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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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16 février 2024

Léon Louis Albert Baril (1873-1915)

Leon Louis Albert Baril

 

Enfance et jeunesse

 

Léon Louis Albert Baril est né le 25 octobre 1873, place Dauphine, à Bordeaux-Caudéran, en Gironde.

 

Son père, Édouard Louis Joseph, 30 ans, est employé au comité des assurances maritimes bordelaises, place de la Bourse. Sa mère, Catherine Jeanne Marie Lafargue, 21 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle.

 

Une deuxième grossesse, qui devait être un heureux événement pour la famille Baril, se termine de façon dramatique. Louis n’a pas encore fêté ses cinq ans lorsque sa mère meurt en couches le 30 juin 1877. Ce jour-là, le père se rend à deux reprises à la mairie de Caudéran : une première fois pour signaler le décès de son épouse, une seconde fois pour déclarer celui d’un garçon mort-né. Il n’y a donc pas d’acte de naissance enregistré au nom de Baril dans les registres d’état civil à cette date, et encore moins de prénoms inscrits sur l’acte de décès du frère de Louis. Notons que le registre des tables décennales de la ville de Caudéran fait mention d’une personne nommée Édouard Baril, décédée le 30 juin 1877.

 

Genealogie famille Baril

 

Le père et le fils Baril s’installent à Paris. Édouard Baril, devenu commissionnaire en marchandises, facteur aux Halles, se remarie le 8 février 1887 avec Lazarette Coron, veuve de Thomas Pierquin. La famille Baril habite au 43 rue Réaumur lorsque l'entreprise du père fait faillite en 1888.

 

Louis Baril a fait des études secondaires, mais il a abandonné le lycée avant d’obtenir le baccalauréat. À 19 ans, il décide d’entreprendre une carrière militaire.

 

La date de sa majorité est encore loin. Le consentement paternel est donc obligatoire pour contracter un engagement volontaire.

 

Le père de Louis, qui vit à Barcelone depuis plusieurs années, n’a rien contre ce choix. C’est un ancien militaire, comme son père, et il n’a aucun problème à accepter la décision de son fils. La tradition familiale du port de l’uniforme se transmet de génération en génération.

 

Le 17 novembre 1891, Louis Baril se rend à la mairie de Bordeaux. Il comparaît devant l’adjoint au maire Legendre, accompagné de ses deux témoins, Jean Roche et Antoine Denestèbe et signe un contrat qui l’engage pour 4 ans avec l’armée.

 

Les premières années sous l’uniforme

 

Caserne Gazan

 

Louis Baril choisit le 112e R.I., une unité stationnée à Toulon et à Antibes, pour faire ses premières armes. Il est au régiment le 23 novembre 1891.

 

Son statut d’engagé lui permet de suivre très rapidement la formation donnée aux élèves caporaux. Il est nommé dans cette fonction le 23 mai 1892.

 

Le chef d’escouade Baril est promu au grade supérieur le 12 janvier 1893. Son niveau d’instruction lui offre l’opportunité d’occuper la charge de sergent-fourrier du 11 novembre 1893 au 4 juillet 1894 ; ensuite il retrouve ses fonctions de sergent de compagnie.

 

En 1895, le sergent Baril est responsable de deux escouades de la 3e compagnie à la caserne Gazan à Antibes.

 

Le 20 novembre, il se présente devant le sous-intendant militaire de Nice, avec deux témoins, l’autorisation du colonel Monnot en charge du 112e R.I, un certificat d’aptitude physique et un état signalétique constatant ses conditions de services fixées par la loi du 18 mars 1889 ; ces éléments lui permettent de signer un acte de rengagement de 2 ans.

 

Son niveau d’études et les connaissances acquises depuis son arrivée au sein du 112e R.I. l’autorisent à s’inscrire au concours d'entrée à l'école d'infanterie de Saint-Maixent (n'ayant aucun diplôme et n'ayant reçu qu'une partie de l’enseignement secondaire, il n’a pas pu se présenter au concours d'entrée à l'école de Saint Cyr, après avoir signé son engagement à la mairie de Bordeaux).

 

Louis Baril réussit l’examen d‘entrée. En tant qu’élève officier, il rejoint la 17e promotion nommée Nicolas II et commence les cours en avril 1896. Le sergent Baril souffre. La formation est difficile. Il est loin du niveau d’excellence qui le placerait aux plus hauts échelons de sa promotion.

 

Dans sa feuille de notes détaillées de fin de formation, le lieutenant-colonel Edmond Louis Paul Robiquet, responsable de l’école, l’évalue comme suit :

 

« Monsieur Baril est apte à faire un assez bon officier. Il lui manque encore, pour faire mieux, un peu de pratique et un peu plus d’assimilation de l’enseignement auquel son intelligence était peu préparée. Il sert correctement, son éducation est ordinaire, sa situation modeste. Il dirigera difficilement l’enseignement du tir. Jugé très faible et à peine passable pour les exercices corporels. Officier terne. »

 

Louis Baril quitte l’École militaire d’infanterie à la fin du mois en mars 1897 avec le numéro 233 sur 279. Il part en congé à la fin des cours avant de rejoindre sa nouvelle affectation.

 

En tant qu’officier

 

Le 1er avril, le sergent Baril est promu sous-lieutenant au 78e R.I. dans le Limousin.

 

Ses notes sont toujours très contrastées. Il est dépeint comme un officier réservé, manquant de confiance et de sang-froid devant ses subordonnés. Il est décrit comme un peu mou et très timide. En 1898, il tombe malade. Le sous-lieutenant Baril quitte le régiment pour deux mois.

 

Le 1er avril 1899, il est nommé lieutenant.

 

Petit à petit, l’homme devient plus posé, plus froid, plus réfléchi. Il finit par obtenir un peu plus de considération de la part de ses supérieurs.

 

Les propos de ses dirigeants se font plus élogieux. Louis Baril est décrit comme un officier intelligent et sérieux, qui connaît bien les règlements et mérite la confiance de tous. Il est tout à fait apte à faire campagne.

 

C’est un bon tireur qui montre peu d’aptitude pour les exercices physiques. Ses compétences en équitation laissent un peu à désirer.

 

Du 4 avril au 12 mai 1907, le lieutenant Baril suit les cours de l’école de tir du Ruchard et obtient de très bons résultats.

 

Le 24 septembre 1911, Louis Baril est nommé capitaine.

 

À la suite de cette promotion, il est affecté en Charente-Inférieure et reçoit le commandement d’une compagnie du 123e R.I. à La Rochelle.

 

Caserne Renaudin 123e R

 

Il doit reprendre en main la 5e compagnie qui a tendance à négliger sa tenue vestimentaire. Son prédécesseur, suite à des problèmes de santé qui l'ont privé d'une partie de ses ressources, a fini par renoncer à son autorité de cadre.

 

Petit à petit, un important laisser-aller s’est répandu au sein de la compagnie.

 

Louis Baril s’acquitte honorablement de cette tâche. Cependant, le portrait dressé par son commandant de régiment, le colonel Saint-Étienne et par son second le lieutenant-colonel Lepetit, est assez dur. En 1912, il est noté comme étant un officier ayant un caractère renfermé, parfois ombrageux, sans entrain et sans initiative, replié sur lui-même, vivant à l’écart et qui semble servir avec indifférence.

 

Au 149e R.I.

 

Le 24 février 1913, le capitaine Baril est affecté par convenance personnelle au 149e R.I..

 

Dès son arrivée au régiment, le colonel Menvielle lui confie le commandement de la 8e compagnie. Louis Baril fait immédiatement preuve d’autorité. Il commande une compagnie bien préparée, bien entraînée et bien dirigée lors de la marche des Vosges et lors des manœuvres d’automne. Il est maintenant beaucoup plus en confiance avec ses supérieurs. Grâce à un travail acharné, il est devenu un excellent cavalier.

 

Cet officier n’est plus à la tête de la 8e compagnie lorsque le premier conflit mondial éclate en août 1914. Le commandement de cette unité a été confié au capitaine de Chomereau de Saint-André qui en a la charge depuis le 13 juillet.

 

Durant les premiers mois du conflit, Louis Baril reste au dépôt pour encadrer la 28e compagnie. Le 13 novembre 1914, il rejoint le régiment qui combat sur le front belge, avec un renfort de 320 hommes. Il prend le commandement de la 9e compagnie.

 

 

Le 7 décembre 1914, le 149e R.I. quitte la Belgique. Après plusieurs jours de marche et d’instruction, il prend position sur le front d’Artois, d’abord près du bois de Berthonval puis à partir du 27 janvier, dans un secteur proche du village de Noulette.

 

Une correspondance inédite rédigée par le commandant Laure rappelle les traits de personnalité du capitaine Baril.  Il le décrit ainsi : « C’est un homme de devoir, tout honneur et conscience, froid, juste, expérimenté, très instruit, farouche républicain et démocrate. D’aucuns disent qu’il est un peu sectaire, mais c’est faux, car il est très intelligent et a l’esprit large. » 

 

Le 3 mars 1915, Louis Baril tombe sous le feu des mitrailleuses ennemies lors d’une contre-attaque visant à stopper une attaque allemande majeure.

 

Pour en savoir davantage sur les évènements qui ont eu lieu le 3 mars 1915, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 2 journee du 3 mars 1915

 

Les circonstances du décès du capitaine Baril sont mentionnées dans une lettre rédigée par Lucien Kern, soldat à la 9e compagnie, datée du 8 mars 1915.

 

« Ma chère bonne maman et chère sœur et Georges,

 

Six mois depuis le 26 février se sont écoulés depuis notre départ, tant de souffrances, de peines et de sacrifices sans nom. Je n’entrerai pas aujourd’hui dans les détails de la lutte horrible qui s’est déroulée pendant trois jours… J’ai passé des heures terribles, heures d’angoisses et de danger, comme jamais je n’en ai passé. J’ai souffert d’esprit et de corps en trois jours, comme en dix ans de ma vie…

 

Un soir, vers quatre heures, il y a eu un bombardement terrible par nous sur l’ennemi. Il faut l’avoir vu pour le croire. Ce fut, pendant une demi-heure, l’enfer déchaîné sur un coin de terre… Tout de suite après, notre compagnie reçoit l’ordre d’attaquer…

 

Je vis tomber mon lieutenant. Combien d’amis que j’estimais, tous frappés à mort. À chaque pas, il me semblait que j’allais être touché, car nous chargions sous un feu violent de mitrailleuses et de fusils.

 

Les balles tombaient pareil lorsque la pluie commença à tomber en larges gouttes…

 

C’est le 3 mars, à 16 h 00, que nous avons chargé. Le commandant pleurait de nous voir partir à la mort, car l’attaque était manquée.

 

Notre pauvre capitaine fut tué aussi. Le soir, à 8 h 00, la moitié des hommes manquaient à l’appel… Il y a un village tout près, celui dont je vous ai parlé, tout bombardé. Nous l’appelons le village de la mort, car les obus tombent et tuent en traîtrise, en ce fameux endroit. Maintenant notre régiment est relevé et on est au repos pour se refaire et se reposer… »

 

Le capitaine Baril est mort en incroyant convaincu. Parmi ses affaires se trouvait une lettre interdisant, en cas d’accident, toute cérémonie religieuse à son sujet.

 

Il est actuellement enterré au cimetière communal de Sains-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais.

 

Sepulture capitaine Baril

 

Louis Baril ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Son nom est inscrit sur les monuments aux morts des villes de Bordeaux-Caudéran, Bordeaux et d’Épinal.

 

Monuments aux morts de Bordeaux, Bordeaux-Caudéran et d'Epinal

 

Décoration obtenue :

 

Croix de guerre avec palme

 

Citation à l’ordre de la Xe armée n° 55 en date du 30 mars 1915 (J.O. du 8 avril 1915).

 

« Lors d’une attaque allemande sur les tranchées de 1ère ligne devant Noulette, a été tué à la tête de sa compagnie en l’entraînant sous un feu violent d’artillerie et de mitrailleuses pour une attaque en avant des tranchées. A montré, en plusieurs circonstances, une grande bravoure. »

 

Le capitaine Baril a également été décoré de la Légion d’honneur à titre posthume (J.O. du 22 juin 1920).

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Le portrait du capitaine Baril est extrait de ce dossier.

 

Fiche matricule lue sur le site des archives départementales de la Gironde.

 

La carte utilisée pour le 1er montage photo, est extraite du J.M.O. du 25e R.I.T., sous-série 26 N 778/5.

 

La photographie de la sépulture du capitaine Baril a été réalisée par T. Cornet.

 

« Lettres des tranchées » Correspondance de guerre de Lucien, Eugène et Aimé Kern, trois frères manitobains, soldats de l’armée française durant la Première Guerre mondiale. Aux éditions du Blé. Saint-Boniface (Manitoba) Canada. 2007.

 

« Deux Guerres en un siècle - Lettres d’Émile Laure à son épouse ». Éditions de Sauvebonne.

 

Avec l’aimable autorisation de S. Martel et de R. Laure qui m’ont donné leur accord pour reproduire ici les extraits de correspondance de leurs ancêtres.

 

Un grand merci à M. Bordes, à S. Martel, à A. Carobbi, à T. Cornet, à R. Laure, à T. Vallé, au S.H.D. de Vincennes, aux archives départementales de Bordeaux et à la mairie de Bordeaux-Caudéran. 

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