Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Archives
26 janvier 2024

Du 1er au 2 mars 1915

La fosse 10 bombardee

 

Depuis plusieurs semaines, le 149e R.I. couvre le sous-secteur de Noulette, petit village du Pas-de-Calais.

 

Les mouvements de relèves se poursuivent au même rythme que les jours précédents.

 

Tableau des relèves du 149e R

 

Les canons et les Minenwerfer ennemis pilonnent quotidiennement les tranchées et les boyaux français, faisant régulièrement des victimes. Le 1er mars, les artilleurs allemands augmentent leur puissance de feu.

 

1er Mars 1915.

 

Trois compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. occupent la ligne de front depuis la veille au soir. Le commandant Magagnosc est installé dans le P.C. de bataillon de 1ère ligne situé dans le bois 7. Une de ses compagnies est en réserve non loin de là.

 

Le 3e bataillon, commandé par le commandant Laure, est en 2e ligne à Noulette. Le 1er bataillon du commandant Bichat se repose à la fosse 10.

 

De 7 h 00 à 15 h 00, les compagnies du commandant Magagnosc sont exposées à des tirs d’artillerie nourris. Des obus de calibre 77, 105 et 150 tombent autour de la haie G, du boyau situé sur le versant de Notre-Dame-de-Lorette, dans la zone du P.C. du chef de bataillon et dans les bois 4 et 5. Au total, l’artillerie allemande a tiré plus de 350 projectiles.

 

 

Les obus ennemis causent de lourds dégâts sur la ligne de front. Les tranchées et les boyaux sont largement endommagés dans les secteurs des compagnies de droite et du centre. Des hommes restent coincés sous des abris effondrés et plusieurs mitrailleuses sont mises hors d’usage.

 

La compagnie de gauche doit évacuer sa tranchée de 3e ligne entièrement détruite par l’artillerie ennemie. Elle occupe temporairement un boyau situé quelques mètres en arrière en attendant de retrouver sa position initiale.

 

Une partie de la compagnie de réserve et quelques pionniers sont envoyés sur place pour dégager et réparer les tranchées endommagées. Des blessés et des corps sans vie sont sortis des décombres.

 

Le commandant Laure, chef du 3e bataillon du 149e R.I. écrit à sa famille :

 

« Le capitaine Prunier est versé au 1er bataillon et Thomas est donc de nouveau à la tête de la 11e compagnie.

 

Deux dures journées… J’ai eu 8 tués dans mon bataillon, tous des gosses de la classe 14… Contraste habituel, j’ai surpris la conversation suivante entre deux gavroches de cette classe : «  Après la guerre, quand on sera rentré chez nous, on leur fera faire, aux vieux, une tranchée au fond du jardin, et on les enverra prendre la garde pendant qu’on se réchauffera au coin du feu. C’est ça, et on leur dira de creuser un boyau à partir de la cuisine pour aller faire la relève. Un boyau ? Non alors… faudra qu’ils y aillent en terrain découvert et en rampant. Oui, oui, et puis ils se feront pendre d’enfilade… Ce sera roulant ! »

 

Moment fort de la journée : trois fourneaux de mine allemands explosent accidentellement en 1ère ligne.

 

1er mars 1915 - localisation des trois fourneaux de mines allemands

 

Le soir, le commandant rédige un rapport. Son compte-rendu est immédiatement transmis au général Guillemot, chef de la 85e brigade.

 

2 mars 1915

 

La machinerie de la fosse 10

 

Le général Guillemot envoie à son supérieur, le général Lombard, responsable de la 43e D.I., une note ; celle-ci est rédigée à partir des informations fournies par le commandant Laure. Il écrit :

 

« J’ai l’honneur de vous rendre compte des faits suivants qui font l’objet d’un rapport du chef de bataillon Laure, commandant le sous-secteur du 149e R.I., dont je cite des extraits ci-après :

 

Trois fourneaux de mine ont explosé le 1er mars en 1, 2 et 3.

 

Le 2e bataillon qui a été relevé par le 3e bataillon à 20 h 00 ne s’en est pas aperçu.

 

- Parce que le bruit de l’explosion a dû se confondre avec celui du bombardement.  

 

- Parce que la tranchée de droite a été démolie par des Minenwerfer en A et en B (ancien emplacement de mitrailleuses) et en D et C (nouveau boyau de jonction)

 

Personne n’a pu s’approcher le jour du chaos qui se trouve en A et C. L’adjudant-chef Peltier lui-même (chef des grenadiers), qui était allé en B à la fin de la journée pour reconnaître son travail de la nuit, ne s’était rendu compte de rien. Ce n’est que vers 21 h 00, après avoir avancé le déblaiement entre A et B, qu’il est arrivé au bord de l’entonnoir 1, et, de là, il a pu reconnaître les entonnoirs 2  et 3.

 

Le chef de bataillon Laure, prévenu, est allé reconnaître lui-même et continue comme suit :

 

« Je rentre de la reconnaissance et, bien qu’étant parti sceptique, je n’ai plus aucun doute. Les entonnoirs, par la régularité de leur disposition, par leurs dimensions formidables, par le fractionnement de la terre en énormes blocs, par le fissurage profond des flancs, sont très certainement dus à l’explosion de trois fourneaux de mine. Ils ont été, selon toute vraisemblance, établis au bout d’une galerie venant de T0.»

 

Le commandant Laure estime que cette explosion est un accident dans le travail de l’ennemi. Il est convaincu que de semblables travaux ont pour points d’origine T1, T2 et T3 et que dans le plan de l’ennemi, toutes les explosions doivent être simultanées au moment d’une attaque. »

 

Des ordres sont donnés :

 

- Pour que le commandant de compagnie du génie 21/1 reconnaisse, si possible, le bien-fondé des précisions du commandant Laure et qu’il prenne des disposions en conséquence.

 

- Pour que la parallèle, place de rassemblement au pied des haies-talus, soit aménagée de suite par les territoriaux en tranchée de 2e ligne.

 

- Pour qu’aux abris du bois 6, il y ait, à partir de ce soir, 2 compagnies au lieu d’une.

 

Je demanderai, de plus, qu’une reconnaissance de sapeurs-mineurs soit faite d’urgence, pour étudier les travaux destinés à contrebattre par la mine les travaux de l’ennemi. »

 

Les tranchées effondrées la veille sont reconstruites. Le travail de liaison entre la compagnie de gauche et la compagnie du centre se poursuit. Cinquante hérissons sont posés devant la partie détruite de la tranchée de gauche et devant les entonnoirs.

 

Un service d’écoute organisé par le Génie opère jour et nuit entre les sapes x1, x2 et x 3.

 

Des ordres sont donnés en prévision d’une relève du 149e R.I. par le 1er B.C.P.. Celui-ci est renforcé de 2 compagnies du 143e R.I.T..

 

La période exclusivement consacrée aux travaux réalisés dans des conditions dantesques va s'achever le 3 mars. Les troupes allemandes se préparent à lancer une violente attaque sur la  ligne de front du 149e R.I..

 

Comptabilite des grenades au 149e R

 

Comptabilite des bombes au 149e R

   Comptabilite des obus de 37 mm au 149e R

 

Tableau des tués pour la période allant du 1er au 2 mars 1915

 

Tableau des blessés pour la période allant du 1er au 2 mars 1915

 

Tableau des décédés dans les hôpitaux et les ambulances du 1er et du 2 mars 1915

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. du 21e C.A.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 195/2.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/1.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

 

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 626/25.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Les dessins intitulés « la fosse 10 bombardée – mars 1915 » et « la machinerie de la fosse 10 – Artois 1915 » ont été réalisés par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Ils font partie du fonds Journoud, propriété de la famille Aupetit.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à A. Chaupin, à T. Cornet à M. Porcher, à la famille Aupetit, à l’association « Collectif Artois 1914-1915 » et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Commentaires
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Visiteurs
Depuis la création 840 325
Newsletter
41 abonnés
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.