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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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25 novembre 2021

Du 17 au 24 octobre 1918 - les journées précédant la bataille de la Hunding-Stellung

Du 17 au 24 octobre 1918

 

17 octobre 1918

 

Le 149e R.I. stationne à Condé-sur-Marne depuis le 8 octobre 1918. Il a été mis au repos dans cette commune après sa participation à la bataille de Champagne et d’Argonne.

 

Les manquants furent nombreux à l’appel. Les combats qui ont eu lieu entre le 26 septembre et le 4 octobre 1918 ont été particulièrement coûteux en vies humaines et en énergie. Cent quatre-vingts hommes perdirent la vie. Plusieurs centaines de blessés passèrent par les postes de secours.

 

Le lieutenant-colonel Vivier est en attente d’un gros renfort pour combler les pertes de son régiment. De nouveaux ordres tombent. Ses subordonnés se préparent à marcher de nouveau. 

 

Carte 1 journee du 17 octobre 1918

 

Le régiment quitte Condé-sur-Marne vers 10 h 00 pour une marche de 16 km. Les compagnies sont à Louvois à 12 h 00. Une heure plus tard, elles traversent La Neuville.

 

Le 149e R.I. arrive à Mailly à 14 h 30 pour y bivouaquer jusqu’au lendemain.

 

18 octobre 1918

 

 

Les hommes du lieutenant-colonel Vivier reprennent la route à 8 h 00. Cette fois-ci, ils marcheront durant une vingtaine de kilomètres. Le régiment est aux portes de Reims à 12 h 00. Une heure plus tard, il fait une grand-halte à la sortie de la ville. Après s’être restauré, il se dirige sur Thil, une commune située à 8 km au nord-ouest de Reims, où il passera la nuit.    

19 octobre 1918

 

 

Les bataillons du 149e R.I. se remettent en marche à 7 h 00. Ils quittent Thil pour gagner la grande route allant de Reims à Neufchâtel en suivant des pistes de terre impropres à la circulation de véhicules. Les hommes traversent ensuite la grande route de Reims à Berry-au-Bac. Ils longent le village de Courcy, franchissent le canal de l’Aisne à la Marne, avant de poursuivre leur chemin sur les pentes de Brimont. Une fois atteint la route Reims- Neufchâtel. Le régiment fait une pause au « Cran de Brimont ».

 

Le pont Givart, qui permet de rejoindre directement Brienne, a été détruit par les Allemands. La troupe doit faire un détour par Auménancourt-le-Petit pour franchir la Suippe.

 

Le 149e R.I. retrouve la grande route Reims-Neufchâtel. Il la quitte une fois passé le hameau « Bonne Volonté ». Brienne est à 800 m sur la droite.

 

Les hommes se préparent à passer la nuit dans ce village. À peine couchés, il leur est demandé de reprendre la route à 23 h 30. Ils ont ordre de rejoindre le bois d’Avaux.

 

20 octobre 1918

 

Carte 4 journee du 20 octobre 1918

 

Le pont de Neufchâtel, réduit en miettes par l’ennemi, oblige les compagnies du 149e R.I. à faire un large détour par Vieux-lès-Asfeld. Arrivées dans cette commune, elles traversent le canal des Ardennes et l’Aisne, sur des ponts de bateaux, pour rejoindre Avaux. Une fois sur l’autre rive, elles rattrapent la route de Neufchâtel qui les conduit directement à proximité du bois d’Avaux.  

 

Le régiment bivouaque à droite de la route.

 

Le responsable du régiment installe son P.C. à Lor dans la soirée.

 

21, 22 et 23 octobre 1918

 

Ferme Tremblot Lor et Le Thour

 

Le lieutenant-colonel Vivier constitue un bataillon de marche avec les éléments de son régiment. Ce bataillon est mis sous les ordres du commandant Froment.

 

Le responsable du 149e R.I. prend le commandement d’un groupement composé du bataillon Froment et de deux bataillons du 1er B.C.P. sous l'autorité directe du commandant le Bleu.

 

24 octobre 1918

 

Le lieutenant-colonel Vivier reçoit l’ordre d’attaquer la position ennemie de la Hunding-Stellung à 19 h 15. Il déplace son P.C. à Le Thour.

 

Les deux bataillons du 1er B.C.P. avancent leurs positions dans la nuit se tenant prêts à lancer l’offensive dès le lendemain. Le bataillon Froment, en réserve, constituera la 3e vague d’attaque.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I. réf : 26 N 344/8.

 

Carnets inédits de l’aumônier Henry

 

Le portrait du lieutenant-colonel Vivier provient de son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes.

 

Le portrait du commandant Le Bleu est extrait de l’historique de régiment du 1er B.C.P.. Cet historique est consultable sur le site Gallica.

 

Un très grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, et au Service Historique de Vincennes.

19 novembre 2021

Jules Georges Hippolyte Robinet (1889-1973)

Jules Georges Hippolyte Robinet

 

Enfance et adolescence

 

Jules Georges Hippolyte Robinet est né le 12 août 1889 à Rasey, une petite bourgade rattachée à la commune de Xertigny, dans le département des Vosges. Son père, Hippolyte Jean Baptiste, âgé de 33 ans, travaille comme cordonnier. Sa mère, Marie Julie Léonie Ferry, exerce le métier de couturière. Elle a 23 ans.

 

Le couple Robinet donne vie à deux autres enfants, un garçon né en 1890 et une fille née en 1898. Hippolyte Jean Baptiste délaisse son métier de cordonnier pour celui d’épicier, un emploi qu’il exercera quelque temps avant de devenir cultivateur.

 

Rasey

 

La famille Robinet n’est pas enregistrée dans le registre de recensement de la commune de Xertigny  en 1906.

 

Georges termine sa scolarité avec un degré d’instruction de niveau 3. Il sait parfaitement lire, écrire et compter. Détenteur du certificat d’études primaires, l’adolescent n’a pas la possibilité de poursuivre des études. Il doit rapidement gagner sa vie  en allant  travailler à la ferme.

 

Attiré très jeune par l’uniforme, il rêve de s’engager dans un régiment de Spahi. Son père ne veut pas en entendre parler. Très respectueux de l’autorité paternelle, Georges attendra d’être appelé sous les drapeaux pour franchir le seuil d’une caserne.

 

L’année de ses 20 ans, il se présente devant le conseil de révision qui se réunit comme chaque année à la mairie de Xertigny. En pleine forme physique et ne présentant pas d’anomalie particulière, le médecin le déclare « bon pour le service armé ».

 

De la conscription à l’engagement

 

Le 3 octobre 1910, Georges est à Épinal, incorporé à la 4e compagnie du 149e R.I..

 

Le 20 octobre 1910, il est admis au peloton d’instruction pour devenir caporal. L’accès rapide à cette formation est probablement lié au fait qu’il est détenteur du certificat d’études primaires.

 

Le 4 février 1911, il épouse, à Rasey-Xertigny, Marie Augustine Baudoin avec qui il aura trois enfants.

 

Travailleur assidu, Georges Robinet se retrouve classé 3e sur 64 élèves caporaux au mois de mars 1911. Le jeune homme est titularisé dans le grade de caporal le 11 avril. Son instruction militaire prend fin le 20 septembre 1911. Six jours plus tard, il est nommé sergent.  

 

Georges Robinet reçoit pendant son service actif, l’instruction des mitrailleuses de place en tant qu’adjoint de chef de section.

 

Quelques négligences lui valent d’être puni à 3 occasions au cours de l’année 1912.

 

Releve de punitions du sergent Robinet

 

Septembre 1912 : la période sous l’uniforme en tant que conscrit touche à sa fin. Georges Robinet a beaucoup d’appétit pour la vie militaire. Il ne souhaite absolument pas quitter la caserne Courcy à la fin de son temps réglementaire. Le 19 septembre, il contracte un engagement d’une durée de deux ans.

 

Caserne Courcy

 

Le 19 juin 1914, il signe à nouveau pour deux années sans savoir que ce nouveau contrat ne pourra pas être honoré. Une nouvelle guerre contre l’Allemagne est sur le point de commencer.

 

Le conflit qui n’a pas pu être évité par voie diplomatique débute en août 1914. Le sergent Robinet est dans l’obligation, pour cause de guerre, de mettre fin à sa préparation au concours d’entrée de l’école d’officiers d’active de Saint-Maixent.

 

Début du conflit 1914-1918

 

Nous savons de manière certaine que le sergent Robinet commence la campagne dès le 2 août 1914, et qu’il a été promu au grade d’adjudant le 10 septembre 1914. Nous ne pourrons pas être aussi catégoriques concernant les années 1914-1915.  

 

La lecture de son livret matricule d’officier, de son livret matricule d’homme de troupe, de son feuillet du personnel consultables dans son dossier individuel au S.H.D. de Vincennes, les informations trouvées dans son dossier de la base Léonore et sur le quelques documents fournis par la famille de Georges Robinet, laissent planer un doute énorme concernant son appartenance complète au sein des effectifs du 149e R.I. entre le début de la guerre et le mois de novembre 1915.

 

Un long passage au 349e R.I. n'est pas à écarter, mais sans date précise, il est impossible de savoir si ce passage a eu lieu au début du conflit où bien plus tard.

 

Aucun des documents cités précédemment ne peut nous éclairer sur le sujet. Ils ne sont pas assez clairs pour affirmer des certitudes étant donné qu’ils ne disent pas tous la même chose. Les informations trouvées dans le dossier de la base Léonore concernant Georges Robinet indiquent bien une présence permanente au 149e R.I., mais n’est-ce pas tout simplement une référence à l'unité d'active d'affectation ? Un autre document, provenant de son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes, indique explicitement un passage au 349e R.I..

 

Le nom de l’adjudant Robinet n’apparaît nulle part dans les listes des blessés figurant à l’intérieur du J.M.O. du 349e R.I.., ni dans les différentes listes des blessés du 149e R.I.. Il n’apparaît pas non plus dans les contrôles nominatifs trimestriels des malades traités dans les formations sanitaires du 149e R.I. couvrant la période allant de 1914 à 1915, ce que confirme une notice rédigée pour sa Légion d’honneur.

 

Cette notice indique qu’il n'a jamais été blessé au cours du conflit à l'exception d'une exposition au gaz. Il sera donc difficile d’en savoir plus.

 

Probablement mobilisé au 149e R.I., l’adjudant Robinet est rattaché au 349e R.I. lorsqu’il est nommé sous-lieutenant à compter du 28 avril 1915 (J.O. du 5 mai 1915). Ce jour-là, il reçoit son ordre d’affectation pour le 9e bataillon du 149e R.I., une unité nouvellement créée.

 

La date de son passage dans une unité combattante reste inconnue ; on sait simplement qu'il est encore au 9e bataillon en novembre 1915. La suite de son parcours sera, heureusement, beaucoup plus facile à reconstruire.

 

Années 1916, 1917 et 1918, 5 palmes et pas une égratignure !

 

Le 149e R.I. est engagé dans la bataille de Verdun entre le 6 mars et le 8 avril 1916. Fortement malmené, il est amené à reconstituer une grande partie de ses effectifs à la fin de son passage dans la Meuse. Le 20 avril 1916, le sous-lieutenant Robinet est au régiment actif. Il commande une section de la 6e compagnie.

 

Le régiment quitte la Meuse à la mi-avril 1916. Le lieutenant-colonel Gothié a repris le commandement du 149e R.I.. Après une petite période de repos à Landrecourt, le sous-lieutenant Robinet se rend en Champagne. Les 3 bataillons du lieutenant-colonel Gothié prennent position dans un secteur peu exposé, situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

 

Georges Robinet est envoyé en formation durant cette période d’accalmie relative. Il suit la 4e série du cours de l’école divisionnaire des grenadiers du 4 au 11 juin 1916. Dans la foulée, du 14 au 16 juin 1916 inclus, il enchaîne avec la 3e série du cours d’instruction du canon « Viven-Bessières ».

 

À la fin de ces deux stages, il bénéficie d’une permission du 1er au 12 juillet.

 

Début août 1916 le 149e R.I. est à l’entraînement à Châlons-sur-Marne. Le 17 août, il arrive à Harbonnières, dans le département de la Somme. Georges Robinet est photographié sur son cheval, à proximité de l’église de cette commune.

 

Le lieutenant Robinet photographié devant l'église d'Harbonnières

 

Début septembre 1916, le régiment spinalien est engagé dans le secteur de Soyécourt. Il conquiert le terrain prévu par le plan d’attaque et parvient à s’y maintenir en repoussant les nombreuses contre-attaques ennemies.

 

Le sous-lieutenant Robinet est décoré de la croix de guerre, avec citation à l’ordre du corps d’armée, pour ses actions menées en tant qu’officier grenadier.

 

Le 11 novembre 1916, Georges Robinet stoppe une attaque allemande sur le front de son unité avant de lancer ses hommes à la contre-attaque. Cette conduite au feu lui vaut une citation à l’ordre de l’armée.

 

La promotion ne tarde pas, il est nommé dans le grade supérieur à titre temporaire le 23 novembre 1916 (J.O. du 9 décembre 1916).

 

Le 23 octobre 1917, le lieutenant Robinet participe à la bataille de la Malmaison. Son courage et sa témérité sont remarqués par ses supérieurs. Le lendemain, le lieutenant Robinet est décoré de la Légion d'honneur, à proximité du champ de bataille. Cette décoration lui donne également droit au port d’une nouvelle palme sur sa croix de guerre.

 

Remise de decoration au lieutenant Robinet au PC Ilhe

 

Pour en savoir plus sur la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

La Malmaison

 

Le 5 décembre 1917, Georges Robinet est promu lieutenant à titre définitif puis capitaine à titre temporaire à partir du 17 mai 1918.

 

Fin mai, le 149e R.I. tente, avec l’ensemble de la 43e D.I. et de la 4e D.I., de stopper une offensive allemande lancée sur le chemin des Dames, entre le moulin de Laffaux et les abords de la ville de Reims Les combats sont violents, l’avancée Allemande est difficile a contenir, mais elle fini par être stoppée. Le capitaine Robinet est une nouvelle fois cité à l’ordre de l’armée.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte postale suivante.

 

Arcy-Sainte-Restitue 1

 

Le 15 juillet 1918, l’ennemi attaque en Champagne dans le secteur du trou Bricot. Le 149e R.I. s’accroche sur sa position. Le capitaine Robinet peut mettre une nouvelle palme sur sa croix de guerre.

 

Il participe ensuite aux combats de septembre et d’octobre à la tête la 2e compagnie du régiment. Sa compagnie est très éprouvée durant les combats de la bataille de Champagne et d’Argonne. Elle perd trois de ses chefs de section. Georges Robinet voit la mort de près.

 

L’aumônier Henry raconte : « Le corps de Saintot est là. Les brancardiers ont pu le retrouver et le rapporter. Cela n’a pas été sans peine. Saintot était avec trois ou quatre autres dans un bout de tranchée hâtivement creusée. À côté de lui, dans un autre élément de tranchée qu'on n'avait pas encore eu de temps de faire communiquer se tenait le capitaine Robinet. Un obus malheureux tomba juste sur le groupe Saintot, les blessant ou tuant tous, et les enterrant en même temps. Il fallut littéralement les déterrer pour les avoir. Saintot était sous les camarades, tellement recouvert de terre que son casque seul dépassait. Quant à Robinet, il ne dut la vie qu'au barrage de 50 cm qui le séparait de Saintot, barrage que, heureusement, on n'avait pas eu le temps d'abattre.»

 

Pour en savoir plus sur les évènements de septembre 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 1 journée du 26 septembre 1918

 

Le conflit touche à sa fin. Le capitaine Robinet ne participe pas à la bataille de la Hunding-Stellung, dernier combat mené par le 149e R.I..

 

Sa carrière dans l'entre-deux guerres

 

Georges Robinet retrouve la vie de garnison après l’armistice. Il obtient une dernière citation à l’ordre de l’armée en décembre 1918.

 

Le 7 avril 1920, le 149e R.I. embarque à destination de l’Allemagne. Il est affecté à l’armée du Rhin. Le régiment cantonne à Dortmund lorsqu’il est dissous en novembre 1923.

 

Le capitaine Robinet est provisoirement affecté au 17e Régiment de Tirailleurs algériens.

 

Il souhaite être versé dans l’artillerie. Sa demande est acceptée. Georges Robinet est détaché au 120e R.A. comme officier chargé du matériel.

 

Le 25 juin 1925, il est nommé capitaine d’artillerie à titre définitif.

 

Une décision ministérielle publiée dans le J.O. du 24 juillet 1927 le classe à l’E.M.P. comme chef de service départemental du service de l’éducation physique des Vosges. Très actif, très sportif, il est apprécié des sociétés de préparation militaire.

 

En 1931, il fait un stage de 25 jours. Il se montre peu apte à commander une batterie, faute d’instruction et d’entraînement antérieur.

 

Le capitaine Robinet est affecté au 33e R.A. suite à une  décision ministérielle du 7 octobre 1938 (J.O. du 9 novembre 1938) pour y exercer les fonctions de major.

 

Georges Robinet est promu au grade de commandant le 28 décembre de la même année. Maintenu comme major au sein du 33e R.A.N.A., il reste affecté à l’E.M. de l’éducation physique du département des Vosges pour convenance personnelle.

 

Le commandant Robinet rejoint la P.M.I. C.R./20 le 27 mai 1939. Il est présent au D.A.M. 60 à partir du 2 septembre 1939.

 

Le 2 novembre 1939, il rejoint le D.A. 20. Quatre jours plus tard, le commandant Robinet est au D.A. 220 en tant que major du dépôt.

 

Entrée dans la clandestinité

 

Le 7 juillet 1940, Georges Robinet prend le commandement du parc de récupération de l’arrondissement de Villeneuve-sur-Lot.

 

Le 15 novembre 1940, il est placé en congé d’armistice. Il est mis à la disposition de la sous-direction du service de l’artillerie par décision ministérielle du 6 novembre 1940.

 

Le 1er janvier 1941, le commandant Robinet est nommé commandant du camp de Bias, à 3 km de Villeneuve-sur-Lot.

 

Ce camp est devenu un dépôt de matériel sous contrôle allemand après l’armistice. Georges Robinet s’inscrit rapidement dans le clan de ceux qui n’acceptent pas la défaite. Il entre dans la clandestinité dès juillet 1940, au service du camouflage du matériel (C.D.M.). Chef départemental du C.D.M. du Lot-et-Garonne, il se dépense sans compter pour dissimuler une grande partie de son matériel afin que celui-ci ne tombe pas entre les mains ennemies. Le commandant Robinet s’oppose régulièrement aux demandes des commissions allemandes de contrôle.

 

Il réussit à camoufler un nombre conséquent d’armes, de munitions et de véhicules militaires de toutes sortes grâce au concours de personnes connaissant bien la région. Une grande partie de ce matériel et de ces armes sera destinée à l’Armée Secrète après avoir été remis en état de fonctionnement.

 

De jour comme de nuit, le commandant Robinet mène ses équipes en conduisant lui-même des camions chargés d’armes.

 

Le 12 août 1941, il est maintenu dans ses fonctions à titre civil jusqu’à ce que les statuts du corps du service du matériel soient promulgués et que soit statué son maintien ou non dans le corps. Le même jour, Georges Robinet est rayé des contrôles de l’armée active pour limite d’âge.

 

Un arrêté ministériel du 29 décembre 1941 le fait nommer adjoint technique principal de 2e classe du corps du service des matériels de l’artillerie. Cette nomination prend rang à partir du 28 décembre 1938.

 

Novembre 1942, les Allemands franchissent la ligne de démarcation. L’occupation allemande de cette partie de la France génère de nouvelles difficultés pour la conservation du matériel. Avant tout, il faut se méfier des fouineurs qui cherchent à s’approprier le matériel caché en vue de le livrer à l’ennemi. Pour ceux-là, l’appât du gain prime avant tout ! Georges Robinet et quelques personnes sûres réussissent à sauver 15 tonnes d’armes, 20 de munitions, 1200 hectolitres de carburant et plus de 1000 véhicules.

 

L’année suivante, Georges Robinet est nommé chef du réseau action C.D.M. pour les départements du Lot-et-Garonne, du Lot, du Gers et de la Gironde sous les ordres du responsable national, le colonel Mollard.

 

Il est en contact régulier avec les groupements de résistance de ces départements. Le commandant Robinet fournit des armes, des munitions et des camions au groupe Franc-Pommiès. Il se met en rapport avec le groupement du commandant Marnac. Il organise, en accord avec le colonel Mollard, des groupes de résistance à Villeneuve-sur-Lot, Agen, Fumel, Montflanquin et Villeréal. Il participe activement à l’équipement de ses groupes en surveillant la fabrication des blousons de cuir, de sacs et de chaussures.

 

Il se sait surveillé par la police secrète nazie, mais cela ne l’empêche pas de poursuivre ses activités. Le 20 mai 1943 au soir, le commandant Robinet et sa future épouse, Anne Marie Suzanne Demeusy, sont arrêtés par la Gestapo suite à une dénonciation. Le couple est dans un premier temps conduit au camp de Bias avant d’être envoyé à la prison d’Agen. Georges Robinet est interrogé avec brutalité par la Gestapo d’Agen. Il n’avoue rien. Sa future femme parfaitement informée de ce qui se passait ne parle pas non plus. Le 24 mai,  ils sont envoyés à la prison des Fleurs à Toulouse.

 

Le commandant Robinet est ensuite transféré à la prison de Fresnes, Anne Marie Suzanne Demeusy à Romainville. Le couple se retrouve à Compiègne ; il est placé dans le centre de rassemblement de femmes et d’hommes des prisons de France avant de partir pour les camps de concentration de l’Allemagne nazie. Fin janvier, ils quittent Compiègne. Anne Marie Suzanne Demeusy est déportée à Ravensbruck, Georges Robinet à Buchenwald.

 

En déportation

 

Les camps de concentration ou a ete interne Georges Robinet

 

Buchenwald du  30 janvier au 13 mars 1944

 

À la descente du train, les effets personnels sont supprimés. Montre, alliance photographies, vêtements. Il ne reste plus rien. Les hommes, nus, passent devant un médecin uniquement pour le comptage des dents. Une équipe de coiffeurs polonais leur passent la tondeuse partout. Ils sont ensuite habillés et immatriculés. Georges Robinet est assigné au block 62. En février, il est chargé de l’épandage des immondices du camp dans les champs où poussent les betteraves.

 

Dora du 13 mars au 30 juillet 1944

 

Le camp fabrique des V2. Le commandant Robinet travaille au bétonnage de la chaussée devant la « Minéralwager ». Il souffre terriblement de problèmes de hanches. Georges Robinet doit puiser au plus profond de lui-même pour trouver l’énergie suffisante à sa survie.

 

Osterhagen du 31 juillet au 7 novembre 1944.

 

Osternhagen est une tête de ligne où se construisent des voies ferrées. C’est un camp très dur, constitué d’un simple rectangle de barbelés où il n’y avait qu’une seule baraque, la cuisine, les dortoirs et les logements des gardiens. À l’extérieur, encore des barbelés et cinq miradors. Les lavabos et des fosses sont en plein air. Il n’y a pas d’eau potable à disposition. Elle est distribuée avec parcimonie. La nourriture manque et les vêtements sont en haillons. Dans ces conditions extrêmes, il faut chaque jour manier la pelle, la pioche et pousser la brouette par m’importe quel temps. Beaucoup y laissent leur vie.

 

Le 6 novembre 1944, Georges Robinet est envoyé au camp de Wiéda.

 

Wiéda du 7 novembre au 4 décembre 1944.

 

Transporté par camion dans ce nouveau camp, il est dans un premier temps conduit à l’infirmerie avant d’être envoyé à Dora. Soigné à la « va-vite »,  il reçoit de nouveaux vêtements et des chaussures avant de retourner à Wiéda.

 

Mis à la corvée des peluches, il travaille pendant dix heures de rang à la préparation de la soupe pour 1300 personnes.

 

Le 7 avril 1945, les hommes valides quittent Wiéda. Les alliés avancent. Les valides sont embarqués dans un train en  groupes de 106 hommes par wagon. Le voyage dure plusieurs jours. Le train atteint Magdebourg le 11 avril. Il est dirigé sur la petite gare de Letzingen à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Magdebourg. Une soupe va être servie sur le quai. Deux avions canadiens volant en rase-mottes mitraillent le convoi. Les Allemands prennent la fuite. Georges Robinet et quelques camarades en profitent pour s’évader. Pendant plusieurs jours, ils vont se cacher dans les bois avoisinants.

 

Beaucoup d’hommes avaient réussi à s’enfuir après le passage des avions. L’alerte passée, les Allemands récupèrent environ 1200 hommes du convoi. Le vendredi 13 avril 1945, ils les entassent sur de la paille imbibée d’essence, dans un hangar à Gardelegen. Ils les mitraillent avant de mettre le feu au bâtiment. Deux d’entre eux réussirent à survivre.

 

Le commandant Robinet et ses camarades n’ont pas été repris. Ils échappèrent à une mort certaine. Le groupe continue de se cacher dans les bois en attendant l’arrivée des  Américains.

 

Retour en France et fin de carrière

 

Georges Robinet gagne Bruxelle en voiture avant de prendre l’avion pour Paris. Après les formalités de rapatriement et quelques jours de repos, il retourne à Rasey auprès de sa mère.

 

Le commandant Robinet est mis à la disposition du directeur du service du matériel de la 20e région militaire avant d’être affecté à Montauban, comme chef d’escadron à partir du 1er octobre 1945.

 

Il est promu au grade de lieutenant-colonel à titre définitif du cadre des adjoints techniques pour prendre rang du 25 mars 1943.

 

Le lieutenant-colonel Robinet est nommé directeur du dépôt de réserve générale du matériel de Montauban.

 

Admis sur sa demande, agréé au bénéfice de l’article 5 de la loi de dégagement des cadres du 5 avril 1946, il est renvoyé dans ses foyers le 31 octobre 1946. Le 1er novembre, il est rayé des cadres de l’armée. Nommé dans les cadres des officiers de réserve, il se retire dans le Lot-et-Garonne.

 

Son mariage avec Marie Augustine Baudoin est dissous par jugement de divorce le 25 juillet 1951. Georges Robinet épouse Anne Marie Suzanne Demeusy le 1er décembre 1951 à Bias.

 

En 1970, le général Mollard, son ancien chef de réseau, lui remet les insignes de Grand Croix de la Légion d’honneur.

 

Le general Mollard remet les insignes de Grand croix de la Legion d'honneur au lieutenant-colonel Robinet en 1970

 

Jules Georges Hippolyte Robinet décède le 23 avril 1973 à l’âge de 83 ans. Il repose dans le cimetière communal de Bias.

 

Decorations Georges Robinet

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec 5 palmes, et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 157 en date du 13 septembre 1916 :

 

« Officier grenadier de beaucoup d’activité, d’énergie, de sang-froid et d’expérience. A fait preuve, pendant les attaques des 4, 5 et 6 septembre 1916, d’un entrain et d’un courage superbes. Chargé d’assurer la liaison entre  les unités de 1ère ligne et le commandement, l’a maintenu constante, en parcourant lui-même, sous les tirs de barrage, la chaîne des coureurs qu’il avait établi. »

 

Citation à l’ordre de la Xe armée n° 243 en date du 10 décembre 1916 :

 

« Jeune commandant de compagnie d’une énergie et d’un coup d’œil remarquables. Le 11 novembre 1916, après avoir arrêté net une attaque avec flammenwerfer sur le front de son unité, a rétabli par une contre-attaque brillante à la baïonnette, conduite avec un entrain superbe, la situation dans le secteur voisin. A fait preuve en ces circonstances d’un à-propos et d’une bravoure de premier ordre. Déjà cité à l’ordre de la division. »

 

Citation à l’ordre de la VIe armée n° 587 en date du 10 juin 1918 :

 

« Officier d’une bravoure et d’une conscience exemplaires. A fait preuve de qualités militaires, hors de pair, en attaquant avec sa compagnie  une position ennemie. Attaqué par un ennemi très supérieur en nombre, a exécuté trois contre-attaques successives, prenant, perdant, reprenant et conservant enfin la position. Officier d’élite. »

 

Citation à l’ordre de la IVe armée n° 1365 en date du 5 septembre 1918 (J.O. du 15 décembre 1918) :

 

« Modèle incomparable de bravoure, de sang-froid et de décision. Les 15 et 16 juillet 1918, à la bataille de Champagne, s’est porté inlassablement d’un groupe de combat à l’autre sous les feux les plus meurtriers. Combattant lui-même à la grenade et au fusil au milieu de ses hommes, les électrisant, exaltant leur moral et leur insufflant sa propre bravoure. »

 

Citation à l’ordre de la IVe armée n° 1551 en date du 24 décembre 1918  (J.O. du 27 mars 1919) :

 

« Officier d’un courage hors de pair faisant preuve d’un coup d’œil sûr et de décision rapide. A entraîné sa compagnie à l’assaut d’une tranchée ennemie sous de violents feux de mitrailleuses, capturant de nombreux prisonniers et un important matériel pendant les combats du 26 septembre au 4 octobre 1918. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur pour prendre rang du 24 octobre 1917 (J.O. du 16 février 1918) :

 

« Commandant de compagnie de la plus haute valeur. Le 23 octobre 1917, a enlevé sa compagnie d’une façon superbe, réduisant de haute lutte et malgré une résistance acharnée, plusieurs nids de mitrailleuses. A manœuvré avec une décision et un coup d’œil  qui ont assuré le succès sur un front important. »

 

La décoration ci-dessus comporte l’attribution de la croix de guerre avec palme.

 

Officier de la Légion d’honneur par décret du 2 octobre 1920.

 

Officier de la Légion d’honneur inscrit au tableau spécial pour prendre rang le 16 juin 1920 par arrêté ministériel du 2 octobre 1920 (J.O. du 4 octobre 1920).

 

Commandeur de la Légion d’honneur (décret du président du gouvernement provisoire de la république du 21 mai 1946).

 

« Résistant animé de la volonté la plus farouche de nuire à l’ennemi dès juillet 1940. A soustrait, de sa propre initiative, le maximum de matériel du parc sous contrôle allemand de Bias qu’il commandait. Très vite rallié au C.D.M., en est devenu le pilier dans le secteur du Lot-et-Garonne, formant une équipe à son image et se dépensant sans compter, de jour comme de nuit, en opérations ininterrompues de camouflage de véhicule auto, d’armes, de munitions et de matériels divers, enlevés ou détournés des parcs sous contrôle, malgré la surveillance de l’ennemi. Après le 11 novembre 1942, bien que s’étant mis dangereusement en vedette, est resté sur place pour sauver son matériel. A tenté l’impossible pour mettre le maximum de moyens aux mains des troupes de résistance. A achevé ainsi de se compromettre sans aucun souci de sa sécurité personnelle. Arrêté par la gestapo et déporté en Allemagne, a toujours été un modèle de foi dans les destinées de la France. »

 

Cette promotion au grade de Commandeur de la Légion d’honneur lui donne également droit au port de la Croix de guerre avec palme.

 

Promu à la dignité de grand Officier de la Légion d’honneur par décret du 28 septembre 1957 (J.O du 3 octobre 1957).

 

Grand Croix de la Légion d’honneur par décret du 19 janvier 1970 inséré au journal officiel du 22 janvier 1970.

 

Autres décorations :

 

Médaille de la résistance avec rosette rang du 14 juin 1946

 

Médaille d’or de l’éducation physique (1929)

 

Officier d’académie (juillet 1938) (J.O. du 6 août 1939)

 

Médaille interalliée de la victoire

 

Croix du combattant

 

Médaille commémorative française de la Grande Guerre

 

Pour prendre connaissance de la généalogie de la famille Robinet, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Le lieutenant-colonel Robinet possède un dossier individuel dans la base de données « Léonore » sur le site des archives nationales. Pour le consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante et d’inscrire son nom et ses prénoms  dans la rubrique appropriée pour avoir accès aux documents.

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

Dossier personnel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services du lieutenant-colonel Robinet, les actes d’état civil de sa famille, les registres de recensement de la commune de Xertigny des années 1896, 1901, 1906 et 1911 ont été visionnés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

« Souvenirs de la guerre 1939-1945 à la mémoire du résistant le colonel Georges Robinet » écrit par Anne-Marie Demeusy-Robinet.

 

Témoignage inédit de l’aumônier Henry.

 

Les portraits du lieutenant-colonel Robinet proviennent de la collection personnelle familiale.

 

Le portrait qui se trouve sur le montage représentant ses décorations est extrait de son dossier personnel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La carte indiquant les emplacements des camps de Buchenwald-Dora est extraite du site « Mémoire des déportations ».

 

Les camps de concentration et principaux lieux de genocide des juifs d'Europe

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

12 novembre 2021

Du 6 au 16 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

Du 6 au 16 octobre 1918, l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I. quitte le P.C. Sapins le 6 octobre pour rejoindre le camp de Châlons en camion. Deux jours plus tard, les hommes, épuisés par les combats des jours précédents, s’apprêtent à gagner Condé-sur-Marne à pied. Une fois sur place, ils pourront enfin bénéficier d’un repos bien mérité.

 

Dimanche 6 octobre 1918

 

Du P.C. Sapins à Mourmelon-le-Grand

 

C'est aujourd'hui que l'on reprend l'heure normale. Une heure de plus à dormir !

 

Aujourd'hui, par extraordinaire, j'ai dit deux messes. Une pour le Q.G. et une pour le 149. Je ne sais comment les choses se sont arrangées, mais à la prière de l'abbé****, j’ai dû dire la messe pour les officiers du Q.G..

 

Grand branle-bas de départ au camp Sapins. Le Q.G., la cavalerie, tout le monde s'en va. Le désert se fait. Les prisonniers boches sont partis. Nous-mêmes recevons l'ordre de départ pour le camp de Châlons.

 

Rassemblement à 14 h 00 sur la route Marchand pour embarquement en camions.

 

Une heure d'attente ; le 11e Génie part devant nous.

 

« Les Boches demandent la paix et en attendant un armistice », voilà la nouvelle que les journaux nous apportent, nouvelle inattendue, qui délie toutes les langues et met, quelque peu, les cervelles à l’envers. On rit, on cause fort, on s'interpelle, on n'ose pas y croire… ! Le bonheur fait peur.

 

On me dit qu'un accident regrettable vient de se produire à la 2e compagnie. Un soldat a été tué par son camarade. Celui-ci maniait son fusil, ignorant qu'il fut chargé. Le coup part, le voisin s'écroule, tué net ! C'est navrant ! Descendre d'une bataille infernale de 9 jours et se faire tuer par accident !

 

15 h 00. Départ pour Mourmelon-le-Grand

 

Route de Perthes à Suippes. Suippes, que je n'ai pas revu depuis 1914 ! Que ces temps sont loin. Je cherche la rue de la Surginerie !

 

17 h 00. Mourmelon-le-Grand

 

Nombreux camions sur les routes, cependant il n'y a pas d'embouteillage. Nous sommes cantonnés dans les anciennes casernes d'artillerie. Mais c'est fort bien comme installation. J'en suis tout surpris. Files de bâtiments qui n'ont que le rez-de-chaussée et qui disparaissent à l'ombre des grands arbres. Mais cela ne ressemble en rien à la Champagne pouilleuse ! C'est fertile, c'est frais. Le village est à côté. Il a quelque peu souffert des obus ; les habitants l'ont abandonné et commencent à peine à revenir. Depuis le 15 juillet, ils n'étaient guère qu'à 6 km des lignes !

 

Chapelle à côté. Réfectoire. Popote. Chambre d'officiers. Rien ne manque.

 

Mourmelon-le-Grand

 

Sous les grands arbres, d'énormes canons sont alignés. Ils se reposent en attendant l'heure de la reprise qui ne tardera sans doute pas beaucoup pour eux.

 

Lundi 7 octobre 1918

 

Mourmelon-le-Grand

 

Messe à 7 h 00.

 

Nous ne demandons tous qu’à rester ici. Mais c’est trop beau. Déjà l’on parle de départ !

 

Visite des grands chefs.

 

M. Viollet du 158 a été blessé, paraît-il. Une fracture de la jambe. Ce n’est pas grave ; mais il en a pour un bon moment avant d’être guéri. L’abbé Bossy serait blessé également, mais légèrement. Voilà le 158e bien à court de prêtres.

 

Le major de cantonnement qui a pu faire cultiver deux hectares de jardins potagers, met à la disposition des compagnies,tout ce qu’elles peuvent désirer comme légumes. Enfin ! Voilà donc une mesure intelligemment appliquée. J’ai pris plaisir à visiter ce potager où choux, pommes de terre abondent.

 

Visite à la petite ville déserte. Bien des maisons semblent avoir souffert davantage des soldats qui y ont cantonné longtemps que du bombardement.

 

Vu Larose en promenade.

 

C’est décidé, on s’en va demain. Le 149e doit aller cantonner à Condé-sur-Marne, village situé entre Châlons et Épernay. L’étape doit se faire à pied : 20 km environ.

 

Mardi 8 octobre 1918

 

De Mourmelon-le-Grand à Condé-Sur-Marne

 

Messe à 7 h 00.

 

Départ à 11 h 30. La pluie se croit obligée de se mettre de la partie. Ondées d’orage, il en faudra subir plusieurs en cours de route.

 

Mourmelon-Le-Petit. Livry. On traverse la grande route de Châlons-Reims (vu l’abbé Cinéma), Vandemandes, laissé à droite. Isse et enfin Condé-Sur-Marne où nous arrivons à 17 h 00.

 

Je suis logé à la cure, chez M. l’abbé Persault, chanoine, un bon vieux qui approche de 80 ans.

 

Je demande à voir l’église. « L’église, elle n’existe plus ! Une bombe d’avion l’a démolie - Pourtant, j’ai aperçu un superbe clocher roman - C’est tout ce qui reste ! Le clocher et le porche ! »

 

Conde-sur-Marne

 

Village de cultivateurs à l’aise.

 

Popote chez M. Visse qui a reçu lui aussi deux bombes d’avions sur sa ferme. Il y a ici une importante usine qui sert à faire monter l’eau qui alimente le canal de la Marne à l’Aisne. C’est cette usine qui attire les avions boches et les obus. Car le village, surtout après l’avance boche du 15 juillet, était sous les obus.

 

Mercredi  9 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00 dans une chapelle provisoire. C’est l’ancienne salle des fêtes, mise par la commune à la disposition de M. le curé.

 

On continue de commenter fort les nouvelles de la guerre. Les mots de « paix, d’armistice » jetés dans la discussion produisent les effets d’un ferment énergique. Les têtes s’échauffent, les espoirs s’éveillent… On s’arrache les journaux.

 

« Kolb est mort ». Kolb n’a point survécu à sa blessure. Je suis navré de cette nouvelle. Kolb était une figure très sympathique. Ardent patriote et brave soldat, il avait conquis ses grades par son seul mérite. Il avait refusé dernièrement de se retirer à l’intérieur.

 

On a enfin des nouvelles du commandant Schalck. Il est prisonnier. Mais les Allemands, ayant égard sans doute à sa qualité d’Alsacien, l’ont soumis à un système de rigueur spécial. Il est au secret et c’est indirectement que sa famille a eu de ses nouvelles.

 

On a de bonnes nouvelles aussi du lieutenant David qu’il a fallu évacuer les derniers jours de la bataille ; il avait été ypérité et n’y voyait plus.

 

Jeudi 10 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

La grippe a fait sa réapparition. Tous les jours, il faut évacuer des malades.

 

Vendredi 11 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Orfeuil est enfin dépassé ; les boches se retirent.

 

Samedi 12 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Vouziers est pris. Je songe à ce prisonnier boche qui, l’autre jour, quand M. Barberousse lui disait : « Nous allons vous chasser ! Nous prendrons Vouziers », répondait du geste et de la voix : « Vouziers ! Vous ne prendrez pas Vouziers ! ». Ça y est,mon vieux Fritz !

 

Dimanche 13 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Messe basse à 8 h 00. Messe paroissiale et militaire à 10 h 00. La chapelle est un peu étroite pour l’assistance. M. le curé lit une lettre de Mgr. de Châlons prescrivant des prières de reconnaissance pour la libération du territoire de la Marne.

 

Conde-sur-Marne-Vraux

 

Justement, Mgr. de Châlons vient aujourd’hui à Vraux (4 km) donner la confirmation. M. le curé de Condé y conduit ses enfants. Bonne occasion que je ne veux pas laisser échapper. À 13 h 30, départ par le canal. À 14 h 30, j’arrive à Vraux juste pour la cérémonie. Nombreux discours. Avec l’abbé Laudat, Flammarion, nous pouvons saluer Mgr. qui nous a dit quelques mots très aimables. Du reste, dans les discours, il y a eu force compliments pour la division et comme c’est le 1er B.P.C. qui cantonne ici, il a eu sa forte part des compliments. Ce n’est pas pour lui déplaire.

 

Lundi 14 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

L’état des pertes de la division fait ressortir que le 149 et le 158 ont beaucoup plus perdu que les chasseurs.

 

Réflexion du colonel Vivier : « Celui qui sciemment donne un renseignement faux au cours de la bataille devrait être fusillé ».

 

Mardi 15 octobre 1918 (Sainte Thérèse)

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Tuyau du docteur Rouquier revenant de Châlons : Le corps d’armée (21e) se transporte à Semide ; l’armée à Suippes. On retire à l’armée Gouraud le 2e corps. On semble vouloir en rester là pour le moment sur le front de Champagne.

 

Mercredi 16 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Le service pour les morts fixé d’abord à ce jour, 16, reporté ensuite à dimanche prochain, est enfin remis à samedi 19. Le général de division a, paraît-il, trouvé étrange de n’avoir pas été invité au service de Pogny. Il regarde cela comme un acte de défiance à son égard. Conclusion : il faut l’inviter cette fois, et pour ce, le service est fixé à samedi 9 h 00.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

 

5 novembre 2021

Ernest Charles Pétot (1896-1965)

Ernest Charles Petot

 

Enfance et jeunesse

 

Ernest Charles Pétot voit le jour le 11 mai 1896, à Marey-sur-Tille, dans le département de la Côte d'Or. Son père, Henri, exerce la profession de maçon. Il a 27 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Jeanne Prandi, d’origine italienne, est âgée 22 ans. Le couple Pétot aura deux autres garçons.

 

Marey-sur-Tille

 

Le registre matricule d’Ernest note un degré d’instruction de niveau 4, ce qui signifie qu’il a obtenu le brevet de l’enseignement primaire. Ce diplôme lui offre la possibilité de devenir élève maître de l’école normale.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Ernest est bien trop jeune pour porter l’uniforme. Futur conscrit de la classe 1916, il n’est pas affecté par l’ordre de mobilisation générale.

 

Ernest Pétot sait que sa classe ne se présentera pas devant le conseil de révision avant longtemps, tout du moins en théorie.

 

La guerre qui ne devait durer que quelques mois s’inscrit malheureusement dans le temps. Les pertes en hommes sont très importantes. L’état-major français doit à tout prix maintenir ses effectifs en équilibre sur le long terme. Parmi les solutions appliquées, la classe 1916 se retrouve appelée bien avant l’heure de la conscription en temps de paix.

 

Sous l’uniforme

 

Ernest Pétot bénéficie d’un sursis d’incorporation. Le jour où il se présente devant le conseil de révision, il est classé dans la 7e partie de la liste.

 

Pourtant, à partir du mois d’avril 1915, il est mobilisé comme n’importe quel autre conscrit de la classe 1916. Le jeune homme a l’obligation d’être à Épinal pour intégrer les effectifs du 170e R.I. dès le 4.

 

Son niveau d’étude, très supérieur aux autres, lui permet de franchir en un rien de temps l’ensemble des grades de sous-officier dès la fin de l’année 1915. Le 10 décembre, il est nommé caporal. Le 20 décembre, il devient sergent. Le 1er janvier de l’année suivante, il est promu aspirant.

 

Le 26 février 1916, Ernest Pétot est affecté pour mobilisation au 149e R.I..

 

Au regard des éléments fournis par sa fiche matricule, il est difficile de  donner une date, même approximative, de son arrivée au sein du régiment actif.

 

Combien de temps est-il resté au dépôt du 149e R.I. après son départ du 170e R.I. ? Est-il passé par le 9e bataillon du régiment ? Était-il présent durant l’attaque sur le village de Soyécourt qui a eu lieu au début du mois de septembre 1916 ? Il est impossible de répondre de manière sûre à ces questions.

 

Un cliché réalisé le 10 avril 1917 permet d’affirmer sa présence au sein d’une compagnie combattante du 149e R.I. à partir de cette date. Ce jour-là, Ernest Pétot a été photographié avec l‘ensemble des sous-officiers de la 10e compagnie, dans le Haut-Rhin, près de Belfort.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

L’identification de cet homme a été rendue possible après lecture du livre « Et le temps, à nous, est compté » rédigé par Francis Barbe. Une photographie identique se trouve à l’intérieur de l’ouvrage à la page 179. Chaque sous-officier représenté est nommé en marge de l’épreuve.

 

Début octobre 1917, le 149e R.I. est en préparation d’attaque. Une vaste offensive est déclenchée le 23 octobre dans le secteur de la Malmaison, près du chemin des Dames.

 

Les probabilités sont suffisamment fortes pour affirmer la présence de l’aspirant Pétot au sein de la 10e compagnie durant les combats.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

 

En avril 1918, le 149e R.I. est en formation près de Compiègne. Fin mai, avec l’ensemble de la 43e D.I., il contient une offensive allemande dans le secteur d’Arcy-Sainte-restitue.

 

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte postale suivante.

 

 

Une décision ministérielle du 8 juillet 1918 nomme l’aspirant Pétot au grade de sous-lieutenant, à titre temporaire, à compter du 1er juillet 1918. 

 

Une semaine plus tard, l’officier, nouvellement promu, se porte volontaire pour prendre le commandement d’un groupe de couverture dans un secteur de Tahure particulièrement mouvementé. Les Allemands attaquent. La lutte est rude. À court de munitions, le sous-lieutenant Pétot et les survivants de son groupe sont faits prisonniers.

 

 

Envoyé en Allemagne, Ernest Pétot est interné dans un camp d’officiers à Helmstedt.

 

Carte des camps de prisonniers officiers en Allemagne

 

L’après-guerre

 

L’armistice est signé le 11 novembre 1918, mais ce n’est qu’en janvier 1919 que le sous-lieutenant Pétot est rapatrié en France. Il est envoyé en congé illimité de démobilisation le 22 septembre 1919 depuis le dépôt du 27e R.I.. Ernest Pétot se retire dans son village natal.

 

En septembre 1920, il vit à Ampilly-les-Bordes et exerce son métier d’instituteur public.

 

Le 19 avril 1922, il se marie avec Pauline Jeanne Talfumier à Baignieux-les-Juifs.

 

Une décision ministérielle du 7 décembre 1923 le fait rattacher militairement au 25e régiment de tirailleurs.

 

Le 21 décembre 1928, Ernest Pétot dépend du centre mobilisateur n° 203 suite à une nouvelle décision ministérielle publiée dans le J.O. du 29 décembre 1928.

 

Son épouse décède le 14 janvier 1931.

 

Le 21 mars 1931, le sous-lieutenant Pétot est rattaché au centre d’instruction d’infanterie n° 81.

 

Ernest Pétot se remarie le 3 février 1932 à Oigny avec Marthe Huguenot, une femme qui exerce le métier d’institutrice. Un enfant naîtra de cette union. Le couple est installé à Sainte-Seine-l’Abbaye en novembre 1932.

 

Entre le 9 et le 24 septembre 1938, l’ancien officier du 149e R.I. accomplit une période d’exercices au 27e R.I.. Ernest Pétot est nommé lieutenant à titre définitif pour prendre rang à partir du 20 août 1921. Rappelé à l’activé militaire le 24 septembre 1938, il retourne à la vie civile dès le 5 octobre.

 

Deuxième rencontre avec les Allemands

 

Un nouveau conflit mondial est sur le point d’éclater. Ernest Pétot doit revêtir son uniforme d’officier à partir du 23 août 1939. Il est âgé de 44 ans. Les Allemands envahissent la Pologne le 1er septembre 1939. La France se prépare à vivre un nouveau conflit avec son ancien ennemi. L’Allemagne entre sur le territoire français le 10 mai 1940ce qui met fin à la « drôle de guerre ».

 

La bataille de France débute. Le 17 juin 1940, le lieutenant Pétot est, pour la seconde fois de sa vie, envoyé en captivité. Trois jours plus tard, le gouvernement français signe l’armistice. Promu capitaine de réserve par arrêté du 10 août 1940, Ernest Pétot est rapatrié et démobilisé le 8 septembre 1941.

 

Rayé des cadres militaires le 11 mai 1951, il est admis à l’honorariat de son grade à partir de cette date.

 

L’ancien aspirant de la 10e compagnie du 149e R.I. meurt le 10 juin 1965 à Dijon à l’âge de 69 ans.

 

Décoré de la croix de guerre 1914-1918, le capitaine de réserve Pétot a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre du corps d’armée en date du 25 juin 1918 :

 

« Sous-officier plein d’entrain, a brillamment conduit sa section au cours des dernières opérations dans des conditions très difficiles et maintenu sa section sous un feu violent de mitrailleuses. »

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 20026 du G.Q.G. en date du 3 juillet 1919 :

 

« Officier excellent, réputé dans son bataillon par sa bravoure et sa brillante conduite dans toutes les circonstances de la guerre. Le 15 juillet 1918, en Champagne, comme chef volontaire d’un groupe de couverture, a opposé à l’ennemi une résistance acharnée. Ayant épuisé ses munitions, submergé par un ennemi très supérieur en nombre, fut fait prisonnier après plusieurs heures de combat désespéré, sacrifiant gaiement sa liberté à l’accomplissement intégral d’une mission de confiance qui lui avait été confiée. »

 

La généalogie de la famille Pétot peut se consulter sur le site « Généanet ».

 

log geneanet

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services du sous-lieutenant Pétot a été consultée sur le site des archives départementales de la Côte-d’Or.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, à T. Vallé aux archives départementales de la Côte d'Or et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

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