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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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26 août 2022

Témoignage de Paul Portier : du bois Étoilé à Soyécourt

Deux du 149e R

 

Dans son témoignage rédigé après le conflit 1914-1918, le soldat Paul Portier, de la 1ère compagnie de mitrailleuse du 149e R.I., se souvient de son arrivée dans la Somme. Sa compagnie prend position dans le bois Étoilé en attendant son engagement dans la bataille.

 

Bois Étoilé

 

« Nous venons de quitter la Champagne, où nous avons eu la chance de passer quelque temps dans le calme.

 

Après un voyage comme beaucoup d’autres, sans confort et d’une lenteur désespérante, nous débarquons le 13 août à 9 h 00, à Crèvecœur-le-Grand dans l’Oise, pour prendre la route et nous rendre au Saulchoy où nous cantonnons.

 

Notre séjour ici ne paraît pas devoir durer très longtemps. Nous nous trouvons à l’arrière du front de la Somme. Certainement que nous allons être bientôt engagés dans la bataille, dans un délai relativement court.

 

Le 18 août, en effet, nous quittons Le Saulchoy à 2 h 45 pour embarquer en automobiles à 7 h 30 à la sortie ouest de Francastel. Le débarquement s’effectue à 11 h 30 à Harbonnières, où nous restons une partie de la journée.

 

Le soir, déjà tard dans la nuit, nous relevons, dans les positions du bois Étoilé, les mitrailleurs du 233e R.I.. La relève est faite dans le calme. Le secteur est peu agité, bien qu’à sa gauche, sur Péronne, règne une vive activité des artilleries.

 

Le 19, la journée est assez calme, mais toujours à notre gauche, l’artillerie demeure active.

 

Depuis notre arrivée ici, j’assure la liaison. C’est un dur métier, surtout dans un secteur dont nous ignorons encore tout.

 

Le 21, je descends chercher la relève du 166e R.I. à l’entrée du boyau Collet à Herville. L’artillerie allemande se réveille un peu et arrose nos boyaux de communication. Néanmoins, la relève s’effectue bien et nous descendons à Harbonnières où nous cantonnons la journée du 22.

 

Le 23 à 5 h 40, nous faisons mouvement sur Guillaucourt.

 

Dès notre arrivée, les Allemands envoient quelques obus dans les environs de la gare, sans d’ailleurs occasionner de pertes ni dégâts.

 

Le 24, à 16 h 00, nouveaux bombardements, sans plus de mal que la veille.

 

Le 26, à 16 h 00, nous nous mettons en route pour monter en ligne près du village de Soyécourt où nous devons relever, à la tranchée du Seigneur, la 3e C.M. du 149e R.I..

 

Nous passons par Harbonnières, Framerville, le ravin de Rainecourt, le ravin d’Herleville, le boyau C6 et la tranchée des Abris. Nous parvenons à la tranchée du Seigneur, laquelle est située au nord du village de Soyécourt. Notre artillerie est très active et les Allemands ripostent assez vivement sur nos tranchées.

 

La journée du 27 est relativement calme.

 

Le 28, de 6 h 00 à 10 h 00, notre artillerie effectue sur les positions adverses un tir assez violent dans tout le secteur. L’artillerie de tranchée s’en mêle aussi et bientôt la riposte arrive dans toute sa brutalité. Nos tranchées sont violemment prises à partie.

 

Le 29 août, la même activité continue. La 2e compagnie de mitrailleurs du lieutenant Auvert nous relève dans la nuit. Nous descendons cantonner dans les bivouacs, près d’Ignaucourt, où nous arrivons le 30 à 5 h 00. La relève est très pénible, il pleut.

 

Soyécourt

 

Ruines eglise de Soyecourt

 

Les évènements  vont se précipiter maintenant. Le secteur est en pleine activité et comme toujours, pendant ces périodes, les bruits les plus fantaisistes circulent. « Les tuyaux de la roulante », comme il est d’usage de les appeler, sont à l’ordre du jour.

 

Il est bien évident que nous ne sommes pas là pour enfiler des perles et l’exercice, que nous exécutons le 2 septembre dans une formation précise, n’est pas autre chose qu’une répétition générale. D’ailleurs, nous savons maintenant que notre mission sera d’enlever le village de Soyécourt et de progresser en avant, en direction d’Ablaincourt.

 

Le 3 septembre, à 6 h 30, nous faisons mouvement et campons dans le ravin de Guillaucourt où nous demeurons jusqu’à 17 h 00. Nous reprenons notre marche ensuite et parvenons près des premières lignes le 4, seulement à 1 h 00. Nous restons en attente dans les abris du bois Keman.

 

À 3 h 00, nous nous portons à la parallèle IV, d’où nous devons partir à l’assaut de Soyécourt à l’heure H que nous ne connaissons pas encore.

 

Notre artillerie est très active et l’ampleur du bombardement s’augmente au fur et à mesure que nous approchons du moment décisif.

 

À 13 h 40, on nous communique : H égale 14 h 00.

 

Nous nous plaçons de suite dans la formation prévue, entre la 9e compagnie et la 1ère (capitaine Canon).

 

Les réactions de l’artillerie allemande sont faibles et tout semble militer en faveur d’une action heureuse.

 

À 14 h 00, l’attaque se déclenche dans le calme. Notre artillerie allonge progressivement son tir.

 

Les premières vagues d’assaut avancent dans le village après avoir enlevé la 1ère ligne allemande qui est terriblement bouleversée. De nombreux prisonniers sont faits dans les abris, surpris par la soudaineté de notre avance.

 

Cependant, les Boches des lignes de soutien commencent à diriger sur nous une vive fusillade qui augmente encore aux abords du château. Des mitrailleuses nous fauchent de tous côtés, mais rien ne nous arrête. Nous progressons toujours. Nous passons les dernières maisons ou plutôt les ruines de Soyécourt vers 14 h 30.

 

Nous sommes maintenant en plein terrain découvert, par conséquent plus vulnérables encore et la fusillade continue, aussi violente. Nous subissons des pertes, mais nous avançons toujours en direction d’Ablaincourt.

 

À 15 h 00, nous nous trouvons à hauteur du boyau de la Reine que nous empruntons jusqu’au moulin détruit où nous nous organisons. Nous mettons nos deux pièces en batterie.

 

La progression sous les ailes tant sur notre gauche (Deniécourt) que sur notre droite (Vermandovillers) paraît arrêtée.

 

La situation est un peu confuse et nous ne savons pas si des éléments de chez nous sont en avant. Nous cherchons la liaison à droite et à gauche, de façon à pouvoir nous organiser avant la tombée de la nuit.

 

Je pars en reconnaissance en avant du moulin détruit. J’emprunte le boyau valet jusqu’à une première tranchée, mais là, j’hésite à m’aventurer trop loin, de peur d’être coupé. Vivement, je file jusqu’à un pare-éclats pour jeter un coup d’œil et tombe, nez à nez, avec cinq ou six grenadiers allemands.

 

Ma surprise est vive. Machinalement, et sans viser, je tire un coup de révolver. Je ne cherche pas à connaître le résultat, car je n’ai plus rien à faire ici, sinon me faire tuer inutilement. Il me faut donner l’alarme et avertir que les Boches occupent les tranchées et que les grenadiers s’avancent par le boyau.

 

Rapidement, je suis revenu auprès de la section et l’alerte est donnée.

 

Le 31e B.C.P., qui se trouve en liaison immédiate avec nous, à notre gauche, détache quelques grenadiers qui repoussent les grenadiers allemands. Quelques instants après, les Boches tentent encore un mouvement et progressent légèrement dans le boyau. Nos pièces semblent à ce moment menacées. Aussi, nous portons-nous plus à droite, dans une tranchée située entre le moulin et la ferme sans Nom.

 

Avant la tombée de la nuit, les chasseurs ont organisé un barrage dans le boyau et nous sommes maître de la situation.

 

À 17 h 00, je me rends à Soyécourt, pour y chercher le ravitaillement de ma section. Le boyau qui y conduit, ainsi que le village, sont très vivement bombardés par l’artillerie allemande. Tard dans la soirée, il pleut et nous avons de sérieuses difficultés de circulation. La liaison est très malaisée.

 

Enfin, dans la nuit, je trouve la corvée de ravitaillement, mais étant donné la violence du bombardement, nous demeurons immobilisés dans les abris, près de Soyécourt que nous ne quittons que le 5 à 10 h 00. Le marmitage des boyaux devient de plus en plus intense et nous nous demandons anxieusement si nous pourrons passer !

 

Nous filons le plus vite possible. Nous avons à peine dépassé le château que nous sommes pris sous une rafale de 105 fusants qui nous massacre (1 tué et 3 blessés). La corvée est anéantie. Je reste seul avec trois blessés qu’il faut évacuer.

 

Finalement, je n’arrive en ligne que le 6 à 5 h 00.

 

La matinée est relativement calme. Vers 15 h 00, notre artillerie effectue une vive préparation et à 16 h 00, une attaque se déclenche à notre gauche (Deniécourt) et à notre droite (Vermandovillers), dans le but de rectifier notre front et de supprimer les positions en flèche.

 

Les résultats obtenus sont minimes et les Boches, à la suite de ces attaques, redoublent la violence de leur bombardement sur nos lignes. Enfin, à la nuit le calme renaît.

 

Le 7, les Allemands lancent, à la tombée de la nuit, une attaque à notre gauche (parc du château de Deniécourt), mais ils se heurtent à nos barrages d’artillerie ou de mitrailleuses.

 

Les jours suivants, nous sommes soumis à un tir d’enfilade très pénible qui nous cause des pertes assez sérieuses. Les nuits sont essentiellement plus calmes et nous pouvons prendre un peu de repos.

 

Le 13, à 20 h 45, après une courte préparation à la torpille, les Boches attaquent à notre droite sur le 17e R.I. (13e D.I.)  et réussissent à prendre pied dans une sape et une partie du boyau du Prunier. À notre demande par fusée, notre artillerie déclenche un violent tir de barrage qui entraîne une riposte de l’artillerie allemande.

 

Le repli du 17e R.I. nous place dans une position en flèche et nous devons nous méfier d’un mouvement de l’ennemi cherchant à nous déborder.

 

Le lendemain, à 3 h 00, le 17e R.I. contre-attaque à la grenade et réussit à reprendre le terrain perdu la veille.

 

Les journées du 15 et 16 septembre sont assez calmes. Les Boches ne tentent aucune action. Cependant, pendant la journée du 16, au cours d’un violent bombardement de notre artillerie, 16 Allemands du 38e I.R., viennent se rendre à notre 9e compagnie.

 

Pour en apprendre plus sur les journées des 15 et 16 septembre, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Prisonniers faits par la 9e compagnie le 16 septembre 1916

 

Je descends à Soyécourt à la tombée de la nuit, chercher la relève de la 2e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. Nous sommes relevés le 17, à 2 h 00. Nous descendons en réserve à Framerville.

 

Nous avons besoin de repos. La période du 4 au 16 septembre a été particulièrement difficile et nous avons dû vivre dans des conditions déplorables. Après les durs moments de l’attaque, il a fallu organiser le terrain, repousser les attaques, demeurer sans sommeil et résister moralement comme physiquement.

 

Le commandant Magagnosc, qui commande le 1er bataillon du 149e R.I., ne nous ménage pas ses félicitations et par la voix du rapport, les concrétise ainsi :

 

« Vous venez d’écrire une belle page d’histoire de France qui fera l’étonnement, plus tard encore de vos arrières petits-neveux.

 

Le 4 septembre, vous avez ajouté un nouveau fleuron à l’armorial du 149e R.I.. En quelques minutes, vous avez fait un bond de 2000 mètres, et, les jours suivants, avec une ténacité héroïque, vous avez conservé, organisé et consolidé le terrain conquis.

 

Quand on a eu l’honneur de vous commander, quand on vous a vu en de tels moments, irrésistibles dans l’attaque, ardents et opiniâtres dans la défense, on garde, au fond du cœur, une vision ineffaçable de gloire et d’espérance dans la victoire prochaine. Mais hélas ! ces succès, nous ne devons pas oublier que nous les avons payés de la perte de nombreux morts et blessés dont les noms sont présents à la mémoire de tous. Saluons-les et ne songeons qu’à les venger. »

 

Sources :

 

Témoignage inédit de Paul Portier

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à la mairie de Vienne, sans qui l’auteur de ce témoignage n’aurait jamais pu être identifié.

19 août 2022

Du 9 au 16 septembre 1916

Le barrage de sacs a la ferme sans Nom

 

Le 149e R.I. a attaqué et progressé autour du village de Soyécourt du 4 au 6 septembre. Il doit maintenant tenir et organiser le terrain conquis.

 

9 septembre 1916

 

Les travaux commencés les jours précédents se poursuivent. La troupe s’organise sur une 1ère ligne active doublée d’une ligne de soutien. Il faut aussi assurer les communications par boyaux entre le point 3042 et la ferme sans Nom, entre le boyau de Dauphin et le bois Siegfried, sans oublier l’ancienne ligne française et le boyau du Dauphin par 3510, 3809 et 3707. Des lignes téléphoniques enterrées sont également installées. Elles permettent la liaison entre la brigade et les différents corps. De nouveaux postes de commandement sont créés.

 

10 septembre 1916

 

L’artillerie allemande reste très active. Le 2e bataillon du 149e R.I. quitte la 1ère ligne pour aller cantonner à Framerville en fin de journée.

 

11 septembre 1916

 

L’artillerie allemande est toujours en action.

 

12 septembre 1916

 

Les bombardements se poursuivent. La limite séparant la 13e D.I. et la 43e D.I. est modifiée au cours de la journée.

 

13 septembre 1916

 

Il se produit le bombardement habituel. La 86e brigade étend sa ligne de front sur la gauche. Une partie du 2e bataillon du 17e R.I. remplace les éléments du 149e R.I. à la ferme sans Nom.

 

Soyecourt - la ferme sans Nom

 

À 20 h 45, les Allemands attaquent le 17e R.I. à la droite du 149e R.I. après une courte préparation à la torpille. Ils réussissent à prendre pied dans une sape et une partie du boyau du Prunier. Les Français envoient une fusée pour demander l’appui de l’artillerie. Les artilleurs déclenchent un violent tir de barrage qui entraîne la riposte allemande.

 

Le 17e R.I. se replie. Il laisse le 149e R.I. en position de flèche. La vigilance s’impose. Il faut surveiller les éventuels mouvements ennemis pouvant provoquer un débordement.

 

14 septembre 1916

 

Le 17e R.I. contre-attaque à la grenade vers 2 h 00. Il reprend le terrain perdu la veille.

 

15 septembre 1916

 

L’infanterie reste passive sur l’ensemble de la ligne de front. Les tirs des deux artilleries continuent à être particulièrement violents. Le 31e B.C.P. relève le 2e bataillon du 17e R.I. dans la nuit du 15 au 16. 

 

16 septembre 1916

 

Prisonniers faits par la 9e compagnie le 16 septembre 1916

 

Les tirs de destruction se poursuivent. Au cours de l’un d’entre eux, seize soldats allemands du 38e I.R., se rendent à la 9e compagnie du 149e R.I..

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. relève le 1er bataillon. Ce dernier s'apprête à prendre la direction de Framerville.

 

Carte 1 journee du 16 septembre 1916

 

                      Tableau des tués du 149e R.I. pour les journées allant du 9 au 16 septembre 1916

 

Sources :

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/27.

 

J.M.O du 17e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 588/2.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

Le groupe d’hommes représenté sur le premier cliché appartient bien au 149e R.I..  Au verso, il est daté du 6 septembre 1916 et localisé dans le secteur le plus actif du régiment pour ce jour-là. Cette légende soulève un problème : ces soldats semblent bien tranquilles en prenant la « pose photo »  dans une zone où les combats sont encore très virulents à la date indiquée. Est-ce une erreur dans la légende ? Le cliché a-t-il été pris un peu en arrière de la zone de front la plus active ? Les hommes sont équipés, mais on ne voit pas leurs armes. L'un d'entre eux semble avoir la tête au-dessus du mur de sacs, ce qui laisse imaginer un secteur plus retiré et moins dangereux. 

 

La seconde photographie est légendée : « prisonniers boches faits par la 9e compagnie le 16 septembre 1916 à 651g ». Le J.M.O. de la 85e brigade indique que cet évènement s‘est déroulé à la 3e compagnie. Le témoignage de Paul Portier cite la 9e compagnie.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

12 août 2022

L'attaque de Soyécourt du 4 septembre 1916 vue par un musicien-brancardier du 149e R.I.

Louis Cretin- la Somme

 

Louis Cretin, soldat musicien-brancardier au 149e R.I., évoque son arrivée dans le département de la Somme. Le secteur occupé à l’arrière n’est pas de tout repos. Il est régulièrement bombardé par l’artillerie et l’aviation ennemies. Le 4 septembre, le régiment de Louis Crétin attaque le village de Soyécourt. Il participe à l’évacuation des blessés.

 

Le 11 août 1916, nous faisons les préparatifs de départ pour la Somme. Depuis notre relève de Verdun, la musique n’a plus connu de dangers. Nous avons passé de bons moments.

 

Le 12 août, le régiment reposé et reformé au complet embarque à Coolus près de Châlons. Nous passons par Épernay, Meaux, les banlieues est et nord de Paris, Clermont, Beauvais et Saint-Omer. Le débarquement se fait le matin du 13 à Crèvecœur. Nous cantonnons au Saulchoy, où nous demeurons jusqu’au 20 août.

 

Ce jour-là, de bon matin, des camions-automobiles nous amènent pour nous débarquer dans l’après-midi sur un terrain vague aux environs d’Harbonnières. La canonnade est violente et nous rappelle celle de Verdun. La seule différence, c’est que c’est nous qui attaquons. La supériorité en artillerie lourde est de notre côté.

 

Arrivee a Harbonnieres

 

Le cantonnement se fait à Harbonnières du  20 au 24 août qui est journellement bombardé. Du 24 août au 3 septembre, nous allons à Guillaucourt, un village voisin où nous sommes marmités à tout instant par les obus et les avions. Notamment le 28 août, où des escadrilles allemandes déversent des bombes sur le patelin…

 

Beaucoup de dégâts, mais heureusement, peu de victimes. Le bombardement par avion est plus démoralisant que par obus. Un tir d’artillerie peut-être étudié et l’on agit en conséquence. Pour les avions, les bombes tombent au hasard et il est presque impossible de s’en préserver efficacement.

 

Les concerts que l’on fit dans ce pays avant de monter en ligne furent souvent interrompus par la faute des bombardements. Pourtant, nous étions bien à 8 ou 10 km des lignes. Un bataillon du régiment se trouve depuis 8 jours en réserve à Foucaucourt.

 

Le 3 septembre, l’ordre arrive à tout le régiment de monter en ligne. Nous prenons les boyaux au ravin de la Baraquette, et toute la nuit, nous marchons. Nous nous égarons à plusieurs reprises. Cette relève devenait fatigante.

 

Au matin, nous arrivons enfin en première ligne où nous installons le poste de secours dans une ancienne « cagna » allemande. Notre artillerie tire sans discontinuer, avec une telle violence que cela paraît un roulement de tambour.

 

Soyecourt

 

Le 4, le tir atteint un degré d’intensité impossible à décrire. Nous sentons que l’attaque est proche. Elle se déclenche à 13 h 00. Nos vagues d’assaut enlèvent plusieurs lignes de tranchées. Le village de Soyécourt est pris et la troupe progresse au-delà. Les pertes sont faibles au départ.

 

Néanmoins, nous avons beaucoup de travail ; il y a au moins 4 km de boyaux que nous faisons pour évacuer nos blessés jusqu’à Foucaucourt. De plus, la boue est là.

 

Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Secteur du 149e R

 

Le 5 septembre, nous relevons surtout des blessés allemands qui sont trouvés dans les ruines du village de Soyécourt. Ce village est rasé complètement. Le terrain est retourné comme après le passage de la charrue. L’artillerie allemande réagit vigoureusement après l’attaque. Nos blessés deviennent plus nombreux.

 

Ce matin-là du 5, le régiment a appris une nouvelle presque invraisemblable. Notre colonel, son officier adjoint, son ordonnance et sa liaison sont faits prisonniers. Après avoir franchi nos premières lignes, ils étaient partis reconnaître le terrain nouvellement conquis.

 

Le 7 septembre, je vais à Framerville pour aider nos cuisiniers. Je recommence le même boulot qu’à Verdun. Seulement, nous y arrivons beaucoup plus facilement.

 

Le gros ennui pour faire la cuisine était que nous étions obligés de chercher du bois sec. Comme il pleuvait souvent, nous visitions les décombres dans le pays. C’est ainsi qu’un jour, j’eus la chance de trouver une église démolie… Un confessionnal… Nous le rapportons et pendant plusieurs jours nous avons pu avoir de quoi faire la croûte. Il flambait rudement bien ce meuble liturgique, imprégné qu’il était du parfum et de l’essence de toutes les fautes avouées qu’il avait entendues… Nous étions marmités presque autant qu’en ligne.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de Louis Cretin.

 

La photographie présente sur le montage est légendée « le chemin creux de Soyécourt – 3 septembre 1916 ».

Tous mes remerciements à D. Browarsky et à T. Cornet qui m’ont autorisé à retranscrire sur ce blog le passage suivant du témoignage de Louis Cretin.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi et à A. Chaupin.

5 août 2022

Louis Joseph Marcel Jolibois (1896-1916)

Louis Joseph Marcel Jolibois

 

Louis Joseph Marcel Beurier voit le jour le 7 mai 1896, à Mamirolle, dans le département du Doubs. Sa mère, Emma Maria, cultivatrice, est âgée de 22 ans lorsqu’elle lui donne la vie. Elle est mère célibataire.

 

Deux actes de naissance sont enregistrés à la mairie de Mamirolle à la date du 8 mai. Le premier porte les signatures de la sage-femme Céline Bonjour et des deux témoins, Jules Beurier et Delphin Mercier. Le second est signé par la mère et par les mêmes témoins.

 

Emma Maria Beurier se marie le 30 septembre 1896. Maximun Joseph Jolibois, son époux, reconnaît être le père du petit Louis.

 

Mamirolle

 

Louis Jolibois est l’aîné d’une fratrie composée de 5 garçons. Ses frères cadets, Léon Paul Joseph et Marcel Jules Alphonse, naissent en 1897 et 1902. Les jumeaux, Gaston Philippe et Camille Placide venus au monde huit ans plus tard, décèdent prématurément.

 

Genealogie famille Jolibois

 

La fiche matricule de Louis Jolibois indique un degré d’instruction de niveau 3. Il sait lire, écrire et compter lorsqu’il rejoint le monde du travail.

 

Louis gagne sa vie comme cultivateur en attendant son départ pour le régiment.

 

Futur soldat de la classe 1916, il est inscrit sous le n° 103 lorsqu’il se présente devant le conseil de révision du canton de Besançon Sud. En bonne condition physique, il est déclaré « apte aux obligations militaires » par les instances de décision.

 

Sa classe est appelée par anticipation pour raison de guerre. Le 9 avril 1915, le jeune conscrit Jolibois est incorporé au 21e R.I., une unité qui tient garnison à Langres, dans le département de la Haute-Marne.

 

À la fin de sa période d’instruction au dépôt, le 28 novembre 1915, il est affecté au 149e R.I..

 

Combien de temps est-il resté au dépôt du 149e R.I. après son départ du 21e R.I. ? Est-il passé par le 9e bataillon du régiment pour parfaire une instruction jugée trop légère ? À quel moment a-t-il rejoint les rangs du régiment actif ? Il est, pour l’instant, impossible de répondre à ces questions en fonction des informations dont nous disposons. Sa fiche matricule est peu détaillée. Elle ne permet pas d’affirmer de manière catégorique sa participation à la bataille de Verdun, en mars et avril 1916, au sein du régiment actif.

 

Fin avril 1916, le 149e R.I. occupe un secteur en Champagne entre la butte de Tahure et la butte du Mesnil. La zone couverte par les bataillons du lieutenant-colonel Gothié est beaucoup moins exposée en comparaison avec Verdun.

 

Le 149e R.I. est engagé dans le département de la Somme en août 1916. Le 4 septembre, il attaque le village Soyécourt. Louis Jolibois, soldat à la 2e compagnie, est tué quatre jours plus tard.

 

Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur le plan suivant.

 

 

Louis Jolibois repose actuellement dans la Nécropole nationale de Maucourt. Sa sépulture porte le n°2627.

 

 

Le nom de cet homme a été inscrit sur le monument aux morts de la commune de Mamirolle.

 

Le soldat Jolibois a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume ( J.O. du 8 novembre 1920).

 

« Excellent soldat courageux. Tué par éclats d’obus le 8 septembre 1916, au cours de travaux périlleux de déblaiement de tranchée bouleversée par un bombardement intense et prolongé devant Soyécourt. A été cité. »

 

Louis Jolibois, décédé à l'âge de 20 ans, ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services et les actes de naissance du soldat Jolibois ont été consultés sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Le portrait de Louis Jolibois a été trouvé sur le site « MémorialGenWeb »

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à T. Vallé et aux archives départementales du Doubs.

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