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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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24 novembre 2023

Pierre Jacquemetton (1881-1915)

Pierre Jacquemetton

 

Pierre Jacquemetton est né le 26 octobre 1881 au lieu-dit d’Apinost ; ce dernier est rattaché à la commune de Bully, dans le Rhône.

 

Son père, Jacques, 41 ans, est cultivateur. Sa mère, Françoise Violay, 40 ans, est ouvrière agricole. Les parents de Pierre n’ont pas d’employeurs réguliers. Chaque année, ils louent leurs services à un agriculteur différent.

 

Bully - vue generale

 

Pierre est le cinquième enfant d’une famille de six garçons et de deux filles. Trois de ses frères sont décédés prématurément.

 

Genealogie famille Jacquemetton

 

Pierre Jacquemetton détient un degré d’instruction de niveau 3. Après avoir quitté l’école communale en sachant lire, écrire et compter, il a rapidement rejoint le monde du travail en tant qu’agriculteur.

 

À l’approche de la conscription, le jeune Jacquemetton comparaît devant le conseil de révision qui le déclare apte au service actif, mais soumis à l’article 2 de la loi de 1889. Son frère Barthélémy étant sous les drapeaux, il bénéficie d’une période de sursis d’un an pour accomplir ses obligations militaires.

 

Le 14 novembre 1902, le conscrit Jacquemetton rejoint le 23e R.I., un régiment stationné à Bourg dans l’Ain. Autorisé à revenir à la vie civile à partir du 19 septembre 1903, il quitte la caserne Aubry avec son certificat de bonne conduite validé.

 

Pierre Jacquemetton est transféré dans la réserve de l’armée active le 1er octobre 1905.

 

L’année suivante, il est employé comme agriculteur par Claude Décrand, à Chasselay. Sa sœur, Marguerite, travaille comme domestique dans la même famille.

 

Du 26 octobre au 22 novembre 1908, Pierre Jacquemetton effectue sa 1ère période d’exercices dans une unité autre que celle dans laquelle il a fait son service militaire. Durant ces quatre semaines, il doit se rendre à Épinal pour reprendre la vie de soldat au 149e R.I..

 

Fin 1911, Pierre Jacquemetton habite à l’Abresle. Il effectue sa deuxième période d’instruction militaire, du 9 au 25 mai 1911, toujours au sein du 149e R.I..

 

Le 8 novembre 1912, il épouse Philomène Besson à Saint-Bonne-des-Bruyères.

 

En 1914, les Jacquetton travaillent au clos Landar à l’Arbresle. Un fils naît le 19 mai 1914.

 

Comme tous ses camarades de classe, Pierre Jacquemetton est rappelé à l’activité militaire sur ordre de mobilisation générale durant l’été 1914. Cet avis est affiché dans toutes les communes de France à partir du  2 août. Trois jours plus tard, Pierre Jacquemetton se présente au dépôt du 149e R.I..

 

Sa fiche matricule n’est pas suffisamment détaillée pour reconstituer avec certitude son parcours de soldat dans les premiers mois de la guerre.

 

En tant que réserviste d'une des classes les plus âgées, il est logiquement affecté au dépôt de la caserne Courcy, probablement dans les rangs des compagnies de dépôt du 349e R.I.. À un moment donné du conflit, le soldat Jacquemetton a intégré les effectifs du 149e R.I., mais à quelle date ?

 

Trois hypothèses sont envisageables :

 

Est-il arrivé dans ce régiment avec le groupe de renfort composé de 250 soldats du 349e R.I. ? Ce groupe est parti de la caserne Courcy  le 23 août 1914. A-t-il rejoint le 149e R.I. avec le groupe envoyé le 5 septembre (310 hommes dont 200 du 349e R.I.), où encore plus tard ? Il est impossible de donner une réponse satisfaisante à une de ces questions sans avoir eu à disposition les listes nominatives officielles de ces différents groupes de renforts.

 

Nous ne saurons donc pas quand il a subi le baptême du feu.

 

Tout ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est que ce soldat sert dans la 3e compagnie du 149e R.I. lorsqu’il est tué en Artois le 6 février 1915 dans le secteur de Noulette.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 6 fevrier 1915

 

Pierre Jacquemetton est dans un premier temps enterré au cimetière A (Est-côté Zeffé) à Noulette.

 

Sepulture Jacquemetton

 

L’aumônier Henry a effectué des relevés et ainsi pu dresser des plans détaillés de tous les cimetières provisoires du secteur d’Aix-Noulette ; il a également établi une liste complète des soldats qui reposaient en ces lieux. C’est grâce à ce minutieux travail qu’il a été possible de localiser la sépulture du soldat Jacquetton avec une grande précision.

 

Cimetiere A - Est - Cote Zeffe

 

Par décret du 29 avril 1916, sur le rapport du ministre de la guerre, sa veuve obtient une pension de 563 francs (jouissance du 7 février 1915) (publication dans le J.O. du 17 mai 1916).

 

Le tribunal civil de Lyon valide l’adoption par l’état de son fils Charles Pierre qui devient pupille de la nation à partir du  21 février 1920.

 

Le 6 janvier 1921, ce même tribunal déclare officiellement le père de Charles Pierre « mort pour la France » à la date du 6 février 1915.

 

Le lieu de sépulture actuel de Pierre Jacquetton n’a pas été retrouvé. Son épouse, qui ne s’est pas remariée, est décédée en 1954. Elle repose actuellement dans une tombe individuelle au cimetière d’Arbresle.

 

Aucune citation, aucune décoration n’ont pu être retrouvées pour ce soldat du 149e R.I..

 

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de l’Arbresle et sur la plaque commémorative de l’église du village.

 

Sources 

 

La fiche matricule du soldat Pierre Jacquemetton, les actes d’état civil concernant sa famille et les registres de recensements des communes de l’Arbresle, de Bully et de Lentilly ont été consultés sur le site des archives départementales du Rhône.

 

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

 

Le plan des cimetières A, B, C, d’Aix-Noulette et le plan des sépultures du cimetière A ont été réalisés par l’aumônier Henry. Ils sont la propriété de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à A. Chaupin,  à T. Cornet, à J.L. Poisot à T. Vallé, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales du Rhône. 

17 novembre 2023

Janvier - février 1915 – Sur le front de Lorette

Fevrier 1915 - Sur le front de Lorette

 

Connu pour son roman « Lorette une bataille de 12 mois », le commandant Laure, toujours sous le pseudonyme d’Henri René, nous offre un aperçu très détaillé des opérations de relèves et des conditions difficiles de ses hommes dans le secteur d'Aix-Noulette. Certes, il reconstitue et regroupe des souvenirs dans un récit reconstruit, mais ses évocations n'en sont pas moins le fruit de ses observations. Il évoque également l'artillerie de tranchée, source d'inquiétude majeure pour le fantassin, lorsqu’elle est utilisée la nuit, le retour des grenadiers dans les unités d’infanterie et la construction des différents modèles de sapes.

 

« L’hivernage se poursuit, particulièrement rigoureux sur notre désert, où le couvert des bois n’existe plus, où « les gourbis » des villages nègres sont d’un maigre confort, où les relèves sont longues et éreintantes. Le «mal des tranchées» sévit : pour éviter ces terribles gelures des pieds, le commandement a prescrit la fréquence des relèves.

 

Elles sont en ce moment quotidiennes. Tous les soirs, des compagnies cheminent de l’arrière vers l’avant, et d’autres de l’avant vers l’arrière, cortèges funèbres jamais interrompus.

 

Rien n’est comparable à la relève, un soir de pluie.

 

Dès le départ du « gourbi » les vêtements sont imprégnés d’humidité et maculés de boue. Les mains, tâchées d’une terre visqueuse, en font à chaque empreinte un lourd dépôt sur l’acier ou le bois du fusil.

 

La baïonnette s’engorge de rouille dans son fourreau. La boule de pain se ramollit, et reproduit les caractères d’imprimerie volés aux journaux dont on l’a jalousement enveloppée.

 

Les pieds, les pauvres pieds, font un navrant « flic-flac » à chaque pas d’un brodequin percé de part en part. Brrr, qu’il fait donc froid sur les genoux !

 

Le passe-montagne et le cache-nez, qu’on ne veut pas quitter « quand même », distillent avec art les gouttes glaciales qui tombent dans le cou.

 

Noir comme dans un four, on marche, on glisse, on tombe, on se relève en jurant. On a perdu la file, on se fait pousser, bousculer, on saisit pour ne pas se perdre la courroie de charge de l’homme qui précède, il vous rejette d’une bourrade.

 

Qu’il fait donc chaud dans ce boyau ! Chute à droite, chute à gauche, un fil téléphonique vous prend à la gorge, une planche en travers vous accroche le pied, et on se fait encore dire par le sergent qu’on ne va pas assez vite. Ce n’est plus un soldat, c’est de la boue qui marche… et parfois, de la boue sanglante – un blessé, arrivant en sens inverse, qu’on heurte sans pitié, car la circulation est obstruée. Enfin la tranchée. C’est idiot, cette fusillade qui n’arrête pas…

 

« 7e escouade par ici… » Les caporaux se passent la consigne en grommelant. Les hommes se frottent les dos et les ventres dans ces trous vraiment trop étroits pour recevoir ainsi double courant. Les fusées qui veulent bien encore partir, malgré l’averse, éclairent ce lamentable tableau ; ceux qui s’en vont loqueteux et sordides, grelottants, harassés ; ceux qui restent, guère plus brillants, s’aménagent un semblant de toit avec un coin de toile de tente, avec un peu de glaise amassée sur quelques brindilles ; les plus veinards, avec un fragment de tôle qui traîne dans la boue ou des planches arrachées par le bombardement du jour à un abri d’officier sommaire et misérable.

 

Non, personne ne se fera jamais l’idée de ce que peut être une relève, un soir de pluie !

 

S’il y a des secteurs où la nuit est un repos après les transes et les fatigues de la relève, ce n’est pas celui de Lorette… Le jet des grenades, des bombes et des torpilles aériennes est devenu la règle. Sans arrêt, l’obscurité retentit du claquement sourd des premières et des formidables détonations des secondes.

 

Quand il fait jour, au moins, on a pris l’habitude de regarder le ciel et des guetteurs poussent en temps utile le cri de : «  gare la bombe » renouvelé d’antan. Mais la nuit !... Rien à faire qu’à subir, à attendre que l’épée de Damoclès brise son fil, à « encaisser ».

 

Une seule de ces torpilles, quand elle tombe dans la tranchée, chose heureusement assez rare, car leur rythme est très irrégulier, écrase cinq ou six hommes sous leur abri, sans qu’ils aient entendu ni le bruit du départ, ni le sifflement d’approche, comme cela se passe pour les obus.

 

Ces projectiles sont particulièrement nombreux en ce moment. La vie de nos tranchées en est littéralement empoisonnée. Ils sont la terreur de nos hommes.

 

Par représailles, nous nous adaptons à cette nouvelle surprise. Nos « crapouillots «  de l’esplanade des Invalides ont été réquisitionnés et ils « crachent » sur la tranchée boche les vieilles bombes de 15 que nous avions vues près de ces mêmes Invalides, rangées en pyramides. On a déjà perfectionné cet engin rustique et primitif. Il lance aujourd’hui des explosifs plus efficaces. Nous allons pratiquer aussi « la torpille aérienne », sorte de gros obus monté sur un manche de bois, garni d’ailettes, projeté à deux ou trois cents mètres par un « tube canon» rudimentaire où brûle un peu de poudre noire.

 

Mais il faut lutter contre le fantassin pour actionner ces outils barbares, dont ils redoutent le voisinage. Car le boche est mieux outillé sur ce chapitre. Nos faibles représailles amènent de la part de ses « minenwerfer » un redoublement d’activité généralement néfaste pour nos premières lignes.

 

L’infanterie s’est appliquée avec une ardeur résolue à dresser «ses « grenadiers ». Elle en a compris toute l’utilité et ce genre de sport intéresse les hommes.

 

Déjà la silhouette du « grenadier » nouvelle mode devient classique dans les feuilles illustrées : un grand gaillard, bien planté sur ses jambes, le regard allumé, le geste large et rapide, vivante reproduction d’audace et de témérité, populaire parmi ses camarades et redouté du boche.

 

Il a d’abord utilisé la petite grenade ronde de l’ancien temps, sortie du magasin d’antiquités de nos forteresses ; vexé de ses innombrables ratés, il s’est montré tenace malgré tout à supporter une lutte à armes très inégales. Il la dédaigne maintenant, lui préférant de beaucoup « la grenade anglaise » qui contient un bon explosif tout neuf , qui est bien en mains et qui ne rate pas… à condition que le carton du détonateur ne soit pas trop imprégné d’humidité. Les modèles varient à l’infini : ne va-t-on pas jusqu’à collectionner, chez tous les limonadiers du front, la petite bouteille-bille pour eau gazeuse, qu’on rempli de cheditte blanche, qu’on arme d’un détonateur et qu’on répand dans les tranchées comme « deux sous de lait pour les poilus. ». Ceux-ci ne lui témoignent pas, au demeurant, un grand enthousiasme !

 

Quoi qu’on fasse, on n’arrive pas encore à la généralisation de l’emploi des grenades.

 

Les escarmouches se bornent à des luttes de petits groupes d’hommes en « têtes de sapes » autour des chantiers de pose de fils de fer et dans les éléments de tranchées très rapprochées, celles surtout qui sont communes aux deux camps et où « les postes d’écoute » ne sont séparés que par une vingtaine de mètres allant d’un « barrage » à l’autre.

 

On en est là, en effet ! Depuis les attaques du 17 décembre, comme résultat des assauts et contre-assauts, on cohabite avec les Boches. Il n’y a plus une ligne française et une ligne allemande nettement démarquée, mais un enchevêtrement inextricable, des tranchées communes et grossièrement compartimentées par des barricades de sacs à terre, des boyaux allant des unes aux autres et où des postes d’écoute, nez à nez, se fusillent à bout portant, se démolissent à coups de grenades, s’insultent à la voix, parfois même se bousculent à coups de crosse.

 

L’artillerie, dans ce dédale, n’arrive plus à discerner les siens, et, sur la ligne de feu proprement dite, l’opiniâtreté de la lutte se manifeste surtout « à la grenade ».

 

Depuis le 17 décembre, il n’y a plus eu d’action d’ensemble importante. Toutefois, ce qui vient d’être dit montre bien que la bataille a continué tous les jours. Pas le moindre chômage pour soigner ses blessés et enterrer ses morts.

 

 

Il est inutile de rappeler le lot de l’infanterie dans cette contribution quotidienne au combat, au travail et à la mort.

 

 

Quant à la sape, la bonne vieille sape, honnie et conspuée avant la guerre, elle triomphe ! Elle se manifeste sous toutes ses formes. La sape volante, la plus audacieuse, qui s’exécute à découvert, de nuit, à hauteur de la première ligne ou même en avant, tout le monde en chantier, les outils mordant le sol en vitesse et les travailleurs s’enterrant pour échapper aux coups.

 

La sape pied à pied, prudente par nécessité, où le piocheur et le pelleteur s’avancent d’un geste hardi « à la barbe » de l’ennemi, toujours invisibles, mais souvent touchés cependant par la balle, la grenade ou le shrapnell qui visent la terre rejetée au bord du trou. La sape des territoriaux qui, plus en arrière, se dévide en longues traînées et laborieusement, méthodiquement, minutieusement, perce en une nuit des deux ou trois cents mètres de boyaux ou de « parallèles de soutien ».

 

La sape des mineurs qui entre sous le parapet, descend en galerie, gagne dix ou douze mètres de profondeur et prend son point de direction sous la tranchée boche qui doit sauter.

 

Nous sommes maintenant aussi actifs que les Allemands sur ce terrain. Notre plateau, en deçà de la haie, se laboure dans tous les sens de tranchées et de boyaux, avec le parrainage des officiers qui en ont dirigé l’exécution, des gradés morts à la tâche ou celui, plus modeste, des chiffres et des lettres de l’alphabet. »

 

Sources :

 

« Lorette une bataille de 12 mois – octobre 1914-octobre 1915 », livre d’Henri René. Éditions Perrin et Cie. 1929.

 

Le portrait du commandant Laure provient de la collection personnelle de F. Amélineau.

 

Un grand merci à M. Bordes,  à F. Amélineau, à A. Carobbi, à T. Cornet et à la famille descendant du commandant Laure. 

10 novembre 2023

Marie Louis Henri Joseph Ducloux (1892-1915)

Marie Louis Henri Joseph Ducloux

 

Marie Louis Henri Joseph Ducloux est né le 9 février 1892 au Chêne, un petit hameau rattaché à la commune de Saint-Martin-d’Auxigny, dans le département du Cher.

 

Son père, Alexis, 31 ans, est agriculteur. Sa mère, Catherine Antoinette Massicot, 29 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle, mais quand cela est nécessaire, elle prête « main-forte » aux nombreuses tâches de l’exploitation.

 

La sœur aînée d’Henri, née en 1890, décède quelques semaines après la naissance de son frère. En 1895, le couple Ducloux donne de nouveau la vie à un garçon.

 

Genealogie famille Ducloux

 

Henri Ducloux quitte l’école communale en sachant lire, écrire et compter. À la fin de la scolarité obligatoire, l’adolescent doit immédiatement intégrer le monde du travail. Comme son père, il devient agriculteur.

 

L’année de ses 21 ans, il comparaît devant le conseil de révision réuni à la mairie de Saint-Martin-d’Auxigny. Henri Ducloux est en bonne santé. Il est déclaré « apte aux obligations militaires ».

 

À compter du 9 octobre 1913, le jeune homme est affecté au 149e R.I., un régiment stationné à Épinal.

 

Août 1914, le traité de paix avec l’Allemagne est sur le point d’être rompu. Le 149e R.I., qui fait partie de la réserve des troupes de couverture, se dirige vers la frontière quelques heures avant l’ordre de mobilisation générale.

 

Le 3 août, le 149e R.I. entre officiellement en campagne. L’Allemagne vient de déclarer la guerre à la France.

 

Henri Ducloux participe à tous les combats de son régiment durant les premiers mois du conflit (son nom ne figure pas dans les nombreuses listes de blessés du régiment pour cette période). Il se bat au col de Sainte-Marie, à Abreschviller, à Ménil, Thiaville et Saint-Benoît, à Souain, à Notre-Dame-de-Lorette et pour finir en Belgique à Verbranden Molen, au sud de Zillebeke, puis il revient  en Artois.

 

Le 4 février 1915, le soldat Ducloux, de la 2e compagnie du 149e R.I., est grièvement blessé dans le secteur de la 1ère ligne au sud-ouest d’Aix-Noulette. Il décède à l’ambulance 3/21 installée à Sains-en-Gohelle, après une évacuation rapide, cinq jours avant de fêter son 23e anniversaire.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 1 - 1er fevrier 1915

 

Son acte de décès est transcrit dans sa commune natale le 16 mars 1916.

 

Le soldat Henri Ducloux a été initialement enterré au cimetière de Sains-en-Gohelle. Ses restes mortuaires, restitués à la famille dans les années 20, reposent actuellement au cimetière de Saint-Martin-d’Auxigny.

 

Sepulture famille Ducloux

 

Henri Ducloux a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 27 juin 1920) :

 

«Très bon soldat. Mort glorieusement pour la France, le 4 février 1915, à Noulette.»

 

Cette inscription lui donne également droit au port de la croix de guerre avec une étoile de bronze.

 

Decorations du soldat Ducloux

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Martin-d’Auxigny.

 

Marie Louis Henri Joseph Ducloux est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services du soldat Ducloux, les registres d’état civil et les registres de recensement  de la commune de Saint-Martin-d’Auxigny ont été consultés sur le site des archives départementales du Cher.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à T. Vallé, aux archives départementales du Cher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

3 novembre 2023

Du 1er au 10 février 1915

Tranchee de 3e ligne - Mont-Saint-Eloi - fevrier 1915

 

Depuis le 27 janvier, le 149e R.I. occupe une zone située entre le bois des Boches et le bois 8. Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles.

 

Le commandement a prescrit des mouvements de relève très resserrés pour éviter que les troupes ne s’épuisent trop rapidement et pour empêcher les terribles gelures des pieds.

 

Deux des bataillons du régiment alternent entre la 1ère et la 2e ligne toutes les vingt-quatre heures pendant que le troisième se repose à la fosse 10 durant 3 jours.

 

 

Dans la soirée du 31 janvier, juste avant la relève, le chef de corps du 149e R.I. donne l’ordre d’attaquer la sape t1.

 

1er février 1915

Pendant la nuit, les Minenwerfer ont ouvert le feu sur la 1ère ligne en tirant toutes les demi-heures. Heureusement pour les compagnies du 149e R.I., les tirs sont presque toujours trop longs.

 

Dans la matinée, une dizaine de 105 fusants tombent entre le bois 5 et la 1ère ligne (au centre et au centre gauche) tenue par le 149e R.I.. 

 

L’ennemi reste très actif sur l’ensemble du front. Il renforce t2 et t3 tout en construisant une nouvelle tête de sape nommée t1’.

 

Les Allemands occupent une position élevée. Ils possèdent une supériorité incontestable sur le 149e R.I. en dominant le secteur depuis leurs têtes de sape. Les hommes du lieutenant-colonel Gothié ont du mal à tenir leurs créneaux.

 

L’ennemi reconstitue une sape offensive en t1 (reculée de quelques mètres depuis l’attaque de la veille). Il place des chevaux de frise en t1, t2 et t3.

 

Carte 1 - 1er fevrier 1915

 

Plusieurs échanges de tirs se font entre les deux artilleries dans la journée. Quelques obus touchent Noulette.

 

La liaison se réalise à vue entre la compagnie du centre du 149e R.I. et la compagnie de gauche. Des isolés effectuent la liaison entre le centre et la compagnie de droite.

 

Des éléments de la compagnie du centre fortifient les postes d’écoute en  face de t1, t2 et t3. Les travaux, réalisés sous un feu intense et contrôlé, sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre.

 

Un obus non explosé de 150 tombe dans une tranchée entre les bois 7 et 8 ; il est signalé au colonel en charge de l’A.D. 43.

 

2 février 1915

 

À 5 h 00, des soldats du bataillon de 1ère ligne du 149e R.I. lancent une nouvelle attaque sur t1. Dans un premier temps, les Français réussissent à reprendre la position du 1er février. Ils établissent un nouveau barrage au-devant du t allemand.

 

Vers 6 h 30, les Minenwerfer ouvrent le feu sur la tête de sape t1. La position devient vite intenable. La plupart des défenseurs français sont blessés. Malgré les efforts déployés pour tenir le terrain, il faut revenir au point de départ. Une vigoureuse contre-attaque allemande est repoussée.

 

À l’aube, une patrouille ennemie s’avance vers la corne sud-est du bois des Boches. Elle lance des grenades et des fusées. Cette action n’a aucun effet.

 

De 9 h 30 à 11 h 00, la compagnie de droite du 149e R.I. subit une canonnade intermittente d’obus de  77 et de 105 tirés depuis Angres. À 14 h 45, le secteur de Notre-Dame-de-Lorette essuie un violent bombardement.

 

Pendant la journée, les hommes de la compagnie du centre effectuent des travaux de terrassement et de défenses accessoires en renforçant leurs têtes de sapes avec des chevaux de frise en fil de fer.

 

Durant la nuit, les Minenwefer bombardent le secteur du 149e R.I. (environ une bombe toutes les demi-heures). Leur ajustement de tir reste médiocre. Une bombe tombée dans la tranchée du centre fait tout de même des victimes.

 

Ces projectiles allemands semblent plus puissants que ceux tirés les jours précédents.

 

Ils créent un déplacement d’air considérable. Ils ne font pas de bruit au lancement et ne dégagent pas de fumée. Il semblerait qu’ils viennent des alentours de la haie t1. La batterie Galland tire dans cette direction sans réussir à réduire au silence le Minewerfer supposé.

 

Le commandant Laure évoque cette journée mouvementée depuis son poste de 2e ligne à Noulette, dans une correspondance familiale.

 

« Noulette est notre nouveau cantonnement de rafraîchissement derrière les lignes que nous allons maintenant occuper sur les pentes nord-ouest de la chapelle de Lorette. C’est un pauvre hameau, complètement en ruines, où nous ne trouverons pas le confort de la Fosse 10, et où le rafraîchissement entre nos périodes de tranchées ne sera qu’illusoire, car les obus y pleuvent aussi bien, peut-être même plus qu’en première ligne.  Du peu que l’on a, il faut s’en contenter. »

 

3 février 1915

 

Le bombardement sur la 1ère ligne se poursuit. Dès 10 h 00, plusieurs obus de 105 tombent dans la zone des bois 5 et 6. Des coups isolés de 77 sont tirés du côté du boyau qui longe la haie talus n° 1. Il est possible que les abris en construction de ce secteur aient été repérés.

 

Les artilleurs allemands bombardent de manière intensive la 1ère ligne et le village de Noulette entre 12 h 30 et 13 h 30. L’artillerie française intervient sur demande pour faire cesser ces tirs.

 

Le Génie installe un double réseau brun recouvrant et encerclant le boyau en face de t1 tandis que les travaux à la sape se poursuivent. Une équipe de grenadiers est à l’œuvre à la sape t3. Elle doit prolonger le petit t en face de t1.

 

Dans les tranchées, les hommes luttent contre la boue et l’eau.

 

4 février 1915

 

Un échange de tirs assez intense a lieu vers 2 h 00 en face du  149e R.I.. La liaison se fait à droite avec le 10e B.C.P. et à gauche avec le 158e R.I..

 

Durant la nuit et le matin, des bombes de Minewerfer tombent régulièrement dans la zone tenue par la compagnie du centre du régiment spinalien.

 

Dès 9 h 00, la route d’Arras et le village de Noulette sont lourdement bombardés.

 

L’artillerie allemande a tiré plusieurs obus de 105 sur le bois 5. Un obus de 77 explose vers la barricade de la route d’Arras. Il tue un homme et en blesse 7.

 

Les Minenwerfer restent très actifs. Ils lancent des bombes en forme de bouteille qui tournent dans l’air, mesurant environ 30 cm de long avec un diamètre de 6 à 8 cm.

 

La parallèle partant de x3 à x2 n’est pas encore terminée. Il faut améliorer l’entrée du boyau x1 et des tranchées. Une traverse pare-balle et des boyaux de communication ont été confectionnés. Un boyau allant du bois 5 au poste de l’artillerie est en construction. Les tranchées du bois 6 sont améliorées.

 

De 9 h 00 à 11 h 00 et à 13 h 00,  Noulette subit de violents bombardements. Les tirs proviennent d’Angres et de Givenchy.

 

À 23 h 00, une violente fusillade a lieu dans le secteur du 149e R.I..

 

Le commandant Laure écrit ceci dans une autre de ses lettres : « Sur nos nouvelles lignes, grande agitation autour d’une « tête de sape » que l’ennemi, travaillant sous terre, poussait vers nous pour nous faire sauter. On l’a attaquée, prise, perdue, reprise, et je fais l’impossible pour que nous y restions coûte que coûte.

 

Je vais aller faire ma tournée pour m’assurer que nos travaux également souterrains sont en bonne voie. Alors mon âme de « sapeur » (où sont les élucubrations de « l’offensive française » ?...) s’épanouira devant les deux ou trois mètres que nos ateliers de « sapes » et de « parallèles » auront pu gagner : Chimène, qui l’eût cru !

 

Puis je féliciterai mes « grenadiers » (on a même rétabli ce nom) qui me seront signalés comme ayant réussi à coller au nez de l’ennemi leurs grenades ou « bombes à main » et je vérifierai si les deux « crapouillots », que je viens de faire placer sur mon centre, sont en état de lancer quelques grosses bombes en échange de celles dont nous accablent les « Minenwerfer » de l’autre bord.

 

Il me restera ensuite à aller au poste d’observation de la batterie de 75 mise à ma disposition, pour voir si elle est bien réglée sur l’ennemi et non sur nous (ce qui advient parfois) enfin à demander quelques coups de 155 court pour inciter l’ennemi à se tenir plus tranquille devant nous.

 

Nos bleus comme nos vieux sont stoïques. Ils savent rester en observation à leurs « créneaux » quand la tête et la cervelle d’un voisin éclatent : car, horrible détail, c’est l’effet que produisent des balles tirées à si courte portée. Ils ne se laissent pas impressionner par une centaine de cadavres qui gisent devant eux, lugubre souvenir des vaines attaques du 17 décembre dernier. »

 

5 février 1915

 

Des tirs de fusils sont de nouveau échangés vers 1 h 30. Il faut l’intervention de la batterie Galland pour les arrêter.

 

Durant la journée, les Minenwerfer restent silencieux. L’ennemi tire quelques coups de feu isolés. Leurs tirs sont plus rares que les autres jours, ce qui laisse supposer un changement de troupe.

 

À 11 h 00, deux avions (un allemand et un français) se rencontrent au dessus de Noulette. Ils échangent quelques coups de fusil, sans dommage apparent, avant de regagner leurs lignes respectives.

 

Vers 15 h 30, Noulette est bombardée avec des obus de 105 fusants en provenance d’Angres.

 

Les artilleurs français d’Aix-Noulette effectuent deux coups trop courts avec leur 75. Vers 15 h 30  leurs obus tombent sur le bois 6 et dans l’espace compris entre le bois 6 et 7.

 

6 février 1915

 

Plusieurs coups de feu sont échangés dans la journée. Entre 10 h 45 et 11 h 00, quelques 77 tombent aux abords du boyau allant du bois 7 au bois 8. Les Minenwerfer n’ont pas repris leur activité.

 

Une parallèle allant de X3 vers t2 est en cours de réalisation. Un pan coupé est effectué en X1 pour éviter le tir d’enfilade à l’endroit où le boyau rejoint la tranchée. La tranchée de 1ère ligne est améliorée, en particulier à gauche de la haie de droite. Les boyaux sont remis en état. Des abris de 1ère ligne sont en cours de construction.

 

Carte 2 - fevrier 1915

 

7 février 1915

Dans la journée, une attaque d’artillerie assez intense vise les abris en construction du côté de la haie G.

 

Le hameau de Noulette et les tranchées de 1ère ligne sont bombardés à coups de 105 et 77 entre 12 h 00 à 14 h 00.

 

De nouveaux abris sont construits dans le bois 6. Les anciens sont en cours de rénovation.

 

8 février 1915

 

Durant la nuit, la fusillade reste continuelle sur toute la ligne de front occupée par le 149e R.I.. Les travaux du secteur sont entravés par le mauvais temps. Tous les boyaux sont inondés. À 17 h 00, les Allemands bombardent la zone de la haie talus G  et du bois 6.

 

9 février 1915

 

Le bois 6 est aménagé. Les boyaux et les tranchées, en très mauvais état en raison des intempéries, sont améliorés. Les travaux concernant les abris dans la haie talus G se poursuivent. Le Génie continue la construction de la parallèle X3 et X2 et le revêtement en sacs de terre de la tranchée à proximité du boyau talus 2.

 

10 février 1915

 

Plusieurs coups de feu sporadiques sont échangés pendant la nuit et tout au long de la journée. Ces échanges de tirs sont beaucoup plus rares que les jours précédents.

 

Quelques obus de 77 explosent dans le secteur de la haie talus G et du boyau situé à proximité.

 

Des projectiles, dits « grosses bouteilles », en provenance de t1 (le point exact est difficile à situer), tombent entre la tranchée du centre et le bois 7 (en moyenne, un coup par heure). L’artillerie française ne parvient pas à détruire la pièce allemande malgré un tir bien cadré sur le front de t1 et t2.

 

La liaison est assurée à droite avec le 360e R.I.. Pour le 149e R.I., elle se fait à vue entre la compagnie du centre et les deux compagnies occupant les ailes. Ces compagnies ne peuvent se transmettre de messages en raison des mauvaises lignes de communication.

 

Le Génie poursuit ses travaux, à la parallèle t3 – t2, et à la tranchée de liaison reliant à la 86e brigade. Il restaure les parapets de la tranchée du centre.

 

Les grenadiers du 149e R.I. continuent à construire des abris cavernes à la haie G et à la haie n° 1 dite « haie de droite ». Une équipe de terrassiers rénove la tranchée du centre.

 

La compagnie de réserve du bataillon de 1ère ligne du 149e R.I. est chargée de la reconstruction et du nettoyage d’un boyau éboulé reliant le bois 6 et le bois 7 et du curage du boyau situé le long de la haie de droite. Elle réalise également des travaux de terrassement au bois 6.

 

Le capitaine Vernaire, de l’état-major de la 10e armée, visite la zone occupée par le 149e R.I..

 

                                  Tableau des tués pour la période allant du 1er au 10 février 1915

 

                   Tableau des blessés et des disparus pour la période allant du 1er au 10 février 1915

 

                  Tableau des décédés dans les hôpitaux et les ambulances (du 1er au 10 février 1915

 

Il existe un point de divergence entre le tableau des relèves et les tableaux des pertes du 149e R.I. pour la journée du 4 février 1915.  Plusieurs tués et plusieurs blessés du 2e bataillon du 149e R.I. ont été enregistrés à la date du 4 dans le tableau des pertes tandis que le tableau des relèves indique une période de repos à la Fosse 10 pour ce bataillon.

 

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. du 21e C.A.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 195/2.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/1.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « tranchée de 3e ligne à Mont-Saint-Éloi – février 1915 » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie du fonds Journoud, propriété de la famille Aupetit.

 

Deux guerres en un siècle : la Grande Guerre (lettres d’Émile Laure à son épouse) Éditions de Sauvebonne.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Porcher, à la famille Aupetit, à la famille descendant du commandant Laure et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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