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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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28 septembre 2018

Gaston de Chomereau de Saint-André, un épisode de la victoire du chemin des Dames, 23 octobre 1917.

Gaston de Chomereau de Saint-André-la Malmaison

Avant tout, je tiens à exprimer ma plus profonde gratitude à T. de Chomereau qui me donne son autorisation pour publier ici le témoignage rédigé par son grand-père, le général Gaston de Chomereau de Saint-André, concernant l’engagement du 1er bataillon du 149e R.I. durant la bataille de la Malmaison.

Notice rédigée par le commandant de Chomereau de Saint-André sur la bataille de la Malmaison et destinée aux familles des soldats du 1er bataillon.

« Aux officiers, gradés et soldats de mon bataillon tombés le 23 octobre 1917 en enlevant le chemin des Dames. Je dédie ce simple extrait du compte-rendu au commandement, rédigé de suite après l’attaque. Mieux que de longues pages, il dira à leurs familles que ces vainqueurs furent des héros. Bourges, le 18 novembre 1917. Commandant de Chomereau. »

Le 23 octobre 1917, à 4 h 00, le 1er bataillon qui, les jours précédents, occupait les crêtes Chantereine, Volvreux et Colombe, est à ses emplacements d’attaque dans la parallèle de départ.

Les tranchées Bourdic et des territoriaux sont occupées par la 2e compagnie (Robinet) à droite et la 3e compagnie (Mouren), à gauche, en 1ère ligne. La 1ère compagnie (Ihlé) est en soutien.

Les sections de mitrailleuses (de Parseval) sont réparties. Le chef de bataillon se trouve au centre avec le capitaine adjudant-major Guilleminot, le sous-lieutenant d’artillerie Pélegry et la liaison. Une compagnie de nettoyeurs, la 5e (Aubert) est intercalée entre les compagnies de tête et la compagnie de soutien. Un détachement du service médical, avec le sous aide-major Lebranchu, accompagne la liaison.

À droite, un bataillon du 158e R.I.. À gauche, un bataillon du 109e R.I.. Derrière se trouve le 3e bataillon (Putz) qui est placé sous les ordres du commandant du 1er bataillon et qui constitue, avec ce dernier élément, le 1er groupe d’attaque.

L’abbé Galloudec, aumônier du régiment, a tenu, de même qu’à Soyécourt, à marcher avec le bataillon de 1ère ligne. Il mourra glorieusement, au poste de combat qu’il s’était choisi.

Pour en savoir plus sur l’abbé Galloudec, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Stanislas François Marie Galloudec

L’objectif fixé sera défendu avec la dernière énergie. Ce mouvement de terrain : 190 - aboutissement du Chemin des Dames sur la route de Maubeuge – observatoires 195, jonction de trois crêtes, est en effet d’une importance capitale pour l’ennemi. L’organisation en est formidable et comporte six systèmes de tranchées dont plusieurs sont à contre-pente : Blocus, Lassitudes-Epreuves, Caniche-Carlin-Griffon, Basset-Hérisson, Esculape-Esope, Enoch-Egée-Loutre, avec flanquements, réseaux épais, abris bétonnés, etc.

1er objectif secteur d'attaque du 149e R

(Le poteau indicateur,marquant le point d’origine du chemin des Dames, a été offert par le 1er bataillon au musée de l’armée des invalides).

La garnison est constituée par les grenadiers du régiment impératrice Augusta, élite de la garde allemande. Tout cela, nos hommes le savent, mais ils ont confiance dans le succès. Ils sont calmes et décidés. Le moral est superbe. Deux jours auparavant, une reconnaissance de la 1ère compagnie, commandée par l’aspirant Laurencin, a poussé jusqu’au Blocus. Il fallait dix volontaires, il s’en est présenté cinquante…

À 4 h 45, l’heure H = 5 h 15 est communiquée à la troupe par les officiers. Un barrage préventif ennemi, ou plutôt une contre-préparation de 77 et de 105, commence avec violence.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte 1 journee du 23 octobre 1917 1er objectif

À 5 h 15, les hommes sont d’un bond sur le parapet. Le bataillon part, fanions déployés, aux cris de « En avant » avec une fougue splendide.

Il fait nuit noire, mais les éclatements et les fusées lancées de tous côtés éclairent le terrain bouleversé. Le vacarme est indescrisptible. Sur un front de 12 km, des centaines de pièces tirent à toute vitesse. Le barrage allemand est plus intense. Des 150 se joignent aux 77 et aux 105.

Les premières tranchées allemandes sont presque complètement nivelées et la direction est difficile à maintenir. Tout le monde n’a qu’une idée : il faut progresser vers l’objectif indiqué. Pas de traînards, seuls restent en arrière les hommes trop gravement atteints pour avancer.

Pour en savoir plus sur les officiers du 1er bataillon du 149e R.I. qui ont participé à la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Officiers_du_1er_bataillon_du_149e_R

Dès le départ, le commandant de la compagnie de gauche, le lieutenant Mouren, qui entraîne son unité avec sa bravoure habituelle s’abat, foudroyé,  ainsi qu’une partie de sa liaison. Le lieutenant Malaizé, qui lui succède, tombe presque aussitôt à son tour, grièvement blessé.

Le mordant et l’initiative des hommes facilitent la tâche des gradés et pallient les conséquences des pertes subies, de l’obscurité et de la difficulté de se reconnaître sur un terrain dont tous les points de repère ont disparu.

À 5 h 45, les éléments de tête, serrant à bloc notre barrage roulant, vont atteindre le premier objectif, la route de Maubeuge. À notre droite, certains éléments du corps voisin, légèrement retardés par la traversée des bois, se trouvent en retrait.

La fraction de liaison (1ère compagnie et la section de mitrailleuses du sous-lieutenant Lesserteur) assure avec beaucoup de décision la sécurité de ce flanc. Le chef de bataillon la fait renforcer par une équipe de stokes aux ordres de l’aspirant Valdenaire et fait appuyer de ce côté une compagnie du bataillon Putz. Le danger possible est ainsi conjuré.

À gauche, un trou analogue s’est produit devant l’Ouvrage Fermé. La fraction de liaison (sous-lieutenant Loubignac de la 1ère compagnie et la section de mitrailleuses du sergent Mantelin) obvie à cet inconvénient. Un élément du bataillon Putz est poussé dans cette direction.

À ce moment, le barrage allemand est franchi ; il a coûté des pertes sérieuses, mais n’a en rien interrompu la progression. Commencent à apparaître quelques prisonniers trouvés dans les abris non effondrés de la tranchée Griffon et de la tranchée du Basset. L’un d’eux, interrogé par le chef de bataillon, lui annonce que la 1ère ligne solide de résistance est vers la route de Maubeuge.

En effet, presque au même moment (5 h 45),des nids de mitrailleuses se démasquent sur la ligne Esculape-Hérisson, en particulier vers les points 3043, 3044, etc. Les Allemands se défendent avec acharnement et notre ligne se trouve momentanément arrêtée à proximité de l’emplacement prévu pour le premier bond.

Sur l’ordre du chef de bataillon, commandant le 1er groupe d’attaque, les éléments de tête du 3e bataillon,qui atteignent 190, s’arrêtent un peu. Le chef de bataillon peut s’entendre directement avec le capitaine Foucher qui a pris le commandement du 3e bataillon après la disparition de commandant Putz et du capitaine adjudant-major Houel.

Ordre est donné au capitaine Foucher de suivre de près la progression du 1er bataillon aussitôt qu’elle pourra être reprise. La chose essentielle à faire pour l’instant est la réduction des nids de mitrailleuses qui nous causent des pertes sensibles.

Les chars d’assaut sont encore trop loin pour intervenir. Les mitrailleurs appartiennent à des détachements spéciaux et aux grenadiers Augusta : soldats choisis, ils tiennent jusqu’au bout et il faut, pour maîtriser leur résistance, l’extraordinaire mordant de nos poilus. Une série de combats sanglants s’engage. Des hommes seront ensuite retrouvés, tués à coups de couteau de tranchée.

À la compagnie de droite (2e) l’aspirant Boissenin et le sergent Bossut sont tués. Cette unité a devant elle les mitrailleuses de 2743 et de l’observatoire 195, échelonnées en profondeur.

Pour en savoir plus sur l’adjudant Boissenin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Charles Honoré Alfred BOISSENIN

Le commandant de compagnie, secondé par les sous-lieutenants Daumont et David, progresse de trous d’obus en trous d’obus sous la protection d’échelons de feux. Au centre, le sergent Caillet (1ère compagnie) est tué.

Le lieutenant Ihlé, qui, après avoir enlevé sa compagnie avec un allant incomparable, la dirige, debout, à découvert, les jumelles à la main, est mortellement atteint par deux balles. Le sous-lieutenant Boudène, le poignet droit traversé par une balle, lui succède et continue l’avance.

À gauche, le commandant de compagnie en troisième, le sous-lieutenant Gindre –qui gravement contusionné par accident, la nuit précédente, a voulu faire l’attaque quand même – est tué à son tour ; l’adjudant Defrain blessé, l’adjudant Robert Chef commande désormais cette unité.

Le feu ennemi est des plus nourri, mais gradés et soldats appliquent strictement, comme sur le terrain d’exercice, les procédés de combat qui leur ont été enseignés pour la réduction des centres de résistance. Ils les manœuvrent, les débordent, s’emparant successivement des mitrailleuses adverses.

Il est actuellement 6 h 25 et le barrage roulant français s’est déplacé.

Sur la droite des rafales de mitrailleuses qui arrivaient de la ferme de la Malmaison et de la partie est du Hérisson ne réussissent pas à entraver la progression.

L’adjudant Didier de la 1ère compagnie, en soutien avec son peloton derrière la compagnie Robinet, a estimé son intervention nécessaire et a, de lui-même, obliqué légèrement à droite avec beaucoup de jugement, pour compléter l’action de cette compagnie en opérant du côté de la bifurcation Hérisson-Lévrier. Secondé par quelques hommes, il s’approche personnellement après utilisation préalable de V-B jusqu’à portée de grenades à main des mitrailleuses allemandes. Un F.M du 158e R.I. se joint à lui. Cette action combinée, menée avec intelligence et énergie, oblige les mitrailleuses de 3043 à se rendre. Celles de 195 ne tirent presque plus.

À gauche la compagnie Chef qui est solidement étayée par l’élément Loubignac opère d’une manière analogue vers la Loutre. Sur ce point, l’ennemi s’efforce de réagir. Une contre-attaque d’environ trois sections débouche par le boyau Égée, se rabattant ensuite face à la route de Maubeuge. Le sergent Charmier, presque seul, se jette au-devant d’elle et l’arrête à coups de grenades. Renforcé par le peloton de l’aspirant Fromont, le peloton de tête de la 3e pousse en avant. La contre-attaque allemande est bousculée et dispersée.

Pour en savoir plus sur l'aspirant Fromont, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Louis Georges Andre Fromont

Enfin, le reste de la compagnie Boudène – dont le chef, de sa main valide, tue un officier allemand – appuie énergiquement les 2e et 3e compagnies, s’intercalant dans leurs vides.

 À 7 h 15, les résistances paraissent maîtrisées. Le bataillon, fondu en une seule ligne, se lève tout entier et charge furieusement sur son dernier objectif, marqué par 195 et 2746. Il le dépasse largement, dispersant quelques groupes d’Allemands et muselant deux dernières mitrailleuses. Certaines fractions emportées par leur ardeur vont jusqu’au bois Planté. Elles doivent se replier en raison de notre barrage…

Les liaisons sont aussitôt complétées avec les unités sur nos flancs et en arrière et l’organisation défensive est entreprise. Chaque unité se conforme strictement aux ordres antérieurs. Aucune réaction adverse ne se manifeste après cette lutte opiniâtre et nos hommes peuvent se promener à découvert, tranquillement, sur le terrain ainsi nettoyé.

Les pertes du bataillon sont sérieuses, mais plus que compensées par celles de l’ennemi et par le résultat obtenu.

L’objectif désigné, particulièrement important dans le cadre général de l’attaque, a été gagné de haute lutte et à H + 4 : 9 h 15, les bataillons de seconde ligne, dépassant la crête si brillamment conquise, pourront descendre vers les Vallons et Chavignon, cueillant les batteries allemandes désormais sans défense.

En résumé : Fougue admirable malgré les lourdes pertes subies ; application impeccable au combat des procédés d’instruction du terrain d’exercice ; esprit de sacrifice poussé au plus haut degré ; une volonté de vaincre assurant la victoire brillante et complète : telles sont les caractéristiques de l’attaque du 23 octobre par le 1er bataillon.

La page est digne de son historique et peut faire suite à celle du col de Sainte-Marie, d’Abreschviller, de Saint-Benoît, de Lorette, de Vaux – deux fois repris par le bataillon – qui y laissait 400 hommes sur 500 et 14 officiers sur 17, mais arrêtait l’Allemand, de Soyécourt et de la sucrerie de Génermont.

P.C. Ihlé le 24 octobre 1917

Sources :

« 149e R.I. Un épisode de la victoire du chemin des Dames 23 octobre MCMXVII L’attaque du 1er bataillon. »

Un grand merci à T. de Chomereau. 

21 septembre 2018

Noël Bazola, "le tatoué" du 149e R.I. (1893-1936).

Noel Bazola (1893-1936)

Les biographies relatent, la plupart du temps, des parcours assez semblables : naissance, scolarité souvent courte, apprentissage d’un métier, incorporation. Et puis, il y a, parfois, des rencontres avec des itinéraires de vie complètement atypiques, tel celui de Noël Bazola, dont le passage au 149e R.I. a certainement dû marquer les esprits. Voici l’histoire de cet homme.

Enfance 

Le 26 décembre 1893, Arthur Bazola, accompagné de Paul Bellegarde employé de banque et de Louis Carrère soldat au 34e R.I., se présente devant Armand Grandeur, adjoint au maire de Mont-de-Marsan, pour faire enregistrer le nom de Noël Bazola, né la veille, dans le registre d’état civil.

Arthur a 21 ans. Il est soldat au 34e R.I.. Tout comme son camarade Louis Carrère, il est en train d’effectuer son service militaire à la caserne Bosquet.

Sa compagne, Thérèse Michel, qui vient de donner naissance à son fils aîné, est chanteuse lyrique.

Cette jeune femme est tout juste âgée de 19 ans. Son père travaillait comme dentiste ambulant. Le couple vit maritalement route de Bordeaux à Mont-de-Marsan.

Une fois ses obligations militaires terminées, Arthur prend la route avec les siens.

Les parents de Noël quittent leur domicile fixe pour aller vivre dans un véhicule tiré par des chevaux.

Durant plusieurs années, la famille Bazola sillonne la France, s’arrêtant dans les villes et villages, les jours de foire, de marché ou de fête locale pour y exercer leurs métiers ou leurs talents. Arthur est artiste, il pratique également la profession de vannier. La mère tresse aussi l’osier et chante à l’occasion.

La lecture des différents actes de naissance de la fratrie de Noël nous offre la possibilité de suivre la famille, durant ses nombreuses pérégrinations sur les routes de l’Hexagone. En juillet 1896, elle est à Le Boulou dans les Pyrénées-Orientales. En avril 1899, elle campe à Florac en Lozère. En août 1901, elle est installée à Chambéry.

Les parents de l'adolescent officialisent leur union en se mariant le 23 novembre 1901 à la mairie d’Annecy.

Les Bazola poursuivent leur route en remontant vers le nord. En 1906, ils sont à Béthume, puis à Arras en 1908. Ils prennent ensuite la direction du sud pour s’installer quelque temps à Charenton-du-Cher en 1910.

Villes ou a sejourne la famille Bazola entre 1893 et 1912

Cette vie de bohème ne permet pas à Noël de fréquenter l’école communale. Son éducation reste rudimentaire. Sa fiche signalétique et des services nous confirme un degré d’instruction de niveau 0, ce qui veut dire qu’il ne sait ni lire, ni écrire et ni compter.

Par contre, son agilité et son adresse lui offrent de solides bases pour devenir un bon acrobate.

Une jeunesse qui s'installe dans la délinquance

Habitué à vivre en marge de la société, Noël ne parvient pas à s'intégrer. Très vite, il s’installe dans la délinquance. Les problèmes avec la justice commencent tôt. Même s’il est acquitté par le tribunal de Neufchâteau le 8 décembre 1905, pour une affaire de vol commise le 22 décembre 1904, il récidive quelques années plus tard. Cette fois-ci, le tribunal correctionnel de Tonnerre le condamne à un mois de prison pour vol le 2 décembre 1911. Il n’a pas encore fêté ses dix-huit ans. La majorité est encore loin.

Son comportement violent l’amène devant le tribunal de Salon-sur-Saône qui le condamne à un an de prison pour coups et blessures le 31 octobre 1912. À cette époque de sa vie, Noël ne vit certainement plus avec ses parents.

Le reste de la famille Bazola s’est sédentarisée. En 1912, elle est installée à Nanterre. Ce changement radical de vie a-t-il un lien avec la loi de juillet 1912 qui impose aux ambulants, forains et nomades, les contraintes du carnet d’identité pour les premiers et du carnet anthropométrique pour les autres ?  Documents qui doivent systématiquement être présentés aux autorités locales à chaque arrivée dans un village ou dans une ville.

L’année de ses 21ans, Noël est classé dans la 1ère partie de la liste par le conseil de révision de Puteau où il ne s’est probablement pas présenté.

Ses condamnations civiles auraient dû l’envoyer dans un bataillon d’infanterie légère d’Afrique, mais une décision ministérielle datant du 21 novembre 1913 lui offre l’opportunité d’échapper à cette sanction.

Il est considéré comme soutien indispensable de famille le 30 janvier 1914, quelques mois avant le décès de son père.

Les débuts sous les drapeaux

À peine sorti de prison, il sait qu’il doit répondre à ses obligations militaires. Le 4 décembre 1913, il intègre les effectifs du 152e R.I., un régiment qui possède une grande partie de ses compagnies à Gérardmer, une commune située dans le département des Vosges.

Le 13 janvier 1914, il est sanctionné de 20 jours de prison pour être rentré 4 jours après le délai fixé pour son retour de  permission.

Le port de l’uniforme, la rudesse des ordres donnés par les sous-officiers et la dure discipline militaire lui rendent certainement cette nouvelle vie insupportable. Lui qui a passé toute son enfance dans la nature à ne jamais se fixer nulle part, il doit, à sa manière, souffrir terriblement de ces nouvelles conditions. Toutes ces contraintes finissent par le faire craquer.

Noël Bazola manque à l’appel du 25 juin 1914, ce qui fait de lui un déserteur à la date du 10 juillet.

La guerre contre l’Allemagne approche. Notre homme, nullement touché par un sursaut patriotique, ne se présente pas à la caserne le jour de la mobilisation générale.

Sans aucune culpabilité, Noël Bazola a changé de nom. Il s’imagine probablement qu’il ne va plus être inquiété par les autorités militaires. Le jeune homme n’essaye même pas de revenir dans le droit chemin comme lui proposait la loi du 5 août 1914.

Cette loi amnistiait les insoumis et les déserteurs qui revenaient volontairement à la caserne dans un délai fixé par celle-ci. Force est de constater qu’il ne fit pas la démarche.

Poursuivant sa vie de mauvais garçon, il finit par se faire rattraper par les forces de l’ordre.

De nouveau entre les mains de la justice, le tribunal de Melun le condamne à six mois de prison pour port d’arme prohibé et pour usurpation d’identité, le 23 octobre 1914.

Après avoir passé plusieurs semaines en cellule, les gendarmes viennent le récupérer à la maison d’arrêt pour le ramener au régiment. Rejoignant le dépôt du 152e R.I.. Il est rayé des contrôles de la désertion le 28 janvier 1915.

Mais Noël Bazola n’en a toujours pas fini avec les ennuis. Cette fois-ci, c’est à la justice militaire qu’il doit rendre des comptes. Il fait toujours l’objet d’une plainte, car il n’a toujours pas « payé » sa dette pour sa désertion.

Le 5 mars 1915, le jeune homme est condamné à Chaumont, par le conseil de guerre du 21e C.A. qui lui inflige une peine de cinq ans de prison, pour désertion à l’intérieur, en temps de guerre.

Il est envoyé au pénitencier d’Aïn Beïda, un établissement militaire situé en Algérie.

Penitencier Ain Beida

Sa peine n’est pas purgée jusqu’à son terme ; elle est suspendue par une décision ministérielle datant du 7 décembre 1916.

Au 149e R.I.

Le 1er janvier 1917, il est affecté au 149e R.I.. Trente jours plus tard, Noël est inscrit dans les effectifs de la 6e compagnie de ce régiment.

Durant toute l’année 1917, le 149e R.I. occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames. Pendant plus de dix mois, ce régiment ne sera pas sollicité pour participer à une grande offensive.

La photographie suivante, qui a permis l’identification de Noël Bazola, le représente dans une position plutôt périlleuse. Digne d’une prouesse d'acrobate accompli, il se retrouve en équilibre sur une chaise en paille, faisant un poirier, chaque pied de la chaise reposant sur une bouteille en verre. Nous pouvons aisément imaginer qu’il a dû passer de nombreuses années à s'entraîner pour réaliser ce type de figure.

Noel Bazola en equilibre

Noël Bazola se donne également en spectacle dans une série de clichés réalisés à Ciry-Salsogne en juin 1917. Ces photographies font bien évidemment penser au monde des forains.

Pour les consulter, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Une_fete_a_Ciry_Salsogne_en_juillet_1917

Adresse et force sont les deux constantes des clichés qui ont été pris ce jour-là. Noël se donne beaucoup de mal pour montrer ses talents.

La liste de ses tatouages, inscrits sur sa fiche signalétique et des services lorsqu’il passe devant le conseil de révision, est très courte comparée à tous ceux qui se trouvent sur les photographies réalisées à Ciry-Salsogne. Deux hypothèses se posent alors à nous : seuls les tatouages parfaitement  visibles ont été rapidement notés sur le registre matricule, soit il s'est fait graver tous les autres durant son séjour au pénitencier d’Aïn Beïda.

Le 3 août 1917, notre acrobate bénéficie d’une permission de huit jours. Il ne retourne pas au régiment à la date voulue.

Noël Bazola ne se présente à sa compagnie que le 20 août 1917. Il fut dans l’obligation de se justifier.

Un interrogatoire datant du 26 août permet d’en savoir un peu plus sur les circonstances qui ont, selon lui, provoqué son retard.

Demande - Quand êtes-vous parti en permission ?

Réponse - Le 3 août 1917

Demande - Vous êtes-vous arrêté en route ?

Réponse - Oui, à Villers-Cotterêts

Demande - Combien de temps ?

Réponse - Deux jours

Demande - Pour quelles raisons ?

Réponse - Il n’y avait pas de trains pour les permissionnaires ces jours-là. J’ai couché, avec d’autres permissionnaires, dans les baraquements près de la gare.

Demande - Quand êtes-vous arrivé à Nanterre ?

Réponse - Le 5 août

Demande - Vous avez fait timbrer votre permission à quelle date ?

Réponse - Le 16 août

Demande - Vous êtes-vous arrêté  en route ?

Réponse - Oui, à Villers-Cotterêts, 2 jours.

Demande - Pourquoi ?

Réponse – J’ai manqué le train 2 fois. Je suis encore resté aux baraquements.

Demande – Quand êtes-vous rentré à la compagnie ?

Réponse – le 20 août 1917 ; on m’avait dit, à Villers-Cotterêts, que mon régiment était à Château-Thierry et j’ai encore perdu un jour en allant dans cette localité. Je n’ai pas fait timbrer ma permission à cette gare.

Quelle était son image auprès des autres hommes de sa compagnie ? S’est-il révélé rapidement violent, peu fréquentable ? A-t-il réussi à s’intégrer à la fois au groupe et à la discipline nécessaire au front ?

Pour la dernière question, il semble que oui. Le lieutenant Benoit, responsable de la 6e compagnie, a rédigé une petite note concernant la manière de servir de son subordonné :

« Le soldat Bazola vient du pénitencier d’Aïn Beïda. Il a été condamné à 5 ans de prison pour désertion à l’intérieur. Arrivé à la compagnie le 30 janvier 1917, il n’avait pas encore eu de punition depuis son arrivée à la compagnie et paraissait vouloir  bien se conduire. »

Le 5 septembre, la 6e compagnie est à Noroy-sur-Ourq. Le Soldat Bazola échappe à la vigilance de ses surveillants. L’évadé aggrave ainsi sa situation.

Deux jours plus tard, pour la seconde fois de sa vie, il est inscrit dans le contrôle des désertions.

Au fur et à mesure des jours passés dans l’errance, à se cacher, ayant probablement de grandes difficultés à survivre, Noël Bazola prend, petit à petit, conscience des risques pris et des conséquences de son acte. Avant que la prévôté ne mette fin à sa « cavale », il se rend de lui-même au bureau de la place de Courbevoie le 26 septembre 1917. Le capitaine Forcade, commandant d’armes, le fait aussitôt arrêter.

Noël Bazola est rapidement transféré à la place de Paris avant d’être renvoyé dans la zone des armées occupées par la 43e D.I., encadré par les gendarmes. Il est placé en détention préventive à la prison du quartier général. S’étant, une fois de plus, rendu coupable de désertion à l'intérieur en temps de guerre, il est l’objet d’un dépôt de plainte en conseil de guerre par le chef de corps de sa division. Le jeune homme est jugé le 10 octobre 1917.

Il est condamné d'après les articles 231, 232 et 234 du code de justice militaire, à une peine de cinq ans de travaux publics. Ce jugement exécutoire est lu à la parade cinq jours plus tard, devant tous les hommes de son unité.

Après la parade d'exécution, alors que Noël Bozola prend la direction du sud de la France pour traverser une nouvelle fois, la Méditerranée en direction de l’Algérie, les hommes du 149e R.I., eux, s’apprêtent à suivre le chemin qui va les conduire à l'offensive de la Malmaison.

Le 17 novembre 1917, le détenu Bazola arrive à destination. ll  est écroué à l’atelier des travaux publics de Bougie, un endroit sinistre où les conditions de détention sont extrêmement dures.

Carte Alger-Bougie

L’après-guerre

Noël Bazola ne fait pas sa condamnation entièrement. Il a probablement bénéficié d’une remise de peine quelque temps après l’armistice.

Démobilisé par le 119e R.I. il est mis en congé le 1er septembre 1920.

En toute logique, ses états de services ne lui permettent pas d’obtenir son certificat de bonne conduite.

Le 2 septembre 1920, il se retire à Nanterre au 2 rue Marguerite. Noël est affecté dans la réserve du 4e R.I. puis dans celle du 90e R.I. avant d'être mis, le 18 septembre 1926, dans la réserve du groupe spécial du 1er Régiment d’Infanterie Coloniale.

En 1922, Noël Bazola s’installe avec Louise Bordreuil, dont il reconnaît les deux enfants nés d’une première union avec un Maghrébin.

Noël et Louise se marient en 1923. Cette nouvelle situation ne va rien changer dans le comportement de l’époux qui travaille maintenant comme terrassier.

Le 12 octobre 1923 il est de nouveau condamné. Cette fois-ci, c’est le tribunal correctionnel de Corbeil qui lui inflige une peine de trois mois de prison pour vol d’osier.

Marginalisation et drame familial

Le couple donne naissance à trois enfants, ce qui fait maintenant cinq « bouches » à nourrir.

La vie reste dure, Noël Bazola est de plus en plus violent, son addiction à l’alcool le rend de plus en plus incontrôlable et imprévisible. Les maigres rentrées d’argent sont vite dilapidées dans les débits de boissons. Les querelles injurieuses sont fréquentes dans le couple. Il frappe régulièrement sa femme. Le drame est proche…

Profitant du sommeil aviné de son mari, Louise finit par prendre une hachette assenant plusieurs coups de cette arme improvisée sur la tête de Noël. Elle envoie un de ses fils prévenir la police.

Un article de presse datant du 20 juillet 1936, publié dans le journal « le Matin » relate le drame de manière très détaillée.

Domicile de la famille Bazola en 1936

« Un drame s’est déroulé, samedi soir à Nanterre. Pour se débarrasser de son mari, intempérant et brutal, une mère de famille l’a tué à coups de hachette. S’acharnant dans une sorte de folie sanguinaire, elle le frappa de plus de cinquante coups tandis que, sans intervenir, un de ses fils assistait à la tragédie.

Monsieur et Madame Bazola occupaient, avec leurs cinq enfants, un petit pavillon d’un étage, 29 rue Charles Lorilleux à Nanterre. Ouvrier d’usine, le mari, Noël, 42 ans menait la vie dure à sa femme, Louise Bordreuil, 37 ans, qu’il battait, chaque fois qu’il était ivre, c'est-à-dire souvent. Ces querelles, dégénérant la plupart du temps en batailles, éclataient fréquemment.

Samedi, toute la famille se rendit à la distribution des prix de l’école primaire fréquentée par  les deux plus jeunes garçons, Albert 15 ans et Émile 14 ans.

Comme à l'accoutumée, Noël Bazola avait bu, aussi, au repas du soir ; parfaitement ivre, il se mit à accabler sa femme de reproches. La querelle ne tarda pas à s’envenimer. Pourtant, un des fils parvint à persuader son père d'aller se coucher.

Quelques instants plus tard, l’ivrogne dormait à poings fermés. C’est alors que Madame Bazola pénétra dans la pièce armée d’une hachette.

 - On le fait ? demanda-t-elle à son fil 

- Oui ! Tant pis !... acquiesça le garçonnet.

Avec son arme, la femme frappa un premier coup de toutes ses forces. Réveillé par la douleur, Bazola essaya de se défendre. Mais possédée soudain d’une véritable folie meurtrière, devant son fils qui n’avait pas bougé, elle continua de frapper sans arrêt

Un des deux garçons alerta les voisins, l’autre alla chercher la police.

Arrêtée, l'épouse meurtrière raconta sans émoi apparent, la scène du drame, affirmant qu’elle avait été obligée d’en venir là pour mettre fin à la vie infernale que son mari lui faisait mener. »

Le procès de Louise Bordreuil débute aux assises de la Seine en mai 1937. Elle bénéficie probablement de larges circonstances atténuantes. Après le réquisitoire de l’avocat général Demangeot et la plaidoirie de son avocat Alec Mellor, les jurés la condamnent à cinq ans de réclusion criminelle en septembre 1937.

Sources :

La fiche signalétique et des services du soldat Bazola a été consultée sur le site des archives de Paris.

Dossier du conseil de guerre concernant Noël Bazola lu au S.H.D. de Vincennes. Réf : GR 11 J 1521

Le site « Généanet » a permis de retrouver les membres de la famille de Noël Bazola.

Les registres d’état civil des archives départementales du Cher, des Landes, des Pyrénées Orientales, de la Haute-Savoie, de la Lozère, des Hauts-de-Seine et du Pas-de-Calais ont été consultés.

L’article de presse, datant du 20 juillet 1936, qui est publié dans le journal, a été trouvé sur le site « Gallica ». Les portraits de Louise Bordreuil et de Noël Bazola proviennent de cet article.

Carte de Ténès à Bougie. Atlas des ports de France. Imprimerie Sarazin provenant du site Gallica.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à Y. Dufour, aux archives de Paris et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

14 septembre 2018

Témoignage de Louis Cretin : le chemin des Dames et la bataille de la Malmaison.

Louis_Cretin

Tous mes remerciements à D. Browarsky et à T. Cornet qui me permettent de retranscrire sur ce blog le passage suivant du témoignage de Louis Cretin qui a été à la C.H.R. du 149e R.I. du début à la fin du conflit.

Dans son récit, Louis Cretin évoque très succinctement la bataille de la Malmaison. S’il résume brièvement les événements qui se sont déroulés le 23 octobre 1917, il y est tout de même question des pertes françaises dues à sa propre artillerie.

Juin 1917, du côté du chemin des Dames

Un bataillon se trouve en ligne, un autre fait des travaux et le troisième est au repos. Relève tous les 8 jours. Jusqu’à la fin juin, la musique demeure à Ciry-Salsogne avec la C.H.R.. Répétitions et concerts.

Le 21 juin 1917, nous montons jalonner puis faire une piste partant de l’entrée du village de Vailly-sur-Aisne, passant par le bois Vervins et aboutissant à Aizy et à Jouy. Cela nous occupe jusqu’au 26. Le 27 juin, repos à Ciry-Salsogne. Le 28, nous montons occuper des abris d’artillerie abandonnés au bois Vervins, et tous les jours nous faisons des travaux avec les compagnies, construction du long boyau du Sourd et des tranchées. Ceci s’effectue en plein jour, à 500 m des premières lignes, à la vue des Allemands qui occupent le fort de la Malmaison.

Aizy_Jouy_1917

Chaque jour, nous sommes bombardés, parfois, nous sommes même obligés d’abandonner le « boulot ». Le 3 juillet, nous descendons passer 8 jours de repos à Billy-sur-Aisne. Nous lâchons la pelle et reprenons l’instrument.

La C

 Le 10, nous remontons à nouveau, même travail qu’au précédent séjour ; seulement, cette fois-ci, le travail se fait de nuit. La raison en est la proximité des lignes, trop visibles pour travailler de jour.

De plus, il existe un avion allemand qui ne nous laisse aucun répit. Une fois le jour venu et à la tombée de la nuit, rasant les boyaux, les tranchées, les pistes, il mitraille quiconque se fait voir. On l’appelle Fantômas, du fait qu’il a beau être pourchassé canonné et fusillé, il a l’air de ne pas s’en apercevoir. Il continue toujours ses exploits, paraissant invulnérable…

Le 15 juillet, relève et repos à Billy-sur-Aisne. Le 20, nous remontons, toujours en équipes de terrassiers. Le travail se fait de nuit. Le 22, nous avons beaucoup de blessés étant sérieusement bombardés pendant les travaux. Nous dormons de jour et de 22 h 00 au matin, « au boulot ». Le 28 juillet, repos à Billy-sur-Aisne. Le 29, je pars en permission.

Je rentre le 12 août ; le même jour, nous allons faire un concert à Soissons. Nous demeurons à Billy-sur-Aisne jusqu’au 20 août. À cette date, 12 musiciens montent comme brancardiers, deux jours à la ferme le Panthéon, et deux jours en première ligne avec une compagnie qui doit donner un coup de main. Je suis du nombre. Tout se passe bien.

Le Pantheon et les Bovettes

Dans la nuit du 27 au 28, des coloniaux nous relèvent et nous allons à l’arrière. Départ en camions, cantonnement à Chouy à 12 km de Villers-Cotterêts. Le service musical reprend pendant les 12 jours que nous passons là. (Vacciné T.A.B., je suis malade pendant 3 jours).

Le 11 août, je remonte en ligne. Les camions nous débarquent de nuit à Condé-sur-Aisne et nous montons aux carrières Chantereine. Le soir, nous recommençons le travail d’aménagement du secteur. Mais cette fois nous travaillons avec le génie, à la construction de sapes et du P.C. « Conflans » au nord de Jouy. Nous allons chercher nos matériaux à Aizy. Nous sommes souvent obligés de nous jeter à terre, car à la lueur des fusées, les mitrailleuses allemandes balayent le terrain.

P

Le 23, l’autre moitié de la musique qui est restée à Sept-Monts nous relève et nous prenons leur place. Le 28 août, le régiment descend et nous partons au repos à Norroy à 30 km. Nous y demeurons tout le mois de septembre.

Au début d’octobre, une préparation d’artillerie est commencée en vue d’une attaque prochaine à laquelle le 21e C.A. doit participer. Mais le temps est mauvais, on dirait que c’est une fatalité. Chaque fois que nous montons une attaque, les éléments ont l’air de se liguer contre nous. Il pleut, il pleut ! Chaque jour nous attendons l’ordre de monter. Mais l’artillerie ne s’arrête pas et continue d’arroser le front d’attaque sous un marmitage terrible. Vrai, il ne doit pas faire bon être en ligne de l’autre côté. Qu'est-ce que les Allemands prennent comme dragées ! Le 17 octobre, l’ordre arrive enfin de monter. Le régiment doit attendre jusqu’au 23 octobre pour enfin s’élancer à l’attaque.

La bataille de la Malmaison

Carte 1 emplacements des 3 bataillons du 149e R

Le 1er bataillon en première ligne, les deux autres suivent. Les brancardiers en seconde vague. Cette offensive fut un brillant succès et nos pertes légères à côté de Lorette en 1915 ; encore faut-il dire que plus d’une fois, nos hommes subirent des pertes du fait qu’ils se trouvaient sur le tir de notre propre artillerie. La progression se faisant trop vite d’après le plan établi.

Le front allemand fut enlevé sur un front de 12 km sur 6 de profondeur. Nos troupes s’arrêtèrent à l’Ailette parce que tels étaient les ordres.

Cette victoire rendit la confiance à nos poilus. Les tanks qui nous accompagnaient pour la première fois firent du beau travail en réduisant les nids de mitrailleuses allemandes cachées dans les trous d’obus.

La route de Maubeuge atteinte, le 1er bataillon passe en réserve et le 3e le remplace en première vague. Le deuxième objectif est atteint. Un des nôtres, un courageux brancardier Charles Fénoglio, reçoit un éclat d’obus en plein cœur.

Carte 2 journee du 23 octobre 1917 (2e objectif)

Le 2e bataillon s’occupe du nettoyage du terrain conquis et capture de nombreux prisonniers, du matériel en abondance et plusieurs batteries d’artillerie.

Relève le 31 octobre, après avoir consolidé le terrain. Le régiment vient au repos aux environs de Montmirail.

Après l’attaque

En récompense de notre brillante attaque au chemin des Dames, les hommes partent en permission de 12 jours en deux périodes. J’arrive chez moi le 7 novembre et trouve mon frère venu également en permission. Je quitte chez moi le 19 et je viens retrouver les camarades à leur cantonnement de la Celle, près de Montmirail, où nous restons jusqu’au 5 décembre, date à laquelle nous embarquons à Artonges dans la nuit.

Nous passons à Château-Thierry, Langres et nous débarquons le 6 au soir à Génevreuil, près de Lure, dans la Haute-Saône. Nous cantonnons à Mollans pour y rester jusqu’au 10. Le 11, départ à pied, le soir nous sommes à Abbenans. Le 12, nouvelle marche, dans l’après-midi nous arrivons à Isle-sur-le-Doubs. Le 13, à nouveau sac au dos, nous couchons à Mandeure où on nous fait bon accueil. Le 14 en route, nous arrivons à Hérimoncourt fatigués, mais l’accueil que nous recevons fait oublier notre peine. Tous les hommes logent chez l’habitant et couchent dans des lits. Nous reprenons nos concerts bien écoutés des civils. Nous sommes dans la région des usines Peugeot et Japy où beaucoup d’hommes sont mobilisés en usines.

Nous passons une période de repos exceptionnelle, rien ne nous manque. Les compagnies vont faire des travaux de seconde ligne à la frontière suisse. Le 26, nous changeons de cantonnement et venons à Seloncourt où nous sommes aussi bien et dans les mêmes conditions qu’à Hérimoncourt. À part le service de musique, nous ne faisons rien de pénible. L’entrainement des troupes et les travaux durent jusqu’au 17 janvier 1918, jour où nous quittons à regret notre logement. Nous étions chez de braves gens, soignés, couchés comme jamais nous n’avions été depuis le début de la guerre.

La C

Le 17, dans la soirée, nous embarquons en chemin de fer à Voujeaucourt près de Montbéliard. Le 18, nous passons à Belfort, Lure, Épinal où nous faisons un arrêt et jouons la « Madelon » sur le quai de la gare. Nous débarquons à la Chapelle-devant-Bruyères dans la soirée et nous allons cantonner à Corcieux dans les casernements du 31e B.C.P..

Notes sur l’année 1917

L’année écoulée fut pour tout le régiment la période la plus calme de toute la guerre.

Les premiers mois occupés à l’instruction des hommes et du repos abondamment. On devait être l’armée de poursuite après la grande offensive printanière… Mais les évènements ne nous le permirent pas. Néanmoins, nous montons en secteur au chemin des Dames à la fin d’avril. Ce point du front pourtant assez agité ne paraît pas trop dur, habitué que nous étions à trouver plus mauvais.

Longtemps nous demeurons dans ces parages, nous travaillons, nous organisons le terrain conquis pendant l’offensive d’avril. Finalement, le 23 octobre, notre attaque du 21e C.A., parfaitement préparée, valut au régiment un brillant succès facilement acquis ! Nous pouvons dire sans exagération que cette offensive fut la première que nous réussissions aussi bien depuis le début de la guerre, avec le minimum de perte. Seulement l’année s’était écoulée et les espoirs que nous possédions au début ne s’étaient pas réalisés.

Après la magnifique résistance de l’armée française devant Verdun en 1916 et l’échec allemand, puis l’offensive franco-britannique sur la Somme qui nous valut des succès appréciables et qui entrainera le repli volontaire des Allemands en mars 1917 (Les Allemands n’étaient plus à Noyon), nous étions en droit d’espérer que 1917 verrait la fin de la tourmente.

Les troupes entrainées pendant la période d’hiver étaient impatientes de rejeter l’ennemi en dehors de notre sol. Tous comptaient sur la G.O.P. pour nous donner la victoire. Cette attaque eut lieu… mais n’aboutit pas. Pourtant, la valeur et le courage de nos troupes n’avaient pas failli. Nous comprîmes que la faute devait venir du haut lieu… gouvernement où haut commandement, on ne savait au juste. Mais nous sentions qu’il y avait quelque chose de faussé dans la conduite des opérations.

Les attaques partielles qui suivirent n’eurent d’autres résultats que d’augmenter nos pertes. Allions-nous revoir la période des attaques meurtrières et stériles de l’année 1915 en Artois, en Alsace et en Argonne ? Des murmures commencèrent à courir parmi les combattants. On faisait bon marché du sang des poilus. Le moral des troupes s’affaiblit. Les hommes voulaient bien tenir, mais ne plus faire d’attaques dans ces conditions. Cet état d’esprit était certainement connu des Allemands. On parlait de « paix blanche », sans vainqueurs ni vaincus et les propagateurs de ces nouvelles trouvaient des recrues parmi la population civile autant que parmi nous. Les empires centraux triomphaient, l’effondrement du front russe, la révolution à Petrograd et comme suite, les troupes roumaines obligées de capituler. Vraiment cela allait mal pour nous. Alors que nous espérions la victoire, c’était la défaite entrevue.

Les Italiens n’étaient pas plus heureux, et à leur tour, faillirent être écrasés. Heureusement que par des repos fréquents et des permissions largement distribuées, on réussit à rendre confiance aux troupes du front. La campagne défaitiste n’avait pas réussi à prendre chez nous. Le « tigre » Clemenceau inspirait confiance. Aussi notre victoire de la Malmaison vint à point pour remonter le moral des poilus. Ils reprirent courage et l’on se prépara à passer un nouvel hiver de guerre.

Références bibliographiques :

Souvenirs de Louis Crétin.

Un grand merci à M. Bordes, à  D. Browarsky, à A. Chaupin et à T. Cornet.

7 septembre 2018

Louis Foucher (1887-1961).

Louis_Foucher

Enfance et jeunesse

Louis Foucher naît le 28 juillet 1887, au numéro 3 de la rue Roubo, une petite voie du quartier Sainte-Marguerite, située dans le 11e arrondissement de Paris. Son père, Alphonse Adolphe, 42 ans, travaille comme emballeur. Sa mère, Marie Louise Tisserant est une journalière âgée de 39 ans.

Le jeune Louis est envoyé très tôt dans une ferme. Sa scolarité est restée très rudimentaire. Cette situation est étonnante pour une famille urbaine. Les souvenirs de famille laissent à penser qu’il était un enfant illégitime.

Louis Foucher souhaite faire une carrière militaire. Le 26 août 1905, il se rend à la mairie du 9e arrondissement, à peine âgé de 18 ans. Étant à trois ans de la majorité, il a obligatoirement besoin du consentement paternel ou maternel pour signer son contrat de trois ans. Ce consentement fut peut-être celui d'un tuteur gérant une pupille de l’assistance publique (les dates exactes de la mort des parents ne sont pas connues. Nous savons simplement qu’ils sont décédés au moment du recensement de leur fils en décembre 1907).

Le jeune Louis se rend au 82e R.I.  pour commencer sa formation de soldat. Il quitte la capitale pour s’établir dans une des deux casernes du régiment, la première se trouve à Troyes, la seconde à Montargis. Il est impossible de savoir dans laquelle des deux il a fait ses débuts sous l’uniforme.

Un officier remarque son intelligence. Loin de maîtriser l’écriture, la lecture et le calcul, celui-ci l’oblige à suivre un enseignement sérieux.

Le soldat Foucher est nommé caporal le 20 septembre 1906, puis sergent le 10 septembre 1907.

Libéré de ses obligations militaires le 26 août 1908, il ne souhaite pas signer de nouveau contrat. Louis passe dans la réserve de l’armée active, rattaché  au 45e R.I. de Laon. C'est le retour à la vie civile. Il se retire à Paris au 27 rue de Tanger dans le 19e arrondissement.

Période avant-guerre

Le 24 octobre 1908, il épouse une giletière parisienne âgée de 22 ans, Louise Adolphine Guenaut. Le jeune homme travaille comme contrôleur. Un garçon, prénommé Roger Louis, naît de cette union.

Un décret présidentiel du 23 juin 1913 permet à cet ancien sergent de devenir sous-lieutenant de réserve. Il renoue avec la vie militaire.

Deux mois plus tard, il d’accompli une période d’instruction entre le 22 août et le 13 septembre 1913 au 170e R.I.. Louis effectue, dans la foulée, un stage d’activité à compter du 18 décembre 1913, dans le même régiment.

Le sous-lieutenant de réserve Foucher obtient l'autorisation d'effectuer un stage d’un an. Ce stage lui permet d’être titularisé dans l’armée active.

C’est dans ce cadre-là qu’il prend le commandement du fort de Longchamp à partir du 1er janvier 1914. Louis Foucher occupe ce poste jusqu’à la date de la déclaration de guerre par l’Allemagne le 3 août 1914.

Les premiers mois du conflit

Le 5 août 1914, Louis Foucher est sur la ligne de front avec le 170e R.I..

Devenu sous-lieutenant de l’armée active le 1er décembre 1914, il est muté au 58e R.I. le 23 janvier 1915. Le dépôt de ce régiment se trouve à Avignon. Le lieutenant-colonel du régiment lui donne le commandement d’une section d’une de ses compagnies lorsqu’il rejoint la zone des armées,. Légèrement souffrant en avril 1915, il reprend son service quelques jours plus tard, complètement rétabli.

Louis Foucher est nommé lieutenant à titre définitif le 2 juillet 1915. Il est blessé le 5 octobre 1915 à la butte de Souain en Champagne. Touché par de multiples petits éclats d’obus au thorax et à la main droite, Louis est évacué vers l’arrière le lendemain.

De retour de convalescence, le lieutenant Foucher prend le commandement d’une compagnie du 58e R.I., le 1er décembre 1915.

Au 149e R.I.

Affecté au 149e R.I., il rejoint le régiment actif à la fin du mois de mars 1916, avec un détachement de renfort. Le régiment combat.dans le secteur du village de Vaux-devant-Damloup, près de Verdun, 

À peine arrivé, il monte en 1ère ligne avec la 11e compagnie dont on vient de lui confier le commandement. Ses sections occupent une position autour du fort de Vaux.

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante et de lire la partie du témoignage du capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André à partir de la date du 29 mars 1916.

Plan_dessine_par_le_capitaine_Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andre

Le 149e R.I. quitte la Meuse à la mi-avril 1916. Après un court instant de repos à Landrecourt, le lieutenant Foucher se rend en Champagne avec l’ensemble du régiment pour prendre position dans un secteur situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

Louis Foucher est nommé capitaine à titre temporaire le 15 juillet 1916.

Début septembre 1916, le capitaine Foucher conduit sa compagnie au feu. L'attaque se déroule dans la Somme. Le régiment doit reprendre le village de Soyécourt aux Allemands. L'engagement est une réussite totale. À cette occasion, Louis Foucher gagne une citation à l’ordre du corps d’armée.

Pour en savoir plus sur cette période du conflit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Photo aerienne Soyecourt

Il combat ensuite dans le secteur de Déniécourt et de Foucaucourt. Louis Foucher est nommé à titre définitif dan son grade de chef de compagnie.

Le 23 décembre 1916, le lieutenant-colonel Pineau récrit ceci dans le feuillet individuel de campagne du capitaine Foucher :

« Commande une compagnie depuis qu’il est au 149e R.I.. S’en acquitte avec zèle et dévouement. L’a bien conduite au feu pendant les attaques de septembre. En somme, bon commandant de compagnie. »

L’année suivante, le 149e R.I. occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames. Pendant plus de dix mois, cette unité n'est pas sollicitée pour participer à une grande offensive.

Fin septembre 1917, le régiment débute un important entraînement. Une attaque est prévue pour la fin du mois d’octobre, près de la Malmaison.

Le capitaine Louis Foucher est photographié avec l’ensemble des cadres du 3e bataillon dans la commune d'Ancienville, peu de temps avant le déclenchement de cette offensive.

Photographie_des_officiers_du_3e_bataillon_du_149e_R

Le 23 octobre 1917, sa compagnie fait partie des effectifs engagés en 1ère ligne durant la 2e phase de la bataille de la Malmaison.

Le commandant Putz, chef du 3e bataillon, est blessé juste avant l’attaque. Il est remplacé par le capitaine adjudant-major Houël. Celui-ci est tué peu de temps après le déclenchement de la 2e phase de l’opération. C'est au tour du capitaine Foucher de prendre la tête du 3e bataillon. Il doit mener à bien la suite des opérations.

Pour en savoir plus sur cette période du conflit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Carte_2_journee_du_23_octobre_1917__2e_objectif_

Le capitaine Foucher conserve le commandement du 3e bataillon jusqu’à la fin du mois de décembre. Il reprend ensuite la tête de son ancienne compagnie.

Un acte qui aurait pu briser une carrière.

Le 15 janvier 1918, suite à la lecture d’un rapport demandant aux hommes de se faire couper les cheveux avant le départ prochain du régiment pour les Vosges, le lieutenant Galliot de la 11e compagnie ordonne au coiffeur Mazeraud d’exécuter sa tâche. Il doit commencer par la 1ère section. Le soldat Mazeraud refuse d’accomplir cette mission. Il prétexte qu’il ne peut pas tout faire et que cela lui occasionne beaucoup plus de travail que les autres. L’ordre est renouvelé le lendemain, le coiffeur ne veut toujours pas obéir. La situation s’aggrave. Les gradés et les officiers de la compagnie n'obtiennent rien de lui. L'officier de jour, le sous-lieutenant Wilisky, le fait conduire au poste de police. Le capitaine Foucher est dans l’obligation d’intervenir.

L’attitude du soldat continue de rester très irrespectueuse devant le responsable de la 11e compagnie.  Mazeraud ne veut toujours rien entendre. Des phrases dures sont échangées ; excédé par le comportement de son subordonné, le capitaine Foucher finit par lui donner une gifle. Les ennuis commencent...

Le colonel Guy commandant l’infanterie de la 43e D.I. écrit au général commandant la 43e D.I. la lettre suivante :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte que j’ai détruit la lettre que j’avais adressée au sujet de l’incident « capitaine Foucher – soldat Mazeraud » au colonel commandant le 149e R.I. et que celui-ci m’avait retourné, cette lettre ayant eu forme de correspondance personnelle.

Mais je puis vous indiquer l’objet de cette correspondance. Le 20 janvier, j’avais fait une enquête à la compagnie du capitaine Foucher à la suite d’actes contraires à la discipline. Le soldat Mazeraud, perruquier, avait refusé de couper les cheveux de ses camarades sous prétexte qu’il avait du linge à laver.

Le capitaine Foucher, commandant de compagnie, avait dû intervenir, les gradés et les officiers de la compagnie n’ayant pu obtenir l’obéissance de Mazeraud, et, énervé par l’attitude de cet homme, avait levé sa main sur lui.

Le capitaine Foucher était un très bon officier, ayant de brillants états de service de guerre, il venait juste d’être décoré sur le champ de bataille de l’Ailette. Le soldat Mazeraud n’avait pas de punitions, il avait été blessé trois fois pendant la guerre. La scène qui s’était passée me semblait avoir pour cause la fatigue et l’énervement successifs. La faute n’avait de gravité qu’autour de l’attitude prise, sans raison, d’abord par le soldat Mazeraud, ensuite par le capitaine Foucher.

D’un autre côté, tous les deux m’exprimaient le regret sincère de ce qui s’était passé.

Étant donné le passé militaire des deux intéressés, leur repentir, les circonstances de leur faute, j’estimais qu’il était de l’intérêt même de la discipline d’avoir une indulgence et de ne pas chercher à demander une sanction sévère, dans ce cas, au conseil de guerre, sanction qui pourrait entacher leur carrière militaire.

C’est ce que je conseillais au colonel, en lui annonçant que j’avais sollicité et obtenu votre indulgence pour le capitaine Foucher et pour le soldat Mazeraud.

Je leur avais fait de sévères observations à chacun, pour leur faute contre la discipline et je proposais, comme sanction, que le capitaine fût changé de corps et le soldat de bataillon.

J’ajoute que tous les deux me remercièrent de ma bienveillance à leur égard lorsque je leur dis la sanction que je demanderai contre eux.

Le soldat Mazeraud m’assura son désir de bien faire à l’avenir et me déclara qu’il n’avait aucune intention de réclamer contre son capitaine. Le capitaine Foucher m’a dit qu’il avait un vif chagrin de quitter le régiment avec lequel il s’était battu pendant toute la campagne, mais qu’il s’inclinait devant la sanction qu’il avait méritée. »

Ces évènements auraient pu être lourds de conséquences pour les deux hommes, s’ils n’avaient pas bénéficié de l’indulgence de leurs supérieurs.

Le 21 février 1918, le colonel Boigues note ceci dans le feuillet du personnel du capitaine Foucher : « S’est distingué le 23 octobre à la bataille de la Malmaison où il a été brave au feu et chef avisé, a ensuite, pendant deux mois, commandé très convenablement son bataillon. Il a toutefois montré, dans la conduite de sa compagnie, des écarts d’humeur, qui rendent parfois son commandement difficile à supporter. Est, en résumé, à surveiller en raison même des brusqueries de caractère.

Le capitaine Foucher a été relevé du commandement de sa compagnie et envoyé le 28 janvier au C.I.D. en attendant son passage à l’armée d’Orient par décision du général commandant la 43e D.I., pour avoir commis un acte de violence (gifle) envers un de ses subordonnés, dont l’attitude arrogante et le refus d’obéissance l’avaient exaspéré.»

Un nouveau départ pour le capitaine Foucher

Sa sanction aurait pu être vécue comme humiliante et conduire au renoncement du capitaine. Bien au contraire, loin de brider sa carrière, cette nouvelle affectation lui ouvre de nouvelles perspectives qui le mènent au Levant et à l'Afrique du Nord.

Le capitaine Foucher est envoyé au C.I.D. de la 43e D.I. du 20 février au 1er mars 1918.

Fin février 1918, il rejoint le dépôt du 5e R.I.C. à Lyon. Le 8 mars, Louis Foucher dort au dépôt du 22e R.I.C. de Marseille.

La période entre le 8 mars 1918 et le 16 juillet 1918, date de son retour au dépôt du 22e R.I.C. reste lacunaire sur ses états de service.

Louis Foucher quitte les Bouches-du-Rhône pour s’installer au camp de Fréjus. Il occupe les fonctions d’adjoint au colonel commandant la subdivision de Saint-Raphaël, à compter du 3 août 1918. Durant cette période, épaulé par ses chefs, il travaille beaucoup sur lui-même pour améliorer sa manière de commander.

Bon cavalier, c’est aussi un grand amateur de sport, qui pratique assidûment l’éducation physique.

Louis Foucher devient le chef du 2e bureau de l’E.M. des camps de Saint-Raphaël, du 1er avril au 1er mai 1919.

Le mois suivant, ses supérieurs lui confient la responsabilité du camp de remonte du 73e B.T.S..

Le chef de bataillon de cette unité, le commandant Lame, écrit ceci dans son feuillet individuel de campagne, le 15 juin 1919 :

« Désigné pour servir au 17e R.T.S., a fait le service pendant un mois et demi au centre de remonte du 73e B.T.S.. Grâce à son activité et à ses facultés d’organisation, le capitaine Foucher avait déjà obtenu de sérieux résultats pour la remise en ordre de cette unité dont le commandement et l’administration laissaient fort à désirer.

A de l’autorité, de l’obstination vers le but à atteindre, il me paraît capable de se tirer toujours fort honorablement de toutes les missions qui pourraient lui être confiées.»

Le 2 juillet 1919, Louis Foucher embarque sur un navire qui le conduit au 17e R.T.S., un régiment nouvellement créé, sous l’autorité du colonel Debieuvre. Il reçoit le commandement de la 3e compagnie.

Le capitaine Foucher reste sur le sol de l’Afrique du Nord du 4 juillet au 23 octobre 1919. Le 17e R.T.S. quitte ses garnisons à la fin du mois d’octobre pour se rendre à Bizerte par voie ferrée.

À l’armée du Levant :

Fin 1919, la France organise une opération pour protéger ses acquis. Elle se bat contre les Kémalistes qui luttent contre le gouvernement ottoman. Ce dernier s’apprête à signer le traité de Sèvres. La France institue donc une zone d’influence par la force, notamment en Cilicie. Le capitaine Foucher fait partie des troupes chargées de mettre cette zone en place.

Carte_du_Levant

Le 12 novembre 1919, le 17e R.T.S. quitte le port de Bizerte à bord de trois vapeurs, le Fukui Maru, l’Autria et l’Itu. Il prend la direction du Levant. Nous ne saurons pas sur lequel de ces trois navires le capitaine Foucher s’est embarqué.

Le 23 novembre, Louis Foucher commande la 4e compagnie. Il s’installe à Adana avec les autres compagnies du bataillon. Les deux autres bataillons du régiment tiennent garnison à Mersine et à Tersous.

Le 2 janvier 1920, le chef de bataillon Corneloup, responsable du 2e bataillon du 17e R.T.S. est avisé qu’une colonne, placée sous ses ordres, doit dégager la route entre Islahié et Marasch. Cette route a été coupée par des insurgés, entre Saribar et El Oughlou. La 4e compagnie du capitaine Foucher fait partie de cette colonne.

La colonne se rend à la gare d’Adana dans la nuit du 2 au 3. Le train dépose les compagnies du 2e bataillon en gare de Bagtché, dans l’après-midi du 3.

Colonne_Corneloup_janvier_et_fevrier_1920

Legende_de_carte_colonne__Corneloup

Le 4 janvier à minuit, la colonne se met en route pour Saribar. Elle prend un chemin de montagne. Celui-ci se révèle difficile d'accès. Le commandant Corneloup ordonne de faire demi-tour. Les hommes rentrent à Bagtché après quatre heures de marche. Les derniers éléments, complètement épuisés, arrivent entre 8 h 00 et 9 h 00.

5 janvier 1920 

La colonne se remet en route. Un nouvel itinéraire la fait passer par Airan Kazanali et Bel Punar.

6 janvier 1920

La compagnie du capitaine Foucher et les autres éléments de la colonne partent pour El Oghlou. Ils franchissent le mauvais passage de Baba Boroum entre 11 h 00 et 12 h 00. Les insurgés n’y sont pas. El Oghlou est atteint à 15 h 00. Les habitants ont fui.

7 janvier 1920

Les vivres arrivent à expiration. Le commandant Corneloup sait qu’un convoi monte derrière lui. Il décide de l’attendre. La 8e compagnie du 17e R.T.S. part à sa rencontre.

8 janvier 1920

 Les distributions de nourriture sont faites dans la matinée. Le chef de bataillon prévoit de repartir vers midi,. Il veut se rapprocher de Marash.

 Les unités s'apprêtent à partir vers 11 h 45. Une fusillade importante éclate. Les insurgés, placés sur les pitons avoisinants, tirent sur les hommes.

Les 143 hommes de la 4ecompagnie se lancent aussitôt à l’attaque. Ils emportent successivement deux pitons.

Cette action vaut au capitaine Foucher une citation à l’ordre de la 156e D.I..

9 janvier 1920

Dans la nuit, il est demandé à la garnison de Marash d’envoyer des moyens transports pour la prise en charge des blessés.  La 4e compagnie déplore cinq tués et 12 blessés dont le sous-lieutenant Caprais.

10 janvier 1920

La colonne quitte El Oghlou à 5 h 00. Elle arrive à Marash dans la soirée. La 4e compagnie est logée dans un trou, en bordure de la route d’Islahié.

Du 11 au 20 janvier 1920

Séjour a Marash

21 janvier 1920

La compagnie Foucher est désignée pour défendre la partie sud de la ville.

Louis Foucher gagne une citation à l’ordre de la division, en défendant son poste attaqué à plusieurs reprises. Il reçoit l’ordre d’évacuer sa position le 8 février.

11 février 1920

Étape de Marash à El Oghlou

12 février 1920

Étape d’El Oghlou à Bel Punar

13 février 1920

Étape de Bel Punar à Islahié, les conditions météorologiques sont terribles, plusieurs hommes meurent de froid.

14 et 15 février 1920

Séjour à Islahié, les unités sont reconstituées.

La 4e compagnie du capitaine Foucher retrouve ses cantonnements à Antana le 16 février 1920.

Du_cote_de_Marash

Les lieux de cantonnements et les noms des colonnes dans lesquels Louis Foucher a pu se retrouver après ces évènements ne sont pas connus.

Fin mars 1920, le colonel Debieuvre rédige la note suivante concernant son subordonné : « Bon officier, actif, énergique, qui commande bien sa compagnie. Dévoué à ses chefs, laisse à désirer sous le rapport de l’instruction générale et de l’éducation. Belle tenue, belle conduite au feu. Débrouillard, caractère susceptible, dont on obtient beaucoup avec une bonne parole. »

Louis Foucher est engagé avec ses hommes dans les combats d’Harim, au nord de la Syrie, du 25 mai au 16 juin 1920.

Harim

Le 2 juillet 1920, il participe au combat de Kul-Tépé.

Kul_Tepe

Le capitaine Foucher commande et défend le petit poste de Sadjour attaqué par les Kémalistes entre le 17 et le 20 juillet 1920.

Petit_poste_de_Sadjour

Cette dernière action lui vaut une citation à l’ordre de l’armée.

Le 1er février 1921, Louis Foucher est dirigé sur le B.D.I.C. de Beyrouth. Il est aussitôt rapatrié.

Le capitaine Foucher est affecté au 415e R.I. le 7 octobre 1920. Il quitte ce régiment le 1er janvier 1921, après une hospitalisation à Alep commencée à la fin du mois de novembre 1920. Au cours de cette période, Louis Foucher occupe les fonctions de commissaire militaire des gares. Il rejoint  le 147e R.I. le 10 mai au moment où ce régiment s’apprête à partir pour l’armée du Rhin. Il ne reste que peu de temps dans cette unité.

Formateur pour la première fois

Louis Foucher est muté au 89e R.I. de Paris pour convenance personnelle, suite à une décision ministérielle prise le 21 mai 1921. Il prend le commandement de la 11e compagnie du 21 mai 1921 au 20 septembre 1922 puis celui de la 7e compagnie du 1er avril au 31 octobre 1923.

Le 29 novembre 1923, il est rattaché comme instructeur temporaire à la préparation militaire supérieure.

Le 9 décembre 1923, il dépend administrativement du 66e R.I. puis du 46e R.I. à partir du 1er janvier 1924, tout en restant maintenu détaché à la P.M.S..

Le 16 janvier 1926, il travaille en tant qu'instructeur permanent au service de la préparation militaire supérieure du G.P.M..

Le chef du 4e groupe de P.M.S. écrit ceci à son sujet en juillet 1927 : « Excellent officier, sorti du rang, qui a su acquérir par un travail acharné les connaissances nécessaires à un officier. Ayant conscience de ne devoir qu’à ses efforts les mérites de sa carrière, est d’un caractère assez susceptible, mais plein d’allant, actif, dévoué, toujours prêt à se rendre utile. Bon instructeur, il obtient de bons résultats et a de l’autorité sur ces élèves. Depuis plusieurs années, il a fait, bénévolement, de nombreuses conférences à l’école de Reuilly et rendu les meilleurs services aux directeurs de cette école. »

En 1928, il est instructeur à l’école des travaux publics et aux facultés. Il continue d’enseigner à l’école de perfectionnement, à des officiers de réserve d’infanterie de Reuilly.

Le capitaine Fouché intègre le 46e R.I. le 10 novembre 1930.

1er séjour au Maroc

Volontaire pour retourner en Afrique, il est mis à la disposition du général commandant supérieur des troupes du Maroc. Le capitaine Foucher embarque à Bordeaux le 14 juillet 1931 en direction des terres africaines. Trois jours plus tard, il débarque au port de Casablanca avant de rejoindre le 4e Régiment de Tirailleurs Marocains.

Le 23 novembre, il se rend à l’E.M. de la région de Fez. Le capitaine Foucher est affecté à l’état-major particulier de l’infanterie, au service de l’instruction physique du Maroc. Le 30 novembre 1931, il est rayé des contrôles du 4e R.T.M..

Capitaine_Louis__Foucher

Une décision ministérielle du 21 juin 1933 lui ordonne de rejoindre le 5e R.I.. Il lui faut de nouveau reprendre la mer pour rejoindre la Métropole. Louis Foucher retrouve le port de Casablanca le 29 août.

Formateur pour la seconde fois

Promu chef de bataillon le 25 décembre 1933, il est, en même temps, nommé directeur de la G.M.S. et de l’Instruction des officiers de réserve des départements de l’Indre et de l’Indre-et-Loire. Il est rayé des contrôles du 5e R.I. le 1er janvier 1934.

En 1936, il reçoit la rosette de l'instruction publique suite à une proposition faite par l’inspecteur d’Académie en raison des brillants résultats, obtenus aux examens de P.M.S., par les élèves de l’école normale.

2e séjour au Maroc

De nouveau volontaire pour l’Afrique, il traverse une fois de plus la mer Méditerranée. Il embarque à Marseille le 27 septembre 1937 pour débarquer à Oran deux jours plus tard.

Cette fois-ci, c’est pour être affecté au 2e R.T.M. à Marrakech. Le 30 septembre, jour de son arrivée, il est affecté à la C.H.R.. Le 21 octobre 1938, il est au C.A. 1.

Commandant_Louis_Foucher

Le 21 janvier 1938, le commandant Fouché prend le commandement du 1er bataillon du régiment. Considéré comme un officier de grand mérite par ses supérieurs, il est autorisé à accomplir un nouveau séjour de deux ans au Maroc. Louis Foucher a maintenant une bonne connaissance de la langue arabe. 

Commandant_Foucher_2e_R

Louis Foucher est connu et recherché pour sa convivialité. Son côté agréable en société lui permet d'être souvent invité. Renommé pour sa gourmandise au-dessus de la norme, il a été surpris, à plusieurs occasions, dans les cuisines où il était convié pour « prendre de l’avance », ce qui n’est pas toujours très positif pour son image. Il sait aussi très bien parler. Brillant orateur, il se sert de cet art avec brio auprès des femmes qui tombent très facilement sous son charme.

2e conflit mondial 1939-1940

Septembre 1939, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne suite à l’invasion de la Pologne. Louis Foucher s’apprête à combattre ses anciens ennemis pour la seconde fois de sa vie. Son régiment se prépare à rejoindre la métropole.

Les hommes passent la frontière algéro-marocaine le 25 octobre 1939. Ils embarquent à Oran le 30 pour débarquer à Marseille le 1er novembre.

Le 1er bataillon du 2e R.T.M. tient ses quartiers à Obernausen au nord-est de Haute-Sierck, dans la Moselle du 22 décembre 1939 au 10 janvier 1940.

Atteint de paludisme chronique, contracté au début des années 20, le commandant Foucher fait une très violente crise lorsqu’il est en ligne. Il refuse de se faire évacuer. Ce n’est que lorsque la division marocaine descend au repos, aux environs de Châlons-sur-Marne, qu’il accepte de se laisser hospitaliser le 21 mars 1940 à l’hôpital militaire de Châlons-sur-Marne, sur l’insistance de son colonel et du médecin-chef du régiment.

Louis Foucher est transporté à l’hôpital de Cognac-Jay de Reims pour une intervention chirurgicale. Lorsqu’il apprend que les Allemands ont envahi la Hollande et la Belgique, il quitte volontairement l’hôpital, sans se faire opérer, pour rejoindre son régiment le 10 mai.

D'après une lettre rédigée le 25 avril 1941, il dit avoir eu bien des difficultés à retrouver le P.C. de son colonel à Cortil-Noirmont, en Belgique, le 14 mai vers 22 h 00.

Louis assiste aux combats de Gembloux et à ceux de la retraite de Belgique et du Nord de la France, entre le 14 au 29 mai 1940.

Pour en savoir plus sur les combats de Gembloux, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Bataille_de_Gembloux

Le commandant Foucher est blessé deux fois le 28 mai 1940 à Loos. Une première fois à 11 h 00, par une balle qui lui traverse la cuisse gauche. Une seconde fois à 12 h 15, par des éclats de bombes d’avions l’atteignant au visage, à la face externe gauche et au mollet droit. Il souffre également d'une fracture de la rotule droite.

Le même jour, il est fait prisonnier, au cours de son transport sanitaire, dans la région de Lille. Les Allemands le dirigent sur l’hôpital de Nivelles en Belgique. Il y est soigné jusqu’à l’évacuation complète de l’établissement, le 10 juillet 1940.

Envoyé sur l’hôpital de Maestricht, il s’évade le 17 juillet avec l’aide du capitaine Bouvier, un officier qui commandait sa 3e compagnie, blessé d’une balle dans le ventre à Gembloux et laissé pour mort sur le champ de bataille. Incomplètement guéris, les deux hommes parcourent 45 km à pied, le premier jour de leur évasion.

Ils traversent ensuite une partie de la Hollande, toute la Belgique et la zone française occupée, pour échapper aux mains allemandes.

De retour au Maroc, le commandant Foucher réintègre le 2e R.I.M. le 13 août 1940 à Marrakech. Il reçoit le commandement du groupe des compagnies de passage.

Admis à faire valoir ses droits à la retraite par anticipation, il est démobilisé et renvoyé dans ses foyers le 1er novembre 1940. Le commandant Foucher reste provisoirement à Marrakech, sa famille résidant à Bois-Colombes en zone occupée. Il se retire ensuite à Casablanca au 149 avenue d’Amade.

Louis Foucher est rappelé à l’activité par une note de service datant du 22 décembre 1942. Un contrat renouvelable de deux mois par tacite reconduction, souscrit le 1er février, officialise son retour au sein de l’armée.

Le commandant Foucher assure les fonctions de représentant de l’amiral commandant d’armes de la place de Casablanca, à partir du 1er janvier 1943. Un mois plus tard, il est affecté à la compagnie de passage du D.G. du 6e R.T.M. avant de se retrouver détaché au bureau central des logements.

Nommé au commandement du 55e B.M.T.M., il demande la résiliation de son contrat en mai 1944, ce qui le maintient dans son ancien emploi. Démobilisé le 31 juillet 1944, il retourne vivre au 159 avenue d’Amade.

Sa longue carrière militaire est maintenant achevée.

Louis Foucher est resté « fidèle » à Pétain jusqu’à sa démobilisation, n’entrant pas pour autant dans la collaboration ; il a simplement agi en tant qu’officier.

Il décède à l’âge de 74 ans le 10 novembre 1961 à Toulon. Selon ses dernières volontés, il demande à être incinéré avec toutes ses décorations. Bien que commandeur de la Légion d’honneur, il ne reçut aucun honneur militaire. A priori, ce fut une décision de la Présidence de la République.

Cet officier a obtenu les décorations suivantes :

Chevalier de la Légion d’honneur : ordre n° 6171 « D » prenant rang le 28 octobre 1917.

Officier de la Légion d’honneur le 20 décembre 1935

Commandeur de la légion d’honneur le 11 janvier 1961

Croix de guerre avec une palme, une étoile de vermeil et une étoile de bronze.

Citation à l’ordre du 149e R.I. n°65 en date du 6 avril 1916 :

« Revenu au front à peine guéri et sur sa demande, a donné la preuve de son courage et de son calme sous le feu, en organisant du 31 mars au 5 avril 1916, sous un bombardement extrêmement violent, la défense d’un point très important. A donné à ses hommes un bel exemple de sang-froid. »

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 286 en date du 12 septembre 1916 :

« A entraîné brillamment sa compagnie à l’assaut d’un village fortement organisé par l’ennemi. Contusionné par un éclat d’obus, est resté au commandement de sa compagnie. »

Citation à l’ordre de l’armée n° 6171 « D » du G.Q.G. en date du 23 décembre 1917.

« Officier de 1er ordre. Le 23 octobre 1917, le chef de bataillon et l’adjudant-major ayant été successivement mis hors de combat dès le début de l’attaque, a pris le commandement du bataillon et l’a mené victorieusement à la conquête de l’objectif qui lui était assigné. S’est employé très activement à l’organisation du terrain conquis, faisant preuve de réelles qualités d’initiative et de décision. Une blessure. Deux citations. »

Croix de guerre des théâtres des opérations extérieures avec une palme et deux étoiles d’argent.

Citation à l’ordre général n° 140 de la 156e D.I. en date du 22 février 1920 :

La date qui est donnée sur cette citation est erronée. Le compte rendu rédigé par le commandant Corneloup date l'événement au 8 janvier 1920.

« Le 13 janvier 1920 au combat d’El Oglhou, s’est, sans attendre l’ordre, et en faisant preuve de l’initiative la plus intelligente, lancé avec sa compagnie à l’assaut d’un piton fortement tenu et dont la position était capitale pour la colonne, a enlevé ce piton et l’a conservé malgré tous les retours offensifs de l’ennemi, déployant de sa personne un courage et une activité dignes d’éloges. »

Citation à l’ordre de la division n°141 en date du 26 février 1920 :

« Pendant toute la durée de l’investissement de Marasch, chargé de la défense d’un quartier de la ville, en a, par son activité et par les dispositions qu’il a su prendre, interdit absolument l’accès aux Turcs, malgré leurs attaques répétées. »

Citation à l’ordre de l’armée du Levant n° 46 en date du 15 décembre 1920 :

« Officier brave, énergique et courageux, commandant un poste isolé violemment bombardé et attaqué du 17 au 28 juillet 1920 par un millier de fanatiques, a tenu tête à l’assaillant et lui a infligé des pertes importantes. Par l’habileté qu’il mit à organiser sa position et l’excellent esprit qu’il sût maintenir dans la garnison, a rendu imprenable le poste qui lui était confié »

Croix de guerre 1939-1945

Citation à l’ordre de la division n° 906-C

« Officier supérieur d’une grande bravoure, qui a su faire de son bataillon une unité mordante et d’une belle tenue au feu, ayant fait ses preuves en Lorraine en décembre 1939 et janvier 1940. Malade et évacué, a tenu à rejoindre son bataillon qu’il a rejoint en plein combat à Gembloux, le 15 mai. A regroupé les éléments débordés, effectuant pendant la retraite d’utiles contre-attaques. Blessé le 28 mai à Loos et fait prisonnier, a rejoint le territoire non occupé. »

Autres décorations :

Officier de l’instruction publique le 7 février 1936

Commandeur du Ouissam alaouite chérifien

Mérite militaire chérifien

Croix des services militaires volontaires

Médaille d’honneur de l’éducation physique en argent

Médaille coloniale du Maroc

Médaille commémorative du Levant

Médaille commémorative de la Grande Guerre

Médaille interalliée

Médaille des blessés

Louis Foucher possède un dossier sur la base Léonore. Pour le consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Site_base_Leonore

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Historique du 412e R.I..Éditions Charles Lavauzelle & cie. Éditeurs militaires. 1923.

Partie concernant l’armée du Levant :

Site « Mémoire des hommes » Armées françaises au Levant : dossier 1, région de Marash : Réf : S.H.D./GR 4H 226/1.

Rapport d’opérations du détachement parti d’Adana le 3 janvier 1920 sous les ordres du commandant Corneloup.

Les deux plans utilisés pour la réalisation du montage sont extraits de ce dossier. Le portrait qui les accompagne provient de son dossier individuel qui se trouve au Service historique de la défense de Vincennes.

Le fond de carte utilisé pour donner les limites du mandat français et de sa zone d’influence, ainsi que les cartes qui indiquent Kul Tépé et le petit poste de Sadjour proviennent de l’ouvrage rédigé par le colonel Andréa « La vie militaire au Levant, en colonne pendant un an dans le nord Syrien et en Mésopotamie mars 1920- mars 1921 » Éditions Charles Lavauzelle & cie. Éditeurs militaires. 1923. Ce livre est consultable sur le site « Gallica ».

La photographie de groupe des officiers du 149e R.I. est extraite du Fonds Douchez. Ce fonds, composé de trois volumes, a été déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Les photographies du commandant Foucher datant de la période où il se trouvait en Afrique, proviennent toutes de la collection personnelle de son petit-fils, L. Foucher.

Certaines informations ont été données par son petit-fils L. Foucher.

Bases de données Léonore : Archives Nationales de Fontainebleau-Paris-Pierrefitte-sur-Seine.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à L. Foucher, M. Lozano, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

31 août 2018

Dernières journées passées dans le secteur de la Malmaison.

Adjudant Girard à la ferme de Colombe le 28 octobre 1917

La bataille de la Malmaison, commencée le 23 octobre, a pris fin dans la soirée du 26. Des patrouilles touchent la rive sud du canal de l’Ailette.

Les hommes du colonel Boigues poursuivent la consolidation du terrain conquis. Ils doivent se tenir prêts à reprendre l’offensive ou à contenir une éventuelle contre-attaque même si la défaite ennemie est considérée comme complète.

27 octobre 1917

Le 149e R.I. exécute une nouvelle reconnaissance dans le bois Dherly. Plusieurs drachen ennemis gagnent les airs. Un avion français tombe en flamme dans le secteur.

28 octobre 1917

L’aviation allemande envoie plusieurs avions survoler à grande altitude le bois Dherly vers 15 h 30.

Le 3e bataillon est en 1ère ligne, ayant une section aux avant-postes au point 4180. Sa ligne de résistance est aux Vallons, sa ligne de soutien est sur la pente est au ravin des Vallons.

Point 4180

Le 2e bataillon occupe le bois de la Tête d’Enfer et le bois de la Belle Croix.

Bois de la Belle Croix et de la tete d'enfer

Ces deux bataillons sont installés sur des positions qui sont sans abris, mais le terrain occupé est bon. La terre est argileuse avec une forte proportion de sable. Les pentes permettent l’écoulement des eaux. Le colonel Boigues décide de laisser ces bataillons sur place. Une compagnie du 2e bataillon reste à sa disposition en cas de nécessité.

Le boyau de communication allant de 3653 à la corne sud du bois de la Belle Croix est achevé sur une distance de 120 m.

Les hommes posent de nouveaux réseaux de barbelés devant les tranchées. Les abris et emplacements pour les mitrailleuses sont consolidés.

Les repas sont réchauffés à l’alcool solidifié.

Le 1er bataillon, qui est l’élément le plus éreinté du régiment, se porte dans la nuit du 28 au 29, aux abris de Chantereine et des Volvreux.

Secteur approximatif occupe par le 1er bataillon du 149e R

L’artillerie allemande effectue des tirs d’interdiction pendant la nuit sur les allées du bois Dherly et au nord de la ferme des Vallons. Les tirs intermittents sont plus serrés que les jours précédents.

Les attelages venus pour enlever les canons pris à l’ennemi n’ont pas pu exécuter leur travail. Les timons et les traits ont lâché.

29 octobre 1917

Vers 5 h 00, l’artillerie allemande dirige un tir assez nourri sur les abords de la passerelle 4285. Profitant de ce tir, un groupe d’Allemands traverse le canal pour venir se cacher dans le bois, aux environs du petit poste, placé sur la ligne Decauville au croisement du méridien 194. Le caporal et les deux hommes qui occupent ce petit poste furent surpris. Les Allemands, probablement revêtus de capotes françaises, repassèrent la passerelle vers 7 h 15. Ceux-ci furent aperçus de loin par le 158e R.I., qui les ayant pris pour de véritables français, les laissent ainsi passer.

Petit poste au croisement de la ligne Decauville et du méridien 194

L’activité des deux aviations est très dense tout au long de la journée.

Les hommes posent à nouveau du fil de fer devant les différentes tranchées. Ils placent et camouflent les positions des mitrailleuses pour les rendre invisibles au passage des avions. Un dépôt de matériel est construit vers le P.C. Monnoury. Le boyau creusé à l’est du bois Pointu est approfondi. Le boyau de communication allant de 3653 à la corne sud du bois de la Belle Croix est achevé sur 100 m. Une piste pour l’évacuation des canons de 105 est établie. Des éléments de défenses accessoires sont placés et l’obstruction de l’entrée de la passerelle 4285 est finalisée.

30 octobre 1917

Le 1er bataillon du 149e R.I. est retiré de son secteur dans la soirée. Il se rend à Billy-sur-Aisne où il est mis au repos.

Relevé par une compagnie du 410e R.I., le 2e bataillon part cantonner à Condé-sur-Aisne.

Le 3e bataillon s’installe aux abris de Chantereine, après avoir été remplacé par une autre compagnie du 410e R.I..

Positions occupées par les 3 bataillons du 149e R

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Le morceau de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly est daté du 26 août 1917. Ce morceau de carte localise le point 4180.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

24 août 2018

Armand André (1893-1914).

Armand_Andr_

Armand André voit le jour le 29 avril 1893 dans la petite commune vosgienne de Portieux. Les parents, tous deux originaires de Damas-aux-bois, sont venus s’installer dans cette agglomération quelque temps après leur mariage. Le père, Léon Émile, est employé à la verrerie pexéenne, une entreprise locale qui emploie une bonne partie des villageois. Émile a 28 ans lorsque la sage-femme lui présente son aîné. La mère, Marie Sidonie Dubas, est âgée de 21 ans. Elle n’exerce pas de profession.

En 1896, Marie Sidonie décède quelques semaines après avoir donné naissance à une petite fille, prénommée Germaine Aimée Constance en 1896.

Le père ne semble pas s’être remarié. A-t-il élevé seul ses enfants en bas âge ? Les a-t-il confiés à la famille ? A-t-il été aidé par des proches ? L’histoire ne nous renseigne pas sur ce qui est advenu à la famille André après ce drame familial.

La fiche signalétique et des services d’Armand nous fait savoir qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. L’instituteur républicain de Pouxeux lui a donc fait intégrer les rudiments de la lecture, du calcul et de l’écriture. Armand travaille comme employé de commerce après avoir quitté l’école communale.

Comme pour la presque totalité des registres matricules du bureau de recrutement d’Épinal, la fiche d’Armand André ne nous renseigne que sur son état civil, sur son signalement et sur la décision prise à son égard par le conseil de révision. Aucune autre information ne filtre sur ce document.

Malgré ces blancs, nous pouvons aisément confirmer que ce jeune homme blond aux yeux gris bleu est allé signer un engagement volontaire avec l’armée. Il y a même de fortes chances pour qu’il ait effectué ses mois sous l’uniforme, au sein du 149e R.I.. En effet, ce jeune conscrit de la classe 1913 sert comme sergent dans une des compagnies de cette unité lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914. Seul un engagement volontaire peut lui avoir permis d’accéder à ce grade. Il a pu s’engager dès l’âge de 18 ans, c’est-à-dire en 1911. Contrairement à sa classe, il aurait alors eu plusieurs années de service actif, un temps cohérent avec son grade. Sa classe, celle de 1913, n’étant appelée qu’en novembre 1913, il n’aurait pu devenir sergent au cours des quelques mois qui séparent le début de l’instruction et la mobilisation d’août 1914.

Lorsque le régiment quitte Épinal pour se rendre à la frontière, Armand André fait partie des effectifs de la 9e compagnie du 149e R.I. qui est sous les ordres du capitaine Souchard.

Le baptême du feu du 149e R.I. a lieu le 9 août 1914. La compagnie du sergent André ne participe pas à ce combat. Celle-ci est positionnée au sud-est du col de Sainte-Marie, avec la quasi-totalité des éléments du bataillon Didierjean. Elle a pour mission de surveiller la route qui mène à Sainte-Marie-aux-Mines. Sa compagnie reste donc assez éloignée de la zone du premier engagement du régiment, protégée par les arbres du bois du Breuil.

Les sections du capitaine Souchard subissent l’épreuve de leur première attaque le 21 août 1914, au nord d’Abreschviller.

Le nom du sergent André est inscrit dans la liste des blessés du J.M.O. du régiment pour cette date. Dans l’obligation de retraiter rapidement, le régiment est amené à laisser sur place un bon nombre de ses hommes touchés par les balles ennemies. Plusieurs décèderont faute de soins rapides. Armand André fait partie du nombre.

Pour en savoir plus sur ce qui s’est passé durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte_3_journee_du_21_aout_1914

N’ayant pas de nouvelles sur ce qui est réellement arrivé à son fils, Émile fait une demande auprès du Comité International de la Croix Rouge pour tenter d’en savoir un peu plus sur les circonstances de sa disparition. Les nouvelles reçues ne sont pas bonnes.

Fiche_croix_rouge__Armand_Andre

Il y a de fortes chances pour que le sergent André repose actuellement dans l’ossuaire n°1 de la nécropole nationale de « la Valette » à Abreschviller.

Un second prénom qui accompagne le nom de famille André inscrit sur la plaque du monument, ainsi que l’absence de numéro du régiment peuvent laisser un léger doute, mais les probabilités sont suffisamment importantes pour penser que c'est bien lui.

Ossuaire_Abreschvillers

Le sergent André a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (journal officiel du 19 décembre 1919).

« Très bon sous-officier, brave et énergique ; a toujours fait preuve d’ardeur et de sang-froid. Tombé mortellement frappé, le 21 août 1914, à Abreschviller »

Cette décoration lui donne également droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

Dans les années 20, sa sœur fait éditer un mémento avec les portraits de son père et de son frère.

Memento_famille_Andre

Pour en savoir plus sur ce type de document, il suffit de cliquer sur l’image suivante.

Site_Arnaud_Carobbi

Le 15 septembre 1920, le tribunal civil de première instance de Mirecourt officialise le décès d’Armand André à la date du 21 août 1914.

Le nom de cet homme est inscrit sur les monuments aux morts de la commune de Portieux et de la verrerie, ainsi que sur une des deux plaques commémoratives fixées sur un des murs de l’église de Saint-Laurent.

Armand André ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Sources :

Fiche individuelle consultée sur le site « mémoire des hommes ».

L’acte de naissance et la fiche matricule du sergent Armand André ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

Une copie de son acte de décès m’a été envoyée par la mairie Portieux.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à L. Rico, aux archives départementales des Vosges et la mairie de la commune de Portieux. 

17 août 2018

26 octobre 1917.

26_octobre_1917

Le 149e R.I. poursuit le renforcement de ses positions. Tous les éléments de la 43e D.I. se tiennent maintenant prêts à franchir l’Ailette. L’artillerie et l'aviation ennemies reprennent petit à petit leurs activités. Il faut rester vigilant.

Le colonel Boigues envoie une nouvelle reconnaissance dans le bois Dherly. Une section de la 10e compagnie assure la liaison entre le 109e R.I. et le 158e R.I.. Son chef de section, le sous-lieutenant Pourchet se trouve à 4179.

Un petit poste de surveillance, qui a son point d’attache près de plusieurs wagons abandonnés par l’ennemi, se place vers le croisement du grand layon nord-nord-est, coupant le méridien 194 et la voie de Decauville. Les hommes peuvent ainsi surveiller la passerelle 4285 tenue par le 158e R.I..

Les sentinelles se déplacent sur le grand layon, en avant de la voie, à l’est et à l’ouest de celle-ci.

À droite, un caporal et un soldat sont détachés à la 9e compagnie du 158e R.I.. Le poste de commandement est à 4476, au sud-sud-ouest du Moulin Rouge.

À gauche, un caporal et un homme sont détachés à la 1ère compagnie du 109e R.I., sur le grand layon coupant le méridien pointillé 1935, vers le croisement 3581. La liaison avec l’arrière est assurée par des coureurs.

Carte_journee_du_26_octobre_1917

Legende_carte_journee_du_26_octobre_1917

Cette reconnaissance fait 15 prisonniers. Les hommes capturés sont tous blessés. Les hommes du sous-lieutenant Pourchet s’emparent également de deux canons et d’une auto-canon. S’agit-il de soldats et de matériels intransportables laissés par les Allemands, lors de l’abandon de la rive sud du canal ?

L’ennemi occupe maintenant les crêtes nord du canal. Aucun renseignement précis ne peut encore être donné sur la valeur de son organisation défensive. En effet, les mitrailleuses allemandes se mettent aussitôt en action dès que les hommes approchent les passerelles.

Ces passerelles, assez nombreuses dans le secteur, avaient été mises en place par les Allemands. Elles servaient à ravitailler le secteur au sud du canal quand il était entre leurs mains. Maintenant que l’ennemi est au nord, elles pourraient servir de point de passage aux Français pour une attaque.

Les canons français ont une activité très faible sur la partie de front occupée par les Allemands, en face du 149e R.I.. L’artillerie allemande est un peu plus vivace. Vers 13 h 00, plusieurs obus de 150 tombent sur la lisière sud du bois Plantu. Dans la soirée et dans la nuit, de nombreux obus sont envoyés sur le bois Dherly. Les artilleurs allemands effectuent des tirs sur la lisière sud-est du bois des Hoinets et de la partie nord du bois pointé. Dans l’après-midi, des obus de 150 s'abattent sur la corne sud-ouest et sur le plateau est du bois de la Belle-Croix.

Les_bois_du_secteur

Dans la matinée, de nombreux avions français survolent le secteur ; certains effectuent des vols à basse altitude. Cinq avions ennemis sont aperçus au-dessus des Vallons et du plateau de la Belle-Croix à 8 h 15, idem vers 9 h 07. Cette fois-ci, ils longent les lignes. À 16 h 30, ce sont 12 avions qui passent au-dessus du plateau de la Belle Croix.

Les hommes ravitaillés par les cuisines roulantes reçoivent des repas réchauffés.

Les terrassiers continuent le creusement du boyau de communication qui longera la lisière est de la Belle Croix, entre les points 3653 et 3450. Ils réalisent également une piste partant de 3653 pour rejoindre la lisière est du bois Pointu. L’aménagement de la tranchée de 1ère ligne se poursuit.

Ce jour-là, Albert Marquand écrit à ses parents. Voici un extrait de sa lettre :

« Vous avez dû voir dans les journaux les magnifiques résultats de notre offensive. On ne s’attendait guère à tant de butin et de prisonniers…

… Je vous écris, appuyé sur mon genou, près des Allemands qui se tiennent bien tranquilles. Il pleut. Aussi, nous avons tous de la boue au-dessus de la ceinture. Ce n’est plus le costume « horizon », c’est le « terreux ». Mais tout cela n’est rien et on oublie rapidement nos petites souffrances en pensant au grand et magnifique succès que nous venons de remporter… »

L’opération offensive, dite bataille de la Malmaison, commencée le 23 octobre, peut être considérée comme terminée dans la soirée du 26 octobre.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

Les morceaux de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly sont datés du 26 août 1917. Ils localisent le bois Dherly, zone d’intervention des éléments de la 10e compagnie du 149e R.I. durant la journée du 26 octobre 1917. Les points indiqués dans le texte ne figurent pas sur cette carte.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

10 août 2018

Paul Henri Benoit (1892-1917).

Paul_Henri_Benoit

Paul Henri Benoit voit le jour le 24 janvier 1892 à Creil, ville située dans la vallée de l’Oise, au nord de Paris. Ses parents vivent au n° 1 de la rue de la République.

Le lendemain, son père, Henri Armand, se rend à l’Hôtel de Ville. Il est accompagné du grand-père paternel Charles François Benoit, et du grand-père maternel Pierre Lemaire ; ceux-ci vont lui servir de témoins.

Henri Armand a 25 ans, il travaille comme employé au chemin de fer du sud. Son épouse, Marie Pauline Lemaire, 22 ans, n’exerce pas d'activité professionnelle. Deux ans plus tard, le couple a un 2e fils qui décède à l’âge de 3 mois.

Après l’école primaire, Paul Henri poursuit ses études qui vont le mener au Lycée Chaptal de Paris jusqu’à l’obtention de son baccalauréat.

Soldat de la classe 1913, il est incorporé au 149e R.I.. Il prend le train pour rejoindre la ville d’Épinal le 9 octobre 1913. Ses apprentissages militaires ne sont pas menés à terme. Ils sont interrompus par le déclenchement de la 1ère guerre mondiale qui débute en août 1914.

Paul Henri Benoit est toutefois considéré comme mobilisable. Il participe à tous les combats du régiment, ceux des Vosges, ceux de la Marne, de Artois et de la Belgique.

Pour lui, les passages de grades de sous-officiers sont extrêmement rapides. Il est nommé caporal le 1er septembre 1914, puis sergent vingt jours plus tard. Le jeune sous-officier obtient ses galons d’aspirant le lendemain de Noël. Il commande maintenant une section de la  5compagnie du 149R.I..

Le 3 mars 1915, Paul Henri Benoit est blessé à la tête par un éclat d’obus. Il est évacué vers l’arrière. 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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La date exacte de son retour au front n’est pas connue. Son état des services nous apprend qu’il est à la 5e compagnie du 149e R.I. le 12 février 1916. Le 28 mars, il est affecté à la 6e compagnie.

Il est peu probable que cet aspirant ait participé aux combats du mois de juin 1915 dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette et aux attaques du mois de septembre 1915 du côté du bois en Hache. 

Le 10 avril 1916, l’aspirant Benoit est nommé sous-lieutenant de réserve à titre temporaire, juste après le 2e engagement du régiment dans le secteur de Verdun.

Sa compagnie est maintenant sous les ordres du lieutenant Georges Poncelet. Le 20 décembre, Paul Henri Benoit est provisoirement affecté à l’état-major du régiment. Il rempli les fonctions d’officier de renseignements. Dix jours plus tard, il retrouve son ancienne compagnie. Le 23 janvier 1917, Paul Henri Benoit devient lieutenant de réserve à titre temporaire.

C'est un excellent soldat, toujours bien noté par ses supérieurs, comme l’atteste cette petite note rédigée par le lieutenant Poncelet le 12 mai 1916 :

« Déjà aspirant à la compagnie avant sa nomination au grade de sous-lieutenant, a pris, avec son nouveau galon, un plus grand ascendant sur ses hommes. A commandé sa section avec un soin particulier pendant cette première période de tranchée et a su faire rendre à ses hommes et à ses gradés, un effort sérieux pour ce qui a concerné l’organisation du secteur. Conduira à bien, avec des sergents énergiques la section qu’il commande. »

Le capitaine adjudant-major du 2e bataillon Guilleminot appuie l’écrit de son subordonné :

« Jeune officier très allant, désireux de s’instruire, ayant un grand amour propre, est susceptible, avec un peu plus d’expérience, de faire un excellent officier. Très bonne instruction générale. Bonne instruction militaire. »

Le lieutenant Benoit participe ensuite aux combats du régiment dans la Somme. Il y gagne une citation à l’ordre de l’armée.

Le 23 décembre 1916, le lieutenant-colonel Pineau inscrit dans le feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant Benoit : « Jeune officier dont l’attitude a été brillante en toutes circonstances, comme chef de section ou comme commandant de compagnie. Froid, très maître de lui, a montré de très belles qualités militaires. Sera certainement un très bel officier. »

Durant l’année 1917, le 149e R.I. occupe un secteur situé à l’ouest du fort de la Malmaison, du côté d’Aizy, de Jouy, de Billy-sur-Aisne et des fermes du Toty et de Hameret.

Ferme_Hameret

Lorsque les 9 premiers mois de 1917 sont mis en parallèle avec ceux des trois premières années du conflit, nous pouvons affirmer qu’ils furent, par comparaison, plutôt « modérés » pour l’ensemble du régiment.

Paul Henri Benoit profite de cette période pour suivre, du 1er au 8 mai 1917, les cours du fusil R.S.C. au dépôt divisionnaire de la 43e D.I..

Il bénéficie également de deux permissions. La première a lieu du 23 au 31 mai 1917, la seconde, du 31 août au 10 septembre 1917.

Le lieutenant Benoit reprend le commandement de sa section au retour de sa permission. Il s’apprête à suivre, avec l’ensemble du régiment, un entraînement intensif, en vue d’une future attaque qui doit avoir lieu dans le secteur du fort de la Malmaison, à la fin du mois octobre 1917.

La 6e compagnie ne participe pas directement à l'engagement du 23 octobre. Le 2e bataillon du 149e R.I. fut choisi pour être « bataillon de réserve » durant la 1ère phase de l’attaque avant d’être nommé « bataillon de soutien » durant la 2e phase de l’opération.

Deux jours plus tard, le lieutenant Benoit est tué dans le secteur du bois Dherly, touché par plusieurs balles au thorax et à l’abdomen. Il soutenait une reconnaissance menée par le sous-lieutenant Huc.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Reconnaissances_du_25_octobre_1917

Comme la plupart des officiers tués dans ce secteur, le lieutenant Benoit est enterré dans le petit cimetière militaire de Condé-sur-Aisne, à côté du sous-lieutenant Huc, dans une sépulture qui porte le n° 309.

Le 9 novembre 1917, le sous-lieutenant Auguste Fourneret, officier d’état civil du régiment, enregistre la mort du lieutenant Benoit confirmée par les témoignages de l’adjudant-chef Maurice Pottier et du soldat Alfred Piteux. L’acte de décès officiel est envoyé à la mairie de Senlis le 17 juin 1920.

Le corps de cet officier est rendu à la famille dans les années 1920.

Paul Henri Benoit est un cas assez rare dans l’histoire des régiments : celui d’un simple conscrit devenu officier (devenir facilité, il est vrai, par son niveau scolaire), mais aussi, celui d’avoir passé l’intégralité de sa carrière, fut-elle brève, dans le même régiment.

Il a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 114 en date du 25 mars 1916 :

« Dans la nuit du 8 au 9 mars 1916, sous un tir de barrage des plus violents, tous les officiers de la compagnie ayant été blessés, en a pris le commandement, l'a reformée avec le plus grand calme et reconduite, sous la rafale, à son emplacement de soutien. Au front depuis le début, déjà blessé une fois, a toujours donné l’exemple du sang-froid dans les circonstances critiques. »

Citation à l’ordre de l’armée du 35e C.A. n° 11 en date du 23 septembre 1916 (J.O du 17 janvier 1918) :

« Jeune officier ayant fait preuve dans plusieurs circonstances critiques d’un allant et d’une énergie remarquables. Le 17 septembre 1916, commandant provisoirement sa compagnie, l’a entraînée brillamment à l’assaut de la tranchée ennemie qui lui était fixée comme objectif et qui a été enlevée. A fait des prisonniers, s’est appliqué aussitôt après à poursuivre l’organisation du terrain conquis sous le feu de riposte de l’ennemi »

Le lieutenant Benoit est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume le 18 octobre 1919 (J.O. du 26/12/1919).

« Officier de beaucoup d’entrain et de courage. S’est présenté volontairement pour effectuer, avec un groupe de grenadiers, le nettoyage d’une galerie occupée par 500 ennemis, a contribué dans une large part à leur capture. Désigné pour soutenir avec sa section, une reconnaissance envoyée en avant du terrain conquis. A été tué à la tête de sa section en accomplissant sa mission. A été cité. »

Le lieutenant Benoit ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Le nom de cet homme est inscrit sur une des plaques commémoratives du Lycée Chaptal de Paris.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Une grande partie des informations concernant la généalogie de cet officier a été trouvée sur le site « Généanet ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à la mairie de Creil.

3 août 2018

Clément Louis Huc (1894-1917)

Clement Louis Huc

 

Clément Louis Huc est né le 27 octobre 1894 au Masnau, une commune du Massif central située dans les monts de Lacaune.

 

Le jour même, son père Louis, et les deux témoins, l’instituteur Joseph Paul Peyrastre et le forgeron Pierre Jean, comparaissent à la mairie du village tarnais pour faire consigner dans le registre d’état civil la venue au monde de l’enfant. Louis Huc exerce le métier de tailleur d’habits. Il a 30 ans. La mère, Claire Adélaïde Cavallès, âgée de 28 ans, travaille comme ménagère. De cette union est également née une petite fille  prénommée Léticia Rose.

 

Clément fait de brillantes et sérieuses études au petit séminaire de Valence qui lui permettent d’obtenir son baccalauréat ès lettres. Il passe ensuite deux années au grand séminaire d’Albi.

 

Le premier conflit mondial du XXe siècle est proche. Il a tout juste le temps de recevoir la tonsure cléricale, acte qui valide son entrée dans l’état ecclésiastique, le 24 juin 1914. Le directeur du grand séminaire d’Albi écrit ceci à son sujet : « Âme d’élite, conscience des plus délicates et volonté de fer de plus en plus attachée à sa vocation, vie toujours montante, tel est le graphique de son trop court passage parmi nous. »

 

Lorsque sa classe de mobilisation est appelée en septembre 1914, Clément Huc est ajourné pour faiblesse. Quelques semaines plus tard, il passe devant un deuxième conseil de révision qui, cette fois-ci, le déclare « bon pour le service armé ».

 

Clément Louis Huc se retrouve incorporé au 58e R.I. le 18 décembre comme jeune soldat de la subdivision de Carcassonne. Il arrive au dépôt d’Avignon ledit jour. Nommé soldat de 1ère classe par décision du 9 avril 1915, le jeune homme est affecté à la 29e compagnie du régiment avant d’être envoyé au 9e bataillon de marche le 24 mai.

 

L’ancien clerc tonsuré est muté au 149e R.I. le 21 juin. Dans cette unité, Clément Huc grimpe très vite les échelons hiérarchiques. Nommé caporal le 23 juillet 1915, puis sergent le 8 mars 1916, il rejoint le centre d’instruction des élèves aspirants de Saint-Cyr le 15 mai 1916.

 

Le 3 septembre 1916, le chef de bataillon Margot, responsable du centre d’instruction, rédige la note suivante : « Très énergique. Doué d’un commandement excellent qui lui donne beaucoup d’autorité. A beaucoup travaillé et beaucoup appris, sans peut-être avoir assimilé tout l’enseignement reçu. Mais très dévoué, très zélé, il est dès maintenant capable d’exercer convenablement le commandement de sa section. »

 

Deux jours plus tard, le sergent Huc est de retour au dépôt du régiment pour y recevoir ses galons d’aspirant. Clément passe sous-lieutenant à titre temporaire le 21 novembre de la même année.

 

Ce nouveau grade lui permet de prendre le commandement d’une section de la 6e compagnie du 149e R.I..

 

Durant cette période, Clément Huc a participé à plusieurs actions de combat. La première a eu lieu en Artois dans le secteur du bois en Hache en septembre 1915. La seconde s’est déroulée à Verdun en mars - avril 1916 et la troisième dans la Somme, à Ablaincourt en novembre 1916.

 

Le 1er janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau écrit dans le feuillet individuel de campagne de son subordonné : « Nouvellement nommé officier, possède de réelles qualités militaires. Très énergique, d’un courage et d’un sang-froid à toute épreuve, est considéré, par ses camarades et ses chefs, comme un modèle d’une haute valeur morale et apte à remplir remarquablement son rôle d’officier. »

 

Sous_lieutenant_Huc_non_loin_des_tranch_es_de_1ere_ligne_juillet_1917

 

Fin septembre 1917, Clément Louis Huc est toujours à la tête de sa section de la 6e compagnie du 149e R.I.. Son régiment se prépare pour la future offensive qui doit se dérouler dans le secteur du chemin des Dames, autour du fort de la Malmaison, durant la deuxième quinzaine du mois d’octobre. L’entraînement qui se déroule sur plusieurs semaines est contraignant.

 

Sa compagnie n’est pas engagée directement dans l’attaque. En effet, le 2e bataillon du 149e R.I. est désigné pour être le bataillon de réserve durant la 1ère phase de l’opération, avant de devenir bataillon de soutien durant la 2e phase.

 

Clement_Louis_Huc_fusil_mitrailleur_au_Toty_juillet_1917

 

Le 25 octobre 1917, le sous-lieutenant Huc est envoyé en reconnaissance offensive dans le bois Dherly, situé au nord du bois de la Belle-Croix sur les bords de l’Aillette. Cernée par les Allemands, au débouché d’une corne du bois, sa petite troupe est écrasée sous le nombre. Blessé lui-même à l’aine par le feu d’une mitrailleuse, il a la présence d’esprit et la force d’envoyer un homme demander du renfort au poste de commandement, avant d’être tué, d’une balle dans la tête, par un Allemand à qui il a refusé de se rendre.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Reconnaissances_du_25_octobre_1917

 

Le 9 novembre, le sous-lieutenant Auguste Fourneret, l’officier d’état civil du régiment, enregistre officiellement la mort du sous-lieutenant Huc après avoir reçu les témoignages des soldats Alfred Piteux et Octave Françon. Son acte de décès est transcrit à la mairie du Masnau le 20 février 1918.

 

Le sous-lieutenant Huc fut inhumé dans le petit cimetière militaire de Condé-sur-Aisne dans une sépulture qui porte le n° 310 par les brancardiers divisionnaires.

 

Le 31 octobre, le 2e bataillon, son commandant en tête, est allé se recueillir sur sa sépulture avant de descendre vers l’arrière.

 

Son corps fut restitué à la famille dans les années 1920.

 

Clément Louis Huc a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 176 en date du 21 novembre 1916 :

 

« Jeune aspirant du plus grand mérite, d’un dévouement à toute épreuve. A brillamment entraîné sa section à l’attaque, le 7 novembre 1916, en la portant à découvert, de la tranchée de soutien à la 1ère ligne allemande, malgré un violent tir de barrage d’artillerie et de mitrailleuses. »

 

Citation à l’ordre de l’armée en date du 11 décembre 1917 (J.O du 17 janvier 1918) :

 

« Officier énergique autant que brave, très aimé de ses inférieurs comme de ses supérieurs. Chargé avec sa section d’effectuer une reconnaissance en avant de nos lignes, le 25 octobre 1917, n’a pas hésité à attaquer un ennemi supérieur en nombre. Blessé dès le début de la prise de contact, a conservé le commandement de sa section et est tombé glorieusement au milieu de ses braves. »

 

Le sous-lieutenant Huc est fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume le 5 mars 1920, avec le même texte que ci-dessus.

 

Le nom de cet homme est inscrit sur les plaques commémoratives de la cathédrale Sainte-Cécile et de l’évêché d’Albi ainsi que sur les monuments aux morts de la ville d’Albi et de la commune de Masnau-Massuguiès.

 

Clement_Huc_monuments_aux_morts_et_plaques_commemoratives

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Livre d’or du clergé et de congrégations (1914-1922). Éditions Paris bonne presse. 1925.

 

Revue « la semaine religieuse de l’archidiocèse d’Albi » du 24 novembre 1917 n° 47 de la 44e année lisible sur le site « Gallica ».

 

Les photographies représentant le sous-lieutenant Huc ont été réalisées en juillet 1917 dans le secteur de la ferme le Toty.

 

Les photographies des monuments aux morts de la ville d’Albi, de la commune du Masnau-Massuguiès et des plaques commémoratives de la cathédrale Sainte-Cécile et de l’évêché d’Albi proviennent toutes du site « MémorialGenWeb ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à la mairie du Masnau-Massuguiès.

31 juillet 2018

25 octobre 1917.

25_octobre_1917

La journée du 24 octobre a été consacrée, pour les hommes du 31e B.C.P du 158e et du 149e R.I., à l’organisation du secteur et à la consolidation des positions nouvellement conquises.

Des reconnaissances sont prescrites dans la matinée du 25. Les unités qui sont désignées pour mener à bien ces opérations reçoivent l’ordre de progresser en territoire allemand, pour tenter de capturer les éléments laissés par l’ennemi. Elles doivent également ramener ou détruire le matériel trouvé sur place, tout en essayant d’établir une ligne de surveillance entre Bruyères, Moulin rouge et 4073.

La reconnaissance du 158e R.I. est composée d’une compagnie. Elle a la charge d’atteindre la petite commune de Bruyères. Ses soldats sont rapidement bloqués par des salves de mitrailleuses placées à la Planchette et au Moulin Rouge. Tentant de reprendre la progression, la compagnie cherche à longer la lisière du bois Dherly. Celle-ci subit de nouveaux tirs de mitrailleuses qui la stoppent net dans son mouvement.

Une section de la 6e compagnie du 149e R.I. se lance à l’intérieur du bois Dherly. Les hommes du sous-lieutenant Huc tombent aussitôt dans une embuscade qui anéantit presque intégralement son groupe. Les survivants sont faits prisonniers. Un groupe de soldats du régiment commandé par le lieutenant Maginot est rapidement dépêché sur les lieux, en renfort. Il espère dégager la section Huc mais cette tentative d’extraction arrive trop tard.

Ces reconnaissances menées par les 158e et 149e R.I. sont un échec total.

Reconnaissances_du_25_octobre_1917

Legende_carte_reconnaissances_journee_du_25_octobre_1917

Le lieutenant Paul Henri Benoit de la 6e compagnie a également été tué dans la matinée.

Vers midi, la 43e D.I. est avisée du succès des corps voisins. Elle reçoit à nouveau l’ordre de s’emparer de Bruyères.

À sa gauche, la 13e D.I. doit traverser le bois Dherly avant d’envoyer une avant-garde en direction de Lizy.

Cette fois-ci, c’est un groupement de 3 compagnies soutenues par une compagnie de mitrailleuses du 31e B.C.P. qui est chargé de l’opération. Les chasseurs sont couverts à leur gauche par une flanc-garde constituée d’une compagnie du 158e R.I. qui doit pousser sur Moulin Rouge.

L’attaque débute à 16 h 00.

À la suite d’un combat assez vif, le village de Bruyères est enlevé vers 19 h 00. Le 31e B.C.P,qui s’empare de 4 canons, fait 150 prisonniers.

La compagnie du 158e R.I. prend Moulin Rouge en capturant 77 Allemands. Elle envoie ensuite des patrouilles sur le canal de l’Aillette.

À sa gauche, le 149e R.I. dépêche un poste d’une section à l’intérieur du bois Dherly.

La nuit du 25 au 26 est relativement calme.

Le capitaine Foucher qui commande le 3e bataillon du 149e R.I. rédige un compte rendu. Cet écrit est adressé au commandant Schalck, responsable du 2e bataillon du régiment. Celui-ci le reçoit le billet à 1 h 10.

« Le sergent Fayolle et les deux hommes qui l’accompagnent rentrent à l’instant. Ils m’apportent les renseignements suivants : « La ferme Rosay est occupée par un bataillon du 21e R.I. qui est, en liaison, à sa gauche, avec une compagnie de chasseurs. Une reconnaissance a été faite le soir par l’adjudant du 11e génie. La Rive-Nord du canal est occupée par les Allemands. La Rive-Sud est un marécage impraticable. La liaison du 21e R.I. avec le 109e R.I. est impossible à réaliser en raison de ce marécage. Une section du 109e R.I. se trouvant à 3987 a prétendu avoir 3 compagnies dans la partie du bois Dherly, à l’est de la ferme Rosay. Le sergent Fayolle et les deux hommes sont allés jusqu’à 3274. Ils n’ont rien trouvé. Cette section du 109e R.I. n’était d’ailleurs pas en liaison avec ces 3 compagnies dont elle n’a aucune nouvelle.

Je vous serai reconnaissant de bien vouloir me donner des instructions sur ce que je dois faire. Je crois qu’il serait peut-être bon d’envoyer une nouvelle patrouille avec un effectif plus fort pour chercher la liaison au nord de 3274. »

Le billet est ensuite envoyé au colonel Boigues qui le dépêche aussitôt à son supérieur hiérarchique, le colonel Guy, chef de l’I.D. 43 avec l’ajout suivant :

« Ci-joint un compte rendu du commandant Schalck qui vous est destiné. Je ne sais rien de neuf sur mon front où l’occupation semble se poursuivre normalement et d’une manière satisfaisante, avec une liaison étroite avec les éléments voisins.

Quelques officiers ont été blessés : le commandant Putz, le capitaine Houel, le sous-lieutenant Gauthey du 3e bataillon et le lieutenant Malaizé du 1er bataillon.

En résumé, tout me paraît avoir marché aussi bien que possible.

Nos prisonniers allemands appartiennent aux 15e, 201e et 209e I.R. et au 2e de la Garde, ce qui note un désarroi dans leurs unités. Le capitaine Foucher commande le 3e bataillon. »

La bataille de la Malmaison touche à sa fin. Les unités de la 43e D.I. sont maintenant en attente de nouveaux ordres. Elles ne savent pas encore ce qui va leur advenir dans les jours suivants. Vont-elles reprendre le combat ? Vont-elles rester sur place ? Vont-elles quitter le secteur ? Tout est encore incertain.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Le morceau de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly est daté du 26 août 1917. Ce morceau de carte localise le bois Dherly, zone d’intervention des éléments de la 6e compagnie du 149e R.I. durant la journée du 25 octobre 1917.

La photographie qui se trouve sur le montage est extraite de l’historique du 149e R.I. dite « version luxe » éditée en 1919 par les imprimeries Klein. Celle-ci est légendée « Attaque de la Malmaison, le 23 octobre 1917, canon de 77 pris par le 149e R.I. au bois des Hoinets. »

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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