Ernest Jules Fabre voit le jour le 28 mars 1894, dans le petit village de Saint-Étienne de Tinée situé dans le département des Alpes-Maritimes. Son père se prénomme Augustin Joseph. Cet homme a 35 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Catherine Madeleine Fabre, est une femme âgée de 31 ans. Les parents exercent tous deux le métier de cultivateur. C’est accompagné du préposé des douanes Éléazar Fulconis et du garde champêtre Alexis Ferraison que le père s’est rendu à la mairie du village, pour venir y déclarer la naissance du nouveau-né.
Ernest est l’avant-dernier d’une fratrie de cinq enfants, qui est composée de deux filles et de trois garçons. Le premier de ses frères, Albert Joseph Benjamin, décède dans sa première année de vie, le second Théophile Émile à l’âge de 12 ans.
Quittant l’école très tôt, l’adolescent est amené à pratiquer la même profession que ses parents. Il va exercer ce métier jusqu’au tout début du mois de septembre 1914, moment où sa classe d’incorporation est appelée pour cause de guerre.
Ernest Fabre doit se présenter devant le conseil de révision deux mois avant la date prévue. Il se retrouve classé dans la 5e partie de la liste. Les médecins viennent de l’ajourner pour faiblesse.
Le jeune homme peut maintenant retourner dans son village natal sans se préoccuper de savoir où il lui faudra se rendre avant d’être envoyé sur le front. Mais dans quel état d’esprit se trouve-t-il lorsqu’il quitte la salle du conseil de révision ? Ce n’est certainement pas très facile de devoir dire aux camarades de classe, qui vont bientôt rejoindre leur régiment d’affectation, qu’il ne peut pas partir pour l’instant, surtout en cette période de début de conflit ! En attendant, quel que soit l'humeur du moment, il va lui falloir reprendre le métier à la ferme. Comme tout le monde, Ernest ne sait pas encore que le sort de son pays est en train de basculer dans un chaos international qui va durer plusieurs années. Certains s’imaginent encore que tout sera probablement terminé avant la fin de l’année 1914.
Ernest se voit de nouveau convoqué devant le conseil de révision un peu moins de quatre mois plus tard. Cette fois-ci, il se retrouve classé dans la 1ère partie de la liste. En raison de la pression sociale réelle qui existait, on peut imaginer qu'il a certainement été soulagé par cette décision. Il est incorporé à compter du 17 décembre 1914. Deux jours plus tard, il rejoint le dépôt du 58e R.I., un régiment du 15e C.A. qui se trouve à Avignon, où il revêt l’uniforme de fantassin.
Ernest Fabre est ensuite envoyé au dépôt du 149e R.I. à Épinal, après avoir reçu les bases élémentaires du métier de soldat. Nous sommes le 24 mai 1915. Le 8 juin, il arrive dans la zone des armées, avec un renfort, pour intégrer une section de la 2e compagnie du régiment spinalien.
Cette compagnie a été malmenée au cours d’une attaque qui s’est déroulée le 29 mai et il faut, maintenant, reconstituer les effectifs avec les nouveaux arrivants.
Le 149e R.I. combat en Artois, près d’Aix-Noulette, depuis la fin du mois de décembre 1914. Il va rester dans ce secteur jusqu’au mois de janvier 1916.
Mars 1916, le régiment doit se rendre à Verdun. Les Allemands sont particulièrement virulents sur cette partie du sol meusien. Ils ont lancé une offensive d’envergure commencée le 21 février. Ernest Fabre est blessé à la cuisse droite par un éclat d’obus le 2 avril 1916. Sa compagnie se trouve, à ce moment-là, engagée dans un combat qui a lieu dans le secteur de Vaux-devant-Damloup.
Le jour même de l’attaque, il parvient à rejoindre l’arrière avant d’être évacué vers un hôpital situé en dehors de la zone des armées. Cette blessure lui évite la capture qui fut le sort de bon nombre de ses camarades de section partis à l'assaut.
Le 22 mai 1916, il peut réintégrer son régiment qui se trouve maintenant en Champagne du côté des buttes de Tahure.
Il est nommé caporal le 10 octobre 1918. La 1ère guerre mondiale touche presque à sa fin.
Le caporal Fabre a obtenu les citations suivantes :
Citation à l’ordre du corps d’armée n° 217 du 25 juillet 1918 :
« F.M. Courageux et énergique, le 15 juillet n’a pas hésité, malgré le feu des mitrailleuses, à se mettre debout sur le parapet pour tirer sur les groupes ennemis qui cherchaient à s’infiltrer par un boyau et a réussi à arrêter net la progression, en causant des pertes sérieuses à l’ennemi. »
Citation à l’ordre de la division n° 385 du 26 octobre 1918 :
« Le 28 septembre 1918, sous un violent tir de mitrailleuses ennemies, a tiré jusqu’à la dernière extrémité pour repousser une contre-attaque allemande occasionnant des pertes à l’ennemi. »
Un peu moins d’un an plus tard, c’est le retour à la vie civile. Ernest Fabre est mis en congé illimité de démobilisation le 18 août 1919, par le dépôt du 163e R.I.. Il va pouvoir enfin retourner vivre chez lui à Saint-Étienne de Tinée. Une fois l’uniforme quitté, le Caporal Fabre reste maintenu au service armée. Il essaye d’accéder à une pension d’invalidité qu’il ne parvient pas à obtenir. Les séquelles de son ancienne blessure, reçue à Verdun, sont évaluées à moins de 10 % par la commission de réforme de Nice qui prend cette décision le 29 mai 1920.
Le 14 août 1920, il épouse Rosa Honorine Marie Rivière à Salernes ; de cette union naitront deux filles, Simone et Paulette.
Ernest Fabre est maintenant classé dans l’affectation spéciale de la 10e section des chemins de fer de campagne, une subdivision complémentaire, en qualité de poseur de la compagnie sud-France, du 24 janvier 1921 au 10 janvier 1926. Il vit maintenant à Montauroux dans le Var.
Il est ensuite reclassé dans l’affectation spéciale à la 2e section des chemins de fer, subdivisions complémentaires, comme cantonnier, à la compagnie des chemins de fer P.L.M. à Goufaron à partir du 5 mai 1926.
Ernest Fabre est maintenu affecté spécial avec la même qualification professionnelle dans cette compagnie au service de la voie, jusqu’au 1er août 1927. Il passe en domicile à Toulon à la fin du mois de novembre 1927.
Le 28 mars 1953, Ernest Fabre épouse en secondes noces Anne Marie Peduzzi à Golfe Juan.
Ernest Fabre est décoré de la Médaille militaire le 12 décembre 1965. (J.O. du 11 mai 1966) puis de la Légion d'honneur le 30 octobre 1979 (J.O. du 4 novembre 1979). Cet évènement a fait l’objet d’un article qui a été publié dans la presse locale en janvier 1980. Celui-ci montre l’ancien poilu du 149e R.I. entouré de sa famille après la remise de sa décoration.
Le cliché est accompagné du texte suivant :
« Entouré de ses deux filles Simone et Paulette, accompagnées de leurs gendres, de ses six petits-enfants et de ses sept arrière-petits-enfants, M. Ernest Fabre, 86 ans, retraité de la S.N.C.F., à reçu à la Bocca, au club Michel-Jourdan du troisième âge, en présence de ses nombreux amis, la croix de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur qui lui a été récemment décernée à titre militaire.
M. Jacques Susini, adjoint, représentant M. Georges Charles Ladevèze, maire, devait déclarer dans son allocution : « Cette distinction qui vous est décernée vient, bien des années après, récompenser votre action courageuse lors de la 1ère guerre mondiale et en particulier à Verdun. C’est un hommage à votre courage, mais aussi à la mémoire de tous vos camarades tombés dans un combat pour la liberté. »
Sous les applaudissements, M. Gilbert Fort, président de l’U.F.A.C., conseiller municipal, épinglait ensuite sur le revers de la veste de M. Ernest Fabre, la décoration valeureuse.
Puis au nom des membres du club Michel-Jourdan, M. Santini félicitait le récipiendaire dont il retraçait un des faits d’armes : « En 1916, dans les très durs combats qui se sont déroulés près de l’étang de Vaux, notre camarade Ernest Fabre est resté seul vivant de sa compagnie. Son comportement lui valut d’être cité à l’ordre de l’armée. »
Déjà titulaire de la Médaille militaire, de la croix de guerre, de la médaille de Verdun, de la médaille des cheminots et de la valeur militaire, M. Ernest Fabre devait sabler le champagne non sans une réelle émotion avec ses amis et les personnalités parmi lesquelles, outre celles déjà citées, MM. Tournet, Cerri, Buytet, Renaudo, Cerri, adjoints ; Perotto, et Paoli, conseillers municipaux, M. Duranti, vice-président de l’A.C.I.A.C., M. Falleri, représentant l’association des cheminots anciens combattants, Mme Baume, directrice de l’office municipal du troisième âge ; Mme Montariol, responsable du club Michel-Jourdan, les responsables de clubs de troisième âge ; Mme Michel, Norman, Beauquier et Mmes Kahl et Egé, animatrices.
Nous adressons à M. Ernest Fabre nos vives félicitations et nos compliments aux membres de sa famille. »
Ernest Jules Fabre décède le 28 octobre 1983 à Cannes.
Sources :
Le portrait d’Ernest Jules Fabre provient du site « MémorialGenWeb ».
Les informations concernant ce soldat sont extraites de sa fiche signalétique et des services et de son acte de naissance qui ont été consultés sur le site des archives départementales des Alpes-Maritimes. Le site « MémorialGenWeb » a également été regardé.
L’article de presse concernant la remise de la Légion d'honneur d’Ernest Jules Fabre ainsi que la photographie de son poignard personnel utilisé sur le montage ont été fournis par son arrière-petit-fils, T. Goume.
Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Goume, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du département des Alpes-Maritimes.