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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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1 janvier 2021

26 septembre 1918.

Mitrailleurs du 149e R

Une vaste offensive impliquant la IVe armée est sur le point d’être lancée. Un bombardement d’une violence inouïe commence la veille à 23 h 00. Le ciel est illuminé durant toute la nuit. Les canons français de tous calibres tonnent sans interruption. L’artillerie allemande est peu réactive. 

Encadrement du 149e R

Encadrement de compagnies de mitrailleuses

 Encadrement compagnies non identifiees

Les trois bataillons du 149e R.I. occupent leurs positions d’attaque au nord-ouest de Perthes-lès-Hurlus. L’heure du lancement de l’assaut est prévue pour 5 h 25. Les hommes, lourdement chargés, sont prêts à bondir hors de la tranchée avec leurs deux jours de vivres dans les musettes.

Carte 1 journée du 26 septembre 1918

Legende carte 1 journée du 26 septembre 1918

1ère phase d’attaque

Le 2e bataillon du 149e R.I, qui débute la 1ère phase de l’offensive, s’élance à l’heure prévue.

Les 3 compagnies commandées par le capitaine Chauffenne se collent au barrage d’artillerie. La synchronisation entre les batteries françaises et l’avancée des troupes a été minutieusement préparée, mais il faut rester extrêmement prudent sous peine d’être broyé par les obus français. La progression de ce bataillon se déroule sans anicroche.

Au même moment, le 3e bataillon, sous les ordres du commandant Fontaine, quitte sa position de 2e ligne. Il suit le bataillon de tête à 400 m de distance.

Le 1er bataillon, sous l’autorité du commandant Hassler, avance derrière le bataillon Fontaine en serrant à 500 m.

Le bataillon du 170e R.I. et les chasseurs qui encadrent le 2e bataillon du 149e R.I. progressent en respectant l’horaire, sans rencontrer de véritable résistance.

Le bataillon Chauffenne dépasse le trépied Signal à 6 h 38. Il arrive au carrefour Elberfeld-Soury-Lavergne à 7 h 00.

Le bataillon Fontaine avance trop vite. Il est obligé de stopper sa marche quelques instants au trépied Signal pour se recaler avec le 2e bataillon.

Les compagnies évoluent à l’intérieur des boyaux pour mieux se protéger dans leur marche en avant. Elles se couvrent fortement sur les flancs. La réaction des artilleurs allemands reste faible. 

L’infanterie ennemie offre peu d’opposition. Les quelques îlots de résistance rencontrés cèdent facilement sous la pression française.

Le 2e bataillon du 149e R.I. ne ralentit pas sa progression. Chaque prisonnier capturé est dirigé vers l’arrière. Les 5e, 6e et 7e compagnies atteignent leurs objectifs à 7 h 25. Les pertes sont très légères.

Les 3e et 1er bataillons se mettent rapidement en place, prêts à faire leur passage de ligne.

Le 2e bataillon stoppe sa marche. Il s’établit sur la position conquise en attendant d’être à la bonne distance pour reprendre le mouvement.

Carte 2 journee du 26 septembre 1918

Legende carte 2 journee du 26 septembre 1918

2e phase d’attaque

C’est au tour du 3e bataillon de prendre le relais. Ses compagnies doivent s’emparer de la tranchée Postdam et de la tranchée Berlin. Pour mener à bien sa tâche, le commandant Fontaine reçoit la 5e compagnie en complément.

La 11e compagnie occupe l’ouest du secteur imparti au régiment spinalien. La 10compagnie se tient à l’est et la 9e est placée en soutien.

Les compagnies de tête sont constituées en quatre vagues. Chaque section forme deux vagues. La première vague prend une formation en tirailleurs. Les suivantes se placent en colonne d’escouade ou de demi-section par un. Les compagnies de soutien sont en colonne de demi-section par un.

Les sections de mitrailleuses se placent en colonne par pièce. Celles qui ont été affectées aux compagnies de tête marchent à hauteur des sections de soutien et sur leurs flancs.

La section de mitrailleuses sous les ordres de la 9e compagnie est avec le peloton de tête. La section de mitrailleuses rattachée à la 5e compagnie est avec le peloton de queue.

Le 3e bataillon du 149e R.I. reprend l’offensive à 8 h 10. 

La liaison à vue entre les compagnies et avec l’avion de la division ne peut pas se faire en raison de la fumée opaque dégagée par les obus ; cette fumée masque l’avancée des troupes. La progression des unités de tête est simplement devinée au bruit et à la direction des coups de feu. Les responsables de compagnies marchent à la boussole en suivant les boyaux indiqués sur le plan directeur.

La 5e compagnie (moins une section)  suit la 11e. La 9e compagnie (moins une section) suit la 10e.  Elles se tiennent prêtes à intervenir sur les flancs en cas de résistance ennemie.

Carte 3 journée du 26 septembre 1918

Legende carte 3 journee du 26 septembre 1918

Le groupe du commandant Fontaine (dont la composition est inconnue) doit se faire couvrir par une patrouille prélevée dans les éléments de sa liaison. La réaction allemande commence à se faire véritablement sentir. Leurs mitrailleuses crépitent de tous côtés.

Les hommes avancent toujours à l’aveugle. Il n’y a aucune précision concernant la progression des unités de 1ère vague du bataillon.

Des groupes de prisonniers affluent : quelques-uns emportent sur les épaules les mitrailleuses réduites au silence. C’est plutôt bon signe, l’arrivée de tous ces prisonniers est annonciatrice de la bonne marche de l’attaque.

L’avancée continue malgré les nombreuses poches de résistance rencontrées. Le groupe du commandant Fontaine arrive à la cote 193 où la compagnie de première ligne de gauche à fait de la très bonne besogne. Plusieurs fortins garnis de mitrailleuses viennent d’être enlevés. La plupart des défenseurs ennemis ont été tués sur leurs pièces.

Deux sections de la 9e compagnie, sous les ordres d’un officier, attaquent en direction nord-est les tranchées de Nausicaa et de Pologne pendant que les 10e et 11e compagnies marchent sur leurs objectifs.

Ces sections poussent jusqu’au bois du Coucou où elles entrent en liaison avec deux sections du 1er B.C.P.. Elles ont pour mission d’attaquer ces mêmes tranchées de front.

Cette manœuvre, énergiquement conduite, facilite la tâche des unités de droite qui enlèvent le mont Muret.

Les compagnies arrivent sur leurs objectifs. La visibilité s’améliore, la fumée ne mettant plus son voile épais sur le terrain conquis.

Les compagnies du bataillon Fontaine font de nombreux prisonniers. Elles capturent également un important matériel, quelques chevaux, des chiens de liaison que l’ennemi, bousculé, a laissés sur place.

photographies extraites de l'historique du 149e R

Toutes les compagnies du bataillon Fontaine sont en place sur leur objectif à 10 h 00 : les 10e et 11e compagnies occupent la tranchée de Berlin.

Elles poussent des éléments légers jusqu’à la voie 0 m, 60. La 9e compagnie est en soutien à la tranchée de Postdam. Ces compagnies commencent l’organisation de la position, tandis que des batteries allemandes s’enfuient à toute allure.

Le barrage d’artillerie français se fixe devant la ligne d’arrêt. À la vue de l’ennemi en fuite, le désir de poursuivre est grand, mais il faut s’arrêter. C’est au 1er bataillon de finaliser l’attaque.

Le bataillon Fontaine reprendra le mouvement dès qu’il en aura reçu l’ordre.

Tous les moyens de liaison sont employés pour informer que l’objectif est atteint. Le poste de commandement du bataillon est indiqué par panneau à l’avion de la division. Mais les moyens de liaison ne fonctionnent pas assez rapidement. La liaison téléphonique est inexistante.

Les équipes des bataillons Chauffenne et Fontaine ne se sont pas rencontrées au passage de ligne. La télégraphie par le son ne reçoit pas de réponse à ses appels. Un chien part avec un message, mais il revient après quelques minutes, blessé, sans avoir pu le porter. Un pigeon est lâché, mais le temps de transmission du message du pigeonnier au commandement est vraiment trop long. Bref, tout est tenté, mais la communication reste vaine.

Le poste de commandement du commandant Fontaine se transporte à la tranchée de Berlin, après que son bataillon ait été dépassé par le 1er bataillon.

Les nettoyeurs de tranchées du 2e bataillon.

cote 193

Une demi-section de la 9e compagnie est chargée de nettoyer la tranchée Soury-Lavergne, le boyau Albertini, les tranchées Lafargue, Gallerand et la tranchée à 200 mètres nord de Gallerand.

Elle reprend sa marche derrière la 10e compagnie, avant de s’occuper du boyau passant par l’observatoire à 100 mètres au nord de Charlottenburg.

Une autre demi-section de la 9e compagnie, avec la même mission, s’occupe des tranchées de Pologne, de Nausicaa, de Charlottenburg et des boyaux réunissant ces deux tranchées.

Une demi-section de la 5e compagnie nettoie le point 1826, les boyaux Boyer et Batailler, la tranchée Lafargue entre Soury-Lavergne et 50 mètres ouest du boyau Batailler, fortin B et l’îlot, tranchée Gallerand.

Une 2e demi-section de la 5e compagnie élimine les Allemands qui résistent dans les tranchées de Pologne et de Nausicaa et les points 1735-1737.

Une 3e demi-section de la 5e compagnie s’occupe du boyau de Flensburg, de la bifurcation Flensburg-Steilhung-Weg, de l’observatoire au nord de cette bifurcation, de la tranchée de Charlottenburg et de son doublement au sud.

3e phase de l’attaque

Carte 4 journee du 26 septembre 1918

Legende carte 4 journee du 26 septembre 1918

Le 1er bataillon arrive à proximité de la Neù-Koln-Stellung à 10 h 28 (les tranchées de Postdam et de Berlin sont occupées par le bataillon Fontaine). 

Le tir d’artillerie français est assez allongé pour que le chef de bataillon puisse se porter jusqu’à la croupe de la batterie 1851, au nord de la clairière du Talon, pour étudier le terrain d’attaque. Le capitaine adjudant-major Pougny l’accompagne.

Le terrain se présente sous forme de larges ondulations. Il est très découvert sur la gauche, devant le 170e R.I.. Sa surveillance n’en sera que plus facile.

La situation est plus compliquée sur la droite. De nombreux bois, boqueteaux, haies apparaissent clairement dans les jumelles des officiers.

La zone dans laquelle le bataillon va devoir marcher est une suite de larges ondulations coupées par la tranchée de Gratreuil et par la voie ferrée Somme-Py-Manre qui reste invisible à l’observation. Le commandant Hassler aperçoit nettement la croupe de la Pince.

Au cours de cette étude, les officiers reçoivent des balles de tous côtés. Quelques obus de 77 tombent tout près. Au même moment, l’artillerie française fait barrage sur la croupe 1851. Les deux hommes sont obligés de revenir précipitamment vers l’arrière.

Le barrage prend de la densité au nord de la voie ferrée de 0,60 m. Il empêche le bataillon de faire sa progression. L’horaire semble avoir été modifié. Le commandant Hassler cherche à provoquer des ordres.

À midi arrive le message suivant : « En raison des résistances éprouvées dans la progression, le barrage sera arrêté jusqu’à nouvel ordre devant le front du 158e R.I., sur le prolongement vers l’est de la tranchée de la Vistule ; devant les bataillons de chasseurs à pied et le 149e R.I., sur la ligne d’arrêt B, c’est-à-dire au nord de la Neù-Köln-Stellung. »

Cet ordre fut, dans un premier temps, apporté par un officier d’artillerie au lieutenant-colonel Vivier ; puis il fut remis à l’agent qui fait la liaison entre le responsable du régiment et le chef de bataillon Hassler. Cet homme est grièvement blessé en accomplissant cette mission.

Le lieutenant-colonel Vivier fait parvenir un nouvel ordre au commandant Hassler. Celui-ci arrive à 13 h 07.

« Le passage de ligne du bataillon aura lieu à 13 h 00. Le barrage roulant reprendra sa marche à l’allure qui avait été prévue. »

L’ordre est immédiatement transmis aux compagnies. Le bataillon part avec un retard de dix minutes sur l’horaire. Dès le début, de nombreuses résistances allemandes arrêtent l’avancée des compagnies. Très rapidement, ces résistances sont réduites une à une, par fixation, par infiltration ou par débordement.

Vers 14 h 30, le bois de la Fouine et la tranchée du chemin de Gratreuil sont nettoyés et conquis. La progression reprend vers la voie ferrée qui est atteinte, puis dépassée. La croupe de la Pince est occupée, mais les unités qui y ont pris pied doivent presque aussitôt se replier derrière le talus de la voie ferrée. Des mitrailleuses ennemies se relèvent de tous côtés et tirent sur la droite, sur la gauche et à revers. Une pièce de 77 fait feu de ses obus dans le dos du bataillon depuis le sud-est de Somme-Py.

La courbe de la voie ferrée, ainsi que les remblais difficiles d’accès, annoncent les futures difficultés qui seront rencontrées lorsqu’il faudra avancer dans cette zone de terrain et sur les pentes sud de la Pince qui sont complètement dénudées.

La voie ferrée paraît assez sérieusement occupée par les Allemands devant le front du bataillon à droite. Les compagnies du commandant Hassler subissent des pertes sensibles dues aux mitrailleuses ennemies qui les arrosent du nord au sud de la voie ferrée. Le chef de bataillon donne alors l’ordre de s’installer dans la tranchée de Gratreuil.

Vers 15 h 00, le chef de bataillon reçoit l’ordre suivant du lieutenant-colonel Vivier :

« L’ennemi paraît en retraite sur tout le front de la D.I., au nord du bois du Bouc. La D.I. va continuer sa progression, couverte à droite par le 158e R.I., en échelon dans la tranchée du Kronprinz, et par la 13e D.I., échelonnée en profondeur.

Le 1er bataillon du 149e R.I. poursuivra sa progression et s’emparera le plus tôt possible de la tranchée de Nassau, qui ne paraît pas occupée. Il poussera ensuite des éléments d’avant-postes en direction d’Orfeuil.

Le 1er bataillon sera suivi du 2e bataillon, puis du 3e bataillon échelonné en arrière. Le 1er bataillon établira sa liaison à droite avec le 31e B.C.P., à gauche avec le 170e R.I..

Le mouvement de la D.I. sera couvert par un escadron de cavalerie qui débouchera au nord du bois du Bouc quand l’infanterie s’en sera emparée.

Pour permettre l’appui de l’artillerie, les premières lignes du 1er bataillon se retireront immédiatement à 300 mètres au sud de la voie ferrée. À 18 h 00, l’artillerie sera établie en barrage roulant à l’allure de 100 mètres en quatre minutes »

Au reçu de cet ordre, le bataillon se prépare à reprendre le combat. Toutes les dispositions sont prises pour l’attaque. À 18 h 00, quelques coups de canon sont tirés, puis plus rien.

L’artillerie française fait silence. Finalement, l’ordre est donné aux compagnies du bataillon Hassler de s’organiser pour la nuit dans la tranchée de Gratreuil. Le chef de bataillon recherche la liaison avec les bataillons voisins de droite et de gauche.

Les chars

Chars du 501e R

Les chars de la compagnie 307 du 501e R.A.S. qui ont reçu l’ordre de soutenir le 149e R.I. ne seront pas engagés durant cette journée. Ils se sont contentés de suivre le régiment de manière assez éloigné, en se frayant un chemin au travers d’un terrain très accidenté. Une bande de 5 km couverte de fils de fer, de tranchées et de trous d’obus,a ralenti la progression des chars.

Fin de l’avancée du 149e R.I. pour la journée du 26 septembre 1918

Carte 5 journee du 26 septembre 1918

Legende carte 5 journee du 26 septembre 1918

En fin d’après-midi, la situation du 149e R.I. est la suivante :

Le 1er Bataillon remplit la tranchée de Gratreuil.

Le 2e bataillon est installé dans le bois de la Fouine. Deux de ses compagnies sont organisées en crochet défensif, une à droite et une à gauche. Sa troisième compagnie est placée face au nord-ouest, dans une bretelle formée par le boyau chemin de Gratreuil – batterie 1551 en passant par les deux cimetières.

Le 3e bataillon est positionné sur la voie de 0, 60 m et dans la tranchée de Berlin avec deux de ses compagnies. Sa dernière compagnie est dans la tranchée de Postdam.

Le lieutenant-colonel Vivier a établi son P.C. dans la tranchée de Postdam.

Cette première journée a permis au régiment de capturer un nombre conséquent de prisonniers et une grande quantité de matériel. Le 149e R.I. a réalisé une avancée de 6 km dans une région formidablement fortifiée et défendue. Les objectifs fixés ont pratiquement été atteints.

                                     Tableau des tués pour la journée du 26 septembre 1918

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 334/14

Historique du 501e Régiment d’Artillerie d’Assaut consulté sur le site « chars-français. Net ».

Historique du 149e R.I. (version avec photographies). Imprimerie Klein. Épinal.1919.

« Tactique appliquée d’infanterie » article écrit par Ulysse Fontaine publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

« Exemple d’emploi des chars dans la guerre 1914-1918 (volume III) - offensive de la IVe armée en Champagne - 26 septembre 1918 ». Centre d’études des chars de combat. Éditions Versailles. 1922.

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

Le dessin représentant une mitrailleuse et ses serveurs du 149R.I. a été réalisé par I. Holgado.

Les deux clichés sur se trouvent sur le montage sont extraits de l’historique du 149e R.I..

La photographie représentant les chars provient du fonds Rémy consultable aux archives départementales des Vosges. Cote 141 J n° 93.

Concernant les cartes, elles ont toutes été réalisées à partir de plusieurs plans. Aucune échelle n’est indiquée sur ces plans. Ces cartes n’ont donc qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J. Huret, à J.L. Poisot, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

Commentaires
G
Que dire devant tant d'informations depuis tant de mois.<br /> <br /> Des mercis, de la stupéfaction devant votre travail et de la reconnaissance.<br /> <br /> A bientôt.
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