Originaire du département du Nord, Georges Armand Auguste Lemire voit le jour le 6 décembre 1893. Son acte de naissance est enregistré à la mairie de Solesmes. Georges Aimé, son père, exerce le métier de bijoutier. Il a 25 ans lorsque son épouse, Désirée Ismérie Lagny, donne naissance à leur fils. Cette dernière est âgée de 24 ans, et a la chance d’être propriétaire.
Le 17 mars 1898, le couple Lemire a une petite fille qu’il prénomme Marthe Adeline. Georges Aimé travaille maintenant comme horloger, certainement avec son père qui tient son atelier dans la même rue.
Plus tard, la famille Lemire décide de déménager à Saint-Quentin. Il n’y a probablement pas assez de travail pour tous.
Georges Aimé et Désiré Ismérie laissent, derrière eux, la minuscule entreprise du grand-père de leurs deux enfants pour tenter leur chance dans une grande ville. La date de leur départ n’est pas connue. Une recherche dans l’unique registre de recensement de la commune de Solesmes, consultable sur le site des archives départementales du Nord, nous apprend simplement qu’ils ne vivent plus dans cette ville en 1906.
La lecture de la fiche signalétique et des services de Georges Armand Auguste Lemire notifie qu’il est horloger, ce qui est peu surprenant, puisque les Lemire travaillent dans ce métier depuis déjà plusieurs générations. Rouages, oscillateurs et échappements n’ont plus aucun secret pour eux depuis fort longtemps. Mais cette spécialité professionnelle ne semble pas convenir à notre intéressé.
Désireux de changer radicalement de mode de vie, Georges Armand Auguste décide de contracter un engagement volontaire le 2 mars 1912. Il est à peine âgé de 19 ans à cette date. Le consentement paternel est donc nécessaire pour mener à bien cette démarche. Une fois ce consentement obtenu, il signe pour une durée de 3 ans. Il quitte son appartement, 13 rue de Vesoul, pour aller vivre à la caserne.
Le jeune homme a de la chance puisqu’il est incorporé au 87e, le régiment d’infanterie de la ville de Saint-Quentin. Il peut ainsi profiter d’un environnement connu durant encore quelque temps.
Son engagement volontaire lui permet de faire rapidement la formation de caporal puisqu’il est nommé dans ce grade le 27 septembre 1912.
Le 1er octobre 1913, Georges Armand Auguste Lemire est affecté au groupe cycliste de la 3e D.I. de cavalerie. Il se retrouve muté au 18e B.C.P. dont l’unité à bicyclette tient garnison à Compiègne.
La vie de caserne, quelque peu routinière dans son quotidien, dure encore quelques mois. Mais les relations avec l’Allemagne s’enveniment de plus en plus, annonçant une guerre inévitable.
Le 3e groupe cycliste, sous les ordres du capitaine Gendre, fait partie des troupes de couverture. Il se rassemble dès le 31 juillet 1914 à Champlin, dans les Ardennes, prêt à intervenir en cas de besoin.
Le 4 août, le caporal Lemire apprend la déclaration de guerre allemande.
Le 8 août, il est aux portes de Liège avec les hommes de son escouade, mais l’ordre de la retraite est rapidement donné. Georges Armand Auguste participe ensuite à la bataille de la Marne. Le 7 septembre, il est du côté d’Ormoy-villers.
Georges Armand Auguste Lemire gagne ses galons de sergent le 28 septembre 1914 en même temps que son unité contribue à la prise du village de Maucourt.
En 1915, le sergent Lemire participe à une grande offensive en Artois.
Il est nommé adjudant le 31 mars 1916, puis sous-lieutenant de réserve à titre temporaire le 30 avril.
Le 15 mai 1916, il quitte le groupe cycliste, qui vient de perdre une grande partie de ses effectifs, et qui va servir à construire un fragment du 9e cuirassier à pieds, pour être envoyé au 149e R.I..
Georges Armand Auguste Lemire est affecté à la tête d’une section de la 9e compagnie du régiment, commandée par le capitaine Delung.
Fraîchement nommé, il n’a aucune connaissance de l’art de commander un groupe important de soldats. Le sous-lieutenant Lemire est envoyé en formation pour suivre les cours des chefs de section.
Cet enseignement lui est donné au centre d’instruction du 21 C.A. entre le 22 mai et le 10 juin 1916.
La compagnie dans laquelle il est versé à son retour d’instruction n’est pas connue.
La photographie suivante le représente en compagnie de camarades, tous officiers au 3e bataillon du 149e R.I..
Hélas pour nous, la date et le lieu où ce cliché a été réalisé ne sont pas connus, ce qui n’est pas très aidant.
Les noms de Fabre, de Bloch, de Mouren, de Lemire et de Vidal ainsi qu’un nom difficilement déchiffrable sont inscrits au dos de la photographie.
Le sous-lieutenant Lemire participe ensuite à la bataille de la Somme. Le 4 septembre 1916, son régiment doit reprendre le village de Soyécourt. L’attaque est fulgurante. Sa réussite est complète.
Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés le 4 septembre 1916, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.
Le lendemain, Georges Armand Auguste Lemire est touché par une balle, qui provoque une plaie en séton, au moment où il consolide la position conquise avec ses hommes. Son action, commencée la veille, lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée.
Le sous-lieutenant Lemire est envoyé vers l’arrière pour y subir des soins. De retour de convalescence, il est affecté provisoirement à la 6e compagnie du 149e R.I. le 18 novembre 1916. Le régiment est encore en activité dans le département de la Somme. Georges Armand Auguste Lemire prend par la suite le commandement d’une section de la 11e compagnie.
Le 3 janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau, qui commande le 149e R.I. à cette époque du conflit, écrit la petite note suivante dans le mémoire de proposition pour le grade de sous-lieutenant à titre définitif de son subordonné. : « Brillant chef de section, actif, énergique, donnant à ses hommes l’exemple de l’entrain et du devoir. Deux citations. Collaborateur précieux pour son commandant de compagnie. »
Le 149e R.I. s’est installé dans un secteur à l’ouest du fort de la Malmaison, dans une zone située à l’extrême gauche du chemin des Dames, du côté de Billy-sur-Aisne, Jouy, Aizy et des fermes Hameret et du Toty, alternant ses séjours en 1ère ligne, en 2e ligne et en périodes de repos à l’arrière.
Durant plusieurs mois, le régiment ne participe pas à une grande offensive, mais le secteur occupé en 1ère ligne est instable et régulièrement bombardé.
Le jeune officier est promu sous-lieutenant de réserve à titre définitif le 1er mai 1917.
Quelques semaines plus tard, Georges Armand Auguste Lemire bénéficie d’une permission du 3 au 10 juin.
De retour dans la zone des armées, il est mortellement blessé le 19 août 1917 au quartier dit des 3 communes Aizy-Jouy-Bovettes.
Dans le coma, il est évacué d’urgence au petit poste de secours qui partage son emplacement avec le P.C. de la 9e compagnie. Ce poste de secours se trouve à proximité du lieu où s’est déroulé l’évènement tragique.
Les circonstances de la mort de Georges Armand Auguste Lemire sont évoquées de manière très détaillée dans le témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez. Voici ce qu’il écrit :
« Derrière nous, à environ 600 m, le dépôt de munitions du bataillon saute, touché par un obus. Il est attenant au P.C. de la 11e compagnie, dans la tranchée de première ligne du Cuivre…
…Pensant que l’explosion a fait des victimes, je rentre, pour avoir des renseignements à mon P.C., où il viendra peut-être des blessés. On amène en effet un brancard…
…c’est le sous-lieutenant Lemire, l’un des meilleurs officiers du régiment… L’artère fémorale est coupée…
…Il avait été chargé, après l’explosion, de faire ramasser les grenades éparpillées, un travail très dangereux par l’amorçage accidentel de nombre de ces engins. Un homme passant près de lui, en avait heurté une du pied, la faisant exploser dans les jambes. »
Pour en savoir plus sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :
Le caporal Michel Fernand Léon Touchard et le soldat Julien Marcelin Alphonse Ollier, tous deux du 149e R.I.,témoignent de son décès auprès l’officier d’état civil du régiment.
Le 21 août 1917, le sous-lieutenant Lemire est inhumé dans le cimetière de Billy-sur-Aisne.
Son acte de décès est transcrit à la mairie de Solesmes le 23 septembre 1919.
Le corps de cet homme a probablement été restitué à la famille dans les années vingt.
Le nom de cet officier est inscrit sur les monuments aux morts des villes de Saint-Quentin et de Solesmes, sur les plaques commémoratives de l’école Jumentier et de la basilique de Saint-Quentin ainsi que sur la plaque commémorative de l’église Saint-Martin de Solesmes.
Georges Armand Auguste Lemire est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.
Ses parents sont retournés vivre à Solesmes probablement après avoir fui l’occupation allemande de Saint-Quentin.
Citations obtenues :
Cité à l’ordre n° 1 du 3e groupe cycliste en date du 25 mars 1915 :
« Parti comme caporal, s’est affirmé à plusieurs reprises comme chef de groupe incomparable, a dirigé avec compétence plusieurs patrouilles délicates. »
Cité à l’ordre du 21e C.A. n° 286 en date du 12 septembre 1916 :
« A magnifiquement entraîné sa section à l’attaque d’un village le 4 septembre 1916, a fortement contribué à l’organisation de la position conquise. A été blessé en dirigeant ce travail. »
Autre décoration :
Chevalier de la Légion d’honneur (J.O. du 17 octobre 1917). Cette décoration prend rang le 20 août 1917) :
« Jeune officier possédant au plus haut degré le sentiment du devoir et de brillantes qualités de commandement. Est, pour ses hommes, un vivant exemple d’abnégation et de sang-froid, les encourageants par son entrain dans les circonstances difficiles. A été grièvement blessé pour la deuxième fois, le 19 août 1917 alors qu’il dirigeait la réfection d’une tranchée bouleversée par un violent bombardement. Deux fois cité à l’ordre. »
Georges Armand Auguste Lemire détient un petit dossier dans la base Léonore. Pour le consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.
Sources :
Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.
Historique du 149e R.I.. Épinal, imprimerie Klein. 1919.
Historique du 3e groupe cycliste. Numérisation P. Chagnoux, 2009.
Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.
La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance de cet officier ont été lus sur le site des archives départementales du Nord. Ce site a également permis une reconstitution partielle de la généalogie du sous-lieutenant Lemire.
Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Nord.