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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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26 avril 2019

Henri Émile Jeannin (1895-1915)

Henri__mile_Jeannin

 

Originaire du petit village haut-marnais de Cirfontaines-en-Azois, Henri Émile Jeannin voit le jour le 17 mai 1895 au domicile familial. Il est le 3e enfant d’une fratrie composée de 8 frères et sœurs.

 

Sa mère, Marie Anastasie Legoux, est âgée de 26 ans. Elle travaille comme vigneronne dans une exploitation locale.

 

Son père, qui exerce la même profession, se prénomme Théophile René. Il a 34 ans.

 

Les rentrées d’argent apportées au foyer par le labeur parental ne sont pas suffisantes pour nourrir l’ensemble de cette grande famille. Très tôt, Henri est obligé d’aller travailler. Sa vie d’enfant et d’adolescent ne fut certainement pas facile tous les jours.

 

Genealogie_famille_Jeannin

 

La fiche signalétique et des services d’Henri Émile Jeannin nous fait savoir qu’il possède un degré d’instruction de niveau 0.

 

Henri n‘a donc pas suffisamment fréquenté l’école communale pour avoir appris à lire, écrire et compter.

 

Plus tard, le jeune homme s’installe dans la commune d’Orges. Les années de jeunesse s’écoulent jusqu’à l’arrivée d’un nouveau conflit armé contre l’Allemagne qui débute en août 1914.

 

Celui de 1870 est maintenant vieux de plus de quarante ans, mais il est encore très présent dans les esprits. Les premiers mois de guerre sont particulièrement meurtriers. Pour cette raison, la classe d’Henri Jeannin est vite appelée par la République, et cela, bien avant la date échéance d’incorporation du temps de paix.

 

La classe 1914 doit au plus tôt être formée au maniement du Lebel. Il va falloir aussi endurer les longues marches qui vont en grande partie conditionner la résistance physique des futurs combattants.

 

Robuste et en bonne santé, Henri est vite reconnu « bon pour le service armé » par le conseil de révision qui vient de se réunir à Châteauvillain.

 

Il est obligé d’abandonner son activité professionnelle de domestique de culture qu’il pratique depuis plusieurs années. Henri Jeannin rejoint le dépôt du 149e R.I. qui est installé à Rolampont, une commune située à 42 km de son lieu d’habitation.

 

Les aléas de la guerre ont entraîné le dépôt de ce régiment à se retirer de la ville d’Épinal dès le début du conflit, pour aller prendre place dans cette petite commune de Rolampont, dans le département de la Haute-Marne.

 

Commencée le 19 décembre 1914, la formation militaire d’Henri est achevée à la fin du mois de juillet 1915. Il est temps pour lui de rejoindre la zone des armées.

 

Le 28 juillet 1915, Henri intègre une section de la 6e compagnie qui se trouve sous l’autorité du lieutenant Damineau. À partir de cet instant, il est impossible de détailler son quotidien.

 

Le 9 septembre 1915, sa compagnie est en 1ère ligne à l’ouest du bois en Hache à proximité d’Aix-Noulette. À 16 h 00, Henri Jeannin est abattu d’une balle au cours d’une attaque menée par un peloton allemand.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte_1_journees_des_9_et_10_septembre_1915

 

Quatre jours plus tard, le caporal-fourrier Gabriel Chaussin et le soldat Pierre Belleu, deux hommes qui l’ont vu tomber, signent son acte de décès en présence de l'officier d’état civil du régiment, le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse.

 

La mairie d’Orges reçoit la transcription de cet acte le 1er novembre 1915.

 

Le corps du soldat Jeannin est restitué à la famille dans les années 1920. À l’heure présente, il repose toujours dans le petit cimetière communal d’Orges, partageant sa sépulture avec son frère Jules.

 

Sepulture_Henri_Jeannin

 

La Médaille militaire lui a été remise à titre posthume (Publication dans le J.O. du 16 décembre 1920).

 

« Soldat dévoué, courageux. A toujours été d’un entrain admirable. Mortellement frappé le 9 septembre 1915 à Aix-Noulette. »

 

Cette décoration lui donne également droit au port de la croix de guerre avec étoile de bronze.

 

Pour honorer ses « morts pour la France », la paroisse d’Orges se démena pour trouver les financements nécessaires à la création d’un vitrail. Lorsque nous rentrons à l’intérieur de ce lieu de culte, il est impossible de ne pas remarquer l’espace imposant tout spécialement créé à leur intention. Plusieurs plaques commémoratives avec portraits ont été fixées sur un des murs de l’église. Parmi elles, figure celle d’Henry Jeannin.

 

Eglise_d_Orges

 

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune d’Orges.

 

Henri Émile Jeannin ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de ce soldat a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Toutes les photographies ont été réalisées par J.N. Deprez.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.N. Deprez, à V. le Calvez, aux archives départementales de la Haute-Marne et à la mairie d’Orges. 

19 avril 2019

Du 31 octobre au 6 décembre 1917, revues et permissions pour les hommes du 149e R.I..

Apres_la_bataille_de_la_Malmaison

Le 149e R.I. s’apprête à se retirer du secteur proche de la Malmaison. Le colonel Boigues vient de recevoir l’ordre d’aller faire cantonner ses hommes à l’ouest de Montmirail. Le 1er bataillon quitte Billy-sur-Aisne le 31 octobre.

Les 2e et 3e bataillons du régiment rejoignent les lieux de repos le lendemain. Ils laissent Condé-sur-Aisne et Chantereine derrière eux.

Les noms des communes qui accueillent les compagnies du régiment spinalien n’ont pas été retrouvés. Elles se sont vraisemblablement installées à Viels-Maisons et dans sa proximité.

Une importante revue d’honneur demandée par le chef de la VIe armée, le général Maistre, se déroule à Soissons le 31 octobre 1917. Des délégations de chaque unité du  21e C.A. y sont conviées. À 14 h 00, chacune d’entre elles prend place boulevard Jeanne d’Arc.

Ce jour-là, les « trophées » pris à l’ennemi durant l’attaque de la Malmaison furent exposés devant l’abbaye de Saint-Jean-des-Vignes à « la cité du vase ».

Les_trophees_de_la_6e_armee_devant_l_eglise_Saint_Jean_des_Vignes_a_Soissons

Sous le regard bienveillant de Georges Clemenceau, le général Maistre félicite le colonel Boigues pour l’action menée par son régiment durant la bataille de la Malmaison.

Georges_Clemenceau_et_le_g_n_ral_Maistre_passent_en_revue_le_149e_R

Dans la petite commune de Viels-Maisons, le commandant en chef des armées françaises, Philippe Pétain, passe en revue les officiers disponibles de la 43e D.I. et les délégations d’hommes de troupe de tous les corps de la division. La photographie suivante le représente devant la délégation du 149e R.I..

La_revue_du_149e_R

Les hommes bénéficient de plusieurs jours de repos avant de reprendre l’instruction. Les plus chanceux pourront rendre visite à leurs familles. Les taux de permissions sont de l’ordre 50 % à 60 % et durent 12 jours.

Le 10 novembre, le général commandant en chef Pétain remet aux drapeaux du 12e R.A.C. du 158e et 149e R.I. la fourragère aux couleurs du ruban de la croix de guerre.

Le 13 novembre le 149e R.I. régiment reçoit officiellement sa seconde citation à l’ordre de l’armée.

« Régiment d’avant-garde, ayant un long passé de gloire. Sous les ordres du colonel Boigues, s’est distingué une fois de plus le 23 octobre 1917, en s’emparant dans un élan irrésistible, de positions puissamment organisées sur plus de trois kilomètres de profondeur. Malgré de lourdes pertes en officiers a mené le combat jusqu’au bout avec la même ardeur, la même cohésion, brisant toutes les résistances et atteignant tous les objectifs assignés. A fait 700 prisonniers et capturé 19 canons dont 10 lourds, 54 mitrailleuses et une grande quantité de matériel. »  

Durant la dernière décade du mois de novembre, les hommes ont eu droit à plusieurs séances cinématographiques. Les films de Charlie Chaplin et d’Éric Campbell, de Roscoe Arbuckle et de Max Linder furent probablement au programme.

Jusqu’au 6 décembre 1915, la vie s’écoule, calme et monotone, dans les petits villages où sont cantonnés les bataillons du 149e R.I..

Sources :

J.M.O. du 21e C.A. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 195/4.

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf 26 N 815/4.

Historique du 149e R.I. (version luxe) Épinal, Imprimeries Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Les photographies représentant le général Pétain  et le général  Maistre proviennent du fonds Rémy qui se trouve aux archives départementales des Vosges. Le fonds Rémy est conservé sous la cote 141 J. La 1ere épreuve est référencée sous le numéro 58, la seconde, sous le numéro 57.

La photographie montrant les trophées pris aux Allemands, durant la bataille de la Malmaison, appartient à T. de Chomereau.

Ces trois clichés furent également publiés dans la version « luxe » de l’historique du 149e R.I..

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. de Chomereau, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes et les archives départementales des Vosges.  

12 avril 2019

Joseph Jean Lafont (1882-1915)

Joseph Jean Lafont

 

Joseph Jean Lafont est né le 11 décembre 1882 à Saint-Laurent-des-Arbres, dans le département du Gard. Il est le fils de Siméon Anselme et de Mathilde Valérie Drivet.

 

Contrairement aux registres d’état civil qui ne sont toujours pas en ligne, la fiche signalétique et des services de Joseph Lafond est heureusement accessible sur le site des archives départementales du Gard. Elle nous apprend  que Joseph possède un degré d’instruction de niveau 3 et qu’il exerce le métier de boucher à Pujaut.

 

Cette fiche nous informe également que son père vit dans la même petite localité occitane et que sa mère est décédée.

 

En l’état actuel des sources disponibles, il est donc difficile de pouvoir reconstruire de manière plus détaillée l’histoire familiale de cet homme.

 

L’année de ses vingt ans, le conseil de révision le classe dans la 1ère partie de la liste de recrutement du canton de Villeneuve-lès-Avignon.

 

Ce jeune gardois intègre les effectifs d’une compagnie du 3e R.I., le 16 novembre 1903. Ce jour-là, il reçoit le numéro 5983 au répertoire du corps. Sa formation de fantassin commence aussitôt après le passage chez le coiffeur, la réception du paquetage et l’installation dans le dortoir. Joseph sait qu’il va devoir passer trois ans de son existence à la caserne, mais ce n’est pas tout à fait ce qui va se produire.

 

Le 13 février 1906, la commission spéciale de réforme de Digne lui diagnostique une « adénite cervicale volumineuse ». Réformé n° 2, il est autorisé à retourner chez lui avant d’avoir terminé ses obligations militaires. De fait, cette exemption médicale forcée le dispense des futures périodes d’exercices obligatoires.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Joseph peut encore rester au village. Mais il ne conservera pas cette « faveur » bien longtemps !

 

En effet, le 11 décembre 1914, il passe devant le conseil de révision pour la seconde fois de sa vie. Cette fois-ci, ses problèmes de santé ne sont pas jugés suffisamment invalidants pour qu’il puisse prétendre à la réforme définitive. Joseph Lafont est inévitablement classé « bon pour le service armé ».

 

Contraint de revêtir une nouvelle fois l’uniforme, il rejoint la ville de Lyon le 25 février 1915. Cette fois-ci, Joseph intègre le 99e R.I.. Il n’a droit qu’à une petite vingtaine de jours pour se reconditionner à la vie de soldat.

 

Joseph Lafont est ensuite envoyé dans la zone des armées, probablement pour achever son instruction dans un bataillon de marche.

 

Le 9 juin 1915, le soldat Lafont rallie les effectifs du 158e R.I., une unité qui détient également son dépôt dans la « capitale des Gaules ».

 

Il n’y reste que très peu de temps. Le 21 juin 1915, notre homme est versé à la 3e compagnie du 149e R.I..

 

Il ne portera le numéro de ce corps que durant quelques semaines.

 

Joseph Lafont trouve la mort le 9 septembre 1915 en Artois, au sud-ouest d’Angres. Son nom est inscrit dans l’état des pertes du régiment du 149e R.I..

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Les chefs de bataillons du 149e R

 

Les caporaux Fernand Bar et Octave Desrues signent l’acte de décès de Joseph Lafont. Ce document est transcrit à la mairie de Pujaut le 18 février 1916.

 

Le soldat Lafont repose actuellement dans le cimetière militaire franco-britannique d’Aix-Noulette. Sa sépulture individuelle, placée au rang 25, porte le numéro 434.

 

 

La Médaille militaire lui a été décernée à titre posthume (Publication dans le J.O. du 07/06/1921).

 

« Soldat dévoué et courageux. Tué à son poste le 9 septembre 1915, à Souchez, en faisant vaillamment son devoir »

 

Cette décoration lui donne également droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

 

Le nom de Joseph Jean Laffont est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Pujaut.

 

L’absence des registres d’état civil du département du Gard sur internet n’a pas permis la reconstruction de la généalogie de la famille Lafont, même de façon partielle. Joseph a-t-il été marié ? A-t-il eu une descendance ? Il est actuellement impossible de répondre à ces questions.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de Joseph Jean Lafont a été consultée sur le site des archives départementales du Gard.

 

La photographie de la sépulture a été réalisée par T. Cornet.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet et aux archives départementales du Gard. 

4 avril 2019

Ouest du bois en Hache, du 9 au 10 septembre 1915.

Les_chefs_de_bataillons_du_149e_R

Le 2e bataillon du 149e R.I. est en 1ère ligne depuis le 8 septembre. Ses 1er et 3e bataillons sont positionnés en 2e ligne. Six compagnies sont en réserve de secteur, les deux autres en soutien du bataillon Schalck.

Une section de mitrailleuses possède encore une de ses pièces à la sape 9. La seconde pièce s’est installée à la sape 8’. La seconde section est toujours dans la tranchée Dulys, en attente de son nouvel emplacement en construction dans le boyau Coquelet. Une troisième section de mitrailleuses est en place à proximité de la sape 6’.

Carte_1_journees_des_9_et_10_septembre_1915

Legende carte 1 journees des 9 et 10 septembre 1915

Dans la matinée du 9, plusieurs torpilles tombent en avant de la sape 4.

La sape 7’ est toujours en construction.

Une canonnade assez intense a lieu, à partir de midi, à gauche du sous-secteur nord entre f8 et e6. Elle dure pendant quatre heures.

La soirée s’annonce mouvementée, particulièrement dans la zone occupée par la 6e compagnie du bataillon Schalck.

Cette compagnie est commandée par le lieutenant Damineau. Elle utilise la ligne F12-f11-e7 et la sape 4. Elle a sa liaison assurée à droite avec la 5e compagnie du 149e R.I., et, à gauche, avec la 4e compagnie du 10e B.C.P..

À 21 h 00, un peloton allemand en provenance de e12, attaque la sape 3 où travaillent des hommes du 10e B.C.P. ainsi que le poste d’écoute occupé par un caporal et 6 grenadiers de la 6e compagnie du 149e R.I.. L’ennemi parvient à s’emparer d’une partie de la sape 3 et du poste d’écoute.

Carte_2_Attaque_allemande_du_10_septembre_1915

Legende_carte_2_attaque_allemande_du_10_septembre_1915

Une contre-attaque est effectuée par des fractions des 4e et 5e compagnies du 10e B.C.P.. Les Allemands sont obligés d’évacuer leurs emplacements fraîchement conquis, ils regagnent leur ligne.

Disparition du sous-lieutenant Bozonnat.

Durant l’attaque allemande, la section commandée par le sous-lieutenant Bozonnat reçoit l’ordre de venir renforcer la ligne f11-e7 et de s’y installer.

Une fois sur place, le sous-lieutenant Bozonnat donne des instructions de détail à ses gradés et soldats pour les travaux à exécuter et sur la conduite à tenir en cas de nouvelle attaque.

À 22 h 45, le lieutenant Damineau, qui commande la 6e compagnie, vient s’assurer que toutes les fractions de son unité se trouvent bien à leur place. Il constate que le sous-lieutenant Bozonnat et ses hommes sont bien à l’endroit indiqué. Le lieutenant Damineau demande un compte-rendu verbal à son subordonné sur l’installation de sa section.

À 23 h 00, le sous-lieutenant Didier de la 6e compagnie, installé au poste d’écoute de la sape 3, reçoit la visite du sous-lieutenant Bozonnat qui, sans rien dire à personne, vient de quitter sa section.

Les deux hommes échangent quelques mots avant de se séparer. À partir de cet instant, le sous-lieutenant Bozonnat n’est plus reparu à la compagnie.

Une enquête est effectuée à la compagnie. Il en résulte que le sous-lieutenant Bozonnat était indisposé à 22 h 45. L’aspirant Benoît s’en étant rendu compte lui en a fait la remarque. L’officier lui répondit : « Ce n’est pas grand-chose. »

Un peu plus tard, l’aspirant Benoît s’inquiète de l’absence de son chef de section. Il avertit aussitôt son commandant de sa compagnie.

Les hommes de la section Bozonnat sont interrogés. Ils ne purent fournir aucun renseignement.

Durant les heures suivantes, le sous-lieutenant Didier, le sergent Besançon et quelques hommes fouillèrent tous les abris, sapes, tranchées et parallèles du secteur. Les recherches se poursuivirent le lendemain, en vain.

En fait, personne ne sait encore que le sous-lieutenant Bozonnat a tout bonnement été fait prisonnier.

Au cours de la nuit, plusieurs patrouilles ont été envoyées dans le secteur du 2e bataillon en avant des sapes 4, 5, 6, 6’, 7, 8 et 9.

Les Allemands ont placé des réseaux de barbelés, des solutions de continuité existent encore pour les Français. Une patrouille a remarqué des rouleaux tout neufs au-devant de leur tranchée.

Un petit poste avancé, en face de la sape 8, semble être pourvu d’une mitrailleuse blindée. Les balles produisent un son métallique.

                                      Tableau des tués pour la journée du 9 septembre 1915

                        Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 9 septembre 1915

Le 10 septembre, les artilleurs tirent de manière intermittente sur tout le front à partir de 7 h 00. La canonnade stoppe à 11 h 00.

Lieutenant-colonel Gothie et le bois en Hache

Dans la matinée du 10 septembre, le lieutenant-colonel Gothié rédige, pour sa hiérarchie, un compte-rendu sur les évènements de la nuit du 9 au 10. 

« La 6e compagnie occupait la sape 4, la parallèle f12, f11 e7 et le point où la parallèle intermédiaire rejoint la sape 3 de la manière suivante :

Une section dans la parallèle f12-f11, une escouade à la sape 4 surveillant particulièrement le flanc nord. Enfin une ligne de postes d’écoute sans la liaison, en construction. Ces postes d’écoute étaient au nombre de 3. Le 1er au nord de f11, le second à e7 et enfin le 3e au sommet du talus e12 en liaison avec les chasseurs de la sape 3.

À 21 h 00, tous ces emplacements étaient occupés. Le poste d’écoute extrême se trouvait en liaison avec les chasseurs à pied.

Vers 21 h 05, un coup de sifflet retentit en avant du poste d’écoute et de la sape 3. Les travailleurs des 3e et 9e compagnies arrivaient à ce moment-là, au chemin creux de notre ancienne première ligne. Les hommes du poste d’écoute virent alors une ligne de tirailleurs ennemis s’approcher. Ils lancèrent immédiatement des grenades sur les assaillants se dirigeant vers le poste. Les Allemands continuèrent leur offensive. Les hommes du poste furent obligés d’évacuer leur emplacement. Ils durent rejoindre un groupe de chasseurs à pied travaillant à proximité, dans la sape 3 pour contribuer à sa défense.

La ligne de tirailleurs ennemis fut arrêtée par les nombreux coups de feu des défenseurs et les mitrailleuses des chasseurs à pied occupant la sape 3. Les Allemands durent se replier un instant après, devant la contre-attaque du 10e B.C.P. déclenchée aussitôt.

Le poste d’écoute extrême du 149e R.I. s’était replié vers les chasseurs avec lesquels il se trouvait plus directement en relation ; ainsi, il n’a pas pu prévenir aussitôt le commandant de la 6e compagnie du 149e R.I.. C’est ce qui explique pourquoi la contre-attaque est venue immédiatement du 10e B.C.P.. Le poste d’écoute a été réoccupé aussitôt par la 6e compagnie du 149e R.I. dès que le commandant de compagnie en fut informé.

Une entente complète était établie dès 22 h 00 entre le 149e R.I. et le 10e B.C.P. pour les mesures de précaution.

Le commandant Schalck dispose alors des compagnies de travailleurs à proximité. (3e compagnie plus une section de la 9e)

Cette situation au nord du sous-secteur du centre restera précaire tant que la liaison en tranchée profonde avec le sous-secteur nord ne sera pas terminée. 

Une mitrailleuse française sera poussée ce soir à l’extrémité nord de la parallèle construite pour protéger plus efficacement «les travailleurs».

Muté au 31e B.C.P., le capitaine Pretet laisse le commandement du 3e bataillon du 149e R.I. au commandant Chevassu.

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

J.M.O. du 3e B.C.P. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/2.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Fond de carte du secteur de Lorette construit par V. le Calvez.

La photographie du bois en Hache a été réalisée par T. Cornet.

Il n’a pas été possible de faire un travail de précision pour la carte qui donne les positions des compagnies du 2e bataillon du 149e R.I.. L’échelle du calque utilisé pour sa réalisation est différente de la carte réalisée par V. Le Calvez. Cette carte ne doit avoir qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez, à D. Gothié,  à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ». 

29 mars 2019

Albert Constant Noirot (1881-1922).

Albert Constant Noirot

Né de Louis Cyrille et de Jeanne Adélaïde Zoé Courbet, Albert Constant Noirot voit le jour le 8 décembre 1891, dans la commune de Port-Lesney. Il est le dernier d’une fratrie de 6 enfants. Deux d’entre eux n’ont pas survécu à leur première semaine de vie.

genealogie famille Noirot

Les parents ont toujours travaillé comme cultivateurs dans la région jurassienne.

Léon Clovis, le seul frère d’Albert, est interné à l’hospice de Saint-Ylie. En 1910, le conseil de révision le dispense de toutes obligations militaires pour « idiotie ». Il en est de même en 1914 au moment où tous les exemptés furent dans l’obligation de repasser devant la médecine militaire.

Albert Noirot quitte l’école communale de Port-Lesney en sachant lire, écrire et compter.

En 1901, il entre dans sa 20e année. Sans profession, il habite toujours chez son  père et sa mère qui sont respectivement âgés de 61 et 60 ans, dans la grande rue du Port. 

Le père meurt le 7 octobre 1902. Le 14 novembre, Albert se rend à Épinal pour effectuer ses obligations militaires.

C’est au 149e R.I. qu’il apprend le métier de soldat, après avoir bénéficié de l’article 22 durant un an pour soutien de famille.

Son passage au sein du régiment ne dure que 10 mois. Le jeune homme passe dans la disponibilité de l’armée active le 19 septembre 1903, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite ; il retrouve la vie civile dans sa commune d’origine.

En 1906, Albert, qui s’est lancé dans le négoce de tissus, vit seul avec sa mère. Celle-ci décède le 15 juillet de l’année suivante.

Il accomplit sa 1ère période d’exercice au 152e R.I. du 22 août au 18 septembre 1909.

En 1911, Albert demeure toujours à Port-Lesney. Ce négociant a réussi à créer une petite société qui lui a permis d’embaucher deux salariés, Charles Maréchal et André Mourlevat, deux hommes qui sont logés chez lui et qui travaillent à la fois comme domestiques et comme commis voyageurs.

Albert Noirot retrouve képi et pantalons garance pour effectuer sa 2e période d’exercice du 24 août au 9 septembre 1912,  toujours au 152e R.I..

Ses affaires professionnelles périclitent petit à petit jusqu’à ne plus rien lui rapporter. Les dettes s’accumulent. Le tribunal de commerce de Salins le déclare en état de faillite le 1er mai 1914.

Trois mois plus tard, la guerre contre l’Allemagne est inéluctable. Le 3 août 1914, Albert est rappelé à l'activité militaire comme des centaines de milliers de réservistes.

Albert Noirot rejoint le dépôt du 349e R.I. d’Épinal avant d’être inscrit dans les effectifs du 149e R.I..

La date de son arrivée dans la zone des armées n’est pas connue. Il nous est donc impossible de valider sa présence dans les tout premiers combats du 149e R.I. en août 1914.

C’est au cours de l’attaque éclair, lancée par les Allemands le 3 mars 1915, qu’il est fait prisonnier dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette en même temps qu’un grand nombre de ses camarades de la 2e compagnie.

Une recherche effectuée sur le site du Comité International de la Croix Rouge permet de retrouver sa trace en Allemagne. Les deux références qui figurent sur sa fiche nous font savoir qu’il a été interné aux camps de Cellelager Hannover et d’Hamelm.

Fiche C

Sa fiche signalétique et des services nous apprend également qu’il a été à Soltau.

Tous ces camps sont situés à Hanovre ou à proximité de cette ville.

Les camps de prisonniers français en Allemagne où a été interné Alfred Constant Noirot

Rapatrié d’Allemagne le 19 janvier 1919, Albert est envoyé sur le D.T.I. de Dunkerque. Il est mis en congé illimité de démobilisation le 6 mars 1919 au dépôt du 28e R.I. à Courbevoie. Il se retire ensuite chez son beau-frère, à Colombes, au 4 rue des Lilas.

Ce changement de résidence entraîne son rattachement au dépôt du 44e R.I. pour être affecté dans les réserves du 147e R.I.T..

Ne parvenant pas à trouver sa place dans la région de Colombes, il retourne vivre à Port-Lesney.

Albert Noirot décède le 30 janvier 1922 à Salins à l’âge de 41 ans. Il ne s’est jamais marié.

Sources :

Les fiches signalétiques et des services des frères Noirot,  les actes de naissance, de mariage et de décès de la famille Noirot ont été trouvés sur les sites des archives départementales du Jura et des Hauts-de-Seine.

Les sites du Comité International de la Croix Rouge et de « Généanet » ont été consultés.

Le morceau de carte des camps de prisonniers français en Allemagne a été pris sur le site « Gallica ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi  et aux archives départementales du Jura et des Hauts-de-Seine. 

22 mars 2019

Ouest du bois en Hache, 8 septembre 1915.

Le cuistot du 149e R

C’est au tour du 2e bataillon du 149e R.I. d’aller occuper les positions de 1ère ligne.

Les compagnies du commandant Schalck viennent remplacer celles du 1er bataillon, en place depuis la nuit du 4 au 5 septembre.

La 6e compagnie du 149e R.I. se met en liaison avec le 10e B.C.P.au nord de e7.

Au sud, la 7e compagnie est en lien avec le 109e R.I. du côté de l’abri 25, vers o5.

Carte 1 journee du 8 septembre 1915

Legende de carte 1 journee du 8 septembre 1915

Deux compagnies du régiment sont en soutien. Les six autres constituent la réserve de secteur.

Aucun mouvement de troupe n’est constaté en face. Cependant, l’ennemi est au travail. Des bruits d’outils réguliers sont entendus dans ses tranchées et dans ses boyaux.

Du côté français, on perçoit des bruits souterrains répétés venant du même endroit. L’ennemi semble construire une sape sur la gauche du poste d’écoute de la sape 6.

La canonnade est peu intense durant la journée. Dans la soirée, des tirs d’artillerie continus s’effectuent entre 20 h 00 et 3 h 00 sur e6 et f8. Quelques grenades sont également envoyées à l’aide de fusils.

Trois mortiers de 58 sont déposés à l’entrée du boyau f7-h11. Ils attendent d’être mis en batterie.

Une section de mitrailleuses est installée à la sape 9. Une nouvelle position est en préparation à la sape 8’ pour y mettre une de ses pièces dont l’emplacement a été bousculé par le tir de l’artillerie française. Une seconde section de mitrailleuses est implantée dans la tranchée Dulys. Ici, cette section ne sert pas à grand-chose. Son emménagement dans le boyau Coquelet est à envisager. Une troisième section de mitrailleuses a pris place à proximité de la sape 6’.

Au cours de la journée, il y a eu deux blessés à la compagnie de mitrailleuses.

                                         Liste des blessés pour la journée du 8 septembre 1915

Plusieurs patrouilles sortent la nuit en avant des sapes 4, 5, 6, 6’, 7 et 8.

Le caporal David de la 6e compagnie rédige le compte-rendu suivant :

« Parti en patrouille du point f11 à 2 h 00, je me suis rendu à 50 m en avant de ma tranchée. Ayant observé pendant un moment je suis rentré par la parallèle à 3 h 00. Je n’ai pu observer aucun renseignement sur l’ennemi. »

Le caporal Cauteret, également de la 6e compagnie, fait son petit rapport écrit après sa sortie : « Parti avec deux hommes de f12 à minuit, je me suis dirigé à trente mètres en avant. Je me suis arrêté et je n’ai rien entendu. Je me suis ensuite dirigé vers la gauche, face à f11. Là, je n’ai rien vu et rien entendu. J’ai continué à observer pendant une demi-heure environ. Je me suis ensuite dirigé parallèlement à la tranchée amorcée vers la sape 3. Là encore, je n’ai rien entendu. Je suis rentré par la sape 4 à 1 h 40. »

Une patrouille ennemie s’est approchée de la sape 8. Elle rebrousse vite chemin devant les tirs nourris des hommes qui occupent le secteur.

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées

J.M.O. du 3e B.C.P. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/2.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Le dessin intitulé « Artois 1915, départ pour la relève » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il est extrait du fascicule « Hippolyte Journoud, imprimerie de la maison des deux-collines, XXXII phototypies MCMXIX.

Fond de carte réalisé par V. le Calvez.

Concernant la carte, il n’a pas été possible de faire un travail de précision. L’échelle du calque utilisé pour sa réalisation est différente de la carte réalisée par V. Le Calvez. Cette carte ne doit avoir qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à la famille Aupetit, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez,  à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ». 

15 mars 2019

Marcel Georges Gillot (1895-1915).

Marcel_Georges_Gillot

Marcel Georges Gillot est né à Varennes-sur-Amance dans le département de la Haute-Marne. Sa mère, Reine Marie Michaux a 23 ans. Elle lui donne vie le 11 novembre 1895 dans la demeure des grands-parents maternels. Le père, Jean Charles Nicolas, travaille comme cultivateur. Il est âgé de trente-deux ans.

La famille est installée dans le village natal paternel de Montlandon, situé à quelques13 km de Langres.

Marcel est l'aîné d’une fratrie de trois enfants ; son frère cadet se prénomme Maurice Étienne, sa petite sœur Charlotte Madeleine.

Il partage son temps entre l’école communale du village et le travail aux champs. Très jeune, il abandonne sa scolarité pour aller exercer le métier de cultivateur, comme tous ses ancêtres qui pratiquent cette profession depuis de nombreuses générations.

Montlandon

Sa fiche signalétique et des services nous informe qu’il possède un degré d’instruction de niveau 2. Marcel a une maîtrise imparfaite de la lecture, de l’écriture et du calcul.

Le 1er août 1914, le gouvernement français ordonne la mobilisation générale. Toutes les classes de réservistes qui sont en âge de porter l’uniforme doivent rejoindre leurs dépôts d’affectation.

Marcel Gillot n’est pas touché par ces évènements, puisqu’il fait partie de la classe 14 qui ne fut mobilisée qu’au début du mois de septembre. Il n’est toutefois pas incorporé avec les hommes de sa classe, bien qu’ayant été classé « service armé » lors de son passage au conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Neuilly-l'Évêque.

Faut-il y voir une erreur dans la fiche matricule ou une autre raison à son incorporation avec la classe suivante, 1915, en décembre 1914 ? (Maladie ? Sursis lié à sa profession ?). Toutefois, il porte l’uniforme lors du conseil de révision de la classe 1915.

Incorporé à compter du 19 décembre, Marcel Gillot quitte le village où il a passé sa jeunesse et tracé ses premiers sillons d’homme de la terre. Il prend ses quartiers dans une des casernes situées à Épinal, au dépôt du 170e R.I..

Caserne Contades 2

Sa formation est accélérée. Dans les hauts lieux militaires, il est maintenant estimé que quelques mois suffisent pour intégrer les rudiments du métier de soldat. En cette fin d’année 1914, la France a besoin d’hommes pour remplacer les pertes des premiers mois du conflit.  Nous sommes bien loin des trois années de vie passées sous les drapeaux, années imposées par la loi votée en 1913 sous le gouvernement Barthou.

Le 29 mars 1915, le soldat Gillot est inscrit dans les effectifs de la 27e compagnie du dépôt du 170e R.I.. Ce jour-là, le jeune fantassin prend le temps d’écrire à la famille.

« J’ai vu Paul Jannel. Il est venu me voir samedi soir. Hier, j’ai été à la messe avec trois copains de la Haute-Marne, un de Langres, un de Voisey et un de Bourbonne. On a rapporté chacun une petite branche de buis. Après la messe, on a dîné tous les quatre en ville. Nous y retournerons encore dimanche, le jour de Pâques. Nous avons tous touché chacun une paire de souliers neufs, une chemise et un caleçon et nous allons encore toucher des effets cette semaine-ci. Vous ne m’enverrez rien du tout, je n’ai besoin de rien. Ce matin, j’ai été à la visite. J’ai un abcès au pied au bas de la cheville. J’ai été reconnu trois jours exempt d’exercices et si cela ne va pas mieux, j’y retournerai jeudi.

J’ai reçu avant-hier une lettre de Paris. Ils ont reçu ma photographie. Ils partent en vacances pour quinze jours à Château-Chinon.

Quand vous écrirez, vous me direz où le cordonnier et Pierre Laurent vont en garnison.

 Je suis en bonne santé et j’espère qu’il en est de même pour vous. G. Marcel. »

Une fois ses apprentissages militaires achevés, Marcel Gillot est affecté dans un autre régiment.

Le 1er mai 1915, il quitte la caserne Contades, traverse la Moselle, pour aller s’installer à la caserne Courcy, qui héberge le 149e R.I...

Quinze jours plus tard, Marcel quitte le dépôt pour rejoindre la zone des armées. Son régiment combat dans le Pas-de-Calais depuis la fin décembre 1914. Cette unité, sous les ordres du lieutenant-colonel Gothié, est au repos lorsque ce dernier est rejoint par le renfort venu d’Épinal. Le 149e R.I. vient de passer plusieurs jours en 1ère ligne du côté de Noulette. Les pertes ont été sévères. Il faut maintenant reconstituer les compagnies avec les hommes fraîchement arrivés du dépôt. Le soldat Gillot est affecté à la 9e.

Le 26 mai 1915, Marcel envoie sa première correspondance à sa famille depuis son arrivée dans le secteur du front.

« Cher parents,

Deux mots pour vous dire que je suis en bonne santé. Nous sommes toujours au repos pour le moment. L’autre jour, j’ai vu Edmond Cornaire à Bully-Grenay. J’ai reçu le mandat-carte de 5 francs de Varennes. Depuis que je suis parti d’Épinal, je n’ai encore reçu qu’une lettre. Celle que vous m’avez envoyée avec le mandat. Quand vous écrirez, vous me direz si vous recevez les lettres et vous direz ce que vous faites. Je ne vois pas grand-chose à vous dire pour le moment. Je termine en vous envoyant bien le bonjour. G. Marcel. »

Le 4 juin 1915, il rédige un nouveau courrier à ses parents.

« Chers parents,

Je vous ai écrit hier ainsi qu’à Paris et chez mon oncle. Je vous écris seulement deux mots pour vous dire que j’ai reçu votre lettre recommandée du 1/06. Je vous remercie beaucoup. J’ai reçu les 5 francs de Varennes et le mandat de chez mon oncle, je ne l’ai pas encore reçu. C’est encore le meilleur d’envoyer en lettre recommandée.

Il y en a un de Varenne qui est à notre compagnie, le sergent Lanne. Je suis en bonne santé et j’espère qu’il en est de même pour vous. G. Marcel »

Trois jours plus tard, le soldat Gillot écrit de nouveau aux siens.

« Chers parents,

Je vous écris ces quelques lignes pour vous dire que je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouve de même. J’ai reçu votre lettre du 2 juin hier soir, mais le mandat-carte de 1 franc que vous m’envoyez, je ne l’ai pas encore reçu. J’ai bien reçu la lettre recommandée de 10 francs. Du reste, je vous l’ai dit. J’ai reçu le mandat-carte de 10 francs de mon oncle hier soir ainsi qu’une carte de Paul Jannel. Il me dit qu’il a été versé aux chasseurs à pied. Il est au 1er bataillon.

Hier dimanche, il y a eu une messe militaire dite en plein air dans un château, par l’aumônier du 149. Il est de Neuilly-l’Évêque. J’y ai été et le soir, il y a eu un concert.

Nous sommes toujours au repos. Nous faisons quatre heures d’exercice par jour. Deux heures le matin, deux heures le soir. Bonjour à tous. G. Marcel. »

La famille Gillot

Le 9 juin 1915, il leur adresse une quatrième lettre.

« Chers parents,

 Deux mots pour vous dire que je suis en bonne santé. J’ai reçu votre mandat de 10 francs, hier soir. Je vous remercie beaucoup. Nous sommes toujours au repos et je crois que nous allons y rester encore quinze jours. Nous faisons de l’exercice. Hier soir, je suis allé à la gare, voir des canons qui sont arrivés. C’est des grosses pièces de sièges, des 270 courts.C’est des sacrés morceaux, il faut 30 chevaux pour traîner une pièce. Je ne vois plus rien à vous dire pour le moment. Bien le bonjour. G. Marcel. »

Les quinze jours de repos supplémentaires espérés par Marcel n’ont pas eu lieu. Dans la nuit du 14 au 15 juin, les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. remontent en 1ère ligne pour relever le 281e R.I. en vue d’une nouvelle attaque. Celle-ci débute le 16 juin 1915.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

16 juin 1916

Le jeune homme de 19 ans ne répond pas à l’appel après l’engagement de sa compagnie dans cet assaut. Personne ne sait ce qu’il est advenu de lui. Il n’y a pas eu de témoins pour constater son décès. Son nom est inscrit dans la liste des disparus de l’état nominatif des pertes du 149e R.I...

Ne recevant plus de correspondance, la famille manifeste son inquiétude. Le 7 juillet, le père expédie une lettre au régiment de son fils.

« Ne recevant plus de nouvelles de Gillot Marcel, soldat au 149e R.I., 3e bataillon, 9e compagnie de la classe 1915, depuis le 10 juin, et étant très inquiet, je viens vous prier d’avoir l’amabilité de me faire donner des renseignements à son sujet.

Veuillez agréer, Monsieur, avec tous mes remerciements, l’expression de mes sentiments les meilleurs. »

Adolphe Gillot, bibliothécaire à la faculté de pharmacie de Paris, l’oncle évoqué dans les courriers de Marcel, écrit à son frère Charles.

« Cher frère,

La mairie de Bourg-la-Reine m’a communiqué ce matin, les renseignements suivants : Marcel Gillot n’a pas encore été signalé comme disparu à son corps jusqu’à présent. Par conséquent, il ne faut pas encore désespérer. Il peut se faire qu’il soit dans une ambulance sur le front, où que ses lettres soient interceptées pendant un certain temps, pour raison militaire.

En tout cas, j’écris en même temps qu’à vous, au bureau des militaires, pour demander à ce que des recherches soient faites sur le front, dans sa compagnie. J’ai prescrit de t’adresser directement les résultats, ce qui demandera bien au moins une huitaine de jours en plus.

Je vais en vacances mardi prochain à Château-Chinon. Si vous avez des nouvelles, quelles qu’elles soient, vous nous les enverrez.

D’autre part, j’avais prié le vaguemestre de sa compagnie de vous transmettre toutes les lettres adressées à Marcel, y compris les miennes, en cas de disparition.

Si vous en recevez adressées par moi, vous les garderez, sans m’en parler et vous les décachetterez.

A-t-on des nouvelles de Paul Jannel ? Étant versé dans les chasseurs, il a dû être mêlé activement à la bataille.

Il faut toujours espérer jusque plus ample information, tant que vous n’aurez pas été avisé officiellement par la mairie du décès de Marcel. Nous vous souhaitons que vous et nous, receviez bientôt une lettre de lui nous annonçant qu’il est toujours de ce monde, blessé ou non.

En attendant, nous prenons une grande part à vos légitimes angoisses et nous vous embrassons bien affectueusement. »

Le courrier envoyé par le père au 149e R.I. est renvoyé à la famille. La réponse donnée par les militaires, directement inscrite sur la lettre, laisse quelques espoirs.

« Blessé aux combats du 16 juin 1915, évacué sur une ambulance de l’arrière. Depuis cette date, aucun nouveau renseignement n’est parvenu à la compagnie. »

correspondance famille Gillot

Les mois passent, toujours aucune nouvelle de Marcel.

La famille est plongée dans le désarroi. Elle adresse plusieurs courriers aux différentes instances qui seraient susceptibles de pouvoir l’aider. 

Le palais royal de Madrid, l’agence de prisonniers de guerre « les nouvelles du soldat » installée à Paris, le Comité International de la Croix Rouge, l’office provisoire pour les prisonniers à Rome sont sollicités.

Les reponses des differents organismes sollicites par la famille Guillot

L’agence des prisonniers de guerre parisienne l’encourage à écrire à l'aumônier du 149e R.I..  L’abbé Galloudec répond à la mère :

« Madame, Voici ce qu’il résulte de mon enquête sur votre fils Marcel Georges Gillot. Il a été blessé le 16 juin 1915. Au régiment, on n’en sait pas davantage. C’est tout ce que l’enquête a pu me fournir comme renseignement et je regrette infiniment de ne pas pouvoir y apporter plus de précision, d’autant plus que je sais très bien votre déception. Dans tous les cas, je pense que s’il y avait eu un dénouement fatal, vous auriez été avertie depuis longtemps. Avec mes regrets de ne pouvoir faire mieux. Veuillez agréer Madame, tous mes respects. »

Le décès de Marcel Gillot est officialisé le 13 mars 1921 par le tribunal de Langres qui valide la date de sa mort au 16 juin 1915. Le jugement est transmis à la mairie de Montlandon le 27 mai 1921.

Acte de deces Marcel Georges Gillot

Le soldat Gillot a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (publication dans le J.O. du 11 août 1922) :

« Brave soldat, tombé glorieusement pour la France le 16 juin 1915 à Aix-Noulette»

Cette décoration lui donne également droit à la Croix de Guerre avec étoile de bronze.

Medaille militaire et croix de guerre de Marcel Georges Gillot

Pour prendre connaissance de la généalogie de ce jeune homme, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Le nom de Marcel Gillot, ainsi que celui de son cousin Paul Jannel, sont gravés sur le monument aux morts de la petite commune de Montlandon.

Il n’y a pas de sépulture connue pour Marcel. La famille conserve toujours les quelques lettres qu’il a rédigées ainsi que tous les documents le concernant. Cet homme ne s'est pas marié et n'a pas eu de descendance. Sa disparition fut une terrible perte pour la famille. Sa mère n’a jamais voulu croire à sa mort. Elle  a toujours dit qu’il était devenu amnésique.

Sources :

La fiche signalétique et des services de Marcel Georges Gillot a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

Les photographies de la famille Gillot, la correspondance de Marcel et l'ensemble des documents utilisés ici proviennent de la collection familiale.

Les informations concernant le parcours militaire et l’histoire de la famille du soldat Gillot ont été fournies par R. Gillot.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à R. Gillot et sa famille, aux archives départementales de la Haute-Marne et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

8 mars 2019

Début septembre 1915, retour en 1ère ligne.

Les_joueurs_d_echecs

Le 149e R.I. est au repos depuis le 22 août 1915. Avant cette période, il se trouvait dans la zone des combats du côté d’Aix-Noulette en Artois.

Le 2e bataillon est installé à Hestrus, les deux autres bataillons sont à Eps.

Le 1er bataillon est sous l’autorité du capitaine Cochain, le 2e est commandé par le commandant Schalk et le 3e est sous les ordres du capitaine Pretet.

L’entraînement est de rigueur. Marches, prises d’armes, école de bataillon, exercices de tir, lancement de grenades, sont le lot quotidien du régiment qui « résiste et mord ».

Les hommes du lieutenant-colonel Gothié profitent de leurs derniers instants de relative tranquillité avant de reprendre le chemin qui doit, à nouveau, les mener en 1ère ligne, dans un secteur qu’ils ne connaissent que trop bien.

Le tableau suivant nous donne une reconstitution partielle de l’encadrement du 149e R.I. pour cette période de l’année. 

Encadrement du 149e R

2 septembre 1915

Le régiment quitte ses cantonnements. Il fait mouvement sur Houdain et Diéval pour y passer la prochaine nuit.

Lieux_de_cantonnements_des_3_bataillons_du_149e_R

3 septembre 1915

Les bataillons Cochain, Schalck et Pretet reprennent la route. Le soir, ils cantonnent dans les corons de la fosse 10 et à Hersin. La marche fut très pénible, elle s’est effectuée sous une pluie battante.

Lieux_de_cantonnements_du_149e_R

4 septembre 1915

Dans la nuit du 4 au 5, le 1er bataillon du 149e R.I. relève en 1ère ligne le 3e B.C.P. à l’ouest du bois en Hache.

Une nouvelle dénomination des boyaux qui rejoignent ce secteur a été réalisée la veille.

Le capitaine qui commande le génie dans cette zone a dû, en urgence, faire établir des écriteaux portant les noms des boyaux accompagnés d’une flèche pour ceux qui comportent un sens. Ces écriteaux ont été réalisés en assez grand nombre pour rendre impossible toute erreur de direction.

Boyaux_montants_et_descendants_pour_quitter_et_gagner_la_1_re_ligne_dans_le_secteur_occup__par_le_149e_R

Legende_de_carte_3

Il est évident qu’en cas d’attaque ennemie, tout boyau peut être utilisé comme boyau montant.

Le 3e bataillon du 149e R.I. relève le 1er bataillon du 158e R.I.. Il constitue la réserve mise à la disposition du général commandant l’infanterie de secteur. Ce bataillon s’installe dans la zone « des abris des carrières, des abris du ravin, du bois 6 et du fond de Buval ».

Le 2e bataillon du 149e R.I. prend position au fossé aux loups, à la rue Zéfé et à la tranchée des Saules.

5 septembre 1915

Le secteur nord est couvert par 4 compagnies du 10e B.C.P., un escadron de spahis et les 2 sections de mitrailleuses de la 85e brigade.

Le secteur sud est pris en charge par le 109e R.I..

Durant la journée, trois compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. occupent la 1ère ligne entre e6 et l’abri 25. Deux demi-compagnies sont en soutien entre f7et h11. La nuit, l'effectif complet du bataillon se retrouve en 1ère ligne.

Secteur_approximatif_occupe_par_le_1er_bataillon_du_149e_R

Legende_de_carte_4

Les hommes améliorent les parapets et les banquettes de tir. Les abris sont rénovés. La sape 5 est élargie.

La météo est mauvaise. Les boyaux sont détrempés par la pluie.

Suite à la détérioration des fils téléphoniques, les communications sont interrompues à plusieurs reprises. Cette situation entraîne une dégradation dans les mouvements de relèves. La rectification de la position des fils supprime radicalement les problèmes rencontrés.

Deux hommes sont blessés au bras par éclat d’obus en allant à la relève en f6.

Une patrouille composée d’un caporal et de deux soldats est envoyée en avant de la sape 8.

Des coups de feu et des bombardements intermittents ont lieu durant la nuit.

6 septembre 1915

Le secteur occupé par les Allemands est plutôt calme.

La charge de travail est importante. La tranchée de 1ère ligne doit être aménagée en tranchée de tir. Ce chantier ne sera pas terminé à la fin de la journée. Une sape volante dite sape 7bis est en cours de construction. Il faut également améliorer et approfondir la sape 7.

Sape_VII_

Les chasseurs du 10e B.C.P. et les fantassins du 149e R.I. creusent conjointement pour réaliser une parallèle qui doit relier la sape 3 au point f 11.

Le 10e B.C.P. part de la sape 3 jusqu’en e7, le149e R.I. de f11 jusqu’en e7.

Le travail est pénible. Le 10e B.C.P. pose deux réseaux Brun entre la sape 3 et e7. La liaison entre le bataillon de chasseurs et le 149e R.I. se fait au point de jonction entre la parallèle intermédiaire et la sape 3 prolongée.

Nouvelle_parallele_realisee_le_6_septembre_1915

Legende_de_carte_5

À 21 h 00, le poste d’écoute en e7 est attaqué par une forte patrouille de grenadiers. Celle-ci est repoussée par des éléments du 10e B.C.P.. Durant cette action, la fusillade est assez vive et la canonnade intense sur f11, f8 et e6.

Un obus français tombe sur la sape 9. Il détruit une mitrailleuse, tuant deux servants et blessant plusieurs hommes.

Plusieurs patrouilles du bataillon Cochain partent en observation.

À la 1ère compagnie : deux patrouilles et un poste de sentinelles protègent, entre les deux lignes, le travail qui se déroule en sape volante de 7bis. Elles n’ont pas recueilli de renseignements.

À la 2e compagnie : une patrouille d’officiers franchit le parapet entre 22 h 30 et 1 h 00. Elle constate la réparation des défenses ennemies.

À la 3e compagnie : trois patrouilles ont été envoyées successivement à 21 h 00, à 22 h 15 et à minuit. Elles ont remarqué le travail effectué par les Allemands qui ont reconstitué leur réseau de fil de fer entre g10 et g17.

À la 4e compagnie : cinq patrouilles rentrent bredouilles en information.

                                       Tableau des tués pour la journée du 6 septembre 1915

                                    Tableau des blessés pour la journée du 6 septembre 1915

7 septembre 1915

Les Allemands renforcent et réparent leurs défenses accessoires. Depuis quelques jours des rumeurs commencent à circuler concernant une vaste offensive française.

Le 2e bataillon du 149e R.I. s’apprête à relever le 1er bataillon en première ligne.

Tout semble s’être bien passé, mais le 149e R.I. à tout de même perdu 6 hommes au cours des travaux qui eurent lieu dans la nuit. Trois d’entre eux ont été tués les autres sont blessés.

                                     Tableau des tués pour la journée du 7 septembre 1915

                                   Tableau des blessés pour la journée du 7 septembre 1915

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/2.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Fond de carte du secteur de Noulette construit par V. le Calvez.

Dessin réalisé par I. Holgado.

La scène représentée est purement imaginaire. Le 74e R.I. étant assez éloigné du 149e R.I. durant cette période du conflit, la rencontre hypothétique entre ces deux hommes n’aurait pu avoir lieu qu’au cours d’un éventuel retour de permission ou de convalescence. Il faut y voir un clin d'œil à S. Agosto, autre passionné qui fait des recherches remarquables sur le 74e R.I..

Pour en savoir plus sur le 74e R.I., il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante. 

Blog Stephan Agosto

Le tableau représentant l'encadrement du régiment au début du mois septembre 1915 a été réalisé par mes soins. Il reste très incomplet en l’absence de J.M.O. et de sources détaillées.

Concernant les cartes, il n’a pas été possible de faire un travail de grande précision. Les échelles des calques utilisées pour leurs réalisations sont différentes de la carte dessinée par V. Le Calvez. Ceci explique les dissemblances importantes concernant les tracés des tranchées et des boyaux. Ces cartes n’ont qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez, à I. Holgado, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

1 mars 2019

Ambroise Antoine Suchet (1892-1915).

Ambroise_Antoine_Suchet

Pierre Marius et Marguerite Roche vivent à Lyon, lorsque leur fils Ambroise Antoine voit le jour le 3 octobre 1892. À la naissance de l’enfant, le père travaille comme employé. Il a 32 ans. La mère, âgée de 25 ans, n’exerce pas de profession.

Après avoir fréquenté l’école primaire et le collège, Ambroise poursuit sa scolarité au lycée Ampère où il obtient son baccalauréat.

Une fois ses études terminées, il se fait employer dans une des nombreuses soieries de la ville. Ses fonctions professionnelles ne sont pas connues.

Ambroise Suchet est incorporé au mois d’octobre 1913.

Ce jeune homme est dans l’obligation de rejoindre Montélimar pour intégrer une des compagnies du 52e R.I. à la caserne Saint-Martin, et ce, pour y être formé au métier de soldat.

Il porte toujours l’uniforme lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914.

Son registre matricule reste très lacunaire dans la rubrique « détail des services et mutations diverses". Nous y lisons la date où il fut désigné caporal, et nous y apprenons qu’il a servi au 149e R.I., c’est tout.

Il est donc très difficile de reconstruire le parcours de cet homme durant le 1er conflit mondial avec si peu d’éléments à notre disposition. Des zones d’ombre vont subsister.

Impossible de dire si Ambroise Suchet a été envoyé au front avec le 52e R.I. ou s’il est resté au dépôt, de même, s’il a connu la zone des armées. Difficile de savoir s’il a été évacué au cours des 1er mois du conflit.

Le 1er élément de chronologie figurant sur sa fiche signalétique et des services indique qu’il est caporal le 31 décembre 1914 et qu’à cette date, il sert dans une compagnie qui porte le numéro 26 ; cela correspond à une compagnie de dépôt.

La date de son arrivée dans les effectifs de la 9e compagnie du 149e R.I. et sa nomination au grade de sergent ne sont pas mentionnées sur sa fiche matricule.

Cependant, grâce à l’envoi par la famille d’une photographie datée, nous savons de manière sûre qu’Ambroise Suchet cantonne à Barlin le 20 mai 1915. Le jeune homme s’est fait photographier avec le numéro 149 et ses deux « sardines » de sergent distinctement visibles sur la manche gauche de son uniforme. Il porte des vêtements chauds et peu militaires pour certains.

Sergent_Ambroise_Antoine_Suchet

Le numéro matricule au corps du sergent Suchet qui est inscrit sur sa fiche « mémoire des hommes » est le n° 13038. Le numéro suivant, 13039, est également identifié : il s’agit de celui du soldat Joseph Louis Delort. En consultant la fiche matricule de cet homme, nous apprenons qu’il est arrivé au 149e R.I. le 24 mai 1915.

Ces informations semblent indiquer une arrivée au 149e R.I. en mai 1915, peut-être après les combats du début du mois.

Le 16 juin 1915, la 9e compagnie du 149e R.I. quitte sa position entre la sape T2 et T3 pour partir à l’attaque avec les autres compagnies du 3e bataillon et celles du 1er bataillon aux alentours de 12 h 15. Cette attaque échoue. Les hommes sont obligés de se replier. Le sergent Suchet est tué durant cette opération.

Le nom de notre homme ne figure pas dans l’état nominatif des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats, tués, blessés ou disparus au combat de Notre-Dame-de-Lorette du 16 juin 1915.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

16_juin_1916

Les soldats Marius Laurent et Louis Leduc, qui ont survécu à l’attaque du 16 juin, témoignent de la mort du sergent Suchet et signent son acte de décès qui est transcrit à la mairie du 1er arrondissement de Lyon le 20 octobre 1915.

Ambroise Suchet est enterré dans un 1er temps au cimetière du bois 6, dans une sépulture individuelle portant le n° 10. Ce cimetière est supprimé dans les années 20. Les corps sont transférés à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette ou restitués à la famille, ce qui semble être le cas du sergent Suchet. Sa famille reçoit une carte postale envoyée depuis Aix-Noulette en octobre 1922 avec le texte suivant.

« Chère Madame Suchet,

Vos désirs sont accomplis, quand votre carte est arrivée, tout est fait.

Monsieur le curé était présent quand on a ouvert le cercueil, à sa capote, on voyait trace du galon. L’officier a dit que l’on ne pouvait pas retourner le corps. Son pantalon est en drap d’officier. Mon mari lui en a pris un morceau, un écusson du 149e, un morceau de son gilet de chasse que j’ai passé au désinfectant et que j’aurais voulu vous envoyer mieux nettoyer. Je crois que le Monsieur et la Dame ne nous feront pas de reproches à notre sujet. Simon a mis des œillets dans un sac. Le soir en arrivant, le monsieur n’avait plus qu’à désinfecter le sac. Recevez, Madame Suchet, notre bon souvenir. »

Décorations obtenues :

 Croix de guerre avec une citation à l’ordre de l’armée.

« De hautes valeurs morales, sachant encourager ses hommes et leur donner l’exemple. Tué au combat à la tête de sa section qu’il entraînait courageusement à l’assaut des positions ennemies. »

Le sergent Suchet a également été décoré de la Médaille militaire à titre posthume ( J.O. du 20 janvier 1921) :

« Sous-officier de hautes valeurs morales, sachant encourager ses hommes et leur donner l’exemple. Tué glorieusement au combat du 16 juin 1915 sur les pentes de Notre-Dame-de-Lorette,  à la tête de sa section, qu’il entraînait courageusement à l’assaut des positions ennemies. A été cité »

Le nom de cet homme, décédé à l’âge de 22 ans, est inscrit sur le monument aux morts de la ville de Lyon. Il est également gravé sur la plaque commémorative 1914-1918 de l’église Saint-Polycarpe, située sur les pentes de la Croix-Rousse dans le 1er arrondissement de la 2e ville de France. Il figure aussi sur le monument commémoratif dans la cour d’honneur du lycée Ampère.

Monument_aux_morts_de_la_ville_de_Lyon

Ambroise Suchet est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Sources :

Fiche individuelle vue sur le site « Mémoire des Hommes ».

L’acte de décès du sergent Suchet est lisible sur le site des archives municipales de la ville de Lyon.

La plupart des informations concernant le sergent Suchet sont extraites de sa fiche signalétique et des services et de son acte de naissance. Ces documents ont été consultés sur le site des archives départementales du Rhône.

La photographie représentant le sergent Suchet provient de la collection de F. Besch.

« A.E.L. Association des anciens élèves des lycées de Lyon ». Livre d’or de la Grande Guerre 1914-1918. Lyon imprimerie A. Rey. 1921.

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à F. Besch, à A. Carobbi, A. Chaupin, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales du département du Rhône et aux archives municipales de Lyon.

 

22 février 2019

Année 1917, un témoignage conséquent laissé par le lieutenant Paul Douchez.

Paul_Douchez__1879_1959_

En 1983, un des fils de Paul Douchez dépose, au S.H.D. de Vincennes, trois gros volumes réalisés par son père. Pour en simplifier la lecture, je me propose de rassembler ici les différents extraits qui concernent le témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez et qui ont été publiés sur le blog du 149e R.I..

La 1ère partie débute au moment où l’adjudant Douchez s’apprête, au mois de septembre 1916, à quitter le 5e R.I.T., qui fut son régiment depuis le début du conflit, pour rejoindre les rangs du 149e R.I. comme sous-lieutenant.

Seule la partie concernant son passage dans le régiment spinalien est  transcrite.

Pour avoir accès aux textes, il suffit de cliquer une fois sur chacune des images suivantes.

 1) Arrivée au 149e R.I. (février-mars 1917)                                                                                                 

1

  2) Où on avale des kilomètres...(avril-mai 1917)                                                          

2

  3) En 1ère ligne du côté de la ferme du Toty (juin 1917)

3

  4) Patrouilles et reconnaissances (juin-juillet 1917)  

4

  5) Une ivresse contestataire au 149e R.I. (août 1917)

5

 6) Où il est question de Fantômas, d’obus à gaz et de médecin poltron (août 1917)

6

 7) Description de la vie quotidienne d’un officier dans un secteur instable (août 1917)

7

 8) Un repos bien mérité avant de remonter en 1ère ligne (août-septembre-octobre 1917)

8

 9) Derniers préparatifs avant l’attaque de la Malmaison (octobre 1917)

9

10) La bataille de la Malmaison (octobre 1917)

10

11) Blessures (octobre 1917)

11

Sources :

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher  et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

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