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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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18 mars 2016

Paul Louis Joseph Portier (1895-1959)

Paul_Portier

 

Paul Louis Joseph Portier est né le 31 mars 1895 à Villeurbanne, une commune limitrophe de Lyon.

 

Ses parents, originaires du Puy-de-Dôme, sont venus s’installer dans le département du Rhône, quelque temps après leur mariage qui a eu lieu le 30 mai 1891 dans le petit village de Saint-Ignat.

 

Le père se prénomme François Paul ; il est âgé de 30 ans à la date où son fils voit le jour. Celui-ci exerce la profession de jardinier. La mère, Marie Varenne-Paquet, qui est un peu plus âgée que son époux, travaille comme femme de ménage.

 

La famille vit dans un appartement situé dans l’allée du Sacré-Cœur.

 

La fiche signalétique et des services de Paul Portier nous fait savoir qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Le fait de savoir lire, écrire et compter lui donnera la possibilité, après le conflit contre l’Allemagne, d’exercer la profession d’employé de banque.

 

Futur soldat de la classe 1915, cette dernière est appelée par anticipation. Le recensement de Paul Portier et son passage devant le conseil de révision sont faits dans l’urgence en septembre et octobre 1914. Le jeune Portier est inscrit sous le numéro 383, sur la liste des futurs soldats du canton du 3e arrondissement de Lyon qui sont susceptibles d’être mobilisés. C’est un homme qui est en très bonne santé ; il se retrouve donc, en toute logique, classé dans la 1ère partie de la liste en 1914.

 

Paul est, dans un premier temps, incorporé au 99e R.I. pour y faire ses apprentissages de soldat. Il arrive dans ce régiment le 15 décembre 1914.

 

Sa formation initiale terminée, le soldat Portier est muté au 149e R.I., un régiment qui est, à cette époque, malmené du côté de Notre-Dame-de-Lorette, un secteur qui se trouve en Artois. Paul Portier doit rejoindre sa nouvelle affectation le 11 mai 1915. Les informations trouvées à son sujet ne permettent pas de savoir s’il est passé par le dépôt du régiment à Épinal ou s’il est arrivé directement dans sa nouvelle unité.

 

À partir de cet instant, cet homme va participer à l’ensemble des combats menés par son régiment qui se sont déroulés en Artois, à Verdun, dans la Somme, à la Malmaison, à Arcy-Sainte-Restitue…

 

Le 26 septembre 1916, il obtient une citation à l’ordre du régiment : « Le 11 septembre 1916, au cours de la prise d’un village fortifié et de la progression en avant de ce village, a montré de grandes qualités d’audace, de sang-froid et de décisions, est parti en éclaireur dans un boyau que tenaient encore des grenadiers allemands et a aussi guidé la progression de manière heureuse. Mitrailleur très dévoué et courageux. »

 

Le soldat Portier est nommé caporal le 28 mai 1917.

 

En octobre 1917, son régiment est engagé dans les combats de la Malmaison. Le 6 novembre 1917, une seconde citation à l’ordre du régiment vient récompenser la bravoure de ce mitrailleur : « Chef de pièce d’un sang-froid et d’une audace superbes, a donné à ses hommes un merveilleux exemple de courage en circulant constamment, sous un feu de mitrailleuses, en cours d’attaque du 23 octobre 1917. »

 

Le 21 juin 1918, il est à nouveau cité, mais cette fois-ci, c’est à l’ordre de la 43e division.

 

« Mitrailleur d’un moral très élevé, animé d’un grand esprit de sacrifice, s’est distingué, en servant d’exemple, en toutes circonstances, dans les journées du 28 et du 29 mai 1918. Le 29 a contribué au sauvetage de 2 pièces de 75 dans des conditions particulièrement difficiles. »

 

Le 11 juillet 1918, le caporal Portier peut accrocher ses nouveaux galons de sergent sur sa vareuse. Quatre jours plus tard, il est blessé à la main gauche alors que sa section de mitrailleuses est positionnée dans le secteur du trou Bricot.

 

Le sergent Portier obtient une citation à l’ordre du 21e C.A, le 21 août 1918 :

 

« Mitrailleur possédant des qualités remarquables de calme et de courage, dans la matinée du 15 juillet 1918, s’est maintenu avec sa section, sur la première parallèle, sous un bombardement terrible, a brisé l’élan des vagues d’assaut par un tir précis et nourri, a été blessé au moment où debout sur le parapet, il observait les mouvements ennemis. »

 

Après avoir subi les soins nécessaires, la commission de réforme de Reims,qui siège à Épernay le 13 novembre 1918, classe le sergent Portier service auxiliaire apte.

 

Le 19 novembre 1918, Paul Portier se trouve au dépôt des services auxiliaires de la Ve armée. Ce sous-officier est muté à la 24e section d’infirmiers, 6e échelon n° 55, le 9 décembre 1918.

 

Le 24 mars 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation par le dépôt démobilisateur de la 14e S.I.M. de Lyon. Il va enfin pouvoir retrouver la vie civile et rejoindre son logement qui se situe au numéro 6 de la rue Bellicard, dans le 3e arrondissement lyonnais. Plus de cinq ans se sont écoulés depuis le moment où il est arrivé au 99e R.I..

 

Le 3 juillet 1920, il épouse Jeanne Marie Catherine Badin dans le 5e arrondissement lyonnais. Deux enfants naîtront de cette union.

 

Le 18 juin 1923, le centre spécial de réforme de Lyon le maintient service auxiliaire, mais cette fois-ci, avec une invalidité permanente de 15 %. Les trois derniers doigts de sa main gauche lui posent problème.

 

Paul Portier est fait chevalier de la Légion d’honneur le 19 avril 1958 (J.O. du 26 avril 1958).

 

Cet homme est décédé le 20 mai 1959 à Sainte-Foy-les-Lyon, une commune située dans la métropole lyonnaise.

 

Sources :

 

Témoignage de Paul Portier, soldat du 149e R.I., inédit, collection personnelle.

 

La photographie familiale qui illustre le montage de cet article provient du récit dactylographié et illustré réalisé par Paul Portier après-guerre. Cette photographie n’est pas légendée, mais ce cliché est collé dans la partie du texte qui est consacrée à une de ses permissions.

 

La fiche signalétique et des services de Paul Portier a été consultée sur le site des archives départementales du Rhône.

 

Un grand merci à M. Bordes, à Stéphan Agosto, à A. Carobbi et aux archives départementales du Rhône.

10 mars 2016

Le destin du sous-lieutenant Maurice Gaudin à l’ambulance 2/21, c’était il y a tout juste 100 ans…

Maurice Gaudin 2

Dans la soirée du 6 mars 1916, le sous-lieutenant Gaudin est installé à Haudainville au sud-ouest de Verdun avec les hommes de la 2e compagnie du 149e R.I.. L’ensemble du régiment a quitté Seigneulles le matin même à bord de camions pour être acheminé à Regret, tout près de la citadelle.

Le 7 mars, les Allemands lancent une attaque entre le fort de Douaumont et l’étang de Vaux. Certains régiments français qui occupent ce secteur sont mis en difficultés. Plusieurs éléments de la 43e D.I. sont sollicités pour rejoindre la zone des combats. Le 149e R.I. en fait partie.

Le régiment du lieutenant-colonel Abbat s’attend à tout moment à être sollicité en cas de besoin.

Dans la nuit du 7 au 8, la 2e compagnie du 149e R.I. est établie avec le reste du bataillon dans le bois des Hospices.

L’artillerie allemande, qui avait ralenti sa cadence de tir durant la nuit, harcèle à nouveau le secteur à la pointe du jour. Le bois des Hospices n’est pas épargné. De nombreux obus tombent sur le terrain occupé par les 1ère, 2e, 3e et 4e compagnies du commandant Magagnosc.

Cette situation n’empêche absolument pas le sous-lieutenant Maurice Gaudin de rédiger une petite carte adressée à son beau-père, Jules Dubois, qui se faisait appeler « père » par ses gendres.

8 mars 1916,

Mon cher père,

C’est formidable, quelle fournaise ! C’est à n’en pas sortir. Cependant, ne vous chagrinez pas, j’aurai peut-être encore de la veine. Je vais bien et vous embrasse bien fort. Votre fils, M. Gaudin.

Voilà un message que se veut rassurant !

Portrait dessin Maurice Gaudin

Vers 16 h 00, le commandant Magagnosc donne les directives à suivre à certains de ses officiers. Le sous-lieutenant Gaudin, qui vient tout juste de le quitter, est blessé par un obus allemand qui explose à proximité. Ce projectile fait beaucoup de dégâts !

Le sous-lieutenant Baverey est tué sur le coup. Le sous-lieutenant Brosse, qui est très grièvement blessé, décède rapidement au cours de son transport. Le sous-lieutenant Gaudin est également touché, il est lui aussi évacué vers l’arrière. Ses blessures sont très sérieuses, mais le médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I. a fait savoir que sa vie n’était pas en danger. Les hommes sont rassurés sur son sort.

Peu après ces évènements, les compagnies du 1er bataillon sont scindées en deux. Les 2e et 3e compagnies s’installent dans le secteur sud de la batterie de l’Hôpital. Les 1ère et 4e compagnies prennent la direction du village de Vaux-devant-Damloup.

Le sous-lieutenant Jacques Rousset est le premier à donner des nouvelles à la famille Gaudin. C’est un ami proche. Il écrit au beau-père de Maurice pour lui faire savoir que son gendre a été touché par un éclat d’obus, mais que ce n’est pas grave. À partir des informations qui sont en sa possession, il rédige une petite carte alors qu’il est lui-même très exposé dans le petit village de Vaux-devant-Damloup.

« Je viens vous apprendre que votre fils Maurice a été blessé hier. Je crois qu’il a été atteint au bras par un éclat d’obus. Il a été soigné et évacué de suite. Blessure sans gravité. Il a dû vous prévenir avant moi. Excusez cette carte négligée, mais je vous écris pendant le combat et je confie ce mot au commandant de Longeaux, blessé au genou et qui est évacué ce soir.

Embrassez, je vous prie, Maurice pour moi en lui transmettant tous mes vœux de longue convalescence. Mes sympathiques respects. Jacques Rousset 1ère compagnie du 149e R.I..

Le sous-lieutenant Rousset se veut rassurant. Il n’a pas eu de nouvelles récentes de son camarade. Sa compagnie a quitté le bois des Hospices pour se rendre sur les lieux des combats peu de temps après que l’obus allemand ait tué et blessé les trois officiers du bataillon.

Le médecin du bataillon envoie également une lettre au beau-père du sous-lieutenant Gaudin

9 mars 1916

Monsieur,

Je viens vous attrister en vous rassurant toutefois. Monsieur Gaudin, que j’ai eu à soigner hier, a été blessé, fracture du bras et blessure dans le dos, à droite, à la base du thorax. Blessures toutes les deux douloureuses et demandant des soins bien assidus.

Depuis quatre mois que je connais Monsieur Gaudin, nous nous étions liés d’une bonne et franche camaraderie. Il est de ces natures avec qui on doit sympathiser. Je souhaite que Madame Gaudin ne soit pas trop impressionnée.

Docteur Vidaud de Pomerail médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I.

À la lecture de ces correspondances, les blessures de Maurice Gaudin sont considérées comme étant très sérieuses, mais personne ne semblait imaginé un seul instant que l’une d’entre elles allait être mortelle.

Revenu des premières lignes, tout le monde s’attend à avoir des informations rassurantes à son sujet.

Ce sera certainement, pour quelques-uns de ses amis et proches collaborateurs, une grande stupéfaction que d’apprendre la mort de leur camarade. Plusieurs d’entre eux se rendent au cimetière de l’ambulance qui a été créé derrière la caserne Bévaux pour lui rendre un dernier hommage.

Les courriers affluent vers la famille. Parmi les officiers qui ont pris le temps d’écrire figurent le commandant Magagnosc, le lieutenant-colonel Abbat et le commandant de Longeaux.

Lettres à la famille Gaudin

Dans sa lettre de condoléances adressée à l’épouse du lieutenant Gaudin, le commandant Magagnosc raconte les circonstances de la blessure de son officier subalterne.

Le 20 mars 1916

Madame,

Je ne m’attendais certes pas, il y a cinq jours, en vous écrivant que votre mari avait été blessé, avoir aujourd’hui le pénible devoir de vous adresser mes condoléances émues et respectueuses.

La nouvelle de sa mort, en arrivant à Verdun (parc des fourrages, caserne Bévaux), le 16, nous a tous plongés dans une consternation profonde.

À peine étions-nous arrivés au cantonnement qu’un officier vient nous dire que Monsieur Gaudin est enterré au cimetière militaire à quelques pas de la caserne ! Nous ne voulions pas croire à la possibilité d’une telle catastrophe. Mais la vérité n’était que trop évidente, hélas !

Votre cher et regretté mari est mort des suites de ses blessures, reçues le 8, dans le bois des hospices (près du fort de Souville, nord-est de Verdun).

Il venait de me quitter à l’instant pour porter un ordre. Un obus éclata qui tua 2 officiers. (Messieurs Baverey et Brosse) et blessa votre mari.

Le docteur Vidaud de Pomerail, médecin du 1er bataillon, blessé lui-même grièvement dans la journée du 14, s’empresse aussitôt auprès de votre mari, qu’il nous dit blessé très sérieusement, mais pas en danger de mort, croyait-il.

La providence en avait décidé autrement, hélas. Évacué dans une ambulance automobile aussitôt, il a dû mourir peu de temps après et en arrivant à Verdun, il a été enterré.

C’est une consolation relative de savoir qu’il repose dans une sépulture convenable et que vous retrouverez sa tombe facilement après la guerre. Il vous sera possible de le faire exhumer.

Nous sommes allés hier déposer sur sa tombe de modestes couronnes de verdure à défaut d’autres. J’ai dit, devant les officiers et les soldats qui aimaient tant Monsieur Gaudin, tout le bien que je pensais de lui !

Veuillez croire, Madame, à toute la part que je prends de votre deuil et agréer ainsi que Mademoiselle votre fille et votre famille, l’hommage de mes condoléances les plus respectueuses.

Magagnosc

Le commandant du 149e R.I. rédige au beau-père de Monsieur Gaudin une lettre où il est question de fanions de compagnie.

Le 26 mars 1916

Le lieutenant-colonel Abbat commandant le 149e R.I. à Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis, Paris.

Monsieur,

J’ai le regret de vous confirmer la mort du sous-lieutenant Gaudin, décédé à Verdun des suites de ses blessures qu’il avait reçues le 8 mars, au bois des Hospices. Je me fais l’interprète de tous les officiers du régiment, en vous exprimant mes sympathiques condoléances et en vous disant quels regrets nous laisse la mort de ce si charmant camarade.

Gaudin a été frappé de plusieurs éclats d’obus, à son poste de combat, alors que son bataillon était soumis à un bombardement des plus sévères de l’artillerie lourde allemande.

Nous ne le croyions que blessé. Quelle n’a pas été notre douleur, en descendant il y a quelques jours des premières lignes, d’apprendre que la mort aveugle avait fait son œuvre.

Maurice Gaudin a été inhumé dans le cimetière militaire situé derrière les casernes Bévaux à Verdun.

Nous avons fleuri sa tombe en allant l’autre jour faire, à ce regretté camarade, une pieuse visite.

Pour vous donner, Monsieur, une idée de l’estime en laquelle nous tenions Gaudin, je ne saurais mieux faire que vous envoyez les mots que me donnait sur lui son chef de bataillon.

Puissent ces quelques lignes adoucir la douleur de ses proches.

Personnellement, j’avais contracté une dette vis-à-vis du sous-lieutenant Gaudin qui avait bien voulu faire confectionner pour moi deux fanions de compagnie en soie, que je désirais offrir à deux de mes compagnies décorées de la croix de guerre. J’avais souvent demandé à Monsieur Gaudin de bien vouloir me dire combien je lui devais. Il ne put jamais me renseigner.

Je ne reste pas moins débiteur, envers la famille de Monsieur Gaudin, d’une certaine somme que je vous serais profondément reconnaissant de me faire connaître pour me permettre d’acquitter cette dette.

Veuillez agréer Monsieur, avec toutes mes sympathiques condoléances, l’assurance de toute ma considération.

Lieutenant-colonel Abbat

Le commandant de Longeaux a été évacué vers l’arrière à Chalon-sur-Sâone pour y être soigné de sa blessure. De son lit d’hôpital il écrit une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Gaudin.

Famille Gaudin

Madame,

Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous. Mais j’ai passé trois mois en contact presque constant avec votre mari. J’ai été témoin des sentiments qui dominaient toute sa vie. Son sentiment du devoir et sa tendresse pour les siens, pour vous surtout, pour sa petite Mathilde et pour son beau-père.

C’est une bien belle chose que le dévouement sciemment consenti jusqu’à la mort, et je ne l’ai jamais vu plus beau que chez votre mari.

Je lui ai dit une fois : «  Vous avez d’autant plus de mérite à bien faire votre service qu’après tout, ce n’est pas votre métier, comme à d’autres. »  Il m’a répondu : « Mon commandant, ce n’est pas mon métier, mais c’est mon devoir. »  Je n’ai rien répliqué parce que j’étais trop rempli d’admiration.

Votre mari était, non seulement un excellent officier, mais encore un parfait camarade. D’un dévouement inlassable, toujours prêt à faire ce que d’autres considéreraient comme une corvée. Ainsi, il était adoré de tous.

Si quelquefois, par suite de mon mauvais caractère et de mes exigences tatillonnes, je l’ai un peu bousculé, il sait bien maintenant qu’il est près du dieu des braves que tout de même je l’aimais et même l’admirais de tout mon cœur.

Veuillez, Madame, dire mes respects à Monsieur Gaudin, embrasser pour moi la petite Mathilde et agréer pour vous Madame, l’hommage de ma profonde et très respectueuse compassion.

A. de Longeaux  le 2 avril 1916 Hôpital temporaire n° 6 Chalon-sur-Saône

Quelques semaines avant son décès, le sous-lieutenant Gaudin avait eu un mauvais présage concernant son avenir. Le 19 février 1916, sa compagnie se trouvait au repos à Le Boisle. Il  trouve un moment pour rédiger ses dernières volontés sur une modeste feuille de papier.

J’autorise Monsieur Jacques Rousset, sous-lieutenant au 149e R.I., en cas de décès de ma part, à prendre possession de mes cantines, à distribuer mes tenues ordinaires et à ne renvoyer que le linge, photos, etc.

Prière d’envoyer si possible chez moi, mon casque et mon sabre.

Demande de s’occuper de ma sépulture, et de faire faire une marque, soit en fer ou pierre pour faciliter les recherches.

Ne prévenir que Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis à Paris.

J’autorise Jacques Rousset à conserver tout ce qui lui plaira dans les objets m’appartenant.

Donnons le « mot de la fin » au sous-lieutenant Jacques Rousset, l’ami fraternel de Maurice Gaudin.

Le 17 mars 1916

Monsieur,

Les larmes me montent aux yeux en vous écrivant. En redescendant des tranchées, je viens d’apprendre la mort de mon pauvre ami Maurice, décédé de ses blessures le 9 mars 1916. Le coup me fut très pénible, car nous nous aimions comme deux frères. Notre cher disparu avait de sombres pressentiments et avant de partir, il m’avait confié ses dernières volontés. Les circonstances m’ont empêché de les exécuter à la lettre, mais voici ce que l’on a pu faire. Notre cher Maurice est enterré au cimetière de Verdun sous le numéro 130.

Nous faisons aujourd’hui orner sa tombe et y déposer une couronne. En plus du numéro 130, une plaque de zinc porte gravée son identité. De plus, je vais faire mettre, tantôt, une inscription à la peinture à l’huile.

Si vous désirez avoir des renseignements sur ces derniers moments ainsi que sur ses affaires et papiers personnels, vous pouvez écrire à Monsieur l’officier gestionnaire de l’ambulance 1/21 secteur 117. Je vais personnellement, conformément à ses volontés, vous faire envoyer ses cantines et son sabre.

Tout supérieurs, camarades et inférieurs, regrettons sincèrement Maurice, qui était si bon, si brave, si dévoué. Je l’aimais, je vous l’ai dit, comme un frère et je le pleure comme tel.

Laissez-moi, je vous prie, prendre une large part à votre grande douleur.

J. Rousset, sous-lieutenant, 1ère compagnie secteur 116.

Le 149e R.I. quittera le département de la Meuse le 15 avril 1916, laissant derrière lui de très nombreux hommes parmi lesquels figure le sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Pour en savoir plus sur la vie du sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Du 152e R

Sources :

Les photographies et les lettres proviennent toutes de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/11.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly, à A. Carobbi et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

4 mars 2016

André Marius Callot (1895-1974).

Andre_Callot_1

André Marius Callot voit le jour le 21 octobre 1895 dans la maison familiale de ses parents. Il est né dans la petite commune d’Amoncourt située dans le département de la Haute-Saône. Son père se prénomme Firmin Eugène. C’est un homme âgé de 28 ans, qui travaille comme ouvrier papetier. Sa mère, Marie Léa Huguenot, est une femme tout juste âgée de 17 ans.

Très jeune, André apprend le métier de mécanicien-ajusteur. Peu de temps avant le début du conflit contre l’Allemagne, en août 1914, il exerce son métier dans une petite entreprise de Saint-Denis. Cet établissement est implanté au 17 impasse des moulins-Gémeaux.

Andre_Callot_2

Jeune homme de la classe 1915 de la subdivision du 1er bureau du département de la Seine, André est déclaré bon pour le service par le conseil de révision.

Il quitte la région parisienne pour rejoindre le dépôt du 149e R.I. à Épinal le 20 décembre 1914. Le futur soldat doit être formé aux maniements des armes et aux divers exercices qui agrémentent la vie du fantassin,pour rejoindre le plus rapidement possible le front après sa formation accélérée.

Il est difficile de déterminer la date de son arrivée au régiment en première ligne. Une grande partie de la classe 1915 est passée au 9e bataillon dans la zone des armées pour parfaire son instruction. On peut estimer son arrivée probable au front en juin ou juillet 1915 et supposer qu’à partir de cette date, il participera à l’ensemble des engagements du 149e R.I. jusqu’à sa blessure à Verdun le 8 mars 1916.

Ce jour-là, deux éclats d’obus viennent se figer dans sa chair, un dans la main droite, l’autre dans le genou gauche. Suite à cet événement, c’est bien évidemment l’évacuation vers l’arrière. Le soldat Callot est soigné dans un hôpital de Vichy.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de la journée du 8 mars 1916, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Carte_journees_des_7__8_et_9_mars_1916

Après avoir été pris en charge par les médecins et après avoir fait un séjour du 30 avril au 14 juillet 1916 au dépôt, André Callot se retrouve muté au 312e R.I.. D’importants problèmes de santé le feront évacuer pour maladie du 25 octobre au 15 novembre 1916.

L’homme est de retour au 312e R.I. quelques semaines avant l’hiver. Le 21 janvier 1917, André Callot apprend que son régiment va être dissous et qu’il va être muté au 416e R.I.. Le soldat Callot arrive le lendemain dans sa nouvelle unité avec un renfort de 600 hommes commandés par 6 officiers.

Le 3 mars 1917, il se fait une grave entorse à la cheville gauche. Cette lésion traumatique nécessite une nouvelle évacuation vers l’arrière. André Callot est envoyé dans un hôpital de Querqueville pour de longues semaines.

Le soldat Callot rentre au dépôt le 5 mai 1917. Au cours de cette période, il passe devant le conseil de guerre de Montpellier, pour y être condamné à une peine dont nous ne connaissons ni le motif, ni la durée. Il voit cette punition suspendue très rapidement. André Callot est muté au 80e R.I. en juillet 1917 après cet épisode avec la justice militaire.

Du 25 février au 4 juin 1918, André Callot est de nouveau transporté à l’arrière pour maladie. Il réintègre son régiment le 5 juin 1918.

Le soldat Callot est cité à l’ordre du 80e Régiment d’Infanterie en juillet 1918.

Citation n° 262 du 10 juillet 1918 :

« Volontaire pour les coups de main. Le 8 juillet 1918, au cours d’une rencontre de patrouilles, à assuré avec trois camarades, une mission délicate et difficile qui lui avait été confiée par son officier. »

Le 2 novembre 1918, son régiment est en position dans le secteur de Brié. André Callot est une nouvelle fois en difficulté. Cette fois-ci, c’est durant un coup de main. Un éclat de grenade vient se fixer dans sa cuisse droite. Le blessé est dirigé sur Laon avant d’être conduit dans un établissement de soins de la ville de Lannion dans les Côtes d'Armor.

André termine la guerre dans un hôpital. Après une longue convalescence, il est affecté au dépôt du 16e train à partir du 17 avril 1919. Le retour dans les foyers n’est plus très loin.

Le dépôt démobilisateur du 19e train de Paris envoie André Callot en congé illimité le 26 septembre 1919.

Redevenu civil, André s’installe tout d’abord à Paris avant d’habiter à Senlis. Le 26 avril 1920, il épouse Rose Félicie Janin, une Parisienne qui travaille comme employée à la compagnie du nord.

La vie suit son cours, mais les obligations militaires d’André Callot ne sont pas pour autant définitivement closes ! Le 25 août 1939, il est à nouveau rappelé à l’activité par un décret de mobilisation générale. Un deuxième conflit mondial est en train de se préparer. André Callot se retrouve affecté à la 5e compagnie du 24e Régiment Régional. Dans un second temps, il est dirigé sur le D.I. 22 à partir du 14 février 1940 puis dans un troisième temps, à la compagnie de remplacement du D.I. 172 à compter du 22 février 1940. Cet homme passe ensuite le reste de la guerre au D.A.302 à partir du 1er avril 1940.

Le 21 août 1940, André Callot,qui va bientôt fêter ses 45 ans, se voit renvoyé dans ses foyers ; cette fois-ci, c’est de manière définitive.

Il se retire à Senlis pour y vivre jusqu’à la fin de sa vie.

Andre_Callot_3

André portait régulièrement ses décorations sur son costume à l’occasion des cérémonies officielles : médaille militaire, croix de guerre avec étoile de bronze, médaille de Verdun, médaille commémorative 1914-1918, médaille interalliée et médaille des blessés militaires.

André Callot décède le 22 novembre 1974, il n’a pas eu de descendance.

Sources :

La quasi-totalité des documents et des informations concernant André Callot a été fournie par A. Orrière.

Le portrait d’André Callot provient de la collection personnelle d’A. Orrière.

La fiche signalétique et des services d’André Callot a été consultée.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à Alain Orrière. 

26 février 2016

Gaston Moyne (1892-1927).

Gaston_Moyne

Août 1892, Mathilde Merlin se rend à l’hospice de Grenoble pour mettre au monde un petit garçon qui portera le prénom de Gaston. Celui-ci voit le jour le 19. Émilie Loubet, qui a accompagné Mathilde dans son accouchement, se rend au service d’état civil pour faire enregistrer la naissance de l’enfant. Quelques jours plus tard, la mère de Gaston se rend à son tour à la mairie pour reconnaître officiellement son fils qui portera le nom de Merlin. Mathilde est une femme âgée de 27 ans, la vie ne lui a pas fait de cadeau, elle a déjà perdu un premier mari. Depuis ce décès, elle vit seule. Même si cette femme a trouvé un travail de gantière, la vie reste rude et pénible. En 1894, elle épouse Armand Moyne, un homme qui acceptera de donner son nom au petit Gaston qui va bientôt fêter ses deux ans. Armand a également eu une vie difficile, il a vécu la même situation que Gaston dans sa petite enfance.

Après une courte scolarité, le jeune Gaston suit les traces d’Armand pour apprendre le métier de fumiste chaudronnier tôlier.

L’année de sa classe de soldat, Gaston Moyne épouse Noëlie Berthe Jourdan, une jeune femme qui est originaire du hameau de « La Salce » situé dans la commune du Périer, un petit village proche du massif des Écrins. Les futurs mariés n’ont pas encore atteint l’âge de la majorité. Cette union est officialisée le 27 janvier 1912 à Grenoble. De cette rencontre naîtra la petite Armande.

Appelé pour un service auxiliaire, Gaston est finalement ajourné en 1913 pour palpitations.

La vie suit son cours, tout semble aller pour le mieux… Début 1914, le jeune couple Moyne n’imagine pas un seul instant que des évènements terribles vont bientôt avoir lieu.

Le samedi 1er août 1914, les tocsins retentissent dans la ville de Grenoble. Ils avertissent la population que la mobilisation générale vient d’être mise en application. En cas d’oubli des consignes, tout Grenoblois qui est susceptible de revêtir la tenue de soldat est amené à consulter son livret militaire pour savoir ce qu’il doit faire.

Gaston Moyne n’est toujours pas sous les drapeaux. Il passe devant un conseil de révision qui va, cette fois-ci, le déclarer bon pour le service armé. Il endosse l’uniforme le 19 novembre 1914. "Incorporé sans délai" au 140e R.I., il y suit un entraînement de base.

Le soldat Moyne est ensuite affecté au bataillon de marche du 158e R.I. par décision ministérielle du 25 janvier 1915.

L’homme part en renfort le 3 février 1915 pour rallier ce bataillon dans la zone des armées.

Le 13 mars 1915, il rejoint le 149e R.I. qui se trouve dans la région d’Aix-Noulette, pour être affecté à la 4e compagnie du régiment.

Une petite partie du témoignage de Paul Monne évoque ce qu’aurait vécu Gaston Moyne dans cette unité durant plusieurs semaines.

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Paul_Monne_1

Le 11 juillet 1915, Gaston Moyne est, une nouvelle fois,envoyé au bataillon de marche. Il y a de fortes probabilités pour que ce soit celui du 149e R.I..

Le 29 septembre 1915, c’est le retour à la 4e compagnie du 149e R.I.. Le régiment est en train de panser ses plaies, en comblant les pertes subies lors de son engagement dans les terribles combats qui se sont déroulés du côté du bois en Hache en Artois.

Gaston Moyne reste dans le secteur jusqu’au mois de janvier 1916.

Le 16 février 1916, il est à l’arrière avec sa compagnie qui se trouve maintenant au repos depuis plusieurs jours. Tous les hommes de cette unité sont logés dans la petite commune de Neuf-Moulin, loin des premières lignes. Gaston souffre terriblement de la jambe droite. Il demande à consulter le médecin. Celui-ci diagnostique un abcès à la cuisse droite qui va nécessiter des soins urgents. Il ne faut pas oublier que les antibiotiques n’existent pas encore dans la pharmacopée des soignants !

Gaston Moyne va passer de longs mois éloigné du front. Il échappe ainsi à l’enfer de Verdun où sa compagnie va être engagée dans les rues du village de Vaux-Devant-Damloup.

Évacué sur le département de la Somme, il va occuper un lit de l’hôpital temporaire n° 2 d’Abbeville jusqu’au début du mois de mai 1916. Il bénéficie ensuite d’une permission de 9 jours, allant du 7 au 16 mai 1916, ce qui va lui permettre de revoir les siens durant quelque temps.

Remis sur pied, Gaston Moyne est de nouveau affecté à la 4e compagnie du 149e R.I.. Nous sommes le 3 juin 1916. Il faut savoir que cette compagnie ne sera bientôt plus une unité combattante.

À partir du mois suivant, elle est intégrée au dépôt divisionnaire fraîchement créé. Ce dépôt va servir de réserve pour la division. Il est composé des 4e, 8e et 12e compagnies du 149e R.I. et du 158e R.I., d’une compagnie par B.C.P. et de divers éléments provenant des autres unités de la 43e D.I.. Le dépôt divisionnaire commence à fonctionner à Somme-Tourbe sous le commandement provisoire du commandant Magagnosc, un officier bien connu de tous au 149e R.I..

Gaston est une nouvelle fois « aux armées » jusqu’au 31 octobre 1916. Durant cette période,le régiment se trouve en Champagne entre les buttes du Mesnil et les Deux Mamelles dans un secteur relativement calme où il reste 3 mois. La 43e D.I. est ensuite envoyée dans le département de la Somme.

Le 27 septembre 1916, le soldat Moyne est dirigé vers la 3e compagnie du 149e R.I. pour être incorporé à un groupe de grenadiers et de fusils-mitrailleurs. La photographie suivante a été réalisée durant cette période.

Gaston_Moyne_les_camarades

Fin décembre 1916, le 149e R.I. quitte la Somme pour venir s’installer d’abord au camp de Villersexel, puis en deuxième ligne du secteur Seppois-Largitzen en Haute-Alsace, pour y subir une instruction intensive.

Le régiment est ensuite débarqué dans la région de Montmirail à la mi-avril 1917. Six semaines plus tard, il s’établit dans un secteur du chemin des Dames où il va rester durant cinq mois.

Au cours de cette période, Gaston Moyne va avoir quelques démêlés avec la justice militaire. Les informations figurant sur sa fiche signalétique et des services ne sont pas suffisantes pour se faire une idée claire de ce qui s’est réellement passé.

Le 17 août 1917, il est simplement signalé comme manquant à l’appel. Il ne rentrera que trois jours plus tard, ce qui est une grave faute en période de conflit. Dans l’attente de son jugement, l’homme est placé en détention préventive. Le passage devant le conseil de guerre a lieu le 10 septembre. Gaston Moyne est condamné à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis. La condamnation semble sévère, mais il vient de se rendre coupable de désertion à l’intérieur en tant de guerre.

Heureusement pour lui, il a pu bénéficier de circonstances atténuantes. Il va bientôt pouvoir rejoindre sa compagnie.

Sa santé est devenue très fragile. En octobre 1917, le 1er bataillon du 149e R.I. est engagé dans la bataille de la Malmaison. Suite à ces évènements, Gaston tombe malade. Il vient d’attraper une bronchite qui le fait évacuer sur l’ambulance 2/21 du 30 octobre au 20 novembre 1917.

Il réintègre le C.I.D. 43 à compter du 7 décembre 1917.

Le 12 février 1918, c’est la rechute, Gaston est cette fois-ci envoyé à l’Ambulance 13/8. Le temps d’identifier les symptômes, il est envoyé vers l’arrière dès le lendemain. Sa santé s’est une nouvelle fois dégradée.

Revenu des hôpitaux le 4 avril 1918, il retrouve la 4e compagnie du 149e R.I. du C.I.D. 43.

Cinq jours plus tard, il fait partie d’un groupe de renfort. Il vient d’être désigné pour rejoindre la 2e compagnie du 149e R.I.. Il ne va plus quitter cette unité jusqu’à la fin du conflit.

Gaston Moyne va participer à l’ensemble des combats dans lesquels sa compagnie va être engagée : Arcy-Sainte-Restitue (mai-juin1918), le trou Bricot situé à l’ouest de Perthe-les-Hurlus (juillet 1918), la bataille de Champagne (septembre 1918) et le secteur d’Orfeuil dans les Ardennes (octobre 1918).

Au cours de cette période, le soldat Moyne est cité deux fois à l’ordre du régiment.

Citation à l’ordre du régiment n° 34 du 21 juin 1918.

« Pendant les attaques du 28 mai au 3 juin 1918, s’est distingué à maintes reprises, combattant avec une rare énergie, sans s’inquiéter des feux de mitrailleuses, donnant le plus bel exemple à ses camarades.

Citation à l’ordre du régiment n° 62 du 5 novembre 1918.

« Excellent soldat d’un courage et d’un sang-froid admirables. S’est particulièrement distingué pendant les combats du 26 octobre 1918. Une citation ».

La guerre est maintenant terminée. Hélas, le temps de quitter l’uniforme n’est pas encore arrivé.

Gaston Moyne est mis en subsistance le 21 décembre 1918 ce qui va lui permettre de s’éloigner rapidement de la zone des armées. Le lendemain, il est ramené à l’intérieur pour être muté au 72e R.I.. Le soldat Moyne est affecté à une compagnie qui porte le numéro 112. Cette unité est chargée de la garde des prisonniers de guerre. Le 17 août 1919, il est dirigé sur la compagnie n° 100 pour y être démobilisé.

Gaston Moyne est mis en congé illimité de démobilisation le 22 août 1919 par le 140e R.I. de Grenoble (8e échelon).

C’est enfin la joie du retour à la vie civile ! Mais celle-ci va être difficile. Gaston est très diminué physiquement ; les séquelles des maladies contractées durant la guerre, compliquées d’une exposition aux gaz, vont l’accompagner tout le restant de sa vie. Moins de huit ans plus tard, elles auront raison de lui.

Le 20 juillet 1926, l’ancien soldat avait été dispensé de toute obligation militaire par la commission de Grenoble. Réformé définitivement n° 2 non imputable avec une invalidité de 30 %.

Il décède le 18 mai 1927 dans sa ville natale. Il allait avoir 35 ans.

Sa condamnation avec sursis est amnistiée en 1929.

Son épouse Noélie se remarie en 1939. Elle travaillera plus tard au « Petit Dauphinois », le quotidien des Alpes françaises. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle y exerce son emploi la nuit. Le jour, elle est résistante. Elle achemine armes, documents et ravitaillement pour le maquis du Vercors en collaboration avec le docteur Fugain, grande figure de la résistance. Cet homme a été le commandant en second de « Reims-Coty » réseau de renseignement des Forces Françaises Combattantes (F.F.C.), à Chambéry puis à Grenoble.

Gaston Moyne repose actuellement dans le cimetière Saint-Rock de Grenoble. 

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

La fiche signalétique et des services de Gaston Moyne a été consultée sur internet.

Les photographies de Gaston Moyne qui peuvent se voir ici proviennent de la collection personnelle de sa petite fille.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Bucci, à A. Carrobi, aux archives départementales de l’Isère et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

19 février 2016

Un p’tit coin de paradis pour les gars de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. !

Montgobert

Les hommes de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. se sont installés au château de Montgobert à la fin du printemps de l’année 1917 (la datation n'est pas plus précise, faute d'indication sur les clichés ou dans d’autres sources). Ce domaine, qui est situé au sud d’Ambleny, est placé en lisière des hautes futaies de la forêt de Retz. À l'occasion d'un moment de détente, un groupe de camarades prendra la pause à plusieurs reprises au cours d'une partie de pêche.

Carte_Soissons_Montgobert

Le coin est confortable, pour ne pas dire paradisiaque !  En effet, en aucun cas, l’endroit ne peut être comparé avec le secteur de première ligne ! Ici, les soldats peuvent se reposer à volonté et vaquer à leurs loisirs en toute sécurité, ce qui doit faire des envieux !

En dehors des temps d’exercices et des corvées, tout semble fait pour que ceux qui ont la chance de se trouver sur ce site puissent se détendre en oubliant les vicissitudes de la dure vie des tranchées.

 Il va sans dire que la partie noble du château de Montgobert n’est pas réservée à la troupe !  Quelques pièces sont certainement habitées par les officiers. En toute logique, les soldats occupent les dépendances. Ils peuvent également profiter du  lac qui se trouve sur la propriété de la comtesse d’Albuféra.

Les amateurs de pêche à la ligne vont pouvoir s’en donner à cœur joie ! Mais il faut, pour commencer, choisir les solides branches qui vont servir à confectionner les gaules.

Sur le cliché suivant, nous pouvons voir un soldat de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. qui pose devant l’objectif du photographe avec sa canne artisanale.

Montgobert_1

Les hommes peuvent exercer la pêche dans les mêmes conditions que celles qui se déroulent en temps de paix. Ce qui est assez rare !

La plupart du temps, il est quasiment impossible de disposer du classique matériel de pêche nécessaire à la bonne pratique de cet art. Facilité oblige, la grenade est le plus souvent utilisée lorsque les hommes se trouvent à proximité d’une rivière ou d’un lac durant leur temps de repos. Il est évident que cette habitude très courante était évidemment interdite par le règlement !!!

Pour certains, c’est un moment exceptionnel,  les carpes sont particulièrement dodues, ce fut certainement un vrai plaisir de les capturer.

Montgobert_2

Il ne reste plus qu’à immortaliser ce moment important !  Certains se disent que ce sera peut-être la dernière occasion de pouvoir profiter d’un tel lieu de villégiature. Une poignée d’hommes du 149e R.I. tiennent fièrement en main les prises de la journée.

Montgobert_3

Les photographies sont extraites de ma collection personnelle. Chacune d’entre elles est légendée au dos : « Montgobert, les carpes de l’étang de la comtesse de Albufera».

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Un grand merci à M. Bordes, à V. le Calvez et à A. Carobbi.

 

12 février 2016

Du 2 au 5 septembre 1914.

Groupe_149e_R

2 septembre 1914

Le colonel Menvielle laisse le commandement du 149e R.I. entre les mains du lieutenant-colonel Escallon. Cet officier vient d’apprendre sa nomination à la tête de la 85e brigade.

Le général de la 43e D.I. vient, en personne, prévenir le nouveau responsable de cette brigade que ses régiments vont être doublés par des unités de la 26e brigade en attendant d’être relevés par celle-ci. Les hommes du lieutenant-colonel Escallon vont être associés au 139e R.I. durant quelques heures, avant de leur passer le relais.

Peu avant la tombée de la nuit, le 149e R.I. se rapproche de la route de Ménil-sur-Belvitte. Une fois sur place, il reçoit l’ordre de se diriger sur Méménil et Gugnécourt. Il est 20 h 30.

Le régiment s’apprête à quitter une ligne de front fragile, mais stabilisée.

Les bataillons du lieutenant-colonel Escallon arrivent sur leurs lieux de cantonnements le 3 septembre, entre 0 h 30 et 1 h 30. Tous ses soldats sont extrêmement épuisés par les combats et les marches des jours précédents.

Carte_journee_des_2et_3_septembre_1914

Legende_carte_journee_des_2_et_3_septembre_1914

3 septembre 1914

Les bataillons du régiment se sont installés à Gugnécourt et Méménil dans la nuit du 2 au 3 septembre. Les hommes ont droit à quelques heures de repos bien méritées.

Hélas, cette période bénie sera de courte durée !

Au cours de la journée, une grande partie des soldats du 149e R.I. est conviée à l’exercice avant d’être passée en revue.

Le 149e R.I. apprend qu’il va devoir se préparer à quitter le secteur vosgien. Les fantassins ont reçu l’ordre de se diriger sur Darnieulles. Ils se préparent, une nouvelle fois, à une longue marche.

À 23 h 00, les mouvements prescrits sont différés. Peu avant minuit, une violente canonnade est entendue dans la direction de Rambervillers.

4 septembre 1914

Les Allemands ont lancé une attaque de nuit sur les positions qui ont été laissées entre les mains du 139e R.I., l’unité qui a relevé le 149e R.I. il y a deux jours. Cette tentative échoue.

Les bataillons du 149e R.I. sont toujours installés à Gugnécourt et Méménil.

5 septembre 1914

Le 149e R.I. quitte ses positions de repos à partir de 0 h 30. L’arrivée à la gare de Darnieulles est prévue entre 5 h 30 et 7 h 30.

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 L’embarquement des hommes prend du retard. Le 2e bataillon du 149e R.I. quitte la gare à 13 h 45. Il faut suivre l’itinéraire Mirecourt, Pont-Saint-Vincent, Toul, Sorcy, Gondrecourt, Joinville et Chevillon. Pour la première fois, le régiment doit rejoindre un autre secteur du front.

Pour en savoir plus sur le colonel Menvielle, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Pour en savoir plus sur le lieutenant-colonel Escallon, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Sources :

J.M.O. de la 43e Division. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 26 N 344/1.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

J.M.O. de la 26e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 503/4.

J.M.O. du 139e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 690/12.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

5 février 2016

Du 29 août au 1er septembre 1914.

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Les hommes du 149e RI, affaiblis par les combats du mois d'août, découvrent une ébauche de ce que va devenir le conflit : une guerre statique, de position, où l'on s'enterre et où des mots comme "fil de fer" commencent à apparaître dans le vocabulaire d’usage des J.M.O..

29 août 1914

Une grande partie du régiment est positionnée à proximité de la ferme de Métendal située au nord-est de Rambervillers. Les hommes du colonel Menvielle couvrent toujours les postes occupés depuis la veille.

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Les fantassins se sont transformés en terrassiers. Il faut renforcer les défenses du terrain pour contenir l’avance allemande qui dure depuis plusieurs jours.

Les Allemands ne sont pas très loin, mais le contact ne se fait pas. Le régiment est en train de mettre fin à son mouvement de retraite.

30 août 1914

Les unités du 149e R.I. occupent toujours le même territoire. Les opérations commencées le 29 sont maintenues. Dans la soirée, les hommes peuvent voir plusieurs avions français et allemands tournoyer au dessus de leurs têtes.

Metendal

 31 août 1914

Dans la nuit, vers 2 h 00, le grondement de l’artillerie française se fait entendre. Au lever du jour, les positions occupées la veille sont à nouveau couvertes. Les objectifs fixés sont identiques. Des reconnaissances de cavalerie font savoir que l’ennemi ne s’est pas installé dans les villages de Doncières et d’Anglemont.

Carte_Geoportail

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Des batteries françaises sont mises en position vers 14 h 00, dans le secteur de la ferme des Tribunes et de la ferme de la Jaloble. Une compagnie du 149e R.I. est désignée pour aller couvrir les positions des 75 qui occupent le secteur de la ferme des Tribunes. Elle prend position à l’ouest de la route de Rambervillers.

À 17 h 00, cette unité est renforcée par une autre compagnie du régiment.

Du fil de fer et des roues artificielles sont envoyés à la ferme de Métendal à la tombée de la nuit. Tout ce matériel doit servir à constituer les défenses accessoires et former un barrage à la lisière nord des bois, à cheval sur la route Rambervillers-Baccarat.

Les batteries placées à la ferme des Tribunes tirent, tout l’après-midi,sur l’artillerie allemande qui est placée à Ménil-sur-Belvitte.

1er septembre 1914

Les hommes du 149e R.I. sont toujours au travail dans la même zone. Les reconnaissances de cavalerie ne peuvent plus s’effectuer. Les Allemands occupent une ligne de tranchées sur la rive droite du ruisseau de Belvitte, à hauteur de Nossoncourt, au nord de Ménil-sur-Belvitte. Le passage ne peut se faire qu’en franchissant les ponts qui sont, maintenant battus par les mitrailleuses.

Les tirs d’artillerie sont moins violents. Les compagnies du 149e R.I. profitent de ce calme relatif pour consolider leurs emplacements.

Une batterie du 21e C.A. vient compléter les batteries de la 43e D.I., pour répondre aux tirs de l’artillerie lourde allemande.

Les artilleurs français tirent par intervalles sur les positions de Nossoncourt-Bazien-Ménil-sur-Belvitte.

L’infanterie allemande reste invisible.

Dans la soirée, le 149e R.I. reçoit l’ordre de créer des chemins de colonnes de direction nord-sud, en arrière des tranchées placées à cheval sur les deux routes Rambervillers-Ménil-sur-Belvitte et Rambervillers-Anglemont.

À cette période du conflit, cette guerre de position n'est encore qu'une ébauche de celle qui va se développer à une toute autre échelle quelques mois plus tard. À l'issue de ces quelques jours de calme relatif, le régiment du colonel Menvielle ne sait pas encore qu’il va bientôt quitter la région vosgienne pour connaître de nouvelles marches et combats meurtriers.

Sources bibliographiques :

J.M.O. de la 43e Division. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/1.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

29 janvier 2016

Jean de Longeaux (1892-1914).

Jean_de_Longeaux

Marie Joseph Xavier Sébastien Jean de Longeaux voit le jour le 5 mai 1892 dans la commune meusienne de Saint-Mihiel.  À sa naissance, son père Marie Étienne Albert Xavier Joseph, qui est âgé de 26 ans, est lieutenant de cavalerie au 6e régiment de chasseurs. Sa mère, Marie Louise Voisin, est une jeune femme âgée de 21 ans. Elle met au monde le petit jean dans leur appartement de la rue de la Buanderie.

Mutation du père oblige ! Jean quitte le département de la Meuse pour venir vivre à Melun. Il est à peine âgé de quelques mois. C’est dans cette ville qu’il va passer une grande partie de sa petite enfance.

Jean de Longeaux est inscrit au collège Saint Pierre Fourier qui se trouve à Lunéville, puis à celui de Pontlevoy.

Après avoir obtenu son certificat d'études secondaires du 1er degré, il poursuit ses études au lycée Sainte-Geneviève de Versailles, entre 1909 et 1912. Le baccalauréat en poche, le jeune homme souhaite marcher sur les traces de son père. Tout comme lui, il tente et réussit le concours d’entrée de l’école spéciale militaire.

Jean sera élève de la 97e promotion Saint-Cyrienne, dite promotion de Montmirail (1912-1914). La première année de sa formation doit se dérouler dans un régiment. Il rejoint la ville de Colmar pour intégrer le 152e R.I..

Avec les 461 élèves de sa promotion, il commence les cours théoriques en octobre 1913. Le programme des deux années d’études doit être avalé en une seule ! Une loi qui a été votée la même année a modifié la formation des futurs officiers et c’est la promotion Montmirail qui se retrouve « à cheval » entre l’ancienne et la nouvelle manière d’enseigner.

Fin juillet 1914, les examens de sortie de la promotion Montmirail sont en train de se dérouler. Les jeunes hommes s’apprêtent à rejoindre leur régiment d’affectation le 1er août. Mais les nouvelles ne sont pas bonnes, la situation européenne s’aggrave… Les menaces de guerre se profilent…

Le mercredi 29 juillet, l’école est consignée, les examens sont suspendus. Il faut rejoindre les régiments d’affectations au plus vite.

C’est avec ses galons d’officier flambant neuf que Jean de Longeaux arrive à Épinal le 2 août 1914. Deux camarades de promotion, les sous-lieutenants Charlois et Cholley ont fait le voyage avec lui.  Les trois hommes, qui ont été affectés au 149e R.I., rejoignent la caserne Courcy qui est le dépôt du régiment. Les effectifs en officiers des régiments, incomplets, ont été complétés par de jeunes officiers comme de Longeaux.

Le 4 août au soir, le sous-lieutenant de Longeaux quitte Épinal pour rejoindre le régiment. Celui-ci est en cantonnement du côté de la Houssière, à quelques kilomètres de Corcieux.

Le 149e R.I. est déjà en position puisqu’il fait partie des troupes de couverture. Les réservistes et les sous-officiers, en complément, arrivent dans un deuxième temps.

Le lendemain, sur ordre du colonel Menvielle, le sous-lieutenant de Longeaux doit se rendre à la 7e compagnie. Le capitaine Coussaud de Massignac lui confie le commandement d’une section de sa compagnie.

Jean a tout juste 22 ans. Excepté son passage au 152e R.I., il n’a pratiquement aucune expérience du terrain et « l’art du commandement » d’un groupe de 58 hommes (dont 2 sergents et quatre caporaux) qui connaissent, pour la plupart, parfaitement bien leur métier de soldat, est loin d’être une évidence pour lui.

Qu’à cela ne tienne, il va falloir très vite faire valoir ses compétences et son autorité !

Il ne lui faut pas longtemps pour faire ses preuves. Le 9 août, c’est le baptême du feu pour le régiment et pour le jeune officier. Celui-ci va montrer son courage en chargeant cinq fois consécutives, au sabre pour lui, à la baïonnette pour ses hommes, en direction de l’ennemi.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Renclos_des_Vaches_2

Le 17 août, la 7e compagnie est installée à Diespach. Le sous-lieutenant de Longeaux prend le temps de rédiger la lettre suivante à son ami Jacques de Villepin :

D… [ Diespach], Alsace, le 17 août 1914

Voici trois jours que le … [149e] Régiment d’Infanterie a passé la frontière au col de Saales. Le dimanche 9, nous avons eu un combat très violent aux Chaumes de Lusse, près du col de Sainte-Marie-aux-Mines. Avec deux bataillons, nous avons attaqué cinq bataillons retranchés dans des barbettes énormes. Le combat a duré toute la journée. Cinq cents hommes hors de combat chez nous et 18 officiers sur 33 que nous étions. Le commandant … [de Sury d’Aspremont] a été tué.

J’ai chargé cinq fois à la baïonnette et je me demande comment je n’y suis pas resté. En somme, le combat a été indécis. À 17 h 00, le colonel a dû rappeler les compagnies engagées depuis le matin et qui subissaient des pertes énormes. Deux compagnies, dont la mienne, furent chargées de couvrir la retraite. Nous étions sous bois, au bord d’une large allée qui aboutissait aux positions allemandes. Vers 17 h 30, le combat cessant, un silence de mort s’établit dans le bois, succédant à la fusillade et au crépitement des balles que nous entendions depuis le matin.

Soudain, à 18 h 00, la charge allemande retentit à l’entrée du bois. Ils prenaient l’offensive. C’était une espèce de musique brutale, saccadée, assez impressionnante, mais que couvrit bientôt le ronflement de leurs mitrailleuses. Nous étions littéralement arrosés. Puis, ce fut la contre-attaque. Nos charges, la mêlée, le vrai combat ! À côté de moi, les hommes tombaient comme des mouches. La fusillade, le crépitement des mitrailleuses, les hurlements des blessés,  le râle des mourants, le sifflement des balles et les lueurs fantastiques qu’elles jetaient en ricochant sur les arbres. Tout cela faisait un tableau effrayant. Je ne me connaissais plus… J’ai tué un Allemand qui voulait m’embrocher avec son sabre, mais j’étais trop occupé à rallier des hommes, à les relancer à l’attaque pour faire autre chose que de me défendre.

Au bout d’une demi-heure, les Allemands fichaient le camp, comme des lapins et rentraient se cacher dans leurs tranchées. Nous étions trop décimés, trop épuisés pour continuer le combat. Nous gardions nos positions. C’était l’essentiel. Mais quelle nuit au milieu de ce charnier ! C’était épouvantable !

Jusqu’à avant-hier 15, nous avons continué notre rôle de couverture, perdant trois chefs de bataillon, 2 tués et 1 blessé.

Enfin, il y a 3 jours, nous avons passé la frontière, et à D… [Diespach], le 14, nous nous sommes heurtés à des forces énormes barrant la vallée de Brüche. De 8 h 00 à 18 h 00 combat d’artillerie. Nos artilleurs furent splendides d’héroïsme et d’entrain. À 18 h 00, on nous lançait à l’assaut des hauteurs de D…[Diespach], et à 18 h 30, je sautais dans les tranchées allemandes qui venaient d’être précipitamment abandonnées. Mais cinq minutes après, ma section et moi, nous étions accueillis par un feu d’enfer qui partait des hauteurs voisines. Nous avons été heureusement dégagés par les chasseurs à pied et quelques obus bien dirigés. À 19 h 00, les Allemands arboraient le drapeau blanc à la ferme de D…

Nous avions 600 prisonniers allemands, un drapeau (le 1er pris), 6 canons, un matériel énorme entre les mains. Je me promène actuellement avec un sabre magnifique dont la lame, armoriée d’un écu français, porte la mention « PARIS 18573. Ils nous l’ont volé en 70, probablement.

Voici en deux mots le récit de deux engagements où j’ai reçu le baptême du feu. Le 2e est une victoire magnifique ! Bien que ce soit un combat partiel, c’est le combat de D… [Diespach],  qui permet à la 1ère armée de faire sa marche sur Molsheim.

Au revoir mon vieux ! Fais ton service sérieusement. Tâches de rejoindre vite le… Pour cela, sois bon marcheur et bon tireur et tu seras vite mobilisé.

Au revoir ou adieu ; je ne sais si je reviendrai ; mais cela ne fait rien !

Ton ami

Jean de Longeaux

Le 21 août, le régiment est à nouveau engagé. Le sous-lieutenant de Longeaux participe au combat qui se déroule tout près d’Abrechviller. Son régiment est très vite en difficulté, il faut retraiter…

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Abreschviller_1

Le 25 août 1914, le sous-lieutenant de Longeaux se repose un peu avec ses hommes à Menil-sur-Belvitte. Deux des bataillons du 149e R.I. y sont installés depuis la veille.

À 4 h 00, l’ennemi est signalé dans le bois de Glonville, à quelques kilomètres de là. Le réveil est rapide, les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. doivent se tenir prêts à intervenir au plus vite. Le sous-lieutenant de Longeaux est désigné pour faire la tête d’avant-garde avec son peloton.

Arrivé à hauteur de Bazien, il est avisé que les 2e et 3e bataillons du régiment vont devoir stationner dans le secteur. Il reçoit l’ordre de couvrir le rassemblement.

Rapidement, il se rend compte que l’ennemi est tout proche, à la lisière des bois. Il faut essayer d’en savoir plus…

Un sergent voit de loin le sous-lieutenant de Longeaux, debout au milieu des blés, fouillant avec sa lorgnette la bordure de la forêt. On entend un feu violent de mitrailleuses et de mousqueterie… Au moment où la liaison est vérifiée, on ne trouve personne…

L’officier a été très grièvement blessé d’une balle reçue dans le ventre. Relevé par l’ennemi il est porté à Azerailles où il meurt le 28 août, assisté d’un aumônier catholique. Le sous-lieutenant de Longeaux est décédé dans la maison de Camille Hellé où il était soigné par les médecins allemands.

Bazien_Azeraille

Dans un très court billet qu’il écrit à sa famille le 23 août 1914, on peut lire : « … J’ai le pressentiment que je vais y rester ce soir, et je vous écris ce mot pour vous dire adieu. Je tiens à vous assurer que je suis mort la conscience en  règle, en faisant mon devoir, en pensant à Dieu, à vous, à papa. »

Le sous-lieutenant de Longeaux a certainement été dans un premier temps enterré à Azerailles.

Après la guerre, la famille demande à récupérer le corps de l’officier pour qu’il puisse reposer auprès des siens. Jean de Longeaux est enterré dans le cimetière communal de La Gacilly.

S_pulture_Jean_de_Longeaux

Le sous-lieutenant de Longeaux a obtenu la citation suivante :

Citation à l’ordre de l’armée : (ordre n° 79 du 8 juin 1915)

« Officier d’une très grande bravoure. Au combat du col de Sainte-Marie, le 9 août 1914, a montré le mépris le plus absolu du danger en entraînant sa section sous une grêle de balles. A été blessé mortellement à Ménil-sur-Belvitte (Vosges), en résistant jusqu’au bout contre un ennemi très supérieur en nombre. » Signé d’Urbal.

Le sous-lieutenant de Longeaux a été fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume le 4 septembre 1919 (publication dans le J.O. du 17 octobre 1919).

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de Vincennes.

Informations fournies par la famille du sous-lieutenant Jean de Longeaux.

Livre d’or de l’école Sainte-Geneviève (1854-1924). 576 pages. Imprimerie de Catalar frères. 1925.

La photographie de la sépulture du sous-lieutenant Jean de Longeaux et la lettre qu’il a adressée à son ami Jacques de Villepin m’ont été envoyées par le général de Longeaux (avec sonaimable autorisation pour leurs publications dans cette notice biographique).

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, au général D. de Longeaux, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

22 janvier 2016

28 août 1914.

149e_R

Le 149e R.I. a quitté le village de Brû tard dans la soirée du 27 août, après avoir attendu l’ennemi au nord du village tout l’après-midi.

Les bataillons sont arrivés à Saint-Gorgon aux alentours d’1 h 00. Les hommes, écrasés de fatigue, s’installent dans les cantonnements préparés par la 2e compagnie du capitaine Crepet.

Saint_Gorgon

Après quelques heures de sommeil peu réparateur, les soldats du colonel Menvielle reçoivent l’ordre de venir occuper un secteur au nord de Rambervillers. Il faut rebrousser chemin.

Le 149e R.I. quitte Saint-Gorgon pour venir occuper un secteur autour de la ferme de Métendal. Le 2e bataillon du régiment occupe les bâtiments de la ferme. Le reste du régiment est en réserve.

Carte_1_journee_du_28_aout_1914

Vers 15 h 30, l’artillerie lourde allemande ouvre un feu très nourri aussitôt après le passage d’un de ses avions sur les tranchées françaises. Le capitaine de Chomereau de Saint-André est blessé au cours de ce bombardement. Il doit quitter sa 8e compagnie pour aller se faire soigner vers l’arrière.

Le sous-lieutenant de Longeaux, grièvement blessé, décède le 28 août dans le petit village d’Azerailles, malgré les soins prodigués par les médecins allemands. Cet officier avait été laissé sur le terrain le 25 août, dans le secteur de Bazien, après la retraite de sa compagnie.

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

16 janvier 2016

27 août 1914.

149e_R

Le 1er bataillon du 149e R.I., le seul des bataillons à avoir combattu la veille, se trouve à Saint-Benoît. Les 2e et 3e bataillons, qui se sont « contentés » de travailler une bonne partie de l’après-midi à la construction d’un centre de résistance, sont cantonnés à Brû.

Épuisés, la plupart des hommes ont pu dans la soirée s’accorder quelques instants de répit, sous l’œil vigilant de petits groupes de sentinelles. Mais le repos va être une nouvelle fois de courte durée !

Les « pantalons garances » du régiment doivent se tenir prêts à reprendre les armes dès 5 h 00. Mais personne ne connaît encore les ordres des opérations qui vont être donnés pour la journée. Ceux-ci arrivent quarante minutes après le rassemblement des hommes entre les mains du colonel Menvielle.

À 6 h 30, les 2e et 3e bataillons et quelques éléments du 1er bataillon se rendent seuls sur les emplacements du 26 août au nord du village.

Le colonel du 149e R.I. et le général de brigade Pillot font un état des lieux des positions occupées par le régiment à 8 h 00.

Vers 9 h 30, les fractions du 1er bataillon qui se trouvaient encore à Saint-Benoît le 26 au soir, rejoignent le régiment sous le commandement du capitaine Lescure. Le lieutenant-colonel Escallon retrouve le colonel Menvielle un peu plus tard.

Carte_1_journee_du_27_aout_1914

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Séparé depuis plusieurs jours, le 149e R.I. est à nouveau reconstitué en 3 bataillons.

Il conserve sa mission d’occupation du centre de résistance du côté de la cote 372 au nord de Brû.

Il faut maintenant penser à la reconstitution des compagnies qui ont subi de lourdes pertes dans les combats des journées précédentes. Un détachement de réservistes du dépôt, que l’âge aurait pu destiner à être employés au 349e R.I., arrive dans le secteur à 15 h 15.

Le général de brigade Pillot envoie le renseignement suivant à 15 h 40 : « On nous signale une attaque allemande sur le front de la 43e division venant du  nord-ouest. C’est très vague. Le renseignement m’a été envoyé par le général commandant la division à titre d’indication »

Par mesure de sécurité, le 149e R.I. reçoit l’ordre de couvrir le cantonnement de Brû.

Son 2e bataillon doit se porter en arrière de la cote 372, en face de la lisière du bois. Le capitaine François positionne une de ses compagnies à la corne du boqueteau qui se trouve à 800 m au nord-ouest de Brû.

Le 3e bataillon se place à l’est de la cote 372 entre celle-ci et la cote 380. Deux de ses compagnies constituent une réserve. Elles demeurent en cantonnement d’alerte aux maisons, à 800 m à l’est de l’église de Brû.

Le 1er bataillon reste rassemblé à la lisière nord de Brû.

Sur la défensive, le régiment attend de pied ferme l’ennemi, mais celui-ci ne se montrera pas.

Le colonel Menvielle reçoit l’ordre de stationnement du 27 au 28 août à 21 h 20. Il doit diriger ses bataillons en direction de Saint-Gorgon.

Le 149e R.I. doit quitter sa position à 22 h 35. Les hommes se rassemblent à l’ouest de Brû, sur la route de Rambervillers.

La 2e compagnie part la première. Ses soldats, sous les ordres du capitaine Crépet, doivent s’occuper de l’installation du campement.

Carte_2_journee_du_27_aout_1914

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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