Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Archives
24 novembre 2011

Dernières lettres du caporal Marcel Perret.

                   Marcel_Perret

Encore une fois un très grand merci à toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 ». 

Le 31 mars 1915

Bien chers tous,

Je reçois à l’instant, une lettre de papa du 25 au soir et une carte-lettre de Marie Louise du 27. Nous sommes toujours en repos. On dit même que nous irons 10 jours à Houdain ou à Ablain. On dit aussi que nous changerons de région ensuite. Mais que ne dit-on pas ? J’étais caporal de jour hier, je n’ai pas fait grand-chose, à part toucher les paquets recommandés. Il y avait deux grands sacs à faire partir au train de combat, ainsi que les 16500 cartouches que la compagnie avait en rabiot et mener les prisonniers au poste de police. J’ai fait laver un peu de linge aujourd’hui.

Je ne serai jamais imprudent, mais ferai toujours mon devoir. Et même, je ne vous le cache pas, je serai parmi les volontaires quand on en demandera pour tel ou tel travail. En tout cas, je n’oublierai jamais la divine providence en qui je mets toute confiance.

Donc, Maniguet est au 9e d’artillerie. Il n’a donc pu aller au 12e de Vincennes. Je vous ai dit, il y a quelques jours que j’avais encore de l’argent. Je n’en suis pas encore à court, quoique n’en ayant plus des masses. Mais il a toujours été bien employé, soyez-en sûr.

Tu me donneras des détails sur la fabrication et le prix de ces grenades que tu fais maintenant.

Toujours beau temps et toujours en bonne santé, quoique toussant un peu. Résultat du séjour dans les tranchées et abris.

Au revoir, bons baisers de votre Marcel. 

Le 16 mars 1915

Chers parents,

Ça y est, nous partons ce soir. Le 1er bataillon cantonnera très près des tranchées, à Boyeffes où Boyeve. Demain sans doute, nous irons aux tranchées.

J’ai quitté la 16e escouade et pris le commandement de la 10e. Derechef, je suis avec Dessoy. Priez bien pour moi, j’en aurai grandement besoin. Espérons que Dieu me ramènera sain et sauf, victorieux et indemne. D’ailleurs, une blessure ne m’épouvante pas outre mesure. Au revoir, bons baisers de votre Marcel. 

3 avril 1915

Bien cher parents,

Je reçois à l’instant votre lettre du 28 et le paquet que vous m’annoncez dans cette lettre, mais le gros colis, toujours inconnu. Pourtant, des camarades en ont reçu par chemin de fer. Espérons toujours. Merci pour le paquet et pour le mandat. Étant presque toujours obligé d’acheter de quoi satisfaire mon appétit extraordinaire. Mandat et paquet me seront d’une grande utilité.

Nous sommes en repos à Ablain pour plusieurs jours. On dit que nous irons ensuite nous battre dans la Somme, puis en Champagne, puis en Alsace ! Avant-hier, la musique du 149e R.I. a donné un concert. Marches diverses, Sambre-et-Meuse Hymne belge et la Sidi-Brahim. Au moment où les musicos envoyèrent cette dernière marche entraînante, un détachement du 17e B.C.P. défilait. Ils étaient contents les petits vitriers d’entendre leur marche favorite. Hier, le drapeau a défilé devant nous. Le vieux drapeau, sale et décoloré, où l’on ne distingue plus qu’une partie des inscriptions, Fleurus comme bataille, mais je n’ai pu distinguer les autres.

J’ai été ému devant ce symbole de la patrie, et j’ai juré de le défendre jusqu’à la mort et de lui apporter la victoire.  Arrivés ici, nous avons nous-mêmes défilé devant lui, en allant à nos cantonnements. Nous sommes dans la grange, il n’y fait pas trop chaud. Aujourd’hui, il pleut. Hier, Vendredi saint, nous avons fait maigre, naturellement. Le matin, sardines et beurre, le soir, épinards, morue, maquereau et 4 œufs durs.

Je suis toujours en bonne santé et espère que vous êtes de même. J’ai maintenant un bon couteau qui me servira beaucoup. Nous en avons grand besoin à chaque instant. Merci pour tous les renseignements que tu me donnes sur les connaissances. Je comprends qu’Henri Roux ait des soucis. Espérons qu’il deviendra sérieux et bon père de famille. Auguste Vincent est bien heureux d’avoir vu l’abbé Paris, s’il est vrai que nous allons en Alsace, je voudrais bien le voir. La nouvelle concernant ces voleurs ne m’étonne guère. Ces oiseaux-là sont capables de tout. J’attends avec joie les sous de la commune.

La lettre de Marie Louise me fait rire. Il ne faut pas croire qu’ont se bat terriblement dans les tranchées puisque je n’ai pas encore vu les Allemands. On ne sait pas si l’ont est victorieux, puisqu’à proprement parlé, on ne se bat pas. On tiraille à tout hasard, de temps en temps, et c’est tout. Je savais déjà où vont les copains de la classe 16. Prandini ayant écrit à Dessoy hier.

Le paquet est bien intact, merci encore une fois.

Je vous laisse en vous embrassant affectueusement tous trois. Votre tout dévoué.

Marcel 

Le 7 mai 1915

Bien chers parents,

L’attaque projetée pour hier soir a été remise au lendemain. Ce n’est donc qu’aujourd’hui ou demain matin plutôt, qu’on se lancera, baïonnette haute sur les Allemands abhorrés. On les repoussera, c’est sûr. La préparation a été menée avec soin. J’ai été hier jusqu’au poste central de Noulette.

Là, au milieu des ruines, sous un abri triplement blindé, est installé un poste téléphonique où viennent se réunir plus de 30 lignes de la région. On m’a quelque peu renseigné, 150 pièces de canons sont en batterie et cracheront pendant 12 heures. Ensuite, à l’assaut. Les Anglais de la Bassée doivent attaquer avant nous, attirant ainsi sur leur front, des renforts que nous n’aurons plus devant nous. Il faut à tout prix qu’on repousse leur ligne. Peut-être, du coup seront-ils repoussés en Belgique, débarrassant le Pas de Calais et le Nord si possible de leur présence peu désirée.

Pour le bataillon, les derniers renseignements nous font savoir que les 1ère et 3e compagnies attaqueront la première ligne. Les 2e et 4e compagnies devant enfoncer la 2e  ligne mieux défendue, mais dont les défenseurs seront peut-être énervés par l’attaque première. L’attaque doit se déclencher sur un vaste front. Certains disent de la Bassée au Mont Saint-Éloi, d’autres de la Belgique au même mont Saint-Éloi. J’ai tout espoir et bientôt, je vous enverrai un mot de victoire. Relevés après 24 h avant-hier soir, nous venons passer la nuit dans des abris derrière Noulette ; longs boyaux creusés sous terre. À trois heures, on réveille la ½ section qui va s’échelonner, remplaçant la ½ section précédente qui sert de téléphone pour relier le poste du capitaine au poste du colonel. Toute la journée, repos dans les abris. On a porté les sacs à Aix-Noulette, ne gardant que toile de tente, vivres de réserve et outil, et, naturellement fusil et équipement.

Le soir, concert par les artistes de la compagnie, effet splendide au crépuscule, sous les grands arbres entourés de cahutes nègres, nos chanteurs et nos comiques nous ont divertis jusqu’à la nuit. Inutile de vous dire que sans le bruit du canon, on ne se serait pas cru à 2 km du front. De nouveau couchés dans les abris, nous avons roupillé, malgré le brouillard qui finit par nous saisir au matin. Ainsi, tu vois ma soeurette que le 8 mai, il est bien probable que la bataille nous trouve aux prises, Français et Allemands, sur un vaste front. J’espère bien que l’anniversaire de la prise d’Orléans amène la défaite de nos ennemis. Bien entendu, je m’unirai à vos prières pendant ce mois de Marie, notre mère à tous. Son intercession obtiendra de son divin fils, la victoire pour nos armées et nous ramènera sain et sauf au foyer paternel.

Reçu aussi une lettre d’oncle Narcisse qui n’a pas grand-chose de neuf à dire. Sauf que la famille d’Henri restera à ? jusqu’à la fin de la guerre, et que ce dernier non affecté à Angers est à Dunkerque, faisant la navette entre cette ville et Nieuport. Il ne sait pas encore pour quoi, ni ne connait son adresse. Je vous quitte avec mes meilleurs baisers affectueux. Votre fils et frère dévoué. Marcel Perret. 

Référence bibliographique :

Tome 1 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1918 », à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

18 novembre 2011

Louis Prunier (1875-....).

                   Louis_Prunier

Louis Emile Prunier naquit le 16 janvier 1875 à Montmeyran, petite commune de la Drôme. Son père, François Prunier exerçait la profession de bourrelier. Sa mère Précile Rozeron était ménagère. Il se marie avec Elisabeth Trey en septembre 1901, à Marseille.

En 1893, il signe un engagement volontaire de 3 ans dans le bureau de recrutement de la cité phocéenne. Il passe ces trois années au 55e R.I. et termine son engagement avec le grade de Sergent-fourrier. Suite à cette période, Louis Prunier est nommé sous-lieutenant de réserve. Il dépend du 341e R.I. de Toulon. Retourné à la vie civile, il vit à Marseille et travaille dans une banque. En 1907, il est lieutenant de réserve au 115e R.I.T. de Marseille. Rappelé à la mobilisation, Louis Prunier est rapidement rattaché au dépôt du 149e R.I.. Il est  nommé capitaine de réserve en janvier 1915. Il est gravement blessé au combat le 9 mai 1915 à la tête de sa compagnie. Après sa convalescence il est affecté dans la 8e région au service des Chemins de fer et des Etapes. A sa demande,  il rejoint de nouveau le 149e R.I. en juillet 1916. Il y reste jusqu’en février 1917. Muté au 141e R.I., il quitte définitivement le secteur du front en janvier 1918 des suites de sa blessure datant de mai  1915. Il termine sa carrière militaire au printemps 1922. 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 48 du 8 juin 1915 :

« Le 9 mai, au combat de Lorette, à entraîné sa compagnie pour l’attaque d’une tranchée ennemie sous un feu très meurtrier d’artillerie et de mitrailleuses. Blessé au cours de cette opération. » 

Citation à l’ordre de l’armée  n° 285 du 3 mai 1916 :

« Officier courageux, a été blessé grièvement le 9 mai 1915 alors que sous un feu intense, il entraînait vigoureusement sa compagnie à l’assaut des tranchées ennemies. » J.O du 3 juin 1916. 

Chevalier de la légion d’honneur par décret du 13 août 1914 pour prendre rang du 3 mai 1916. (J.O. du 3 juin 1916). 

 Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le portrait du capitaine Prunier est extrait du tableau d’honneur de la guerre 14-18, publié par la revue « l'illustration ».

Un grand merci à M. Bordes, à M. Porcher, à J. Huret et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

13 novembre 2011

Quatre-vingt-onze ans après...

               Lucien_Kern__1889_1920_

Un fait marquant vient de se produire pour le 149e R.I. sur les lointaines terres canadiennes. En effet, les personnes qui ont  assisté à la cérémonie du 11 novembre 2011, ont pu lire un nouveau nom gravé sur le monument du poilu à Saint-Boniface. Le nom du soldat Lucien Kern figure maintenant au côté de celui de son frère Eugène, quatre-vingt-onze ans après son décès . 

Pour en savoir plus : 

http://170eri.blogspot.com/2010/08/pour-ne-pas-oublier-eugene-kern-1882.html 

http://amphitrite33.canalblog.com/archives/2011/07/28/21693048.html 

L'affiche sur le montage a été réalisée par Suzanne Martel.

Un grand merci à Suzanne et Denise Martel et à Roselyne Duclos.

8 novembre 2011

Les beaux rêves de vie ne sont plus.

Petite analyse des pertes du 149e R.I. dans le secteur de Souain en septembre 1914.

                                            Tableau des tués dans le secteur de Souain 

            Tableau des blessés et des disparus dans le secteur de Souain en septembre 1914

                                                    Tableau des sépultures (Souain)

Voici maintenant quelques graphiques réalisés à partir des tableaux précédents. Ils donnent une vue d’ensemble des pertes durant les attaques sur le petit village de Souain. Le régiment est particulièrement éprouvé durant les journées du 14 et du 19 septembre. La liste des disparus est très importante et les prisonniers y  sont certainement très nombreux.

                  Tableau_des_pertes_generales_du_149e_R

Le tableau ci-dessus nous montre l’état des pertes générales du 149e R.I. qui s’étalent du 10 septembre au 17 octobre 1914. Les tués sont représentés en rouge, les blessés en vert et les disparus en orange.

Aux 169 tués et décédés des suites de leurs blessures pendant les combats des 3 bataillons, il faut ajouter 1 commandant, 4 soldats de la C.H.R., 1 soldat de la 2e compagnie de mitrailleuses et 23 soldats dont les actes de décès ont été enregistrés par les tribunaux quelques années plus tard.

Il faut aussi grossir le chiffre des blessés de 8 hommes qui appartenaient à la C.H.R.. Cela nous donne un total de 198 tués, 647 blessés et 225 disparus.

Le 149e R.I. quitte la ville d’Épinal en août 1914 avec un effectif de 3330 hommes.

Je n’ai pas connaissance des chiffres exacts des effectifs réels du régiment au début de son engagement dans les combats de la Marne. Je reste  donc sur l’hypothèse que ce dernier est  composé de 3330 hommes pour effectuer mes calculs.

Les hommes sont répartis en 3 bataillons de 1000 hommes, constitués chacun par 4 compagnies de 250 hommes. Le reste de l’effectif se compose de la C.H.R., du personnel de l’État-major du régiment, etc.…

L’effectif théorique correspond au nombre supposé d’officiers, de sous-officiers et d’hommes de troupe qui composent le régiment, les bataillons, ou encore les compagnies au moment de son engagement dans les combats de septembre 1914.

Pour le 1er bataillon, nous obtenons les résultats suivants :

                 Perte_1er_bataillon_du_149e_R

1ère compagnie : 28 % de l’effectif théorique.

2e compagnie : 23,2 % de l’effectif théorique.

3e compagnie : 34,4 % de l’effectif théorique.

4e compagnie : 35,60 % de l’effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 1er bataillon, nous arrivons à un total de 303 hommes soit 30,30 % de l’effectif théorique du bataillon.

Pour le 2e bataillon, nous obtenons les résultats suivants :

                 Perte_2e_bataillon_du_194e_R

5e compagnie : 19,2 % de l’effectif théorique.

6e compagnie : 21,6 % de l’effectif théorique.

7e compagnie : 59,2 % de l’effectif théorique.

8e compagnie : 29,2 % de l’effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 2e bataillon, nous arrivons à un total de 323 hommes soit 32,3 % de l’effectif théorique du bataillon.

Pour le 3e bataillon, nous obtenons les résultats suivants :

                 Perte3e_bataillon_du_149e_R

9e compagnie : 50,4 % de l’effectif théorique.

10e compagnie : 43,6 % de l’effectif théorique.

11e compagnie : 34,8 % de l’effectif théorique.

 12e compagnie : 34 % de l’effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 3e bataillon, nous arrivons à un total de 407 hommes soit 40,7 % de l’effectif théorique du bataillon.

Petite conclusion :

Citation_SouainJe rappelle que toutes ces données doivent être lues comme des résultats approximatifs. Les 7e, 9e et 10e compagnies sont de loin les plus touchées par les combats. Le régiment « laisse sur le terrain », 32,13 % de son effectif. À cette occasion, il recevra sa première citation à l’ordre de l’armée.

De très nombreux blessés réintègreront, après avoir été soignés et envoyés en convalescence, le dépôt du 149e R.I.. Ils retourneront rapidement dans leur régiment d’origine. Plusieurs rencontreront le chemin de « la grande faucheuse » dans les terribles combats qui eurent lieu dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette durant l’année 1915. Certains d’entre eux auront la même destinée dans un autre régiment appartenant au 21e C.A.. Un bon nombre de ces blessés comblera les pertes du 6e R.I.C. pour y subir une fin tout aussi tragique.

Sources :

Les archives du services de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Un grand merci à M. Bordes,  à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la défense de Vincennes.



1 novembre 2011

Premières lettres du caporal Marcel Perret (1896-1915).

                    Marcel__Perret

De nouveau un très grand merci à toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 ».

Richerenches, le 28 janvier 1915 

 Bien chers parents,

Cette fois, ça y est ! Je suis sur mon départ. On nous a prévenus ce matin, avez-vous reçu ma carte ? Je rentre ce soir à Romans. Y resterai-je longtemps ? Où partirai-je de suite pour le front ? Je ne sais, mais peu importe. Je suis assez content de partir, j’espère avoir la chance d’échapper aux balles allemandes, je reviendrai, je l’espère, victorieux et indemne, couvert de gloire et sans doute, possesseur de beaux galons d’or.

Plus que jamais, le compte sur vos prières, espérant que grâce à elles, le bon Dieu me gardera. Si vous voulez, vous donnerez une messe pour votre Marcel. Priez aussi pour que j’aie le bonheur d’aller vous embrasser avant le départ.

Je viens de ficeler un paquet que Mr Fraçon, le propriétaire de la ferme où je suis cantonné, vous enverra dans quelques jours. Il contient la paire de souliers de repos qu’on m’a donné, ils ne sont pas épatants. Je ne veux pas m’embarrasser ; 3 paires de chaussettes en coton, les bouquins par vous envoyés, une brosse à cheveux et 2 chemises du régiment pas fameuses, dont une sert d’enveloppe.

Au revoir bien chers tous, priez bien pour moi et ayez confiance. Votre fils qui vous aime tendrement et qui vous prie d’oublier tout ce qu’il a pu vous faire souffrir.

Je vous embrasse bien affectueusement.

Marcel

Le 4 février 1915 au soir 

Bien chers parents,

Je reçois à l’instant la lettre de Marie-Louise du 30 janvier. Je vois que bien que surpris de mon départ un peu précipité, vous n’êtes pas trop en soucis. Vous avez raison, confiez-vous à la Divine Providence et tout ira bien.

Malheureusement, il est impossible obtenir une permission. Je le regrette bien, si je n’étais pas si loin, je vous prierais de venir me voir à Montluel. Ce me ferait grand plaisir, mais je crois bien qu’il n’y faut pas compter, tant pis, je me fais à cette idée de ne pas vous revoir avant la fin de cette guerre maudite.

Je n’ai besoin de rien pour le moment et gardez-vous bien de m’envoyer quelque chose en fait d’habit. Je ne saurais qu’en faire, en ayant presque plus que je ne puis en porter. Ce sera pour plus tard. J’ai tout ce qu’il me faut pour le moment. Bien content de pouvoir compter sur vos prières, je ne le suis pas moins de savoir que vous avez donné pour une messe pour moi. Je suis en ce moment légèrement fatigué, maux de dents et maux de gorge aussi. Je me suis fait porter malade ce matin, je passe de nouveau la visite demain matin, mais ce ne sera sûrement rien.

Encore rien de décisif quant à la date du départ, je crois que sans tarder beaucoup, ce n’est pas encore pour ces jours. J’attends avec patience, le courage ne me fait pas défaut, de même que la confiance. Je tâcherai de me faire photographier un de ces jours. Que vous dire d’autre ? Le major m’a porté grippé et m’a donné 2 cachets de quinine.

Avez-vous des nouvelles de l’oncle Léon et de l’oncle Alfred, des autres parents et amis qui sont au front ?

Je pense bientôt recevoir une longue lettre de vous. Au revoir chers et bons parents. Je vous embrasse affectueusement. Votre tout dévoué.

Marcel 

Le 1er mars 1915 

Mes chers parents,

En rentrant du tir, je reçois votre lettre du 25. Je suis bien content de savoir que mes correspondances vous parviennent maintenant. Moi de même je les reçois assez bien, quoique tardivement. Mais mieux vaut tard que jamais.

Ce matin, exercice, l’après-midi, tir. On nous a exercés ensuite à lancer des grenades. On va former une section de grenadiers au bataillon.

Je n’ai rien reçu ni de l’oncle Léon, ni de l’oncle Alfred, ni de la tante Maria, mais j’espère qu’ils vont bien.

J’ai bien reçu votre paquet d’hier et j’attends le suivant, ça vient assez bien ici et ça fait bien plaisir, car nous n’avons pas trop à manger et bien assez d’occasions de dépenser. Je n’ai toujours pas de détails au sujet du départ. Les Anglais qui cantonnaient à proximité sont partis hier pour le front. À quand notre tour ?

Bien content que vous ayez des détails sur le patelin. Je n’ai pas de nouvelles depuis longtemps des amis et copains, et je suis bien content des détails que vous me donnez, les concernant. Toujours plein de courage et de confiance, j’attends les évènements avec patience et je me confie à la divine providence.

Au revoir, je vous embrasse bien affectueusement tous trois. Bonjour cordial aux parents et amis. Votre tout dévoué.

 Il neige à gros flocons. Vive la neige. Cette nuit, il pleuvait, la pluie me tombait sur la figure. 

Marcel Perret

Référence bibliographique :

Tome 1 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1918 », à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Visiteurs
Depuis la création 841 361
Newsletter
41 abonnés
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.