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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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23 février 2024

Un père et un fils « morts pour la France » au 149e R.I.

Famille Larnac

 

Durant la Première Guerre mondiale, deux frères ont  parfois été déclarés « morts pour la France » après avoir servi dans le même régiment. Les cas père-fils semblent beaucoup plus rares. Un seul a pu être identifié au sein du 149e R.I.. Il s’agit de la filiation Larnac.

 

Emmanuel Antoine Hippolyte Larnac (1895-1915).

 

Emmanuel Antoine Hippolyte Larnac

 

Emmanuel Antoine Hippolyte Larnac est né le 26 juillet 1895 au hameau de Saint-Cézaire, rattaché à la ville de Nîmes, dans le département du Gard.

 

Son père, Eugène Ernest, 23 ans, travaille comme comptable. Sa mère, Lydie Élisa Duprat, 22 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Unique enfant du couple, il perd sa mère à 13 mois. Le père ne s’est pas remarié du vivant de son fils.

 

Emmanuel Larnac poursuit sa scolarité jusqu’à la fin de ses études secondaires. Le jeune homme aspire à une carrière militaire. Grâce à son baccalauréat, il peut passer le concours d’entrée de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr.

 

Il réussit les épreuves écrites, mais les événements internationaux ne lui permettent pas d’aller plus loin. Le conflit armé avec l’Allemagne, qui débute en août 1914, rend impossible aux futurs élèves officiers de la 99e promotion saint-cyrienne toute présentation aux examens de la deuxième partie du concours.

 

Comme tous les autres candidats à la promotion, surnommée plus tard « la Grande Revanche », Emmanuel Larnac est déclaré reçu au concours, dispensé des épreuves orales, sans avoir la possibilité de suivre la formation d’élève officier. Cette situation tout à fait particulière lui impose, comme à tous les candidats éligibles à cette promotion, de signer un contrat d’engagement de huit ans avec l’armée ; c’est la condition pour conserver son statut de futur officier.

 

Le 12 août 1914, il se rend à la mairie de Nevers pour signer son acte d’engagement. Il présente une attestation d’admission, un extrait du journal officiel prouvant son inscription à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, un certificat de bonnes mœurs délivré par le maire de Fourchambault ainsi qu’un certificat médical militaire ; ce dernier atteste qu’il n’est atteint d’infirmités, qu’il a la taille et les autres caractéristiques nécessaires pour rejoindre le 13e régiment d’infanterie, l’unité qu’il a choisie pour effectuer sa formation initiale de fantassin.

 

Le 14 août, Emmanuel Larnac débute sa carrière comme simple soldat à la caserne Pittié. Son ascension dans les grades militaires est très rapide puisqu’il est directement nommé sous-lieutenant à titre temporaire pour la durée de la guerre, sans passer par les grades intermédiaires.

Ce changement de grade l’affecte au 95e R.I., un régiment stationné à Bourges. À la mi-janvier 1915, le sous-lieutenant Larnac quitte la caserne Condé et rejoint le 149e R.I.. À ce stade du conflit, ce régiment occupe un secteur proche du village de Noulette en Artois.

 

Le lieutenant-colonel Gothié lui confie le commandement d’une section de la 9e compagnie sous les ordres du capitaine Baril.

 

Le 3 mars, sa compagnie contre-attaque suite à une violente attaque allemande. Le sous-lieutenant Larnac est tué à la tête de sa section.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés le 3 mars 1915, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 2 journee du 3 mars 1915

 

Quelques jours après sa mort, le commandant Laure, responsable du 3e bataillon, évoque son subordonné dans une correspondance familiale :

 

« … Quant au petit Larnac, c’était un enfant : il est parti bravement à la tête de sa section et a été tué d’un seul coup, avec, sur son visage, un rayonnement de juvénile enthousiasme. »

 

Le 15 avril 1915, le chef de corps du 149e R.I. écrit ceci dans le feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant Larnac :

 

« Jeune officier, admissible à l’école de Saint-Cyr, avait fort bien débuté au régiment et avait donné à ses hommes un fort bel exemple de bravoure au combat du 3 mars devant Noulette où il a été tué. »

Le corps du sous-lieutenant Larnac a pu être ramené à l’arrière.

 

Il repose actuellement dans le carré militaire du cimetière de Sains-en-Gohelle. Sa tombe porte le numéro 61.

 

Sepulture sous-lieutenant Emmanuel Larnac

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec palme

 

Citation à l’ordre n° 55  de l’armée la Xe armée en date du 20 mars 1915 : (J.O. du 8 avril 1915).

 

« Le 3 mars, lors d’une attaque allemande sur les tranchées de 1ère ligne devant Noulette a été tué à la tête de sa section en l’entraînant à la contre-attaque en avant des tranchées avec une grande bravoure. »

 

Le sous-lieutenant Larnac a reçu à titre posthume la Légion d’honneur qui reprend le texte mentionné pour sa citation à l’ordre de l’armée. (J.O. du 26 décembre 1919).

 

Emmanuel Larnac ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Fourchambault.

 

Cet officier est cité dans le livre d’or de la promotion de la Grande Revanche. Son nom apparaît dans un chapitre destiné aux personnes dont les familles n'ont pas pu fournir d'informations sur leurs antécédents, avec le petit texte suivant :

 

«Tué le 3 mars 1914. Lorsque son père, qui était dégagé de toute obligation militaire, apprit sa mort, il s’engagea dans le même régiment, devint caporal mitrailleur et fut tué devant Verdun, un an après son fils en mars 1916.Le sous-lieutenant Larnac était chevalier de la Légion d’honneur et décoré de la croix de guerre. »

 

Une erreur s’est glissée dans ce texte. Le père n’était pas caporal, mais soldat.

 

Ernest Eugène Larnac (1872-1916).

 

Ernest Eugène Larnac est né le 25 juin 1872 à Lunel, ville située dans l’est du département de l’Hérault.

 

Son père, Hippolyte, 31 ans, est employé aux chemins de fer. Sa mère, Anaïs Vigouroux, 31 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle.

 

Ernest Larnac est le quatrième d’une fratrie composée de trois garçons et d’une fille. Sa mère a donné naissance à une petite fille mort-née en 1865 et l’un de ses frères est décédé en bas âge.

 

 

Ernest perd sa mère à l’âge de quatre ans, puis son père à l’âge de 18 ans. L’année de sa conscription, il obtient le statut « d’aîné d’orphelins » ce qui le dispense des obligations militaires pendant une année.

 

Le 11 novembre 1893, Ernest Larnac intègre une compagnie du 163e R.I., une unité récemment créée, qui tient garnison à Nîmes. Mis en congé le 25 septembre 1894, il quitte l’uniforme avec son certificat de bonne conduite en poche, en attendant son passage dans la réserve.

 

Le 3 novembre, Ernest Larnac épouse Lydie Élisa Duprat à Nîmes. L’année suivante, un fils naît de cette union.

 

Lydie Élisa Duprat décède le 25 août 1896. Son fils est âgé de 13 mois.

 

En 1899, Ernest Larnac s’installe à Jalognes, dans le Cher, avec son fils et sa belle-mère, Madeleine Guiraud âgée de 60 ans,. En 1901, il travaille comme voyageur de commerce chez Madame Badin. En 1906, il est devenu grossiste en vin. Les affaires semblent réussir. Un domestique travaille pour la famille.

 

Ernest Larnac retrouve son uniforme de soldat pour exécuter, du 2 au 29 octobre 1899, sa 1ère période d’exercice au sein du 40e R.I..

 

Le 1er octobre 1906, Ernest Larnac, âgé de 34 ans, passe dans l’armée territoriale. Il est rattaché au 61e R.I.T..

 

Deux jours plus tard, le tribunal de Cosne le condamne à 16 francs d’amende avec sursis pour outrage à un citoyen chargé du ministère public dans l’exercice de ses fonctions.

 

La période concernant sa 2e période d’exercice est annulée et considérée comme effectuée (dépêche du 8e C.A. du 28 mai 1907).

 

Le 20 avril 1910, Ernest Larnac est de nouveau condamné par le tribunal de Cosne pour outrage à personne en public. Il doit cette fois payer une amende de 16 francs, l’équivalent de la somme de sa première peine avec sursis.

 

La famille Larnac n’est pas enregistrée sur le registre de recensement de la ville de Jalognes de l’année 1911.

 

Été 1914 : la France se prépare à un nouveau conflit armé avec l’Allemagne. Début août 1914, les premiers réservistes sont rappelés. Le 3, Ernest Larnac rejoint le dépôt du 8e escadron de train des équipages à Dijon (la date de son rattachement à cette unité est inconnue).

 

Son fils, sous-lieutenant au 149e R.I. est tué le 3 mars 1915, en Artois. Ernest Larnac demande à être affecté dans ce régiment après le décès de son fils unique. Ayant obtenu l’approbation de ses supérieurs, il rejoint sa nouvelle unité le 10 mai 1915.

 

Une première information, trouvée dans un article de presse publié dans le journal « L’écho du centre » du 1er juillet 1915 et une seconde, figurant dans le Livre d’or de la promotion de « la Grande Revanche », nous apprennent que ce soldat a été affecté dans une compagnie de mitrailleuses.

 

Le même article du journal nous indique qu’en juin 1915, il est soigné dans un hôpital de Lamotte-Beuvron pour maladie (son nom ne figure pas dans les contrôles nominatifs des 2e et 3e trimestres de l’année 1915 des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires du 149e R.I.).

 

« Engagé volontaire dans les télégraphistes, avait obtenu de changer et de s’engager dans les mitrailleuses. Malade, il a été évacué à Lamotte-Beuvron, où il est soigné. C’est là qu’il vient de recevoir la lettre suivante :

«  Monsieur,

Je n’ai pas l’honneur de vous connaître, mais « Écho de Paris » d’aujourd’hui m’apprend que vous avez le malheur d’être veuf, comme moi, et que vous avez, comme moi aussi, la glorieuse, mais terrible épreuve, d’avoir un fils unique, Saint-Cyrien de la promotion de la Grande Revanche, mort au champ d’honneur et cité à l’ordre de l’armée. Je comprends ce que vous souffrez, car je l’éprouve moi-même. Des morts, comme celles de nos fils, ne sont pas des morts. Ils vivent par leur souvenir et l’exemple qu’ils nous ont laissés. C’est leur sang qui régénérera la France. En tombant, ils ont fait naître des énergies nouvelles dans le cœur des troupiers. Je vous serre fraternellement la main.

Capitaine T… »

 

Après sa convalescence, Ernest Larnac intègre la C.H.R. du 149e R.I. (date inconnue).

 

Le 12 février 1916, il épouse Marie Bourcier à Fourchambault, dans la Nièvre.

 

Le 18 mars, Ernest Larnac, blessé dans le secteur de Verdun par plusieurs éclats d’obus à la poitrine, se trouve dans un état critique. Sa blessure est tellement grave qu’elle rend impossible tout déplacement vers l’arrière. Il est pris en charge par les médecins du l’hôpital d’origine d’étape n° 12 de Vadelaincourt qui ne peuvent rien faire pour lui. Le 19, il est déplacé à l’hôpital temporaire de Revigny où il décède le jour même.

 

Emmanuel Larnac repose actuellement dans la nécropole nationale de Revigny-sur-Ornain. Sa sépulture porte le numéro 205.

 

Sepulture soldat Ernest Larnac

 

Aucune décoration, aucune citation, n’ont pu être retrouvées pour ce soldat du 149e R.I..

 

Son nom a été inscrit sur le monument aux morts de la commune de Fourchambault tout comme celui de son fils..

 

Sources :

 

Concernant Ernest Eugène Larnac :

 

Fiche matricule, actes d’état civil et registres de recensements consultés sur le site des archives départementales du Gard et de l’Hérault.

 

Contrôle nominatif du 1er trimestre 1916 des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires du 149e R.I. détenu par les archives médicales hospitalières des armées de Limoges.

 

Journal « « L’écho du centre » du 1er juillet 1915

 

L'echo du centre

 

La photographie de la sépulture du soldat Larnac a été réalisée par M. Faure.

 

Concernant Emmanuel Antoine Hippolyte Larnac :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Le portrait du sous-lieutenant Larnac provient du  tableau d’honneur de la guerre 14-18 publié par la revue « illustration ».

 

La photographie de la sépulture d’Emmanuel Larnac a été réalisée par T. Cornet.

 

Livre d’or de la promotion de « la Grande Revanche » Saint-Cyr 1914 d’après les documents rassemblés par le lieutenant Campana, secrétaire de la promotion.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Faure, à M. Porcher, à T. Vallé, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives médicales hospitalières des armées de Limoges et à la mairie de Fourchambault.

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