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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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27 décembre 2019

Camille Marie Eugène Vernier (1883-1916).

Camille Marie Eugène Vernier

Camille Marie Eugène Vernier est né le 5 janvier 1883 à Ventron, une petite commune de moyenne montagne, située dans le département des Vosges.

Sa mère, Marie Ernestine Bompens est âgée de 27 ans. Elle n'exerce pas de profession, mais élève déjà une fille et deux garçons. Son père, Jean Baptiste, a 33 ans. Il est instituteur à la communale du village. Une petite fille prénommée Marie naît en 1885.

Camille poursuit ses études après sa scolarité obligatoire. Suivant les traces paternelles, ces études le mènent jusqu’à l’école normale de Mirecourt, où il commence sa formation d’enseignant en 1900. 

La fiche signalétique et des services de Camille Vernier est accessible sur le site des archives départementales des Vosges. Malheureusement pour nous, elle ne donne pas d’indication sur sa vie de soldat. Une fois de plus, cette fiche est à l’identique de la plupart de celles qui se trouvent dans les registres matricules vosgiens. Elle est quasiment vide d’informations !

Le régiment dans lequel Camille Vernier a effectué ses obligations militaires ne peut donc pas être identifié.

Excepté la mention « engagement décennal », rien de plus n’est inscrit dans la rubrique « détail des services et mutations diverses » sur la fiche matricule de cet homme.

Camille fut sans doute dispensé par l’article 23 (engagement décennal) qui lui impose l’exercice de sa profession au service de l’État durant 10 années. En contrepartie, cette obligation lui a certainement permis de ne porter l’uniforme qu’une seule année sur les trois qu’il aurait dû faire.

Une fois la conscription terminée, il retourne à ses fonctions d’enseignant.

Ecole communale de le Thiliot

En 1906, Camille travaille comme instituteur stagiaire à l’école communale des garçons du Thillot. Cette année-là, il épouse Clémentine Henriette Bégin, une enseignante âgée de 25 ans et qui est domiciliée à Lemmecourt.

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Camille Vernier rejoint le dépôt de son régiment en tant que réserviste. Là encore, nous ne saurons rien de son parcours de combattant.

Une seule certitude, c’est qu’il a servi comme sergent à la C.H.R. du 149e R.I..

Paul Remi, Camille Vernier et le vaguemestre Roy

Pendant la bataille de Verdun, le 8 mars 1916, Camille Vernier est mortellement blessé par un éclat d’obus. Dans l’impossibilité d’être ramené vers l’arrière, son corps est inhumé sur place, par ses camarades, dans le ravin situé entre le Decauville et la route qui conduit au fort de Tavannes.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

Carte journees des 7, 8 et 9 mars 1916

Jean Archenoul envoie une lettre à sa femme Julia dès qu’il apprend la mort de son ami. Il lui fait savoir qu’il ne sait vraiment pas comment annoncer la terrible nouvelle à son épouse. Il décide de rédiger une lettre à Monsieur Mathurin, directeur de l’école où enseignait le sergent Vernier, pour le charger de cette mission.

L’acte de décès de Camille Vernier est transcrit à la mairie du Thillot le 17 mai 1916.

Le sergent Vernier est inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume qui a été publié dans le J.O. du 9 juin 1920.  :

« Sous-officier courageux et dévoué. Tombé au champ d’honneur le 8 mars 1916 dans l’accomplissement de son devoir devant Verdun. »

Cette décoration lui donne également droit au port de la croix de guerre avec étoile de bronze.

Bien que son corps ait été inhumé correctement, les combats et les bombardements qui se déroulèrent dans le secteur durant les mois qui suivirent sont probablement l’explication à l’absence de sépulture pour ce sous-officier. Peut-être est-il alors à l’Ossuaire de Douaumont ?

La généalogie de Camille Vernier peut se consulter en cliquant une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Clémentine Henriette Béguin s'est remariée avec Eugène Céleste Defrain le 23 janvier 1939.

Sources :

La fiche signalétique et des services de Camille a été lue sur le site des archives départementales des Vosges.

Le portrait du sergent-fourrier Vernier provient du fonds Archenoul.

La photographie représentant, de gauche à droite, Paul Remi, Camille Vernier et le vaguemestre Roy fait partie du fonds Remy. Ce fonds se trouve aux archives départementales des Vosges. Ce cliché provient initialement du fonds Archenoul puisqu’il a été réalisé par Jean Archenoul.

Un grand merci à M. Bordes, à J Breugnot, A. Carobbi à G. Guéry et aux archives départementales des Vosges.

20 décembre 2019

La liaison au sein du 149e R.I..

La liaison au 149e R

L’échange constant d’informations entre les différents éléments du régiment est absolument nécessaire au bon fonctionnement de l’unité lorsque celle-ci se trouve en manœuvre ou en campagne. Il faut éviter au maximum les mauvais désagréments tels que les débordements, les attaques-surprises et les dépassements d’objectifs.

Pour cela, le commandant du 149e R.I. dispose de plusieurs moyens pour communiquer avec ses subordonnés.

Son personnel

Agents de liaison et agents de transmission

a) Les agents de liaison sont destinés, en principe, à relier, soit pendant le combat, soit au cours d’une opération, le chef d’une unité au chef de l’unité supérieure, ou d’une troupe voisine. Ils sont aussi utilisés, dans l’accomplissement de leur mission, pour porter des ordres ou des comptes rendus.

b) Les agents de transmission sont exclusivement utilisés pour la transmission mécanique des ordres pendant le combat.

Estafettes et plantons

En outre, des estafettes et plantons à pied ou à bicyclette, du personnel de liaison et de transmission est employé, en toutes circonstances, pour porter les ordres et les communications de toute nature.

Agent de liaison en bicyclette

La liaison téléphonique

Avant le premier conflit mondial du XXe siècle, le système téléphonique à fil est encore peu développé dans un régiment d’infanterie. Il est vrai que l’utilisation du matériel d’époque reste complexe. La mise en place rapide d’une ligne pour une efficacité à fort pourcentage est difficile à mettre en œuvre durant une guerre de mouvement en pleine campagne ou en région montagneuse. L’installation des fils n’est pas toujours possible, il faut donc utiliser des moyens plus pratiques pour faire la liaison.

Le cliché suivant montre un poste téléphonique de campagne du 149e R.I. réalisé un jour de manœuvres.

Les téléphonistes du 149e R

La liaison par signaux

Les signaux constituent un moyen de correspondance à vue dont le régiment se sert quand il n’est pas possible d’employer d’autres procédés de communication ou quand il y a intérêt à les doubler.

Durant la journée, les signaux sont exécutés à bras, durant la nuit une lanterne est utilisée pour communiquer en Morse.

Le personnel prévu par les règlements pour la liaison et pour les transmissions d’ordres et de renseignements est également chargé de la correspondance par signaux.

Les hommes affectés à la téléphonie et à la télégraphie optique peuvent être également utilisés pour la transmission des signaux.

Le colonel dispose de trois officiers ou sous-officiers pour la liaison et deux ou trois cyclistes pour la transmission.

Un adjudant, un caporal clairon, un fourrier par compagnie pour la liaison et un cycliste pour la transmission, sont directement rattachés auprès du chef de bataillon.

Les signaleurs du 149e R

L’instruction

L’instruction technique relative à l’emploi des signaux est donnée dans les unités. Elle se règle de manière à ce que les hommes de la nouvelle classe, désignés pour le service de la transmission par signaux, soient aptes à remplir leurs fonctions dès le mois de juin. L’instruction technique des anciens soldats est entretenue suivant les prescriptions du chef de corps. Tous ces agents doivent également se familiariser à l’usage de la jumelle.

Matériel

Durant la journée, les signaux sont, en principe, faits avec les bras. Les képis, les bérets sont parfois utilisés pour rendre les signaux plus apparents. En cas de besoins, des fanions à double face peuvent également être employés pour en augmenter la portée.

Durant la nuit, les hommes ont recours à des lanternes. Celles-ci sont achetées et entretenues par la masse de chauffage et d’éclairage à raison d’une par compagnie.

Emploi

Les signaux sont surtout employés en pays montagneux ou difficile d’accès, dans le service des avant-postes et au combat, dans les zones trop violemment battues par le feu.

De manière générale, les groupes qui font usage de signaux se tiennent dans le voisinage immédiat des chefs auprès desquels ils sont détachés. Ils choisissent leur emplacement de manière à être vus des groupes avec lesquels ils doivent correspondre, en repérant avec soin la direction, et, le cas échéant, utiliser les observatoires naturels qui sont à leur portée.

Au cours des marches, les signaux facilitent la liaison avec les colonnes voisines, une colonne avec ses flancs-gardes ou ses détachements de sûreté.

Pendant les stationnements, ils peuvent être utilisés aux avant-postes, surtout pour relier les postes de surveillance avec les grand’ gardes. Les agents peuvent encore servir à faire la liaison avec les cantonnements voisins en l’absence de téléphone et pour ménager les hommes.

Au cours des combats, dès que les groupes de liaison ou de transmission se sont rendus auprès de leurs chefs respectifs, ceux-ci prennent toutes leurs dispositions pour pouvoir communiquer par signaux le plus rapidement possible.

Dans la mesure du possible, ces hommes restent masqués aux vues de l’ennemi, en utilisant le terrain ou les abris disponibles. Si c’est nécessaire, ils ne doivent pas hésiter à se montrer pour assurer la transmission d’une communication.

La nuit, la lanterne n’est utilisée qu’en cas d’extrême urgence lorsque le régiment se trouve à proximité de l’ennemi.

Source :

Instructions provisoires du 15 avril 1912 sur la liaison dans les corps de troupe (agents de liaison, de transmission, signaux) et sur les commandements par geste et au sifflet.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carrobi.

13 décembre 2019

Yves Charles Joseph Charvéron (1894-1915)

Yves Charles Joseph Charvéron

 

Yves Charles Joseph Charvéron est né le 19 janvier 1894, dans l’appartement de ses parents, situé au n° 2 de la rue Petit dans le 19e arrondissement de la capitale.

 

À sa naissance, son père, Charles Ernest, est un parisien âgé de 33 ans. Sa mère, originaire de l’Orne, Julie Honorine Chaignon, est âgée de 31 ans. 

 

Les parents se sont rencontrés en avril 1883, sur leur lieu de travail, lorsqu’ils enseignaient à l’école provisoire de la place de Bitche. Ils se marièrent l’année suivante.

 

Yves Charvéron est le benjamin d’une fratrie composée de trois garçons.

 

 

Julie Honorine Chaignon accouche d’un enfant sans vie en 1887.

 

Après avoir appris à lire, écrire et compter à l’école communale, Yves fait ses premières études au collège Chaptal. L’adolescent fréquente ensuite le lycée du même nom où il obtient son baccalauréat. Souhaitant devenir ingénieur, il tente et réussit le concours d’entrée de l’école de physique et de chimie industrielles de Paris en 1913. Cette année-là, il passe également devant le conseil de révision qui décide de l’ajourner à un an pour cause de faiblesse physique.

 

Cet ajournement est maintenu par la 1ère commission de réforme de la Seine qui se réunit le 17 juin 1914.

 

Yves Charvéron n’est pas concerné par la mobilisation générale en août 1914. Son frère Charles, plus âgé, instituteur à Aubervilliers, doit, dès les premiers jours d’août, rejoindre son régiment d’appartenance, le 146e R.I. qui est cantonné à Toul.

 

Vu son statut d’ajourné et l’éloignement de l’appel de sa classe, le futur ingénieur ne s’inquiète pas outre mesure pour son avenir. Il s’imagine pouvoir poursuivre ses études encore un moment. Avec de la chance, il pourra même les mener à terme. Mais c’est sans compter sur les terribles évènements qui sont en train de se dérouler sur le champ de bataille.

 

La guerre s’avère être particulièrement coûteuse en vies humaines dès les premiers mois du conflit. Il faut impérativement anticiper la formation des classes plus jeunes, en devançant leurs appels, pour ne pas risquer le manque d’effectifs à plus ou moins brève échéance.

 

Yves Charvéron apprend qu’il va devoir de nouveau se présenter devant la médecine militaire en novembre 1914. Cette fois-ci, il est directement classé dans la 1ère partie de la liste. Le voilà déclaré « bon pour le service armé ». 

 

Il obtient tout de même un sursis d’incorporation pour terminer ses études, mais celui-ci ne sera applicable qu’à la fin des hostilités !

 

La classe 1915 est appelée en décembre 1914. Yves Charvéron reçoit sa feuille de route. Comme bon nombre de ses camarades de promotion, il quitte l’école de physique et de chimie industrielles pour rejoindre son lieu d’affectation.

 

Le 20 décembre 1914, le jeune homme arrive au dépôt du 149e R.I. Ce dépôt, originellement caserné à Épinal, est venu s’installer à Rolampont dans les toutes premières semaines du conflit.

 

Les apprentissages militaires commencent. Les fêtes de fin d’années ne furent certainement pas celles qu’il avait imaginées.

 

Le soldat Charvéron suit une formation plutôt rapide comparée à celle qui est donnée durant le temps de paix.

 

Sa promotion est inattendue. Au regard de son niveau scolaire et de ses probables dispositions à suivre l’enseignement militaire, il obtient très rapidement les faveurs de ses chefs, ce qui va lui permettre de suivre la formation de chef de section.

 

Début avril 1915, il rejoint la zone des combats. Le 10 avril, il est directement nommé aspirant à titre temporaire. Yves Charvéron commande maintenant une section de la 11e compagnie du 149e R.I..

 

Le 24 avril, il est affecté au 170e R.I.. Une semaine plus tard, il réintègre le régiment qui l’a formé, confirmé dans son grade de sous-officier à titre définitif.

 

L’aspirant Chavéron est blessé deux fois en juin 1915. Sa seconde blessure le fait évacuer vers l’arrière. Il est soigné à Fougères. Guéri, Yves peut bénéficier de quelques semaines de congés avant de rejoindre le dépôt du 149e R.I. au début du mois d’août 1915.  Ne voulant pas attendre son tour de départ, il se fait inscrire comme volontaire pour repartir au plus vite sur le front.

 

Il souhaite reprendre le commandement de son ancienne section, sous les ordres du capitaine Prenez, ce qui lui est accordé.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe à une vaste opération offensive qui doit permettre la prise du bois en Hache au sud-est d’Angres. L’intégralité des effectifs de la 43e D.I. est impliquée dans l’affaire durant plusieurs jours.

 

Le 26 septembre 1915, l’aspirant Charvéron est tué au cours d’une attaque menée par sa compagnie.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Carte 2 journée du 26 au 27 septembre 1915

 

Les circonstances de la mort de ce sous-officier sont évoquées dans le livre d’or de l’école de physique et chimie industrielle de la ville de Paris.

 

« C’est à la tête de sa section que, le 26 septembre 1915, il partit à l’assaut des lignes allemandes et fut blessé par un éclat d’obus. Malgré sa blessure, il n’en continua pas moins à avancer avec ses hommes, et c’est quelques heures après qu’il dut trouver la mort dans un long et meurtrier corps à corps. 

 

Le 2 décembre suivant, une patrouille le retrouva dans le bois en Hache, gisant auprès d’un officier allemand tué au cours de la même attaque. C’est grâce à son révolver que notre camarade put être reconnu. »

 

L’acte de décès de ce sous-officier a été transcrit le 9 mai 1916 à la mairie du 19e arrondissement de Paris.

 

Son frère Charles est tué quelques jours plus tard en Champagne.

 

L’aspirant Charvéron a obtenu la citation suivante :

 

Citation à l’ordre de la 43e division :

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, a brillamment entraîné sa section à l’assaut, sous une canonnade violente et des feux de mitrailleuses ; blessé par un éclat d’obus au cours de l’assaut. Sous-officier possédant des qualités militaires remarquables, déjà blessé au cours de la campagne. »

 

La Médaille militaire lui a été attribuée à titre posthume (Publication dans le J.O. du 30 octobre 1919).

 

«Chef de section audacieux et plein d’entrain. Est tombé glorieusement pour la France le 26 septembre 1915 devant Angres. »

 

Cette décoration lui donne également droit au port d’une étoile de bronze sur sa croix de guerre.

 

Il n’y a pas de sépulture connue pour ce sous-officier. 

 

Le nom de cet homme est inscrit sur une des plaques commémoratives fixées sur le mur d’enceinte du cimetière du Père Lachaise, sur la plaque commémorative située dans les locaux de l’école supérieure de physique et de chimie industrielles au 10 rue Vauquelin, et sur la plaque commémorative placée dans le hall d’entrée du lycée Chaptal au 48 boulevard des Batignolles.

 

Yves et Charles Charvéron ne se sont pas mariés et n’ont pas eu de descendance. Le parcours de vie de leur frère aîné n’est pas connu.

 

La fiche de Charles Victor Ludovic Charvéron qui se trouve sur le site de « MémorialGenWeb » indique une sépulture familiale qui se trouverait dans le cimetière communal de Fontenay-Tressigny.

 

Le nom d’Yves Charles Joseph Charvéron ne figure pas dans l’état nominatif des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats tués, blessés ou disparus durant les combats de Notre-Dame-de-Lorette en juin 1915. L’information qui évoque ses blessures provient du livre d’or de l’école supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris.

 

Sources :

 

Livre d’or « La chimie et la physique au service de la patrie ». Poyet frères. Grav-Imp. 67 rue de la Victoire Paris 9e.

 

Le portrait d’Yves Charvéron provient du livre d’or cité précédemment.

 

Livre d’or de l’école normale de la Seine.

 

Les fiches signalétiques et des services des frères Charvéron ont été consultées sur le site des archives de Paris.

 

Un grand merci à M. Bordes, à N. Derome-Beugnon, à A. Carobbi et aux archives de Paris.

6 décembre 2019

Eugène Antoine Goudard (1891-1915)

Eugene Antoine Goudard

 

Originaire du département de l’Ain, Eugène Antoine Goudard voit le jour le 10 octobre 1891 à Arbère, un hameau rattaché à la commune de Divonne-les-Bains, aux portes de la frontière suisse.

 

Sa mère, Sylvie Eugénie Chevassu, est âgée de 31 ans. Elle a déjà donné la vie à un garçon prénommé Fernand, né en 1887. Son père, Jean Louis, a 38 ans.

 

Le lendemain, le tonnelier Marc François Dubout, ami et témoin de mariage du père, et le cordonnier Jean Trotta se rendent à la mairie de Divonne-les-Bains en compagnie de Jean Louis pour y signer le registre d’état civil. Les trois hommes officialisent ainsi la naissance du petit Eugène aux yeux de la République.

 

Les frères Goudard grandissent au cœur du pays de Gex, au pied du massif jurassien où leurs parents cultivent la terre. Ils ne quitteront leur région natale que pour aller effectuer leurs obligations militaires.

 

Eugène laisse les bancs de l’école communale après avoir appris à écrire, à lire et à compter comme il est précisé sur sa fiche matricule mentionnant un degré d’instruction de niveau 3.

 

Contrairement à Fernand qui a choisi de travailler à la ferme, il décide de s’éloigner un peu de la famille en se faisant employer aux bains de la ville thermale de Divonne-les-Bains.

 

On ne connaît pas la raison pour laquelle Eugène ne s’est pas présenté devant le conseil de révision. Il fut en tout cas déclaré « bon absent »

 

Incorporé au 149e R.I. à compter du 1er octobre 1912, le jeune homme doit rejoindre la ville d’Épinal par voie de chemin de fer.

 

Eugène Goudard arrive au corps le 2 octobre 1912. La vie de caserne semble convenir à ce soldat de la classe 1911. Il donne entière satisfaction à ses supérieurs. L’année qui suit son arrivée à la caserne Courcy, son capitaine le propose pour assister aux cours de l’école des caporaux du régiment. Eugène est nommé dans ce grade le 11 novembre 1913. Trois mois plus tard, jour pour jour, il est promu sergent.

 

Juillet 1914, les rapports avec l’Allemagne sont de plus en plus difficiles, à tel point que le travail des diplomates, très rapidement, devient caduc.

 

Début août 1914, la guerre est sur le point d’être déclarée. Eugène Goudard porte toujours l’uniforme. Il sert dans la 7e compagnie, sous les ordres du capitaine Coussaud-de-Massignac.

 

Son régiment est une unité de couverture. Le 149e R.I. doit envoyer son 1er échelon en direction de la frontière allemande, et ce, avant même que la déclaration de guerre ne soit officiellement annoncée. 

 

Dans la matinée du 1er août 1914, la 7e compagnie prend la direction de la gare d’Épinal. Elle est une des dernières compagnies du régiment à quitter la caserne Courcy. Le train est chargé d’acheminer les trois compagnies du 2e bataillon qui sont encore présentes dans la cité spinalienne ; il part à 10 h 10. Les hommes descendent sur les quais de la station de Bruyère deux heures plus tard.

 

Le reste du chemin qui mène à proximité de la frontière se fait progressivement par marches successives, pour l’ensemble du régiment.

 

Le 9 août 1914, c’est le baptême du feu. L’engagement débute à 12 h 30. Celui-ci a lieu du côté du Renclos-des-vaches, près du village de Wisembach. La 7e compagnie a été désignée pour défendre le drapeau. Elle constitue la réserve du régiment. Cinq heures après les premiers échanges de tirs, la compagnie du capitaine Coussaud-de-Massignac est envoyée sur les lieux des combats. Le sergent Goudard est blessé à ce moment-là. Il a la chance de pouvoir être évacué vers l’arrière.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

La Chaume de Lusse

 

Le sergent Goudard rejoint le front le 20 novembre 1914. Il retrouve son ancien régiment qui combat en Belgique depuis plusieurs semaines. Eugène est réintégré dans les effectifs de la 7e compagnie.

 

Le 149e R.I. est envoyé sur le front d’Artois, dans le secteur de Noulette. Nous sommes en décembre 1914.

 

Eugène Goudard est promu adjudant le 23 janvier 1915.

 

Début mars 1915, la 7e compagnie, sous les ordres du capitaine Guilleminot, est rappelée d’urgence de sa zone de repos. Elle doit rejoindre la 1ère ligne au plus vite pour soutenir les éléments du régiment qui sont en grand danger suite à une violente attaque allemande.

 

Eugène sort indemne de cette nouvelle expérience du feu. Plusieurs officiers ont été tués ou blessés au cours de l’offensive. Il faut les remplacer.

 

L’adjudant Goudard est nommé sous-lieutenant à titre temporaire pour la durée de la guerre, suite à une décision prise le 31 mars 1915 par le général commandant en chef.

 

Même si les  dates ne sont pas connues, il a forcément suivi un stage et un examen pour devenir chef de section. Ce sésame est indispensable pour devenir adjudant et sous-lieutenant. Certains sergents devenaient adjudants le temps de faire leurs preuves avant de devenir sous-lieutenant. C’est probablement le cas d’Eugène.

 

La section du sous-lieutenant Goudard participe aux combats des mois de mai et de juin. Il s’illustre au cours d’une attaque de nuit qui lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée.

 

Eugène Goudard est mortellement blessé durant une attaque menée par sa section au cours de la prise du bois en Hache le 26 septembre 1915. Il allait fêter ses 24 ans.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Carte 1 journee du 26 au 27 septembre 1915n(2e partie)

 

Les circonstances de sa mort et de ses dernières heures de vie sont connues. Elles sont évoquées dans une lettre rédigée par le sergent Monnet, conservée aux archives départementales du Pas-de-Calais.

 

« … Nous passâmes le restant de la nuit à la T.D.A. (tranchée de défense arrière), ligne de repli solide située à 200 mètres du chemin creux. Il n’y avait pas d’abri, et le lieutenant passa la nuit sur un banc de terre aux côtés du sous-lieutenant Nold et du sous-lieutenant Relu (le 1er est actuellement commandant de la 5e compagnie, le second fut tué dans les mêmes conditions et à la même heure que le lieutenant Goudard).

 

Je ne le revis que le 25 vers 7 h 00. Je suis resté près de lui jusqu’à 13 h 00, moment auquel nous allâmes renforcer les 1ère vagues. Le lieutenant Goudard était très fatigué, très pâle. Il ne prit dans la matinée qu’un peu de café chaud et d’alcool. Il m’en offrit même. Il ne cessa de plaisanter, avec son demi-sourire habituel, au sujet des mille embarras de notre situation.

 

Jamais il ne quitta sa douceur et sa gentillesse qui lui étaient coutumières. Mais il semblait, à ses yeux tristes, qu’il devinait que notre assaut lui serait fatal.

 

À 13 h 00 environ, une demi-heure après l’attaque des chasseurs, le fourrier de la compagnie vint nous appeler à la rescousse. Dans le même ordre que la veille, nous avançâmes par le boyau Defrasse sous un bombardement infernal. On n’entendait rien, on ne voyait rien. Nous étions comme ivres. Nous restâmes le restant de la journée et une partie de la nuit du 25 au 26 dans les abris du chemin creux où je ne vis pas le lieutenant.

 

Vers deux heures du matin, nous allâmes relever en première ligne, dans la parallèle de départ, entre les sapes 4 et 4 bis. Le lieutenant Goudard se tint presque constamment dans le P.C. du capitaine où il prit un peu de repos et quelques aliments. Chargé de plusieurs missions, je ne revis le lieutenant Goudard que quelques minutes avant l’attaque, de 13 h 00 à 13 h 10. Il chargeait son révolver, appuyé contre la tranchée. Il paraissait absolument sans aucune force, mais son visage avait toujours, dans son expression un peu féminine, le même éclat illuminé, comme irradié.

 

Il a fallu, au moment décisif, qu’il fasse un effort de volonté immense. Comme personne ne l’avait suivi, il revint en arrière, et se penchant au-dessus de la tranchée, il cria à ses hommes : « Oh les chameaux ! Allons, en avant ». Et tous les hommes qui restaient valides le suivirent.

 

Je ne pris pas part personnellement à l’attaque, ayant été blessé légèrement à la tête. Ce n’est que le lendemain que j’appris par des cuisiniers qu’il avait été touché. Personne ne savait exactement s’il avait été blessé ou tué. Enfin, le surlendemain, on apporta son corps dans la chapelle de l’ambulance à Sains-en-Gohelle. Lorsque je me rendis près de lui, il était déjà en bière.

 

C’est moi-même qui ai commandé le peloton d’honneur funèbre. Avec quelle émotion je criais à mes hommes, pour mon chef de section de plusieurs mois de souffrances et d’héroïsme, que j’aimais et vénérais infiniment : «  présenter armes ».

 

Son ami, l’abbé Chapeau, réussit à obtenir un laissez-passer pour aller annoncer la terrible nouvelle à la famille. Les parents d’Eugène étaient déjà dans l’inquiétude de ne plus recevoir de  nouvelles de leur fils aîné, Fernand.

 

Le 6 octobre 1915, le sergent-major François Louis Pierre Cliquet et le clairon Claude Amour, signent en tant que témoins l’acte de décès du sous-lieutenant Goudard rédigé par le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse, qui assure les fonctions d’officier de l’état civil au 149e R.I..

 

Le 27 octobre 1915, le chef du 149e R.I., le lieutenant-colonel Gothié, rédige ceci dans le feuillet individuel de campagne : « Jeune officier plein d’allant et d’entrain, énergique, courageux, prêchant d’exemple en toute circonstance. Excellent chef de section, cité à l’ordre du C.A. pour sa belle conduite à l’attaque du 29 mai. Blessé mortellement le 26 septembre devant Angres en entraînant sa section à l’assaut »

 

L’acte de décès du sous-lieutenant Goudard est transcrit à la mairie de Divonne-les-Bains le 8 décembre 1915.

 

Fernand, qui a été considéré comme disparu jusqu’en 1921, est en fait « mort pour la France » le 11 mai 1915 à Sedd-Ul-Bahr, dans la péninsule de Gallipoli.

 

Une petite plaque en marbre, pourtant les noms des deux frères tués à la guerre, a été déposée sur une tombe qui se trouve dans le cimetière de Divonne-les-Bains.

 

Sepulture cimetiere Divonne-les-Bains

 

Eugène et Fernand ne se sont pas mariés et n’ont pas eu de descendance.

 

Sous-lieutenant Goudard

 

Le sous-lieutenant Eugène Goudard  a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 49 du 18 juin 1915 :

 

« Officier d’une très grande valeur ayant toujours fait preuve de bravoure et de qualités militaires remarquables. À l’attaque de nuit du 39 mai 1915, a entraîné sa section sous une grêle de balles jusque dans la tranchée allemande, l’a fait organiser et s’y est maintenu sous les bombes. »

 

Citation à l’ordre de la 10e armée n°121 en date du 21 octobre 1915 :

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, a été tué en entraînant brillamment sa section à l’attaque des tranchées allemandes, sous une fusillade et un bombardement des plus violents. Officier brave et plein d’entrain, déjà blessé et cité à l’ordre du corps d’armée. »

 

Le nom du sous-lieutenant Goudard est gravé sur le monument aux morts de la commune de Divonne-les-Bains.

 

Sources :

 

Dossier individuel provenant du Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Les sites des archives départementales de l’Ain et du Pas-de-Calais ont été consultés.

 

La photographie représentant la sépulture provient du site Généanet.

 

Le portrait qui se trouve sur le 1er montage est un envoi d’A. Décotte.

 

Le cliché représentant la plaque en marbre est un envoi de T. Cornet.

 

La photographie du bois en Hache qui se trouve sur le dernier montage a été réalisée par T. Cornet.

 

Pour connaître la généalogie de cet oficier, il suffit de cliquer une fois sur le lien suivant :

 

Geneanet

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à A. Décotte, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Pas-de-Calais.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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