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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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26 mai 2023

11 novembre 1916

Deux du 149e R

 

Dans la soirée du 10 novembre, des mouvements de relèves ont été effectués dans la zone occupée par la 85e brigade. Le 3e B.C.P. a été intégralement remplacé par le 10e B.C.P.. Le 149e R.I. occupe toujours le quartier C.

 

Les compagnies de 1ère ligne du 10e B.C.P. et du 1er bataillon du 149e R.I se préparent à contenir une attaque allemande. Un prisonnier, capturé la veille, leur a fourni des informations sur cette opération.

 

Au début de la nuit du 10 au 11, les canons français procèdent à des tirs d’interdiction sur les débouchés probables de l’attaque ennemie.

 

Malgré ces tirs, vers 2 h 30, les Allemands lancent leur offensive à la grenade incendiaire et au flammenwerfer sur le barrage est du boyau couvert et sur la tranchée Poncelet.

 

Les artilleurs français transforment aussitôt leurs tirs d’interdiction en tirs de barrage. Ceux-ci resteront insuffisants pour contenir la progression allemande.

 

L’ennemi réussit dans un premier temps à occuper une bonne vingtaine de mètres de la tranchée Poncelet.

 

En un clin d’œil, une partie de cette tranchée s’enflamme sur une longueur de 50 m, forçant les occupants à se replier dans le boyau qui relie la tranchée Poncelet à la tranchée des Grands’ Gardes et dans le boyau des Pionniers.

 

Malgré la soudaineté et la violence de son attaque, l’ennemi ne parvient pas à se maintenir sur place.

 

Il a été rapidement repoussé par les tirs de grenades, les feux des mitrailleuses et la contre-attaque effectuée par des éléments du 10e B.C.P. et du 1er bataillon du 149e R.I..

 

Finalement, les Français ne perdent pas de terrain.

 

Carte 1 journee du 11 novembre 1916

 

 

L’artillerie allemande effectue un violent tir de barrage sur les positions françaises vingt minutes après le début de l’assaut de leur infanterie.

 

L’artillerie de campagne française réplique en exécutant un tir de  barrage continu, à cadence moyenne, jusqu’au petit jour. Elle tire également plusieurs obus en direction de la chapelle Saint-Georges ; elle tente ainsi de neutraliser les crapouillots qui gênent considérablement la première ligne française.

 

Le chef de corps du 149e R.I. demande un tir d’artillerie lourde sur le même objectif.

 

 Des ordres ont été donnés pour que le 1er bataillon du 149e R.I. soit à nouveau ravitaillé en grenades et en fusées.

 

Dans la matinée, le lieutenant-colonel Pineau rédige un compte-rendu complet sur l’opération allemande :

 

 « L’ennemi a dirigé, dans la nuit du 10 au 11 novembre, une vigoureuse attaque pour tenter de reprendre la tranchée Poncelet.

 

 Deux attaques ont été lancées simultanément vers 2 h 30.

 

 À droite : une fraction ennemie débouchant de Sébastopol et de 920 b a tenté d’aborder le petit poste des Germains. Un barrage de grenades à main a immédiatement enrayé sa progression et l’entrée en action des fusils mitrailleurs a dispersé la vague ennemie.

 

 À gauche : l’ennemi débouchant de 915 a a progressé dans la tranchée du Poncelet, précédé de flammenwerfer. Sa progression, impossible à arrêter par un barrage de grenades à main, a été complètement enrayée par un feu vif et précis de V.B., dirigé par le sous-lieutenant Robinet, commandant la 2e compagnie, qui, par son attitude énergique et ses habiles dispositions, réussit à sauver la situation.

 

Une section de mitrailleuses ouvrit alors le feu sur le boyau.

 

Pendant ce temps, le sous-lieutenant Besson, le sergent-major Grumbach, les sergents Rives et Petitseigneur, ralliant quelques hommes, contre-attaquaient, appuyés vigoureusement par une fraction de chasseurs du 10e B.C.P. commandée par un sous-lieutenant ; ils rejetaient l’ennemi de l’élément de tranchée où il avait pris pied.

 

Un aspirant allemand des pionniers de la garde a été tué vers 915 a. Plusieurs cadavres allemands se trouvent entre les lignes.

 

Nos pertes se chiffrent à 7 tués (dont un officier, le sous-lieutenant Besson de la 3e compagnie) et à 19 blessés dont 3 sous-officiers (les sergents Rives, Montenot et Labiste).

 

Le barrage d’artillerie français a été déclenché trop tard malgré les fusées nombreuses. Il a été ensuite trop peu nourri et insuffisant pour enrayer une attaque que seuls les feux de mitrailleuses et de V.B. ont pu faire échouer.

 

L’attaque allemande, que faisait pressentir un violent bombardement durant l’après-midi du 10, avait été dénoncée par un déserteur blessé du 20e I.R..

 

Des avions ennemis survolaient les lignes pendant toute l’action. »

 

Durant la journée, il y a eu peu de travaux en 1ère ligne du côté des Français, en raison de l’attaque de nuit.

 

L’ennemi semble s’activer dans la tranchée Sébastopol et au sud de 916 k.

 

Les pertes du 149e R.I. pour cette journée son évaluées à 7 tués et 25 blessés.

 

                            Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 11 novembre 1916

 

La situation sur le front reste tendue.

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

19 mai 2023

Alphonse Marie Gabriel Petit (1894-1915)

Alponse Marie Gabriel Petit

 

Alphonse Marie Gabriel Petit est né le 30 septembre 1894, au 3 rue des Meules, à  Chalon-sur-Saône, dans le département de Saône-et-Loire.

 

Son père, Alphonse Jules Raoul Fernand, 35 ans, est employé des chemins de fer. Sa mère, Gabrielle Félicie Prieu, 25 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Elle gère la maison familiale et l’éducation des enfants.

 

Alphonse est le cinquième d’une fratrie de 7 enfants, très proches les uns des autres. Leur sœur aînée, Juliette, est décédée à l’âge de deux mois.

 

Alphonse Petit effectue sa scolarité à l’école primaire publique, au centre des garçons de sa commune natale. Il suit ensuite les cours dispensés par l’école professionnelle de Chalon-sur-Saône, mais les études sont loin d’être son fort. Sa fiche matricule indique un degré d’instruction de niveau 2.

 

Il se passionne pour le dessin dès son plus jeune âge (son frère Gaston deviendra plus tard un artiste reconnu). Alphonse Petit est également un sportif confirmé spécialisé en gymnastique et en saut à la perche. En 1913, il devient champion de Bourgogne dans cette seconde discipline.

 

Quelques camarades

 

Alphonse Petit, surnommé Polo par ses proches, n’a pas encore fêté ses vingt ans lorsque le conflit contre l’Allemagne éclate en août 1914.

 

Classé dans la 1ère partie de la liste de l’année 1914 du canton de Chalon-Nord, il est déclaré « bon pour le service armée » par le médecin du conseil de révision. Alphonse Petit va devoir quitter son travail d’employé de commerce un peu plus tôt que prévu. En effet, l’armée française a besoin d’hommes pour alimenter ses régiments, elle appelle la classe 14 par anticipation.

 

Le 4 septembre 1914, le conscrit Petit intègre le 149e R.I. à Jorquenay, au nord-ouest de Langres. Le dépôt de ce régiment, initialement installé à Épinal, a dû quitter cette ville au début de la guerre pour venir s’installer dans ce village.

 

Les cantonnements sont effectués chez l’habitant. Ils s’avèrent être insuffisants pour loger l’intégralité de la classe 14. Le 21 septembre, les jeunes recrues nées en 1894 et l’équipe d’encadrement quittent Jorquenay pour venir s’installer à Rolampont, une commune voisine située à six kilomètres au nord.

 

La formation est dure. Les apprentissages sont faits à la hâte pour envoyer les hommes sur la ligne de front le plus rapidement possible.

 

Repéré par ses supérieurs, Alphonse Petit suit la formation des élèves caporaux durant son instruction. Le jeune homme est nommé à ce grade le 11 novembre 1914.

 

Le 23 avril 1915, le caporal Petit n’a toujours pas rejoint la ligne de front. Il écrit la lettre suivante à ses parents :

 

(Pour plus de clarté, l’orthographe et la ponctuation de cette correspondance ont été corrigées, seul le style a été conservé)

 

« Mon cher papa, ma chère maman,

 

Bien des nouvelles à vous annoncer. Je suis nommé, ainsi que tous mes camarades de la classe 14 qui n’ont pas encore été au feu, pour faire partie d’une compagnie de marche. Les caporaux et les sergents qui n’ont pas été au feu en font partie.

 

Nous allons partir pour Épinal demain afin de former la compagnie. Une fois sur le pied de guerre, nous allons nous entraîner pendant un mois et ½ à faire des manœuvres, en parfaite perfection, et de connaître tous nos hommes pour les avoir sur la main constamment et qu’ils connaissent à qui ils ont affaire.

 

Nous irons dans un grand centre, car je crois que nous resterons à Épinal. Si jamais j’avais la chance, comme la 1ère compagnie qui est déjà partie, de pouvoir aller à Lyon, je pourrais obtenir, de mon capitaine,  une permission de 48 heures, car nous ne serons plus dans la zone des armées.

 

Je suis content de partir avec lui, car c’est lui qui m’a fait mon instruction aux élèves caporaux et comme toutefois il est épatant, il s’appelle Mr de Chomereau de St André, ce n’est pas de la petite bière »

 

Alphonse Petit rejoint le 149e R.I. avec un groupe de renfort en mai 1915. Il est affecté à la 1ère compagnie du régiment. Cette unité combat en Artois, dans un secteur particulièrement exposé, près de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Correspondance famille Petit (1)

 

Alphonse Petit frôle la mort dès le jour de son baptême du feu. Le 29 mai 1915, sa compagnie, sous la direction du lieutenant Pierron, a reçu l’ordre de franchir le parapet après une longue attente dans les tranchées. L’ennemi est prêt à  recevoir cette compagnie…

 

Le fusil de notre soldat s’est brisé en deux au cours de l’attaque et une de ses cartouchières a été touchée par un éclat d’obus. Très chanceux, le jeune homme a probablement évité la blessure mortelle. Dès son retour vers l’arrière, il prend le temps de rédiger une lettre particulièrement émouvante.

 

« 1er juin 1915

 

« Chers Parents,

 

Je vais vous raconter en deux mots ma première rencontre avec les Boches.

 

Nous étions tout près des tranchées de premières lignes, prêts à relever les chasseurs à pied à 8 heures du soir. Nous voilà partis pour les relèves une fois après avoir pris position de la tranchée.

 

Nous attendons 24 heures et pendant cette nuit, nous guettions ces bandits à travers les créneaux. Le reste du temps, nous mangions et nous jouions aux cartes. Pendant ce temps, le lieutenant de la compagnie reçoit des ordres d’attaques.

 

Nous étions tous prêts à sauter la tranchée aux commandements du commandant qui était présent à nous voir partir à 2 heures du matin.

 

Trois fusées, lancées du poste de commandement, nous préviennent de partir. Nous posons tous nos sacs et le lieutenant commande en avant.  À ces mots,  tout le monde saute par dessus la tranchée. Nous n’avions pas fait 10 mètres que les mitrailleuses, les balles et les batteries d’artillerie allemandes commencent à nous canarder sans discontinuer.

 

Quel spectacle horrible ! Mes camarades commencent à tomber après avoir fait une 40ne de mètres. En avant, tout le monde est couché à terre, et surtout, dans les trous d’obus, nous laissons un instant l’élan prêt à repartir encore une fois.

 

C’est tout ! Le lieutenant tombe, le mollet enlevé par un éclat d’obus. Les 2 sous-lieutenants sons aussi tombés. Un mort et l’autre blessé au pied. Le lieutenant commande à maintes reprises pour que le suivant prenne le commandement, mais personne ne bouge.

 

Plus blottis dans nos trous d’obus, nous attendions que la fusillade finisse pour se rendre compte ou l’on se trouve. Impossible de bouger la tête, car à chaque instant, les balles boches sifflent à nos oreilles.

 

Nous attendions toute une journée, dans ces malheureux trous d’obus, que la nuit commence à venir, pour essayer de nous évader. Nous sommes dans une sale situation depuis les 2 h du matin que nous sommes à plat ventre dans la terre et rien à manger.

 

Petit à petit, avec nos outils portatifs  nous creusons une tranchée entre chaque trou d’obus. Nous sommes 3-4 par trous et nous essayons de nous réunir tant bien que mal.

 

Après avoir attendu toute la journée nous entendons creuser vers 9 du soir.

 

Nous appelons,  et à notre grande surprise, c’est le Génie français qui vient nous sortir de cette sale position. Nous n’attendions même pas qu’il soit vers nous.

 

Il leur restait une 60ne de mètres à creuser, mais tellement nous étions fatigués à être dans ce trou que d’un bond, nous sautions tous dans la tranchée qu’il creusait pour venir à nous. Quel soupir de soulagement que nous ne pouvions pas revenir, que nous étions sauvés, car nous étions prisonniers, et impossible de partir, car ces sales bêtes nous guettaient bien. Enfin, nous sommes sauvés.

 

Nous traversons toutes nos lignes. Nous allions en arrière, car sitôt que nous étions partis, nous étions remplacés par d’autres. Une fois arrivés, nous étions fourbus, vannés, car il y avait bientôt 3 jours et 3 nuits que nous ne dormions pas du tout et sur ces 3 jours, une journée sans manger. Enfin, nous voilà en repos en seconde ligne. Là, nous ne risquons pas d’attaquer, mais nous sommes assiégés par les obus.

 

Nous couchons sur la terre, dans ses anciennes tranchées prises aux Boches et nous sommes dévorés par les poux. Tout le monde en est garni.

 

Dans cette furieuse attaque, je suis passé à travers les balles, mais par contre, mon fusil a été coupé en deux et une de mes cartouchières aussi, par un éclat d’obus. J’ai perdu mes 2 musettes que j’avais sur moi ainsi que mon portefeuille et mon livret militaire. Je n’ai pas de chance, mais d’un côté, j’ai sauvé ma peau.

 

Nous avons perdu 80 hommes dans ma compagnie, dont les trois officiers. C’est par miracle que le reste en est sorti, car nous étions pris entre 3 feux.    

 

Nous ne sommes toujours pas relevés des tranchées, mais je pense que nous allons aller au repos pendant quelques jours.

 

J’avais un tas de choses boches comme souvenir, mais j’ai été obligé de les laisser, car s’y j’avais été prisonnier, les bandits m’auraient fusillé.

 

J’ai aussi un chandelier qui sort du château de Noulette. Il est parti de là, mais il sera trouvé dans une tranchée que les Boches avaient laissée, après avoir pillé le château.

 

Tu feras lire la lettre à Gaston, car j’ai sommeil et je vais me coucher.

 

Et comme je n’aime pas écrire, tu fais la même chose, tu lui feras parvenir. Sitôt que je serai en repos, je vous écrirai une pareille lettre.

 

Mille baisers à toute la famille. Ton fils qui t’embrasse bien fort. »

 

Dans ce courrier, Alphonse Petit n’a pas tout raconté concernant les conditions de sa vie de soldat. Quand il écrit à son frère, il est beaucoup plus clair. Il raconte certains repas pris à proximité de cadavres à moitié décomposés qui font parfois office de chaise ; une telle scène aurait probablement rempli d’effroi sa mère si elle avait été informée de cette situation peu ragoûtante !

 

« Copie d’une lettre de Polo datée du 7 juin 1915,

 

Mon cher Gaston,

 

Sans prendre le temps de recevoir ton colis, je réponds à ta lettre aussitôt. J’ai envoyé à maman une grande lettre ou je lui raconte ma première attaque contre les Boches. Je lui ai dit qu’elle te la communique et tu jugeras un peu quelle veine j’ai eue de m’en sortir. Je suis aussi proposé sous-off pour la première place qu’il y aura à la compagnie, pour mon courage et ma fermeté que j’ai eus envers les hommes à réoccuper une tranchée que les Boches avaient abandonnée.

 

Il est vrai que personne ne voulait s’aventurer à la réoccupation de cette tranchée. Je fis une patrouille, puis une fois sûr qu’il n’y aurait pas de danger, toute la section entre en sa possession.

 

Le commandant me fit des félicitations devant toute la compagnie en me disant que la prochaine fois,  je serai cité à l’ordre du jour.

 

Pour le moment, nous sommes au repos à 8 km en arrière où nous faisons un petit exercice matin et soir.

 

Je me porte toujours très bien. J’oubliais de te dire que le soir, une fois la tranchée réoccupée, le x régiment devait attaquer.

 

Nous étions soutien à notre gauche. Une fois l’heure de l’attaque, nous formions une équipe de grenadiers, mais pas un n’a voulu marcher, car c’est la plus sale place. Ils sont placés à l’endroit où doit partir l’attaque, de manière à arroser les Boches de grenades dans leurs tranchées. Alors, je fais ni une ni deux, à l’heure juste de l’attaque, je me place derrière le pare-éclats qui nous sépare des Boches et je commence à les arroser de grenades en tout genre, cela m’a valu encore une bonne note.

 

Pour la 1ère fois que je montais aux tranchées, mes chefs me feront bien des félicitations. C’est tout ce que j’avais à te dire pour le moment et sitôt que j’aurai reçu ton paquet je t’écrirai à moins que je ne sois remonté aux tranchées.

 

C’est la plus sale vie qu’un homme peut mener. Nous sommes remplis de poux, nous restons pendant 8 jours sans nous laver même les mains. Nous mangeons autour des cadavres à moitié pourris, parfois même ils nous servent de chaise.

 

Toi qui es minutieux, je ne voudrais pas te voir avec nous. Ta lettre, que je viens de recevoir, a mis deux jours et celles de Chalon mettent vingt jours. Tu vois d’ici la correspondance que je peux avoir chez nous. À peine deux lettres par mois, alors tu me feras plaisir d’écrire un peu plus souvent. Ton frère qui t’embrasse bien fort. »

 

Le 25 juin, le général Guillemot le fait citer à l’ordre de la brigade pour son courage au cours d’un violent bombardement dans le secteur du fond de Buval. Le caporal Petit a le droit de porter la croix de guerre avec une étoile de bronze. Le jour même, il peut coudre ses galons de sergent sur sa Poiret.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe à une attaque d’envergure impliquant l’ensemble de la 43e D.I.. Il faut absolument prendre le bois en Hache à l’ennemi.

 

Cette fois-ci, la chance n’est pas au rendez-vous. Le sergent Petit est tué le lendemain au cours d’une charge menée par sa compagnie. Ses hommes l’enterrent sur place.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

En memoire de Merieux, impressions septembre 1915

 

Le 4 octobre 1915, les deux témoins oculaires, les sergents-fourriers André Devineau et André Gérardin, confirment la mort du sergent Petit auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I.. L’acte de décès est transcrit à la mairie de Chalon-sur-Saône le 20 mars 1916.

 

Correspondance famille Petit (2)

 

Le 16 octobre 1915, le sous-lieutenant Guyon rédige une lettre adressée au frère du sergent Petit.

 

« J’ai bien reçu votre lettre du 8 octobre. J’étais en effet en bonne amitié avec votre frère, le sergent Petit.

 

Malheureusement depuis quelque temps nous étions séparés, lui étant au 1er  bataillon et moi au 3e.

 

Je n’ai su ainsi sa mort qu’accidentellement ; elle m’a fort peiné, car je considérais Petit comme un brave garçon et un ami sincère.

 

Je ne sais pas grand-chose sur les circonstances de cet accident ; mais je suis bien certain qu’il est tombé en brave, et bien face à l’ennemi, en accomplissant tout son devoir.

 

Il a toujours été un exemple d’énergie et de bravoure à ses camarades et il a été toujours très estimé de ses chefs. 

 

Son avancement avait été rapide et il pouvait espérer monter encore.

 

Le 149e R.I. perd beaucoup en lui ; ses camarades et ses chefs le regretteront toujours.

 

Monsieur Baverey qui est au 1er bataillon va s’enquérir des circonstances qui entourèrent sa mort. Dès qu’il saura quelque chose, il vous en fera part.

 

Recevez, Monsieur, avec mes plus sincères condoléances, mes salutations très distinguées 

 

R. Guyon » 

 

La réponse du sous-lieutenant Baverey ne se fait pas attendre. Le 21 octobre 1915, il écrit ceci à  Gaston Petit.

 

« Cher ami,

 

Après renseignement pris auprès des camarades qui ont assisté aux derniers instants de votre malheureux frère, je puis vous dire qu’au moment de l’attaque, il n’a pas été possible de ramener le corps à l’arrière.

 

Ses camarades ont creusé au-devant du parapet de la tranchée une fosse qui conservera les restes de celui que le devoir a perdu. Il sera extrêmement douloureux pour vous de ne pas avoir d’autres détails, mais il m’est absolument interdit de vous décrire d’une façon précise cet endroit ; que le hasard me permette de revenir et de pouvoir vous donner tous les renseignements désirables.

 

De tout cœur avec vous, je vous envoie mes affectueuses salutations.

 

Henri Baverey. 4e compagnie du 149e R.I.. »

 

Aphonse Petit- le bois en Hache

 

Les restes mortuaires du sergent Petit, s’ils ont été retrouvés, n’ont pas été identifiés. Il y a de fortes probabilités pour qu’ils reposent dans un des ossuaires de la Nécropole de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Alphonse Petit a été décoré  de la Croix de guerre avec une étoile de bronze et une étoile d’argent

 

Citation à l’ordre de la brigade n° 11 en date du 25 juin 1915

 

« Le 16 juin 1915 a montré sous le bombardement d’une extrême violence du fond de Buval, un sang froid et un mépris du danger qui en ont imposé à ceux qui l’entouraient et les a maintenu sur place. »

 

Le sergent Petit a obtenu la Médaille militaire à titre posthume.

 

« Sous-officier d’une bravoure réputée. Toujours au premier rang dans les moments difficiles. Tombé glorieusement le 26 septembre 1915, devant Angres. Croix de guerre avec étoile d’argent. »

 

Sepulture famille Petit

 

Le nom de ce sous-officier a été gravé sur le monument aux morts de la ville de Chalon-sur-Saône. Il a également été inscrit sur la tombe familiale au cimetière communal de Mellecey.

 

Alphonse Petit  ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Pour consulter la généalogie de la famille Petit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Quelques années plus tard, Gaston Petit se rend en Artois avec des indications très précises fournies par des vétérans du 149e R.I. sur l’endroit où son frère est tombé. Malheureusement pour sa famille, il n’a trouvé aucune trace de sépulture.

 

Sources :

 

La fiche matricule du sergent Petit et les registres d’état civil  de sa fratrie ont été consultés sur le site des archives départementales de la Saône-et-Loire.

 

La correspondance du sergent Petit avec sa famille, les lettres des sous-lieutenants Baverey et Guyon, le cadre avec son portrait et les photographies présentées ici sont la propriété de K. Isker, petit neveu du sergent Alphonse Petit.

 

La photographie du bois en Hache a été réalisée par T. Cornet.

 

Le cliché de la sépulture familiale a été réalisé par K. Isker.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet,  à K. Isker, à M. Porcher, aux archives départementales de la Saône-et-Loire et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

12 mai 2023

10 novembre 1916

Sucrerie d'Ablaincourt dessin réalise par Hippolyte Journoud

 

La relève du 149e R.I. par des troupes fraîches n’est toujours pas d’actualité. Le lieutenant-colonel Pineau gère un secteur difficile avec ses trois bataillons épuisés par les conditions météorologiques et par l’attaque du 8 novembre. Il utilise au mieux ses compagnies pour couvrir la zone impartie à son autorité.

 

Dans la nuit du 9 au 10, les Allemands tirent à plusieurs reprises sur les nouvelles tranchées françaises. Des rafales de mitrailleuses et des explosions de grenades à fusil sont régulièrement entendues dans tout le secteur. Des éléments de 1ère ligne du 149e R.I. viennent occuper la tranchée des Germains et la partie est de la tranchée Simon.

 

Les hommes du 149e R.I. profitent de l’obscurité pour prolonger le barrage de la tranchée Pêle-Mêle jusqu’au point 916 k.

 

Les petits groupes et les isolés qui circulent à découvert sont pris pour cible dès le lever du jour.

 

L’artillerie allemande ne relâche pas ses efforts. Elle effectue à plusieurs reprises de violents tirs de barrage sur la 1ère ligne et la ligne de soutien.

 

L’artillerie lourde et l’artillerie de campagne françaises effectuent des tirs de contre-préparation et de réglage.

 

Carte 1 journee du 10 novembre 1916

 

 

Depuis le P.C. 5008, le lieutenant-colonel Pineau rédige un rapport adressé au général Guillemot concernant l’état de ses troupes.

 

« J’ai l’honneur de vous soumettre la situation dans laquelle se trouve actuellement le 149e R.I..

 

L’extension du front prévue par l’ordre d’opérations n°110 de la 43e D.I. du 9 novembre a été faite sans incident.

 

Situation des troupes

 

Le régiment a maintenant :

 

- en 1ère ligne : quatre compagnies et une compagnie de mitrailleuses

 

- en soutien : deux compagnies et une compagnie de mitrailleuses

 

- au repos : trois compagnies et une compagnie de mitrailleuses à Harbonnières

 

Les compagnies de 1ère ligne sont fournies :

 

trois compagnies et une compagnie de mitrailleuses, par le 1er bataillon du 149e R.I. (entrées dans la nuit du 8 au 9 novembre)

 

- Une compagnie, par le 2e bataillon du 149e R.I. (entrée dans la nuit du 6 au 7 novembre et ayant pris part à l’attaque)

 

Le soutien est fourni par :

 

- Une compagnie et 1 compagnie de mitrailleuses du 2e bataillon du 149e R.I. (entrées en 1ère ligne dans la nuit du 8 au 9 novembre, ayant pris part à l’attaque). Leur emplacement est en avant de la sucrerie, par conséquent dans la même situation précaire qu’en 1ère ligne.

 

- Une compagnie du 3e bataillon du 149e R.I. laissée en Valet pendant que son bataillon est parti au repos, remplace la 6e compagnie. Cette compagnie ayant perdu la majeure partie de ses cadres dans l’attaque a été envoyée à Harbonnières pour se reconstituer. Elle se trouve dans l’impossibilité matérielle de remonter dans le secteur.

 

- Relèves nécessaires

 

Il me faut songer à relever dans la nuit du 12 au 13 :

 

- les 4 compagnies de 1ère ligne et la compagnie de mitrailleuses, dont l’une, la 7e, sera restée 6 jours en secteur, et aura pris part à l’attaque et les 4 autres, 4 jours.

 

- Les 2 compagnies et la compagnie de mitrailleuses de soutien, dont 2, (5e et C.M.2) auront 6 jours de secteur et l’autre, (9e), 7 jours (4 en 1ère ligne et 5 en soutien)

 

Or, pour satisfaire à ces exigences, je n’ai que 2 compagnies (10e et 11e) et la C.M.3 à Harbonnières.

 

Conclusion 

 

En résumé, il faut envisager que le 12 au soir, le régiment ne serait plus en état de tenir le front qui lui est confié, faute de troupes fraîches.

 

Antérieurement, j’avais rendu compte au commandement de ce qu’il me semblait difficile de durer jusqu’au 8 novembre. En combinant un jeu compliqué de relèves, en faisant appel au superbe moral de nos hommes, j’ai pu obtenir une durée plus longue que je ne l’avais prévue.

 

La nécessité de l’extension de la nuit dernière, limite nécessairement à la date extrême du 12 au soir, le temps au-delà duquel il ne me semble pas prudent de laisser nos troupes en secteur. »

 

La réponse du général Guillemot ne se fait pas attendre :

 

« Fait retour à Monsieur le lieutenant-colonel commandant le 149e R.I..

 

Il me semble que la nouvelle organisation du sous-secteur prescrite par l’ordre général d’opérations n° 22 de la 85e brigade en date du 10 novembre, réduise dans de notables proportions les charges du 149e R.I. (une compagnie du 10e B.C.P. devra remplacer une compagnie du 149e R.I. au moment de la relève du 3e B.C.P.).

 

Prière de faire connaître ci-dessous les modifications qu’apporterait le nouvel état de choses aux conclusions qui précèdent. »

 

Suite à cet ordre, le lieutenant-colonel Pineau ajoute ceci à son rapport :

 

« En réponse à la note ci-dessus, j’ai l’honneur de vous rendre compte de ce qu’en effet les prescriptions de l’ordre général d’opérations n° 22 de la 85e brigade, qui me m’est parvenu qu’après l’envoi de ma lettre n° 182 T, apportent au 149e R.I. un soulagement sensible en permettant de retirer de la 1ère ligne la 7e compagnie qui va venir au Valet se reposer.

 

Toutefois, il y a lieu de prévoir que le 12 au soir, 2 compagnies du 3e bataillon du 149R.I. me resteront seules pour relever en 1ère ligne les 3 compagnies du 1er bataillon. La compagnie Onde (9e) étant toujours maintenue en secteur à la place de la 6e dont il ne faut plus rien espérer avant quelque temps. »

 

Les deux aviations restent très actives tout au long de la journée. Un avion allemand est abattu au nord de Deniécourt vers 14 h 00. Une de ses ailes, fracturée, entraîne l’appareil dans une chute en spirale qui ne laisse aucune chance à ses deux occupants.

 

La nouvelle 1ère ligne française est prolongée de 85 m vers le sud-ouest entre le 3e B.C.P. et le 149e R.I. et le boyau reliant les tranchées des Germains et Poypoy. Les travaux de consolidation des tranchées conquises se poursuivent. Les boyaux de liaison sont approfondis. 

 

Les hommes du 149e R.I. construisent une sape de 65 m au point 6187 pour  mieux visualiser terrain. Du fil de fer est posé devant la tranchée Poncelet.

 

Les Allemands renforcent la partie conservée de la tranchée Couverte.

 

Plusieurs patrouilles sont effectuées en cours de journée et durant la nuit.

 

Les 3e et 10e B.C.P. sont un peu moins fatigués. À l’exception de deux compagnies et d’une compagnie de mitrailleuses du 10e B.C.P. placées en réserve de division depuis le 7 novembre (15 jours de secteur), toutes les autres compagnies ont pu bénéficier d’un temps de repos plus important que les bataillons du 149e R.I..

 

La 6e compagnie est citee a l'ordre de l'armee

 

La 6e compagnie sera citée à l’ordre de l’armée pour ses actions menées au cours des combats du 17 septembre et du  7 novembre 1916.

 

Citation n° 244 à l’ordre de la Xe armée  en date du 12 décembre 1916 :

 

« À l’attaque du 17 septembre 1916, la 6e compagnie s’est précipitée sur la tranchée ennemie qu’elle a enlevée d’un brillant élan, faisant des prisonniers et facilitant la progression du corps voisin, l’a organisée ensuite avec une ardeur inlassable sous un bombardement des plus intenses. A continué à progresser le lendemain 18, sur une profondeur de 700 mètres et ne s’est arrêtée qu’à bout de force, devant une position fortement occupée par l’ennemi. Le 7 novembre 1916, entraînée brillamment par le lieutenant Kolb, remarquable d’énergie et de bravoure et qui venait d’en prendre le commandement, tous les officiers ayant été mis hors de combat, s’est emparée de haute lutte de la première ligne ennemie, après un violent combat corps à corps et s’y est maintenue malgré un fort tir de barrage et deux contre-attaques. »

 

Le général Guillemot signe un bilan récapitulatif des pertes subies par la 85e brigade, depuis son arrivée dans le secteur de la sucrerie. Ce bilan est aussitôt envoyé au général commandant la 43e D.I..

 

Pour le 149e R.I. les pertes s’élèvent à 62 tués, à 242 blessés, à 4 disparus (présumés tués) et à 14 hommes évacués pour pieds gelés.

 

Le lieutenant Poncelet a été tué, le capitaine Viala et les sous-lieutenants Daumont, Bachetta, Blandin ont été blessés et le sous-lieutenant Damiens a été évacué pour maladie.

 

Une patrouille du 149e R.I. capture un blessé du 20e I.R. vers 19 h 30. Ce soldat allemand annonce une attaque prévue pour le lendemain. Il faut se préparer en conséquence.

 

Le 10e B.C.P. relève le 3e B.C.P. dans la nuit du 10 au 11 novembre. En plus du 3e B.C.P., il remplace une compagnie du 149e R.I. de 1ère ligne, ce qui étend le front du quartier D vers l’ouest.

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

La carte présentée ici a été réalisée à partir de la carte figurant dans le J.M.O. du 3e B.C.P..

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/15.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « Sucrerie d’Ablaincourt (front novembre 1916) »» a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie d’un fonds privé appartenant à la famille Aupetit.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, à la famille Aupetit et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

5 mai 2023

Victor Marie Voirin (1887-1937)

Victor Marie Voirin

 

Victor Marie Voirin voit le jour le 6 juillet 1887 à Champlitte, dans le département de la Haute-Saône.

 

Son père, Emmanuel, 44 ans, est marchand de chiffons. Sa mère, Benoite Goutte, âgée de 39 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle.

 

Victor est le benjamin d’une fratrie composée de 2 filles et de quatre garçons (ses deux sœurs sont toutes les deux décédées en bas âge). Son père meurt lorsqu’il a 8 ans.

 

Genealogie famille Voirin

 

La fiche matricule de Victor Voirin mentionne un degré d’instruction de niveau 3. Il sait lire, écrire et compter correctement lorsqu’il quitte l’école communale. Pour lui, il n’est pas question de poursuivre ses études. Il doit rapidement gagner sa vie pour subvenir aux besoins de la famille.

 

En 1903, Victor vit avec sa mère et son frère Louis, cordonnier né avec un pied bot (ses deux autres frères, Émile et Auguste, sont mariés alors que lui-même fête ses 16 ans). Tout comme son père et son frère Auguste, Victor devient chiffonnier.

 

Peut-être lassé par un métier peu lucratif ou par une existence qu’il juge trop ennuyeuse, Victor Voirin profite de l’arrivée des obligations militaires pour contracter un engagement volontaire avec l’armée (article 50 de la loi du 21 mars 1905).

 

Le 29 février 1908, il se rend à la mairie de Champlitte pour signer son contrat. Désireux de mettre de la distance avec son ancienne vie, il choisit de servir durant 3 ans au 1er régiment de Zouaves, une unité qui tient garnison à Alger (un bataillon et une compagnie cantonnent à la caserne d’Orléans, deux compagnies au fort national et une compagnie à Koléa).

 

Victor Voirin arrive au corps le 9 mars 1908. Nommé zouave de 2e classe le 1er novembre 1909, il n’ira pas plus loin dans la hiérarchie militaire. Ses supérieurs ne l’autorisent pas à suivre la formation des élèves caporaux.

 

Le moment venu, le zouave Voirin ne souhaite pas signer de nouveau contrat. Sa carrière sous l’uniforme s’arrête officiellement à la fin du mois de février 1911. De retour en France avec son certificat de bonne conduite validé, il retourne vivre dans sa commune natale. Le 1er mars, il passe dans la réserve de l’armée active.

 

Victor Voirin trouve un emploi de garçon brasseur. Le 26 octobre 1912, il épouse Marie Amélie Joséphine Parfait à Champlitte. Trois filles naîtront de cette union.

 

Son ancien statut d’engagé volontaire le dispense d’effectuer sa 1ère période d’exercice.

 

Victor Boivin travaille dans l’administration des postes ; il est classé non affecté entre le 7 mai 1914 et le 1er septembre 1914.

 

Une nouvelle guerre contre l’Allemagne est sur le point de commencer. L’ancien zouave Voirin est affecté au 149e R.I. C’est un régiment qui tient habituellement garnison à Épinal, mais qui a vu son dépôt déplacé à Jorquenay puis à Rolampont, près de Langres. Victor Voirin arrive dans sa nouvelle unité le 28 août 1914.

 

Il rejoint le régiment actif en Belgique le 12 décembre 1914.

 

Si sa fiche signalétique et des services ne donne pas d’indication précise sur son parcours de combattant, elle laisse tout de même supposer sa présence sur le front d’Artois en 1915 et à Verdun durant les mois de mars et avril 1916.

 

Sa fiche matricule mentionne une blessure à la tête suite à l’effondrement d’un abri, à la date du 9 novembre 1916. À cette période de sa vie, le soldat Voirin fait partie des effectifs de la 9e compagnie du 149e R.I.. Son régiment est engagé dans la Somme depuis le début du mois de septembre.

 

Pour en savoir plus sur cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Du cote de Deniecourt-novembre 1916

 

Le soldat Voirin est dans un premier temps soigné à l’ambulance 7/21  S.P. 116. Le 10 novembre,  il est pris en charge à l’ambulance 7/13 S.P. 142.

 

Le 13 décembre, il bénéficie d’une permission de 7 jours. Le 22, il est de retour au 149e R.I.. Le numéro d’affectation de sa nouvelle compagnie n’est pas connu.

 

Une citation à l’ordre du régiment confirme sa présence sur le champ de bataille au cours de l’attaque allemande du 15 juillet 1918. Il est impossible d’en dire plus sur ce qu’il a fait après, jusqu’à la signature de l’armistice, le 11 novembre 1918.

 

Victor Voirin est mis en congé illimité de démobilisation le 19 mars 1919 par le dépôt divisionnaire du 21e R.I. à Langres.

 

Du 2 mars 1921 au 23 février 1927, il est classé dans l’affectation spéciale en tant que facteur rural à l’administration des postes et télégraphes.

 

Le 10 novembre 1928, l’ancien combattant Voirin passe dans la 2e réserve (ancienne réserve territoriale).

 

Son nouveau fascicule de mobilisation conservé à l’intérieur du duplicata de son livret militaire permet d’en savoir un peu plus sur ses obligations militaires en cas de nouveau conflit. Le réserviste Voirin, devenu infirmier, aurait dû se présenter à la mairie de Champlitte, quatre jours après l’ordre de mobilisation générale où il aurait été employé à la conduite des animaux de réquisition.

 

Fascicule de mobilisation de Victor Voirin

 

Fin 1935, Victor Voirin fait appel au Chanoine Pierre Henry et à l’ancien vicaire de Champlitte, Urbain Nurdin pour leur demander une attestation écrite prouvant les circonstances de sa blessure à la tête du 9 novembre 1916.

 

Dans quel but fait-il cette demande ? Endure-t-il des douleurs qui pourraient -être en rapport avec son ancienne blessure ? Souffre-t-il de séquelles physiques ou psychiques qui justifieraient un passage devant la commission de réforme ? Souhaite-t-il faire valoir un éventuel pourcentage de handicap ? Il est difficile de se prononcer sur le sujet. Il est vrai que contrairement à des plaies provoquées par balle ou par éclats d’obus, cette blessure n’a probablement pas laissé de trace corporelle.

 

Victor Voirin a peut-être tout simplement eu besoin d’une preuve écrite, signée par deux témoins oculaires « fiables », pour justifier d’éventuels symptômes post-traumatiques en lien avec la guerre. Ceci n’est, bien sûr, qu’une supposition.

 

Le chanoine Henry, ancien aumonier du 149e  R.I., lui rédige le compte-rendu suivant : 

 

« Le poste de secours des brancardiers divisionnaires est installé dans un ancien abri boche, abri bétonné, solidement construit dans l’ancien fossé du château. Il n’a qu’un inconvénient, c’est d’avoir ses ouvertures assez étroites, heureusement tournées du côté de l’ennemi.

 

8 novembre

 

C’est la soirée des émotions pour notre P.S.. Nuldin vient d’arriver avec 12 hommes pour enterrer les morts du 158e R.I..

 

19 h 00

 

Qu'est-ce qui prend aux Boches ? C’est à nous, à notre P.S. qu’ils en veulent. Voilà que ça tombe plus près, trop près !  Une équipée du 149e R.I. qui vient de se faire sonner dans le village se précipite en trombe dans notre abri qui se remplit. Pan, cette fois, ça y est ! En plein dessus le P.S.. On entend des cris. Les bougies se sont éteintes. On sent une forte odeur de poudre. Il y a des blessés, des tués peut-être ? Quelque chose s’écroule ; une minute d’affolement dans le noir, les hommes se précipitent à l’aveugle dans toutes les directions, au risque de marcher sur les blessés !

 

Il faut se jeter au-devant d’eux et crier : « attention aux blessés ! » et ponctuer pour cela de mots énergiques, ce que ne manquent de faire Ducuing et Legrand (aides-majors).

 

La lumière se fait, on se précipite, personne de tué.

 

Un trou dans la voûte ; l’obus, un gros, a frappé l’angle de la fenêtre, atteignant la voûte qui s’est comme vidée sur la tête de ceux qui étaient en dessous. Un homme qui a reçu les plus gros morceaux a la tête en sang. On dirait qu’il est comme scalpé, le crâne ne paraît pas entamé.

 

Ce blessé n’est pas de notre groupe. C’est un nommé Henri Voirin du 149e R.I. (9e compagnie). Il est de Champlitte et causait avec son compatriote Nuldin qui lui, en est quitte pour l’émotion.

 

Relisant ces lignes écrites en ce temps là, il m’est facile de certifier, et ceci ne sera certes pas un certificat de complaisance, que Voirin Henri, alors soldat au 149e R.I. (9e compagnie) a été blessé à Deniécourt, le 8 novembre 1916, par les blocs de ciment armé détachés de la voûte par l’éclatement d’un obus de gros calibre. Chanoine P. Henry chancelier de l’Évêché à Langres. 2 janvier 1936 »

 

L’ancien vicaire de Champlitte Urbain Nurdin témoigne à son tour :

 

 « Je connaissais très bien Monsieur Henri Voirin avant la guerre puisque lui était de Champlitte et moi vicaire de cette paroisse. Je l’avais revu souvent durant la guerre, puisqu’il était dans la même Division que moi. Lui au 149e R.I. et moi au G.B.D. 43.

 

Le 8 novembre 1916, nous devions nous revoir dans des circonstances qui auraient pu être plus tragiques, mais où néanmoins, il reçut en ma présence, une blessure à la tête que je suis bien en mesure de certifier.

 

Avec douze hommes dont on m’avait donné la direction, j’avais procédé dans cette journée du 8 novembre à l’inhumation sur le terrain, derrière nos lignes, de morts restés sur le sol ou insuffisamment enterrés. Nous étions rentrés à notre poste de secours de Deniécourt où je fus heureux de saluer mon confrère l’abbé Henry, notre aumônier divisionnaire.

 

Nous goûtions, depuis un moment, un repos bien gagné quand un bombardement acharné du village commence, puis, tout d’un coup, une corvée de soupe du 149e R.I. dont faisait partie Henri Voirin s’enfourne dans notre P.S..

 

De suite, je reconnais Voirin et avec lui, je taille une petite partie de blague. On était bien en train de rire des Boches qui se fâchaient quand tout à coup un de ses maousses nous tombe en plein dessus alors que la voûte s’effondre sur nous.

 

Nos chandelles s’éteignent. On crie : moi je n’ai rien, mais il y en a sûrement qui sont blessés. Quand une bougie s’allume, je vois mon pauvre Voirin, la tête toute en sang et le corps à moitié enseveli dans les débris. Je l’aide à se relever pour que nos majors puissent lui faire un premier pansement. Ensuite, il a été évacué vers l’arrière.

 

C’est un témoin oculaire qui certifie l’exactitude de tous ses détails comme aussi, je peux certifier le fait de la blessure de Monsieur Henri Voirin et la nature du projectile : un obus de gros calibre qui a défoncé la voûte bétonnée de notre poste de secours. Mornay, 8 janvier 1936 (il est à noter que ces deux hommes d’Église l’appellent Henri Voirin et non Victor Voirin).

 

L’ancien soldat du 149e R.I. est définitivement libéré de toutes obligations militaires le 29 février 1936.

 

Carte de combattant et livret militaire de Victor Voirin

 

Le soldat Voirin a été décoré de la croix de guerre avec une étoile de bronze.

 

Citation à l’ordre du régiment n° 66 en date du 5 décembre 1918 :

« Bon soldat, très consciencieux, s’est distingué en maintes circonstances, particulièrement le 15 juillet 1918, en Champagne où il fit preuve d’un grand sang-froid dans une mission de reconnaissance qui lui avait été confiée. »

 

Victor Marie Voirin est décédé chez lui, à Champlitte, le 10 février 1937 à l’âge de 49 ans.

 

Sources :

 

Fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Saône.

 

La généalogie de la famille Rallier a été réalisée à partir des informations trouvées sur le site Généanet associée à la lecture des registres de recensement de la commune de Champlitte.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, aux archives de la Saône-et-Loire, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à la mairie de Champlitte. 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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