 

Samedi 27 mars

À 6 h 00, nous venons réoccuper nos abris. Temps froid. À 17 h 00, pendant que nous mangeons la soupe,  les Allemands nous envoient des obus. Aucun résultat. À 18 h 00, nous allons occuper nos tranchées de 1ère ligne au dessus d’Ablain. Nuit très tranquille, on ne tire aucun coup de fusil. Il fait aussi froid qu’en hiver. 

Dimanche 28 mars

Les Boches nous envoient quelques bombes. Nuit froide. J’ai la diarrhée, il m’arrive un petit accident. 

Lundi 29 mars

Lancement continu de bombes de part et d'autre. Nous lançons de nouvelles bombes qui produisent un heureux effet. À 18 h 00, nous sommes relevés. Nous passons Marqueffles et nous venons cantonner à Bouvigny dans nos anciens emplacements. 

Mardi 30 mars

On va essayer des protège-têtes. Nettoyage. Travaux de propreté. Je trinque  avec Marchal Charles le soir. 

Mercredi 31 mars

Revue d’armes le matin. Marche de bataillon l’après-midi. Nous allons jusqu’à Sains-en-Gohelle. Le soir, je vais au salut. À 22 h 00, nous sommes réveillés par les marmites que les Allemands envoient sur Bouvigny. Quelques éclats de shrapnels tombent sur la toiture, quelques hommes descendent à la cave.  Je reste, insouciant du danger avec d’autres sur le grenier. 

Jeudi 1er avril, jeudi saint.

Revue en tenue de campagne. Revue d’armes. Exercice après midi. Musique. Je vais au salut. 

Vendredi 2 avril, vendredi saint.

À 8 h 00, départ pour Olhain. On rend les honneurs au drapeau. Après la soupe, on change de cantonnement. On va dans un ancien château. Repas maigre. 4 œufs, une boite de sardines, épinards, pommes de terre et morue. 

Samedi 3 avril

Vaccination de la compagnie contre la fièvre typhoïde, je n’y suis pas ayant toujours mon « clou ». À 16 h 00, revue d’armes. 

 Dimanche 4 avril

Il devait faire une messe en plein air, s’il faisait beau. Comme il pleuvait, une messe est  chantée à Fresnicourt. J’y vais. Après-midi concert, musique. À midi riz, bœuf, tarte, cigare, café. Assez bon repas le soir. 

Lundi 5 avril

Exercice le matin. Après midi théorie, devoir de sentinelles et nettoyage du fusil. 

Mardi 6, mercredi 7 et jeudi 8 avril

Exercice matin et soir...

Référence bibliographique :

Tome 2 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à J.M.Laurent, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1915, à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

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