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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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29 janvier 2021

Paul Marie Abel Kolb (1883-1918)

Paul Marie Abel Kolb

 

Paul Marie Abel Kolb naît le 6 août 1883 à Saint-Germain, une petite commune située au nord-est de Lure, dans le département de la Haute-Saône.

 

Son père, Fernand Auguste, est âgé de 26 ans. Sa mère, Marie Ferdinande Simonin, a 21 ans. Ses parents gagnent tous les deux leur vie en travaillant la terre. Le couple Kolb a eu un second enfant, né le 2 avril 1887.

 

Un drame endeuille la famille en 1888. Abel n’a pas fêté ses cinq ans lorsque son père décède.

 

Le registre de recensement de l’année 1896 de la commune de Saint-Germain nous apprend que Marie Ferdinande Kolb élève seule ses deux enfants. Elle se remarie en 1898.

 

 

Abel quitte l’école communale après avoir obtenu son certificat d’études primaires, ce qui veut dire qu’il sait parfaitement bien lire, écrire et compter.

 

À 18 ans, il choisit de faire une carrière militaire. Sa mère lui donne son accord. Elle appose sa signature sur un document indispensable : celui-ci autorise toute personne mineure qui le souhaite à rejoindre les rangs de l’armée en tant que volontaire.

 

Ce 1er engagement est enregistré pour une durée de trois ans. Abel Kolb a choisi le 149e R.I., un régiment d’infanterie dont le dépôt se trouve à Épinal. Sa formation de soldat débute le 15 octobre 1901.

Le jeune homme est affecté à la 12e compagnie dès son arrivée à la caserne Courcy. Abel est admis au peloton d’instruction de la compagnie le 15 décembre, avec 47 autres personnes, pour devenir caporal. Obtenant le n° 20 au classement intermédiaire de mai 1902, il termine avec le n° 14 au classement final au mois d’août.

 

 

Le soldat Kolb est nommé caporal le 25 septembre 1902, puis sergent le 6 novembre 1903.

 

Il signe à nouveau pour un an le 7 juin 1904. Ce contrat prend effet le 14 octobre 1904 à la date anniversaire du 1er contrat. Quatorze jours plus tard, Abel  valide un nouvel engagement pour deux ans, ce qui l’oblige à porter l’uniforme jusqu’en octobre 1907.

 

Les débuts sont un peu difficiles. Trop proche des hommes, probablement chahuté, il a du mal à imposer ses galons. Son capitaine écrit ceci : « le sergent Kolb, rengagé pour un an, à titre d’essai le 7 juin, a fait des progrès sensibles depuis cette date. Il a pris de l’aplomb et de l’autorité. Il y a lieu de croire que n’étant plus gêné par les familiarités de ses anciens camarades, aujourd’hui libérés, il fera un bon sergent. Peut aussi faire un comptable. »

 

 

Le 10 novembre 1904, le sergent Kolb déplace ses effets militaires dans un autre bâtiment de la caserne Courcy. Il vient d'être affecté à la 1ère compagnie du régiment.

 

Abel entre dans la catégorie des sous-officiers rengagés avec prime à partir du  27 mai 1905, ce qui va lui permettre d’améliorer son ordinaire.

 

Il doit quitter le dépôt du 149e R.I. quelque temps pour accomplir un stage au 7e escadron du train des équipages militaires ; ce stage va durer du 1er juin au 11 juillet 1905.

 

 

Le 17 janvier 1906, Abel est muté à la S.H.R. comme sergent garde-magasin.

 

Le 26 septembre 1907, il signe un engagement de 4 ans qui sera renouvelé le 11 septembre 1911 pour cinq années supplémentaires.

 

Après presque dix ans d’armée, son capitaine rédige la note suivante : « Le sergent rengagé Kolb remplit au corps les fonctions de sergent garde-magasin. Dans cet emploi, qu’il connaît à fond et dont on se met au courant qu’à la longue, il rend les plus signalés services. Sous-officier dévoué, intelligent, de tenue et de conduite parfaite, dont l’éloge n’est plus à faire. »

 

Nous sommes très loin des débuts un peu difficiles du jeune sous-officier !

 

Abel Kolb est nommé sergent major le 19 avril 1913 puis adjudant garde-magasin à partir du 10 novembre 1913.

 

Il travaille comme secrétaire auprès du capitaine chargé du matériel lorsque l’ordre de mobilisation générale est placardé sur les murs de la ville d’Épinal en août 1914. Quelques mois plus tard, cette tâche de secrétaire semble lui peser. Il demande à partir pour le front.

 

Le 1er avril, il débute une formation au centre d’instruction de Chaumont comme mitrailleur. Celle-ci se termine le 25 avril 1915.

 

Abel intègre le bataillon de marche du 149e R.I. le 2 mai 1915.

 

L’adjudant Kolb rejoint l’unité combattante du régiment spinalien le 14 mai. Le lieutenant-colonel Gothié l’affecte à sa compagnie de mitrailleuses qui est rattachée à la 85e brigade. Huit jours plus tard, Abel est nommé sous-lieutenant à titre temporaire.

 

Sa section de mitrailleuse est engagée dans les différents combats qui eurent lieu en Artois en mai, en juin et en septembre 1915.

 

Le sous-lieutenant Kolb repart en stage au centre de mitrailleuses de Bourges entre le 19 novembre et le 18 décembre 1915. La Saint-Étienne, la Hotchkiss, la Maxim et la Vickers n’ont plus aucun secret pour lui.

 

Le 18 avril 1916, il est sous-lieutenant à la 2e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I.. Peu de temps avant qu’il ne soit titularisé dans son grade d’officier à titre définitif, son régiment est engagé dans la bataille de la Somme au début du mois de septembre. 

 

Les combats sont rudes. Le 7 novembre 1916, le sous-lieutenant Kolb quitte sa compagnie de mitrailleuses pour être affecté à la tête de la 6e compagnie, ceci une heure avant qu’elle ne se lance dans une nouvelle attaque. La compagnie n'avait plus d'officiers !

 

Abel Kolb s’acquitte honorablement de sa tâche en s’emparant d’une zone de 1ère ligne ennemie après un violent combat au corps à corps, sans connaître ses subordonnés.

 

Confirmé à ce nouveau poste, ses chefs le font nommer lieutenant à titre temporaire, le 21 novembre 1916.

 

L’année suivante, le 149e R.I. occupe plusieurs secteurs proches du chemin des Dames. Les lieux occupés sont relativement calmes, mais particulièrement dangereux. Régulièrement il y a des pertes liées aux bombardements, mais il n’y a pas de grande attaque en perspective.

 

Le lieutenant Kolb profite de cette période de relative accalmie pour retourner en formation. N’ayant pas les connaissances théoriques suffisantes pour assumer la charge de chef de compagnie, il doit suivre la 3e série des cours de commandant de compagnie du 25 février au 18 mars 1917.

 

Les mois suivants, il bénéficie de deux permissions. La 1ère a lieu entre le 12 et le 22 mai, la seconde entre le 19 et le 29 août.

 

La photographie suivante a été réalisée le 30 septembre 1917 à Troësnes, un petit village situé dans le département de l’Aisne. Le lieutenant Kolb figure parmi ce groupe d’officiers responsable des différentes unités du 2e bataillon du 149e R.I.. 

 

Officiers du 2e bataillon du 149e R

 

Fin octobre 1917, le régiment vosgien est engagé dans la bataille de la Malmaison. Abel Kolb y gagne une citation à l’ordre de la division en menant ses hommes au combat.

 

Il est nommé lieutenant à titre définitif à la date du 22 mai, suite à un décret qui fut publié le 16 novembre 1917.

 

Abel bénéficie d’une nouvelle permission entre le 27 décembre 1917 et le 9 janvier 1918.

 

En février 1918, le colonel Boigues rédige la petite note suivante dans le feuillet du personnel du lieutenant Kolb : « Continue à commander très bien son unité, pondéré et réfléchi, donne toute satisfaction. »

 

Sa promotion dans le grade supérieur ne se fait pas attendre. Abel est nommé capitaine à titre temporaire le 17 mai 1918 (publication dans le J.O. du 2 juin 1918).

 

La guerre de mouvement reprend du service. Fin mai 1918, le capitaine Kolb participe aux combats d’Arcy-Restitue puis à ceux qui eurent lieu en juillet du côté du trou Bricot en Champagne. Les offensives allemandes sont stoppées.

 

Le 30 juillet 1918, Paul Kolb est au C.R. Vauclerc au sud-ouest de Perthe-lèz-Hurlus. Ce jour là, sa compagnie subit une attaque au gaz.

 

L’abbé Henry évoque cet évènement dans un de ses carnets : « Après une heure d’attente, ne voyant pas de blessés arriver, je reviens au C.R. Vauclerc. Vu en passant les débris de l’aéroplane de l’avion boche tombé en flammes le 15 juillet, le soir de l’attaque. La 6e compagnie du 149 a été fortement éprouvée par les gaz. Le capitaine Kolb a été évacué. Il ne reste ce matin en ligne que l’adjudant Humes, l’aspirant et une quinzaine d’hommes. Tout le reste est ou prisonniers ou en traitement comme victimes des gaz. Le docteur Pierrot a dû, lui-même, se faire soigner à l’infirmerie. »

 

Le 26 septembre 1918, le 149e R.I. est de nouveau impliqué dans une attaque de grande envergure dans le même secteur. Le capitaine Kolb est à la tête de ses hommes.

 

Exceptée son intoxication à l’ypérite, Paul est toujours passé au travers des balles et des éclats d’obus. Cette fois-ci, la chance n’est plus au rendez-vous. Le capitaine est touché au cou.

 

L’aumônier Henry raconte : « On dit que le lieutenant Cadoux serait blessé, mais légèrement. Le capitaine Kolb de la 6e est blessé également. Voici qu’on l’apporte tout sanglant sur un brancard. Une balle lui a traversé le cou. Il a l’air d’un moribond et gémit faiblement. Mon Dieu ! Pourvu que la blessure ne soit pas mortelle ! Le capitaine Kolb est une des figures les plus sympathiques du régiment. Parti d’en bas, il s’est élevé au grade de capitaine par son seul mérite ! »

 

La blessure est bien trop grave pour être soignée. Abel a perdu beaucoup de sang. Il décède le jour même malgré la prise en charge faite par les médecins de l’ambulance 10/13 installée à Bussy-le-Château.

 

L’abbé Henry apprend tardivement son décès. Le 9 octobre, il écrit : « Kolb est mort ! Kolb n’a point survécu à sa blessure. Je suis navré de cette nouvelle. Kolb était une figure sympathique. Ardent patriote et brave soldat. Il avait conquis ses grades par son seul mérite. Il avait refusé dernièrement de se retirer à l’intérieur. »

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Paul Kolb a obtenu les décorations suivantes :

 

Croix de guerre avec trois palmes, une étoile de bronze et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 85e brigade n° 36  en date du 24 mars 1916 :

 

« A su, par son calme et son sang-froid, établir dans sa troupe et dans une fraction voisine, l’ordre un moment compromis par un bombardement des plus sévère. »

 

Citation à l’ordre de la Xe Armée  n° 243 en date du 10 décembre 1916 :

 

« La 6e compagnie du 149e R.I. à l’attaque du 17 septembre 1916, s’est précipitée sur la tranchée ennemie qu’elle a enlevée d’un brillant élan, faisant des prisonniers et facilitant la progression du corps voisin, l’a organisée avec une ardeur inlassable sous un bombardement des plus intense ; a continué à progresser le lendemain, 18 septembre, sur une profondeur de 700 m et ne s’est arrêtée qu’à bout de force devant une position fortement occupée par l’ennemi. Le lieutenant Kolb, remarquable d’énergie et de bravoure, qui venait d’en prendre le commandement, tous les officiers ayant été mis hors de combat, s’est emparé de haute lutte de la première ligne ennemie après un violent combat, corps à corps, et s’y est maintenu malgré un fort tir de barrage et deux contre-attaques. »

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 264 en date du 14 novembre 1917 :

 

« Commandant de compagnie d’un sang-froid, d’une énergie et d’un courage remarquables à l’attaque du 23 octobre 1917, a entraîné sa compagnie derrière le bataillon de 1ère ligne sous un violent barrage et a puissamment contribué à la possession et à l’organisation du terrain conquis. Déjà titulaire d’une citation à l’ordre de l’armée ».

 

Citation à l’ordre de la IVe Armée n° 1357 en date du 25 août 1918 :

 

« Officier superbe de crânerie et de sang-froid. Pense à tout, veille à tout, surveille tout lui-même. Pendant la bataille de Champagne, le 15 juillet 1918 a, tout en assurant la défense de son quartier de sa compagnie, laquelle a résisté à tous les assauts, envoyé des renforts qui ont puissamment renseigné le chef de bataillon. »

 

Le capitaine Kolb a été fait Chevalier de la Légion d’honneur le 5 juin 1918 par ordre  n° 9348 « D » du 25 août 1918 :

 

« Excellent officier, véritable entraîneur d’hommes qui a fait preuve, au cours des derniers combats, d’un courage et d’un sang-froid exemplaires obtenant de sa compagnie un rendement exceptionnel et faisant face à toutes les difficultés. 3 citations. »

 

Cette nomination au grade de Chevalier de la Légion d’honneur lui donne également le droit d’ajouter une palme sur sa croix de guerre.

 

Monument aux morts de la commune de Saint-Germain

 

Le nom de cet officier a été gravé sur le monument aux morts de la commune de Saint-Germain.

 

Abel Kolb est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Il n’y a de sépulture militaire individuelle portant son nom. Son corps a probablement été rendu à la famille dans les années 1920.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services de cet officier n’a pas été retrouvée.

 

Les actes d’état civil de la famille Kolb et le registre de recensement de l’année 1896 de la commune de Saint-Germain ont été lus sur le site des archives départementales de la Haute-Saône.

 

La photographie du monument aux morts de la commune de Saint-Germain provient du site Généanet.

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, à M. Porcher, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Saône.

22 janvier 2021

Clément Joseph Roibet (1894-1980)

Clement Roibet

 

Clément Joseph Roibet est né le 3 février 1894 à Genas dans le département de l’Isère.

 

Ses parents, Joseph Claude Roibet et Marie Agathe Flassillard, exercent tous deux la profession de cultivateur. Ils se sont mariés dans cette commune de 1978 habitants le 19 décembre 1891. Clément est le second enfant du couple. Sa sœur aînée, Amélie, a vu le jour le 9 septembre1892.

 

 

La fiche signalétique et des services de Clément Roibet indique un degré d’instruction de niveau 3. Il maîtrise les bases de l’enseignement primaire obligatoire que sont l’écriture, le calcul et la lecture. Cette fiche nous apprend également qu’il a exercé le métier de cultivateur.

 

L’année de ses vingt ans, il se présente devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Meyzieux. Clément Roibet a quelques soucis de santé. Son état général entraîne son inscription directe dans la 5e partie de la liste de l’année 1914.

 

En temps de paix, cette inscription dans la 5e partie aurait dû lui fournir un répit d’un an avant d’être dans l’obligation de se représenter devant la médecine militaire. Ce ne fut pas le cas. Les évènements internationaux en décidèrent autrement. Guerre oblige, la classe 1915 passe devant le conseil de révision par anticipation. Ainsi, Clément doit se représenter devant le conseil de révision le 26 octobre 1914. Cette fois-ci, il est déclaré bon pour le service armé, mobilisable avec les éléments de la classe 1915 qui furent appelés 11 mois avant l’échéance.

 

Le 15 décembre 1915, le soldat Roibet intègre le dépôt du 158e R.I.. Exercices, séances de tir, marches deviennent son lot quotidien.

 

Il est envoyé dans la zone des armées le 9 juin 1915 après seulement six mois d’instruction. Il rejoint les rangs du 9e bataillon du 149e R.I. pour parfaire sa formation avant d’être affecté à la 10e compagnie du régiment.

 

La date de son arrivée dans cette compagnie n’est pas connue, celle de son baptême du feu encore moins. Sa fiche matricule indique simplement sa nomination au grade de caporal à la date du 29 août 1915.

 

Il est impossible de dire si le caporal Roibet a participé aux attaques de septembre 1915 en Artois, mais il est à peu près certain qu’il était présent à Verdun du côté de Fleury-devant-Damloup et du fort de Vaux entre le 7 mars et le 7 avril 1916. À cette période du conflit, la 10e compagnie est sous les ordres du capitaine Gérard.

 

Pour suivre le parcours de la 10e compagnie du 149e R.I. durant son passage à Verdun il suffit de cliquer une fois sur le plan suivant.

 

Du côté du fort de Vaux

 

Le 149e R.I. laisse derrière lui la région de Verdun à la mi-avril 1916. Clément est nommé sergent le 29.

 

Le régiment a quitté la Meuse pour prendre la direction de la Champagne. Il s’installe dans un secteur plutôt calme situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil.

 

Début septembre 1916, le 149e R.I. est engagé dans le secteur de Soyécourt et de Déniécourt, dans le département de la Somme. Le sergent Roibet obtient une citation à l’ordre du régiment pour une reconnaissance effectuée avant l'attaque du village de Soyécourt.

 

L’année suivante, le régiment occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames.

 

La photographie suivante a été réalisée le 10 avril 1917. Il est aisé de reconnaître Clément grâce au livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté ». Ce cliché figure à la page 179 de cet ouvrage. Le nom de chacun de ces sous-officiers qui appartiennent tous à la 10e compagnie du 149e R.I. est inscrit à la droite de la photographie.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Début octobre 1917,  le 149e R.I. est en préparation d’attaque. Une grande offensive doit avoir lieu dans le secteur de la Malmaison.

 

La bataille, retardée pour des raisons météorologiques, débute le 23 octobre. La veille, le sergent Roibet est blessé au cours d’une reconnaissance.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

 

Ses blessures sont graves. Il a reçu plusieurs éclats d’obus dans les membres inférieurs. Clément doit être amputé de sa jambe gauche. Ce n’est que le 6 janvier 1918 qu’il est évacué vers l’intérieur. Devenu transportable, il est envoyé à l’hôpital du grand séminaire de Blois. La guerre est terminée pour lui.

 

Le sergent Roibet est proposé pour une pension de retraite de 3e classe par la commission de vérification de Lyon qui s’est réunie le 17 octobre 1918. Trois jours plus tard, il est renvoyé dans ses foyers avec l’obtention de son certificat de bonne conduite et son statut de réformé définitif  n°1.

 

Le 13 avril 1918, la commission de réforme de Lyon le propose pour une pension d’invalidité de 85 % pour amputation de la jambe gauche et pour une gêne fonctionnelle du membre inférieur droit imputable à une cicatrice cheloïdienne.

 

Clément Roibet fait savoir qu’il a eu le tympan gauche perforé en 1917.

 

Le 31 janvier 1920, il épouse Marguerite Payet à Genas.

 

Le 14 juin 1930, son taux d’invalidité passe à 90%. Une notification ministérielle lui concède une pension définitive à 100 % en 1938.

 

Clément Roibet décède le 17 janvier 1980 à l’hôpital des armées Desgenette à Lyon. Il repose dans le cimetière de sa commune de naissance.

 

Sepulture famille Roibet

 

Marguerite et Raymond ont eu au moins deux filles connues, Jeannine et Lucette.

 

Décorations obtenues :

 

Citation à l’ordre du régiment  n° 257 en date du 26 septembre 1916 :

 

« A fait, avec une grande habileté, une patrouille dans le village qui devait être attaqué le lendemain pour se rendre compte de son état de destruction, a pleinement réussi. »

 

Médaille militaire n° 6140 décision du G.Q.G. du 16 décembre 1917 prenant rang à compter du 20 novembre 1917. Cette décoration lui donne le droit d’ajouter une palme sur sa croix de guerre.

 

« Vaillant sous-officier, blessé grièvement le 22 octobre 1917 au cours d’une reconnaissance audacieuse. A fait preuve, après sa blessure, d’un courage et d’une énergie au dessus de tout éloge. »

 

La fiche matricule de Clément Roibet indique qu’il a été fait officier de la Légion d’honneur le 7 juillet 1956 (publication dans le J.O. du 12 juillet 1956). Aucune indication n’est fournie concernant sa nomination au grade de chevalier.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services du sergent Roibet a été consultée sur le site des archives départementales de l’Isère.

 

Les actes d’état civil de la famille Roibet et les registres de recensement de la ville de Genas ont été consultés sur les sites des archives municipales de l’Isère et du Rhône (la commune de Genas appartenait à l’Isère avant d’être rattachée au département du Rhône en 1968).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Le cliché de la sépulture de la famille Roibet a été trouvée sur le site « Généanet ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carrobi, à M. Porcher, E. Suring, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales du Rhône et de l’Isère. 

15 janvier 2021

26 septembre 1918 : l’aumônier Henry témoigne…

Aumonier Henry 26 septembre 1918

 

L’aumônier Henry développe longuement la journée du 26 septembre 1918 dans un de ses derniers carnets. Ses écrits offrent une approche beaucoup plus respectueuse de la réalité du terrain que l’étude « tactique appliquée d’infanterie » du commandant Fontaine, publiée dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

 

Pendant les phases de combat, l’abbé Henry est au plus près des hommes. Il avance de manière « autonome » dans un dédale de boyaux et de tranchées. Il observe. Il raconte les tirs trop courts de l’artillerie française, les opportunités manquées, les problèmes de communication entre le lieutenant-colonel Vivier et ses chefs de bataillon. Il annonce la blessure ou la mort de personnes qu’il connaît.

 

Ce que l’auteur décrit dans ses carnets diffère des textes officiels qui évoquent une faible résistance de la part des Allemands. On comprend ce que signifie concrètement cette « faible résistance » pour les hommes qui sont sur le terrain. Cet exemple si bien décrit permet de mieux cerner l’ampleur des combats et la souffrance des soldats.

 

Malgré la préparation théorique extrêmement poussée réalisée avant l’offensive, ce récit rend bien compte que tout ne s’est pas passé comme prévu.

 

Témoignage de l’abbé Henry : de l’ouvrage III à la tranchée de Posdam

 

« Attaques à 5 h 30, précédées d’une préparation d’artillerie de 6 h 30. Cette nuit à 23 h 00, ça a commencé. Je dormais, j'ai continué de dormir puisque c'était la consigne.

 

Quelqu'un sert ! C'est la digne réplique du 15 juillet. Autant de bruit, mais cette fois ce sont les Boches qui prennent, chacun son tour ! Notes graves de la Lourde, notes sonores des 155, notes aiguës des 75, c'est à qui en mettra le plus.

 

P

 

À 5 h 00. Je n'y tiens plus ; un brin de toilette et me voilà prêt à partir. Je m'en vais, le docteur Rouquier étant moins pressé. Je le prévoyais, je n'ai pu gagner le boyau de l'Elbe qu'en faisant à droite un large détour. Je me trace à la hâte mon plan : premièrement, gagner l'ouvrage II, deuxièmement, chercher le P.S. et là me renseigner auprès des blessés sur la première phase de l'opération qui est en cours en ce moment.

 

 

 

À l'ouvrage II, plus personne. Pendant 1/4 d'heure, j'explore le terrain à droite du Tacot, personne ; je n'arrive même pas à retrouver le P.S..

 

Ah ! Voici un blessé : oh c’est peu grave ! Une plaie à la main. Je l'interroge, il ne sait rien ; il ne songe visiblement qu'à une chose, profiter de la bonne aubaine de sa blessure pour s'en aller à l'arrière le plus vite possible.

 

Donc, rien à faire ici ; il n'y a qu'à aller de l'avant ; le boyau du Rhône me sert de point de direction.

 

Bois du Togoland

 

Je regarde à droite et à gauche, personne ; pas de blessés dans le bois, pas de tués ; pas même trace de lutte ; ici on ne s'est pas battu ; le Boche s'attendait certainement à l'attaque et il a évacué toutes ses premières lignes.

 

Tranchée de Hambourg

 

 Rien ! Rien que des fils de fer qui sont bien gênants.

 

Trou Bricot, piste

 

Toujours pas de trace de lutte, mais enfin voici des sections qui vont de l'avant. Je les rejoins c'est le 1er bataillon qui suit le 3e, lequel suit de près le 2e. Échange rapide d’impressions : « Ça a l'air d'aller pas mal ! Il n'y a plus de Boches ! Ils ont foutu le camp. Pardi ! Ils s'attendaient à l'attaque ; ils ont voulu faire le coup du père Gouraud ! »

 

PC Grenay 

 

C’est la 2e poignée de main au capitaine Robinet, à Lepaux et à Cazain. Ils sont tous plein d'ardeur ! Saintot est en permission, le veinard ou le déveinard comme on voudra ! J'admire avec quel ordre la compagnie se déplace, les sections bien alignées.

 

Tacot 

 

Une compagnie du 21e. Que font-ils ici ? Ils accompagnent les chars d'assaut, préparent la voie, coupent les fils de fer. Il y a en effet des chars d'assaut ; mais ils ne doivent marcher que plus tard, ils soutiendront la 13e D.I.. Nous, nous devons nous en passer. Le terrain que nous devons conquérir est tellement bouleversé que les tanks ne pourraient en sortir.

 

Il me tarde de grimper au-dessus d'Elberfeld. De l’observatoire la vue porte loin en avant. Sur le plateau, voici quelques prisonniers, une demi-douzaine laissés au P.O.. Le capitaine Pougny les expédie à l'arrière. Un peu plus loin, en voici trois autres, dont un Feldwebel, observateur également.

 

Il s’arrête en face de moi, regarde ma soutane et non sans peine essaie de dire quelques mots. Il veut savoir si je suis prêtre. « Oui, aumônier – Ah ! moi, capucin ! – Vous êtes capucin et mobilisé ? – Oui, parce que pas encore prêtre ; étudiant, 4 semestres philosophie, 1 semestre théologie – Ah bien ! ». Et comme il me semble que c’est un devoir en ce moment de « faire mousser » le Français, je ne me retiens pas d’ajouter : « Moi, professeur de théologie ! ». Son regard devient admiratif et se nuance de respect ; l’effet voulu est produit. « Mon Dieu, pardonnez-moi cette parole, si je fus coupable de vanité ! »

 

Un peu de brouillard s’étend sur la plaine et la dérobe à la vue. Le brouillard va s’épaississant ; il devient une densité étrange, anormale, on ne voit plus à deux pas. « Qu’est-ce qui arrive ? C’est nous qui produisons cette fumée pour aveugler l’ennemi et masquer l’attaque de l’ennemi », me répond le capitaine Pougny. Pas mauvaise l’idée, mais on n’a pas marchandé la quantité. À mes pieds c’est une mer de nuages qui montent, se répandent, submergent tout.

 

C’est presque trop ! J’hésite à descendre seul dans le labyrinthe de tranchées qui constitue l’ouvrage Soury-Lavergne. Si je m’y égare, il me sera impossible d’en sortir. Je m’assois et j’attends. Voici le commandant Hassler et sa suite. Je me joins à eux. Carte en main, le commandant Hassler essaie de s’y reconnaître il y parvient, mais non sans peine, non sans avoir quelque peu tourné sur lui-même. Enfin, voici la route Souain-Tahure ; c’est ici que le 2e bataillon s’arrête ; déjà il est dépassé par le 3e bataillon.

 

Le 2e bataillon a atteint son objectif sans rencontrer la moindre résistance ; il n’a que 3 blessés et encore, non du fait de l’ennemi.  Le capitaine Chauffenne est radieux.

 

2e phase

 

Tranchée de Livet

 

La tâche sera moins facile au 3e bataillon. Il ne se fait pas d’illusion ; le commandant Fontaine me l’a dit hier : « C’est nous qui avons le gros morceau ! » Mon Dieu pourvu que cela marche bien !

 

Noir et blanc ! C’est le mot de la situation. Nous sommes tous passés au noir de fumée, le noir le dispute au blanc de la craie ; nous nous regardons et malgré le tragique de l’heure, nous ne pouvons nous empêcher de sourire.

 

Mais il n’y a pas de temps à perdre. Le commandant Hassler doit coller avec son bataillon au 3e qui est déjà devant nous, et, si j’en crois le tacata des mitrailleuses, est déjà aux prises avec l’ennemi.

 

Les compagnies du 1er guidées par leurs chefs, boussole et carte en main, se mettent chacune dans l’axe qui leur a été assigné. Sans y penser, je me retrouve avec la 2e compagnie. Robinet marche en tête suivant le boyau que je crois être « Albertini » ; deux hommes, fusil en main, marchent sur le parapet pour parer à toute surprise. J’admire le calme et la prévoyance du capitaine qui multiplie les recommandations dictées par une longue expérience. Ah ! Comme je comprends l’importance du chef et la confiance qu’il inspire à ses hommes !

 

Et le brouillard reste toujours aussi dense. « Avancez ! » crie le capitaine, « Il faut que nous soyons à l’heure si nous voulons coller au barrage ! ». Le 3e bataillon semble bien progresser. Est-il loin devant nous ?

 

Je n’ai pas eu le temps de poser la question que devant nous, nous trouvons la 9e compagnie avec le lieutenant Ferry. La 9e est arrêtée, elle se remet en marche, lentement, lentement !

 

Le capitaine Robinet trépigne d’impatience. « Avancez ! Qu’est-ce que vous attendez ? – Nous sommes compagnie de nettoyage, répond le lieutenant Ferry, il faut le temps d’explorer les abris ! » C’est en effet un travail nécessaire, si on ne peut pas laisser derrière soi des nids de mitrailleuses et s’exposer à des surprises meurtrières funestes. Mais le capitaine tient sa montre en main ; coûte que coûte, il faut avancer, si on ne veut pas être en retard sur l’horaire prévu et l’on avance dans le brouillard.

 

Où sommes-nous au juste ? Je ne m’en rends pas compte. Nous sommes montés, c’est sans doute la cote 193, puis redescendus. Nous devons être au fond de Jourroie et le mont Muret doit être à notre droite.

 

Une éclaircie, les nuages se dissipent. On peut s’orienter et jeter un coup d’œil autour de soi. Nous sommes à la tranchée de Charlottenburg. Le 3e bataillon avec ses 10e et 11e compagnies est à 600 m en avant. Les chasseurs sont à notre droite et le 158e R.I. à droite des chasseurs. Nous voici sur les pentes sud-ouest du mont Muret. Un moment d’arrêt ; j’essaie de me rendre compte de la situation.

 

Le baromètre d’une attaque, ce sont les prisonniers. « Les Fritz ? Voici des Fritz prisonniers ! » crie un soldat à côté de moi. « Sont-ils nombreux ? – oh, mais oui ! En voilà un tas ! »

 

Je regarde ; en face de nous, marchant à terrain découvert un premier groupe. Combien sont-ils ? Une soixantaine. Il est bientôt suivi de plusieurs autres groupes. Allons ! Ça va ! Je commence à prendre confiance. « Mon Dieu ! Merci ! Continuez de nous aider et de nous protéger ! ».

 

Un à-coup regrettable. Sur les pentes du mont Muret où les chasseurs semblent maîtres de la situation, des obus tombent dru, serrés, implacables. Je vois les chasseurs flotter, se sauver. Hélas ! Ce sont nos propres obus, des 155, qui sèment la mort et le désordre dans nos rangs.

 

De tous côtés, on réclame des fusées vertes pour signaler : « Allongez le tir ! » On a peine à en trouver. Et d’ailleurs, comment dans le brouillard non complètement dissipé seraient-elles vues ? Minute tragique. Il me semble que mon sang s’arrête dans mes veines !

 

Un lieutenant des malheureux chasseurs arrive sur nous en criant : « Lancez des fusées vertes ! De grâce, prévenez l’artillerie !… C’est malheureux ! Ils tirent sur nous. J’ai lancé toutes mes fusées ! Dire qu’il va falloir lâcher le mont Muret à cause de nos obus !… Nous tenons tout ce versant… à côté le 158e  est accroché, il trouve de la résistance !…». Heureusement, le cauchemar prend fin, notre tir s’est allongé.

 

À ce moment, je vois arriver Aubry, le sergent fourrier de la 10e, une main enveloppée dans un pansement : « Vous êtes blessés ? – oh moi ce n’est rien ! Mais il y a au moins une dizaine de types qui viennent d’être amochés par nos obus ! Il y a des tués et des blessés ! » Et de la main, il me montre en arrière des corps étendus. Un blessé s’agite, se traîne vers la tranchée, appelle au secours ; une équipe de brancardiers se porte en hâte dans sa direction. « Adieu, crie Aubry, je rejoins ma compagnie ! »

 

Moi aussi, je vais de l'avant ! Pendant cette histoire, le 1er bataillon s’est remis en marche ; déjà je l’ai perdu de vue. La 10e et la 11e ont atteint leurs objectifs.

 

Elles sont maintenant dans la tranchée de Berlin et dans celle de Postdam. ; Le tacata des mitrailleuses s’éteint peu à peu.

 

Les groupes de prisonniers continuent de passer, dirigés vers l’arrière. Je renonce à compter. Il y en a certainement plusieurs centaines. Déjà le commandant Fontaine et sa suite sont installés à Postdam où les abris sont nombreux.

 

Tranchées de Berlin et de Postdam

 

Le commandant est très satisfait, l’objectif a été atteint à la minute précise qui avait été prévue et assignée et le 1er bataillon a pu entrer à son tour en scène à l’instant voulu. Il est 11 h 00 environ.

 

3e phase

 

1er bataillon : son objectif est la Pince. Arrivé là, il doit pousser une reconnaissance jusqu’à la tranchée de Nassau et au cas où elle serait inoccupée, s’y établir ; sinon, il faudra revenir à la Pince.

 

Le 1er bataillon sera soutenu dans son mouvement par le 2e bataillon. Le 149e  a vraiment une lourde tâche. Pour ne pas manquer les blessés, je décide de rester ici à Postdam près du médecin du 3e bataillon.

 

L’opération de ce matin a été extrêmement brillante ; souhaitons que celle de ce soir ne le soit pas moins !

 

Pourtant, comme rien n’est parfait dans les choses humaines, dans ce brillant tableau de chasse de ce matin il y a une ombre. La  liaison avec le colonel n’a pas fonctionné, mais là, pas du tout !

 

À qui la faute ? Le commandant Fontaine très préoccupé de ce cornard regrettable a épuisé tous les moyens de communication ; par une malchance inouïe, aucun n’a abouti : les signaux lumineux n’ont pu percer le brouillard, les coureurs envoyés successivement se sont perdus et sont revenus sans avoir pu joindre le colonel. Chiens, pigeons ont été blessés en cours de route et n’ont point rempli leur office. La T.S.F. n’a donné aucun résultat. « La liaison a été nulle, déclare le commandant, non par la faute de l’avant, mais par la faute de l’arrière ».

 

Dans le plan d’attaque, il était prévu que le colonel se transporterait à 8 h 00 à l’ouvrage Soury-Lavergne. Ne recevant rien de l’avant, il a attendu dans une impatience que je devine et ce n’est qu’à midi qu’il a quitté l’ouvrage III pour se rendre au P.S. Soury-Lavergne, confondu à tort avec l’ouvrage Soury-Lavergne. Ce qui a encore retardé la liaison.

 

Les conséquences de ce défaut absolu de liaison, nous les voyons sous nos yeux. Le colonel non prévenu de la marche de l’attaque n’a pu renseigner la division ; l’artillerie au lieu d’allonger son tir, maintient son barrage devant le 1er bataillon et arrête net toute progression.

 

Tous ceux qui reviennent de l’avant en ont les larmes aux yeux et la rage dans le cœur : « Il n’y a plus rien devant nous ; les Boches foutent le camp, impossible de les poursuivre ! »

 

Le plus navrant c’est que ce retard permet à l’artillerie boche de s’en aller. On voit les attelages venir chercher les pièces et les enlever à notre barbe, sous la protection de notre propre artillerie qui s’interpose entre eux et nous !

 

Ah si notre barrage d’artillerie s’était allongé à temps ! Nos obus auraient pu démolir attelages et canons et nos fantassins seraient arrivés à point pour faire la cueillette de tout ce matériel.

 

Quand enfin, la liaison ayant été établie, le barrage s’est déplacé en avant, il était trop tard ; les canons boches étaient partis. Ils avaient eu le temps de se reporter en arrière et maintenant ils nous prouvent à leur manière qu’ils sont toujours là ! Et voilà à quoi tient le sort d’une bataille ! La plus belle occasion qui soit a été manquée ! La réaction boche a le temps de s’organiser.

 

Que se passe-t-il à droite et à gauche ? À gauche, l’attaque n’a pas dû progresser aussi vite qu’il aurait fallu ; la 167e Division a trouvé de la résistance. Nous le voyons à la fumée des obus ; nous l’entendons au tacata des mitrailleuses.

 

À droite, l’avance ne semble pas au point. Nous avons l’impression que la division est très en flèche. Nous attendons, non sans anxiété, les décisions du haut commandement. Derrière nous, la 13e attend l’ordre de se porter en avant ; l’ordre ne vient pas. Le capitaine Bourgeois du 21e R.I. se tient près de nous pour établir la liaison. Il y a du flottement dans l’air. Le plan primitif ne se poursuit pas intégralement. Il y a quelque chose qui n’a pas dû coller ! À cette heure, la 167e D.I.devrait être à Somme Py ; elle en semble loin encore.

 

Les tanks ne sont pas encore entrés en scène. Ils se réservent sans doute. Nous n’avons vu encore que le capitaine commandant la compagnie qui vient se documenter sur place.

 

Cependant, on annonce que le 1er bataillon soutenu par le 2e a pris la marche en avant dès que le tir de notre artillerie le lui a permis. Ils se sont emparés de la tranchée de Gratreuil. Ils avancent sur la ligne de chemin de fer. Ils ont même poussé au-delà, jusqu’à la Pince. Leur objectif serait atteint, mais à quel prix ?

 

On dit que le lieutenant Cadoux serait blessé, mais légèrement. Le capitaine Kolb de la 6e est blessé également. Voici qu’on l’apporte tout sanglant sur un brancard. Une balle lui a traversé le cou. Il a l’air d’un moribond et gémit faiblement. Mon Dieu ! Pourvu que la blessure ne soit pas mortelle ! Le capitaine Kolb est une des figures les plus sympathiques du régiment. Parti d’en bas, il s’est élevé au grade de capitaine par son seul mérite !

 

Les avions boches ! Ils sont une cinquantaine au moins à nous survoler, lentement, posément. J’en conclus qu’en face ce n’est pas la pagaille comme on aurait pu supposer. Cette reconnaissance est un prélude, les Boches vont réagir. Bientôt leur artillerie donne de la voix ; tout à l’heure ils se taisaient, faisant leurs déplacements ; les voici qui se sont remis en position et qui réagissent vivement.

 

Il fallait s’y attendre ! Les Boches ont, je crois, contre-attaqué avec une division fraîche. Nos troupes avancées sur la Pince ont dû revenir à la ligne de chemin de fer et même à la tranchée de Gratreuil. C’est là qu’ils tiennent.

 

Il est environ 16 h 00. À ce moment arrive un papier, un ordre. Ô ironie du sort ! C’est au moment où une division boche toute fraîche, une division de la garde prussienne (la 3e) est signalée et nous menace d’une contre-attaque, qu’un papier arrive, signé du général, pour dire ceci ou à peu près : « L’ennemi est en fuite devant nous, il n’y a plus personne ! Que tout le monde se lance en avant ! » Pardi ! La division retarde de 4 h 00 sur les événements ! Ceci était vrai (peut-être ?) à midi, mais est complètement faux à 16 h 00 !

 

Défaut de liaison, renseignements erronés, données fausses ! Nous commençons avec cela à faire des sottises !

 

Quelles troupes avons-nous exactement en face de nous ?

 

Ce matin nous avons trouvé en ligne et à peu près anéantie une division Ersatz Bavaroise comprenant le 1er, le 13e, le 15e régiment, plus le 1er régiment d’artillerie de campagne. Cette division, en somme, s’est fort mal défendue et s’est montrée, heureusement pour nous, fort médiocre. Aux dires des prisonniers, cette division venait de Russie. Peu habituée à la guerre terrible de ce front, elle s’est affolée.

 

Quelques prisonniers arrivent qui nous permettent d’identifier la division qui vient de nous contre-attaquer sur la ligne de chemin de fer. C’est la 3e division de la garde prussienne qui comprend trois régiments : Le 9e Grenadiers (KolbachStasdts Rég.) – le Lehr Rég et le Leib Rég.

 

Ce matin, cette division était ce matin au repos à Semide. Elle venait déjà de se battre. Son effectif assez réduit n’était guère que de 60 hommes par compagnie.

 

Il y a également de la 15e division allemande, on en a identifié un, le 31e.

 

Assurément quand on voit défiler ces unités diverses, on trouve un peu amer d’entendre dire qu’il n’y a personne devant nous.

 

P.C. du colonel

 

Ayant quitté l’ouvrage III à midi, le colonel a transporté son P.C. à Soury-Lavergne. Là, il ne fait que passer. À 18 h 00, il est à quelques pas de nous à la tranchée de Berlin, où il va passer la nuit, attendant les évènements.

 

D’après ce que je vois, c’est nous, nous toujours qui restons en ligne ; c’est nous qui poussons de l’avant. La 13e D.I. reste en arrière. Nous aimerions bien cependant lui céder la place d’honneur. Mais non ! On fait rendre à chaque division son maximum au risque de les user jusqu’à la corde.

 

Quelques renseignements sur les évènements de la soirée. À l’activité de l’aviation et de l’artillerie boches, j’avais cru à une contre-attaque boche, laquelle nous avait contraints à reculer. Il paraît que ce n’est pas tout à fait cela !

 

Trompé par un rapport inexact des chasseurs rendant compte qu’ils étaient à la Pince – ce qui était faux puisqu’ils n’avaient pas encore traversé la voie ferrée – le commandement ordonne au 149e d’aller de l’avant.

 

Ceux qui étaient à l’arrière pouvaient s’y tromper ; les nôtres qui voyaient les Boches à droite, qui surtout recevaient de flanc leurs balles de mitrailleuses, ne pouvaient se faire aucune illusion.

 

Par trois fois, le capitaine Robinet rend compte de la situation ; par trois fois, on lui répond qu’il voit mal, que les balles et les mitrailleuses qu’il signale n’existent que dans son imagination et qu’il doit avancer.

 

Quelle humiliation pour un chef de voir sa parole mise en doute – et quelle angoisse d’être obligé de conduire des troupes à un désastre certain ! L’ordre est l’ordre ; il faut marcher et l’on marche jusqu’à la Pince. De droite, de gauche, les mitrailleuses boches prennent la petite troupe d’enfilade ; c’est la mort certaine et pour tous si on persiste dans cette manœuvre. Le plus sage est de revenir à l’alignement et d’attendre. C’est ce que l’on fit !

 

Lepaux est tué ! Tué aujourd’hui à midi, en traversant la voie ferrée ! Première mauvaise nouvelle qui m’accable ! Pauvre enfant, si fier de ses nouveaux galons de sous-lieutenant conquis de haute lutte ! Je vois les siens dont il était l’orgueil, apprenant cette nouvelle. Pauvres parents ! Il a été tué précisément par une de ces mitrailleuses qui prenait de flanc à gauche sa compagnie. Il venait de descendre deux Boches à coups de fusil, en disant : « En voilà deux qui ne feront plus de mal ! » quand il reçut lui-même une balle en plein front et s’écroula comme une masse ! Non ! Non ! Les chasseurs n’étaient pas à la Pince ! Hélas !

 

À chacun son dû ! Le colonel ayant dit ce qu’il avait à dire au sujet des liaisons défectueuses a rendu hommage aux troupes qui ont mené l’assaut. Il envoie ses félicitations les plus vives et exprime à ses soldats toute sa satisfaction. Jamais félicitations ne furent plus méritées.

 

La journée s’achève dans un calme relatif. Chacun a pris position pour la nuit et demain la bataille recommencera. Dans l’abri, PC du commandant Fontaine, nous nous entassons au petit bonheur.

 

À côté de nous, la 9e et le 3e C.M. ont trouvé des abris. La 9e, paraît-il, est installée dans les locaux d’une coopérative boche où il reste quelques petites choses, en particulier de la bière excellente. Dans la journée, on a cueilli quelques canons, quatre chevaux, des crapouillots, des mitrailleuses en quantité. J’ai même aperçu une bicyclette qui paraissait en bon état.

 

Pendant la nuit, les avions prennent possession du ciel ; projecteurs boches et français ; ils ne se trahissent pas comme les nôtres ; ils envoient dans le ciel une surface lumineuse qui semble sans attache avec le sol. »

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Deux des morceaux de cartes utilisées sont extraits de l’article « Tactique appliquée d’infanterie » rédigé par Ulysse Fontaine publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921, l’autre provient du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Le dessin est tiré de l'ouvrage allemand Reichsarchiv band 35.

 

 Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, et à J.L. Poisot.

8 janvier 2021

26 septembre 1918

Mitrailleurs du 149e R

 

Une vaste offensive impliquant la IVe armée est sur le point d’être lancée. Un bombardement d’une violence inouïe commence la veille à 23 h 00. Le ciel est illuminé durant toute la nuit. Les canons français de tous calibres tonnent sans interruption. L’artillerie allemande est peu réactive. 

 

 

Les trois bataillons du 149e R.I. occupent leurs positions d’attaque au nord-ouest de Perthes-lès-Hurlus. L’heure du lancement de l’assaut est prévue pour 5 h 25. Les hommes, lourdement chargés, sont prêts à bondir hors de la tranchée avec leurs deux jours de vivres dans les musettes.

 

Carte 1 journée du 26 septembre 1918

 

1ère phase d’attaque

 

Le 2e bataillon du 149e R.I, qui débute la 1ère phase de l’offensive, s’élance à l’heure prévue.

 

Les 3 compagnies commandées par le capitaine Chauffenne se collent au barrage d’artillerie. La synchronisation entre les batteries françaises et l’avancée des troupes a été minutieusement préparée, mais il faut rester extrêmement prudent sous peine d’être broyé par les obus français. La progression de ce bataillon se déroule sans anicroche.

 

Au même moment, le 3e bataillon, sous les ordres du commandant Fontaine, quitte sa position de 2e ligne. Il suit le bataillon de tête à 400 m de distance.

 

Le 1er bataillon, sous l’autorité du commandant Hassler, avance derrière le bataillon Fontaine en serrant à 500 m.

 

Le bataillon du 170e R.I. et les chasseurs qui encadrent le 2e bataillon du 149e R.I. progressent en respectant l’horaire, sans rencontrer de véritable résistance.

 

Le bataillon Chauffenne dépasse le trépied Signal à 6 h 38. Il arrive au carrefour Elberfeld-Soury-Lavergne à 7 h 00.

 

Le bataillon Fontaine avance trop vite. Il est obligé de stopper sa marche quelques instants au trépied Signal pour se recaler avec le 2e bataillon.

 

Les compagnies évoluent à l’intérieur des boyaux pour mieux se protéger dans leur marche en avant. Elles se couvrent fortement sur les flancs. La réaction des artilleurs allemands reste faible. 

 

L’infanterie ennemie offre peu d’opposition. Les quelques îlots de résistance rencontrés cèdent facilement sous la pression française.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. ne ralentit pas sa progression. Chaque prisonnier capturé est dirigé vers l’arrière. Les 5e, 6e et 7e compagnies atteignent leurs objectifs à 7 h 25. Les pertes sont très légères.

 

Les 3e et 1er bataillons se mettent rapidement en place, prêts à faire leur passage de ligne.

 

Le 2e bataillon stoppe sa marche. Il s’établit sur la position conquise en attendant d’être à la bonne distance pour reprendre le mouvement.

 

Carte 2 journee du 26 septembre 1918

 

2e phase d’attaque

 

C’est au tour du 3e bataillon de prendre le relais. Ses compagnies doivent s’emparer de la tranchée Postdam et de la tranchée Berlin. Pour mener à bien sa tâche, le commandant Fontaine reçoit la 5e compagnie en complément.

 

La 11e compagnie occupe l’ouest du secteur imparti au régiment spinalien. La 10compagnie se tient à l’est et la 9e est placée en soutien.

 

Les compagnies de tête sont constituées en quatre vagues. Chaque section forme deux vagues. La première vague prend une formation en tirailleurs. Les suivantes se placent en colonne d’escouade ou de demi-section par un. Les compagnies de soutien sont en colonne de demi-section par un.

 

Les sections de mitrailleuses se placent en colonne par pièce. Celles qui ont été affectées aux compagnies de tête marchent à hauteur des sections de soutien et sur leurs flancs.

 

La section de mitrailleuses sous les ordres de la 9e compagnie est avec le peloton de tête. La section de mitrailleuses rattachée à la 5e compagnie est avec le peloton de queue.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. reprend l’offensive à 8 h 10. 

 

La liaison à vue entre les compagnies et avec l’avion de la division ne peut pas se faire en raison de la fumée opaque dégagée par les obus ; cette fumée masque l’avancée des troupes. La progression des unités de tête est simplement devinée au bruit et à la direction des coups de feu. Les responsables de compagnies marchent à la boussole en suivant les boyaux indiqués sur le plan directeur.

 

La 5e compagnie (moins une section)  suit la 11e. La 9e compagnie (moins une section) suit la 10e.  Elles se tiennent prêtes à intervenir sur les flancs en cas de résistance ennemie.

 

Carte 3 journée du 26 septembre 1918

 

Le groupe du commandant Fontaine (dont la composition est inconnue) doit se faire couvrir par une patrouille prélevée dans les éléments de sa liaison. La réaction allemande commence à se faire véritablement sentir. Leurs mitrailleuses crépitent de tous côtés.

 

Les hommes avancent toujours à l’aveugle. Il n’y a aucune précision concernant la progression des unités de 1ère vague du bataillon.

 

Des groupes de prisonniers affluent : quelques-uns emportent sur les épaules les mitrailleuses réduites au silence. C’est plutôt bon signe, l’arrivée de tous ces prisonniers est annonciatrice de la bonne marche de l’attaque.

 

L’avancée continue malgré les nombreuses poches de résistance rencontrées. Le groupe du commandant Fontaine arrive à la cote 193 où la compagnie de première ligne de gauche à fait de la très bonne besogne. Plusieurs fortins garnis de mitrailleuses viennent d’être enlevés. La plupart des défenseurs ennemis ont été tués sur leurs pièces.

 

Deux sections de la 9e compagnie, sous les ordres d’un officier, attaquent en direction nord-est les tranchées de Nausicaa et de Pologne pendant que les 10e et 11e compagnies marchent sur leurs objectifs.

 

Ces sections poussent jusqu’au bois du Coucou où elles entrent en liaison avec deux sections du 1er B.C.P.. Elles ont pour mission d’attaquer ces mêmes tranchées de front.

 

Cette manœuvre, énergiquement conduite, facilite la tâche des unités de droite qui enlèvent le mont Muret.

 

Les compagnies arrivent sur leurs objectifs. La visibilité s’améliore, la fumée ne mettant plus son voile épais sur le terrain conquis.

 

Les compagnies du bataillon Fontaine font de nombreux prisonniers. Elles capturent également un important matériel, quelques chevaux, des chiens de liaison que l’ennemi, bousculé, a laissés sur place.

 

photographies extraites de l'historique du 149e R

 

Toutes les compagnies du bataillon Fontaine sont en place sur leur objectif à 10 h 00 : les 10e et 11e compagnies occupent la tranchée de Berlin.

 

Elles poussent des éléments légers jusqu’à la voie 0 m, 60. La 9e compagnie est en soutien à la tranchée de Postdam. Ces compagnies commencent l’organisation de la position, tandis que des batteries allemandes s’enfuient à toute allure.

 

Le barrage d’artillerie français se fixe devant la ligne d’arrêt. À la vue de l’ennemi en fuite, le désir de poursuivre est grand, mais il faut s’arrêter. C’est au 1er bataillon de finaliser l’attaque.

 

Le bataillon Fontaine reprendra le mouvement dès qu’il en aura reçu l’ordre.

 

Tous les moyens de liaison sont employés pour informer que l’objectif est atteint. Le poste de commandement du bataillon est indiqué par panneau à l’avion de la division. Mais les moyens de liaison ne fonctionnent pas assez rapidement. La liaison téléphonique est inexistante.

 

Les équipes des bataillons Chauffenne et Fontaine ne se sont pas rencontrées au passage de ligne. La télégraphie par le son ne reçoit pas de réponse à ses appels. Un chien part avec un message, mais il revient après quelques minutes, blessé, sans avoir pu le porter. Un pigeon est lâché, mais le temps de transmission du message du pigeonnier au commandement est vraiment trop long. Bref, tout est tenté, mais la communication reste vaine.

 

Le poste de commandement du commandant Fontaine se transporte à la tranchée de Berlin, après que son bataillon ait été dépassé par le 1er bataillon.

 

Les nettoyeurs de tranchées du 2e bataillon.

 

cote 193

 

Une demi-section de la 9e compagnie est chargée de nettoyer la tranchée Soury-Lavergne, le boyau Albertini, les tranchées Lafargue, Gallerand et la tranchée à 200 mètres nord de Gallerand.

 

Elle reprend sa marche derrière la 10e compagnie, avant de s’occuper du boyau passant par l’observatoire à 100 mètres au nord de Charlottenburg.

 

Une autre demi-section de la 9e compagnie, avec la même mission, s’occupe des tranchées de Pologne, de Nausicaa, de Charlottenburg et des boyaux réunissant ces deux tranchées.

 

Une demi-section de la 5e compagnie nettoie le point 1826, les boyaux Boyer et Batailler, la tranchée Lafargue entre Soury-Lavergne et 50 mètres ouest du boyau Batailler, fortin B et l’îlot, tranchée Gallerand.

 

Une 2e demi-section de la 5e compagnie élimine les Allemands qui résistent dans les tranchées de Pologne et de Nausicaa et les points 1735-1737.

 

Une 3e demi-section de la 5e compagnie s’occupe du boyau de Flensburg, de la bifurcation Flensburg-Steilhung-Weg, de l’observatoire au nord de cette bifurcation, de la tranchée de Charlottenburg et de son doublement au sud.

 

3e phase de l’attaque

 

Le 1er bataillon arrive à proximité de la Neù-Koln-Stellung à 10 h 28 (les tranchées de Postdam et de Berlin sont occupées par le bataillon Fontaine). 

 

Le tir d’artillerie français est assez allongé pour que le chef de bataillon puisse se porter jusqu’à la croupe de la batterie 1851, au nord de la clairière du Talon, pour étudier le terrain d’attaque. Le capitaine adjudant-major Pougny l’accompagne.

 

Le terrain se présente sous forme de larges ondulations. Il est très découvert sur la gauche, devant le 170e R.I.. Sa surveillance n’en sera que plus facile.

 

La situation est plus compliquée sur la droite. De nombreux bois, boqueteaux, haies apparaissent clairement dans les jumelles des officiers.

 

La zone dans laquelle le bataillon va devoir marcher est une suite de larges ondulations coupées par la tranchée de Gratreuil et par la voie ferrée Somme-Py-Manre qui reste invisible à l’observation. Le commandant Hassler aperçoit nettement la croupe de la Pince.

 

Au cours de cette étude, les officiers reçoivent des balles de tous côtés. Quelques obus de 77 tombent tout près. Au même moment, l’artillerie française fait barrage sur la croupe 1851. Les deux hommes sont obligés de revenir précipitamment vers l’arrière.

 

Le barrage prend de la densité au nord de la voie ferrée de 0,60 m. Il empêche le bataillon de faire sa progression. L’horaire semble avoir été modifié. Le commandant Hassler cherche à provoquer des ordres.

 

À midi arrive le message suivant : « En raison des résistances éprouvées dans la progression, le barrage sera arrêté jusqu’à nouvel ordre devant le front du 158e R.I., sur le prolongement vers l’est de la tranchée de la Vistule ; devant les bataillons de chasseurs à pied et le 149e R.I., sur la ligne d’arrêt B, c’est-à-dire au nord de la Neù-Köln-Stellung. »

 

Cet ordre fut, dans un premier temps, apporté par un officier d’artillerie au lieutenant-colonel Vivier ; puis il fut remis à l’agent qui fait la liaison entre le responsable du régiment et le chef de bataillon Hassler. Cet homme est grièvement blessé en accomplissant cette mission.

 

Le lieutenant-colonel Vivier fait parvenir un nouvel ordre au commandant Hassler. Celui-ci arrive à 13 h 07.

 

« Le passage de ligne du bataillon aura lieu à 13 h 00. Le barrage roulant reprendra sa marche à l’allure qui avait été prévue. »

 

L’ordre est immédiatement transmis aux compagnies. Le bataillon part avec un retard de dix minutes sur l’horaire. Dès le début, de nombreuses résistances allemandes arrêtent l’avancée des compagnies. Très rapidement, ces résistances sont réduites une à une, par fixation, par infiltration ou par débordement.

 

Vers 14 h 30, le bois de la Fouine et la tranchée du chemin de Gratreuil sont nettoyés et conquis. La progression reprend vers la voie ferrée qui est atteinte, puis dépassée. La croupe de la Pince est occupée, mais les unités qui y ont pris pied doivent presque aussitôt se replier derrière le talus de la voie ferrée. Des mitrailleuses ennemies se relèvent de tous côtés et tirent sur la droite, sur la gauche et à revers. Une pièce de 77 fait feu de ses obus dans le dos du bataillon depuis le sud-est de Somme-Py.

 

La courbe de la voie ferrée, ainsi que les remblais difficiles d’accès, annoncent les futures difficultés qui seront rencontrées lorsqu’il faudra avancer dans cette zone de terrain et sur les pentes sud de la Pince qui sont complètement dénudées.

 

La voie ferrée paraît assez sérieusement occupée par les Allemands devant le front du bataillon à droite. Les compagnies du commandant Hassler subissent des pertes sensibles dues aux mitrailleuses ennemies qui les arrosent du nord au sud de la voie ferrée. Le chef de bataillon donne alors l’ordre de s’installer dans la tranchée de Gratreuil.

 

Vers 15 h 00, le chef de bataillon reçoit l’ordre suivant du lieutenant-colonel Vivier :

 

« L’ennemi paraît en retraite sur tout le front de la D.I., au nord du bois du Bouc. La D.I. va continuer sa progression, couverte à droite par le 158e R.I., en échelon dans la tranchée du Kronprinz, et par la 13e D.I., échelonnée en profondeur.

 

Le 1er bataillon du 149e R.I. poursuivra sa progression et s’emparera le plus tôt possible de la tranchée de Nassau, qui ne paraît pas occupée. Il poussera ensuite des éléments d’avant-postes en direction d’Orfeuil.

 

Le 1er bataillon sera suivi du 2e bataillon, puis du 3e bataillon échelonné en arrière. Le 1er bataillon établira sa liaison à droite avec le 31e B.C.P., à gauche avec le 170e R.I..

 

Le mouvement de la D.I. sera couvert par un escadron de cavalerie qui débouchera au nord du bois du Bouc quand l’infanterie s’en sera emparée.

 

Pour permettre l’appui de l’artillerie, les premières lignes du 1er bataillon se retireront immédiatement à 300 mètres au sud de la voie ferrée. À 18 h 00, l’artillerie sera établie en barrage roulant à l’allure de 100 mètres en quatre minutes. »

 

Au reçu de cet ordre, le bataillon se prépare à reprendre le combat. Toutes les dispositions sont prises pour l’attaque. À 18 h 00, quelques coups de canon sont tirés, puis plus rien.

 

L’artillerie française fait silence. Finalement, l’ordre est donné aux compagnies du bataillon Hassler de s’organiser pour la nuit dans la tranchée de Gratreuil. Le chef de bataillon recherche la liaison avec les bataillons voisins de droite et de gauche.

 

Les chars

 

Chars du 501e R

 

Les chars de la compagnie 307 du 501e R.A.S. qui ont reçu l’ordre de soutenir le 149e R.I. ne seront pas engagés durant cette journée. Ils se sont contentés de suivre le régiment de manière assez éloigné, en se frayant un chemin au travers d’un terrain très accidenté. Une bande de 5 km couverte de fils de fer, de tranchées et de trous d’obus,a ralenti la progression des chars.

 

Fin de l’avancée du 149e R.I. pour la journée du 26 septembre 1918

 

 

En fin d’après-midi, la situation du 149e R.I. est la suivante :

 

Le 1er Bataillon remplit la tranchée de Gratreuil.

 

Le 2e bataillon est installé dans le bois de la Fouine. Deux de ses compagnies sont organisées en crochet défensif, une à droite et une à gauche. Sa troisième compagnie est placée face au nord-ouest, dans une bretelle formée par le boyau chemin de Gratreuil – batterie 1551 en passant par les deux cimetières.

 

Le 3e bataillon est positionné sur la voie de 0, 60 m et dans la tranchée de Berlin avec deux de ses compagnies. Sa dernière compagnie est dans la tranchée de Postdam.

 

Le lieutenant-colonel Vivier a établi son P.C. dans la tranchée de Postdam.

 

Cette première journée a permis au régiment de capturer un nombre conséquent de prisonniers et une grande quantité de matériel. Le 149e R.I. a réalisé une avancée de 6 km dans une région formidablement fortifiée et défendue. Les objectifs fixés ont pratiquement été atteints.

 

                                         Tableau des tués pour la journée du 26 septembre 1918

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 334/14.

 

Historique du 501e Régiment d’Artillerie d’Assaut consulté sur le site « chars-français. Net ».

 

Historique du 149e R.I. (version avec photographies). Imprimerie Klein. Épinal.1919.

 

« Tactique appliquée d’infanterie » article écrit par Ulysse Fontaine publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

 

« Exemple d’emploi des chars dans la guerre 1914-1918 (volume III) - offensive de la IVe armée en Champagne - 26 septembre 1918 ». Centre d’études des chars de combat. Éditions Versailles. 1922.

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le dessin représentant une mitrailleuse et ses serveurs du 149R.I. a été réalisé par I. Holgado.

 

Les deux clichés sur se trouvent sur le montage sont extraits de l’historique du 149e R.I..

 

La photographie représentant les chars provient du fonds Rémy consultable aux archives départementales des Vosges. Cote 141 J n° 93.

 

Concernant les cartes, elles ont toutes été réalisées à partir de plusieurs plans. Aucune échelle n’est indiquée sur ces plans. Ces cartes n’ont donc qu’une valeur indicative.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J. Huret, à J.L. Poisot, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

8 janvier 2021

Camille Édouard Charles Lepaux (1898-1918)

Camille Lepaux

 

Angèle Rosalie Augustine Langlois est âgée de 23 ans lorsqu’elle met au monde son fils Camille Édouard Charles Lepaux le 16 avril 1898. Elle vit à Chaumont avec son époux, mais elle accouche à Cherbourg.

 

La naissance a lieu dans la nuit. Il n’y a ni médecin, ni sage-femme pour assister la parturiente. L’acte d’état civil de Camille Édouard Charles Lepaux indique simplement qu’Émile Seuret, laitier de son état, assiste à cet évènement.

 

Angèle Rosalie Augustine est probablement allée rendre visite à des membres de sa famille. Alphonse Lefeire, écrivain de marine, est allé signer, en tant que témoin, la déclaration de naissance à la mairie ; il est un cousin du nouveau-né.

 

Le père, Camille Raymond, alors âgé de 24 ans, travaille comme ajusteur mécanicien à la compagnie de chemin de fer de l’Est. Le 16 avril 1898, il est à Chaumont.

 

En 1901, les Lepaux vivent au n° 3 de la rue de la Carrière Roullot. L’année suivante, Angèle donne naissance à une petite fille.

 

 

Une fois sa scolarité primaire achevée, Camille a la possibilité de faire des études supérieures. Il est élève au lycée Saint-Saëns.

 

Camille Lepaux est âgé de 16 ans lorsque le 1er conflit mondial du XXe siècle démarre en août 1914. À cette période de sa vie, il est bien loin de s’imaginer qu’il portera un uniforme d’officier quatre ans plus tard.

 

Le jeune homme est rattrapé par les obligations militaires en 1917. Il est déclaré « bon pour le service armé » par la médecine militaire lorsqu’il se présente devant le conseil de révision. Classé dans la 7e partie de la liste, il a la possibilité de poursuivre ses études encore quelque temps.  

 

Sa fiche signalétique et de service indique un degré d’instruction de niveau 5, ce qui veut dire qu’il a obtenu son baccalauréat.

 

Incorporé le 17 avril 1917 avec la classe 18, Camille Lepaux arrive au dépôt du 149e R.I. le lendemain. Sa formation est brève et intense. Il est nommé caporal le 21 décembre puis sergent le 21 janvier 1918. Son niveau d’études élevé lui permet de devenir aspirant dès le 21 février.

 

Au bout d'un an, une fois ses apprentissages militaires achevés et après avoir suivi une instruction de futur officier, il est envoyé dans la zone des armées le 29 avril 1918.

 

La date de son arrivée au sein de la 2e compagnie du 149e R.I. n’est pas connue. Nous savons simplement qu’il commande une de ses sections, sous les ordres directs du capitaine Robinet, lorsque les Allemands lancent leur offensive du 15 juillet dans le secteur du trou Bricot, en Champagne.

 

Camille gagne sa 1ère citation qui lui permet de porter la croix de guerre au cours de ces évènements. L’aspirant Lepaux est un homme courageux. Il obtient une seconde citation le 16 août.

 

Début septembre, le 149e R.I. est au repos dans la région de Vitry-la-Ville.

 

Le 20 septembre 1918, les 3 bataillons du lieutenant-colonel Vivier vont cantonner au camp du Tremblay, au sud-est de Somme-Suippe. Le 24, ils sont de nouveau dans le secteur du trou Bricot, s’apprêtant à participer à une nouvelle attaque.

 

L’aspirant Lepaux a été nommé sous-lieutenant. La date exacte de cette promotion n’est pas mentionnée sur sa fiche matricule. Elle ne figure pas non plus dans son dossier individuel archivé au S.H.D. de Vincennes.

 

Le 26 septembre 1918, le régiment spinalien repart à l’offensive au nord-ouest de Perthe-lès-Hurlus. Ce jour-là, le sous-lieutenant Camille Lepaux est tué par une balle de mitrailleuse près de la voie de chemin de fer de Somme-Py.

 

Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

L’aumônier Henry évoque la mort de cet officier dans un de ses carnets. Voici ce qu’il écrit :

 

« Lepaux est tué ! Tué aujourd’hui à midi, en traversant la voie ferrée ! Première mauvaise nouvelle qui m’accable ! Pauvre enfant, si fier de ses nouveaux galons de sous-lieutenant conquis de haute lutte ! Je vois les siens dont il était l’orgueil, apprenant cette nouvelle. Pauvres parents ! Il a été tué précisément par une de ces mitrailleuses qui prenait de flanc à gauche sa compagnie. Il venait de descendre deux Boches à coups de fusil, en disant : « En voilà deux qui ne feront plus de mal ! » quand il reçut lui-même une balle en plein front et s’écroula comme une masse ! »

 

Le carnet de champ de bataille établi par le G.D.B. 43 indique que le sous-lieutenant Lépaux a été inhumé au cimetière militaire de Somme-Suippe,dans une tombe qui portait le numéro 1860.

 

Camille Lepaux a obtenu les décorations suivantes :

 

Croix de guerre avec une palme et deux étoiles de vermeil

 

Citation à l’ordre du C.A. n° 217 en date du 25 juillet 1918 :

 

« Jeune aspirant d’un courage et d’un sang-froid à toute épreuve. Chef de section énergique donnant à ses hommes le plus bel exemple de bravoure et de mépris du danger, les 15 et 16 juillet, a arrêté toutes les tentatives de l’ennemi pour enlever un P.C. avancé dont il avait le commandement. A infligé de lourdes pertes à l’assaillant. »

 

Citation à l’ordre du C.A. n° 219 en date du 21 août 1918 :

 

« Jeune aspirant de la classe 1918, d’une bravoure et d’un allant magnifiques. Le 16 août 1918 a entraîné d’une façon splendide son groupe à l’attaque d’un poste ennemi où il est arrivé le premier, galvanisant ses hommes par son exemple. »

 

Citation à l’ordre de l’Armée n° 1551 en date du 24 décembre 1918 :

 

« Jeune officier animé du plus grand esprit de sacrifice, maintes fois volontaire pour des missions périlleuses. Le 26 septembre 1918, est tombé glorieusement à la tête de sa section qu’il entraînait à l’assaut d’un nid de résistance fortement défendu ».

 

Le sous-lieutenant Lepaux a été fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. Il a été inscrit au tableau spécial publié dans le J.O. du 25 janvier 1920 avec le même intitulé que sa dernière citation à l’ordre de l’armée.

 

Monument aux morts de Chaumont

 

Le nom de cet homme est gravé sur le monument aux morts de la ville de Chaumont.

 

Il n’existe pas de sépulture militaire individuelle qui porte son identité. Son corps fut probablement rendu à la famille dans les années 1920.

 

Camille Lepaux est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Son dossier individuel, archivé au S.H.D. de Vincennes, est peu fourni. Il ne comprend que des pièces d’état civil et quelques documents relatifs à son décès. Le fait d’avoir été nommé sous-lieutenant peu de temps avant sa mort, à l’âge de 20 ans, justifie la minceur de ce dossier. 

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Fiche signalétique et des services du sous-lieutenant Lepaux visionnée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

La photographie du monument aux morts de Chaumont a été réalisée par J.N. Deprez

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.N. Deprez, à M. Porcher, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Marne.

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