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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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25 mars 2016

Souvenirs de guerre d’un soldat du 149e R.I..

Montage 1

J’ai, entre les mains, un témoignage réalisé par un soldat du 149e R.I.. Le texte qui est accompagné de cartes et de quelques photographies est tapé à la machine à écrire. Le tout est relié de manière artisanale, ce qui donne un bel ensemble.

Hélas, après lecture du document, le nom de son l’auteur reste inconnu ; à aucun moment, il n’apparaît dans les souvenirs de ce soldat. Il est simplement écrit que l’écrivain fait partie d’une compagnie de mitrailleuses du régiment, ce qui reste quelque peu frustrant !

Cependant, en y regardant de plus près, une information capitale va permettre indirectement d’identifier cet homme.

Dans son écrit figure le passage suivant :

« Dans la nuit du 4 au 5 avril, avec mon ami Poulet et mon camarade Canque, nous décidons d’aller chercher de l’eau…

… un obus tombe près de nous sur le bord du parapet. Je suis à demi enterré et mon ami Poulet s’effondre près de moi, frappé à mort. Dans mes bras, il rend le dernier soupir, un gros éclat lui a fait dans le dos une blessure béante… »

Le nom du soldat Poulet figure bien dans la liste nominative des officiers et des hommes de troupe, morts pour la France, qui se trouve dans l’historique du 149e R.I.. Pour en savoir plus, il suffit maintenant d’aller consulter le site « mémoire des hommes » pour lire la fiche de ce soldat.

Fiche_Joseph_Poulet

Après avoir fait une demande écrite, la mairie de Vienne a eu l’amabilité de me faire parvenir une photocopie de l’acte de décès de Joseph Poulet.

Cet acte nous donne les noms des deux témoins qui ont permis de valider officiellement la mort de cet homme.

Les_t_moins

À partir de ce document, nous pouvons maintenant savoir avec certitude que l’auteur du témoignage s’appelle Paul Portier !

Une fois son nom trouvé, il devient tout à fait possible de construire une petite notice biographique à son sujet.

Sources

Témoignage de Paul Portier, soldat du 149e R.I., inédit, collection personnelle.

Site « Mémoire des Hommes ».

Copie de l’acte de décès de Joseph Poulet.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à la mairie de Vienne sans qui l’auteur de ce témoignage n’aurait pas pu être identifié.

 

18 mars 2016

Paul Louis Joseph Portier (1895-1959)

Paul_Portier

 

Paul Louis Joseph Portier est né le 31 mars 1895 à Villeurbanne, une commune limitrophe de Lyon.

 

Ses parents, originaires du Puy-de-Dôme, sont venus s’installer dans le département du Rhône, quelque temps après leur mariage qui a eu lieu le 30 mai 1891 dans le petit village de Saint-Ignat.

 

Le père se prénomme François Paul ; il est âgé de 30 ans à la date où son fils voit le jour. Celui-ci exerce la profession de jardinier. La mère, Marie Varenne-Paquet, qui est un peu plus âgée que son époux, travaille comme femme de ménage.

 

La famille vit dans un appartement situé dans l’allée du Sacré-Cœur.

 

La fiche signalétique et des services de Paul Portier nous fait savoir qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Le fait de savoir lire, écrire et compter lui donnera la possibilité, après le conflit contre l’Allemagne, d’exercer la profession d’employé de banque.

 

Futur soldat de la classe 1915, cette dernière est appelée par anticipation. Le recensement de Paul Portier et son passage devant le conseil de révision sont faits dans l’urgence en septembre et octobre 1914. Le jeune Portier est inscrit sous le numéro 383, sur la liste des futurs soldats du canton du 3e arrondissement de Lyon qui sont susceptibles d’être mobilisés. C’est un homme qui est en très bonne santé ; il se retrouve donc, en toute logique, classé dans la 1ère partie de la liste en 1914.

 

Paul est, dans un premier temps, incorporé au 99e R.I. pour y faire ses apprentissages de soldat. Il arrive dans ce régiment le 15 décembre 1914.

 

Sa formation initiale terminée, le soldat Portier est muté au 149e R.I., un régiment qui est, à cette époque, malmené du côté de Notre-Dame-de-Lorette, un secteur qui se trouve en Artois. Paul Portier doit rejoindre sa nouvelle affectation le 11 mai 1915. Les informations trouvées à son sujet ne permettent pas de savoir s’il est passé par le dépôt du régiment à Épinal ou s’il est arrivé directement dans sa nouvelle unité.

 

À partir de cet instant, cet homme va participer à l’ensemble des combats menés par son régiment qui se sont déroulés en Artois, à Verdun, dans la Somme, à la Malmaison, à Arcy-Sainte-Restitue…

 

Le 26 septembre 1916, il obtient une citation à l’ordre du régiment : « Le 11 septembre 1916, au cours de la prise d’un village fortifié et de la progression en avant de ce village, a montré de grandes qualités d’audace, de sang-froid et de décisions, est parti en éclaireur dans un boyau que tenaient encore des grenadiers allemands et a aussi guidé la progression de manière heureuse. Mitrailleur très dévoué et courageux. »

 

Le soldat Portier est nommé caporal le 28 mai 1917.

 

En octobre 1917, son régiment est engagé dans les combats de la Malmaison. Le 6 novembre 1917, une seconde citation à l’ordre du régiment vient récompenser la bravoure de ce mitrailleur : « Chef de pièce d’un sang-froid et d’une audace superbes, a donné à ses hommes un merveilleux exemple de courage en circulant constamment, sous un feu de mitrailleuses, en cours d’attaque du 23 octobre 1917. »

 

Le 21 juin 1918, il est à nouveau cité, mais cette fois-ci, c’est à l’ordre de la 43e division.

 

« Mitrailleur d’un moral très élevé, animé d’un grand esprit de sacrifice, s’est distingué, en servant d’exemple, en toutes circonstances, dans les journées du 28 et du 29 mai 1918. Le 29 a contribué au sauvetage de 2 pièces de 75 dans des conditions particulièrement difficiles. »

 

Le 11 juillet 1918, le caporal Portier peut accrocher ses nouveaux galons de sergent sur sa vareuse. Quatre jours plus tard, il est blessé à la main gauche alors que sa section de mitrailleuses est positionnée dans le secteur du trou Bricot.

 

Le sergent Portier obtient une citation à l’ordre du 21e C.A, le 21 août 1918 :

 

« Mitrailleur possédant des qualités remarquables de calme et de courage, dans la matinée du 15 juillet 1918, s’est maintenu avec sa section, sur la première parallèle, sous un bombardement terrible, a brisé l’élan des vagues d’assaut par un tir précis et nourri, a été blessé au moment où debout sur le parapet, il observait les mouvements ennemis. »

 

Après avoir subi les soins nécessaires, la commission de réforme de Reims,qui siège à Épernay le 13 novembre 1918, classe le sergent Portier service auxiliaire apte.

 

Le 19 novembre 1918, Paul Portier se trouve au dépôt des services auxiliaires de la Ve armée. Ce sous-officier est muté à la 24e section d’infirmiers, 6e échelon n° 55, le 9 décembre 1918.

 

Le 24 mars 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation par le dépôt démobilisateur de la 14e S.I.M. de Lyon. Il va enfin pouvoir retrouver la vie civile et rejoindre son logement qui se situe au numéro 6 de la rue Bellicard, dans le 3e arrondissement lyonnais. Plus de cinq ans se sont écoulés depuis le moment où il est arrivé au 99e R.I..

 

Le 3 juillet 1920, il épouse Jeanne Marie Catherine Badin dans le 5e arrondissement lyonnais. Deux enfants naîtront de cette union.

 

Le 18 juin 1923, le centre spécial de réforme de Lyon le maintient service auxiliaire, mais cette fois-ci, avec une invalidité permanente de 15 %. Les trois derniers doigts de sa main gauche lui posent problème.

 

Paul Portier est fait chevalier de la Légion d’honneur le 19 avril 1958 (J.O. du 26 avril 1958).

 

Cet homme est décédé le 20 mai 1959 à Sainte-Foy-les-Lyon, une commune située dans la métropole lyonnaise.

 

Sources :

 

Témoignage de Paul Portier, soldat du 149e R.I., inédit, collection personnelle.

 

La photographie familiale qui illustre le montage de cet article provient du récit dactylographié et illustré réalisé par Paul Portier après-guerre. Cette photographie n’est pas légendée, mais ce cliché est collé dans la partie du texte qui est consacrée à une de ses permissions.

 

La fiche signalétique et des services de Paul Portier a été consultée sur le site des archives départementales du Rhône.

 

Un grand merci à M. Bordes, à Stéphan Agosto, à A. Carobbi et aux archives départementales du Rhône.

10 mars 2016

Le destin du sous-lieutenant Maurice Gaudin à l’ambulance 2/21, c’était il y a tout juste 100 ans…

Maurice Gaudin 2

Dans la soirée du 6 mars 1916, le sous-lieutenant Gaudin est installé à Haudainville au sud-ouest de Verdun avec les hommes de la 2e compagnie du 149e R.I.. L’ensemble du régiment a quitté Seigneulles le matin même à bord de camions pour être acheminé à Regret, tout près de la citadelle.

Le 7 mars, les Allemands lancent une attaque entre le fort de Douaumont et l’étang de Vaux. Certains régiments français qui occupent ce secteur sont mis en difficultés. Plusieurs éléments de la 43e D.I. sont sollicités pour rejoindre la zone des combats. Le 149e R.I. en fait partie.

Le régiment du lieutenant-colonel Abbat s’attend à tout moment à être sollicité en cas de besoin.

Dans la nuit du 7 au 8, la 2e compagnie du 149e R.I. est établie avec le reste du bataillon dans le bois des Hospices.

L’artillerie allemande, qui avait ralenti sa cadence de tir durant la nuit, harcèle à nouveau le secteur à la pointe du jour. Le bois des Hospices n’est pas épargné. De nombreux obus tombent sur le terrain occupé par les 1ère, 2e, 3e et 4e compagnies du commandant Magagnosc.

Cette situation n’empêche absolument pas le sous-lieutenant Maurice Gaudin de rédiger une petite carte adressée à son beau-père, Jules Dubois, qui se faisait appeler « père » par ses gendres.

8 mars 1916,

Mon cher père,

C’est formidable, quelle fournaise ! C’est à n’en pas sortir. Cependant, ne vous chagrinez pas, j’aurai peut-être encore de la veine. Je vais bien et vous embrasse bien fort. Votre fils, M. Gaudin.

Voilà un message que se veut rassurant !

Portrait dessin Maurice Gaudin

Vers 16 h 00, le commandant Magagnosc donne les directives à suivre à certains de ses officiers. Le sous-lieutenant Gaudin, qui vient tout juste de le quitter, est blessé par un obus allemand qui explose à proximité. Ce projectile fait beaucoup de dégâts !

Le sous-lieutenant Baverey est tué sur le coup. Le sous-lieutenant Brosse, qui est très grièvement blessé, décède rapidement au cours de son transport. Le sous-lieutenant Gaudin est également touché, il est lui aussi évacué vers l’arrière. Ses blessures sont très sérieuses, mais le médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I. a fait savoir que sa vie n’était pas en danger. Les hommes sont rassurés sur son sort.

Peu après ces évènements, les compagnies du 1er bataillon sont scindées en deux. Les 2e et 3e compagnies s’installent dans le secteur sud de la batterie de l’Hôpital. Les 1ère et 4e compagnies prennent la direction du village de Vaux-devant-Damloup.

Le sous-lieutenant Jacques Rousset est le premier à donner des nouvelles à la famille Gaudin. C’est un ami proche. Il écrit au beau-père de Maurice pour lui faire savoir que son gendre a été touché par un éclat d’obus, mais que ce n’est pas grave. À partir des informations qui sont en sa possession, il rédige une petite carte alors qu’il est lui-même très exposé dans le petit village de Vaux-devant-Damloup.

« Je viens vous apprendre que votre fils Maurice a été blessé hier. Je crois qu’il a été atteint au bras par un éclat d’obus. Il a été soigné et évacué de suite. Blessure sans gravité. Il a dû vous prévenir avant moi. Excusez cette carte négligée, mais je vous écris pendant le combat et je confie ce mot au commandant de Longeaux, blessé au genou et qui est évacué ce soir.

Embrassez, je vous prie, Maurice pour moi en lui transmettant tous mes vœux de longue convalescence. Mes sympathiques respects. Jacques Rousset 1ère compagnie du 149e R.I..

Le sous-lieutenant Rousset se veut rassurant. Il n’a pas eu de nouvelles récentes de son camarade. Sa compagnie a quitté le bois des Hospices pour se rendre sur les lieux des combats peu de temps après que l’obus allemand ait tué et blessé les trois officiers du bataillon.

Le médecin du bataillon envoie également une lettre au beau-père du sous-lieutenant Gaudin

9 mars 1916

Monsieur,

Je viens vous attrister en vous rassurant toutefois. Monsieur Gaudin, que j’ai eu à soigner hier, a été blessé, fracture du bras et blessure dans le dos, à droite, à la base du thorax. Blessures toutes les deux douloureuses et demandant des soins bien assidus.

Depuis quatre mois que je connais Monsieur Gaudin, nous nous étions liés d’une bonne et franche camaraderie. Il est de ces natures avec qui on doit sympathiser. Je souhaite que Madame Gaudin ne soit pas trop impressionnée.

Docteur Vidaud de Pomerail médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I.

À la lecture de ces correspondances, les blessures de Maurice Gaudin sont considérées comme étant très sérieuses, mais personne ne semblait imaginé un seul instant que l’une d’entre elles allait être mortelle.

Revenu des premières lignes, tout le monde s’attend à avoir des informations rassurantes à son sujet.

Ce sera certainement, pour quelques-uns de ses amis et proches collaborateurs, une grande stupéfaction que d’apprendre la mort de leur camarade. Plusieurs d’entre eux se rendent au cimetière de l’ambulance qui a été créé derrière la caserne Bévaux pour lui rendre un dernier hommage.

Les courriers affluent vers la famille. Parmi les officiers qui ont pris le temps d’écrire figurent le commandant Magagnosc, le lieutenant-colonel Abbat et le commandant de Longeaux.

Lettres à la famille Gaudin

Dans sa lettre de condoléances adressée à l’épouse du lieutenant Gaudin, le commandant Magagnosc raconte les circonstances de la blessure de son officier subalterne.

Le 20 mars 1916

Madame,

Je ne m’attendais certes pas, il y a cinq jours, en vous écrivant que votre mari avait été blessé, avoir aujourd’hui le pénible devoir de vous adresser mes condoléances émues et respectueuses.

La nouvelle de sa mort, en arrivant à Verdun (parc des fourrages, caserne Bévaux), le 16, nous a tous plongés dans une consternation profonde.

À peine étions-nous arrivés au cantonnement qu’un officier vient nous dire que Monsieur Gaudin est enterré au cimetière militaire à quelques pas de la caserne ! Nous ne voulions pas croire à la possibilité d’une telle catastrophe. Mais la vérité n’était que trop évidente, hélas !

Votre cher et regretté mari est mort des suites de ses blessures, reçues le 8, dans le bois des hospices (près du fort de Souville, nord-est de Verdun).

Il venait de me quitter à l’instant pour porter un ordre. Un obus éclata qui tua 2 officiers. (Messieurs Baverey et Brosse) et blessa votre mari.

Le docteur Vidaud de Pomerail, médecin du 1er bataillon, blessé lui-même grièvement dans la journée du 14, s’empresse aussitôt auprès de votre mari, qu’il nous dit blessé très sérieusement, mais pas en danger de mort, croyait-il.

La providence en avait décidé autrement, hélas. Évacué dans une ambulance automobile aussitôt, il a dû mourir peu de temps après et en arrivant à Verdun, il a été enterré.

C’est une consolation relative de savoir qu’il repose dans une sépulture convenable et que vous retrouverez sa tombe facilement après la guerre. Il vous sera possible de le faire exhumer.

Nous sommes allés hier déposer sur sa tombe de modestes couronnes de verdure à défaut d’autres. J’ai dit, devant les officiers et les soldats qui aimaient tant Monsieur Gaudin, tout le bien que je pensais de lui !

Veuillez croire, Madame, à toute la part que je prends de votre deuil et agréer ainsi que Mademoiselle votre fille et votre famille, l’hommage de mes condoléances les plus respectueuses.

Magagnosc

Le commandant du 149e R.I. rédige au beau-père de Monsieur Gaudin une lettre où il est question de fanions de compagnie.

Le 26 mars 1916

Le lieutenant-colonel Abbat commandant le 149e R.I. à Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis, Paris.

Monsieur,

J’ai le regret de vous confirmer la mort du sous-lieutenant Gaudin, décédé à Verdun des suites de ses blessures qu’il avait reçues le 8 mars, au bois des Hospices. Je me fais l’interprète de tous les officiers du régiment, en vous exprimant mes sympathiques condoléances et en vous disant quels regrets nous laisse la mort de ce si charmant camarade.

Gaudin a été frappé de plusieurs éclats d’obus, à son poste de combat, alors que son bataillon était soumis à un bombardement des plus sévères de l’artillerie lourde allemande.

Nous ne le croyions que blessé. Quelle n’a pas été notre douleur, en descendant il y a quelques jours des premières lignes, d’apprendre que la mort aveugle avait fait son œuvre.

Maurice Gaudin a été inhumé dans le cimetière militaire situé derrière les casernes Bévaux à Verdun.

Nous avons fleuri sa tombe en allant l’autre jour faire, à ce regretté camarade, une pieuse visite.

Pour vous donner, Monsieur, une idée de l’estime en laquelle nous tenions Gaudin, je ne saurais mieux faire que vous envoyez les mots que me donnait sur lui son chef de bataillon.

Puissent ces quelques lignes adoucir la douleur de ses proches.

Personnellement, j’avais contracté une dette vis-à-vis du sous-lieutenant Gaudin qui avait bien voulu faire confectionner pour moi deux fanions de compagnie en soie, que je désirais offrir à deux de mes compagnies décorées de la croix de guerre. J’avais souvent demandé à Monsieur Gaudin de bien vouloir me dire combien je lui devais. Il ne put jamais me renseigner.

Je ne reste pas moins débiteur, envers la famille de Monsieur Gaudin, d’une certaine somme que je vous serais profondément reconnaissant de me faire connaître pour me permettre d’acquitter cette dette.

Veuillez agréer Monsieur, avec toutes mes sympathiques condoléances, l’assurance de toute ma considération.

Lieutenant-colonel Abbat

Le commandant de Longeaux a été évacué vers l’arrière à Chalon-sur-Sâone pour y être soigné de sa blessure. De son lit d’hôpital il écrit une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Gaudin.

Famille Gaudin

Madame,

Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous. Mais j’ai passé trois mois en contact presque constant avec votre mari. J’ai été témoin des sentiments qui dominaient toute sa vie. Son sentiment du devoir et sa tendresse pour les siens, pour vous surtout, pour sa petite Mathilde et pour son beau-père.

C’est une bien belle chose que le dévouement sciemment consenti jusqu’à la mort, et je ne l’ai jamais vu plus beau que chez votre mari.

Je lui ai dit une fois : «  Vous avez d’autant plus de mérite à bien faire votre service qu’après tout, ce n’est pas votre métier, comme à d’autres. »  Il m’a répondu : « Mon commandant, ce n’est pas mon métier, mais c’est mon devoir. »  Je n’ai rien répliqué parce que j’étais trop rempli d’admiration.

Votre mari était, non seulement un excellent officier, mais encore un parfait camarade. D’un dévouement inlassable, toujours prêt à faire ce que d’autres considéreraient comme une corvée. Ainsi, il était adoré de tous.

Si quelquefois, par suite de mon mauvais caractère et de mes exigences tatillonnes, je l’ai un peu bousculé, il sait bien maintenant qu’il est près du dieu des braves que tout de même je l’aimais et même l’admirais de tout mon cœur.

Veuillez, Madame, dire mes respects à Monsieur Gaudin, embrasser pour moi la petite Mathilde et agréer pour vous Madame, l’hommage de ma profonde et très respectueuse compassion.

A. de Longeaux  le 2 avril 1916 Hôpital temporaire n° 6 Chalon-sur-Saône

Quelques semaines avant son décès, le sous-lieutenant Gaudin avait eu un mauvais présage concernant son avenir. Le 19 février 1916, sa compagnie se trouvait au repos à Le Boisle. Il  trouve un moment pour rédiger ses dernières volontés sur une modeste feuille de papier.

J’autorise Monsieur Jacques Rousset, sous-lieutenant au 149e R.I., en cas de décès de ma part, à prendre possession de mes cantines, à distribuer mes tenues ordinaires et à ne renvoyer que le linge, photos, etc.

Prière d’envoyer si possible chez moi, mon casque et mon sabre.

Demande de s’occuper de ma sépulture, et de faire faire une marque, soit en fer ou pierre pour faciliter les recherches.

Ne prévenir que Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis à Paris.

J’autorise Jacques Rousset à conserver tout ce qui lui plaira dans les objets m’appartenant.

Donnons le « mot de la fin » au sous-lieutenant Jacques Rousset, l’ami fraternel de Maurice Gaudin.

Le 17 mars 1916

Monsieur,

Les larmes me montent aux yeux en vous écrivant. En redescendant des tranchées, je viens d’apprendre la mort de mon pauvre ami Maurice, décédé de ses blessures le 9 mars 1916. Le coup me fut très pénible, car nous nous aimions comme deux frères. Notre cher disparu avait de sombres pressentiments et avant de partir, il m’avait confié ses dernières volontés. Les circonstances m’ont empêché de les exécuter à la lettre, mais voici ce que l’on a pu faire. Notre cher Maurice est enterré au cimetière de Verdun sous le numéro 130.

Nous faisons aujourd’hui orner sa tombe et y déposer une couronne. En plus du numéro 130, une plaque de zinc porte gravée son identité. De plus, je vais faire mettre, tantôt, une inscription à la peinture à l’huile.

Si vous désirez avoir des renseignements sur ces derniers moments ainsi que sur ses affaires et papiers personnels, vous pouvez écrire à Monsieur l’officier gestionnaire de l’ambulance 1/21 secteur 117. Je vais personnellement, conformément à ses volontés, vous faire envoyer ses cantines et son sabre.

Tout supérieurs, camarades et inférieurs, regrettons sincèrement Maurice, qui était si bon, si brave, si dévoué. Je l’aimais, je vous l’ai dit, comme un frère et je le pleure comme tel.

Laissez-moi, je vous prie, prendre une large part à votre grande douleur.

J. Rousset, sous-lieutenant, 1ère compagnie secteur 116.

Le 149e R.I. quittera le département de la Meuse le 15 avril 1916, laissant derrière lui de très nombreux hommes parmi lesquels figure le sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Pour en savoir plus sur la vie du sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Du 152e R

Sources :

Les photographies et les lettres proviennent toutes de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/11.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly, à A. Carobbi et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

4 mars 2016

André Marius Callot (1895-1974).

Andre_Callot_1

André Marius Callot voit le jour le 21 octobre 1895 dans la maison familiale de ses parents. Il est né dans la petite commune d’Amoncourt située dans le département de la Haute-Saône. Son père se prénomme Firmin Eugène. C’est un homme âgé de 28 ans, qui travaille comme ouvrier papetier. Sa mère, Marie Léa Huguenot, est une femme tout juste âgée de 17 ans.

Très jeune, André apprend le métier de mécanicien-ajusteur. Peu de temps avant le début du conflit contre l’Allemagne, en août 1914, il exerce son métier dans une petite entreprise de Saint-Denis. Cet établissement est implanté au 17 impasse des moulins-Gémeaux.

Andre_Callot_2

Jeune homme de la classe 1915 de la subdivision du 1er bureau du département de la Seine, André est déclaré bon pour le service par le conseil de révision.

Il quitte la région parisienne pour rejoindre le dépôt du 149e R.I. à Épinal le 20 décembre 1914. Le futur soldat doit être formé aux maniements des armes et aux divers exercices qui agrémentent la vie du fantassin,pour rejoindre le plus rapidement possible le front après sa formation accélérée.

Il est difficile de déterminer la date de son arrivée au régiment en première ligne. Une grande partie de la classe 1915 est passée au 9e bataillon dans la zone des armées pour parfaire son instruction. On peut estimer son arrivée probable au front en juin ou juillet 1915 et supposer qu’à partir de cette date, il participera à l’ensemble des engagements du 149e R.I. jusqu’à sa blessure à Verdun le 8 mars 1916.

Ce jour-là, deux éclats d’obus viennent se figer dans sa chair, un dans la main droite, l’autre dans le genou gauche. Suite à cet événement, c’est bien évidemment l’évacuation vers l’arrière. Le soldat Callot est soigné dans un hôpital de Vichy.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de la journée du 8 mars 1916, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Carte_journees_des_7__8_et_9_mars_1916

Après avoir été pris en charge par les médecins et après avoir fait un séjour du 30 avril au 14 juillet 1916 au dépôt, André Callot se retrouve muté au 312e R.I.. D’importants problèmes de santé le feront évacuer pour maladie du 25 octobre au 15 novembre 1916.

L’homme est de retour au 312e R.I. quelques semaines avant l’hiver. Le 21 janvier 1917, André Callot apprend que son régiment va être dissous et qu’il va être muté au 416e R.I.. Le soldat Callot arrive le lendemain dans sa nouvelle unité avec un renfort de 600 hommes commandés par 6 officiers.

Le 3 mars 1917, il se fait une grave entorse à la cheville gauche. Cette lésion traumatique nécessite une nouvelle évacuation vers l’arrière. André Callot est envoyé dans un hôpital de Querqueville pour de longues semaines.

Le soldat Callot rentre au dépôt le 5 mai 1917. Au cours de cette période, il passe devant le conseil de guerre de Montpellier, pour y être condamné à une peine dont nous ne connaissons ni le motif, ni la durée. Il voit cette punition suspendue très rapidement. André Callot est muté au 80e R.I. en juillet 1917 après cet épisode avec la justice militaire.

Du 25 février au 4 juin 1918, André Callot est de nouveau transporté à l’arrière pour maladie. Il réintègre son régiment le 5 juin 1918.

Le soldat Callot est cité à l’ordre du 80e Régiment d’Infanterie en juillet 1918.

Citation n° 262 du 10 juillet 1918 :

« Volontaire pour les coups de main. Le 8 juillet 1918, au cours d’une rencontre de patrouilles, à assuré avec trois camarades, une mission délicate et difficile qui lui avait été confiée par son officier. »

Le 2 novembre 1918, son régiment est en position dans le secteur de Brié. André Callot est une nouvelle fois en difficulté. Cette fois-ci, c’est durant un coup de main. Un éclat de grenade vient se fixer dans sa cuisse droite. Le blessé est dirigé sur Laon avant d’être conduit dans un établissement de soins de la ville de Lannion dans les Côtes d'Armor.

André termine la guerre dans un hôpital. Après une longue convalescence, il est affecté au dépôt du 16e train à partir du 17 avril 1919. Le retour dans les foyers n’est plus très loin.

Le dépôt démobilisateur du 19e train de Paris envoie André Callot en congé illimité le 26 septembre 1919.

Redevenu civil, André s’installe tout d’abord à Paris avant d’habiter à Senlis. Le 26 avril 1920, il épouse Rose Félicie Janin, une Parisienne qui travaille comme employée à la compagnie du nord.

La vie suit son cours, mais les obligations militaires d’André Callot ne sont pas pour autant définitivement closes ! Le 25 août 1939, il est à nouveau rappelé à l’activité par un décret de mobilisation générale. Un deuxième conflit mondial est en train de se préparer. André Callot se retrouve affecté à la 5e compagnie du 24e Régiment Régional. Dans un second temps, il est dirigé sur le D.I. 22 à partir du 14 février 1940 puis dans un troisième temps, à la compagnie de remplacement du D.I. 172 à compter du 22 février 1940. Cet homme passe ensuite le reste de la guerre au D.A.302 à partir du 1er avril 1940.

Le 21 août 1940, André Callot,qui va bientôt fêter ses 45 ans, se voit renvoyé dans ses foyers ; cette fois-ci, c’est de manière définitive.

Il se retire à Senlis pour y vivre jusqu’à la fin de sa vie.

Andre_Callot_3

André portait régulièrement ses décorations sur son costume à l’occasion des cérémonies officielles : médaille militaire, croix de guerre avec étoile de bronze, médaille de Verdun, médaille commémorative 1914-1918, médaille interalliée et médaille des blessés militaires.

André Callot décède le 22 novembre 1974, il n’a pas eu de descendance.

Sources :

La quasi-totalité des documents et des informations concernant André Callot a été fournie par A. Orrière.

Le portrait d’André Callot provient de la collection personnelle d’A. Orrière.

La fiche signalétique et des services d’André Callot a été consultée.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à Alain Orrière. 

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