Les 10 et 12 janvier 1915, le lieutenant-colonel Gothié donne de nouvelles consignes à son régiment. Publiées sous forme de bulletin, elles combinent les ordres du jour, les récompenses et les punitions.
Le chef de corps recadre également sa musique et sa clique, redéfinit la subsistance de la C.H.R., clarifie l’organisation du service médical et met en garde ceux qui pratiquent le braconnage.
On constate que le commandement du régiment continue de chercher à remettre de la rigueur et de l'ordre dans ses unités ; celles-ci avaient pris des habitudes et une autonomie éloignées des règlements de service.
Décisions prises le 10 janvier 1915
Demandes d’effets : Les demandes d’effets de toute nature fournies par les compagnies à la date du 1er janvier ont été transmises au commandement, sauf pour les sacs de couchage dont le nombre a été réduit en raison des moyens de transport limités. En principe, chaque homme aura sur le sac soit une toile de tente, soit un sac de couchage imperméable.
Les commandants de compagnie adresseront le 12 janvier un état numérique indiquant :
- le nombre d’hommes pourvus d’une toile de tente.
- le nombre d’hommes possédant un sac de couchage.
- le nombre d’hommes n’ayant aucun de ces effets.
Exécution des punitions : Le lieutenant-colonel décide que les punitions seront subies au régiment conformément aux règles ci-après, particulièrement au cantonnement.
Consigne : Les caporaux et les soldats punis de consigne ne pourront sortir du cantonnement de leur unité (escouade ou section) sauf pour le service.
Salle de police et prison : Les hommes punis de salle de police ou de prison assureront le service de garde aux issues de la manière suivante :
- hommes punis de salle de police pendant la journée
- hommes punis de prison pendant la nuit
Le nombre de ces hommes viendra en déduction du service de garde commandé normalement. En dehors de ce service, les punis de salle de police et de prison seront consignés dans leur cantonnement.
Punitions :
7e compagnie - Herz : Quatre jours de prison par ordre du lieutenant-colonel : « ivresse ».
1ère compagnie – n° matricule 9772 – Meunier Victor : 4 jours de consigne, ordre du sergent Petitgenet : « Malgré les ordres donnés, n’a pas graissé ses chaussures pour la revue de 15 h 30. »
1ère compagnie – n° matricule 9778 – Meillerey Jean : même punition, même ordre, même motif. (ces deux hommes font partie de la réserve du régiment). Punitions changées en 4 jours de salle de police, ordre du lieutenant-colonel commandant le régiment.
Vivres de réserve : En raison du mauvais temps persistant et pour éviter que les vivres de réserve ne se détériorent, ces vivres seront consommés et remplacés périodiquement les 1er et 15 de chaque mois, à l’exception de la viande de conserve. L’officier d’approvisionnement en tiendra compte dans ses commandes ultérieures.
Mitrailleurs : En vue de combler les vacances éventuelles dans les équipes de mitrailleurs titulaires ou suppléants, les compagnies remettront le 12 janvier une liste des hommes ne faisant pas partie de ces équipes et ayant reçu antérieurement l’instruction des mitrailleurs.
Subsistance :
1) Les compagnies feront les prélèvements nécessaires sur la réserve de régiment pour ramener leur effectif à 220 hommes. Les prélèvements faits, chaque compagnie établira,en double expédition, la liste des hommes restant à la réserve de régiment en indiquant le numéro matricule, grade, solde et haute paye auxquelles ces militaires ont droit. Ces états devront parvenir au bureau du colonel le 12 janvier avant 10 h 00.
2) À dater du 12 janvier, les gradés et hommes faisant partie de la réserve de régiment seront pris en subsistance régulière par la C.H.R.. Toute demande de mutation devra être soumise à l’approbation du colonel.
3) À la même date, les militaires des compagnies détachés dans les différents services du corps (signaleurs, mitrailleurs, mitrailleurs suppléants, etc.) et ceux détachés à l’E.M. de la 85e brigade seront également pris en subsistance régulière par la C.H.R.. En conséquence, les chefs de service fourniront au bureau du colonel, pour le 12 janvier avant 10 h 00, la liste des hommes appartenant aux différentes catégories dont il s’agit.
Ordre de l’Armée n° 39 :
Le général commandant la 10e Armée cite à l’ordre de l’Armée le lieutenant Marey du 149e R.I. :
« Le 8 novembre 1914, a été tué à la tête de sa compagnie qu’il entraînait à l’attaque d’une tranchée ennemie. »
Le lieutenant de territoriale Cauvin du 149e R.I. :
« Au combat du 5 novembre, devant Wytschaete, pendant un assaut donné par sa compagnie, pour reprendre une tranchée sous de violentes rafales d’artillerie et sous un tir d’écharpe de mitrailleuses, a réussi à entraîner sa section en avant, malgré les pertes qui lui étaient infligées dès le point de départ et après avoir eu le bras cassé par un projectile, a continué à marcher de l’avant jusqu’à ce que ses forces l’aient abandonné. »
Ordre du régiment n° 1 :
Cassation du sergent Michel
À la suite de la plainte adressée le 7 janvier 1915 par le commandant de la 11e compagnie et conformément à l’avis exprimé par le chef de bataillon, le lieutenant-colonel commandant le régiment casse de son grade et remet soldat de 2e classe le sergent Michel Aimé de ladite compagnie, pour son manque de dignité et le mauvais exemple qu’il donne à ses hommes en s’enivrant périodiquement.
Le soldat Michel sera affecté à la 7e compagnie à la date du 9 janvier.
Décisions prises le 12 janvier 1915
Affectations : le chef de bataillon Bichat de l’E.M. de la 43e D.I., passé au 149e R.I., prend le commandement du 1er bataillon le 12 janvier.
À la même date, le capitaine Crépet reprend le commandement de la 2e compagnie.
Mutations :
5e compagnie : Treyer. 2e classe, n° matricule 5479, cordonnier, passe à la 3e compagnie.
8e compagnie : Dumoulin. 2e classe, tailleur, passe à la 12e compagnie.
10e compagnie : Chausson. 2e classe, cordonnier, passe à la 12e compagnie.
Mutations à la date du 13 janvier.
Service médical du régiment : Le colonel rappelle qu’en principe le service médical de chaque bataillon doit être assuré par le personnel qui lui est normalement affecté (médecins, infirmiers et brancardiers) sous la direction effective des chefs de bataillon et sous la direction technique du médecin-chef de service. Ce dernier assure le service médical des éléments communs du corps (C.H.R., réserve de régiment, etc. Les malades ou blessés proposés pour l’évacuation seront vus, en principe, par le médecin-chef de service qui seul a qualité pour signer les bulletins d’évacuation.
Musique : Il est bien entendu que les musiciens ne sont à la disposition du médecin-chef de service qu’en cas d’engagement de tout le régiment. En dehors de ce cas spécial, il ne sera fait appel aux musiciens, pour le service de brancardiers, qu’à titre tout à fait exceptionnel et sur demande adressée au chef de corps. Lorsqu’il sera fait appel aux musiciens pour le service de brancardiers, leurs instruments seront confiés régulièrement au commandant du T.C. et repris régulièrement une fois le service de brancardiers terminé.
Dépôts de munitions : Il est rappelé aux chefs de bataillon qu’il est interdit de constituer sans autorisation des petits dépôts de munitions dans les secteurs. Lorsque cette mesure sera reconnue nécessaire, ces petits dépôts seront évacués au départ de l’unité qui les aura constitués sous sa responsabilité.
Les armes des blessés doivent être recueillies avec soin et versées à l’artillerie si leur utilisation au corps n’est pas immédiate.
Bougies : Le commissaire régulateur fait connaître qu’il n’est pas possible, en ce moment, de donner satisfaction aux demandes de bougies qui lui sont adressées. Il a été pris note des commandes déjà faites et satisfaction sera donnée ultérieurement, proportionnellement aux disponibilités.
Emploi du téléphone : Le général en chef rappelle que toutes les communications téléphoniques doivent toujours être faites sous la forme de messages téléphonés portant la date et l’heure de transmission.
Lignes téléphoniques : Il a été rendu compte que des coupures sur certaines lignes téléphoniques ont été opérées pour la confection de collets de braconnage.
Le général commandant la 10e Armée rappelle à ce sujet que tout homme pris en flagrant délit de braconnage est passible de conseil de guerre. Il est rappelé à ce sujet, aux sentinelles et au service de surveillance,que tout civil circulant pendant la nuit, hors des villages,doit être arrêté, exception faite pour les mineurs se rendant à leur travail et munis d’une autorisation régulière. Les sentinelles ne doivent pas hésiter à faire usage de leurs armes contre ceux qui n’obéiraient pas à leurs appels.
Tambours et clairons : Les chefs de bataillon rendront compte du nombre de tambours et de clairons munis d’instruments existant dans les unités sous leurs ordres. Les tambours, clairons ou élèves seront réunis chaque jour, aux heures des exercices près du cantonnement de Villers-Brûlin, pour reprendre leur instruction spéciale sous la direction du sergent tambour-major (le matin de 8 h 00 à 10 h 00 et l’après-midi de 13 h 00 à 15 h 00). Des procès-verbaux de perte seront établis pour les instruments ayant disparu par cas de force majeure.
Pionniers détachés à la compagnie 10/1 du Génie : Le courrier destiné aux pionniers détachés à la compagnie 10/1 du Génie sera déposé entre les mains du comptable restant au cantonnement pour être remis périodiquement à l’agent de liaison du Génie. Ces comptables remettront également, contre reçu, au même agent de liaison, le prêt et le tabac destinés aux pionniers détachés.
Papiers des prisonniers : Il est rappelé également que les prisonniers faits sur le front doivent être démunis de tous les papiers en leur possession (lettres, carnets de route, etc.) Ces documents doivent être transmis à l’autorité supérieure en même temps que les prisonniers.
Carabines : Les commandants de compagnie verseront à la C.H.R. les carabines qui sont entre les mains des hommes ne devant pas en être pourvus. Ils recevront des fusils en échange.
Seuls les militaires ci-après, doivent être armés de la carabine :
Mitrailleurs (sauf le télémétreur armé du révolver) : carabine de gendarmerie.
Cyclistes du colonel et des chefs de bataillon et éclaireurs montés : carabine de cavalerie.
Conducteurs de chevaux de bât porteurs de munitions : mousqueton.
Abris pour chevaux : Chaque fois qu’un nouveau cantonnement sera occupé, les chefs de bataillon devront faire construire des abris de fortune pour les chevaux qui ne trouveraient pas de place à l'intérieur des cantonnements.
Sources :
Le portrait du lieutenant-colonel Gothié et les bulletins concernant ses décisions proviennent de la collection personnelle de son petit-fils D. Gothié.
Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, et à D. Gothié.