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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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25 juin 2021

1er octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

1er octobre 1918

 

Les bataillons du 149e R.I. sont au repos dans les tranchées de Postdam et de Gratreuil pour le 2e jour consécutif. Loin d’être à l’abri, les hommes sont régulièrement harcelés par les tirs de l’artillerie allemande. 

 

L’abbé Henry décide d’aller rendre visite au 3e bataillon du régiment. Il quitte le poste de secours de la voie ferrée pour se rendre à la tranchée de Gratreuil.

 

Une fois sur place, il s’entretient avec les officiers du bataillon qui lui résument les évènements de la journée du 28 septembre. L’aumônier Henry relate également une situation peu banale en lien direct avec Ludendorff.

 

La période de repos est sur le point de s’achever pour le 149e R.I.. Il n’y a pas de troupes fraîches à disposition pour relever le 21e C.A.. Le 21e R.I. est à bout de force après ses attaques menées sur la tranchée d’Aure. Les hommes du lieutenant-colonel Vivier apprennent qu’ils vont bientôt reprendre l'offensive. La 43e D.I. est sur le point de relever la 13e D.I..

 

Témoignage de l’abbé Henry : poste de secours de la voie ferrée.

 

Messe à 7 heures.

 

La journée commence bien ! Canonnade violente de la part des Boches, non seulement sur nous, mais encore à droite et à gauche, sur un large front ; fusées demandant le barrage ! Notre artillerie qui est venue se masser en avant et derrière la ligne de chemin de fer donne tout ce qu'elle peut.

 

Du P.S., j'entends la voix du guetteur crier de toute sa force : « Barrage ! ». En ligne, la lutte doit être chaude et les Boches ont dû « remettre ça » à plusieurs reprises.

 

Dans la matinée, le général est venu remettre la Légion d'honneur au capitaine Lobstein et quelques médailles militaires (4). On a raison de ne pas faire attendre des récompenses certes bien méritées.

 

Le commandant Hassler est malade. Le docteur Rouquier ne croit pas qu'il puisse rester à la tête de son bataillon.

 

10 h 00.

 

Le 21e attaque la tranchée d'Aure. Notre artillerie semble décidée à y mettre le prix. La lutte doit être chaude, acharnée, car elle se prolonge.

 

Soirée ensoleillée. J'en profite pour rendre visite à la tranchée de Gratreuil, où le 3e bataillon se repose de ses fatigues. Vu le commandant Fontaine, le capitaine Prenez, le lieutenant Roncin, le capitaine Nold. Causé longuement avec Humes.

 

Devant la tranchée de Nassau, ce fut terrible. Les mitrailleuses balayaient tout ; les obus tombaient sans relâche. Les hommes s'étaient abrités dans les trous et n'en bougeaient plus ; et pourtant, il fallait avancer ! « J'ai dû aller, venir, me raconte Humes, d'un trou à l'autre pour les faire sortir ; je suis resté debout, je ne me suis pas couché ni baissé un seul instant ; ma capote est percée de balles et d'éclats d'obus comme une écumoire, et moi, je n'ai pas une égratignure, pas ça !… Je ne sais pas comment cela se fait ! ».

 

Le capitaine Nold, lui, a reçu une balle qui a traversé le haut de son casque, sans que la tête soit touchée !

 

Et voilà tous ces hommes qui, à peine sortis de la fournaise, pourront y être rejetés demain. Car le 21e est à bout de force et c'est encore le 149 qui va payer de sa personne !

 

C'est dur ! Et pourtant, je n'entends pas un murmure, pas une plainte ! Les hommes préparent leurs armes.

 

Je les trouve à la 9e, fort occupés à installer une mitrailleuse contre avions. Le sergent Charnotet revient de permission ; il a manqué pour la première fois la bataille. Mais il arrive à temps et avec lui un certain nombre de permissionnaires pour la dernière phase de la bataille : « Alors on va remettre ça ! me dit-il en passant, ce ne sera pas grand-chose ! ». Ainsi soit-il !

 

Alors, on remet ça ! Vraiment, je ne croyais pas qu'on pouvait demander à des hommes de tels efforts. Je n'attends pas grand-chose de bon de cette reprise par des gens qui sont déjà sur les dents !

 

C'est le 2e bataillon qui va partir en tête, soutenu par ce qui reste du 1er puis le 3e bataillon (pour la 3e fois) à nouveau se lancera en avant.

 

Le 21e R.I. a dû attaquer à 10 heures. Ses objectifs étaient : tranchée d'Aure, bois La Croix, Orfeuil, Pylône. Si j'en juge par la canonnade qui ne s'apaise pas, qui au contraire ne cesse de croître en intensité, l'affaire doit être extrêmement disputée.

 

P.S.. Il me tarde d'avoir des nouvelles. Au P.S., il est difficile d'avoir la vérité, les impressions de blessés sont si sujettes à caution ! Elles ont la valeur d'indices à retenir et à contrôler les uns par les autres.

 

Après les premiers blessés, l'attaque est bien partie, la tranchée d'Aure a été prise, on a passé trois crêtes et on n'en était à peu près au village d'Orfeuil, mais les Boches ont contre-attaqué aussitôt avec des troupes fraîches, nombreuses, bien outillées, armées d'innombrables mitrailleuses. Elles ont reconduit le 21e en vitesse à son point de départ.

 

Le terrain conquis a été perdu plus vite qu'il n'avait été gagné. Eh quoi ! Le 21e n'a même pas gardé la tranchée d'Aure ? – Si ! C'est là que nous sommes en ce moment !

 

Mais voici un lieutenant du 21e. Il est fatigué, malade ; avec lui nous allons savoir de quoi il retourne.

 

Ses impressions sont celles d'un homme déprimé, qui est arrivé à l'extrême limite de ses forces. Tel Lemoine samedi, il fait mal à entendre.

 

La situation du 21e n'a cessé d'être dangereuse, du fait qu'il est depuis trois jours en pointe d'avant-garde par rapport au reste de la ligne. Les hommes malgré la fatigue de ces six jours sont partis magnifiquement, mais que sont-ils ? Une poignée ! Les rangs sont fort éclaircis.

 

Dans ces conditions, comment tenir le coup contre une division fraîche amenée à pied d'œuvre juste avant la contre-attaque ? Il fallait, ou reculer, ou se laisser prendre par enveloppement en même temps que massacrer sur place !

 

On s'imagine qu'il n'y a personne en face de nous ! C'est une erreur absolue ! Il y a des soldats et il y a de l'artillerie. « L'artillerie, j'estime, dit le lieutenant, qu'elle nous en envoie autant qu'à Verdun, comme nombre de projectiles. Il y a cette différence que ces obus ne sont pas d'aussi gros calibre et que ça ne tombe pas tout le temps comme à Verdun, mais enfin, quand ils nous prennent à partie, pendant une heure, deux heures, ça tombe aussi dru qu'à Verdun. Avec ça, les effectifs fondent ! C'est forcé ! ».

 

Quand on lui parle d'évacuation, le pauvre lieutenant est navré ! Il songe aux camarades restés à la peine. « Ce pauvre Legagneux, qu'est-ce qu'il va devenir ? Il reste… quoi !… 30 hommes dans sa compagnie. En voilà un ! Quel homme ! Comment n'est-il pas tué ! Toujours en avant ! Et modeste ! ».

 

Legagneux ! C'est le nom qu'au 21e on ne prononce qu'avec fierté, admiration et respect ! – Conclusion du lieutenant : « Je plains le 149, si c'est lui, comme on le dit, qui doit nous relever ! ». C'est réjouissant comme perspective.

 

Le 21e, malgré tout, a gagné le terrain qui sépare la tranchée de Nassau de la tranchée d'Aure ; c'est une avancée de 3 km. Il a fait aussi un certain nombre de prisonniers. On les utilise à porter les blessés. Le médecin du 21e, avec eux, est pour la manière forte.

 

 

Les obus boches tombent à nouveau sur la voie ferrée. Rappel nécessaire à la prudence. Dans la plaine c'est un grouillement de monde. Les chariots de parc, les caissons, traversent maintenant la voie à la file indienne, sans souci des obus. Il le faut puisque maintenant une bonne partie des batteries s'est portée en avant. Le maréchal Foch aparaît-il, donné la consigne de ne pas s'arrêter : le succès doit être exploité à fond. La poche ouverte dans la ligne ennemie de doit pas se refermer.

 

Près de nous, sous la voie ferrée, le commandant Pougny,qui commande maintenant le 1er bataillon au lieu et place du commandant Hassler évacué, installe son P.C.. Le 149e décale d'un cran en avant et se porte jusqu'à la tranchée de Nassau en soutien et en liaison plus étroite avec le 21e.

 

Il n'est pas jusqu'aux T.C. qui ne se déplacent. Ordre aux T.C. de se porter au bois de la Fouine et bois voisins, c'est-à-dire près de la ligne de chemin de fer. J'ai l'impression qu'on va un peu vite en besogne. Pourvu que nous n'ayons pas de casse !

 

Barge cité à l'ordre Ludendorff. Ceci n'est point banal. Dans les papiers boches saisis, n’a-t-on pas trouvé une circulaire signée Ludendorff donnant aux Boches comme modèles les observateurs français. Dans leur attaque du 15 juillet, les Boches ont mis la main sur les cahiers où les observateurs de Barge notaient leurs observations. Ces cahiers ont, paraît-il, fait l'admiration de Ludendorff qui ne s'étonne plus que les Français aient été si bien renseignés, etc., etc.… C’est flatteur pour Barge et l'aveu boche doit lui faire plaisir.

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Le morceau de carte  est extrait du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

18 juin 2021

Albert Joseph Louis Marquand (1895-1938)

Albert Marquand

 

Albert Marquand n’est pas un soldat du 149e R.I. comme les autres. Il a laissé un témoignage d’une exceptionnelle densité sur son passage dans ce régiment.

 

Enfance et jeunesse

 

Albert Joseph Louis Marquand vient au monde le 13 décembre 1895 à Troyes, au n° 20 de la rue de Paris.

 

Son père, Louis Modeste Cécile, assure la direction du dépôt de la société anonyme des parqueteries de Montbard. Il a 37 ans lorsque son fils voit le jour. Sa mère, Olympe Pauline Joly, est âgée de 26 ans. Le couple donne également vie à deux autres garçons, Georges, né le 14 mars 1897 et Henri, né le 12 février 1900.

 

Les Marquand quittent le département de l’Aube en 1902 pour aller s’installer à Aubenas, un chef-lieu de canton de l’Ardèche. Olympe et Louis prennent la gestion de la librairie-papeterie située faubourg Gambetta.

 

Aubenas librairie-papeterie Marquand

 

Le jeune Albert quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Ses écrits ultérieurs montrent qu’il maîtrise parfaitement les fondamentaux scolaires. Ces aptitudes lui permettront de fréquenter l’école primaire supérieure. Albert est un sportif accompli. Il pratique la gymnastique de manière assidue. Il possède également une bonne culture musicale avec un répertoire de chant bien rempli.

 

Sa fiche matricule indique qu’il a été étudiant avec une formation industrielle avant d’être employé par ses parents. Albert travaillera à la librairie-papeterie familiale jusqu’à la date de son incorporation.

 

Conscrit de la classe 1915, il est appelé sous les drapeaux en décembre 1914. La déclaration de guerre contre l’Allemagne, qui a eu lieu en août, lui a imposé de revêtir l’uniforme bien avant l’heure de la conscription du temps de paix ; celle-ci était normalement prévue en novembre 1915.

 

Au 3e R.I.

 

Le futur soldat a tout juste 19 ans lorsqu’il reçoit sa feuille de route. Celle-ci lui intime l’ordre de se rendre à Digne. Albert intègre la 30e compagnie du dépôt du 3e R.I. à partir du 18 décembre 1914. Cette compagnie est sous l’autorité du capitaine Cazer.

 

Le niveau d’études du soldat Marquand lui permet d’entrer au  peloton des élèves caporaux dès le 28 décembre. Il fait partie des meilleurs éléments, mais une circulaire ministérielle prescrit de ne pas nommer de caporaux à la classe 1915 durant le temps de formation ; cela l’empêche d’être officiellement nommé dans ce grade avant le départ pour le front. Albert commande ensuite différentes escouades de la 30e compagnie sans pour autant porter le galon rouge ni toucher la solde correspondante.

 

Le soldat Marquand tente ensuite le concours d’élèves officiers de réserve, mais le niveau est bien trop élevé pour lui. Il échoue à la seconde partie de l’examen qui se déroule à Marseille. Albert ne deviendra jamais officier.

 

Les entraînements deviennent de plus en plus durs. Les sacs sont régulièrement remplis de cailloux pour en augmenter la charge. Les marches s’enchaînent. Les exercices en campagne et les exercices à la baïonnette suivent à la même cadence. Les nombreuses séances de tir dévoilent un homme particulièrement doué avec le Lebel. Albert est vite classé parmi les meilleurs tireurs.

 

Caserne de Digne

 

Au 9e bataillon du 111e R.I.

 

Albert Marquand est officiellement nommé caporal le 23 avril 1915. Deux jours plus tard, il quitte la caserne Desmichels pour rejoindre le bataillon de marche du 111e R.I. établi à Antibes.

 

Le 9e bataillon de ce régiment rejoint la zone des armées au début du mois de mai 1915. La 34e compagnie, dans laquelle se trouve Albert, s’installe à Saint-André-en-Argonne. Le 15 mai, elle est à Brocourt.

 

Au 55e R.I.

 

Le 24 juin 1915, il est affecté à la 4e compagnie du 55e R.I.. Cette unité combat dans le secteur du bois de la Gruerie, une zone particulièrement dangereuse.

 

Six jours plus tard, Albert Marquand est blessé par une grenade. Le lendemain, il est évacué sur Chaumont où il est pris en charge par des médecins spécialisés dans la traumatologie oculaire. Pour rassurer la famille, Albert écrit ceci dans une de ses correspondances : « Comme blessure, je n’ai pas grand-chose, une plaie à la jambe gauche (en bonne voie de guérison), une autre à la main (à moitié guérie), enfin, et c’est pour ça qu’on m’a évacué, un minuscule éclat dans l’œil droit, mais l’œil n’est pas perdu. »

 

Guéri, il est envoyé au dépôt des éclopés de Chaumont le 7 août. Le 20, il passe la contre-visite devant un spécialiste. Le médecin qui le reçoit estime qu’il peut repartir dans la zone des combats avec une bonne paire de lunettes.

 

Le 27 août, le jeune Marquand réintègre la 4e compagnie du 55e R.I, sous les ordres du sous-lieutenant Fauché. La compagnie cantonne à Villers-Cotteret.

 

Le 1er septembre, le régiment est positionné à l’extrême est du chemin des Dames. Albert tombe malade. Il souffre d’embarras gastrique fébrile. Il est évacué sur l’ambulance 10/15 installée à Magneux, avant d’être envoyé à Igny puis à Sille-sur-Guillaume, dans la Sarthe. Il quitte l’hôpital temporaire 7bis deux mois après y être entré. Il a en main une permission de sept jours, la première depuis qu’il a revêtu l’uniforme.

 

Le 28 décembre 1915, il est au dépôt du 55e R.I. à Pont-Saint-Esprit, affecté à la 31e compagnie. Albert est arrivé à la caserne Pépin avec quelques jours de retard. Il a de la chance, ses supérieurs ne lui en tiendront pas rigueur.

 

Caserne Pepin

 

Le caporal Marquand quitte la caserne Pépin très rapidement. Le 10 janvier 1916, il est versé à la 32e compagnie qui cantonne à Bourg-Saint-Andéol.

 

Il est de retour à Pont-Saint-Esprit le 17 mars 1916. Albert vient d’apprendre son affectation au 149e R.I.. Une fois habillé de neuf, il prend la direction d’Avignon pour rejoindre le dépôt du 58e R.I. avec un petit groupe constitué de 4 sergents, de 9 caporaux et d’une quarantaine de soldats de son régiment.

 

Au 149e R.I.

 

Albert quitte Avignon dans la soirée du 22 mars avec un renfort de 500 hommes, pour prendre la direction de Verdun. Le voyage se fait en train. Il est long et épuisant. Le caporal Marquand arrive à destination le 26. Il est aussitôt affecté à la 12e compagnie du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Chauffenne. Le régiment se prépare à retourner en 1ère ligne.

 

Il faut cliquer sur l’image suivante pour se faire une idée de ce qu’a vécu le caporal Marquand durant cette période.

 

Albert Marquand, souffrances à Verdun

 

Mi-avril 1916, la 12e compagnie laisse derrière elle la région de Verdun. Mise en repos à Landrecourt pour une courte durée, elle se rend ensuite en Champagne, avec l’ensemble du régiment, pour occuper un secteur bien moins exposé aux attaques. La zone couverte par le régiment se situe entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des deux Mamelles.

 

Albert est nommé sergent le 19 mai 1916.

 

En juillet 1916, dans le cadre de la création du dépôt divisionnaire, les 4e, 8e et 12e compagnies sont remplacées par des compagnies de mitrailleuses. Les hommes de ces compagnies sont versés dans les autres unités du régiment. Ainsi, les hommes de la 12e compagnie sont versés dans les 9e, 10e et 11e compagnies. En remplacement, celles-ci se séparent de leurs soldats les plus âgés et les plus fatigués pour aller former la 12e compagnie qui fera partie du dépôt divisionnaire.

 

Albert fait partie des quelques « privilégiés » qui intègrent le D.D. installé à Saint-Thiébault. Cette situation lui permet d’être éloigné des dangers de la 1ère ligne durant plusieurs mois. Certes, il y a l’exercice et les marches, mais il a tout de même la possibilité d’assister à plusieurs concerts et il peut également lire à sa guise, ce qui n’est pas rien !

 

Le 13 août 1916, le dépôt divisionnaire est déplacé dans la Somme. La 43e D.I. est sur le point d’être engagée dans le secteur de Soyécourt et de Déniécourt. Toujours au dépôt divisionnaire, Albert Marquand ne participera pas aux combats.

 

Le 28 novembre 1916, il quitte la 12e compagnie pour rejoindre le régiment actif. Albert est affecté à la 10e compagnie. C’est le retour en 1ère ligne. Le 16 décembre, il est dans le secteur de la sucrerie d’Ablaincourt, pataugeant dans la boue jusqu’à mi-cuisses, loin du confort du dépôt.

 

L’année suivante, le 149e R.I. occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames. Il alterne périodes de repos et passages en 1ère  ligne.

 

Un cliché réalisé le 10 avril 1917 montre le sergent Marquand parmi les sous-officiers de la 10e compagnie.

 

10e compagnie du 149e R

 

Début juillet 1917, Albert Marquand fait un stage de mitrailleurs d’une durée de 10 jours au dépôt divisionnaire.

 

En formation

 

Le 149e R.I. participe à la bataille de la Malmaison qui se déroule le 23 octobre 1917. Marqué par cette expérience, Albert rédigera plus tard un écrit poignant, extrêmement détaillé, sur les évènements qu’il a vécus.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 149e R.I. est envoyé au repos après l’attaque, dans la région ouest de Montmirail. Il s’installe ensuite près de Montbéliard.

 

Dernière mutation

 

Albert Marquand intègre le groupe radio du 8e Génie du 1er corps de cavalerie en février 1918. Il devient téléphoniste. La vie est de nouveau plus tranquille. Il est très loin des expériences traumatisantes des combats qu’il a connues au sein des 55e et 149e R.I.. Son quotidien ressemble presque à des vacances ! Pour obtenir ce poste, il a dû accepter d’être cassé de son grade de sous-officier en redevenant simple soldat.

 

Albert termine la guerre dans cette unité. Après l’armistice, il fait partie des troupes d’occupation en Rhénanie, avant de devenir élève interprète auprès de l’armée américaine.

 

La démobilisation et les années d’après-guerre

 

Le 14 septembre 1919, Albert Marquand est mis en congé illimité de démobilisation par le 15e régiment de train à Orange. Il se retire à Aubenas avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

 

La commission de réforme de Nîmes, qui s’est réunie le 15 mai 1920, le propose pour une pension temporaire de 20 % pour diminution de l’acuité visuelle bilatérale par myopie ; parallèlement, il est maintenu  au service armé.

 

Le 25 avril 1922,  il passe devant la commission de réforme de Valence qui diminue sa pension de 10 %.  Cette commission maintient cette décision lors de ses sessions du 21 février 1923 et du 9 avril 1924.

 

Au début des années trente, Albert quitte son emploi à la librairie parentale qu’il occupait depuis sa démobilisation, et part s’installer à Sedan.

 

Ce changement de domicile le fait rattacher militairement à la subdivision de Mézières à partir du  12 janvier 1932.

 

Albert est maintenant propriétaire d’une librairie-papeterie située au 16 rue Carnot. Elle porte l’enseigne « Isabel ».

 

La commission de réforme de la Seine, dans sa séance du 3 septembre 1934, le réforme définitivement n°1. Elle lui propose une pension permanente de 30 %.

 

Une notification de pension définitive de 30 %  lui est concédée le 17 février 1937 suite aux commissions de réforme de Paris réunies les 3 et 9 septembre 1935 ; cette pension est accordée pour une taie paracentrale de la cornée à son œil droit et pour un astigmatisme myopique important à l’œil gauche.

 

Albert Marquand décède à Carpentras le 28 septembre 1938. Il ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

La correspondance de guerre d’Albert Marquand, constituée de 469 lettres, a été publiée en 2011 dans un ouvrage présenté par Francis Barbe avec une postface rédigée par le général André Bach sous le titre « Et le temps, à nous est compté».

 

Une critique de ce livre a été réalisée par Arnaud Carobbi. Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Site Anaud Carobbi

 

Une seconde analyse, faite par Rémy Cazals, peut également se lire en cliquant une fois sur le logo ci-dessous.

 

CRID 14-18

 

L’ancien sergent du 149e R.I. a été décoré de la croix de guerre avec une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la division n° 267 en date du 21 novembre 1917.

 

«Sous-officier très brave, a rempli au cours d’une attaque très périlleuse, une mission de liaison des plus importante dont il s’est acquitté d’une façon parfaite. Blessé au cours de la campagne. »

 

La généalogie de la famille Marquand est consultable sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services d’Albert Marquand a été consultée sur le site des archives départementales de l’Ardèche.

 

« Et le temps à nous, est compté » Lettres de guerre (1914-1919) Albert Marquand. Présentation de Francis Barbe, postface du Général André Bach.

 

L’aquarelle « la permission du poilu »  figurant sur le montage accompagnait le programme d’un concert donné à Aubenas le 29 avril 1917 en faveur des enfants orphelins. Il fait partie du fonds Marquand, propriété de R. Mioque, tout comme le portrait d’Albert en uniforme de soldats du 3e R.I. et la photographie de groupe avec les fusils-mitrailleurs Chauchat. 

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à A. Carobbi, à F.Barbe, aux archives départementales de l’Ardèche et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

11 juin 2021

30 septembre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

30 septembre 1918

 

Les 3 bataillons du 149e R.I. sont au repos dans les tranchées de Gratreuil et de Postdam. Grâce aux informations fournies par les blessés du 21e R.I. qui affluent au poste de secours, l’abbé Henry est informé de tout ce qui se passe en 1ère ligne.

 

Il évoque une nouvelle fois des actes déloyaux commis par les Allemands.

 

Témoignage de l’abbé Henry : Au poste de secours de la voie ferré

 

Messe à 7 h 00.

 

Pendant la nuit, un certain nombre d’ypérités, une trentaine sont passés au P.S..

 

La nuit se met de la partie. Voilà qui ne va pas faciliter au 21e la rude tâche qui lui incombe. Il s’agit d’enlever la tranchée d’Aure, c’est un morceau. Le 21e s’y emploie sans succès toute la journée.

 

Ce ne sont partout, sur ce plateau, que réseaux de fil de fer et mitrailleuses. Le 21e comptera cette journée du 30 septembre parmi les plus dures de la guerre.

 

On signale au 21e deux officiers tués, dont l’un, par un soldat qui avait d’abord fait camarade. Ce coup de traîtrise signalé mainte fois en ces derniers jours. Nos soldats sont exaspérés et l’on se demande comment eux-mêmes ne tuent pas tous les prisonniers.

 

On en voit passer qui appartiennent aux 236e et 237e régiments de la 51e Division. Ils reçoivent partout un accueil dénué de sympathie ; on est outré de leurs procédés.

 

J’entends un blessé raconter un de ces incidents, un boche faisant mine de se rendre et tirant à bout portant. « Pourquoi n'avais-tu pas tiré dessus ? Tu sais bien qu'il n'y a rien à compter avec ces gens-là ! » Le soldat eut cette réponse admirable où l'âme du poilu français se montre à nu dans sa naïve bonté : « On l'avait bien vu ; mais plutôt que de le tuer, on s'était dit : oh ! Après tout, c'est un pauvre bougre comme nous, on va essayer de le faire prisonnier. Pas la peine de le tuer il a p' t'être des gosses !… ». Pauvre petit troupier français, te voilà bien ! Tu es né pour être dupe de ton bon cœur ; tu seras toujours roulé par le tortueux germain. Et bien ! Je t'aime ainsi. Heureux les simples d'esprit et de cœur !

 

À droite, le 109e a progressé ; et plus à droite, les zouaves ont fait une forte avance ! La droite est dégagée, reste la gauche qui est toujours en retard. On dit que les Américains sont derrière pour donner un coup de main où ce sera nécessaire.

 

Les avions ont pris part à la bataille. Ils étaient bien une cinquantaine conduits par l'avion divisionnaire, qui sont venus cribler de bombes les points de résistance. Je serais curieux de savoir quel est le résultat.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Revue « uniformes » n° 292 année 2014.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à J.L. Poisot.

4 juin 2021

Léon Ferdinand Bernheim (1874-1943)

Leon Bernheim

 

Léon Ferdinand Bernheim est né le 4 août 1874 à Strasbourg, une ville officiellement annexée à l’Allemagne depuis le traité de Francfort signé le 10 mai 1871. Il est le troisième enfant de la fratrie.

 

Son père est âgé de 27ans. Il se prénomme Jules. Sa mère, Ernestine Léa Lévy, a 25 ans.

 

Les Bernheim et leurs trois enfants décident de franchir la frontière pour aller s’installer à Paris. Le père travaille comme négociant. Il est réintégré dans sa qualité de français par un décret datant du 15 juillet 1884. Léon est rattaché à la classe 1894 suite à une décision prise par le conseil de révision. Il devra marcher avec cette classe en temps voulu.

 

Le jeune homme quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il sait lire écrire et compter. Une fois sa scolarité obligatoire achevée,  il travaille comme employé de commerce.

 

Sa fiche signalétique et des services nous apprend qu’il a passé une partie de sa jeunesse à Hambourg, mais il est impossible de savoir durant combien de temps.

 

Comme il est indiqué sur son registre matricule, Léon aurait dû partir avec les conscrits de la classe 1894. Ce ne fut pas le cas. La raison qui pourrait expliquer ce décalage de classes reste ignorée.

 

Était-il à Hambourg ? Y-a-t-il eu une erreur d’écriture dans la datation de classe au moment de sa transcription sur le registre matricule ?

 

Une dernière hypothèse concernant le décalage entre sa classe et son incorporation : son statut de naturalisé. Il est regrettable que l’année de son passage devant le conseil de révision ne soit pas indiquée.

 

Nous savons simplement qu’il fut classé dans la 1ère partie d’une liste. Le fait qu’il ait été déclaré « bon pour le service armé » signifie qu’il s’est présenté devant le médecin militaire du conseil de révision. Sinon, il aurait été déclaré « bon absent ».

 

Sa feuille de route lui ordonne de se rendre à Compiègne dans le département de l’Oise. Léon intègre une compagnie du 54e R.I. le 14 novembre 1896.

 

Remarqué par sa hiérarchie, son capitaine de compagnie le fait inscrire au peloton d’instruction pour suivre la formation de caporal,  grade qu’il obtient le 5 novembre 1897.

 

Le jeune homme est envoyé en congé le 17 novembre 1898 en attendant son passage dans la réserve. Il quitte la caserne Othenin avec son certificat de bonne conduite en poche. L‘ancien conscrit est, dans un premier temps, versé dans la réserve du 91e R.I. avant d’intégrer celle du 26e R.I..

 

Léon Bernheim effectue sa première période d’exercice dans ce régiment entre le 3 mai et le 1er juin 1903. Il n’aura pas l’obligation de faire la seconde.

 

Il a été classé dans le service auxiliaire par la commission de réforme de la Seine du 2 mars 1907, pour méningo-myélite avec paraplégie. Cette décision est entérinée par le gouverneur de Paris le 11 mars.

 

La commission spéciale de la Seine lui accorde le statut de réformé n° 2  dans sa séance du 11 mai 1907 pour les mêmes raisons.

 

Le 1er octobre 1908, Léon est inscrit dans les registres de l’armée territoriale.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, il fait son choix. Pour lui, il est hors de question de se réfugier derrière son statut de réformé. Le 5 août 1914, il se présente volontairement devant la 6e commission spéciale de réforme qui lui permet de réintégrer le service actif.

 

Léon est affecté au 149e R.I., une des unités de la place forte d’Épinal. Il arrive au dépôt le 9 août. Le régiment est déjà en route pour la frontière.

 

Il est impossible de reconstruire le parcours militaire de Léon Bernheim durant le conflit 1914-1918 en s’appuyant sur les informations qui figurent sur sa fiche matricule. La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’il a fait l’intégralité du conflit au sein du régiment spinalien, mais de quelle façon ?

 

Sa fiche matricule n’en dit rien et ses problèmes de santé pourraient faire penser qu’il ne quitta pas le dépôt. Heureusement, d’autres sources précisent son parcours.

 

Léon a occupé les fonctions de caporal fourrier à partir du 25 novembre 1914 avant d’être nommé sergent le 3 décembre 1914 ; cette nomination fait suite à un ordre donné par le lieutenant-colonel qui commande le 149e R.I..

 

Le livre d’or des israélites dans l’armée française nous apprend qu’il a été cité à l’ordre du corps d’armée suite à une action menée au cours de l’attaque du 9 mai 1915. Blessé au visage, il poursuit le combat après s’être fait faire un pansement sommaire.

 

Le registre de contrôle nominatif du 2e trimestre 1915 du 149e R.I., concernant les malades et les blessés traités dans les formations sanitaires, nous indique que le sergent Berheim servait à la 9e compagnie du 149e R.I. lorsqu’il est entré à l’hôpital n° 3 de Sains-les-Mines le 18 mai 1915, et qu’il a quitté cet établissement de soins dès le lendemain.

 

Une fois de plus, nous perdons sa trace. A-t-il été évacué vers l’arrière après son hospitalisation à Sains-les-Mines? Si c’est le cas, durant combien de temps ?  À quel moment fut-il dans l’obligation de réintégrer son régiment ? Encore des questions qui resteront sans réponses. Il est impossible de dire s’il a ou non participé aux combats de Verdun et de la Somme durant l’année 1916.

 

Nous retrouvons sa trace dans le livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté». Léon figure sur une photographie qui se trouve à la page 179 de l’ouvrage. Ce cliché qui a été réalisé le 10 avril 1917 indique dans la légende qu’il est sergent-major à la 10e compagnie du régiment.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Début octobre 1917, le 149e R.I. est en préparation d’attaque. Une vaste offensive doit bientôt commencer dans le secteur de la Malmaison.

 

La bataille débute le 23 octobre. Il y a de fortes chances pour que le sergent-major Bernheim ait pris part aux combats.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

Bataille de la Malmaison

 

Son parcours pour l'année 1918 n'a pas pu être identifié.

 

Léon Benrheim est mis en congé de démobilisation le 30 décembre 1918. 

 

De retour à la vie civile, il s’installe au 22 rue Pétrelle, à Paris, pour y occuper un appartement qu’il conservera jusqu’à la fin de sa vie.

 

Le 9 mars 1920, il épouse Marie Philomène Calvière, une Suissesse âgée de 42 ans. Léon a 45 ans. Le couple se marie à la mairie du 9e arrondissement, 6 rue Drouot.

 

Le titre de combattant volontaire est accordé à l’ancien sergent-major du 149e R.I. en 1935.

 

Léon Bernheim a obtenu une citation à l’ordre du corps d’armée :

 

« Réformé, engagé volontaire pour la durée de la guerre, a courageusement entraîné ses hommes à l’attaque des pentes de Notre-Dame-de-Lorette le 9 maiet, quoique blessé au visage, a voulu, après un pansement sommaire, sa place de combat. Sous-officier exerçant une très heureuse autorité sur ces hommes. »

 

Cette citation ne figure pas sur sa fiche matricule.

 

Pour prendre connaissance de la généalogie de la famille Bernheim, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Léon Ferdinand Bernheim décède chez lui le 28 février 1943, à l’âge de 68 ans. Il est écrit sur son acte de décès qu’il était veuf de Lina Calvière. Y aurait-il un lien avec une ancienne danseuse de l’Olympia ?

 

Sources :

 

Le registre matricule du sergent Bernheim et les registres d’état civil ont été consultés sur le site des archives de la ville de Paris.

 

Livre d’or des israélites dans l’armée française éditions Angers Imprimerie Frédéric Gaultier.1921.

 

Contrôle nominatif du 2e trimestre 1915 du 149e R.I. des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires détenu par les archives médicales hospitalières des armées de Limoges.

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. provient du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, à O. Gaget, aux archives de la ville de Paris et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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