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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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17 juin 2015

17 juin 1915, une bien tragique journée pour la famille Delort !

Jean_et_Joseph_Delort

C’était il y a tout juste 100 ans…

Le 3e bataillon du 149e R.I. est engagé dans des attaques successives qui se déroulent, depuis la veille, dans le secteur de Noulette. Elles ont pour but  de prendre le fond de Buval aux Allemands.

Ces offensives sont réalisées en lien avec les deux autres bataillons du régiment, épaulées par quelques compagnies du 158e R.I. et un bataillon du 109e R.I..

Celles-ci sont toutes des échecs. Hélas pour les hommes, les pertes sont importantes.

L’officier supérieur de la Forest-Divonne, responsable du 3e bataillon, est blessé le 16 juin. Le commandement des  quatre compagnies de cette unité ne peut pas rester vacant, il est aussitôt attribué au capitaine Girard qui en assure « l’intérim ».

Le 17 juin 1915, les vagues d’assauts se préparent pour de nouvelles attaques. Elles vont encore laisser sur le terrain un nombre important d’officiers et de fantassins...

Parmi les victimes, un drame familial, peut-être encore plus poignant que les autres, vient de se dérouler.

Deux jeunes frères, âgés de 23 et 25 ans trouvent la mort au cours de cette journée.

À partir des quelques éléments trouvés sur leurs fiches signalétique et des services, essayons de faire émerger du « grand livre de l’oubli » une petite partie de la courte existence de ces deux soldats.

Joseph, l’aîné, est un niçois qui est né le 21 décembre 1893. Il est le fils d’Achille Lucien et de Marie Madeleine Gastaud. Avant la guerre il travaille comme employé de bureau.

Inscrit sous le n° 177 de la liste du canton de Nice ouest, le jeune homme est ajourné pour faiblesse cardiaque. Il se retrouve classé dans la 5e partie de la liste de l’année 1913. Le 10 novembre 1914, quelques mois après la déclaration de guerre contre l’Allemagne, il doit de nouveau se présenter devant le conseil de révision qui, cette fois-ci, le déclare bon pour le service armé.

Joseph est incorporé au 58e R.I. d’Avignon à compter du 17 décembre 1914. Il passe au 149e R.I. le 24 mai 1915.

Joseph_Delort

Jean Guillaume, le benjamin, est né le 1er janvier 1895.  Avant d’être mobilisé, il exerce la profession d’employé de commerce. Il est inscrit sous le n° 196 de la liste du canton de Nice-ouest. Jeune conscrit de la classe 1915, il doit, pour cause de guerre, se présenter devant le conseil de révision avant d’avoir l’âge réel d’incorporation. Les médecins ne lui trouvent rien de particulier qui pourrait l’empêcher d’être mobilisé. Jean est classé dans la 1ère partie de la liste en 1914.

Le jeune homme doit rejoindre le 58e R.I.. Le 17 décembre 1914, il se rend à Avignon en même temps que son frère avant d’être muté au 149e R.I. le 8 juin 1915.

Joseph et Jean sont restés célibataires.

Ces deux niçois sont arrivés quelques jours avant leurs disparitions à la 12e compagnie du 149e R.I..

Ils  n’ont donc pas vraiment eu le temps de tisser des liens d’amitié très forts avec les autres hommes de leur compagnie. Ont-ils été affectés à la même escouade ? Étaient-ils ensemble au dépôt ?

Nous pouvons aisément nous imaginer le sentiment de réconfort et de sécurité qu’ils ont dû éprouver l’un pour l’autre en se retrouvant tous les deux dans la même compagnie alors qu’ils ne connaissaient personne.

Au moment des attaques, Joseph et Jean ont-ils eu le temps d’échanger quelques mots avant de franchir le parapet ? Se sont-ils donné l’accolade fraternelle avant de rencontrer la « grande faucheuse » ? Ces questions resteront certainement, à jamais, sans réponses.

Quelle inquiétude pour la famille lorsque, tout d’un coup, celle-ci ne va plus recevoir de nouvelles de Joseph et de Jean ! Cela, jusqu’au moment où elle va apprendre, le même jour, la mort de l’aîné et la disparition du benjamin.

Imaginons un seul instant la « double peine », le « double chagrin », la « double souffrance » ressentis par leur mère !

Une annonce publiée dans la revue « le tir national organe officiel de l’union des sociétés de tir de France » datant du 15 juillet 1916 nous apprend que Joseph était un excellent tireur. Une petite précision est également apportée concernant les circonstances des derniers instants de vie de son frère Jean. Celui-ci aurait été blessé le 16 juin 1915.

Cette dernière information nous montre à quel point se lancer dans un travail d’imagination de ce qu’on pu être les derniers moments de ces frères est aléatoire, voire impossible, faute de témoignages et même faute d’informations précises. Seule certitude, il n’y a pas de sépultures connues pour ces deux hommes. Il y a de fortes probabilités pour qu’ils reposent dans l’un des ossuaires qui se trouvent dans le cimetière national français de Notre-Dame-de-Lorette.

Sources :

Les fiches signalétiques et des services de Jean et de Joseph Delort ont été consultées sur le site des archives départementales des Alpes-Maritimes.

La photographie du monument aux morts de Nice provient de l’encyclopédie « Wikipédia ».

Le portrait du soldat Joseph Delort a été trouvé sur le site web des archives municipales de Nice  « centenaire de la première guerre mondiale à Nice. »

Pour en savoir plus sur la journée du 17 juin 1915, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte_journ_e_du_17_juin_1915

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet et à la ville de Nice.

 

12 juin 2015

Louis Valentin Lagarde (1893-1918).

Louis_Lagarde

Louis Valentin Lagarde voit le jour le 14 octobre 1893 dans la petite commune de Morteau située dans le département du Doubs. Son père se prénomme Joseph et sa mère Élise Allembach.

En 1913, le jeune Lagarde est inscrit sous le numéro 71 de sa commune de naissance.

La loi lui permet d’obtenir un sursis d’une année étant donné que son frère se trouve déjà sous les drapeaux. C'est la raison pour laquelle Il est placé dans la 7e partie de la liste de son année de classe.

Louis exerce la profession d’horloger. Le 14 mai 1914, il épouse Louise Julie Victorine Petit, une jeune femme qu’il conduit à l’église et à la mairie de Montlebon. De cette union naitra un petit garçon qu’ils prénommeront Gilbert.

Quelques jours après la déclaration de guerre contre l’Allemagne, Louis Lagarde est appelé à l’activité militaire le 12 août 1914. N'ayant aucune formation militaire, il doit être instruit.  

Dès le lendemain, il rejoint le dépôt du 149e R.I. Souffrant d’une néphrite chronique, il est, classé « service auxiliaire » le 18 janvier 1915. Cette décision a été validée par le colonel commandant la subdivision de Langres à la suite d’une proposition faite par la commission de réforme siégeant dans la même ville.

Le 28 janvier 1915, la commission de réforme d’Épinal classe le soldat Lagarde dans le service armé.

Cet homme est maintenu au corps par une décision émanant du général commandant la 2e subdivision du 21e C.A. en date du 28 juin 1915.

Hélas, sa fiche signalétique et des services ne nous indique pas quand Louis Lagarde est parti au front. Elle ne donne pas le moindre détail  sur son parcours jusqu'au 26 septembre 1918.

L’année 1918 le retrouve soldat à la 7e compagnie du 149e R.I..

Le 26 septembre 1918, son régiment est engagé dans la bataille de Somme-Py, dite bataille de Champagne et d’Argonne.

Deux jours plus tard, Louis Lagarde est grièvement blessé. Atteint de plusieurs balles dans la région de l’abdomen et au poignet gauche, le jeune homme qui allait fêter ses 25 ans, ne survivra pas à ses blessures.

Dans un premier temps, le soldat Lagarde est inhumé dans le cimetière militaire du tunnel de la voie ferrée de Somme-Py à Challerange dans une sépulture qui porte le numéro 29.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Morteau

Références bibliographiques :

Sources :

Le portrait du soldat Louis Lagarde a été photographié par P. Baude.

Les informations concernant ce soldat sont extraites de sa fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales du Doubs, de sa fiche individuelle vue sur le site « Mémoire des Hommes », de son acte de décès et du site « Généanet ».

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à A. Carobbi, à la mairie de Morteau et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

 

5 juin 2015

Émile Henri Gremmel (1892-1917).

Emile_GREMMEL

Émile Henri Gremmel est né le 21 décembre 1896 à Morteau, une petite commune du Doubs. Il est le fils d’Émile et de Marie Anna Meyer.

Soldat de la classe 1916, ce jeune homme sert au 21e R.I. avant d’être muté à la 1ère compagnie du 149e R.I..

Le 9 juin 1917, sa compagnie se trouve dans le secteur d’Aizy. En fin d’après-midi, un obus qui explose tout près, lui inflige des plaies multiples qui lui seront fatales.

Huit jours plus tard, le sergent Auguste Devesse et le soldat Louis Élie Amiotte confirment le décès du soldat Gremmel. Le sous-lieutenant Auguste Foumeret, l’officier d’état civil du régiment, effectue les démarches administratives nécessaires qui vont permettre l’enregistrement du décès d’Émile Gremmel. Cet acte est transcrit à la mairie de Morteau le 14 septembre 1917.

Émile Gremmel repose actuellement dans le cimetière national mixte de Vauxbuin. Sa sépulture se trouve dans le carré B. Elle porte le numéro 72.

Sources :

Le portrait du soldat Émile Gremmel a été photographié par P. Baude.

Le cliché de la tombe du soldat Émile Gremmel a été réalisé par J. Baptiste.

Les informations concernant ce soldat proviennent uniquement de sa fiche individuelle consultée sur le site « Mémoire des Hommes » et sur son acte de décès.

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à la mairie de Morteau et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

 

 

29 mai 2015

Du côté de Ciry-Salsogne en juillet 1917.

Le_tatoue_du_149e_R

La série de photographies suivante a été réalisée à Ciry-Salsogne, un petit village picard, situé à quelques kilomètres du front, à proximité du chemin des Dames. En 1917, cette commune est devenue une base arrière importante pour les soldats français.

Ciry_Salsogne_1

Juillet 1917, des hommes du 149e R.I. sont au repos dans ce village. Les distractions sont rares et il faut se divertir pour oublier la dure vie des premières lignes.

Un petit groupe s’est rassemblé dans la cour d’une grande bâtisse du village, mais ce n’est certainement pas pour effectuer une prise d’armes !

En effet, nous pouvons apercevoir, au milieu de l’attroupement, un homme qui est torse nu avec une large ceinture enroulée autour de l’abdomen. Ce qui est loin d’être une tenue réglementaire !

En fait, une séance récréative est en train de se préparer…

Ciry_Salsogne_2

L’athlète est Noël Bazola. Venant du monde forain, il se lance dans une série de démonstrations de force probablement répétée à de nombreuses reprises avant-guerre. Il vient de soulever un haltère de fortune qui a vraisemblablement été confectionné à partir d’un essieu de charrette. Son torse, ses bras et son dos sont couverts de dessins. Sa fiche matricule en mentionne quelques-uns, souvenirs d'une vie ayant déjà alterné passage devant le tribunal et devant le conseil de guerre.

Les muscles de l’homme sont tendus, son visage est crispé par l’effort, mais celui-ci a certainement l’habitude de faire ce type d’exercice, puisqu’il adopte une position qui lui permet de supporter plus facilement la charge importante à bout de bras.

Ciry_Salsogne_3

Maintenant, il faut se mettre en forme ! Un petit échauffement est nécessaire avant de passer à des choses plus sérieuses.

Ciry_Salsogne_4

Exercice d’équilibre…

Ciry_Salsogne_5

Encore plus fort, plus difficile et plus osé ! Pour complexifier l’exercice, la chaise est posée sur quatre bouteilles de vin !  Attention à ne pas tomber, il faut rester très concentré pour ne pas perdre sa stabilité !  

Le soldat qui se trouve juste un peu en arrière de l’artiste a adopté une attitude très décontractée. Mais ce n’est sûrement qu’une apparence, il est certainement là pour intervenir rapidement en cas de problème.

Assurément un peu gênés par « le protecteur du tatoué », les hommes qui se trouvent sur la partie gauche de l’image se sont tous inclinés pour mieux observer l’exploit réalisé par l’équilibriste. Ils ne veulent pas perdre une miette du spectacle !

Ciry_Salsogne_6

Comme à la fête foraine, le « colosse » du 149e R.I. a certainement proposé un défi à la cantonade pour mieux prouver sa force. Un autre homme du régiment a accepté de se mesurer à lui. Il se lance dans un combat à la régulière pour essayer de vaincre « le tatoué ».

Les spectateurs se prennent au jeu, certains « gueulent à tue-tête »  pour encourager leur favori. La lutte est acharnée… Le règlement doit être respecté à la lettre pour que le combat ne dérape pas. Pour assumer cette lourde charge, l’arbitrage a été confié à la vigilance du chien « Papillon », mascotte de la 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. et qui est en train de vérifier si les deux épaules du « tatoué » touchent le sol, ce qui serait cause de défaite immédiate pour lui !

Ciry_Salsogne_7

Revirement de situation, le tatoué a réussi à se sortir d’une position délicate ! Les deux épaules de son adversaire touchent le sol. Le combat touche à sa fin.

Peut-être un dernier regard sur la photographie de Noël Bazola utilisée sur le montage initial. Il est essentiel pour moi de finir sur le visage et sur les tatouages de cet homme qui restent peu visibles sur l’ensemble des clichés. Voici deux photographies qui nous le montrent de plus près.

Ciry_Salsogne_8

Ciry_Salsogne_9

Un tatouage sur son ventre semble représenter un officier avec un bicorne et sur son dos, ne pourrait-il s'agir d'une représentation patriotique ? Ce serait étonnant, car si Noël Bazola se battait pour ses combats, il ne semblait guère enclin à se sacrifier pour la patrie. S'il mit un point d'honneur à impressionner les hommes du 149e R.I. présents ce jour-là, il fut loin d'être le camarade idéal, désertant à peine deux mois après ce spectacle. Il pose ici pour la photographie et ces clichés furent précieusement conservés dans un album photographique : cela marque le côté extraordinaire du personnage aux yeux du soldat qui conserva ces clichés. La seule autre image connue de lui pour l'instant, est celle qui fut publiée dans la presse, près de 20 ans plus tard, pour sa mort."

Le chien Papillon est évoqué dans un autre article qui est consultable sur le blog du 149e R.I.. Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Chien_1

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à D. Guénaff et à « Pouldhu » un intervenant du « forum pages 14-18 ».

22 mai 2015

Jean Louis Dumont (1892-1914).

Jean_Louis_Henri_Dumont

Jean Louis Henri Dumont est né le 10 octobre 1892 à Saint-Julien-lès-Russey, une petite commune située dans le département du Doubs, à quelque 70 km à l’est de Besançon. Son père se prénomme Ernest Augustin, sa mère se nomme Marie Anaïse Jannin.

Le jeune Dumont est inscrit sous le numéro 35 sur la liste des hommes du canton de Morteau qui doivent effectuer leur service militaire à la fin de l’année 1913. De bonne constitution physique, il est classé dans la 1ère partie de cette liste à la suite du passage devant le conseil de révision. Il vient d’être déclaré « bon pour le service ».

Début octobre 1913, Jean Louis Henri Dumont se prépare à quitter son domicile et son travail d’agriculteur pour rejoindre le 149e R.I.. Après avoir fait ses adieux à la famille, il laisse derrière lui le petit village des Fins pour gagner la ville d’Épinal.

Premier août 1914, le conflit contre l’Allemagne est sur le point de débuter. Le soldat Dumont qui va bientôt entamer son 10e mois de service militaire, s’apprête à abandonner sa chambrée de la caserne Courcy pour rejoindre le quai de la gare d’Épinal. Son régiment, qui fait partie des troupes de couverture, doit, au plus vite, s’approcher de la frontière.

Cet homme sert dans la 7e compagnie du 149e R.I. qui se trouve sous les ordres du capitaine Coussaud de Massignac.

Malheureusement pour lui, sa participation à la campagne contre l’Allemagne sera de courte durée… À peine entré en guerre, Jean Louis Henri Dubois est tué dans le secteur du Signal de Sainte-Marie.

Le soldat Dumont est inscrit dans la liste des disparus du J.M.O. du régiment à la date du 9 août 1914. Son corps à probablement été laissé sur le terrain. Cette situation conduisit sa famille à entamer des recherches, notamment en direction du C.I.C.R.. C’est ce qui explique l’existence d’une fiche dans leurs dossiers.

 

Dumont__fiche_C

 

 Ce n’est que le 19 mai 1920 que sa mort sera véritablement officialisée, à la suite d’un jugement rendu par le tribunal de Pontarlier. Cette décision met fin aux derniers espoirs de la famille de pouvoir le retrouver vivant.

Pas de sépulture connue.

Le portrait de Jean Louis Henri Dumont est fixé sur le monument aux morts des Fins qui se trouve sur la place du 8 mai juste en contrebas de l’église de ce village.

Pour en savoir plus sur la journée du 9 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Renclos_des_Vaches

Sources :

La fiche signalétique et des services du soldat Dumont a été consultée sur le site des archives départementales du Doubs

La fiche de Jean Louis Henri Dubois provient du site du Comité International de la Croix Rouge.

Les photographies du monument des Fins et du portrait du soldat Dubois ont été réalisées par G.Tisserand.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à G. Tisserand.

15 mai 2015

Jean Baptiste Albert Peuch (1880-1915).

Jean_Baptiste_Albert_Peuch

Lorsque leur fils,Jean Baptiste Albert, voit le jour le 4 septembre 1880, Pierre Peuch et Anne Agathe Leconet habitent un petit appartement situé au 1 rue Aubert de la ville d’Épinal . Ses sœurs ainées Alexandrine et Éléonore nées respectivement en 1868 et 1870 et son frère cadet, Jean Baptiste Ernest, né en 1877 et qui ne survivra pas à sa deuxième année, forment la fratrie. Les parents d’Albert sont tous deux originaires de la Corrèze. N’ayant pas trouvé de travail, Pierre Peuch quitte sa terre natale en 1860 pour rejoindre l’est de la France. En 1867, il fait venir sa future femme qu’il épousera à Épinal le 7 avril 1868.

Genealogie famille Peuch

Deux drames familiaux viennent marquer la vie du jeune Albert. Il perd sa sœur Alexandrine à l’âge de 11 ans et son père lorsqu’il a 14 ans.

La_rue_Aubert_Epinal

Soldat de la classe 1900, Albert Peuch se retrouve, dans un premier temps, dispensé par l’article 21 pour raisons familiales.

Il obtient un ajournement d’une année, tout en étant  classé dans la 2e partie de la liste du recrutement cantonal. C’est en grande partie la situation de sa mère qui lui permet de bénéficier de ce sursis. Il y a de fortes probabilités pour que cette femme, veuve depuis presque dix ans, vive dans des conditions économiques relativement précaires.

 Il ne fera qu'une année de service militaire du fait d'être classé dans la 2e partie de la liste.

Le 14 novembre 1901, son année de prorogation militaire touche à sa fin. Il est temps pour Albert de se diriger vers le 44e R.I. pour y accomplir son devoir de soldat. Il est renvoyé dans ses foyers le 20 août 1902 avec son certificat de bonne conduite dûment signé. Le 1er novembre 1904, il intègre la réserve.

Albert Peuch se marie le 1er mars 1906 à Nancy avec Victoire Élisa Lucie ; ce couple aura deux petites filles, Anna Georgette et Jeanne Albertine. 

Famille_Peuch_2

                               Georgette et Jeanne Peuch avec leur grand-mère  Anne Agathe Leconet

 Dégagé de ses obligations de soldat, ce n’est pas pour autant qu’il en est tout à fait quitte avec l’armée. Albert doit effectuer deux périodes d’exercices au 149e R.I.. La première se déroule du 19 août au 15 septembre 1907, la seconde du 9 au 25 novembre 1911.

L’homme est également un gymnaste de haut niveau. Il sera trésorier et moniteur de la société sportive « la Vosgienne » pendant plusieurs années.                                                                                                                               

Comite la societe la Vosgienne 1903

                                                      Comité de la société la Vosgienne en 1903

Il exerce, dans un premier temps, la profession de comptable dans une usine à gaz à Épinal, avant de devenir employé de banque dans la même ville.

La vie semble réussir à Albert Peuch…

Mais il est rattrapé par les évènements qui vont déchirer l’Europe. Albert est rappelé à l’activité militaire. La mobilisation générale vient d’être décrétée. Le 1er août 1914, le soldat Peuch doit se rendre à la caserne Courcy pour rejoindre son régiment.

Il participe à tous les combats du 149e R.I. qui eurent lieu durant les quatre premiers mois du conflit.

Noël 1914, Albert fait parvenir à sa femme et à ses deux filles une petite feuille de chêne sculptée.

Souvenir_1914_1915

Début janvier 1915, son régiment vient de quitter la Belgique, Albert Peuch se trouve maintenant près du petit village de Noulette en Artois, une région que les hommes connaissent bien puisqu’ils y ont déjà combattu en octobre 1914.

La lettre suivante a été rédigée quelque temps après que son unité ait quitté la région d’Ypres.

Les terribles souvenirs des combats sont encore bien vivaces dans son esprit même s’ils ne sont évoqués que très succinctement dans une lettre adressée à sa belle-sœur. 

6 janvier 1915,

Ma chère Jeanne

Je reçois en même temps vos lettres des 20 et 27 décembre. Je suis heureux de vous savoir en assez bonne santé et j’espère que le malaise de votre gorge et de vos oreilles ne sera que de courte durée. Surveillez-vous et soignez-vous bien, qu’à ma rentrée, je trouve tout le monde en bonne santé.

Moi je vais bien, les légers malaises que l’on ressent par moment s’en vont comme ils sont venus, j’en suis content, car que voulez-vous, on a chaud ou froid, on est mouillé, et, ma foi, on ne peut pas se soigner comme chez soi et on prend le temps comme il vient. Jusqu’alors, je n’ai jamais été à la visite du major que pour soigner les autres, c’est vous dire que tout va bien. D’ailleurs, si j’ai le bonheur d’en revenir, je vous raconterai les diverses péripéties par lesquelles nous sommes passés, ce sont des choses qui nous ont trop touchés pour les oublier.

J’ai bien reçu votre billet de 20 francs. Vous êtes bien gentille et je vous en remercie infiniment. Je n’ai pas encore reçu votre colis, mais il ne va pas tarder. Je vous remercie encore de votre bonne intention.

Pour les colis expédiés par la gare, ils doivent passer par Langres, mais pour ceux expédiés par poste, c’est la nouvelle adresse que je vous ai donnée, secteur postal 116.

J’ai reçu des nouvelles d’Alfred du 27. Il donne le bonjour à tout le monde et il va bien. Je suis en correspondance suivie avec lui.

Il est vrai, Jeanne, que les fêtes sont bien tristes pour nous, mais que voulez-vous, il faut s’y faire et souvent, bien souvent, ma pensée voyage avec vous toutes. Quand le péril est là, le souvenir de notre famille est bien plus vivace,  car, que des fois, on se demande si on en reviendra.

Enfin, mon désir, comme d’ailleurs celui de mes camarades, est de faire mon devoir, et d’en revenir entier autant que possible.

C’est bien malheureux pour Prosper Reveillé C’est certainement du côté d’Ypres qu’il a dû être tué. Dans ces environs, j’ai été témoin de choses terribles, atroces et pénibles. J’ai pansé des blessures affreuses, et je dois le reconnaître, sans fausse modestie, avec beaucoup de sang-froid. Car vous savez, ça tapait dur là-bas. Pour vous donner une idée, des trous d’obus avaient 6 ou 7 m de diamètre sur 4 m de profondeur.

C’est par erreur que j’ai porté Épinal sur ma lettre. Nous sommes bien où Élisa croit. Nous déménageons à chaque instant et par tous temps. Nous avons rencontré le 37e, il y a un mois environ, mais je n’ai pas rencontré le capitaine Chasle. Il peut se faire que l’on se rencontre encore.

 Je vous remercie beaucoup des jouets que vous avez envoyés à mes chères petites gosses ; Georgette et surtout ma Jeannette s’en amusent beaucoup, parait-il. Qu’elles doivent être gentilles !

Pour la femme d’Alfred qui est a Paris, les communications avec Nancy, sont, paraît-il, très difficiles. Ce n’est pas drôle qu’elle n’ait pas été vous voir. Tant mieux qu’Épinal et Nancy soient tranquilles.

C’est drôle que Gaston ne soit pas encore rentré. Il est vrai que les Allemands tiennent peu compte de la convention de Genève. Une campagne a été faite à ce sujet, mais ils se moquent de tout. Enfin, espérons qu’il rentrera en bonne santé.

Je vous remercie beaucoup, Jeanne, de vos bons souhaits et espérons qu’ils se réaliseront bientôt.

Pour votre déménagement, faites ce que vous pourrez et, après la guerre, on fera le reste.

Votre situation s’améliorera et on s’arrangera en conséquence, car actuellement, tous les propriétaires en sont là. Pourvu que votre bonne marche et qu’elle vous seconde, car ce sont des oiseaux rares.

Au moment de fermer ma lettre, on m’appelle pour la distribution des colis. Je m’empresse d’y aller. J’ai donc reçu votre colis et le tout en bon état. Le jambon, le saucisson sont épatants. Comme goûter, c’est naturellement succulent. Les biscuits seuls sont brisés, mais on mange les miettes. Les conserves, les dattes, le chocolat, tout est très bien et je vous en remercie encore une fois.

Espérons que votre santé se conservera bonne.

Je termine en vous embrassant bien affectueusement et de tout cœur.

Albert                        

Famille_Peuch_1

                                                             Jeanne et Georgette Peuch

Le 2e bataillon du 149e R.I. est installé à Noulette. Albert en profite pour rédiger une lettre à sa belle-sœur Jeanne.

24 février 1915

Ma chère Jeanne,

Je vous avais annoncé une lettre sous cinq ou six jours. Je profite d’un moment assez calme pour vous donner de mes nouvelles. Je vais relativement bien et j’espère que votre santé est bonne aussi.

J’ai reçu des nouvelles d’Épinal et d’Alfred. Tout le monde va bien. C’est l’essentiel, que cela continue.

J’ai reçu une lettre d’Élisa, qui, je crois, aura le record de vitesse. Pour venir ici, tout au nord de la France, elle a mis quatre jours.

Comme je vous l’ai dit, j’ai reçu un colis de votre part, contenant sardines, jambon, saucisson délicieux, biscuits et même des morceaux d’étoffes pour faire probablement des chaussettes russes. J’ai souri à ce sujet et je vois que comme toujours, vous pensez à tout. Je ne mets pas de chaussettes russes, mais l’étoffe qui entourait le paquet, ainsi que les deux morceaux en question, ont déjà leur usage. Je m’en suis fait des mouchoirs. Quand ils auront servi, je les jetterai.

Que voulez-vous, à la guerre comme à la guerre, on en fait bien d’autres. Si vous pouviez voir notre cuisine, c'est-à-dire notre façon de procéder pour tout, ce serait à votre tour de rire.

Avant d’aller plus loin, je vous remercie infiniment de votre aimable envoi qui est arrivé à bon port. Tout y était excellent.

Je vous écris à peu de distance des Allemands, les marmites tombent, quelques balles sifflent, mais l’habitude est prise.

On a froid aux doigts, mais c’est supportable. Enfin, espérons une fin proche. C’est ennuyeux que votre argent ne rentre pas. La situation ne durera pas, car je crois qu’on s’occupe à la Chambre de la question des loyers.

Vivement que tous ces évènements pénibles finissent et que je puisse vous donner la main pour que vous soyez un peu tranquille.

Bientôt les évènements vont se précipiter, ce sera certes meurtrier, mais j’ai bon espoir. Enfin, attendons.

Voilà le vaguemestre qui va partir aux tranchées, il ne fait qu’entrer et sortir, aussi je vous quitte, et, tout en vous remerciant encore, je vous souhaite bonne santé et bon courage. Pour terminer, je vous embrasse bien affectueusement.

Je suis heureux que tout le monde soit bien portant. Georgette et Jeannette doivent être changées, Jeannette surtout.

On commence à trouver le temps long après tout le monde. Enfin, il faut se résigner.

Nous recevons depuis quelques jours très peu de lettres pour le régiment.  On nous informe que les trains sont pris par les troupes.

Albert

C’est certainement une des toutes dernières lettres qu’il écrit puisque il va mourir quelques jours plus tard.

Albert Peuch est infirmier brancardier dans la 6e compagnie du 149e R.I.. Son bataillon doit remonter en 1ère ligne dans la soirée du 26 février 1915.

Le 1er mars, le soldat Peuch est grièvement blessé au thorax. Celui-ci est rapidement évacué vers l’arrière en direction de Sains-en-Gohelle par ses camarades brancardiers. Malgré les soins prodigués par les médecins de l’ambulance n° 3/21, il ne peut pas être sauvé. Albert Peuch décède en fin de journée à 19 h 30.

Il y a de fortes probabilités pour que cet homme ait reçu un éclat d’obus durant le violent bombardement qui a eu lieu au cours de cette journée en portant secours à un camarade blessé.

L’homme est enterré dans un premier temps dans le cimetière communal de Sains-en-Gohelle. Son corps a, par la suite, été restitué à la famille.

Le 29 mars 1915, Élisa, l’épouse d’Albert Peuch, écrit une lettre à sa sœur Jeanne. Voici le passage où elle évoque son mari décédé :

«… Pour Albert, j’ai eu de nouveau une lettre de l’abbé Marchal. Il me dit que le cercueil actuel est en très bon bois et qu’il peut aller plusieurs mois. Il ne me conseille donc pas de faire les frais tout de suite. Il vaut mieux, dit-il, quand j’irai chercher le corps de mon pauvre Albert, faire seulement le nécessaire. J’attendrai donc et j’aurai peut-être la chance de le voir une dernière fois. Il m’a envoyé la photographie de la tombe de mon pauvre grand et tous les renseignements possibles. Il est à côté de quatre officiers. Je pourrai donc facilement le retrouver. Il a une jolie couronne et le directeur à écrit à un de ses amis qui est là-bas, qu’il fasse une plaque en cuivre très épaisse et profondément gravée et bien vissée après la croix. Tu vois, toutes les précautions sont prises…»

Albert Peuch repose actuellement dans le cimetière Saint-Michel à ’Épinal.

Plaque_Albert_Peuch

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la préfecture vosgienne.

Le soldat Albert Peuch est décoré de la Médaille militaire et de la croix de guerre avec une étoile de bronze à titre posthume. L’attribution de ces décorations est publiée dans le J.O. du 28 décembre 1920 :

« Brancardier d’un grand dévouement. S’est fait remarquer tout particulièrement le 1er mars 1915, à Notre-Dame-de-Lorette en portant secours à un camarade mortellement blessé. »

Sources :

L’intégralité des informations et l’ensemble des photographies concernant la famille d’Albert Peuch ont été fournies par A. Bouvet,son arrière-petite-fille.

La citation attribuant les décorations obtenues par Albert Peuch peut-être consultée sur le site de la bibliothèque numérique Gallica.

Gallica

La photographie de la plaque ovale a été réalisée par A. Bouvet.

Le cliché représentant le comité de l’année 1903 de « la société de gymnastique la Vosgienne » d’Épinal a été envoyé à Madame Bouvet par le président actuel N. Aubert. Cette photographie a été trouvée dans les archives de l’association.

Pour en savoir plus sur la journée du 1er mars 1915, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Groupe_de_soldats_149e_R

Un grand merci à M. Bordes, à A. Bouvet, à A. Carobbi, à T. Cornet et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

8 mai 2015

Les brancardiers du 149e R.I..

Groupe_de_brancardiers_149e_R

La photographie ci-dessus a été réalisée en juin 1915. Celle-ci représente les « infirmiers-brancardiers » du 3e bataillon du 149e R.I.. Outre la bonne qualité du cliché qui a su traverser le temps, un petit bonus accompagne l’image. Quelques lignes rédigées au verso permettent d’en savoir un petit peu plus sur ce groupe d’hommes. En voici la retranscription…

Souvenir de campagne 1914-15

Le 18 juin 1915

« Mes biens chers,

Je vous adresse une photo du groupe infirmiers-brancardiers du 3e bataillon du 149e de ligne. Vous pouvez juger par ma binette que je suis en bonne santé. Cette photo a été prise le 13 de ce mois dans le Pas-de-Calais.

Couché au premier plan, Folzer de Xertigny. À gauche du major Duplessis, Christian mine rangée, par la gauche, le 1er fils Ignace d’Épinal. À droite, debout, près de votre Louis, Julien.

De tous ces camarades, amicaux bonjours et de votre Louis, les meilleurs baisers. »

Ce petit texte nous donne quelques noms et prénoms, mais cela reste malheureusement insuffisant pour essayer de les identifier. Nous pouvons également regretter une absence de signature en bas du texte. Celle-ci aurait certainement pu nous aider à en savoir un petit plus sur son auteur ou  tout du moins nous aiguiller dans les recherches.

Essayons maintenant de mieux comprendre l’organisation des groupes « infirmiers-brancardiers » d’un régiment…

Le travail réalisé par ces hommes reste avant tout une tâche « noble et généreuse ». Il faut tenter de sauver le plus de vies possible, parfois au péril de la sienne, souvent dans des conditions extrêmes…

Comment sont constitués ces groupes ?

Si les brancardiers et les infirmiers du régiment sont rattachés administrativement à la C.H.R., c’est avant tout, à l’intérieur des compagnies qu’ils exercent véritablement leur fonction. En effet, ces compagnies disposent en permanence de brancardiers et d’infirmiers, ce qui facilite leurs interventions qui sont ainsi plus rapides et plus efficaces en cas de nécessité.

La C.H.R., quant à elle, gère les soldes et l’emploi. Il en est de même pour les perceptions d’effets et pour la discipline.

Il y a de nombreux musiciens dans cette compagnie, mais pas seulement… Il peut y avoir également des cordonniers, des architectes, des mineurs ou bien encore des cultivateurs…

Généralement, il y a une moyenne de quatre infirmiers et seize brancardiers par bataillon. Au cours des attaques, ces hommes sont souvent soutenus par leurs homologues divisionnaires.

Comment fonctionnent ces groupes ?

La plupart du temps, les postes de secours du régiment ou du bataillon ne peuvent pas être installés à proximité de la zone de feu.

Les équipes de brancardiers doivent alors accomplir un trajet qui est souvent long de plusieurs centaines de mètres. Elles ont à traverser des terrains accidentés, à sillonner des terres labourées par les obus et à se déplacer dans des tranchées étroites qui sont parfois très endommagées par les bombardements. Tout cela accroît fortement les difficultés du transport.

Le métier de brancardiers régimentaires est particulièrement pénible et dangereux. Dès l’instant où ces hommes interviennent, en plus des risques directement liés aux attaques et aux bombardements, qui sont le lot de tout homme qui se trouve en première ligne, ceux-ci peuvent être rapidement exténués par la charge de travail qui leur incombe. Les nombreux allers-retours qu’il faut effectuer entre le moment où le blessé est récupéré sur le terrain et l’instant où il est déposé au poste de secours du régiment ou du bataillon imposent une dépense d’énergie colossale.

Le travail de relève des blessés est tout aussi difficile... Dans un premier temps, les brancardiers doivent panser rapidement et sommairement les hommes sur place. Ensuite, il faut tenter au maximum de ne pas trop faire souffrir le camarade allongé sur la civière au cours du déplacement. Les secousses trop vives dans les mouvements de portages doivent être évitées le plus possible. Il faut se dire que les infirmiers et les brancardiers ne disposent pas de morphine pour soulager les souffrances dues aux blessures qui sont souvent terribles.

L’évacuation du blessé n’est possible que durant les périodes d’accalmies, car, à moins de se trouver dans des conditions exceptionnelles de « protections naturelles », les brancardiers seraient obligés de marcher debout sous la mitraille. Les difficultés peuvent être encore accentuées par d’autres facteurs. La nuit, il ne faut,sous aucun prétexte, faire usage d’un éclairage quelconque, sous peine d’être salué par un feu de salve. Souvent, il faut se guider exclusivement sur les gémissements et les cris des blessés qui sont tombés entre les deux lignes et au retour, il ne faut surtout pas s’égarer dans le no man’s land…

Toutes les précautions nécessaires doivent être prises pour éviter de devenir visibles à l’ennemi. Au cours des recherches sur le terrain, les brancardiers repérés peuvent aisément devenir la cible d’un tireur zélé. Il serait puéril et bien naïf de croire que la croix de Genève portée sur le bras assure une protection totale !

Sources :

« Études sur l’organisation et le fonctionnement des groupes de brancardiers pendant la guerre actuelle » Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue publiquement le 15 mai 1915 par Antoine Célestin Étienne Fabry. Bordeaux Imprimerie de l’université Y. Cadoret. 1915. 51 pages.

Pour en savoir plus sur les brancardiers :

« Considérations sur l’organisation d’un groupe de brancardiers divisionnaires pendant les premiers mois de la guerre (1914) » Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue publiquement le lundi 19 février 1917 par Gabriel Jean-Baptiste Joseph Bayle. Bordeaux Imprimerie de l’université Y. Cadoret. 1917. 33 pages.

« La Grande Guerre des soignants, médecins, infirmières et brancardiers de 1914-1918 » de Patrick Loodts et d’Isabelle Masson-Loodts aux éditions de la mémoire. 414 pages. 2014.

Un grand merci à M. Bordes, à A. carobbi et  à « Achache » et  « Laurent 59 » qui interviennent tous deux sur le forum « pages 14-18 ».

24 avril 2015

Les premiers mois de l'année 1918 sur le front des Vosges (2e partie)

Le_Violu_3

 

Depuis qu’ils sont arrivés dans les Vosges, les 158e et 149e R.I., ainsi que les bataillons de chasseurs de la 43e D.I., fournissent de gros efforts pour améliorer leurs positions, mais la situation reste très précaire. En réalité, le secteur se trouve toujours à la merci d’une offensive bien organisée que l’ennemi aurait tout loisir de préparer en secret, à la faveur des couverts boisés et des profonds défilements des vallées.

 

Sous_secteur_A

 

L’éventualité d’une telle attaque n’est pas si invraisemblable que cela. Au cours des premières semaines de l’année 1918, l’armée française reste plutôt sur la défensive sur l’ensemble de la zone des combats du front de l’ouest. La signature du traité de Brest-Litovsk approche et l’Allemagne aura bientôt la possibilité de réinjecter un très grand nombre de ses régiments sur le théâtre des opérations de l’ouest. De plus, les troupes américaines n’ont pas encore atteint leur plein développement sur le terrain des combats.

 

Il est inenvisageable, pour l’état-major français, de se lancer dans une offensive de grande envergure qui pourrait avoir des chances de succès immédiat. Même si les Vosges ne semblent pas être un secteur très tentant pour lancer une vaste opération militaire, les hommes du 149e R.I. doivent, plus que jamais, rester vigilants.

 

Dès la fin du mois de janvier, l’ennemi adopte une attitude beaucoup plus mordante en face des hommes du colonel Boigues.

 

La région de Saint-Dié, calme depuis si longtemps, devient un peu plus agitée.

 

Amélioration et organisation du secteur du 149e R.I. 

 

Le 149e R.I., secondé par des fractions du génie, travaille d’arrache-pied sur sa première position. Les défenses accessoires sont renforcées. Des nids de résistance sont créés, échelonnés en largeur et en profondeur et susceptibles de se flanquer réciproquement. La construction d’abris solide se poursuit. Tout est fait pour essayer d’économiser au maximum les services de garde. C’est la seule solution qui permettra de constituer, à chaque échelon du commandement, une petite réserve de soldats, qui pourra être fort utile en cas d’attaque ennemie.

 

 

Au fil des jours…

 

1er février 1918

 

Une patrouille de vérification de réseaux et de reconnaissances, composée d’hommes du  2e bataillon du 149e R.I., fait une sortie entre 7 h 00 et 10 h 00. Sur son parcours, elle découvre une longue ficelle posée à même le sol, qui suit la lisière du bois Ta 11 ter (40 - 62,5) en direction de la ferme Gretschy (42 – 64). Les hommes de la patrouille enlèvent un bon 150 m de cette cordelette, ce qui devrait fortement gêner l’ennemi pour retrouver son chemin.

 

Bois_Ta_11_ter

 

Des guetteurs allemands sont clairement repérés dans un P.O. de la tranchée de Constantinople. Quelques coups de feu sont échangés avec les fantassins du 149e R.I..

 

Des travaux de réfection de tranchées sont effectués tout au long de la journée. Des réseaux de fils de fer sont posés devant la tranchée de Constantinople, pour consolider les défenses.

 

Tranchee_de_Constantinople

 

2 février 1918

 

Une patrouille de surveillance de réseaux et de liaison est envoyée entre 36-65 et 38-63, près de la place Mandray.

 

Place_Mandray

 

Des éléments du 149e R.I. s’apprêtent à relever la section de gauche du 174e R.I.. Les limites entre la 167e D.I. et la 43e D.I. vont être légèrement modifiées. La séparation entre ces deux divisions doit être fixée officiellement dans les jours à venir.

 

La 1ère compagnie du bataillon du commandant de Chomereau de Saint-André doit relever la 3e compagnie qui occupe le secteur de la rotonde Regnault.

 

Rotonde_Regnault

 

Dans la nuit du 2 au 3, la C.M. 1 du 149e R.I. vient relever au C.R. la Cude la C.M. 2 du 1er B.C.P. qui doit rejoindre son bataillon.

 

3 février 1918

 

Une patrouille allemande, qui est un peu bruyante, est entendue à 0 h 45 par quelques sentinelles du 149e R.I. au moment même où elle longe les réseaux qui se trouvent devant le P.A. Grande Goutte.

 

Le commandant du sous-secteur A soupçonne une relève des troupes allemandes devant le Violu. Cette impression est confirmée par les hommes qui ont effectué les réglages d’artillerie au cours des jours précédents, et par la circulation importante remarquée autour des observatoires de la région du Chipiant.

 

Une section du 149e R.I. remplace les éléments du 174e R.I. suite à l’extension du front sur la droite du sous-secteur A.

 

Des mouvements de relèves intérieurs ont lieu dans le secteur occupé par le 149e R.I..

 

La 4e compagnie du 149e R.I. du C.I.D. quitte Taintrux pour venir s’installer à Saint-Dié. Elle a pour mission d’assurer le service de garde du Q.G.. Elle devra, dans les jours à venir, effectuer de nombreuses patrouilles avant de partager cette tâche avec les deux autres compagnies du C.I.D. qui les rejoindront plus tard. Cette compagnie reçoit également la charge du piquet d’incendie. Elle assume cette tâche pendant une semaine en alternance avec la 170e D.I..

 

4 février 1918

 

Des tirs de harcèlement d’artillerie de petits calibres se déroulent sur les tranchées et sur la rotonde dans le secteur du C.R. la Cude.

 

Les Allemands travaillent activement en face des lignes occupées par les hommes du colonel Boigues.

 

Des fantassins du 3e bataillon du 149e R.I. sortent de leur tranchée pour aller poser du fil de fer dans le secteur de Violu centre. Au même moment, les Allemands lancent des fusées éclairantes. Soudain, ils se mettent à siffler et à rire très fortement, certainement par provocation, laissant supposer qu’ils sont parfaitement au courant de ce que font les Français. Mais aucun coup de feu n’est échangé.

 

Un exercice aux gaz est effectué dans le sous-secteur A. Les dispositions d’alerte ont été prises dans des conditions satisfaisantes.

 

Il y a quelques échanges de tir entre les deux artilleries dans le secteur du col du Bonhomme vers 22 h 00.

 

5 février 1918

 

La matinée reste calme. De 12 h 00 à 14 h 30, l’artillerie ennemie envoie 150 minen de moyens et gros calibres sur le Violu et sur le P.A. Regnault. Plusieurs patrouilles de vérification et de surveillance sont envoyées pour vérifier l’état des réseaux et les mouvements éventuels effectués par l’ennemi.

 

Des boyaux sont remis en état. L’organisation défensive de groupe s’effectue en même temps que la pose de fil de fer, le camouflage et l’aménagement des positions restent la priorité absolue.

 

Des exercices d’alerte aux gaz ont lieu dans le C.R. Violu.

 

Les 8e et 12e compagnies du 149e R.I. du C.I.D. sont sur le départ. Elles s’apprêtent à quitter Taintrux pour rejoindre la 4e compagnie qui se trouve à Saint-Dié.

 

Il y a deux blessés au 149e R.I. au cours de cette journée.

 

6 février 1918

 

L’artillerie de tranchée française effectue des tirs de destruction sur les organisations adverses de 1ère ligne. L’ennemi riposte vivement.

 

Dans l’après-midi, les Allemands envoient une cinquantaine de petits minen sur le secteur de Violu nord.

 

Plusieurs patrouilles de surveillance et de vérification sont envoyées tout au long de la journée.

 

7 février 1918

 

Contrairement à ce qui s’est passé la veille, l’activité des deux artilleries reste faible sur l’ensemble de la journée. Mais dans la soirée, il y a quelques tirs sur 907, le Violu et la place Mandray.

 

907

 

Au fil des heures, les hommes s’affairent à leurs tâches, ils posent des réseaux, entretiennent les tranchées et achèvent l’aménagement des G.C..

 

Des exercices d’alerte aux gaz se déroulent au G.C.3 (49-77) et au G.C.4 (48-79).

 

Les 8e et 12e compagnies du C.I.D. du 149e R.I., qui se sont mises en mouvement la veille, s’installent dans des bâtiments de la caserne Kellermann à Saint-Dié.   

 

8 février 1918

 

Les Allemands ripostent dans le sous-secteur A en réponse aux tirs de l’artillerie française. De 13 h 00 à 15 h 00, des minen de tous calibres (une centaine, dont 25 de 240) et une quarantaine d’obus de petit et moyen calibre tombent particulièrement sur les points 50-87, 51-88, 49,83,  sur l’abri 40-65, sur 40-83, sur la tranchée de résistance entre 48-85 et 48-86 et sur le boyau central, entre la tranchée de surveillance et la tranchée de résistance.

 

Les patrouilles habituelles sortent pour vérifier l’état des défenses.

 

Violu_5

 

Les hommes posent du fil de fer. Certaines tranchées sont approfondies.

 

Il y a une sérieuse remise en état des tranchées des P.A. qui se trouvent dans les secteurs de Violu centre et de Violu nord. Celles-ci ont été particulièrement bouleversées par les bombardements ennemis.

 

Des mouvements de relèves intérieures se déroulent dans le secteur du C.R. Grande Goutte.

 

9 février 1918

 

Un tir d’artillerie allemand de minen a lieu de 11 h 00 à 12 h 00 sur le Violu, en réponse à l’artillerie de tranchée française (environ 200 coups).

 

Des patrouilles de vérification de réseaux et de surveillance sont envoyées dans le no man’sland. L’une d’entre elles qui effectue sa sortie entre 14 h 00 et 16 h 30 trouve des traces de pas récentes, ainsi que des journaux allemands, sur son itinéraire au-devant du P.A. Grande Goutte.

 

Une relève intérieure s’effectue dans le secteur du C.R. Violu.

 

10 février 1918

 

La matinée est assez calme. Dans l’après-midi, l’activité des deux artilleries se fait plus violente que celle de la veille. De très nombreux avions survolent le secteur.

 

En riposte aux tirs de l’artillerie de tranchée française, les Allemands envoient des grenades à ailette, des minen de tous calibres et des rafales d’obus de petit et moyen calibre sur le C.R. Violu et sur celui de la Cude.

 

Comme à l’accoutumée, les patrouilles de surveillance et de vérification de réseaux effectuent leurs missions de contrôle.

 

Une relève intérieure  à lieu dans le C.R. la Cude.

 

11 février 1918

 

D’importants travaux d’aménagement ont lieu dans les C.R. occupés par le 149e R.I. à partir de cette date.

Du côté du C.R. la Cude :

 

Le boyau Perrein est approfondi. L’abri 51-92 est amélioré. Une guérite blindée est installée au débouché nord-ouest du boyau Servant. Un important boyau est approfondi dans le secteur du nouveau P.C. de la Cude.

 

Du côté du C.R. Violu :

 

Le  boyau reliant l’abri du collet 907 aux emplacements de pièces d’artillerie est prolongé. Les hommes construisent un emplacement pour les mitrailleuses contre avions en 46-38.

 

Du côté du C.R. Grande Goutte :

 

Le boyau est de 1007 est décapé. Les travaux des abris en 41-68, au Clésio, en avant de 1022 et de l’abri C de 1022, se poursuivent. Les emplacements de mitrailleuses en 38-71, et ceux qui se trouvent vers la borne 2648 en 39-66 sont aménagés.

 

Une conférence sur le nouvel appareil respiratoire de sûreté contre les gaz toxiques a lieu à la caserne Kellermann de Saint-Dié.

Au cours de la journée, il y a un blessé léger non évacué au 149e R.I..

 

12 février 1918

 

Les mouvements nécessaires pour réaliser le dispositif prévu par la note n° 353/3 du 8 février (21e C.A.), fixant la nouvelle limite entre la 167e et la 43e D.I., ont été effectués dans la nuit du 11 au 12.

 

À 12 h 30, l’artillerie de tranchée allemande riposte à la nôtre sur les pentes du Violu et dans le secteur de 907 avec des tirs de minen de tous calibres. Les tirs sont tout de même moins violents que ceux qui ont eu lieu dans  les jours précédents.

 

Poursuite des chantiers commencés la veille dans le secteur du 149e R.I. :

 

Du côté du C.R. Violu :

 

Il y a une forte activité dans le secteur du boyau qui rejoint l’abri du collet 907. Les abris qui se trouvent en 32-30, 34-35, 38-36 sont consolidés.

 

Violu_6

 

Du côté du C.R. Grande Goutte :

 

Le décapage du boyau 1007 (35x080x020)  est en cours. Il faut creuser un boyau à la borne 2644. Les travaux concernant les abris de la Roche du Diable, de l’abri placé en avant de 1022, de l’abri du Clésio et de l’abri du réduit 1022,se poursuivent.

 

L’abri 3871 et l’emplacement de mitrailleuses au point 1025 sont terminés.

 

Des mouvements de relève intérieure sont effectués.

 

Des exercices de port de masque et de vérification des appareils de protection contre les gaz sont réalisés pour les unités du 149e R.I. qui se trouvent dans le C.R. Grande Goutte.

 

Un soldat de la 10e compagnie du 149e R.I. est blessé accidentellement par une grenade.

 

13 février 1918

 

Des patrouilles de reconnaissances et d’embuscades sont envoyées dans le sous-secteur A.  Celles-ci n’empêchent pas les habituelles patrouilles de surveillance et de vérifications des réseaux d’accomplir leurs missions quotidiennes.

 

Poursuite des travaux dans le secteur du 149e R.I. :

 

Du côté du C.R. la Cude :

 

Le boyau 50-93 reliant le boyau Servant est approfondi. Le boyau de la Cabane est déblayé. Le P.C. Violu nord est remis en état. L’abri à munitions du P.C. Masséna est aménagé. Les travaux concernant l’abri de bombardement de la Cude continuent.

 

Du côté du C.R. Violu :

 

Des réparations importantes sont nécessaires pour pallier aux dommages causés par les bombardements allemands.

 

 

Du côté du C.R. Grande Goutte :

 

Le boyau est de 1007 continue d’être creusé. Un autre boyau reliant l’abri C à l’emplacement de mitrailleuses est en construction. L’abri  « Coq de Bruyère » est refait.  De nouveaux abris sont réalisés à la Roche du Diable, au Clésio et à 1022. L’emplacement de tir contre avions en 26-45 est en voie d’édification.

 

 L’emplacement de mitrailleuses prévu en 37-71 est terminé ainsi que le boyau qui donne accès à l’abri C en 1002.

 

Il y a deux blessés au 149e R.I..

 

14 février 1918

 

La journée reste calme. La visibilité est quasiment nulle suite à un brouillard très épais qui empêche l’artillerie de faire son travail.

 

L’ennemi s’active une bonne partie de la nuit dans le secteur de la tranchée de Constantinople, vers 51-81.

 

Les patrouilles habituelles de surveillances et de vérification de réseaux ne remarquent rien de particulier. Une d’entre elles a tout de même trouvé quelques grenades allemandes vers 46-67, à proximité du P.A. Grande Goutte, laissant supposer une visite inopinée de l’ennemi dans le secteur.

 

Poursuite des travaux dans le secteur du 149e R.I. :

 

Du côté du C.R. la Cude :

 

Continuation des abris aux ouvrages à l’ouest de R.88  du  P.C. de combat de la Cude.

 

Du côté du C.R. Violu :

 

Les hommes creusent pour commencer un boyau qui doit relier la tranchée 21 bis (47-79) à l’emplacement de pièces d’artillerie 8 bis.

 

Du côté du C.R. Grande Goutte :

 

Les travaux de construction des abris qui se trouvent dans le secteur de Coq de Bruyère et de la Roche du Diable continuent d’avancer.

 

Le boyau situé vers 26-44 est allongé de 15 m.

 

Continuation d’un boyau vers l’emplacement  de pièces en avant de 1022. Il faut également aménager deux emplacements de pièces à la côte 1007.

 

15 février 1918

 

Quelques minen tombent sur le Violu peu avant 6 h 00.

 

Vers 8 h 00, des petits groupes de deux ou trois Allemands en casquette sont aperçus devant le C.R. la Cude. Quelques coups de fusil les font rapidement disparaître.

 

Poursuite des travaux dans le secteur du 149e R.I. :

 

Du côté du C.R. la Cude :

 

Les travaux engagés dans le boyau Perrein et dans les boyaux reliant le camp de la Cude aux positions de combat sont toujours en cours. Un abri est construit sur les deux pentes nord-ouest de R 88 (45-98) du P.C. de bombardement de la Cude.

 

Du côté du C.R. Violu :

 

Les emplacements des mitrailleuses prévus au collet 907 sont toujours en cours de réalisation.

 

Du côté du C.R. Grande Goutte :

 

Les travaux concernant les abris en 50-96., au P.C. Grande Goutte, à Coq de Bruyère, à la Roche du Diable, au col Nima, au Clésio et en 1022,continuent.

 

De nouveaux aménagements d’emplacements de mitrailleuses sont prévus en 38-71, en 27-57 et 33-57.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes Réf : 26 N 344/7.

 

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

« La 43e Division pendant la campagne de 1918 » Mayence grande imprimerie moderne. 1922.

 

Le fond de carte utilisé pour toutes les illustrations provient du J.M.O. du 112e R.I.T.. Cette carte peut se consulter sur le site « Mémoire des Hommes ». Référence du J.M.O. du 112e R.I.T. : 26 N 796/15. 

 

Un grand merci à  M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

17 avril 2015

Une condamnation à mort au 149e R.I..

Michel_Franssen

Un très grand merci au petit fils du lieutenant-colonel Gothié, qui me donne à nouveau son autorisation de publier ici des documents familiaux.

Dans les archives de son grand-père, il a retrouvé une simple feuille sur laquelle est inscrite la terrible destinée d’un soldat du 149e R.I. nommé Michel Franssen. 

Une_condamnation_a_la_peine_de_mort

Une lettre très émouvante rédigée par la sœur de Michel Franssen est fixée derrière ce document avec une modeste épingle usée par le temps. En voici le contenu :

Vendredi 15 janvier 1915

Monsieur le commandant du 149e Régiment,

Encore toute bouleversée de la lettre qui me revient avec cette inscription : prévention conseil de guerre, lettre que j’avais adressée à mon frère, je viens étant l’ainée de tous, vous demander ce que ce garçon, un si bon fils, et un si bon père, a bien pu faire pour se mettre dans semblable cas, lui qui partait avec tant de courage.

Institutrice à Champigny, je tiens une association, une institution de jeunes filles, voyez d’ici Monsieur le commandant, l’effet produit par cette lettre ! Depuis, je suis nuit et jour en larmes, ne m’expliquant qu’une chose, c’est que ce garçon, grand travailleur, très aimé au « Matin » où il est  chef correcteur, habitué à commander, très surexcité par son métier, a dû se laisser aller à une de ses colères, comme parfois il en a chez lui. Lui qui écrivait de très belles lettres à notre mère, pleine de stoïcisme et d’espoir en leur retour. Pauvre mère, malade depuis trois mois, c’est la mort si une lettre à elle lui revient avec une mention comme celle que j’ai reçue. Aussi, Monsieur le commandant, si au milieu de vos grandes occupations, de vos nombreux soucis, il vous était possible de me faire répondre, je vous en serais infiniment reconnaissante.

Veuillez agréer, Monsieur le commandant, avec mes respects, mes bien sincères remerciements.

Institutrice, officier d’académie.

55-56 rue des Sapins

Plant Champigny

Mais que s’est-il vraiment passé avec Michel Franssen ?

Le 15 novembre 1915, la 12e compagnie du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Gruneïssen, est chargée de défendre un terrain situé au sud du canal d’Ypres à environ 100 m à l’ouest du château d’Hollebeke. La 4e section dans laquelle est intégré le soldat Michel Franssen est positionnée à la gauche de la compagnie.

Ce jour-là, vers 16 h 00, au cours d’un violent bombardement sur les tranchées françaises, le soldat Franssen quitte son sac et son fusil pour s’enfuir vers l’arrière, malgré la demande ferme de son caporal d’escouade qui lui ordonne de reprendre sa place. Ce soldat se retrouve rapidement dans le secteur du 31e B.C.P.. Il fait savoir, à bon nombre de chasseurs, que l’ennemi a renversé le 3e bataillon de son régiment et qu’il ne reste personne dans les tranchées, les hommes s’étant enfuis ou ayant été faits prisonniers. Cette information est, bien sûr, totalement inexacte !

Une plainte est déposée par le lieutenant-colonel Jules Escallon qui commande le 149e R.I. depuis le 3 septembre 1914.

Le soldat Franssen est mis aux arrêts. Une enquête est menée avant qu’il ne soit traduit devant le conseil de guerre de la 43e D.I. qui siège à Bouvigny, dans le Pas-de-Calais.

Condamné à mort le 5 janvier 1915, il voit cette peine commuée en dix années d’emprisonnement à la suite d’une ampliation d’un décret datant du 4 février 1915.

Le document accordant sa « grâce » est signé par le président de la République Poincaré et par le ministre de la Guerre Millerand.  

Après avoir pris connaissance de ce nouveau verdict, Michel Franssen est envoyé au pénitencier militaire de Gaillon, pour y purger sa peine. En septembre 1915, il fait une demande écrite pour réintégrer une unité combattante. Celle-ci est transmise, avec l’avis favorable du commandant du fort, aux autorités compétentes. Il obtient une réponse positive à sa requête. La peine qu’il lui reste à effectuer est aussitôt suspendue jusqu’à la fin des hostilités.

L’homme sait qu’il va devoir retourner au front, l'idée étant qu'il se rachète de sa faute par son action.

En octobre 1915, le soldat Franssen est affecté au 158e R.I., le régiment frère de brigade du 149e R.I.. Il quitte le département de l’Eure certainement « bien encadré » pour éviter tout risque de fuite… Une fois intégré dans sa nouvelle unité, il ne pourra, en aucun cas, faire valoir son statut de territorial pour essayer d’obtenir une autre mutation ailleurs.

Il est tué au combat le 31 mars 1916 à Verdun.

Le nom de ce soldat est gravé dans la pierre du monument aux morts de la ville d’Aulnay-sous-Bois.

Qui était Michel Franssen ?

Né de l’union de Gustave Nicolas Auguste Franssen et de Clémence Jatot, Michel voit le jour le 10 septembre 1878 au Pré Saint-Gervais, une commune située au sud du département de la Seine-Saint-Denis.

Son père exerce, dans un premier temps, la profession de correcteur, avant de devenir libraire. C’est un militant proche des libertaires.

Dictionnaire_des_militants_anarchistes

Durant son jeune âge, Michel Franssen a certainement côtoyé Sébastien Faure, Émile Pouget et Albin Villeval.

Michel Franssen épouse Marie Marguerite Jeanne Mathis. De cette union naîtront deux enfants.

Chef correcteur d’imprimerie à Paris, il est fait officier d’académie en même temps que sa sœur. Publication dans le J.O. du 10 février 1914.

Gallica

Soldat de la classe 1900 de tirage de la subdivision de la Seine avec le numéro 133, il appartient à la classe 1898 par son âge. En vertu d’une convention passée entre la France et la Belgique, pays d’origine de son père, il effectue une année de service militaire dans l’armée française. C’est avec le statut de territorial qu’il est intégré au 149e R.I. au début du conflit. Il arrive à Dickebuch le 9 décembre 1914, sans aucune expérience du front. Dès le lendemain, à la tombée de la nuit, il est envoyé avec sa compagnie, dans une tranchée de première ligne. Il y reste jusqu'au moment où il est pris d'une crise de panique.

Sources :

Documents et informations communiquées par la famille descendante du lieutenant-colonel Gothié.

Archives et dossier de condamnation consultés aux Services Historique de la Défense de Vincennes.

Le journal officiel du 10 février 1914 a été consulté sur le site de la bibliothèque numérique « Gallica ».

Dossier des recours en grâce de condamnés à mort 1900-1916 :

Dossiers_de_recours_en_gr_ce

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à D. Gothié, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

10 avril 2015

Deux lettres rédigées par le colonel Boigues en juin 1918.

Colonel_Boigues_2

Le colonel Boigues vient d’être informé de l’état de santé du capitaine Gérard par un courrier envoyé par le capitaine Alexandre de Parseval. L’officier, qui commandait le 149e R.I. il y a encore quelques mois, n’est pas vraiment au courant de la gravité de la blessure infligée à son ancien subordonné. Une lettre rédigée par le capitaine Gérard et sa mère lui parvient quelques jours plus tard… Malgré sa charge de travail, il s’empresse de répondre le jour même.

24 juin 1918

Cher ami,

Votre lettre m’arrive ce matin et je veux m’arracher au monceau de papiers qui encombre ma table, pour vous dire combien je suis désolé de vous savoir si douloureusement atteint.

Je vous félicite bien vivement, et de votre belle conduite qui ne m’étonne pas connaissant votre ardeur et votre dévouement sans borne et aussi, de la distinction dont vous venez d’être l’objet et que vous avez si bien méritée.

Très bon courage, confiance et patience, les beaux jours reviendront après la souffrance. C’est un mérite de plus à ajouter aux vôtres que de la supporter par amour pour notre belle France.

J’ai des moments de tristesse quand je me vois confiné à une besogne de bureau alors que je pourrais, dans la vie active, rendre de meilleurs services. J’en arrive à comprendre le sentiment des gens qui considèrent les E.M. comme une caste à part. À citer ces officiers qui y sont, parce qu’indispensables, il y en a aussi d’autres, j’en suis certain, qui y trouvent le filon. C’est une réalité qu’il faudrait faire disparaître, qui est d’autant plus fâcheuse qu’elle prédispose les corps de troupe à juger indistinctement tous les états-majors en bloc.

J’ai eu des nouvelles du 149e R.I. par de Parseval. Il m’avait annoncé votre blessure sans rien préciser. Il me dit aussi que son frère André a été blessé à la jambe et il ajoutait que le régiment s’était couvert de gloire.

J’ai écrit à Husson, pour avoir des nouvelles de tous mes vieux camarades.

Ne vous fatiguez pas à m’écrire. Priez simplement un de vos voisins de m’envoyer de vos nouvelles, car je serais désolé que vous preniez quelque peine à mon sujet.

Vous voudrez bien présenter à Madame votre mère, qui a bien voulu ajouter quelques mots à votre lettre, mes remerciements et respectueux hommages.

Sa présence doit être pour vous un rayon de soleil et un puissant réconfort.

Bien affectueusement à vous,

Mes meilleurs souhaits de rétablissement,

Quelques jours plus tard, le colonel Boigues apprend le décès du capitaine Gérard, il rédige une lettre à la mère du jeune homme.

4 juillet 1918

 Madame,

La poste m’apporte aujourd’hui votre lettre et je veux sans tarder, en vous exprimant la part très vive que je prends à votre douleur, vous apporter le témoignage de ma profonde et respectueuse sympathie.

J’avais, pour le capitaine Gérard, une véritable affection, basée sur les grandes qualités morales qu’il possédait, sur son absolu dévouement, sur la conception si nette et si élevée qu’il se faisait du devoir.

Très instruit, très doué, très intelligent, la vie semblait lui sourire et lui permettre de belles destinées.

Que, du moins, la pensée qu’il meure en héros, pour notre chère France, soit un adoucissement à votre chagrin, ainsi que la certitude que tous ceux qu’il a connus éprouvent aujourd’hui les mêmes amers regrets.

Dieu lui a donné sûrement la récompense de ses mérites.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes respectueux hommages.

Croyez à mon plus fidèle souvenir.

Colonel Boigues Chef d’E.M. du 16e C.A. secteur postal 138.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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