Le grand départ.
À Gilbert Monne,
Je dédie tout le travail qui va suivre sur plusieurs semaines à Gilbert Monne, une des toutes premières personnes à m’avoir fait confiance et à m’avoir encouragé lorsque j’ai commencé ce blog.
Le 149e R.I., qui fait partie des troupes de couverture, doit quitter ses lieux de casernement quelques heures avant l'ordre de la mobilisation générale. La mobilisation générale permet de faire passer la force militaire nationale du temps de paix à celui du temps de guerre. Une fois celle-ci décrétée, le plan XVII est mis en route afin de concentrer les troupes face à l’ennemi et engager les opérations.
Pour éviter toute « attaque brusquée » de l’adversaire pendant la période de concentration, les troupes casernées à la frontière forment un rideau défensif appelé « couverture ».
Le 26 juillet 1914, le 149e R.I. est en manœuvre sur le terrain du camp du Valdahon.
Ce camp se situe dans le département du Doubs à 140 km au sud d Épinal. Les permissions sont supprimées et le régiment doit rentrer d’urgence pour regagner ses quartiers à la caserne Courcy.
Le 27 juillet 1914, le soldat Armand Henriot raconte dans une lettre destinée à son père, le retour du 149e R.I. dans ses cantonnements spinaliens. La pluie est au rendez-vous et la troupe n’est pas ménagée. Malgré les évènements décrits, Armand se veut rassurant pour l’avenir.
Épinal, le 27 juillet 1914
Cher père,
Je suis déjà de retour à Épinal. Nous sommes restés guère plus d’un jour là-bas. Arrivés samedi après-midi, nous sommes repartis lundi à 2 heures du matin pour Épinal par le train qui est arrivé à 1 heure de l’après-midi. Nous étions dans des wagons à bestiaux. Il n’y faisait guère bon, il n’y avait pas de place, nous étions 55 dans notre wagon.
Nous avons eu de la pluie tout le temps du voyage. Au Valdahon, c’était encore pire. Il ne fait pas bon là-bas quand il pleut, c’est plein d’eau et de boue. Il faisait froid, la nuit on était couchés par terre sur une paillasse avec un polochon de paille et une couverture.
Je n’ai pas pu aller vous voir hier soir dimanche, nous avons été au tir jusqu’à midi. On a déjà été rincés comme il faut. Je comptais aller vous voir dimanche prochain, mais il n’y a plus moyen maintenant depuis Épinal. On a été surpris quand on nous a dit qu’il fallait déjà repartir. Le général a reçu une dépêche dans la soirée de réintégrer la brigade de suite dans sa garnison. Ça a fait un beau branle-bas de combat de tout remonter pour partir, surtout qu’il pleuvait à verse. Quand on a été embarqués, nous étions tout trempés.
Le 158e est rentré aussi à Bruyères. C’est une mesure de sécurité en-cas où la situation s’aggrave, mais, jusqu’ici, il n’y encore rien de grave. C’est à cause de l’Autriche et de la Serbie qui, je crois maintenant se sont déclarées la guerre. Si la Russie intervient pour soutenir la Serbie, l’Allemagne soutiendra l’Autriche qui est son alliée et la France sera obligée de s’en mêler aussi pour aider la Russie. Mais je vous le répète, jusqu’ici, il n’y a encore rien de grave et il faut croire qu’il n’arrivera rien. Ce sont des mesures de précaution qu’il faut prendre. Je vous envoie une carte du Valdahon, je n’ai pas pu vous l’envoyer depuis là-bas. Il pleut ici aussi.
Je me porte assez bien et je vous embrasse tous.
Armand
À cette période, le 149e R.I. est composé de 41 officiers, de 109 sous-officiers et de 2165 caporaux et soldats, soit un total de 2315 hommes.
Ce régiment forme une brigade avec le 158e R.I.. Cette brigade qui porte le numéro 85 est elle-même rattachée à la 43e D.I. qui avec la 13e D.I., forment le 21e C.A..
Une forte partie des troupes de couverture de la frontière de l’est furent concentrées par mesure de précautions dans les tout derniers jours de juillet 1914. Dans l’après-midi du samedi 1er août, la mobilisation est décrétée. Un régiment d’active comme le 149e R.I.est déjà en route. Il s'apprête à rejoindre la ligne virtuelle marquant la zone neutre qui se trouve entre elle et la frontière. La France a adopté une position défensive. Les Allemands franchiront la frontière les premiers.
Le temps des manœuvres est terminé. Le 149e R.I. à rendez-vous avec son destin.
Jeudi 30 juillet 1914
Dans la soirée, un ordre est donné à la 2e compagnie. Cette dernière, une fois complètement mobilisée, devra partir par voie de terre. Elle assurera la garde de la voie ferrée qui s’étend du village d’Arches au pied du tunnel de Bruyères.
Vendredi 31 juillet 1914
Dans la nuit, à 3 h 00, le 149e R.I. reçoit l’ordre de se mobiliser. Il doit se tenir prêt à quitter le dépôt à 7 h 00.
À 5 h 30, la 2e compagnie, sous l’autorité du capitaine Crepet, se rend par voie de terre sur la commune de Docelles.
En début de soirée le régiment reçoit communication d’un télégramme qui est ainsi conçu « Faites partir les troupes de couverture. L’heure d’origine de la mobilisation des troupes de couverture est 19 h 00. »
Samedi 1er août 1914
Tôt dans la nuit, les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. quittent la caserne Courcy pour se rendre à la gare. Le jour n’est pas encore levé que les quais sont déjà en pleine activité. Après les adieux aux familles pour les plus chanceux, les derniers éléments du 3e bataillon montent dans le train qui est prêt à partir. Il est 4 h 30, destination gare de Bruyère ou il doit arriver à 6 h 30. La garde de police est effectuée par un officier de la 10e compagnie. Il doit s’assurer du bon déroulement des opérations. Ce premier train embarque également l’E.M. de la 85e brigade et l’E.M. du régiment. Un peu plus tard, un second train se charge des 1ère, 3e et 4e compagnies. Son départ a lieu à 5 h 50. Il dépose les hommes du 1er bataillon dans la petite gare de Laveline-devant-Bruyères, il est 6 h 30.
En milieu de matinée, un 3e train doit transporter le 2e bataillon. Ce dernier quitte la gare spinalienne à 10 h 10. Il arrive en gare de Bruyères à 12 h 15.
Une fois arrivé à destination, le régiment se pose dans les cantonnements.
L’E.M., la C.H.R., les 2e et 3e bataillons s’installent dans Bruyères. ; La C.H.R. se retrouve au centre, le 2e bataillon dans la partie sud-est et le 3e bataillon dans la partie nord-ouest de la commune.
La 1ère compagnie et les sections de mitrailleuses vont s’établir dans la partie nord-est de Laveline-devant-Bruyères. À quelques encablures, les 3e et 4e compagnies posent les « l’as de carreaux » à la Chapelle.
Il est 17 h 15, le régiment reçoit communication par l’intermédiaire de la 85e brigade d’un télégramme du ministre qui est ainsi libellé : « Ordre de mobilisation générale. Le 1er jour de mobilisation est le 2 août (deux août) »
Dimanche 2 août 1914
À la mobilisation, l’appel des réservistes est combiné de telle sorte qu’en quelques jours le régiment d’active reçoit un nombre suffisant d’hommes pour compléter son effectif du temps de paix. (2e échelon). Une fois ce 2e échelon mis sur le pied de guerre, il part pour la zone des opérations, où il rejoint le 1er échelon. Les autres réservistes, en fonction des classes, arriveront au fur et à mesure au dépôt du régiment pour assurer le remplacement des pertes.
La troupe occupe les mêmes emplacements que la veille.
Sources bibliographiques :
J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.
J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.
Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.
Guides illustrés Michelin des champs de batailles « l’Alsace et les combats des Vosges, 1914-1918, volume 1, 1920.
Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.
Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.