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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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12 mai 2023

10 novembre 1916

Sucrerie d'Ablaincourt dessin réalise par Hippolyte Journoud

 

La relève du 149e R.I. par des troupes fraîches n’est toujours pas d’actualité. Le lieutenant-colonel Pineau gère un secteur difficile avec ses trois bataillons épuisés par les conditions météorologiques et par l’attaque du 8 novembre. Il utilise au mieux ses compagnies pour couvrir la zone impartie à son autorité.

 

Dans la nuit du 9 au 10, les Allemands tirent à plusieurs reprises sur les nouvelles tranchées françaises. Des rafales de mitrailleuses et des explosions de grenades à fusil sont régulièrement entendues dans tout le secteur. Des éléments de 1ère ligne du 149e R.I. viennent occuper la tranchée des Germains et la partie est de la tranchée Simon.

 

Les hommes du 149e R.I. profitent de l’obscurité pour prolonger le barrage de la tranchée Pêle-Mêle jusqu’au point 916 k.

 

Les petits groupes et les isolés qui circulent à découvert sont pris pour cible dès le lever du jour.

 

L’artillerie allemande ne relâche pas ses efforts. Elle effectue à plusieurs reprises de violents tirs de barrage sur la 1ère ligne et la ligne de soutien.

 

L’artillerie lourde et l’artillerie de campagne françaises effectuent des tirs de contre-préparation et de réglage.

 

Carte 1 journee du 10 novembre 1916

 

 

Depuis le P.C. 5008, le lieutenant-colonel Pineau rédige un rapport adressé au général Guillemot concernant l’état de ses troupes.

 

« J’ai l’honneur de vous soumettre la situation dans laquelle se trouve actuellement le 149e R.I..

 

L’extension du front prévue par l’ordre d’opérations n°110 de la 43e D.I. du 9 novembre a été faite sans incident.

 

Situation des troupes

 

Le régiment a maintenant :

 

- en 1ère ligne : quatre compagnies et une compagnie de mitrailleuses

 

- en soutien : deux compagnies et une compagnie de mitrailleuses

 

- au repos : trois compagnies et une compagnie de mitrailleuses à Harbonnières

 

Les compagnies de 1ère ligne sont fournies :

 

trois compagnies et une compagnie de mitrailleuses, par le 1er bataillon du 149e R.I. (entrées dans la nuit du 8 au 9 novembre)

 

- Une compagnie, par le 2e bataillon du 149e R.I. (entrée dans la nuit du 6 au 7 novembre et ayant pris part à l’attaque)

 

Le soutien est fourni par :

 

- Une compagnie et 1 compagnie de mitrailleuses du 2e bataillon du 149e R.I. (entrées en 1ère ligne dans la nuit du 8 au 9 novembre, ayant pris part à l’attaque). Leur emplacement est en avant de la sucrerie, par conséquent dans la même situation précaire qu’en 1ère ligne.

 

- Une compagnie du 3e bataillon du 149e R.I. laissée en Valet pendant que son bataillon est parti au repos, remplace la 6e compagnie. Cette compagnie ayant perdu la majeure partie de ses cadres dans l’attaque a été envoyée à Harbonnières pour se reconstituer. Elle se trouve dans l’impossibilité matérielle de remonter dans le secteur.

 

- Relèves nécessaires

 

Il me faut songer à relever dans la nuit du 12 au 13 :

 

- les 4 compagnies de 1ère ligne et la compagnie de mitrailleuses, dont l’une, la 7e, sera restée 6 jours en secteur, et aura pris part à l’attaque et les 4 autres, 4 jours.

 

- Les 2 compagnies et la compagnie de mitrailleuses de soutien, dont 2, (5e et C.M.2) auront 6 jours de secteur et l’autre, (9e), 7 jours (4 en 1ère ligne et 5 en soutien)

 

Or, pour satisfaire à ces exigences, je n’ai que 2 compagnies (10e et 11e) et la C.M.3 à Harbonnières.

 

Conclusion 

 

En résumé, il faut envisager que le 12 au soir, le régiment ne serait plus en état de tenir le front qui lui est confié, faute de troupes fraîches.

 

Antérieurement, j’avais rendu compte au commandement de ce qu’il me semblait difficile de durer jusqu’au 8 novembre. En combinant un jeu compliqué de relèves, en faisant appel au superbe moral de nos hommes, j’ai pu obtenir une durée plus longue que je ne l’avais prévue.

 

La nécessité de l’extension de la nuit dernière, limite nécessairement à la date extrême du 12 au soir, le temps au-delà duquel il ne me semble pas prudent de laisser nos troupes en secteur. »

 

La réponse du général Guillemot ne se fait pas attendre :

 

« Fait retour à Monsieur le lieutenant-colonel commandant le 149e R.I..

 

Il me semble que la nouvelle organisation du sous-secteur prescrite par l’ordre général d’opérations n° 22 de la 85e brigade en date du 10 novembre, réduise dans de notables proportions les charges du 149e R.I. (une compagnie du 10e B.C.P. devra remplacer une compagnie du 149e R.I. au moment de la relève du 3e B.C.P.).

 

Prière de faire connaître ci-dessous les modifications qu’apporterait le nouvel état de choses aux conclusions qui précèdent. »

 

Suite à cet ordre, le lieutenant-colonel Pineau ajoute ceci à son rapport :

 

« En réponse à la note ci-dessus, j’ai l’honneur de vous rendre compte de ce qu’en effet les prescriptions de l’ordre général d’opérations n° 22 de la 85e brigade, qui me m’est parvenu qu’après l’envoi de ma lettre n° 182 T, apportent au 149e R.I. un soulagement sensible en permettant de retirer de la 1ère ligne la 7e compagnie qui va venir au Valet se reposer.

 

Toutefois, il y a lieu de prévoir que le 12 au soir, 2 compagnies du 3e bataillon du 149R.I. me resteront seules pour relever en 1ère ligne les 3 compagnies du 1er bataillon. La compagnie Onde (9e) étant toujours maintenue en secteur à la place de la 6e dont il ne faut plus rien espérer avant quelque temps. »

 

Les deux aviations restent très actives tout au long de la journée. Un avion allemand est abattu au nord de Deniécourt vers 14 h 00. Une de ses ailes, fracturée, entraîne l’appareil dans une chute en spirale qui ne laisse aucune chance à ses deux occupants.

 

La nouvelle 1ère ligne française est prolongée de 85 m vers le sud-ouest entre le 3e B.C.P. et le 149e R.I. et le boyau reliant les tranchées des Germains et Poypoy. Les travaux de consolidation des tranchées conquises se poursuivent. Les boyaux de liaison sont approfondis. 

 

Les hommes du 149e R.I. construisent une sape de 65 m au point 6187 pour  mieux visualiser terrain. Du fil de fer est posé devant la tranchée Poncelet.

 

Les Allemands renforcent la partie conservée de la tranchée Couverte.

 

Plusieurs patrouilles sont effectuées en cours de journée et durant la nuit.

 

Les 3e et 10e B.C.P. sont un peu moins fatigués. À l’exception de deux compagnies et d’une compagnie de mitrailleuses du 10e B.C.P. placées en réserve de division depuis le 7 novembre (15 jours de secteur), toutes les autres compagnies ont pu bénéficier d’un temps de repos plus important que les bataillons du 149e R.I..

 

La 6e compagnie est citee a l'ordre de l'armee

 

La 6e compagnie sera citée à l’ordre de l’armée pour ses actions menées au cours des combats du 17 septembre et du  7 novembre 1916.

 

Citation n° 244 à l’ordre de la Xe armée  en date du 12 décembre 1916 :

 

« À l’attaque du 17 septembre 1916, la 6e compagnie s’est précipitée sur la tranchée ennemie qu’elle a enlevée d’un brillant élan, faisant des prisonniers et facilitant la progression du corps voisin, l’a organisée ensuite avec une ardeur inlassable sous un bombardement des plus intenses. A continué à progresser le lendemain 18, sur une profondeur de 700 mètres et ne s’est arrêtée qu’à bout de force, devant une position fortement occupée par l’ennemi. Le 7 novembre 1916, entraînée brillamment par le lieutenant Kolb, remarquable d’énergie et de bravoure et qui venait d’en prendre le commandement, tous les officiers ayant été mis hors de combat, s’est emparée de haute lutte de la première ligne ennemie, après un violent combat corps à corps et s’y est maintenue malgré un fort tir de barrage et deux contre-attaques. »

 

Le général Guillemot signe un bilan récapitulatif des pertes subies par la 85e brigade, depuis son arrivée dans le secteur de la sucrerie. Ce bilan est aussitôt envoyé au général commandant la 43e D.I..

 

Pour le 149e R.I. les pertes s’élèvent à 62 tués, à 242 blessés, à 4 disparus (présumés tués) et à 14 hommes évacués pour pieds gelés.

 

Le lieutenant Poncelet a été tué, le capitaine Viala et les sous-lieutenants Daumont, Bachetta, Blandin ont été blessés et le sous-lieutenant Damiens a été évacué pour maladie.

 

Une patrouille du 149e R.I. capture un blessé du 20e I.R. vers 19 h 30. Ce soldat allemand annonce une attaque prévue pour le lendemain. Il faut se préparer en conséquence.

 

Le 10e B.C.P. relève le 3e B.C.P. dans la nuit du 10 au 11 novembre. En plus du 3e B.C.P., il remplace une compagnie du 149e R.I. de 1ère ligne, ce qui étend le front du quartier D vers l’ouest.

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

La carte présentée ici a été réalisée à partir de la carte figurant dans le J.M.O. du 3e B.C.P..

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/15.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « Sucrerie d’Ablaincourt (front novembre 1916) »» a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie d’un fonds privé appartenant à la famille Aupetit.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, à la famille Aupetit et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

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