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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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10 mars 2016

Le destin du sous-lieutenant Maurice Gaudin à l’ambulance 2/21, c’était il y a tout juste 100 ans…

Maurice Gaudin 2

Dans la soirée du 6 mars 1916, le sous-lieutenant Gaudin est installé à Haudainville au sud-ouest de Verdun avec les hommes de la 2e compagnie du 149e R.I.. L’ensemble du régiment a quitté Seigneulles le matin même à bord de camions pour être acheminé à Regret, tout près de la citadelle.

Le 7 mars, les Allemands lancent une attaque entre le fort de Douaumont et l’étang de Vaux. Certains régiments français qui occupent ce secteur sont mis en difficultés. Plusieurs éléments de la 43e D.I. sont sollicités pour rejoindre la zone des combats. Le 149e R.I. en fait partie.

Le régiment du lieutenant-colonel Abbat s’attend à tout moment à être sollicité en cas de besoin.

Dans la nuit du 7 au 8, la 2e compagnie du 149e R.I. est établie avec le reste du bataillon dans le bois des Hospices.

L’artillerie allemande, qui avait ralenti sa cadence de tir durant la nuit, harcèle à nouveau le secteur à la pointe du jour. Le bois des Hospices n’est pas épargné. De nombreux obus tombent sur le terrain occupé par les 1ère, 2e, 3e et 4e compagnies du commandant Magagnosc.

Cette situation n’empêche absolument pas le sous-lieutenant Maurice Gaudin de rédiger une petite carte adressée à son beau-père, Jules Dubois, qui se faisait appeler « père » par ses gendres.

8 mars 1916,

Mon cher père,

C’est formidable, quelle fournaise ! C’est à n’en pas sortir. Cependant, ne vous chagrinez pas, j’aurai peut-être encore de la veine. Je vais bien et vous embrasse bien fort. Votre fils, M. Gaudin.

Voilà un message que se veut rassurant !

Portrait dessin Maurice Gaudin

Vers 16 h 00, le commandant Magagnosc donne les directives à suivre à certains de ses officiers. Le sous-lieutenant Gaudin, qui vient tout juste de le quitter, est blessé par un obus allemand qui explose à proximité. Ce projectile fait beaucoup de dégâts !

Le sous-lieutenant Baverey est tué sur le coup. Le sous-lieutenant Brosse, qui est très grièvement blessé, décède rapidement au cours de son transport. Le sous-lieutenant Gaudin est également touché, il est lui aussi évacué vers l’arrière. Ses blessures sont très sérieuses, mais le médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I. a fait savoir que sa vie n’était pas en danger. Les hommes sont rassurés sur son sort.

Peu après ces évènements, les compagnies du 1er bataillon sont scindées en deux. Les 2e et 3e compagnies s’installent dans le secteur sud de la batterie de l’Hôpital. Les 1ère et 4e compagnies prennent la direction du village de Vaux-devant-Damloup.

Le sous-lieutenant Jacques Rousset est le premier à donner des nouvelles à la famille Gaudin. C’est un ami proche. Il écrit au beau-père de Maurice pour lui faire savoir que son gendre a été touché par un éclat d’obus, mais que ce n’est pas grave. À partir des informations qui sont en sa possession, il rédige une petite carte alors qu’il est lui-même très exposé dans le petit village de Vaux-devant-Damloup.

« Je viens vous apprendre que votre fils Maurice a été blessé hier. Je crois qu’il a été atteint au bras par un éclat d’obus. Il a été soigné et évacué de suite. Blessure sans gravité. Il a dû vous prévenir avant moi. Excusez cette carte négligée, mais je vous écris pendant le combat et je confie ce mot au commandant de Longeaux, blessé au genou et qui est évacué ce soir.

Embrassez, je vous prie, Maurice pour moi en lui transmettant tous mes vœux de longue convalescence. Mes sympathiques respects. Jacques Rousset 1ère compagnie du 149e R.I..

Le sous-lieutenant Rousset se veut rassurant. Il n’a pas eu de nouvelles récentes de son camarade. Sa compagnie a quitté le bois des Hospices pour se rendre sur les lieux des combats peu de temps après que l’obus allemand ait tué et blessé les trois officiers du bataillon.

Le médecin du bataillon envoie également une lettre au beau-père du sous-lieutenant Gaudin

9 mars 1916

Monsieur,

Je viens vous attrister en vous rassurant toutefois. Monsieur Gaudin, que j’ai eu à soigner hier, a été blessé, fracture du bras et blessure dans le dos, à droite, à la base du thorax. Blessures toutes les deux douloureuses et demandant des soins bien assidus.

Depuis quatre mois que je connais Monsieur Gaudin, nous nous étions liés d’une bonne et franche camaraderie. Il est de ces natures avec qui on doit sympathiser. Je souhaite que Madame Gaudin ne soit pas trop impressionnée.

Docteur Vidaud de Pomerail médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I.

À la lecture de ces correspondances, les blessures de Maurice Gaudin sont considérées comme étant très sérieuses, mais personne ne semblait imaginé un seul instant que l’une d’entre elles allait être mortelle.

Revenu des premières lignes, tout le monde s’attend à avoir des informations rassurantes à son sujet.

Ce sera certainement, pour quelques-uns de ses amis et proches collaborateurs, une grande stupéfaction que d’apprendre la mort de leur camarade. Plusieurs d’entre eux se rendent au cimetière de l’ambulance qui a été créé derrière la caserne Bévaux pour lui rendre un dernier hommage.

Les courriers affluent vers la famille. Parmi les officiers qui ont pris le temps d’écrire figurent le commandant Magagnosc, le lieutenant-colonel Abbat et le commandant de Longeaux.

Lettres à la famille Gaudin

Dans sa lettre de condoléances adressée à l’épouse du lieutenant Gaudin, le commandant Magagnosc raconte les circonstances de la blessure de son officier subalterne.

Le 20 mars 1916

Madame,

Je ne m’attendais certes pas, il y a cinq jours, en vous écrivant que votre mari avait été blessé, avoir aujourd’hui le pénible devoir de vous adresser mes condoléances émues et respectueuses.

La nouvelle de sa mort, en arrivant à Verdun (parc des fourrages, caserne Bévaux), le 16, nous a tous plongés dans une consternation profonde.

À peine étions-nous arrivés au cantonnement qu’un officier vient nous dire que Monsieur Gaudin est enterré au cimetière militaire à quelques pas de la caserne ! Nous ne voulions pas croire à la possibilité d’une telle catastrophe. Mais la vérité n’était que trop évidente, hélas !

Votre cher et regretté mari est mort des suites de ses blessures, reçues le 8, dans le bois des hospices (près du fort de Souville, nord-est de Verdun).

Il venait de me quitter à l’instant pour porter un ordre. Un obus éclata qui tua 2 officiers. (Messieurs Baverey et Brosse) et blessa votre mari.

Le docteur Vidaud de Pomerail, médecin du 1er bataillon, blessé lui-même grièvement dans la journée du 14, s’empresse aussitôt auprès de votre mari, qu’il nous dit blessé très sérieusement, mais pas en danger de mort, croyait-il.

La providence en avait décidé autrement, hélas. Évacué dans une ambulance automobile aussitôt, il a dû mourir peu de temps après et en arrivant à Verdun, il a été enterré.

C’est une consolation relative de savoir qu’il repose dans une sépulture convenable et que vous retrouverez sa tombe facilement après la guerre. Il vous sera possible de le faire exhumer.

Nous sommes allés hier déposer sur sa tombe de modestes couronnes de verdure à défaut d’autres. J’ai dit, devant les officiers et les soldats qui aimaient tant Monsieur Gaudin, tout le bien que je pensais de lui !

Veuillez croire, Madame, à toute la part que je prends de votre deuil et agréer ainsi que Mademoiselle votre fille et votre famille, l’hommage de mes condoléances les plus respectueuses.

Magagnosc

Le commandant du 149e R.I. rédige au beau-père de Monsieur Gaudin une lettre où il est question de fanions de compagnie.

Le 26 mars 1916

Le lieutenant-colonel Abbat commandant le 149e R.I. à Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis, Paris.

Monsieur,

J’ai le regret de vous confirmer la mort du sous-lieutenant Gaudin, décédé à Verdun des suites de ses blessures qu’il avait reçues le 8 mars, au bois des Hospices. Je me fais l’interprète de tous les officiers du régiment, en vous exprimant mes sympathiques condoléances et en vous disant quels regrets nous laisse la mort de ce si charmant camarade.

Gaudin a été frappé de plusieurs éclats d’obus, à son poste de combat, alors que son bataillon était soumis à un bombardement des plus sévères de l’artillerie lourde allemande.

Nous ne le croyions que blessé. Quelle n’a pas été notre douleur, en descendant il y a quelques jours des premières lignes, d’apprendre que la mort aveugle avait fait son œuvre.

Maurice Gaudin a été inhumé dans le cimetière militaire situé derrière les casernes Bévaux à Verdun.

Nous avons fleuri sa tombe en allant l’autre jour faire, à ce regretté camarade, une pieuse visite.

Pour vous donner, Monsieur, une idée de l’estime en laquelle nous tenions Gaudin, je ne saurais mieux faire que vous envoyez les mots que me donnait sur lui son chef de bataillon.

Puissent ces quelques lignes adoucir la douleur de ses proches.

Personnellement, j’avais contracté une dette vis-à-vis du sous-lieutenant Gaudin qui avait bien voulu faire confectionner pour moi deux fanions de compagnie en soie, que je désirais offrir à deux de mes compagnies décorées de la croix de guerre. J’avais souvent demandé à Monsieur Gaudin de bien vouloir me dire combien je lui devais. Il ne put jamais me renseigner.

Je ne reste pas moins débiteur, envers la famille de Monsieur Gaudin, d’une certaine somme que je vous serais profondément reconnaissant de me faire connaître pour me permettre d’acquitter cette dette.

Veuillez agréer Monsieur, avec toutes mes sympathiques condoléances, l’assurance de toute ma considération.

Lieutenant-colonel Abbat

Le commandant de Longeaux a été évacué vers l’arrière à Chalon-sur-Sâone pour y être soigné de sa blessure. De son lit d’hôpital il écrit une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Gaudin.

Famille Gaudin

Madame,

Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous. Mais j’ai passé trois mois en contact presque constant avec votre mari. J’ai été témoin des sentiments qui dominaient toute sa vie. Son sentiment du devoir et sa tendresse pour les siens, pour vous surtout, pour sa petite Mathilde et pour son beau-père.

C’est une bien belle chose que le dévouement sciemment consenti jusqu’à la mort, et je ne l’ai jamais vu plus beau que chez votre mari.

Je lui ai dit une fois : «  Vous avez d’autant plus de mérite à bien faire votre service qu’après tout, ce n’est pas votre métier, comme à d’autres. »  Il m’a répondu : « Mon commandant, ce n’est pas mon métier, mais c’est mon devoir. »  Je n’ai rien répliqué parce que j’étais trop rempli d’admiration.

Votre mari était, non seulement un excellent officier, mais encore un parfait camarade. D’un dévouement inlassable, toujours prêt à faire ce que d’autres considéreraient comme une corvée. Ainsi, il était adoré de tous.

Si quelquefois, par suite de mon mauvais caractère et de mes exigences tatillonnes, je l’ai un peu bousculé, il sait bien maintenant qu’il est près du dieu des braves que tout de même je l’aimais et même l’admirais de tout mon cœur.

Veuillez, Madame, dire mes respects à Monsieur Gaudin, embrasser pour moi la petite Mathilde et agréer pour vous Madame, l’hommage de ma profonde et très respectueuse compassion.

A. de Longeaux  le 2 avril 1916 Hôpital temporaire n° 6 Chalon-sur-Saône

Quelques semaines avant son décès, le sous-lieutenant Gaudin avait eu un mauvais présage concernant son avenir. Le 19 février 1916, sa compagnie se trouvait au repos à Le Boisle. Il  trouve un moment pour rédiger ses dernières volontés sur une modeste feuille de papier.

J’autorise Monsieur Jacques Rousset, sous-lieutenant au 149e R.I., en cas de décès de ma part, à prendre possession de mes cantines, à distribuer mes tenues ordinaires et à ne renvoyer que le linge, photos, etc.

Prière d’envoyer si possible chez moi, mon casque et mon sabre.

Demande de s’occuper de ma sépulture, et de faire faire une marque, soit en fer ou pierre pour faciliter les recherches.

Ne prévenir que Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis à Paris.

J’autorise Jacques Rousset à conserver tout ce qui lui plaira dans les objets m’appartenant.

Donnons le « mot de la fin » au sous-lieutenant Jacques Rousset, l’ami fraternel de Maurice Gaudin.

Le 17 mars 1916

Monsieur,

Les larmes me montent aux yeux en vous écrivant. En redescendant des tranchées, je viens d’apprendre la mort de mon pauvre ami Maurice, décédé de ses blessures le 9 mars 1916. Le coup me fut très pénible, car nous nous aimions comme deux frères. Notre cher disparu avait de sombres pressentiments et avant de partir, il m’avait confié ses dernières volontés. Les circonstances m’ont empêché de les exécuter à la lettre, mais voici ce que l’on a pu faire. Notre cher Maurice est enterré au cimetière de Verdun sous le numéro 130.

Nous faisons aujourd’hui orner sa tombe et y déposer une couronne. En plus du numéro 130, une plaque de zinc porte gravée son identité. De plus, je vais faire mettre, tantôt, une inscription à la peinture à l’huile.

Si vous désirez avoir des renseignements sur ces derniers moments ainsi que sur ses affaires et papiers personnels, vous pouvez écrire à Monsieur l’officier gestionnaire de l’ambulance 1/21 secteur 117. Je vais personnellement, conformément à ses volontés, vous faire envoyer ses cantines et son sabre.

Tout supérieurs, camarades et inférieurs, regrettons sincèrement Maurice, qui était si bon, si brave, si dévoué. Je l’aimais, je vous l’ai dit, comme un frère et je le pleure comme tel.

Laissez-moi, je vous prie, prendre une large part à votre grande douleur.

J. Rousset, sous-lieutenant, 1ère compagnie secteur 116.

Le 149e R.I. quittera le département de la Meuse le 15 avril 1916, laissant derrière lui de très nombreux hommes parmi lesquels figure le sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Pour en savoir plus sur la vie du sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Du 152e R

Sources :

Les photographies et les lettres proviennent toutes de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/11.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly, à A. Carobbi et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

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