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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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7 décembre 2018

Eugène Maurice Bénard (1896-1918).

Eugene_Maurice_Benard

Originaire de l’ancien département de la Seine-Inférieure, actuellement nommée Seine-Maritime, Eugène Maurice Bénard voit le jour le 30 décembre 1896. Ses parents, mariés à Mélamare, vivent depuis quelques années à Saint-Nicolas-de-la-Taille, une commune avoisinante. Le père, Séverin Édouard, ouvrier potier, est âgé de 38 ans. La mère, Palmire Eugénie Renault, journalière, est âgée de 34 ans. Ce jour-là, elle donne vie à deux enfants. Le jumeau est prénommé Paul André.

Eugène Maurice quitte l’école communale en sachant lire et écrire. Embauché dans une usine de la région, il y travaille comme simple ouvrier. 

Trop jeune au moment de la déclaration de guerre contre l’Allemagne, il n’est pas concerné par la mobilisation générale, n'étant ni réserviste ni sous l’uniforme.

Son frère ainé, Séverin Auguste est tué au bois de la Gruerie en janvier 1915. Le père, qui ne se remet pas de la mort de son fils, décède en septembre. 

Cette même année, les jumeaux se présentent devant le conseil de révision qui doit examiner les hommes du canton de Lillebonne. Ces deux frères étant fragilisés par des problèmes de santé, le conseil les classe, tous deux, dans la 5e partie de la liste. Ils sont ajournés, en attendant un nouvel examen médical. Eugène Maurice bénéficie de plusieurs mois supplémentaires de vie civile, avant d’être déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision chargé d’examiner la classe 1917.

Paul André est incorporé beaucoup plus tard, au 24e R.I., en avril 1918.

Le 10 août 1916, Eugène Maurice Bénard intègre, avec les jeunes de la classe 1917, une compagnie du dépôt du 28e R.I. pour y être formé au maniement des armes et instruit des rudiments de la vie et de discipline militaire.

Après avoir intégré les premiers apprentissages militaires, il est envoyé dans la zone des armées. Nous ne saurons ni où, ni quand. Sa fiche signalétique et des services, lacunaire sur cette période, reste muette sur le sujet, comme presque toujours dans le cas d’un soldat qui n’est pas revenu.

Ce document nous permet simplement d’apprendre qu’il a été envoyé au 149e R.I. le 19 novembre 1917.

Cependant, une observation fine de son portrait permet d’en savoir un peu plus sur son parcours de soldat. Nous pouvons lire le numéro 228 sur l'encolure de sa veste.

En consultant le J.M.O. de cette unité, nous apprenons que la date de dissolution de ce régiment précède seulement de 9 jours son arrivée à la 6e compagnie du 149e R.I.. Cette information augmente fortement la probabilité de son appartenance au régiment de réserve du 28e R.I..

Eugène Maurice rejoint sa nouvelle unité qui, depuis le 1er novembre 1917, est au repos dans des cantonnements situés à l’ouest de Montmirail. Le 149e R.I. se remet tout doucement de l’attaque de la Malmaison qui a eu lieu le 23 octobre.

Au début du mois de décembre, les trois bataillons du régiment partent s’installer dans la région d’Hérimoncourt, près de Montbéliard, pour y effectuer des travaux de 2e ligne.

Herimoncourt

Mi-janvier 1918, Eugène Maurice Bénard est envoyé dans les Vosges. Sa compagnie occupe un secteur proche du Violu, une zone de combat relativement calme à cette époque du conflit.

Pour en savoir plus sur ces périodes, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Le_Violu

Le régiment quitte cette zone mi-avril pour aller reprendre l’instruction du côté de Royalieu, situé au nord-ouest de la forêt de Compiègne.

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Lieux_de_cantonnements_de_la_85e_Brigade___partir_du_17_mai_1918

Fin mai 1918, le régiment d’Eugène Maurice Bénard est envoyé d’urgence avec les autres unités de la 43e D.I. du côté d’Arcy-Sainte-Restitue, une commune qui se trouve dans l’Aisne. Les éléments de plusieurs divisions tentent d’enrayer une vaste offensive allemande qui pourrait vite tourner au désastre pour l’armée française. Le soldat Bénard ne survit pas à cette attaque. Le 28 mai, un éclat d’obus lui fracture une jambe, causant vraisemblablement une hémorragie mortelle.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Branges_2013

Son passage au 149e R.I. n’aura duré que quelques mois.  Il meurt à l’âge de 22 ans.

Le journal officiel du 4 septembre 1920 nous apprend que le soldat Bénard a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume.

« Soldat dévoué et courageux. Est tombé glorieusement frappé à mort, le 28 mai 1918, devant Branges ».

Cette citation lui donne également droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Mélamare.

Eugène Maurice Bénard ne possède pas de sépulture militaire individuelle. Il ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Son jumeau qui a survécu à la Grande Guerre, se marie en 1920 à Mélamare.

Sources :

Historique du 149e R.I. Imprimerie Klein Épinal 1919.

J.M.O. du 228e R.I.  ref : 26 N 721/10

Fiches signalétiques et des services et actes de naissance des jumeaux Bénard consultés sur le site des archives départementales de la Seine-Maritime.

Le portrait de Maurice Eugène Bénard a été trouvé sur le site  « MémorialGenWeb »

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à D. Conseil et aux archives départementales de la Seine-Maritime. 

30 novembre 2018

La Malmaison, octobre 1917, les officiers du 2e bataillon du 149e R.I..

Officiers_du_2e_bataillon_du_149e_R

Trouver une photographie en parfait état de conservation avec tous les noms des hommes inscrits au dos, plus de cent ans après sa réalisation, est un fait assez exceptionnel. C’est le cas du tirage présenté ici.

Ce « noir et blanc » a été réalisé le 30 septembre 1917 à Troësnes, un petit village situé dans le département de l’Aisne. Ce cliché nous montre l’intégralité du groupe d’officiers qui commande les différentes unités du 2e bataillon du 149e R.I..

Depuis la veille, les responsables du bataillon sont au repos, logés chez l’habitant.

Les 5e, 6e, 7e compagnies et la 2e compagnie de mitrailleuses arrivent de Septmont, après y avoir fait une halte de 24 heures. Elles reviennent d’un séjour passé en 2e ligne du côté du Vervins et de la ferme Volvreux.

La représentation « silhouette » suivante permet une identification aisée de tous ces hommes.

Silhouettes_des_officiers_du_2e_bataillon_du_149e_R

1 : Capitaine Joseph Delung

2 : Commandant Louis Schalk

3 : Lieutenant Marie Joseph Chauffenne

4 : Sous-lieutenant Césaire Ernest Alexis Bourriot

5 : Sous-lieutenant Escudier

6 : Sous-lieutenant Clément Huc

7 : Sous-lieutenant André

8 : Médecin Joseph Antoine Laurent Chabriat

9 : Sous-lieutenant Daniel Charles Armand Widemann

10 : Sous-lieutenant Maurice Blot

11 : Lieutenant Paul Benoit

12 : Lieutenant Paul Kolb

13 : Lieutenant René Jacques Lobstein

14 : Sous-lieutenant Edmond Édouard Grégoire

15 : Lieutenant Charles Auvert

16 : Sous-lieutenant Maginot

Le tableau ci-dessous montre les affectations connues des officiers dans les différentes compagnies du bataillon. Elles pourront être complétées au fur et à mesure des découvertes.

Composition_du_2e_bataillon_du_149e_R

La quasi-totalité de ces officiers participera dans quelques semaines à la bataille de la Malmaison. Le cliché nous donne donc un instantané de l'encadrement du bataillon juste avant l'attaque.

Le 2e bataillon a été désigné comme bataillon de réserve durant la 1ère phase de l'offensive, avant de devenir bataillon de soutien durant la 2e phase. C’est en fait l’unité du régiment qui fut la moins exposée durant les combats. Seule sa 5e compagnie a été réellement engagée en tant qu’unité de nettoyeurs de tranchées. Son chef, le lieutenant Auvert, est tué le 23 octobre 1917. Le sous-lieutenant Blot, qui commande une section de cette compagnie, est grièvement blessé. Il décède dans la nuit du 23 à l'hôpital d’évacuation n° 18 de Couvrelles.

Le lieutenant Benoit et le sous-lieutenant Huc trouvent la mort deux jours plus tard au cours d’une mission de reconnaissance offensive.

Les_officiers_du_2e_bataillons_du_149e_R

Le commandant Schalck, le capitaine Delung et le sous-lieutenant Kolb, ce dernier ayant été promu capitaine, ne survivront pas à la guerre. Le capitaine Delung sert au 1er régiment Somalis lorsqu’il trouve la mort.

Les_officiers_ayant_appartenu_au_2e_bataillon_du_149e_R

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi et à la famille descendante du capitaine Delung. 

23 novembre 2018

Louis Joseph Auguste Lesprit (1888-1914).

Louis_Lesprit

Louis Joseph Auguste Lesprit est né le 4 juin 1888 dans la petite commune d’Odival située dans le département de la Haute-Marne. Son père, Marcel Émile, travaille comme coutelier dans une des nombreuses petites entreprises locales. Cet homme est âgé de 29 ans, lorsque son épouse, Marie Florentine Célestine Jacob donne vie à Louis, leur 1er enfant. Cette femme qui a 27 ans, s’épuise à la tâche dans le dur métier de lingère. Le couple donne également naissance à trois filles au cours des huit années suivantes.

Élève à l’école communale du village, Louis quitte son instituteur en sachant lire, écrire et compter.

L’adolescent est ensuite formé à l’art de la cisellerie nogentaise. L’apprentissage est censé être long. En effet, la coutellerie et la cisellerie régionale ont une réputation d’excellence. Louis sait qu’il va devoir s’armer de patience pour maîtriser tous les savoir-faire de cette profession.

L’année de ses vingt ans, il est déclaré bon pour le service armé par le conseil de révision qui vient de tenir réunion à la mairie de Nogent. Il est temps pour lui de penser à revêtir l’uniforme.

Louis est obligé de quitter la Haute-Marne pour se rendre dans la région vosgienne. Le 6 octobre 1909, il pose le pied sur les quais de la gare d’Épinal juste avant de franchir le portail de la caserne Courcy. Il intègre les effectifs d’une compagnie du 149e R.I. qui tient garnison dans cette ville. 

Moins de deux ans plus tard, le soldat Lesprit passe dans la disponibilité de l’armée active. Ayant répondu à la demande républicaine concernant « l’impôt de sang » il peut maintenant retourner vivre dans son village natal, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

Le jeune homme retrouve sa forge et sa meule professionnelle qu’il ne quittera que pour aller faire une période d’exercice militaire entre le 29 août et le 20 septembre 1913. De retour à la maison, il ne sait pas encore qu’il ne lui reste plus que quelques mois de tranquillité.

Louis Lesprit doit de nouveau abandonner ses outils de travail en août 1914. Cette fois-ci, c’est pour cause de guerre. Le conflit contre l’Allemagne en est à ses tout débuts.

Il rejoint le dépôt du 149e R.I. le 1er août 1914.

En tant que réserviste, le soldat Lesprit fait partie des éléments du 2e échelon du régiment.

Le 4 août, l’ancien ciselier retrouve son unité qui cantonne dans le secteur de Vanémont.

Louis est affecté à la 4e compagnie, sous les ordres du capitaine Altairac.

Cette compagnie subit le baptême du feu dans une attaque qui a lieu autour du signal de Sainte-Marie, à la frontière allemande. Louis Lesprit sort indemne de cette première expérience de combat. 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Renclos_des_Vaches_2

Louis n’aura pas la chance de devenir un soldat aguerri. Son nom est inscrit sur la liste des disparus du J.M.O. du 149e R.I. à la date du 21 août 1914. Cette journée-là, le régiment est en pleine déroute dans le secteur d’Abreschviller.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte_2_journee_du_21_aout_1914

Comme le prouve l’existence d’une fiche réalisée par le Comité International de la Croix Rouge, une recherche fut entreprise par les proches du soldat Lesprit. Sa famille espérait un internement dans un camp de prisonniers en Allemagne.

Louis_Lesprit_Fiche_Comite_International_Croix_Rouge

Ce n’est que le 22 février 1922 que le décès de cet homme est officialisé de manière administrative. Sa mort est validée pour le 21 août 1914, date de sa disparition.

Le soldat Lesprit fut décoré de la Médaille militaire à titre posthume. (J.O. du 27 juin 1922) :

« Soldat courageux et méritant. A trouvé une mort glorieuse dans les combats de Val-et-Chatillon, le 22 août 1914. »

Cette citation lui donne aussi le droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

Louis est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Le nom de ce soldat est inscrit sur le monument aux morts de la ville d’Odival.

Inhumé dans un premier temps à Val et Chatillon, son corps est restitué à la famille dans les années 20. Louis Lesprit repose actuellement dans une sépulture civile du cimetière communal d’Odival, comme l’atteste une plaque avec portrait gravée à son nom, déposée par les siens.

Louis_Lesprit

Sources :

L’acte de naissance et la fiche signalétique et des services de cet homme ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

La photographie de la plaque mortuaire a été réalisée par P. Baude.

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à A. Carobbi, à J. Horter, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du département de la Haute-Marne. 

16 novembre 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez (7e partie). Le quotidien d’un officier dans un secteur instable.

Paul_Vincent_Constantin_Douchez

La compagnie du sous-lieutenant Douchez est en première ligne depuis le 15 août 1917. Le secteur qu’elle occupe est compris entre l’extrémité opposée de la tranchée Rousseau, la tranchée du Cuivre et le boyau des Bovettes. L’endroit n’est vraiment pas de tout repos. Paul Douchet doit tenir encore quelques jours avec la poignée d’hommes qui lui reste avant de pouvoir être relevé par des éléments de la 2e compagnie du 149e R.I..

21 août 1917

L’ordre m’est donné de passer mon secteur à la section de Berteville, pour me porter dans la tranchée de soutien Peltier. Jamais je n’ai vécu une période de lignes aussi instable.

Chacune de ces mutations exige l’étude de la nouvelle position : appliquer les consignes qu’il faut souvent modifier ou qui, inexistantes, doivent être créées, telles que la répartition du service de jour et de nuit, l’adaptation aux nécessités de la défense de mon effectif, fortement diminué par les prélèvements continuels de toutes espèces (liaisons du bataillon et de la compagnie, hommes pigeons, hommes chiens, cuisiniers, bureaucrates, cours spéciaux, service des porteurs, blessés, intoxiqués, malades, permissionnaires, préventionnaires du conseil de guerre que l’on exempte du service des tranchées ! etc…)

Secteur_ou_se_trouve_la_tranchee_du_Cuivre

Il y a également les reconnaissances de liaison, l’étude de la position ennemie, les comptes-rendus d’installation et les événements de la journée et de la nuit. Il faut aussi faire les rapports, les topos, les demandes de matériel et les propositions de travaux.

Seul le sommeil n’est pas prévu pour l’officier en secteur agité.

Quant aux gradés et aux hommes, c’est, à chaque fois, le transfert du « barda », l’aménagement ou le creusement des cagnas, les travaux nouveaux, les consignes nouvelles, les cheminements à retenir.

Dès que le médecin-major Bernère connaît mon départ, il profite d’une de mes rondes pour faire porter, hors de mon P.C., la caisse de grenades, et hors du poste de secours, des fusées-signaux que j’ai dû y caser. À mon retour, je fais remettre le tout en place, en l’invitant à ne toucher à rien avant mon départ. Il montre son inquiétude avec ce que je laisse sur ma planchette concernant les consignes pour mon successeur !

Tranchee_Peltier_et_boyau_Lemire

Au cours de la nuit, je relève une section de la 10e compagnie à la tranchée Peltier, depuis le boyau Cibot jusqu’au boyau Lemire, nom donné en mémoire de notre jeune camarade tué avant-hier.

J’ai, pour ma section, deux bons abris qu’elle achève d’étayer. Près d’eux, j’ai un petit abri amorcé, un simple trou dans la terre. Je continue, avec mon ordonnance, de le creuser à la pelle-pic pour pouvoir m’y allonger. Des sacs de terre me servent de couchette.

La tranchée, bien repérée, est soumise à un bombardement intermittent par rafales rapides de quatre obus de 105, avec de temps à autre, des 88. Elle est presque rectiligne, peu pourvue de pare-éclats, ce qui accroît les dangers de son occupation.

Par contre, cette disposition permet de réduire le service de guet à deux postes de F.M. et un poste de grenadiers à effectifs restreints.

22 août 1917

Deux fois dans la journée, je parcours la tranchée en cours de bombardements prolongés. Je la trouve vide. Les guetteurs sont rentrés précipitamment dans les abris à l’exemple des caporaux et du sergent. Je leur inflige un tour de veille supplémentaire et quatre jours de prison avec menace de conseil de guerre en cas de récidive.

Je me ressens des gaz respirés le 19. Presque tous mes hommes éprouvent ces malaises. Je résiste pour ne pas provoquer de nouvelles évacuations. Mon dernier sergent se fait évacuer.

Privé de sommeil depuis plusieurs nuits, sans compensation diurne, je suis exténué.

Le sous-lieutenant David de la 2e compagnie vient reconnaître la position de relève. En lui passant les consignes, je m’affaisse dans la tranchée, pris d’un évanouissement. Il n’y a pas d’eau. Je reviens à moi assez vite, ce qui empêche qu’on me verse dans la bouche l’infecte « gnole » dont j’aurai refusé, durant toute la campagne, d’absorber la moindre goutte.

23 août 1917

Deux heures avant l’arrivée du bataillon de réserve, un brusque et vigoureux barrage, auquel répondent nos canons, s’établit sur toute la position, avec l'accompagnement ordinaire de la gamme des fusées. Tout le monde est alerté. Je reçois l’ordre, de me porter en contre-attaque au cas où la première ligne (ma position de l’avant-veille), que nous appuyons à une centaine de mètres, serait enlevée, afin de la reprendre ou en cas d’impossibilité, d'endiguer, coûte que coûte, la progression ennemie.

J’ai instruit ma poignée d’hommes, 8 ou 9 sur 42, si j’ai bonne mémoire, sur ce que j’attendais d’eux et de leur rôle respectif. Nous nous préparons à la seule solution qui est d’aller se faire tuer dans la tranchée Rousseau en le faisant payer le plus cher possible.

Deux hommes se coulent sur le parapet pour chercher un cheminement dans les réseaux. L’obscurité, l’enchevêtrement des « bruns », la nécessité que tous « se serrent les coudes », me décident, si nous devons exécuter cette contre-attaque, à suivre simplement les boyaux. Mes hommes et caporaux ont une attitude parfaite.

Par bonheur, l’attaque échoue, ce qui nous épargne un sacrifice inutile. En raison de la crânerie générale dans la tranchée bombardée, je lève les deux punitions de la veille.

La relève s’effectue dans d’excellentes conditions. Un calme inespéré, ce qui arrive souvent dans les secteurs mouvementés, succède au grand « raffut ». Nous retournons à Billy-sur-Aisne.

Le fait de donner le nom d’une personne à une tranchée ou un boyau n’est jamais le fruit du hasard. Loin d’être un simple surnom validé temporairement par une compagnie et qui pourrait être facilement débaptisé, ce surnom est inscrit sur les cartes officielles afin d’être conservé par les régiments qui assurent les relèves suivantes dans le secteur. À titre d’exemple, le boyau Lemire est nommé ainsi en mémoire d’un sous-lieutenant du 149e R.I  qui a été tué à proximité.

Pour en savoir plus sur cet officier, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

Sous_Lieutenant_Lemire_

Sources 

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

La photographie et le portrait peint du sous-lieutenant Douché utilisés sur les montages proviennent du même fond.

Le plan qui localise la tranchée Peltier et le boyau Lemire a été réalisé à partir d’une carte trouvée dans le J.M.O. du R.I.C.M. Réf : 26 N 868/2. Une partie de celle-ci est employée sur le dernier montage. La fiche du sous-lieutenant Lemire est extraite du site « mémoire des hommes ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

9 novembre 2018

Georges Julien Champagneur (1890-1918).

Georges_Julien_Champagneur

Louis Julien Marius Champagneur et Louise Célina Authier vivent à Sévérac-le-Château, une commune située dans le département de l’Aveyron, lorsque leur fils Georges Julien voit le jour le 17 octobre 1890.

Le père travaille comme chauffeur. Responsable du feu de locomotives à vapeur, il exerce probablement son métier dans le grand dépôt de Séverac-gare, dans un quartier peuplé de cheminots, construit à la fin du XIXe siècle. La mère, Louise Célina, n’exerce pas de travail rémunéré.

Severac_gare

Tout comme sa sœur Éleonore, Georges est bercé par le son des sifflets vapeur durant toute son enfance, mais cette musique émise par les « monstres d’acier » n’aura aucune influence sur ses futurs choix professionnels.

Jeune adulte, arrive pour lui l’âge des obligations militaires ; il est classé dans la 1ère partie de la classe 1911 par le conseil de révision de sa commune natale.

Georges quitte Sévérac-le-Château le 6 octobre 1911. Le lendemain, il arrive à la gare de Montpellier, franchit le porche de  la caserne des Minimes, avant d’intégrer les effectifs d’une compagnie du 81e R.I..

Ses connaissances scolaires lui permettent de suivre les cours de l’école des caporaux. Le 26 septembre 1912, il est fier de coudre, sur son uniforme, les deux chevrons rouges symbolisant le premier grade de la hiérarchie militaire.

Maintenu sous les drapeaux en vertu de l'application de l’article n° 33 de la loi du 21 mars 1905, il passe dans la réserve du régiment de Montpellier, le 8 septembre 1913, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite. Georges Champagneur se retire ensuite à Sévérac-le-Château.

Quelque temps plus tard, le jeune homme part s’installer à Valence, la préfecture de la Drôme, pour y exercer le métier de commis des contributions indirectes.

Comme des centaines de milliers de réservistes, Georges Champagneur est rappelé à l’activité le jour de la mobilisation générale en août 1914. Mais il ne rejoint pas de suite son régiment. En effet, pour des raisons professionnelles il s’est retrouvé classé en « non-disponibilité » depuis le 7 juillet 1914.

Cette situation « privilégiée » ne dure pas. Dès le 5 septembre 1914, Georges doit se rendre au dépôt du 149e R.I., l’unité dont il dépend militairement, pour y retrouver ses anciennes fonctions de caporal.

Rapidement envoyé dans la zone des armées, il participe vraisemblablement à tous les combats dans lesquels le 149e R.I. est engagé, jusqu'à la date de sa première blessure.

Pour l’instant, avec les documents en ma possession, il est impossible de retrouver les numéros des compagnies dans lesquelles il a servi durant ses différents passages au 149e R.I.. Mais nous pouvons tout de même reconstruire une partie de son parcours dans cette unité grâce aux informations inscrites sur sa fiche signalétique et des services.

Le caporal Champagneur est nommé sergent le 6 juin 1915, peu de temps avant les attaques qui eurent lieu dans le secteur de Noulette, dans le Pas-de-Calais.

Toujours en Artois, il participe à la grande offensive qui débute le 25 septembre 1915 dans le secteur d’Angres. Le sergent est blessé le lendemain. Pour cette première blessure, la gravité des lésions n’est pas connue, pas plus que la date de son retour dans la zone des armées.

Le 30 octobre 1916, Georges échappe de peu à la mort dans le secteur de Gomiécourt. Blessé par un éclat d’obus, il est évacué vers l’arrière. Il quitte le département de la Somme avec une plaie à la cuisse gauche.

Une troisième blessure par éclat d’obus, reçu à l’autre jambe durant la bataille de la Malmaison du 23 octobre 1917, l’emmène, de nouveau, vers l’arrière  pour y subir les soins nécessaires.

Il est de retour « aux armées » le 2 janvier 1918. Le sous-officier retrouve son ancien régiment qui stationne à Hérimoncourt, près de Montbéliard et qui doit bientôt se rendre dans les Vosges, pour occuper un secteur autour du Violu.

À la mi-avril 1918, son régiment est installé dans les petites communes de Marcière-au-Bois et de Royaullieu, situées au nord-ouest de la forêt de Compiègne, dans une zone plutôt calme.

Le 27 mai 1918, Georges Champagneur grimpe, avec les hommes de sa section, dans un des camions alloués au régiment, pour prendre la direction de l’Aisne. La situation est critique, les Allemands viennent de lancer une vaste offensive dans le secteur du chemin des Dames, offensive qui semble être en passe de réussir.

Les véhicules laissent à Cuiry-House les hommes qui prennent la direction d’Arcy-Sainte-Restitue avant d’être engagés dans le secteur de Branges.

Branges_2013

Georges Julien disparaît au cours de la journée du 29 mai 1918. C’est l’avis A.D.3530, datant du 2 septembre 1918, qui valide officiellement cette situation. Plus personne ne pourra donner des nouvelles de ce sous-officier.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés le 29 mai 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte_journee_du_29_mai_1918

Son nom est inscrit sur le monument aux morts et sur la plaque commémorative de l’église de la commune aveyronnaise de Sévérac-le-Château.

Citations obtenues :

Citation à l’ordre de la brigade n° 69 en date du 13 novembre 1916 :

« Depuis novembre 1914 a pris part à tous les combats livrés par le régiment, s’est particulièrement dépensé durant les attaques de septembre 1916, a été assez grièvement blessé le 30 octobre 1916. »

Citation à l’ordre de la division : 

« Sous-officier de valeur, apris le commandement de la section à un moment très difficile, s’est très bien acquitté de sa tâche, blessé au cours de l’action. »

Le sergent Champagneur a également été décoré de la Médaille militaire à titre posthume avec la citation suivante (J.O. du 4 janvier 1923) :

« Sous-officier d’une bravoure réputée. Est tombé glorieusement pour la France, le 29 mai 1918, à Branges, en faisant vaillamment son devoir ».

Cette citation lui donne aussi droit à une deuxième étoile d’argent sur sa croix de guerre.

Il n’y a pas de sépulture connue pour ce sous-officier.

Georges Lucien Champagneur ne semble pas s’être marié et avoir eu de descendance.

Sources :

Le portrait de Georges Julien Champagneur est extrait du tome I volume 2 du livre d’or de l’Aveyron Rodez, imprimerie Georges Subervie, 1922-1926, en 6 volumes.

Les informations concernant ce sous-officier sont extraites de sa fiche signalétique et des services qui a été consultée sur le site des archives départementales de l’Aveyron, de sa fiche individuelle lue sur le site « Mémoire des Hommes » et du tome I volume 2 du livre d’or de l’Aveyron. Rodez, imprimerie Georges Subervie, 1922-1926, en 6 volumes.

Cet ouvrage a été publié sous les auspices du conseil général et sous la direction du comité aveyronnais de renseignements aux familles par Émile Vigarie, président du comité, juge de paix de Rodez.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du département de l’Aveyron.

2 novembre 2018

Les cantinières et cantiniers du 149e R.I. de la fin du 19e siècle à la veille du 1er conflit mondial.

Cantinieres et cantiniers du 149e R

Les cantinières sont généralement épouses de sous-officiers du régiment dans lequel ces derniers exercent leur métier de soldat. Elles s’occupent de la « popote » des hommes de troupe en temps de paix, proposant ainsi aux soldats de tous grades un service complémentaire à la cuisine classique du bataillon. Pour cela, il faut, bien sûr, s’acquitter d’une petite partie de sa solde à chaque fois que l’on veut utiliser ce service. Si un homme veut améliorer son ordinaire, payer un complément à un camarade, offrir le coup à boire, moyennant finance, il sait à qui s’adresser.

Ce sont les seules femmes à avoir l’autorisation de se déplacer au sein d’une caserne. Certaines d’entre elles peuvent même bénéficier d’un logement de fonction à l’intérieur des bâtiments.

Anciennement appelées vivandières, elles ont eu, pendant des années, la possibilité de suivre les troupes en campagne ou en manœuvres pour leur vendre vivres et boissons selon leurs besoins.

Au cours du XIX e siècle, le substantif de vivandière fut progressivement remplacé par celui de cantinière.

Ces femmes suivent les soldats pour leur assurer le ravitaillement et pour répondre à diverses tâches de la vie quotidienne. Elles peuvent être amenées à faire la lessive, raser les hommes ou encore donner les premiers soins aux blessés.

Grand halte 149e R

En principe, elles sont toujours tenues à l’écart des zones de combats, ce qui ne les empêche pas de côtoyer le danger, souvent au péril de leurs vies.

Tout le monde ne peut pas exercer cette profession. La sélection est drastique et sujette à une règlementation extrêmement précise. Même si le passage suivant reste bien antérieur à la période 1914, les modalités pour obtenir les autorisations spécifiques devaient être assez similaires dans la première décennie du 20e siècle.

« La gendarmerie a dans ses attributions spéciales la police relative aux individus non-militaires, aux marchands, aux vivandiers qui suivent l’armée. En conséquence, ceux qui ont à leur suite ces personnes sont tenus d’en faire connaître les noms, prénoms, lieux de naissance et signalements, soit au grand prévôt, soit au prévôt, ou bien encore au commandant de la force publique de la division ou du détachement.

Ces officiers sont chargés de recevoir et d’examiner les demandes des gens qui désirent exercer une profession quelconque à la suite de l’armée. Ils accordent des permissions et délivrent des patentes à ceux qui justifient de leur bonne conduite et qui offrent toutes garanties pour ce genre d’industrie auquel ils veulent se livrer. Le grand prévôt et les prévôts n’accordent de patentes que pour les quartiers généraux auxquels ils sont attachés. Ces patentes sont soumises au visa des chefs d’état-major, qui les font inscrire sur un registre. Les commandants de la force publique des divisions ou détachements délivrent, sous l’approbation du chef d’état-major et avec visa, des patentes aux vivandiers, marchands et industriels des divisions ou des brigades. Ils font viser ces patentes par le prévôt du corps d’armée.

Ces permissions et patentes doivent être l’objet d’un examen sévère de la part de la gendarmerie. Celle-ci se les fait présenter fréquemment, et s’assure de l’identité des individus qui en sont détenteurs. Cette mesure est de la plus haute importance pour empêcher et réprimer l’espionnage.

Indépendamment de leurs patentes, les marchands autorisés et les vivandiers reçoivent une plaque portant l’exergue : « marchand » ou « vivandier » et le numéro de leur patente.

Ils sont tenus de porter cette plaque d’une manière ostensible, et d’en avoir dans leur voiture une autre portant leur nom, le numéro de leur patente et l’indication de la fraction qu’ils sont autorisés à suivre.

Les chefs d’état-major exigent que les comestibles et les liquides, dont les marchands et les vivandiers doivent être pourvus, soient toujours de bonne qualité et en quantité suffisante ; ils en fixent les prix.

La gendarmerie s’assure que ces prescriptions sont exécutées. Elle fait souvent des perquisitions dans les voitures des marchands et des vivandiers, et empêchent leur utilisation pour transports d’autres objets que ceux qu’elles doivent contenir.

Cantinières des corps de troupe :

Les cantinières des corps de troupes reçoivent leurs patentes du conseil d’administration et sont tenues de les faire viser par le commandant de la force publique de la division ou du détachement. La gendarmerie peut demander la présentation de  ces patentes. Les chefs de bataillon, les adjudants-major et les adjudants sont chargés, envers les cantiniers des corps, de la surveillance prescrite par l’article précédent à l’égard des marchands et vivandiers.

Dans chaque corps d’armée, un médecin et un pharmacien militaires sont chargés de faire inopinément des tournées générales ou partielles, pour apprécier la qualité des liquides et des comestibles débités par les marchands, les vivandiers et les cantiniers. Pour ces tournées, ils sont assistés d’un maréchal des logis ou d’un brigadier de gendarmerie avec deux gendarmes. »

Au début du 20e siècle la profession est progressivement mise à mal. Petit à petit, les textes de lois qui légifèrent cette fonction modifient en profondeur les usages du métier.

Pour en savoir plus, il suffit de cliquer une fois sur chacun des trois entêtes de la revue « Armée et démocratie » suivants.

Revue Armee et democratie du 20 mars 1910

Revue Armee et democratie du 3 avril 1910

Revue Armee et democratie du 17 avril 1910

Intéressons-nous maintenant plus particulièrement au 149e R.I..

Trois familles ont pu être identifiées grâce aux photographies suivantes. Deux d’entre elles étaient rattachées au 1er bataillon du 149e R.I., les Duchesne et les Leblan. L’histoire ne dit pas si elles se sont croisées ou si elles ont vendu leurs produits en même temps aux hommes de ce bataillon.

Famille Duchesne 1

Famille_Leblan

Famille Crevisy

Malheureusement pour nous,  le numéro de bataillon dans lequel  la famille Crévisy exerçait son commerce n’est pas connu. Caché par le visage d’un des hommes représentés sur le cliché, ce numéro est impossible à déchiffrer.

Ces photographies ont toutes été réalisées avant la création du 21e C.A.. En effet, lorsque nous nous arrêtons sur les inscriptions qui figurent sur les attelages des cantinières et cantiniers, nous pouvons lire : « Équipages régimentaires 7e corps, 41e D.I., 82e brigade, 149e R.I.. »

Le 21e C.A. est né à la séance du 21 novembre 1913 de la chambre des députés, qui adopte un projet de loi portant sur la création d’une nouvelle région de corps d’armée.

Famille_Duchesne_2

Bon nombre de « pantalons garance », ceux des classes 1911, 1912 et 1913, les rappelés du début du conflit, qui montèrent en premières lignes en août 1914, ont certainement croisé ces équipages et ces familles lors de leur passage à la caserne Courcy, durant leur période de service militaire.

Une dernière photographie montre le véhicule utilisé par la famille Duchesne, cliché probablement réalisé durant les tous premiers mois de l’année 1914. Cette fois-ci, le 149e R.I. appartient bien au 21e C.A..

Camion famille Duchesne

La fonction de cantinière est définitivement supprimée en 1914. C’est l’achèvement d’un long processus de retrait des femmes dans l’univers militaire. Cependant, la guerre amènera à utiliser de nouveau la main d’œuvre féminine dans les casernes dans d'autres corps de métiers.

Sources :

Décret du 26 octobre 1883 portant règlement sur le service des armées en campagne. Librairie militaire de L. Baudoin et Cie 1884.

« Les mots des soldats » d’Odile Roynette, Éditions Belin, 2004, ISBN 2-7011-3050-6.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à R. Neff et à J. Riotte.

26 octobre 2018

Pierre Julien Calixte Bernère (1884-1942).

Pierre Julien Calixte Bernère

Pierre Julien Calixte Bernère voit le jour le 23 septembre 1884, dans la maison de son grand-père maternel à Castillon-en-Couserans, un village situé dans le département de l’Ariège. Son père, Calixte Jacques, travaille comme employé aux contributions indirectes. Il a 28 ans à la naissance de son fils.

Sa mère, Antoinette Sylvie Anna Estrémé, est âgée de 24 ans. Elle n’exerce pas d'activité professionnelle. Le couple vit à Lorp-Sentaraille, une commune située à quelque 18 km de la demeure du grand-père.

La famille Bernère s'installe ensuite à Toulouse. La date de son arrivée dans la ville rose n’est pas connue.

Pierre Bernère est incorporé dans le service auxiliaire, à la 17e section d’infirmiers, après avoir bénéficié d’un ajournement d’un an, probablement pour poursuivre ses études. Le 9 octobre 1906, Il rejoint cette unité stationnée à Toulouse.

Durant cette période sous l’uniforme, il suit une formation de caporal. Le soldat Bernère obtient le premier grade de la hiérarchie militaire le 12 juillet 1907.

Pierre Bernère est envoyé en congé le 1er mars 1908, dans l’attente de son passage dans la réserve. Son retour à la vie civile ne l’empêche pas d’être nommé sergent de réserve le 15 février 1909.

 Il revêt son uniforme de sous-officier infirmier durant plusieurs jours pour accomplir sa première période d’exercice, entre le 2 et le 24 mars 1910, à la 17e section.

Quelque temps plus tard, Pierre Bernère quitte Toulouse pour s’installer dans le département de la Marne.

En septembre 1911, il travaille à la fondation Saint-Jacques, un établissement qui accueille des malades mentaux à Châlons-sur-Marne.

En 1912, il décide de s'installer en Algérie. Pierre Bernère exerce les fonctions d’interne à l’hôpital civil de Saint-Denis-du-Sig. Ce changement de résidence entraîne son inscription militaire dans la subdivision d’Oran à partir du 14 juin 1912.

Du 1er au 17 décembre 1913, Pierre Bernère est obligé de se rendre à Oran pour accomplir sa seconde période d’exercice à la 20e section d’Infirmiers. 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute, Pierre Bernère a obligation de rejoindre son unité le 3 août 1914.

Toujours rattaché au dépôt de la 20e section d’infirmiers, il est promu médecin auxiliaire le 10 juillet 1915. Nous n’avons aucune précision sur ce qu’il a fait durant cette période, mais nous savons, grâce à la lecture de sa fiche signalétique et des services, qu’il est resté en Algérie jusqu’au 9 juin 1916, exerçant ses fonctions de soignant dans les régions sahariennes depuis le 28 août 1915.

Le 9 juin 1916, Pierre Bernère reçoit l’ordre de rejoindre la zone des armées métropolitaine. Le 21 juin, il est affecté à la compagnie 21/52 du 11e régiment de génie, en remplacement du médecin auxiliaire Phélebon, nommé aide-major de 2e classe.

Cette unité se trouve en Champagne depuis le début du mois de mai 1916. Au mois de septembre, Pierre Bernère est dans la Somme près de Soyécourt.

Il est muté au 149e R.I. le 13 juin 1917. En août, il découvre l’environnement hostile de la 1ère ligne, au nord de la ferme Hameret. Cet homme, probablement protégé par ses fonctions de médecin lorsqu’il était dans un régiment du Génie, n’a probablement jamais été envoyé dans un petit poste de secours très exposé aux tirs directs de l’artillerie allemande. Sans aucune expérience du feu, paniqué, il est sévèrement jugé par le sous-lieutenant Douchez qui le rend responsable de la mort d’un officier.

Pour en savoir plus sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Foucher__Bernere__Lemire_et_Douchez

Pierre Bernère a été photographié parmi tous les officiers du 3e bataillon du 149e R.I. à Ancienville, quelque temps avant le déclenchement de la bataille de la Malmaison.

Photographie_des_officiers_du_3e_bataillon

Comme l’attestent deux citations à l’ordre du 149e R.I., Pierre Bernère prend vite de l’assurance au cours des mois suivants. Il passe de l'accusation d'avoir conduit à la mort un officier à celle d'un médecin apprécié, décoré, bénéficiant de mentions élogieuses de la part de ses supérieurs.

Après la bataille de la Malmaison, il obtient une permission suffisamment longue pour retourner quelque temps en Algérie. Il profite de cette opportunité pour épouser, Ednarda Mas, une jeune femme originaire de Saint-Denis-du-Sigde . Deux enfants naissent de cette union.

Le 22 octobre 1918, Pierre Bernère est détaché au 121e régiment d’artillerie lourde, avant de rejoindre les rangs du 158e R.I. à la veille de l’armistice. Le 5 décembre 1918, il est au 31e B.C.P.. Mais l’heure de sa démobilisation n’a pas encore sonné. Ce n’est que le 14 août 1919 qu’il est envoyé en congé illimité par le dépôt démobilisateur de la 16e section d’infirmiers militaires de Montpellier.

Durant la guerre, Pierre Julien Calixte Bernère a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre du régiment n° 76 en date du 6 novembre 1917 :

« Auxiliaire très dévoué, a donné la preuve de son courage et de son calme, sous le feu, en se prodiguant sans compter auprès des blessés. »

Citation à l’ordre du régiment n° 61 du 29 octobre 1918 :

« Médecin auxiliaire brave et dévoué aux cours des attaques du 26 au 29 septembre 1918. S’est dépensé avec la plus grande activité pour assurer l’enlèvement, le pansement, et l’évacuation rapide des blessés du bataillon. »

De retour à la vie civile, il en profite pour passer son diplôme de docteur en médecine. Il soutient sa thèse, avec succès, à la faculté de Montpellier le 22 septembre 1919, avant de se retirer à Saint-Denis-du-Sig.

Le 16 mars1922, le directeur du service de santé d’Oran remplit un mémoire de proposition pour qu’il puisse obtenir le grade de médecin aide-major de 2e classe. Pierre Bernère est nommé dans ce grade le 13 juin 1922.

En 1924 le docteur Bernère travaille toujours à l'hôpital de Saint-Denis-du-Sig.

Le 16 octobre 1926, il devient aide-major de 1ère classe de réserve, titre qui correspond au grade de lieutenant.

Une lettre d’éloges officiels publiée dans le J.O. du 15 août 1930 lui est délivrée pour avoir effectué 10 années de soins gratuits, à la gendarmerie de sa commune.

Une carrière politique débute. Il assume les fonctions de maire de la ville de Saint-Denis-du-Sig de 1927 à 1929.

Mairie_de_Saint_Denis_du_Sig

Le 4 décembre 1933, il est rayé des cadres de l’armée.

Après plusieurs demandes, il est décoré de la Légion d’honneur (J.O. du 2 mars 1935). 

Pierre Bernère retrouve ses fonctions à la mairie de Saint-Denis-du-Sig en 1931. Il reste détenteur du pouvoir exécutif de la ville jusqu’en 1942, année de sa disparition.

Le jour exact de sa mort n’est pas connu. Cependant,  un avis de décès publié dans le figaro permet de s’en approcher à la date 2 septembre 1942.

Le docteur Bernère a été décoré de la médaille de bronze des épidémies (J.O. du 15 juillet 1942).

Sources :

Dossier individuel avec portrait consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La Fiche signalétique et des services de cet homme a été lue sur le site des archives départementales de la Haute-Garonne.

Le site « Gallica » a été sollicité de nombreuses fois pour y faire la lecture de l’historique de la compagnie 21/52 du 11e régiment de génie et  de la presse.

Journaux consultés :

« L’express du midi quotidien de Toulouse et du sud-ouest » du 22 décembre 1924.

« Figaro Paris » du 2 septembre 1942.

« Journal des débats politiques et littéraires » du 3 mars 1935.

La photographie de groupe représentant les officiers du 3e bataillon du 149e R.I. à la veille de la bataille de la Malmaison, est extraite du fonds Paul Douchez, un témoignage en trois volumes. Ce volumineux travail a été déposé par le fils de cet officier, aux archives du Service Historique de la Défense de Vincennes en 1983. Fond Douchez ref : 1K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Lozano, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Garonne. 

19 octobre 2018

Georges Armand Auguste Lemire (1893-1917).

Georges Armand Auguste Lemire

Originaire du département du Nord, Georges Armand Auguste Lemire voit le jour le 6 décembre 1893. Son acte de naissance est enregistré à la mairie de Solesmes. Georges Aimé, son père, exerce le métier de bijoutier. Il a 25 ans lorsque son épouse, Désirée Ismérie Lagny, donne naissance à leur fils. Cette dernière est âgée de 24 ans, et a la chance d’être propriétaire.

Le 17 mars 1898, le couple Lemire a une petite fille qu’il prénomme Marthe Adeline. Georges Aimé travaille maintenant comme horloger, certainement avec son père qui tient son atelier dans la même rue.

Genealogie famille Lemire

Plus tard, la famille Lemire décide de déménager à Saint-Quentin. Il n’y a probablement pas assez de travail pour tous.

Georges Aimé et Désiré Ismérie laissent, derrière eux, la minuscule entreprise du grand-père de leurs deux enfants pour tenter leur chance dans une grande ville. La date de leur départ n’est pas connue. Une recherche dans l’unique registre de recensement de la commune de Solesmes, consultable sur le site des archives départementales du Nord, nous apprend simplement qu’ils ne vivent plus dans cette ville en 1906.

La lecture de la fiche signalétique et des services de Georges Armand Auguste Lemire notifie qu’il est horloger, ce qui est peu surprenant, puisque les Lemire travaillent dans ce métier depuis déjà plusieurs générations. Rouages, oscillateurs et échappements n’ont plus aucun secret pour eux depuis fort longtemps. Mais cette spécialité professionnelle ne semble pas convenir à notre intéressé.

Désireux de changer radicalement de mode de vie, Georges Armand Auguste décide de contracter un engagement volontaire le 2 mars 1912. Il est à peine âgé de 19 ans à cette date. Le consentement paternel est donc nécessaire pour mener à bien cette démarche. Une fois ce consentement obtenu, il signe pour une durée de 3 ans. Il quitte son appartement, 13 rue de Vesoul, pour aller vivre à la caserne.

Le jeune homme a de la chance puisqu’il est incorporé au 87e, le régiment d’infanterie de la ville de Saint-Quentin. Il peut ainsi profiter d’un environnement connu durant encore quelque temps.

Son engagement volontaire lui permet de faire rapidement la formation de caporal puisqu’il est nommé dans ce grade le 27 septembre 1912.

Le 1er octobre 1913, Georges Armand Auguste Lemire est affecté au groupe cycliste de la 3e D.I. de cavalerie. Il se retrouve muté au 18e B.C.P. dont l’unité à bicyclette tient garnison à Compiègne.

La vie de caserne, quelque peu routinière dans son quotidien, dure encore quelques mois. Mais les relations avec l’Allemagne s’enveniment de plus en plus, annonçant une guerre inévitable.

Le 3e groupe cycliste, sous les ordres du capitaine Gendre, fait partie des troupes de couverture. Il se rassemble dès le 31 juillet 1914 à Champlin, dans les Ardennes, prêt à intervenir en cas de besoin.

Le 4 août, le caporal Lemire apprend la déclaration de guerre allemande.

Le 8 août, il est aux portes de Liège avec les hommes de son escouade, mais l’ordre de la retraite est rapidement donné. Georges Armand Auguste participe ensuite à la bataille de la Marne. Le 7 septembre, il est du côté d’Ormoy-villers.

Georges Armand Auguste Lemire gagne ses galons de sergent le 28 septembre 1914 en même temps que son unité contribue à la prise du village de Maucourt.

En 1915, le sergent Lemire participe à une grande offensive en Artois.

Il est nommé adjudant le 31 mars 1916, puis sous-lieutenant de réserve à titre temporaire le 30 avril.

Le 15 mai 1916, il quitte le groupe cycliste, qui vient de perdre une grande partie de ses effectifs, et qui va servir à construire un fragment du 9e cuirassier à pieds, pour être envoyé au 149e R.I..

Georges Armand Auguste Lemire est affecté à la tête d’une section de la 9e compagnie du régiment, commandée par le capitaine Delung.

Fraîchement nommé, il n’a aucune connaissance de l’art de commander un groupe important de soldats. Le sous-lieutenant Lemire est envoyé en formation pour suivre les cours des chefs de section.

Cet enseignement lui est donné au centre d’instruction du 21 C.A. entre le 22 mai et le 10 juin 1916.

La compagnie dans laquelle il est versé à son retour d’instruction n’est pas connue.

La photographie suivante le représente en compagnie de camarades, tous officiers au 3e bataillon du 149e R.I..

Lemire photographie de groupe

Hélas pour nous, la date et le lieu où ce cliché a été réalisé ne sont pas connus, ce qui n’est pas très aidant.

Les noms de Fabre, de Bloch, de Mouren, de Lemire et de Vidal ainsi qu’un nom difficilement déchiffrable sont inscrits au dos de la photographie.

Le sous-lieutenant Lemire participe ensuite à la bataille de la Somme. Le 4 septembre 1916, son régiment doit reprendre le village de Soyécourt. L’attaque est fulgurante. Sa réussite est complète.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés le 4 septembre 1916, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Positions des compagnies du 149e R

Le lendemain, Georges Armand Auguste Lemire est touché par une balle, qui provoque une plaie en séton, au moment où il consolide la position conquise avec ses hommes. Son action, commencée la veille, lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée.

Le sous-lieutenant Lemire est envoyé vers l’arrière pour y subir des soins. De retour de convalescence, il est affecté provisoirement à la 6e compagnie du 149e R.I. le 18 novembre 1916. Le régiment est encore en activité dans le département de la Somme. Georges Armand Auguste Lemire prend par la suite le commandement d’une section de la 11e compagnie.

Le 3 janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau, qui commande le 149e R.I. à cette époque du conflit, écrit la petite note suivante dans le mémoire de proposition pour le grade de sous-lieutenant à titre définitif de son subordonné. : « Brillant chef de section, actif, énergique, donnant à ses hommes l’exemple de l’entrain et du devoir. Deux citations. Collaborateur précieux pour son commandant de compagnie. »

Le 149e R.I. s’est installé dans un secteur à l’ouest du fort de la Malmaison, dans une zone située à l’extrême gauche du chemin des Dames, du côté de Billy-sur-Aisne, Jouy, Aizy et des fermes Hameret et du Toty, alternant ses séjours en 1ère ligne, en 2e ligne et en périodes de repos à l’arrière.

Durant plusieurs mois, le régiment ne participe pas à une grande offensive, mais le secteur occupé en 1ère ligne est instable et régulièrement bombardé.

Le jeune officier est promu sous-lieutenant de réserve à titre définitif le 1er mai 1917.

Quelques semaines plus tard, Georges Armand Auguste Lemire bénéficie d’une permission du 3 au 10 juin.

De retour dans la zone des armées, il est mortellement blessé le 19 août 1917 au quartier dit des 3 communes Aizy-Jouy-Bovettes.

Dans le coma, il est évacué d’urgence au petit poste de secours qui partage son emplacement avec le P.C. de la 9e compagnie. Ce poste de secours se trouve à proximité du lieu où s’est déroulé l’évènement tragique.

Les circonstances de la mort de Georges Armand Auguste Lemire sont évoquées de manière très détaillée dans le témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez. Voici ce qu’il écrit :

« Derrière nous, à environ 600 m, le dépôt de munitions du bataillon saute, touché par un obus. Il est attenant au P.C. de la 11e compagnie, dans la tranchée de première ligne du Cuivre…

…Pensant que l’explosion a fait des victimes, je rentre, pour avoir des renseignements à mon P.C., où il viendra peut-être des blessés. On amène en effet un brancard…

…c’est le sous-lieutenant Lemire, l’un des meilleurs officiers du régiment… L’artère fémorale est coupée…

…Il avait été chargé, après l’explosion, de faire ramasser les grenades éparpillées, un travail très dangereux par l’amorçage accidentel de nombre de ces engins. Un homme passant près de lui, en avait heurté une du pied, la faisant exploser dans les jambes. »

Pour en savoir plus sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Tranchee_Rousseau

Le caporal Michel Fernand Léon Touchard et le soldat Julien Marcelin Alphonse Ollier, tous deux du 149e R.I.,témoignent de son décès auprès l’officier d’état civil du régiment.

Le 21 août 1917, le sous-lieutenant Lemire est inhumé dans le cimetière de Billy-sur-Aisne.

Son acte de décès est transcrit à la mairie de Solesmes le 23 septembre 1919.

Le corps de cet homme a probablement été restitué à la famille dans les années vingt.

Le nom de cet officier est inscrit sur les monuments aux morts des villes de Saint-Quentin et de Solesmes, sur les plaques commémoratives de l’école Jumentier et de la basilique de Saint-Quentin ainsi que sur la plaque commémorative de l’église Saint-Martin de Solesmes.

Georges Armand Auguste Lemire est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Ses parents sont retournés vivre à Solesmes probablement après avoir fui l’occupation allemande de Saint-Quentin.

Citations obtenues :

Cité à l’ordre n° 1 du 3e groupe cycliste en date du 25 mars 1915 :

« Parti comme caporal, s’est affirmé à plusieurs reprises comme chef de groupe incomparable, a dirigé avec compétence plusieurs patrouilles délicates. »

Cité à l’ordre du 21e C.A. n° 286 en date du 12 septembre 1916 :

« A magnifiquement entraîné sa section à l’attaque d’un village le 4 septembre 1916, a fortement contribué à l’organisation de la position conquise. A été blessé en dirigeant ce travail. »

Autre décoration :

Chevalier de la Légion d’honneur (J.O. du 17 octobre 1917). Cette décoration prend rang le 20 août 1917) :

« Jeune officier possédant au plus haut degré le sentiment du devoir et de brillantes qualités de commandement. Est, pour ses hommes, un vivant exemple d’abnégation et de sang-froid, les encourageants par son entrain dans les circonstances difficiles. A été grièvement blessé pour la deuxième fois, le 19 août 1917 alors qu’il dirigeait la réfection d’une tranchée bouleversée par un violent bombardement. Deux fois cité à l’ordre. »

Georges Armand Auguste Lemire détient un petit dossier dans la base Léonore. Pour le consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Site_base_Leonore

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Historique du 149e R.I.. Épinal, imprimerie Klein. 1919.

Historique du 3e groupe cycliste. Numérisation P. Chagnoux, 2009.

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance de cet officier ont été lus sur le site des archives départementales du Nord. Ce site a également permis une reconstitution partielle de la généalogie du sous-lieutenant Lemire.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Nord. 

12 octobre 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez (6e partie) Où il est question de Fantômas, d’obus à gaz...

Foucher, Bernere, Lemire et Douchez

Mi-août 1917, le sous-lieutenant Paul Douchez s’apprête à remonter en première ligne dans un secteur particulièrement difficile.

15 août 1917

Reconnaissance face au Panthéon et au fort de la Malmaison, par la ferme Hameret. Puis au tunnel, à l’extrémité de la tranchée Rousseau qui se trouve en première ligne où nous attirons des tirs de tourterelles qui tuent un occupant des « feuillées ».

Fermet Hameret

Le soir, ma section occupe la partie gauche de la tranchée Rousseau jusqu’au tunnel ainsi qu’un petit poste de F.M., partant de la tranchée. À ma droite, une autre section de la compagnie tient, sous mon contrôle, le milieu de la tranchée Rousseau. Derrière moi se trouve une position qui forme un angle droit avec le tunnel. Celle-ci est occupée par une compagnie de chasseur.

L’accès à la tranchée Rousseau se fait par un long boyau que l’ennemi, qui a vue sur lui, prend d’enfilade. Il est à ce point détruit que son évasement est de 5 mètres au minimum !

Il a plu avant notre montée. Les parapets sont impraticables. Le parcours se fait dans un interminable ruisseau. Dans l’obscurité la plus complète, nous nous enfonçons, depuis la cheville jusqu’au genou. Les caillebotis paraissent inconnus dans ce secteur. Le clapotis est entendu par l’ennemi qui nous envoie des grenades.

16 août 1917

L’extension du secteur de ma section va jusqu'à bien au-delà du tunnel. Il y a également un P.P. avancé pour les grenadiers.

Ni les consignes de secteur, ni la carte, ne me renseignent sur la nature de ce tunnel, sur sa direction, sur son issue. Les vestiges d’une voie ferrée qui y pénétrait, une indication vague de la carte me font présumer qu’il aboutissait au fort de la Malmaison. Il devait en assurer le ravitaillement stratégique. Ou alors, il conduisait à une carrière souterraine.

Peu de jours avant notre arrivée, un barrage en sacs de terre a été établi à une centaine de mètres de l’entrée. Un prisonnier avait déclaré qu’il était projeté de faire sauter ce tunnel. Le barrage a été abandonné et remplacé par un autre, élevé à 10 m de l’orée. C’est là que se trouve mon P.C.. L’obscurité est humide et froide. Des sacs vides font ma couchette. Des toiles interceptent la lumière de ma bougie vers le tube. L’œil ne perçoit qu’un noir impénétrable. L’oreille n’entend que le bruit des gouttes d’eau qui suintent de la voûte ou la course de quelque rongeur. Le guetteur, astreint au silence, à la station assise, à une attention soutenue, à la privation de fumer et de s’éclairer, s’endort si fatalement qu’il faut y mettre une sentinelle double. De fréquentes visites sont également nécessaires.

17 août 1917

Les chasseurs reçoivent l’ordre d’occuper toute ma position. Je vais donc occuper l’extrémité opposée de la tranchée Rousseau, la tranchée du Cuivre, le boyau des Bovettes qui aboutit à un système de petits postes avancés, dit de la ferme des Bovettes qui sont composés comme suit : trois P.P. en antennes appuyés par un élément de soutien, lequel prend à droite et à gauche du boyau des Bovettes, qui donne accès au système.

Tranchee Rousseau

Nos abris sont dans l’élément de soutien. Ce sont de simples « trous de renard », non étayés, creusés dans les parois et dans lesquels on ne peut se tenir que recroquevillé. C’est une ex-tranchée ennemie, obstruée à droite et à gauche par deux barrages de sacs, au-delà desquels elle rejoint les lignes adverses. L’ennemi a également des P.P. avancés, face aux nôtres, à quelque 10 à 30 m.

19 août 1917

Chaque fois que nos 75 veulent détruire ces P.P. adverses, ils tapent court dans les nôtres, en raison de l’espace insuffisant pour l’écart de tir.

Mes fusées rouges demandant l’allongement, restent sans effet.

L’après-midi, la situation est telle que j’envoie au commandant de compagnie l’avis que nous allons avoir fatalement des pertes s’il n’obtient immédiatement, de la division, soit l’allongement, soit la cessation de tir. À l’instant où je quitte le coureur, je vois arriver la garnison d’un des trois P.P. qui, prise de panique, persuadée que notre artillerie se trompe d’objectif, gagne, à la course, ses abris. Cette panique a été salutaire, car, en les ramenant, nous constatons que pendant les deux minutes de son abandon, cette tête de sape a été frappée en plein et détruite. C’eût été la mort certaine pour ses occupants.

La réponse à ma note m’est rapportée. Je reçois l’ordre de faire évacuer les trois têtes de sape et de se replier dans l’élément de soutien. En regagnant mon propre trou, je le trouve crevé par un autre 75. Suite à un nouveau rapport, l’artillerie déclare qu’il faut, ou évacuer tout le système, ou renoncer au tir. Je reçois alors l’ordre d’évacuer la position après l’avoir rendu inutilisable pour l’ennemi.

Durant trois nuits, nous le couvrons de réseaux, obstruant ainsi les P.P., l’élément de tranchée, les boyaux et l’avenue d’accès.

J’ai réparti les occupants dans les abris de la tranchée Rousseau où j’ai moi-même mon nouveau P.C.. Quelques guetteurs sont restés dans le système jusqu’à sa neutralisation complète.

Ce P.C. est aussi un poste de secours, mal placé en première ligne. Il est presque inaccessible aux 3 ou 4 blessés qu’il peut contenir. Des brancardiers, sous les ordres du médecin-major Bernère, gradé poltron, militaire de carrière appartenant aux troupes marocaines. Ce mois d’août, les journées sont radieuses, les nuits délicieusement douces. Dans l’abri, où mon P.C. et son P.S. sont contigus, nous couchons dans deux « cadres » superposés. L’air est rare dans ce réduit mal éclairé par ma bougie. Sa crainte est telle qu’il n’en sort que pour ses besoins naturels. Encore voudrait-il que je fasse faire d’autres « feuillées », celles qui existent étant aux vues de la tranchée d’en face.

Il me questionne sur le nombre, le moral, la valeur de mes hommes. Il mange à peine, ses plaintes sont incessantes. Il proteste avec véhémence contre le fait que le colonel l’a mis en première ligne.

Il va, dit-il, écrire à un député pour provoquer une interpellation sur son cas. A chaque explosion rapprochée, il demande si c’est un « départ » ou une « arrivée », si les avions dont nous entendons les moteurs sont des Français ou des Allemands.

Si je lui dis que c’est « Fantômas », ses traits se décomposent. Ce Fantômas, ainsi appelé dans la division, est un aviateur ennemi audacieux qui, chaque matin, longe toute notre première ligne en la mitraillant à très basse altitude.

Enfin, mon aide-major s’informe si, en cas d’irruption d’ennemis, mon intention est de me rendre ! En réponse, je lui montre une caisse de grenades près de ma couchette. Ses angoisses redoublent. Il louvoie pour m’amener à lui dire qu’en cas de « prévision » d’attaque, il peut se replier sans ordre, ce qu’il exécuterait sur-le-champ si la moindre de mes paroles lui permettait de m’imputer cette autorisation.

Nous privant du peu d’air qui nous parvient, il me supplie, pour que le reflet de ma bougie ne puisse être perçu des avions, de calfeutrer, même en plein jour, l’entrée de mon P.C.. Bref, il offre le pénible spectacle d’une loque humaine.

Cette nuit, très noire, nous achevons de rendre impraticable le système de P.P..

Derrière nous, à environ 600 m, le dépôt de munitions du bataillon saute, touché par un obus. Il est attenant au P.C. de la 11e compagnie, dans la tranchée de première ligne du Cuivre. Celle-ci commence à l’orée du boyau des Bovettes et va jusqu’à l’extrémité de la tranchée Rousseau avec laquelle elle fait angle droit.

J’étais allé, dans la journée, reconnaître ce dépôt et me mettre en liaison avec le capitaine Fouché, commandant la 11e compagnie.

Pensant que l’explosion a fait des victimes, je rentre, pour avoir des renseignements à mon P.C., où il viendra peut-être des blessés. On amène en effet un brancard. Le devoir de l’aide-major est de monter s’assurer que le blessé ne réclame pas de soins de première urgence, étant donné qu’il ne répond plus aux paroles qui lui sont adressées. Non, le Bernère crie de le descendre. L’opération est laborieuse, par suite de manque de largeur de la tranchée qui ne permet pas de tourner aisément le brancard et de l’étroitesse de l’escalier-échelle, le malheureux est amené presque perpendiculairement. Je le reconnais lorsqu’il est à mi-descente, c’est le sous-lieutenant Lemire, l’un des meilleurs officiers du régiment. Il meurt alors qu’il va enfin être déposé. Nous le découvrons. L’artère fémorale est coupée, d’où une hémorragie mortelle. Des soins rapides l’eussent probablement sauvé.

Il avait été chargé, après l’explosion, de faire ramasser les grenades éparpillées, un travail très dangereux par l’amorçage accidentel de nombre de ces engins. Un homme passant près de lui en avait heurté une du pied, la faisant exploser dans les jambes.

Tandis que navré, je suis penché sur lui, un petit choc ébranle faiblement l’abri, attirant à peine l’attention. Quelques secondes après, je sens une odeur caractéristique. Je saute sur ma cagoule en criant : « Mettez vos masques ! »

Secteur ferme Hameret

Aussi vite que le permettent l’obscurité, les fils téléphoniques, stupidement tendus à tort et à travers, la suffocation du masque, je me rends près de mes travailleurs, à 150 ou 200 m.

De petites torpilles à gaz pleuvent avec un léger éclatement étouffé. Cela me vaut l’évacuation de plusieurs hommes et d’un sergent.

Je rentre, assez incommodé aux yeux et à la gorge. L’aide-major me pousse à me faire évacuer pour pouvoir en faire autant. Par la suite, il me sondera sur mes dispositions à le proposer pour une citation à l’ordre de l’armée, qui, dit-il, lui vaudra une annuité…

Pendant mon absence du P.C., il a reçu du commandant de la 11e compagnie, l’avis qu’un autre blessé attendait ses soins sur le lieu de l’accident. Il ne s’est décidé à s’y rendre que sur une 2e injonction formelle. Le blessé, soigné tardivement, meurt le lendemain.

20 août 1917

L’obstruction du système est terminée. Je reçois l’ordre de reprendre, avec la fraction redevenue disponible, le secteur occupé par la première section sous les ordres de Berteville. Celle-ci est placée à ma gauche. Elle appuie aussi dans la même direction.

De cette partie de la tranchée Rousseau, il part un boyau qui aboutit à deux P.P. avancés qui m’échoient également. Avec un effectif aussi réduit sur 300 m, je me hasarde à faire une protestation sur l’exagération du front dont je suis le responsable. Ceci achève de terroriser le major.

Sources 

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Le plan qui localise la tranchée Rousseau provient du J.M.O. du 116e B.C.P. Réf : 26 N 835/11

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

5 octobre 2018

Eugène François Bessière (1884-1914).

Eugene François Bessiere

Eugène François Bessière est né le 23 octobre 1884, dans la commune aveyronnaise d’Espalion. Il est le second d’une fratrie de 4 enfants.

Lorsqu’il voit le jour, son père, Hilarian, est âgé de 38 ans. Cet homme pratique la maçonnerie depuis de nombreuses années. Sa mère, Marie Émilie Truel, qui élève déjà une fille, est âgée de 26 ans.

L’horloger Antoine Belmont et le chapelier Étienne Gouter suivent le père à la mairie pour apposer leurs signatures sur le registre d’état civil que leur présente l’adjoint au maire du village.

Eugène François quitte l’école communale en maîtrisant la lecture, l’écriture et le calcul. Les conditions sociales et financières de ses parents lui permettent de poursuivre ses études à Rodez jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. Ce jeune aveyronnais, brillant, passe ensuite un diplôme d’architecte à l’école des arts et métiers d’Aix-en-Provence.

Il n’a toujours pas terminé sa formation lorsqu’il doit se présenter devant le conseil de révision d’Espalion l’année de ses 20 ans. Celui-ci le déclare « bon pour le service », tout en lui accordant une dispense qui lui permet de ne faire qu’une seule année de service actif, ce qui est bien moins fréquent qu’avec l’ancienne loi de recrutement.

Incorporé au 81e R.I. de Montpellier à compter du 8 octobre 1905, le jeune homme arrive au corps le jour même.

Une fois sa période militaire achevée, il est envoyé en disponibilité le 18 septembre 1906, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite, précieux document pour sa future vie civile, qu’il peut mettre dans son bagage du retour.

En avril 1907, il vit à Roville-devant-Bayon dans le département de la Meurthe-et-Moselle.

Par deux fois, il doit revêtir l’uniforme en se présentant à la caserne du 122e R.I. ; une première fois pour effectuer une période d’instruction allant du 17 août au 13 septembre 1908, une seconde fois pour une période d’exercice allant du 22 août au 13 septembre 1910.

Eugène François Bessière s’installe ensuite à Épinal pour y exercer son métier de bâtisseur. En novembre 1909, cet architecte demeure au 35 rue Chantraine. Ce changement de région lui impose d’être rattaché militairement à une unité du 21e C.A.. Son nom est inscrit dans le tableau des effectifs de la réserve du 149e R.I..

Le jeune homme se marie dans la cité spinalienne le 30 août 1911. Le 4 juin 1912, les époux élisent domicile dans la rue de la Gare.

Eugène François fait une dernière période d’exercice au sein du 149e R.I. du 4 au 20 septembre 1913, quelques mois, avant la mobilisation générale qui sera décrétée le 1er août 1914.

Un ordre individuel du 31 juillet 1914 lui impose de rejoindre son régiment le 2 août. Le 149e R.I. est un régiment frontalier. Ses classes 1911, 1912 et 1913 quittent Épinal le samedi 1er août, bien avant le lever du soleil, pour rejoindre la frontière.

Eugène François Bessière qui est un réserviste, fait partie des effectifs qui vont constituer le 2e  échelon du régiment.

Trois jours plus tard, il rejoint le 1er échelon, au cantonnement de Vanémont. Le soldat Bessière est affecté à la 4e compagnie, sous les ordres du capitaine Altairac.

L’ancien architecte participe à tous les combats dans lesquels est engagé son régiment en août 1914.

À chacun de ces combats, il s’en sort sans être blessé. La chance l’abandonne le mois suivant. Eugène Bessière est tué le 19 septembre 1914, au cours d’une attaque qui se déroule dans le village de Souain.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Village de Souain

Un témoignage, laissé par le sergent Paul Monne, reprend l’intégralité du parcours de la 4e compagnie depuis le début du conflit jusqu’aux combats qui eurent lieu dans la Marne en septembre 1914.

Pour accéder à cet écrit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Paul Monne

Eugène Bessière repose actuellement dans la nécropole nationale de « la Crouée » sur la commune de Souain-Perthe-les-Hurlus. Sa sépulture porte le numéro 389.

Sepulture Eugene Bessiere

Le nom de ce soldat est inscrit sur la liste des tués du régiment à la date du 19 septembre 1914. Pourtant, son décès ne fut validé que le 22 décembre 1920, suite à un jugement qui a été rendu par le tribunal d’Épinal. La famille ne semble pas avoir fait de recherches auprès du Comité International de la Croix Rouge.

Eugène François Bessière a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (publication dans le journal officiel du 5 octobre 1920).

« Excellent soldat courageux, très apprécié de ses chefs. Tué glorieusement à son poste le 19 septembre 1914 à Souain. »

Cette décoration lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Son nom est inscrit sur les monuments aux morts de la ville d’Épinal et de sa commune natale et sur la plaque commémorative fixée dans l’église paroissiale d’Espalion. Il est également inscrit sur la plaque commémorative qui se trouve dans le hall d’entrée de l’école nationale supérieure d’arts et métiers d’Aix-en-Provence.

La descendance de cet homme n’est pas connue.

Sources :

Fiche signalétique et des services et acte de naissance du soldat Bessière consultés sur le site des archives départementales de l’Aveyron.

Le portrait de cet homme est extrait du livre d’or de l’institution Saint-Joseph de Rodez.

La photographie de la sépulture d’Eugène François Bessière a été réalisée par E. Gambart.

Un grand merci à M. Bordes, à E. Gambart, à P. Baude, à A. Carobbi, aux archives départementales de l’Aveyron et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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