Léon Paul Guérin est né le 15 janvier 1877, dans la demeure parentale située dans le faubourg Montbernage de la ville de Poitiers. À sa naissance, son père, Louis, est un journalier qui est âgé de 46 ans. Sa mère, Modeste Beillard, est une femme âgée de 38 ans qui n’exerce pas de profession.
Léon Paul est confronté à un drame terrible alors qu’il n’est encore qu’un enfant. Son père décède deux jours avant que Léon Paul n’ait fêté ses huit ans. La vie qui ne lui fait pas de cadeau devient très vite compliquée. Les petits salaires ramenés par le chef de famille qui permettaient de faire vivre les siens ne sont plus là ! L’histoire ne le dit pas, mais nous pouvons aisément imaginer que Léon Paul a dû, très vite, se mettre en quête d’un travail pour subvenir à ses besoins. Sa fiche signalétique et des services nous fait savoir qu’il a exercé le métier de domestique.
Le 28 janvier 1898, Léon Paul Guérin a tout juste 21 ans. Il se rend à la mairie de Poitiers, pour contracter un engagement volontaire de quatre ans avec l’armée.
Le futur soldat n’a pas à aller bien loin pour revêtir son uniforme flambant neuf. Il lui suffit de traverser quelques rues pour se rendre à la caserne du 125e R.I. qui se trouve dans sa ville natale. Les apprentissages de la vie de fantassin peuvent commencer.
Léon Paul peut coudre ses galons rouges de caporal à partir du 17 septembre 1898.
En février 1899, le jeune sous-officier part de Rosny en détachement,pour se rendre en Algérie. Le caporal Guérin embarque à Marseille dans la soirée du 18 février. Le lendemain, son navire accoste à Philippeville après une traversée sans histoire. Le 20 février, il est à Sétif. Il y reste plusieurs mois.
Le 6 août 1899, son séjour militaire algérien touche à sa fin, Léon Paul Guérin quitte Sétif après la soupe du matin. Il se rend pour la seconde fois à Philippeville. Le 7 août, il traverse la mer Méditerranée. Le lendemain, les clous de ses godillots martèlent le débarcadère du port de la cité phocéenne. Le caporal Guérin doit se rendre au mont Valérien le 10 août 1899.
Toujours au 125e R.I., il est nommé dans le grade supérieur le 20 septembre 1899.
Durant les années suivantes, le sergent Guérin va apposer sa signature plusieurs fois sur une multitude de petits contrats qui s'étalent sur des périodes allant d’une à trois années.
Le 8 juillet 1901, il valide un contrat d’un an qui prend effet vingt jours plus tard. Le suivant, qui devient applicable à partir du 28 janvier 1902, est ratifié le 15 février 1902. Le sergent Guérin signe un nouveau contrat le 26 mars 1904 qui rentre en vigueur le 26 janvier 1905.
Le jeune sous-officier exerce les fonctions de sergent-fourrier dans une des compagnies du régiment, entre le 11 juin et le 1er septembre 1904, avant d’être nommé sergent-major.
Réengagé pour une durée de trois ans le 28 septembre 1906 à compter du 28 janvier 1907, puis pour deux ans, le 12 janvier 1910 à compter du 28 janvier 1910, il devient adjudant le 12 décembre 1911.
Léon Paul Guérin est commissionné à compter du 28 janvier 1912, suite à une décision prise par le général commandant la 34e brigade en date du 25 janvier 1912.
1912, 1913, la vie de caserne suit son cours au rythme des manœuvres et des nouvelles classes à prendre en charge jusqu’au moment fatidique où le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914.
Il ne quitte pas seulement cette caserne à laquelle il vient de consacrer 15 ans de sa vie. En effet, le 17 avril 1903, il a épousé à Poitiers, Amadis Éléonore Eulalie Girault, une employée de commerce alors âgée de 24 ans, native de la petite commune de Vouneuil-sous-Biard. Pour cela, Il avait dû obtenir l’autorisation du conseil d’administration du 125e R.I., une étape obligatoire pour les militaires à cette époque. Il laisse également son fils, Maurice Léon, né le 1er janvier 1905.
L’adjudant Guérin est blessé le 20 août 1914 à Nomény. Une balle s’est logée dans un de ses mollets. Le 10 novembre 1914, il est de nouveau blessé. Sa compagnie combat dans le secteur de Saint-Julien. Cette fois-ci, c’est une balle qui lui fait une plaie entre les deux épaules.
Le 17 mars 1915, il quitte le statut de sous-officier. Il est nommé sous-lieutenant à titre temporaire. Cette promotion l’oblige à quitter son régiment. Il rejoint le 140e R.I. le jour même. Le 28 septembre 1915, il est muté au 149e R.I.. Cette unité vient de subir de lourdes pertes en Artois dans les jours précédents. Il faut reconstituer le régiment en hommes et en officiers.
C’est à la tête de la 1ère compagnie que le sous-lieutenant Guérin trouve la mort le 2 avril 1916. Sa compagnie est engagée dans une attaque qui doit permettre la reprise du village de Vaux-devant-Damloup.
Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés le 2 avril 1916, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.
Il est, dans un premier temps, considéré comme disparu. Une enquête est menée auprès de plusieurs soldats de la 1ère compagnie du 149e R.I. qui ont été envoyés en captivité en Allemagne. Ces recherches sont menées par l’intermédiaire de la Croix Rouge, par l’union des femmes de France et par le bureau de renseignements sur les prisonniers de guerre du ministère de la guerre.
Plusieurs hommes se souviennent…
Les soldats Marc Cagnon et Marcel Vermande qui sont prisonniers à Münster font savoir que le sous-lieutenant Guérin est présumé tué. D’autres témoignages seront moins précis.
C’est le sergent fourrier André Devineau, en captivité à Heisberg, qui fournit les renseignements les plus détaillés.
« En ma qualité de fourrier de la compagnie, j’ai suivi le sous-lieutenant Guérin partout, nous nous sommes arrêtés dans un trou d’obus, en arrière de la 1ère section, où nous avons passé la journée. Le soir, vers 5 h 00, au moment où la contre-attaque des Allemands se déclenchait, il a voulu fuir, mais il ne fît qu’une dizaine de pas environ. Je le vis tomber, la tête en avant, dans un trou d’obus. Son casque fut projeté 5 à 6 mètres en avant, ce qui me fait croire que l’infortuné sous-lieutenant a été touché à la tête par une balle de mitrailleuse. Il ne fît plus aucun mouvement. Je n’ai pu aller le voir de près et ne puis dire s’il avait été tué sur le coup. »
Le 17 avril 1916, Léon Paul Guérin est confirmé à titre définitif dans ses fonctions de sous-lieutenant.
Quelques mois plus tard, le journal officiel du 20 décembre 1917 valide sa nomination dans le grade de lieutenant.
Plusieurs témoins ont bien vu le sous-lieutenant Guérin tomber. Le sergent fourrier André Devineau narre, avec précision, les circonstances de l’évènement. Mais aucun d’entre eux n’a pu véritablement constater le décès de l’officier. De ce fait, son statut va rester celui de disparu. Son épouse, ayant entendu parler d’une blessure suivie d’une capture, fait des démarches pour tenter de savoir s’il n’est pas décédé en captivité.
Le 17 février 1919, elle écrit la lettre suivante au ministère de la guerre :
Monsieur,
J’ai appris qu’il s’était formé un bureau chargé de la recherche des disparus et qu’il se tenait en relations constantes avec la commission française envoyée en Allemagne, il y a environ un mois, pour procéder à l’identification civile des prisonniers décédés durant leur captivité.
Je n’ai pu obtenir de nouvelles officielles concernant le sort de mon mari, le sous-lieutenant Guérin Léon Paul du 149e R.I. disparu depuis le 2 avril 1916 à Vaux.
Une note émanant des nouvelles de soldats, mentionne qu’il été blessé et prisonnier. Je vous adresse un duplicata de cette note en vous priant de vouloir bien attirer la bienveillante attention de la commission qui siège à Berlin, à seule fin que de nouvelles recherches soient poursuivies dans les hôpitaux, camps de prisonniers, centres neurologiques qui me permettent de savoir ce qu’il est devenu de mon malheureux mari.
Je vous prie d’agréer Monsieur, avec tous mes remerciements, l’assurance de ma haute considération.
E. Guérin, 2 rue du Souci, Poitiers, Vienne.
Ce n’est que le 17 juillet 1919 que le tribunal de Poitiers officialise le décès du sous-lieutenant Léon Paul Guérin.
Le lieu de sépulture de cet officier n’est pas connu.
Le nom de Léon Paul Guérin ne semble pas figurer sur les monuments aux morts de la ville de Poitiers et des communes de Biard et de Vouneuil-sous-Biard.
Décorations obtenues :
Croix de guerre avec palme et étoile d’argent.
Citation à l’ordre de l’armée publiée dans le J.O. du 21 janvier 1915 :
« S’est fait remarquer par son entrain, son sang froid et sa bravoure. Deux blessures très graves »
Citation à l’ordre de la division n° 46 du 20 juin 1915 :
« Blessé très grièvement en entraînant sa section. N’a quitté le champ de bataille qu’à la nuit tombante. »
Médaille militaire par décret du 30 décembre 1914.
Sources :
Dossier individuel consulté au Service Historique de Vincennes.
Fiche signalétique et des services et actes d’état civil consultés sur le site des archives départementales de la Vienne.
La photographie de l’étang de Vaux a été réalisée en 2012.
Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales de la Vienne.