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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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3 novembre 2023

Du 1er au 10 février 1915

Tranchee de 3e ligne - Mont-Saint-Eloi - fevrier 1915

 

Depuis le 27 janvier, le 149e R.I. occupe une zone située entre le bois des Boches et le bois 8. Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles.

 

Le commandement a prescrit des mouvements de relève très resserrés pour éviter que les troupes ne s’épuisent trop rapidement et pour empêcher les terribles gelures des pieds.

 

Deux des bataillons du régiment alternent entre la 1ère et la 2e ligne toutes les vingt-quatre heures pendant que le troisième se repose à la fosse 10 durant 3 jours.

 

 

Dans la soirée du 31 janvier, juste avant la relève, le chef de corps du 149e R.I. donne l’ordre d’attaquer la sape t1.

 

1er février 1915

Pendant la nuit, les Minenwerfer ont ouvert le feu sur la 1ère ligne en tirant toutes les demi-heures. Heureusement pour les compagnies du 149e R.I., les tirs sont presque toujours trop longs.

 

Dans la matinée, une dizaine de 105 fusants tombent entre le bois 5 et la 1ère ligne (au centre et au centre gauche) tenue par le 149e R.I.. 

 

L’ennemi reste très actif sur l’ensemble du front. Il renforce t2 et t3 tout en construisant une nouvelle tête de sape nommée t1’.

 

Les Allemands occupent une position élevée. Ils possèdent une supériorité incontestable sur le 149e R.I. en dominant le secteur depuis leurs têtes de sape. Les hommes du lieutenant-colonel Gothié ont du mal à tenir leurs créneaux.

 

L’ennemi reconstitue une sape offensive en t1 (reculée de quelques mètres depuis l’attaque de la veille). Il place des chevaux de frise en t1, t2 et t3.

 

Carte 1 - 1er fevrier 1915

 

Plusieurs échanges de tirs se font entre les deux artilleries dans la journée. Quelques obus touchent Noulette.

 

La liaison se réalise à vue entre la compagnie du centre du 149e R.I. et la compagnie de gauche. Des isolés effectuent la liaison entre le centre et la compagnie de droite.

 

Des éléments de la compagnie du centre fortifient les postes d’écoute en  face de t1, t2 et t3. Les travaux, réalisés sous un feu intense et contrôlé, sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre.

 

Un obus non explosé de 150 tombe dans une tranchée entre les bois 7 et 8 ; il est signalé au colonel en charge de l’A.D. 43.

 

2 février 1915

 

À 5 h 00, des soldats du bataillon de 1ère ligne du 149e R.I. lancent une nouvelle attaque sur t1. Dans un premier temps, les Français réussissent à reprendre la position du 1er février. Ils établissent un nouveau barrage au-devant du t allemand.

 

Vers 6 h 30, les Minenwerfer ouvrent le feu sur la tête de sape t1. La position devient vite intenable. La plupart des défenseurs français sont blessés. Malgré les efforts déployés pour tenir le terrain, il faut revenir au point de départ. Une vigoureuse contre-attaque allemande est repoussée.

 

À l’aube, une patrouille ennemie s’avance vers la corne sud-est du bois des Boches. Elle lance des grenades et des fusées. Cette action n’a aucun effet.

 

De 9 h 30 à 11 h 00, la compagnie de droite du 149e R.I. subit une canonnade intermittente d’obus de  77 et de 105 tirés depuis Angres. À 14 h 45, le secteur de Notre-Dame-de-Lorette essuie un violent bombardement.

 

Pendant la journée, les hommes de la compagnie du centre effectuent des travaux de terrassement et de défenses accessoires en renforçant leurs têtes de sapes avec des chevaux de frise en fil de fer.

 

Durant la nuit, les Minenwefer bombardent le secteur du 149e R.I. (environ une bombe toutes les demi-heures). Leur ajustement de tir reste médiocre. Une bombe tombée dans la tranchée du centre fait tout de même des victimes.

 

Ces projectiles allemands semblent plus puissants que ceux tirés les jours précédents.

 

Ils créent un déplacement d’air considérable. Ils ne font pas de bruit au lancement et ne dégagent pas de fumée. Il semblerait qu’ils viennent des alentours de la haie t1. La batterie Galland tire dans cette direction sans réussir à réduire au silence le Minewerfer supposé.

 

Le commandant Laure évoque cette journée mouvementée depuis son poste de 2e ligne à Noulette, dans une correspondance familiale.

 

« Noulette est notre nouveau cantonnement de rafraîchissement derrière les lignes que nous allons maintenant occuper sur les pentes nord-ouest de la chapelle de Lorette. C’est un pauvre hameau, complètement en ruines, où nous ne trouverons pas le confort de la Fosse 10, et où le rafraîchissement entre nos périodes de tranchées ne sera qu’illusoire, car les obus y pleuvent aussi bien, peut-être même plus qu’en première ligne.  Du peu que l’on a, il faut s’en contenter. »

 

3 février 1915

 

Le bombardement sur la 1ère ligne se poursuit. Dès 10 h 00, plusieurs obus de 105 tombent dans la zone des bois 5 et 6. Des coups isolés de 77 sont tirés du côté du boyau qui longe la haie talus n° 1. Il est possible que les abris en construction de ce secteur aient été repérés.

 

Les artilleurs allemands bombardent de manière intensive la 1ère ligne et le village de Noulette entre 12 h 30 et 13 h 30. L’artillerie française intervient sur demande pour faire cesser ces tirs.

 

Le Génie installe un double réseau brun recouvrant et encerclant le boyau en face de t1 tandis que les travaux à la sape se poursuivent. Une équipe de grenadiers est à l’œuvre à la sape t3. Elle doit prolonger le petit t en face de t1.

 

Dans les tranchées, les hommes luttent contre la boue et l’eau.

 

4 février 1915

 

Un échange de tirs assez intense a lieu vers 2 h 00 en face du  149e R.I.. La liaison se fait à droite avec le 10e B.C.P. et à gauche avec le 158e R.I..

 

Durant la nuit et le matin, des bombes de Minewerfer tombent régulièrement dans la zone tenue par la compagnie du centre du régiment spinalien.

 

Dès 9 h 00, la route d’Arras et le village de Noulette sont lourdement bombardés.

 

L’artillerie allemande a tiré plusieurs obus de 105 sur le bois 5. Un obus de 77 explose vers la barricade de la route d’Arras. Il tue un homme et en blesse 7.

 

Les Minenwerfer restent très actifs. Ils lancent des bombes en forme de bouteille qui tournent dans l’air, mesurant environ 30 cm de long avec un diamètre de 6 à 8 cm.

 

La parallèle partant de x3 à x2 n’est pas encore terminée. Il faut améliorer l’entrée du boyau x1 et des tranchées. Une traverse pare-balle et des boyaux de communication ont été confectionnés. Un boyau allant du bois 5 au poste de l’artillerie est en construction. Les tranchées du bois 6 sont améliorées.

 

De 9 h 00 à 11 h 00 et à 13 h 00,  Noulette subit de violents bombardements. Les tirs proviennent d’Angres et de Givenchy.

 

À 23 h 00, une violente fusillade a lieu dans le secteur du 149e R.I..

 

Le commandant Laure écrit ceci dans une autre de ses lettres : « Sur nos nouvelles lignes, grande agitation autour d’une « tête de sape » que l’ennemi, travaillant sous terre, poussait vers nous pour nous faire sauter. On l’a attaquée, prise, perdue, reprise, et je fais l’impossible pour que nous y restions coûte que coûte.

 

Je vais aller faire ma tournée pour m’assurer que nos travaux également souterrains sont en bonne voie. Alors mon âme de « sapeur » (où sont les élucubrations de « l’offensive française » ?...) s’épanouira devant les deux ou trois mètres que nos ateliers de « sapes » et de « parallèles » auront pu gagner : Chimène, qui l’eût cru !

 

Puis je féliciterai mes « grenadiers » (on a même rétabli ce nom) qui me seront signalés comme ayant réussi à coller au nez de l’ennemi leurs grenades ou « bombes à main » et je vérifierai si les deux « crapouillots », que je viens de faire placer sur mon centre, sont en état de lancer quelques grosses bombes en échange de celles dont nous accablent les « Minenwerfer » de l’autre bord.

 

Il me restera ensuite à aller au poste d’observation de la batterie de 75 mise à ma disposition, pour voir si elle est bien réglée sur l’ennemi et non sur nous (ce qui advient parfois) enfin à demander quelques coups de 155 court pour inciter l’ennemi à se tenir plus tranquille devant nous.

 

Nos bleus comme nos vieux sont stoïques. Ils savent rester en observation à leurs « créneaux » quand la tête et la cervelle d’un voisin éclatent : car, horrible détail, c’est l’effet que produisent des balles tirées à si courte portée. Ils ne se laissent pas impressionner par une centaine de cadavres qui gisent devant eux, lugubre souvenir des vaines attaques du 17 décembre dernier. »

 

5 février 1915

 

Des tirs de fusils sont de nouveau échangés vers 1 h 30. Il faut l’intervention de la batterie Galland pour les arrêter.

 

Durant la journée, les Minenwerfer restent silencieux. L’ennemi tire quelques coups de feu isolés. Leurs tirs sont plus rares que les autres jours, ce qui laisse supposer un changement de troupe.

 

À 11 h 00, deux avions (un allemand et un français) se rencontrent au dessus de Noulette. Ils échangent quelques coups de fusil, sans dommage apparent, avant de regagner leurs lignes respectives.

 

Vers 15 h 30, Noulette est bombardée avec des obus de 105 fusants en provenance d’Angres.

 

Les artilleurs français d’Aix-Noulette effectuent deux coups trop courts avec leur 75. Vers 15 h 30  leurs obus tombent sur le bois 6 et dans l’espace compris entre le bois 6 et 7.

 

6 février 1915

 

Plusieurs coups de feu sont échangés dans la journée. Entre 10 h 45 et 11 h 00, quelques 77 tombent aux abords du boyau allant du bois 7 au bois 8. Les Minenwerfer n’ont pas repris leur activité.

 

Une parallèle allant de X3 vers t2 est en cours de réalisation. Un pan coupé est effectué en X1 pour éviter le tir d’enfilade à l’endroit où le boyau rejoint la tranchée. La tranchée de 1ère ligne est améliorée, en particulier à gauche de la haie de droite. Les boyaux sont remis en état. Des abris de 1ère ligne sont en cours de construction.

 

Carte 2 - fevrier 1915

 

7 février 1915

Dans la journée, une attaque d’artillerie assez intense vise les abris en construction du côté de la haie G.

 

Le hameau de Noulette et les tranchées de 1ère ligne sont bombardés à coups de 105 et 77 entre 12 h 00 à 14 h 00.

 

De nouveaux abris sont construits dans le bois 6. Les anciens sont en cours de rénovation.

 

8 février 1915

 

Durant la nuit, la fusillade reste continuelle sur toute la ligne de front occupée par le 149e R.I.. Les travaux du secteur sont entravés par le mauvais temps. Tous les boyaux sont inondés. À 17 h 00, les Allemands bombardent la zone de la haie talus G  et du bois 6.

 

9 février 1915

 

Le bois 6 est aménagé. Les boyaux et les tranchées, en très mauvais état en raison des intempéries, sont améliorés. Les travaux concernant les abris dans la haie talus G se poursuivent. Le Génie continue la construction de la parallèle X3 et X2 et le revêtement en sacs de terre de la tranchée à proximité du boyau talus 2.

 

10 février 1915

 

Plusieurs coups de feu sporadiques sont échangés pendant la nuit et tout au long de la journée. Ces échanges de tirs sont beaucoup plus rares que les jours précédents.

 

Quelques obus de 77 explosent dans le secteur de la haie talus G et du boyau situé à proximité.

 

Des projectiles, dits « grosses bouteilles », en provenance de t1 (le point exact est difficile à situer), tombent entre la tranchée du centre et le bois 7 (en moyenne, un coup par heure). L’artillerie française ne parvient pas à détruire la pièce allemande malgré un tir bien cadré sur le front de t1 et t2.

 

La liaison est assurée à droite avec le 360e R.I.. Pour le 149e R.I., elle se fait à vue entre la compagnie du centre et les deux compagnies occupant les ailes. Ces compagnies ne peuvent se transmettre de messages en raison des mauvaises lignes de communication.

 

Le Génie poursuit ses travaux, à la parallèle t3 – t2, et à la tranchée de liaison reliant à la 86e brigade. Il restaure les parapets de la tranchée du centre.

 

Les grenadiers du 149e R.I. continuent à construire des abris cavernes à la haie G et à la haie n° 1 dite « haie de droite ». Une équipe de terrassiers rénove la tranchée du centre.

 

La compagnie de réserve du bataillon de 1ère ligne du 149e R.I. est chargée de la reconstruction et du nettoyage d’un boyau éboulé reliant le bois 6 et le bois 7 et du curage du boyau situé le long de la haie de droite. Elle réalise également des travaux de terrassement au bois 6.

 

Le capitaine Vernaire, de l’état-major de la 10e armée, visite la zone occupée par le 149e R.I..

 

                                  Tableau des tués pour la période allant du 1er au 10 février 1915

 

                   Tableau des blessés et des disparus pour la période allant du 1er au 10 février 1915

 

                  Tableau des décédés dans les hôpitaux et les ambulances (du 1er au 10 février 1915

 

Il existe un point de divergence entre le tableau des relèves et les tableaux des pertes du 149e R.I. pour la journée du 4 février 1915.  Plusieurs tués et plusieurs blessés du 2e bataillon du 149e R.I. ont été enregistrés à la date du 4 dans le tableau des pertes tandis que le tableau des relèves indique une période de repos à la Fosse 10 pour ce bataillon.

 

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. du 21e C.A.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 195/2.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/1.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « tranchée de 3e ligne à Mont-Saint-Éloi – février 1915 » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie du fonds Journoud, propriété de la famille Aupetit.

 

Deux guerres en un siècle : la Grande Guerre (lettres d’Émile Laure à son épouse) Éditions de Sauvebonne.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Porcher, à la famille Aupetit, à la famille descendant du commandant Laure et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Commentaires
S
Ah! Le bois 8 !... Les fameuses haies !... Et les talus !... Ça me rappelle quelque récente ballade... ;-)
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