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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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27 septembre 2019

Ouest du bois en Hache, 25 septembre 1915 (5ème partie).

Officiers du 2e bataillon du 149e R

Le 25 septembre 1915, le 2e bataillon du 149e R.I., qui fait partie de la réserve de la 43e D.I., arrive avec beaucoup de retard sur ses positions de 1ère ligne pour soutenir correctement le 1er B.C.P. dans son opération offensive.

Des explications sont exigées par le responsable du 149e R.I. qui doit rendre compte à sa hiérarchie. Celle-ci cherche à savoir si les compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. sont responsables ou non de l’échec de l’offensive qui a eu lieu ce jour-là dans le secteur d’attaque du 1er B.C.P..

Le 7 octobre 1915, des rapports circonstanciés sont rédigés par les chefs des 7e et 8e compagnies du 149e R.I.. Les capitaines Guilleminot et Jeské donnent leur version des faits.

Rapport du capitaine Pierre Guilleminot de la 7e compagnie du 149e R.I. :

« Les dispositions initiales pour le 25 septembre 1915 étaient les suivantes :

Les 5e et 8e compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. sont dans la place d’armes CD.

Les 6e et 7e compagnies sont installées dans la T.D.A.. La 6e au nord du boyau Defrasse la 7e au sud.

Leur mission était de suivre étroitement le mouvement des compagnies de 1ère ligne du bataillon en passant par le boyau Defrasse.

À 12 h 25, heure de l’attaque, la compagnie est à la T.D.A.. À ce moment, le renseignement parvient de l’avant selon lequel la 5e compagnie, 6e en tête, commence à progresser. La 8e la suit. La 7e avance à son tour par le boyau Defrasse et rencontre la queue de la 8e, dans le boyau Moreau. Il est, à ce moment, environ 13 h 15.

La progression qui avait été assez rapide jusque-là va être considérablement ralentie. La compagnie suit le dernier peloton de la 8e qui progresse par Defrasse vers la sape 4. Le boyau est encombré de blessés qui reviennent. La marche est excessivement lente. Vers 14 h 00, nous pouvons arriver lentement à la sape 4.

Là, le mouvement est complètement arrêté. Dans la sape 4, il y a un peloton de la 8e du 149e R.I., mélangé à une section de mitrailleuses de chasseurs qui arrête tout mouvement dans la sape elle-même et dans le chemin creux en faisant de multiples mouvements d’aller et retour. J’en ai compté jusqu’à cinq.

Impossible d’aller à droite ou à gauche, dans le chemin creux, il est rempli de chasseurs du 1er bataillon qui ne bougent pas, la 1ère ligne ne dégageant pas.

Au moment de la contre-attaque allemande de 16 h 30, je tente d’envoyer un peloton par la sape 4’, pour aider la 5e compagnie du 149e R.I.. Le peloton ne peut avancer, car le chemin creux est archi bondé de chasseurs.

Ce n’est qu’à la nuit, et assez tard, vers 20 h 00 ou 21 h 00, que les chasseurs dégagèrent un peu le chemin creux, que je parviens à gagner, avec mille difficultés, par la sape 4 et la tranchée de départ. Cette dernière était d’ailleurs encore occupée par des éléments des chasseurs. »

Rapport du capitaine Martin Jeské de la 8e compagnie du 149e R.I. :

«  Le 25 septembre 1915, la 8e compagnie occupait les places d’armes C.D.. À 12 h 25, la compagnie a quitté les places d’armes pour se porter vers la 1ère ligne suivant les boyaux Cordonnier, Moreau et Defrasse. La compagnie a suivi étroitement la 5e compagnie du 149e R.I..

Les boyaux Moreau et Defrasse ont été encombrés par des fractions du 1er bataillon de chasseurs à pied, qui occupaient les boyaux. La progression a été très lente vu que les fractions du 1er B.C.P. n’avançaient pas. Après de très grandes difficultés, la compagnie a réussi à atteindre la sape 4 à 13 h 15. Vers 13 h 30, une section et demie de ma compagnie a été placée dans la parallèle de départ entre les sapes 4 et 3 bis ; le restant de ma compagnie est obligé de rester dans la sape 4. La parallèle au nord de la sape 3 bis était encore occupée par des fractions du 1er bataillon de chasseurs à pied. Le terrain, en avant de cette parallèle, était très battu par des mitrailleuses ennemies, ce qui, très probablement, a arrêté l’attaque de cette partie du 1er B.C.P.. ».

Ces deux rapports sont rapidement remis à leur commandant pour qu’il puisse, à son tour, écrire le sien.

Carte 1 journee du 25 septembre 1915 (5e partie)

Legende carte 1 journee du 25 septembre 1915 (5e partie)

Rapport du commandant Schalck du 2e bataillon du 149e R.I. :

« Il ressort des rapports ci-joints des capitaines commandants les 7e et 8e compagnies, que la progression des unités du 2e bataillon du 149e R.I. dans l’attaque du 25 septembre dernier a été arrêtée et considérablement retardée par des éléments du 1er B.C.P. qui stationnait dans le chemin creux et dans la sape 4.

Ces éléments comprenaient deux sections de mitrailleuses et des sections de la compagnie de chasseurs placée avant l’attaque, dans le boyau Moreau.

La 5e compagnie du 149e R.I. et une partie seulement de la 8e compagnie ont pu les dépasser, alors qu’elles auraient dû les suivre. Le reste de la 8e (2 sections ½) et la 7e compagnie qui marchait exactement dans ses traces, furent non seulement arrêtés par ces éléments, mais encore refoulés vers l’arrière par les deux sections de mitrailleuses de chasseurs, ainsi que l’avait déjà signalé le chef de bataillon Schalck dans son rapport.

De plus, la 5e compagnie du 149e R.I. et la fraction de la 8e compagnie qui ont pu atteindre la parallèle de départ au nord et au sud de la sape 4 l’ont trouvé remplie de chasseurs, ce qui prouve péremptoirement que les différentes vagues que devait lancer le 1er B.C.P. n’avaient pu toutes sortir de la parallèle.

Le 2e bataillon qui devait suivre le débouché des chasseurs ne peut donc être incriminé en rien de la non-réussite de l’attaque dans cette partie du secteur, battu de front et d’enfilade par un tir intense d’artillerie et de mitrailleuses et dont les défenses accessoires ennemies étaient presque intactes.

Au moment de la contre-attaque allemande, vers 16 h 30, ce sont des unités du 149e R.I. qui avaient pu réussir à prendre place dans la parallèle de départ où se trouvait le chef de bataillon. C'est-à-dire la 5e compagnie et la section de la 8e compagnie qui sont sorties de la tranchée sur l’ordre de leur chef de bataillon et ont refoulé l’ennemi, laissant 4 officiers et environ 100 hommes sur le terrain. »

À la lecture de ce rapport, il est clairement établi que le 2e bataillon du 149e R.I. ne fut en aucun cas responsable de l’échec de l’attaque du 25 septembre 1915 vis-à-vis de la tâche qui lui avait été donnée.

Il est intéressant d’aller faire un tour du côté du J.M.O. du 1er B.C.P. pour savoir ce qui est écrit à propos de ces évènements. Le bataillon de Chasseurs ne s’attribue pas les torts. Seul l’état des boyaux est rendu responsable du retard  du bataillon Schalck.

« Le bataillon du 149e R.I., retardé dans sa marche par l’état des boyaux, n’arrive dans la parallèle de départ que vers 15 h 30. »

Le J.M.O. de la 85e brigade ne reprend qu’une seule phrase qui résume de manière très imprécise la réalité du terrain évoquée par les deux officiers du 149e R.I.. Ce J.M.O. ne fait que la synthèse des informations pour les unités qui la composent, sans chercher à donner le détail de chaque étape des combats.

« A 15 h 00, le colonel du 149e R.I. rend compte que le bataillon Schalck  a déjà été engagé par le commandant du 1er B.C.P. et que sur la demande du commandant du 31e B.C.P.. Il engage le bataillon Chevassu pour appuyer l’action du 31e B.C.P.. »

En finissant avec celui de la 43e D.I., le 149e R.I. est juste en soutien, aucun rôle majeur pour lui ! Il s’agit pour le J.M.O. de donner une vision d’ensemble des gains et des grands moments  sans entrer dans les détails.

« Au nord, le 1er B.C.P. résistait énergiquement aux contre-attaques ennemies et se maintenait en g11 g12. Il avait été renforcé à sa gauche par un bataillon du 149e R.I.. »

Que peut en apprendre la population dans la transcription qui lui est faite, du résumé du 25 septembre 1915 dans la presse nationale ? Rien de précis. Pourtant la journée fut dure  pour le 149e R.I..

Les rapports rédigés par les officiers présents sur le terrain sont incomparablement plus riches et donnent une vision de la réalité de la guerre à des années lumières de la presse où même des J.M.O. des niveaux supérieurs.

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/4

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

Fond de carte du secteur de Noulette construit par V. le Calvez.

La carte qui indique les emplacements et les mouvements des compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. a été construite à partir de la lecture des trois rapports rédigés par les officiers du bataillon. Cette carte ne doit avoir qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à V. le Calvez, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

20 septembre 2019

Pierre Fernand Bonnet-Casson (1887-1916).

Pierre Fernand Bonnet-Casson

Natif du département de l’Isère, Pierre Fernand Bonnet-Casson voit le jour le 17 février 1887 dans la commune de Vienne.

Sa mère, Louise Rolland, est âgée de 25 ans lorsqu’elle lui donne vie. Elle exerce le métier de femme de ménage.

Son père se prénomme Marie Joseph François Fernand. Il travaille comme laveur de laine dans une entreprise de la région. C’est un homme âgé de 29 ans. Lorsqu’il se rend à la mairie pour signer le registre d’état civil, il est accompagné des deux témoins, Michel Magrand et Charles Plantier. Le premier est tonnelier, le second négociant.

Quelques années plus tard, le jeune Fernand quitte l’école communale en sachant lire, écrire et compter. Sa fiche signalétique et des services nous apprend qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3 et qu’il a été formé au métier de coiffeur, peut-être par son oncle maternel, Jean Rolland.

Doué pour le vélo et sportif de bon niveau, Fernand s’inscrit à plusieurs courses en tant qu’amateur.

En 1907, il termine 9e du Paris-Amiens. L’année suivante, il finit 2e du Paris-Amiens, 2e du Paris-Auxerre, et 1er du Paris-Évreux.

1908 est aussi l’année où il est appelé sous les drapeaux. Fernand Bonnet-Casson doit se rendre à Épinal pour accomplir ses devoirs militaires dans une des compagnies du 149e R.I.. Il arrive au corps le 8 octobre.

Un peu moins de deux ans plus tard, le 25 septembre 1910, le soldat Bonnet-Casson est envoyé dans la disponibilité de l’armée active avec l’obtention de son certificat de bonne conduite. Six jours plus tard, il passe dans la réserve de l’armée active.

Installé au numéro 4 de la rue Saint Vincent de Paul à Paris, Fernand partage à nouveau son temps entre son métier de coiffeur et ses courses de vélo. Il est devenu coureur indépendant. Toutes les épreuves auxquelles il participe sont courues dans cette catégorie.

En 1911, il termine 3e de la boucle Paris-Château-Thierry-Paris.

Cette année-là, Fernand Bonnet-Casson prend également part au tour de France des indépendants. Il doit également faire sa 1ère période d’exercice au 149e R.I. entre le 22 novembre et le 14 décembre.

Le 26 décembre, il épouse Marie Thérèse Soulhac à la mairie du 10e arrondissement. À cette période de sa vie, son père habite Lyon où il travaille comme conducteur de fiacre. Sa mère n’est plus de ce monde et son frère Étienne, alors âgé de 23 ans, est sous les drapeaux comme soldat au 60e R.I. de Besançon.

En 1912, Fernand Bonnet-Casson gagne le Paris-Honfleur.

L’année suivante, il est 11e du Paris-Roubaix, 3e du Paris-Beaugency puis 1er du grand prix de Juvisy.

Le 1er mars 1914, Marie Thérèse donne naissance à une petite fille qui est prénommée Jeannine Antoinette Fernande. Le couple Bonnet-Casson vit au numéro 17 de la rue de l’Aqueduc. Cette année-là, les courses s’enchaînent pour Fernand. Il finit 2e du Paris-Gaillon, 13e du Paris-Nancy, 17e du grand prix de Touraine, 10e du Paris-Châteauroux, 3e du Paris-Roubaix, 1er du Paris-Calais et 3e du championnat national.

La saison n’est pas tout à fait terminée qu’il faut y mettre fin. Fernand ne sait pas encore que le monde est à la veille d’un grand cataclysme humain. Comme des dizaines de milliers d’hommes, il est rappelé par ordre de mobilisation générale. L’Allemagne et la France sont sur le point de se déclarer la guerre. En tant que réserviste, Fernand doit rejoindre la caserne Coursy à Épinal le 4 août 1914. Dès son arrivée au dépôt, il est affecté à la 10e compagnie. Le soldat Bonnet-Casson tombe rapidement malade.

Il est impossible de savoir ce qui lui est arrivé au sein du régiment. Son registre matricule est insuffisamment détaillé pour nous puissions être bien renseignés sur son parcours de combattant. À quelles attaques menées ou subites par le 149e R.I. a-t-il participé ? Quand est-il tombé malade ? Combien de temps est-il resté à l’arrière avant d’être obligé de retourner dans la zone des armées ? Où a-t-il été soigné ? Pour l’instant, il n’y a pas de réponses satisfaisantes à donner à toutes ces questions.

Cependant, grâce à la lecture d’un article de presse publié quelques jours après sa mort, nous pouvons tout de même obtenir quelques détails sur sa vie de soldat. L’article nous informe qu’il est tombé rapidement malade après avoir revêtu son uniforme de combattant. Fernand Bonnet Casson est ensuite devenu infirmier à l’hôpital où il fut soigné, avant d’être obligé de repartir dans la zone des armées pour y réintégrer son ancienne unité.

En mars 1916, nous le retrouvons dans le secteur de Verdun. Le 3e bataillon du 149e R.I., sous les ordres du commandant de Witkowski, est en réserve du côté du village de Fleury-devant-Douaumont. La 10e compagnie est commandée par le capitaine Gérard. Elle est placée dans un secteur régulièrement bombardé. Le 10 mars, Fernand est mortellement blessé, il décède le lendemain.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Carte journee du 12 mars 1916 a1

Le soldat Bonnet-Casson est dans un premier temps enterré dans le cimetière militaire de Souville. Son lieu de sépulture actuel reste inconnu.

Le journal sportif parisien « l’auto » dirigé par Henri Desgranges lui rend hommage dans son édition du 22 mars 1916 :

« C’est un de nos plus modestes, mais un de nos meilleurs champions indépendants Fernand Bonnet que nous pleurons aujourd’hui. Son frère Étienne, glorieux mutilé de cette guerre, également très bon coureur indépendant, nous en apporta hier, la triste nouvelle. Le 11 mars dernier, mortellement frappé de plusieurs balles, il survécut quelques heures encore, le temps de confier à un camarade ses volontés in extremis pour être transmises à sa jeune femme. Né à Vienne (Isère), le brave Bonnet était âgé de 29 ans. Il débuta dans les courses cyclistes en 1907. Coiffeur de son état, il était un des fidèles de notre annuel championnat de la coiffure et c’est dans une de ces épreuves qu’il fit ses premiers pas sportifs. C’était un concurrent d’une loyauté absolue qui jouissait de l’estime de tous ses camarades. D’abord membre de feue la société athlétique de Montrouge, puis du club athlétique de la société générale, le vaillant champion était inscrit, avant la guerre, au vélo-club de Levallois. C’est sous les couleurs de ce dernier qu’il gagna, en 1913,  Paris-Calais, Paris-Honfleur et le grand prix de Juvisy.

À la mobilisation, Fernand Bonnet fut intégré à la 10e compagnie du 149e R.I. comme cycliste. Il tomba bientôt malade et fut évacué sur un hôpital du front où on le soigna pour une crise d’entérite.

Lors de sa convalescence, il vint nous rendre visite et nous fit part de son intention de solliciter son passage dans l’aviation. En attendant, il fut nommé infirmier à l’hôpital même où il avait été soigné. Mais une commission de majors le déclara de nouveau apte au service armé et Bonnet fut versé dans une formation d’infanterie sur le front. »

Décoration obtenue :

Citation à l’ordre de la brigade n° 36 du 24 mars 1916.

« Très bon soldat, a fait preuve de calme et de bravoure au combat du 10 mars 1916, a été mortellement blessé au cours de l’action. »

Son épouse, Marie Thérèse Soulhac, se remarie le 29 octobre 1932.

Sources :

La fiche signalétique et des services de Fernand Bonnet-Casson a été consultée sur le site des  archives départementales du Rhône.

Les sites « Gallica » et « mémoire des hommes » ont également été visités pour réaliser cette petite notice biographique.

Le portrait de Fernand Bonnet-Casson est extrait de la revue l'auto-vélo du 13 juillet 1914  publié sur « Gallica ».

Le palmarès de ce coureur cycliste a été trouvé sur le site suivant :

Logo du site cyclistes dans la Grande Guerre

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi et aux archives départementales du Rhône.

13 septembre 2019

Ouest du bois en Hache, 25 septembre 1915 (4ème partie).

Officiers_du_3e_bataillon_du_149e_R

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. forme la réserve d’offensive de la 43e D.I... Les compagnies du 3e bataillon du régiment quittent leurs positions initiales pour aller soutenir le 31e B.C.P. dans son attaque. Le bataillon du commandant Chevassu reste immobilisé un long moment dans les boyaux lorsqu’il monte en 1ère ligne. Bloqué par un bataillon du 158e R.I., il prend beaucoup de retard.

Les 9e, 10e, 11e et 12e compagnies du 149e R.I. furent dans l’incapacité d’épauler correctement le 31e B.C.P. alors que celui-ci était dans la demande.

Après les combats des 25, 26 et 27 septembre 1915, des rapports écrits sont demandés au sous-lieutenant Delaval, au commandant Chevassu et au capitaine Jean, pour tenter de comprendre ce qui s’est passé.

Compte-rendu du sous-lieutenant Delaval de la 11e compagnie du 149e R.I. :

« La 11e compagnie a quitté la tranchée en V à 12 h 30. Elle a suivi le boyau Helmer jusqu’à son intersection avec le boyau Goiran. Cette 1ère partie du mouvement s’est effectuée normalement, la compagnie n’a rencontré que quelques isolés, blessés ou agents de liaison qui ont peu gêné sa marche.

Arrivée au boyau Goiran, la compagnie sur ordre du lieutenant Prenez a occupé ce boyau. La 1ère section, commandée par le sous-lieutenant Delaval, avait ordre de gagner f7 et de s’y arrêter en attendant de nouveaux ordres. Il pouvait être à ce moment 13 h 00 à 14 h 00 environ. Le lieutenant Prenez est passé en tête de la compagnie et l’a engagée dans le boyau Coquelet.

C’est là que la 1ère compagnie s’est heurtée à la queue de la 9e compagnie qui était arrêtée dans le boyau.

Le lieutenant Prenez s’est porté en avant pour connaître les raisons de cet encombrement. Dix minutes après,  la 9e compagnie se remettait en marche et le sous-lieutenant Delaval recevait l’ordre du lieutenant Prenez de suivre ce mouvement.

Seule la 1ère section a pu exécuter cet ordre et gagner son emplacement.

À partir de ce moment, le sous-lieutenant Delaval ignore ce qui s’est passé pour le reste de la compagnie. À 16 h 00, le lieutenant Prenez a rejoint la 1ère section, avec le reste de la compagnie qu’il n’avait pas réussi à faire progresser.

Ceux des agents de liaison qui étaient avec lui et qui n’ont pas été blessés par la suite peuvent, seuls, donner des renseignements sur les éléments qui obstruaient le boyau.

D’après le soldat Bernardon, ces éléments appartenaient à la 10e compagnie du 149e R.I. et devaient se trouver, eux-mêmes, gênés par d’autres fractions dont il ignore la nature.

L’autre témoin, le soldat Champenier, est actuellement planton auprès du colonel.

À 17 h 00, la compagnie a pu se porter sur l’emplacement de la 1ère tranchée allemande conquise, pour étayer cette ligne et l’organiser. »

Le 30 septembre 1915, le commandant Chevassu fait son rapport pour l’ensemble de son bataillon.

« Le 25 septembre 1915, le 3e bataillon était disposé depuis la nuit du 24 au 25 de la manière suivante :

La 11e compagnie dans la tranchée en V

La 12e compagnie dans la tranchée des Saules.

Les 9e et 10e compagnies, avec le chef de bataillon, dans le fossé aux Loups.

Le 3e bataillon devait se tenir en liaison avec le 31e B.C.P. et opérer dans ses traces.

La liaison était réalisée par un officier, le sous-lieutenant Mouren, de la 9e compagnie, accompagné d’agents de liaison, en place depuis 8 h 00.

Le sous-lieutenant Mouren avait ordre de transmettre toutes indications sur le placement du 31e B.C.P. et sur le moment du déplacement des derniers éléments de ce B.C.P. par téléphone, depuis le P.C.2 et par postes de correspondance reliant le P.C.2, au fossé aux Loups.

Pour plus de précautions, le sous-lieutenant Mouren devait aviser, simultanément, les 11e et 12e compagnies plus avancées et destinées à prendre la tête et le chef de bataillon placé au fossé aux Loups.

C’est à dessein que cette mission importante avait été confiée à un officier. Monsieur Mourens avait reconnu les éléments de queue du 31e B.C.P. dans le boyau Goiran et, lorsque ces éléments furent sur le point de s’ébranler pour se porter en avant, il transmit l’indication par ses agents de liaison, n’ayant pu se servir du téléphone en permanence occupé.

Les itinéraires avaient été étudiés, reconnus et fixés à l’avance, les 11e et 12e compagnies par le boyau Helmer, les 9e et 10e compagnies par les boyaux Madelin et Coquelet.

Les deux groupes de compagnie se mirent en marche immédiatement à 12 h 45.

Deux itinéraires avaient été donnés pour permettre un débit plus rapide.

Mais la rapidité de marche fut très inégale. Les 11e et 12e compagnies marquèrent un arrêt à hauteur du boyau Goiran et y furent rapidement coincées, par des détachements de prisonniers, ramenés par le boyau Helmer, sous l’escorte de chasseurs du 31e B.C.P., des blessés et des éléments du 158e R.I. qui refluaient du chemin creux.

Les 9e et 10e compagnies arrivèrent au contraire jusque à f7 sans être gênées autrement que par les blessés et un détachement de prisonniers vers 14 h 00.

C’est surtout à hauteur des débouchés sur la 1ère ligne (chemin creux, extrémité du boyau Coquelet et f8) que se produisit l’encombrement. Le chemin creux subissait, d’ailleurs, un bombardement d’une extrême violence. Il était bouleversé et encombré, ainsi que les sapes, par de nombreux morts et blessés sur lesquels il fallait marcher pour passer.

La 9e compagnie reçut l’ordre de prendre la tête du mouvement par la sape 4’ et opéra sa jonction avec des fractions du 31e B.C.P. qui tenaient la parallèle de départ.

La 11e compagnie, arrivée sur ces entrefaites (14 h 45) fut également portée par la sape 5, vers la parallèle de départ.

Mis aux ordres du chef de bataillon, commandant le 31e B.C.P., le commandant du 3e bataillon s’était immédiatement renseigné sur la situation et tenu à la disposition du commandant du 31e B.C.P..

Au moment où la 11e compagnie du 149e R.I. allait déboucher, des flottements se produisaient dans les troupes engagées en avant, vers 16 h 00.

La 11e compagnie fut portée sur l’emplacement de la 1ère tranchée allemande conquise pour étayer cette ligne, tandis que la 9e compagnie se portait à gauche en contre-attaque, de la contre-attaque allemande qui se dessinait vers 17 h 00.

Les 10e et 12e compagnies se serraient dans les sapes au prix des plus grandes difficultés vers 17 h 30.

À la nuit, la 11e compagnie organisa de toutes pièces la tranchée conquise.

Le mélange des unités était tel que l’on dut se contenter de l’avance acquise, bien que les ordres eussent été déjà donnés pour la continuation de l’attaque.

En résumé, pour le 3e bataillon du 149e R.I., les difficultés provinrent de l’entassement des unités dans le chemin creux et les sapes, prises sous un feu d’artillerie très repéré et très violent, qui avait comblé, en partie, les passages d’éboulement des blessés et des morts. Malgré les difficultés, la liaison avec le 31e B.C.P. a été réalisée à hauteur du chemin creux et constamment maintenue par la suite. »

Carte_1_journee_du_25_septembre_1915__4e_partie_

Legende_carte_1_journee_du_25_septembre_1915__partie_4_

Le 10 octobre 1915, le capitaine Jean qui commande la 9e compagnie du 149e R.I. écrit à son tour un rapport.

« En réponse à la note ci-jointe du chef du 3e bataillon, le capitaine Jean, commandant la 9e compagnie, a l’honneur de donner les précisions suivantes :

Le 25 septembre, la 9e compagnie avait mission de partir de la fosse aux Loups, dès l’ordre donné par le chef du 3e bataillon et de se porter en avant par le boyau Madelin et le boyau Coquelet vers la sape 5. Elle devait, en route, souder sa tête à la gauche de la 12e compagnie, laquelle, placée à la tranchée des Saules, devait se souder à la 11e compagnie, compagnie de tête, partant de la tranchée en V.

Dès l’ordre reçu par le chef de bataillon, la 9e compagnie s’est mise en mouvement.

Toujours en exécution des ordres reçus, la 1ère section marchait en avant, commandée par le sous-lieutenant Chauffenne. Le commandant de compagnie avait l’ordre de marcher à 25 pas derrière sa 1ère section suivi des 3 autres. Le chef de bataillon, avec sa liaison, prit place dans la colonne derrière la 1ère section de la 9e compagnie, en avant du commandant de compagnie.

La colonne suivit ainsi, sans obstacle autre que des blessés, un détachement de prisonniers et les troupes de la T.D.A. dans le boyau Madelin et le boyau Coquelet où le sous-lieutenant Chauffenne s’engagea pour aller à la sape 5. 

Le commandant de compagnie, parvenu au chemin creux, reçut l’ordre du chef de bataillon de se porter vers la sape 4et d’y rester en liaison avec les éléments qu’il trouverait du 31e B.C.P..

La 11e et la 12e compagnie ayant été retardées dans leur itinéraire, la 9e compagnie se trouva en tête de bataillon, à l’extrémité du boyau Coquelet vers 14 h 30. Elle était partie du fossé aux Loups à 12 h 50 pour parvenir au chemin creux en 1 h 30 environ.

Plus exactement, une section de la 11e compagnie, la section Delaval, se trouvait en tête, engagée dans le chemin creux entre la sape 5 et sape 4.

Elle reçut l’ordre de passer à la droite de la 9e compagnie pour se ressouder à la 11e compagnie. Dès lors, le commandant de la 9e compagnie se trouva en liaison avec le 31e B.C.P..

Cette liaison fut gardée étroitement et la progression des 3 sections de la 9e compagnie qui suivaient le commandant de compagnie, sans la section Chauffenne qui est restée dans la sape 5, où elle était en avant de la 10e compagnie, se fit en contact constant avec le 31e B.C.P., vers la parallèle de départ.

Cette liaison fut assurée par un sergent sous le contrôle constant du sous-lieutenant Gindre, chef de la 2e section et commandant de compagnie.

La tête de la 9e compagnie déboucha ainsi dans la parallèle de départ où elle prit place entre le 31e B.C.P. à sa droite et le 2e bataillon du 149e R.I. à sa gauche.

Les souvenirs du capitaine commandant de compagnie ne lui permettent pas de préciser l’heure exacte à laquelle la 9e compagnie a débouché dans la parallèle de départ.

La nuit ne vint qu’assez longtemps après l’occupation par la 9e compagnie du secteur de 1ère ligne. Il pouvait être environ 16 h 00.

La position des 3 sections de la 9e compagnie était alors la suivante : une section dans la parallèle de départ, à cheval sur l’extrémité de la sape 4’, les deux autres sections dans la sape 4, où le sous-lieutenant Gindre prit contact avec un officier du 31e B.C.P. à notre droite.

Le commandant de compagnie prit contact, à gauche, avec le capitaine Guilleminot et le commandant Schalck.

La nuit venue, trois patrouilles furent lancées en avant par la 9e compagnie. La 1ère, commandée par le sergent Frémiot, qui part à droite, ne rapporta aucun renseignement intéressant. La 2e, commandée par le sous-lieutenant Gindre, se porte en avant du front même occupé par la compagnie. Elle rencontra, dans un trou d’obus, à la distance d’environ 80 mètres, un adjudant du 31e B.C.P. avec 9 hommes, dont un blessé.

Une 3e patrouille conduite par l’adjudant Vitre s’est portée à droite. Elle a fait liaison, en avant de la sape 5 avec le sous-lieutenant Chauffenne. »

Dans la soirée du 25 septembre 1915, la 11e compagnie du 149e R.I., de concert avec le groupement Chauveau, réorganise l’ancienne tranchée allemande à la lisière du bois en Hache, la gauche du 158e R.I. étant à 40 mètres environ. Les sapeurs du génie et une autre compagnie du 149e R.I. prolongent les sapes 5 et 6 jusqu’à l’ancienne tranchée allemande.

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

Fond de carte du secteur de Noulette construit par V. le Calvez.

La carte, qui indique les emplacements et les mouvements des compagnies du 3e bataillon du 149e R.I., a été construite à partir de la lecture des trois rapports rédigés par les officiers Chevassu, Jean et Delaval. Cette carte ne doit avoir qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à V. le Calvez, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

6 septembre 2019

Louis Clovis Giray (1879-1962)

Louis_Clovis_Giray

 

Les années de jeunesse

 

Louis Clovis Giray naît le 12 décembre 1879 dans le 3e arrondissement lyonnais. Son père, Pierre Clovis, est un homme de 29 ans qui travaille comme épicier. Sa mère, Adèle Walter, est une jeune femme âgée de 22 ans. Le couple parental vit au numéro 124 de la rue Montesquieu.

 

Louis est l'aîné d’une fratrie composée de deux garçons et de deux filles.

 

Genealogie famille Giray

 

Louis Giray achève une scolarité primaire supérieure en sachant très bien lire, écrire et compter.

 

Le père décède le 13 septembre 1894. Le plus âgé de ses enfants n’a pas encore fêté ses 16 ans.

 

Jean, le frère du père, devient le subrogé-tuteur de ses neveux et nièces. Adèle Walter épouse en secondes noces François Bassons.

 

Louis Giray travaille comme confiseur avant de s’orienter vers une carrière militaire.

 

Le 19 janvier 1898, il prend la décision d’aller à la mairie de Villeurbanne pour y signer un engagement volontaire de quatre ans. Il choisit L’Afrique. Prend-il cette décision par rêverie exotique ? Par désir d’aventure ? Sa situation familiale s’est-elle complexifiée après le décès de son père au point de vouloir fuir le plus loin possible de son beau-père et de sa mère ? Il est difficile de le savoir.

 

Au 4e régiment de Zouaves

 

Après avoir traversé la Méditerranée, Louis Giray arrive au dépôt de son régiment à Tunis le 27 janvier 1898. L’histoire ne nous dit pas dans quelles casernes du 4e zouave il fut affecté durant l’intégralité de son engagement africain.

 

Le soldat Giray est nommé caporal le 16 octobre 1898 puis sergent le 16 février 1900. À partir de cette date, il occupe les fonctions de sergent fourrier. Un an plus tard, il devient responsable de deux escouades de compagnie. Cette charge ne semble pas lui convenir puisqu’il retourne à ses crayons et à ses registres de comptabilité le 23 juin 1900.

 

Durant ces quatre années chez les zouaves, Louis Giray est sanctionné à de nombreuses reprises. La 1ère année sous l’uniforme est particulièrement difficile. La discipline est un sujet délicat et les motifs à punitions ne manquent vraiment pas. Souvent consigné au quartier, parfois en salle de police, il n’est mis seulement qu’une fois aux arrêts simples, mais jamais en cellule. 

 

 

 

Le 19 janvier 1902, Louis passe dans la réserve de l’armée active. Son contrat est arrivé à échéance. Il peut maintenant regagner le continent français.

 

Au 11e B.C.A.

 

L’existence civile ne semble finalement pas lui convenir. Ce changement radical de style de vie a peut-être été trop compliqué à assumer. Louis ne parvient pas à trouver de nouvelles marques. Le 17 mars 1902, il finit par signer un contrat de deux ans avec l’armée. Cette fois-ci, il choisit le 11e B.C.A.. Sa nouvelle tenue revêtue, il reprend ses fonctions de sergent fourrier.

 

Le 1er février 1903, il passe sergent-major poursuivant ainsi ses missions purement administratives.

 

Les contrats militaires s’enchaînent. Un premier rengagement de trois ans est signé le 4 avril 1903 ; celui-ci doit prendre effet à compter du 17 mars 1904.  Un second rengagement d’un an est contracté le 1er mars 1907, à compter du 17 mars 1907.

 

Le troisième est bien plus long. À cette occasion, il en reprend pour cinq ans. Signé le 2 mars 1908, ce nouveau contrat prend effet à la fin du précédent.

 

Le fait d’avoir troqué la chéchia du zouave contre le béret du chasseur ne change rien à ses manquements à la discipline. Ses démêlés avec l’autorité militaire sont toujours aussi nombreux. Plusieurs motifs sont inscrits dans son relevé de punitions.

 

 

Le 16 décembre, c’est sa dernière punition ! Le sergent-major Giray ne sera plus jamais pris en faute durant tout le reste de son activité professionnelle.

 

Au total, il aura tout de même fait 40 jours de consigne, 12 jours de salle de police et 34 jours d’arrêt simple. Ces trois mois de punitions ne lui porteront absolument pas préjudice pour la suite de sa carrière.

 

Le 28 décembre 1908, il épouse Françoise Miguet à Echenebex, une petite commune du département de l’Ain.

 

Louis est promu adjudant le 8 avril 1911, puis adjudant de bataillon le 25 juin de l’année suivante. À partir de cette date, il est chargé du casernement. L’adjudant occupe aussi le poste de secrétaire du chef de corps.

 

Le 25 septembre 1913, Louis Giray quitte le 11e bataillon de Chasseurs alpins comme adjudant commissionné, après avoir accompli quinze années et demie de services militaires.

 

Période avant-guerre

 

Considéré comme retraité, il est rayé du contrôle du corps à l’âge de 34 ans. Ayant trouvé un emploi de régisseur au domaine de Ripaille, il se retire à Thonon, en Haute-Savoie.

 

Chateau_de_Ripaille

 

Un décret et une décision ministérielle du 14 juillet 1914 lui permettent d’être nommé au grade de sous-lieutenant de réserve. Il est rattaché au 97e R.I..

 

Début du conflit

 

Mobilisé le 2 août 1914, pour cause de guerre, Louis Giray laisse son emploi de régisseur pour rejoindre le dépôt de son régiment à Chambéry.

 

Ses fonctions exactes au sein du régiment alpin ne sont pas connues pour toute la période où il est resté dans cette unité. Son nom ne figure pas dans les effectifs du début de campagne inscrits dans le J..M.O. du 97e R.I..

 

Le sous-lieutenant Giray est ensuite affecté au bataillon de marche du 17e R.I. à la date du 2 février 1915.

 

Au 149e R.I.

 

Louis est muté au 149e R.I. le 13 mars 1915. Ce régiment est engagé dans le département du Pas-de-Calais près d’Aix-Noulette, depuis la fin du mois de décembre 1914. Les hommes du lieutenant-colonel Gothié se remettent d’une violente attaque allemande qui a eu lieu dix jours auparavant. Il a fallu contenir l’offensive ennemie coûte que coûte et les pertes furent importantes.

 

Le responsable du régiment spinalien affecte Louis au commandement d’une des sections de sa 7e compagnie, sous les ordres du capitaine Guilleminot.

 

Le sous-lieutenant Giray participe à tous les évènements dans lesquels sa section est impliquée jusqu’à sa blessure reçue le 9 mai 1915. Ce jour-là, une balle lui traverse la joue droite au cours d’une attaque qui s’est déroulée dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

carte_journee_du_9_mai_1915

 

Rapidement évacué vers l’arrière pour y subir les soins nécessaires,  il retrouve le 149e R.I. le 5 juin 1915. Cette fois-ci, il est envoyé à la 8e compagnie du régiment sous les ordres directs du capitaine Jeské. Louis Giray a tout juste une dizaine de jours pour prendre en main cette nouvelle section qu’il va devoir mener au feu durant les combats des 16, 17 et 18 juin 1915.

 

Le 25 septembre 1915, il conduit un peloton de sa compagnie, en association avec la 5e compagnie du régiment, pour répondre en urgence à une contre-attaque allemande à l’ouest du bois en Hache. Un sifflement, une détonation et Louis se retrouve grièvement blessé au visage par un éclat d’obus.

 

L’intervention des brancardiers est rapide, mais il faut du temps pour rejoindre le 1er poste de secours du régiment. Pour aller à l’arrière, c’est encore plus long. Les boyaux sont détrempés par la pluie, encombrés de blessés qui peuvent marcher et de brancardiers qui croisent en permanence les hommes qui montent en 1ère  ligne.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte_journee_du_25_septembre_1915

 

Le 30 septembre 1915, le sous-lieutenant Giray est déposé à l’hôpital bénévole le Français, à Amiens.

 

De séjours hospitaliers en séjours hospitaliers

 

Il s’ensuit alors un très long parcours de soins. Le sous-lieutenant Giray apprend qu’il va devoir subir plusieurs interventions chirurgicales de réparation faciale pour sa fracture compliquée du maxillaire gauche et pour son gros détachement du visage.

 

Louis quitte l’établissement d’Amiens le 7 octobre 1915 pour rejoindre l’hôpital complémentaire n° 137  Rollin, à Paris où il arrive le lendemain. Sorti le 30 octobre de cet établissement, il entre le jour même à l’hôpital parisien de la Jonquière où il reste jusqu’au 14 janvier 1916.

 

Louis Giray est ensuite pris en charge par les médecins de l’hôpital Chaptal dans le 20e arrondissement.

 

Sorti le 8 mai, toujours en cours de traitement, il peut aller en convalescence d’un mois avant de revenir à Chaptal pour y subir une nouvelle intervention. Cette convalescence commence officiellement à partir du 15 mai. Il part en repos chez lui, à Thonon-les-Bains.

 

Le 16 juin 1916, il est de retour à l’hôpital complémentaire Chaptal pour une reconstruction de la pyramide nasale et de la branche montante du maxillaire supérieur gauche.

 

Le sous-lieutenant Giray est promu au grade de lieutenant de réserve à titre définitif, par décret du 20 juillet 1916, pour prendre rang le 14 juillet 1916 au titre du 97e R.I. ; il figure toujours sur le contrôle de l’administration centrale de ce régiment.

 

Le 7 août 1916, avec ses nouveaux galons de lieutenant, il est envoyé en convalescence pour une période d’un mois. De nouveau à l’hôpital Chaptal il n’en sort que le 21 avril 1917.

 

Le 17 mai 1917, il revient dans cette structure hospitalière pour en sortir le 26 juin 1917. Le jour même, il est évacué sur le C.R. de Clignancourt où il est proposé pour une convalescence d’un mois avec retour. Il quitte ce service le lendemain.

 

En fait, il vient de bénéficier de 45 jours de convalescence qui le mènent une fois de plus à Thonon-les-Bains. Ce repos médical est prolongé de 45 jours à dater du 17 juin 1917.

 

Le 26 juillet 1917, il entre à l’hôpital Desgenettes à Lyon pour une plaie profonde du nez. Louis part de cet établissement le 6 août 1917.  Il est de nouveau en convalescence d’un mois à Thonon-les-Bains. Le 7 septembre 1917, il est encore soigné à l’hôpital complémentaire du collège Chaptal pour un effondrement du nez.

 

Le 5 février 1918, il est toujours pris en charge à l’hôpital Chaptal, au numéro 73 de la rue de Rome à Paris. Le lieutenant Giray fait une demande écrite au ministre de la Guerre pour être affecté au 11e B.C.A., corps auquel il a appartenu durant onze ans, entre mars 1902 et septembre 1913, pour lui permettre, à sa sortie de l’hôpital, de demander un emploi de l’intérieur dans la 14e région où habite sa famille.

 

Le 8 mars, Louis obtient une réponse favorable de ses supérieurs. Il est affecté au 11e B.C.A.. Le lieutenant est proposé pour une pension de retraite de 5e classe ; une invalidité de 70 % lui est accordée par la commission de réforme de Chambéry qui s’est réunie le 20 octobre 1918.

 

Les années après-guerre

 

Le 31 juillet 1919, Louis Giray est rayé des contrôles des cadres du 11e B.C.A.. Son chef de corps, le commandant Lambert le propose, avec avis favorable, pour l’honorariat du grade de lieutenant.

 

L’ancien officier se retire à Thonon-les-Bains, au château de Ripaille.

 

Il perd son épouse en février 1919. Deux ans plus tard, il se remarie à Lausanne, avec Élise Charlotte Wulliens, une Suissesse qui est originaire de l’Isle.

 

Louis est maintenant titulaire d’une pension d’invalidité à 100 % avec le statut d’invalide de guerre 1914-1918.

 

En 1926, Louis Giray est domicilié au numéro 19 de la rue de la Rivière à Lutterbach, dans le Haut-Rhin. Il y fait sa demande de carte d’ancien combattant. L’ancien régisseur du château de Ripaille est maintenant employé aux usines Dolfuss, Mieg et Cie de Mulhouse.

 

Dans les années cinquante, il se retire au Péage-de-Roussillon, la commune où vivait son oncle Jean.

 

La_terrible_blessure_du_sous_lieutenant_Giray

 

Si son visage est terriblement marqué par sa blessure, les photographies ne montrent pas la somme des difficultés permanentes qui lui sont liées.

 

Afin de faire valoir ses droits, il fait lister huit conséquences de sa blessure, outre la défiguration : larmoiement constant à gauche, des séquelles rhinologiques, port d’une prothèse pour obturer la voûte palatine. Ce ne sont qu’une partie des conséquences laissées par l’éclat d’obus qui le marquèrent à vie.

 

La pose de sa prothèse conduisit à l’enlèvement de dents supplémentaires. On comprend la virulence de sa demande de reconnaissance de son invalidité, d’autant que ses difficultés auditives sont réelles, bien qu’invisibles (bourdonnements constants, hyperacousie, mais aussi incapacité de comprendre certaines discussions à de petites distances)

 

En mars 1955, la commission de réforme de Lyon fait une demande pour qu’il puisse obtenir un taux de 100 % + 13 % d’invalidité. Cette requête fut homologuée.

 

Louis décède le 28 février 1962 à  au Péage-de-Roussillon sans laisser de descendance.

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec palme.

 

Citation  à l’ordre du corps d’armée du 26 octobre 1915 :

 

« Le 25 septembre devant Angres a entraîné brillamment son peloton au-devant d’une contre-attaque allemande. A été blessé pendant l’engagement ».

 

Chevalier de la Légion d’honneur pour prendre rang du 16 mars 1916 (journal officiel du 13 avril 1916).

 

« Officier d’une bravoure et d’un sang-froid à toute épreuve. Le 25 septembre 1915, pendant un violent bombardement, a réuni à sa section des éléments de différents corps qui se trouvaient à proximité, les a entraînés brillamment au-devant d’une contre-attaque allemande menaçante, et a contribué puissamment à la repousser. Au cours de la charge, a été grièvement blessé par un éclat d’obus. »

 

Louis Giray a été fait officier de la Légion d’Honneur le 21 mai 1952 puis commandeur de la Légion d’Honneur le 16 juin 1959.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Les recherches effectuées sur les sites des archives municipales de Lyon et des archives départementales du Rhône ont permis la reconstruction d’une partie de la généalogie du lieutenant Giray.

 

Les photographies de cet officier sont extraites de son dossier individuel qui se trouve au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Le lieutenant Giray possède également un dossier individuel sur le site la Base Léonore. Pour le lire, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Site_base_Leonore

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à  M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives municipales de Lyon et aux archives départementales du Rhône.

30 août 2019

Marie Louis Paul Dastouet (1888-1915)

Marie Louis Paul Dastouet

 

Natif de Périgueux, Marie Louis Paul Dastouet voit le jour le 2 juin 1888 au numéro 27 du cours Montaigne. À sa naissance, son père, Joseph François, travaille comme négociant. Il a 35 ans. Sa mère, Marguerite Nadal, n’exerce pas de profession. Elle est âgée de 24 ans.

 

Trois années plus tard, le père de Paul possède son propre établissement commercial. Il n’utilise pas ses prénoms d’état civil pour la raison sociale de son entreprise, probablement en raison du rachat d’une ancienne structure connue localement. Sa quincaillerie, au nom de Martial Dastouet, est implantée au 11 rue de Bordeaux, dans la préfecture de la Dordogne.

 

Rue de Bordeaux a Perigueux

 

Marguerite donne naissance à un second garçon en décembre 1892, mais le petit Joseph ne survit pas à son deuxième mois.

 

Genealogie famille Dastouet

 

Les parents de Paul gagnent suffisamment bien leur vie pour lui payer des études supérieures. Bon élève, l’adolescent poursuit sa scolarité au lycée de Périgueux qui va le mener jusqu’au baccalauréat.

 

Le jeune homme s’oriente ensuite vers une carrière militaire. Son degré d’instruction de niveau 5 lui permet de tenter l’examen d’entrée saint-cyrien. Admis au concours, il se rend à la mairie de Périgueux le 10 octobre 1908 pour y signer un engagement volontaire de 4 ans. Depuis 1905, les futurs officiers reçus à l’école spéciale militaire ont l’obligation de servir dans un régiment durant une année complète.

 

Par commodité, Paul Dastouet choisit le 50e R.I., le régiment de sa ville natale, en attentant d’aller faire sa formation théorique.

 

Le 1er mars 1909, il est nommé caporal. Le 18 octobre, il quitte la caserne Bugeaud pour entrer à l’école spéciale militaire. Paul fait partie des étudiants de la 93e promotion qui a été baptisée « promotion de Mauritanie ».

 

Le 5 novembre 1909, il est nommé sergent, puis aspirant le 16 mai 1910.

 

Le futur officier obtient le numéro 113 sur 210 élèves classés aux examens de sortie.

 

Le 1er octobre 1911, Paul Dastouet est envoyé comme sous-lieutenant au 149e R.I. d’Épinal. Son nouveau grade prend rang à compter du 1er octobre 1910.

 

Paul intègre l’équipe des cadres d’une des compagnies du 4e bataillon du 149e R.I., une unité rattachée au groupe de forteresse d’Épinal.

 

En avril 1912, le lieutenant-colonel Pichoud, qui commande le groupe de forteresse, écrit ceci à son sujet dans le feuillet du personnel : « Jeune officier intelligent, aimant son métier et s’acquittant de ses devoirs avec zèle. À de l’entrain et de la vigueur. Très apte à faire campagne. Promet de très bien faire »

 

Six mois plus tard, il ajoute ceci : « Continue à bien servir et à mériter les éloges de ses chefs. Promet d’être un excellent officier. »

 

Paul Dastouet est nommé lieutenant le 1er octobre 1912. Le jour même, il doit rejoindre le fort d’Arches, un ouvrage construit sur la commune de Pouxeux. Au cours de l’hiver suivant, il quitte le fort rattaché à la place fortifiée d’Épinal, pour aller suivre les cours de l’école régionale de ski de Gérardmer du 27 janvier au 12 mars 1913.

 

De retour au fort d’Arche, il apprend, un mois plus tard, que le 4e bataillon du 149e R.I. est en train de vivre ses dernières heures. En effet, les effectifs de cette unité vont être directement versés dans un régiment nouvellement créé à la date du 15 avril 1913. Il va falloir découdre le numéro 149 de son uniforme pour le remplacer par le numéro 170.

 

Le lieutenant Dastouet quitte définitivement son poste à responsabilité du fort d’Arches le 30 août 1913. Il s’installe à la caserne Contades pour y prendre le commandement d’une section de compagnie du 170e R.I.. Le 30 septembre 1913, il est muté au 149e R.I..

 

Le 1er octobre 1913, le lieutenant-colonel Pichoud note à propos de son subordonné : « Toujours de très bonne humeur, sert avec entrain. Très bon esprit militaire, énergique et vigoureux, promet d’être un excellent officier. Il sait conduire les hommes et les entraîner. Semble devoir être un officier de choix. »

 

La vie de caserne du temps de paix s’arrête brusquement à la fin du mois de juillet 1914. Le conflit contre l’Allemagne est inévitable. Le 149e R.I. qui est un régiment de couverture doit envoyer son 1er échelon, dès le 1er août, en direction de la frontière germano-française.

 

À cette période de l’année, le lieutenant Dastouet sert à la 1ère compagnie du régiment sous les ordres du capitaine Souchard. Le régiment est commandé par le lieutenant-colonel Menvielle. Après le départ du 1er échelon, Paul Dastouet reste à la caserne Courcy avec quelques officiers, pour la prise en charge des réservistes qui viennent constituer le 2e échelon du régiment.

 

Le 4 août 1914, le lieutenant Dastouet rejoint, dans le secteur de Vanémon, le 1er échelon avec le groupe de réservistes.  Le 149e R.I. est maintenant au complet, prêt à combattre.

 

Le 9 août 1914, deux bataillons du 149e R.I. subissent le baptême du feu dans le secteur de Sainte-Marie-aux-Mines, près de Wisembach. Le lieutenant Dastouet est grièvement blessé au cours de cet engagement.

 

Il est touché par une balle en séton à la base antéro-postérieure du thorax, à droite, avec perforation du cul de sac pleural et hémothorax. Cette balle lui perfore également le rebord droit du foie.

 

Pour en savoir plus sur cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Renclos des Vaches 2

 

Paul Dastouet est évacué pour être soigné à l’arrière. Il ne retourne au dépôt du 149e R.I. que le 20 octobre 1914.

 

Le 22 novembre 1914, le lieutenant Dastouet est envoyé dans la zone des armées pour prendre le commandement de la 5e compagnie de son ancienne unité. À cette période du conflit, le 149e R.I. combat en Belgique dans la région d’Ypres.

 

Il est nommé capitaine à titre temporaire le 30 novembre 1914. Sa carrière est rapide, il passe, en cinq ans, d’engagé volontaire en 1909 à capitaine. Il n’a que 26 ans.

 

Fin décembre, le 149e R.I. retrouve le sol français. Il vient occuper des tranchées en Artois dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Le capitaine Dastouet participe à chacune des actions qui engagent sa compagnie dans le secteur.

 

Le 2 juillet 1915, Paul Dastouet est titularisé dans son grade d’officier de manière définitive.

 

Paul bénéficie d’une permission de 6 jours qui dure du 2 au 7 août 1915.

 

Le 25 septembre 1915, la 43e D.I. est entièrement engagée dans une vaste offensive dans le secteur du bois en Hache en Artois. Le capitaine Dastouet, à la tête de ses hommes qu’il mène à la contre-attaque, est blessé. Il est atteint par une balle qui se loge à l’extrémité de sa cuisse droite. La blessure est très grave. L’évacuation sur le poste de secours central de la Malterie d’Aix-Noulette est longue et parsemée d’embûches. Les boyaux sont imbibés d’eau, encombrés par les blessés et les hommes qui montent en ligne, ce qui rend la tâche des brancardiers particulièrement pénible.

 

Sommairement soigné, Paul Dastouet est envoyé à Paris où il est pris en charge par les médecins de l’hôpital Necker dans le XVe arrondissement.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 25 septembre 1915

 

Les soignants ne purent rien faire pour le sauver. Paul décède le 13 octobre 1915 à l’âge de 27 ans. L’histoire ne dit pas s’il a pu revoir ses parents avant de mourir.

 

Quelques jours après sa mort, le lieutenant-colonel Gothié rédige ce petit texte : «  A continué à donner les plus belles preuves de son activité et de sa bravoure au feu au cours de tous les combats auxquels le 149e R.I. a pris part. 2 blessures, 3 citations. Vient d’être blessé grièvement au combat du 25 septembre devant Angres et fait chevalier de Légion d’honneur pour sa belle conduite. Est mort malheureusement des suites de sa blessure. »

 

Le capitaine Dastouet repose actuellement dans le cimetière nord de Périgueux.

 

 

En janvier 1957, une assistante sociale de Périgueux fait une demande pour obtenir les états de services de Paul Dastouet. Elle est en train de constituer un dossier pour tenter d’obtenir la gestion d’un bureau de tabac pour la mère du capitaine. Cette femme qui est âgée de 95 ans vit probablement dans des conditions extrêmement modestes.

 

Le nom de cet officier est inscrit sur les monuments aux morts des villes de Périgueux et d’Épinal. Il est également gravé sur la plaque commémorative qui se trouve à l’intérieur de l’église de la Cité à Périgueux.

 

Paul Dastouet ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec deux palmes et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 1ère Armée en date du 12 septembre 1914 à la suite du combat du 9 août au col de Sainte-Marie en Alsace.

 

« Pour son sang- froid et sa belle conduite au feu. »

 

Citation à l’ordre n° 46 de la 43e Division en date du 16 mars 1915.

 

« A conduit brillamment sa compagnie les 3 et 4 mars pendant les combats devant Noulette. A exécuté plusieurs reconnaissances très périlleuses pendant la nuit pour déterminer l’emplacement des tranchées qu’il a fait construire à 400 mètres des lignes ennemies. »

 

Citation à l’ordre de la 10e  Armée n° 87 en date du 10 juillet 1915.

 

« Commandant de compagnie plein d’entrain et de courage. S’est signalé le 18 juin par son esprit d’à propos en prenant possession avec le minimum de pertes, d’une grande partie des tranchées et abris du fond de Buval que l’ennemi n’avait évacué que partiellement et fait 18 prisonniers. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur le 27 septembre 1915 ordre n° 1737 D.

 

« Le 25 septembre 1915, a été blessé grièvement en entraînant vigoureusement sa compagnie à l’assaut d’une contre-attaque allemande qui fut repoussée. Excellent officier plein de courage et d’allant, déjà blessé au début de la campagne. Titulaire de trois citations. »

 

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services de Paul Dastouet a été lue sur le site des archives départementales de la Dordogne.

 

La photographie de la sépulture du capitaine Dastouet a été réalisée par N. Demaison.

 

Le registre de recensement de l’année 1891 de la ville de Périgueux a été visionné dans son intégralité pour confirmer le prénom non conforme à l’état civil porté par le père du capitaine Dastouet sur le site des archives départementales de la Dordogne.

 

Paul Dastouet est évoqué dans un article intitulé : « le lycée de Périgueux 1914-1918 ». Pour consulter cet écrit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Lycee de Perigueux

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Ducoq, à A. Carobbi, à T. Cornet, à N. Demaison, à J. Horter, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des départements du Lot-et-Garonne et de la Dordogne. 

23 août 2019

Les différents témoignages laissés par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André au cours de sa campagne 1914-1918.

Capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André - Copie - Copie

Pour faciliter la lecture des différents écrits rédigés par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André et qui sont disséminés sur l’ensemble du blog du 149e R.I., je me propose de tous les réunir ici.

Le premier témoignage évoque le 1er mois du conflit. Il débute à la caserne Courcy le 30 juillet 1914, veille de la mobilisation générale. Le texte s’achève au moment où le capitaine de Chomereau de Saint-André retrouve, le 31 août 1914, son épouse sur les quais de la gare de la ville de Bourges après avoir été blessé quelques jours auparavant.

Pour avoir accès aux différents textes de ce témoignage, il suffit de cliquer une fois sur chacune des images suivantes.

                                                              1) Début de campagne

Debut de campagne

                               2) 9 août 1914… Baptême du feu du côté du Renclos-des-Vaches

9 aout 1914, bapteme du feu du cote du Renclos-des-Vaches

                                                          3) En direction d’Abreschviller…

En direction d'Abreschviller

                                          4) « Le grand bal » de la 8e au nord d’Abreschviller

Le grand bal de la 8e a Abreschviller

                                   5) Dernier combat du mois d’août 1914 avant la blessure

Dernier combat du mois d'aout avant la blessure

Le second témoignage retrace le passage du 149e R.I. à Verdun en mars et en avril 1916. Le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André est à la tête de la 1ère compagnie du régiment, avant qu’il ne lui soit demandé d’assurer le commandement par intérim du 3e bataillon du régiment.

Pour avoir accès à ce témoignage, il suffit de cliquer une fois sur la deuxième image. 

                                       1)     Petite correspondance rédigée à Seigneulles

Petite correspondance rédigée à Seigneulles

                2) Les oiseaux ne chantent plus dans le bois des Hospices et dans le bois Fumin.

Les oiseaux ne chantent plus dans le bois des Hospices et dans le bois Fumin

 Le dernier témoignage nous amène dans le secteur de la Malmaison en octobre 1917. Le commandant de Chomereau de Saint-André commande maintenant le 1er bataillon du régiment. Cet écrit a été publié dans un petit fascicule,dans les années après-guerre.

Pour avoir accès à ce témoignage, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

                      1)     Un épisode de la victoire du chemin des Dames : 23 octobre 1917

Un episode de la victoire du chemin des Dames 23 octobre 1917

16 août 2019

Gaston Fertat (1885-1915)

Gaston Fertat

 

Gaston Fertat naît le 25 avril 1885 dans l'appartement parisien occupé par ses parents, au numéro 28 de la rue Letort. Son acte de naissance est enregistré à la mairie du XVIIIe arrondissement, place Jules Joffrin, trois jours plus tard.

 

L’employé Alphonse Berille et le papetier François Fraisse accompagnent son père pour témoigner de l’évènement et signer le registre d'état civil.

 

Les parents de Gaston sont tous deux originaires de la Côte d’Or. Ils sont nés et se sont mariés à Salmaise.

 

La mère, Marie Louise Drouhot est âgée de 33 ans lorsqu’elle met au monde son fils unique. Elle travaille comme couturière. Le père, Jean Baptiste Constant, a 31 ans. Il exerce la profession d’employé d'octroi.

 

 

Le registre matricule de Gaston nous indique qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Il quitte donc l’école communale en sachant lire écrire et compter. Son parcours de vie entre la fin de sa scolarité primaire et son arrivée à la caserne reste inconnu.

 

Le 24 octobre 1903, Gaston Fertat se rend à la mairie du XVIIIe arrondissement pour y souscrire un engagement volontaire d’une durée de trois ans. Il a fêté son 18e anniversaire en avril. Le jeune homme a donc besoin du consentement paternel pour mener à bien ce projet.

 

Gaston demande à être affecté au 29e R.I. d’Autun, dans la Saône-et-Loire. Le lendemain, il rejoint la caserne Changarnier pour y commencer sa formation militaire. Les différents documents consultés ne permettent pas de savoir s’il est resté à Autun ou s’il a été envoyé dans une des compagnies du bataillon installée à la caserne de Sercey, cette dernière étant implantée dans la commune de Le Creusot.

 

Le 27 septembre 1904, il est nommé caporal puis sergent le 23 septembre 1905.

 

Le 1er août 1906, le sous-officier Fertat occupe les fonctions de sergent fourrier.

 

Gaston Fertat ne souhaite pas renouveler son contrat à la fin de ses trois années d’engagement. Il est donc libéré de ses obligations militaires, considérées comme service actif, à la date du 22 octobre 1906.

 

Le jeune homme quitte l’uniforme avec l’obtention de son certificat de bonne conduite et de son certificat d’aptitude à l’emploi de chef de section.

 

Gaston reste affecté au 29e R.I. en tant que réserviste. Il est inscrit sous le numéro 13532 au répertoire du corps.

 

En 1909, il est désinscrit de son corps d’origine pour être rattaché au  153e R.I., dont le dépôt se trouve à Fontainebleau.

 

Devenu dessinateur industriel, il vit avec ses parents au numéro 160bis de la rue Vercingétorix, dans le XIVe arrondissement parisien. Le 11 avril 1910, Gaston épouse Anne Marguerite Clémence Bourrier à Malakoff, au sud de la capitale.

 

Quelque temps plus tard, le couple Fertat s’installe à Montereau-Fault-Yonne, dans la Seine-et-Marne. Gaston a obtenu un emploi de dessinateur à la faïencerie monterelaise qui est la plus ancienne du département.

 

Manufacture_de_faience_de_Montereau

 

Sa fille, Marie Louise Julia, voit le jour le 29 juillet 1911.

 

Gaston Fertat, qui fut dispensé de sa 1ère période d'exercice, est dans l’obligation de faire sa seconde période au sein du 153e R.I.. Elle se déroule du 4  au 20 décembre 1911.

 

Installé définitivement à Montereau-Fault-Yonne, le sergent de réserve Fertat est rattaché au 46e R.I. de Fontainebleau.

 

En août 1914, lorsque le tocsin de la Collégiale Notre-Dame-et-Saint-Loup sonne pour annoncer la mobilisation générale, Gaston sait qu’il va devoir rejoindre le dépôt de son régiment à Fontainebleau.

 

Son statut de sergent fourrier lui permet probablement de rester au dépôt durant la première décade du mois d’août ; en effet, ce n’est que le 13 août qu’il rejoint son régiment installé dans la région Étain dans la Meuse.

 

Le 2 octobre 1914, Gaston Fertat est blessé à Vauquois. Une première balle l’atteint à la mâchoire inférieure et dans la région lombaire, une seconde balle le touche au bras droit. Son état l’oblige à faire un long séjour dans un hôpital de l’arrière.

 

De retour au dépôt après ses soins et sa convalescence, il souhaite devenir officier. Le 17 mai 1915,  il fait une demande écrite au ministre de la Guerre pour être nommé sous-lieutenant à titre temporaire pour la durée du conflit. Dans son courrier, Gaston fait valoir qu’il est détenteur du certificat d’aptitude à l’emploi de chef de section.

 

Sa requête est accordée ; il est officiellement promu au grade de sous-lieutenant à titre temporaire le 27 juin.

 

Sa promotion le fait changer d’affectation. Gaston Fertat est envoyé au 149e R.I., un régiment qui combat en Artois. Le 13 juillet 1915, le nouvel officier rejoint cette unité où le lieutenant-colonel Gothié l’affecte à la 5e compagnie. À partir de cette date, le sous-lieutenant Fertat participe à toutes les opérations qui sont menées par le régiment spinalien.

 

Son passage au sein des effectifs des cadres de la 5e compagnie est assez court.

 

Le 25 septembre 1915, son régiment est engagé dans une vaste offensive qui doit permettre la prise du bois en Hache. Mortellement blessé, Gaston meurt à la tête de sa section, au cours d’une contre-attaque menée par sa compagnie, sous l’autorité du capitaine Dastouet.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante. 

 

Carte journee du 25 septembre 1915

 

Le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse, officier d’état civil du 149e R.I.,  valide le décès de Gaston Fertat le 1er octobre 1915.

 

Le sergent-major Mary Élie Adolphe Béal et le sergent fourrier Charles Paul Clément ont vu tomber leur supérieur sur le champ de bataille.

 

Le 28 octobre 1915, le lieutenant-colonel Gothié note ceci dans le feuillet du personnel de son régiment à propos du sous-lieutenant Fertat : « Ancien sergent fourrier de l’armée active, s’est montré dès son arrivée au 149e, l’officier fanatique et dévoué, plein d’entrain et d’enthousiasme qu’il était. A été tué le 25 septembre devant Angres en entraînant sa section à l’assaut. »

 

L’acte de décès de cet officier n’est transcrit à la mairie de Montereau-Fault-Yonne que le 21 mars 1916.

 

Il n’y a pas de sépulture connue pour cet officier.

 

Le sous-lieutenant Gaston Fertat a obtenu la citation suivante :

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 64 du 26 octobre 1915 :

 

« Le 25 septembre 1915, devant Angres, a été tué en se portant en tête de sa section à la rencontre d’une contre-attaque allemande qui fut repoussée. Officier très brave et très énergique. »

 

Vingt jours avant qu’elle ne fête son 8e anniversaire, sa fille, Marie Louise Julia, est adoptée par la nation le 9 juillet 1919.

 

Le nom de cet officier est inscrit sur les monuments aux morts des communes de Montereau-Fault-Yonne et de Verrey-sous-Salmaise ainsi que sur la plaque commémorative qui se trouve à l’intérieur de la Collégiale Notre-Dame-et-Saint-Loup de Montereau-Fault-Yonne.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Le site des archives départementales de la ville de Paris et le site de généalogie « Généanet » ont également été lus.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

9 août 2019

Maurice Joseph Paul Marchand (1880-1915)

Maurice Joseph Paul Marchand

 

Maurice Joseph Paul Marchand voit le jour le 12 décembre 1880 à Thuillières, une petite commune vosgienne qui est située au nord-ouest de Vittel.

 

Son père, Joseph Augustin, alors âgé de 24 ans, est le boulanger du village. Sa mère, Marie Augustine Aline Rollet a 26 ans et n'exerce pas de profession.

 

Le 30 avril 1895, la mère de Maurice décède. L’adolescent n’a pas encore fêté son quinzième anniversaire.

 

L’année suivante, son père se remarie avec sa belle-sœur Marie Émilie Hélène Rollet. De cette seconde union naît une petite fille qui fut prénommée Suzanne.

 

Maurice Marchand poursuit ses études après l’école communale. Celles-ci le mènent jusqu'à l’école normale de Mirecourt. Il débute sa formation d’enseignant en 1897. 

 

Instituteur stagiaire, il fait la connaissance de Berthe Eugénie Émélie Rouselle, une institutrice titulaire âgée de 24 ans, originaire de Grignoncourt, mais qui réside à Épinal. Le couple décide de se marier. Berthe devient l’épouse de Maurice le 24 septembre 1902.

 

 

Jeune appelé de la classe 1900, Maurice Marchand est dispensé par l’article 23 (engagement décennal) qui l’oblige à exercer ses fonctions d’instituteur durant 10 années. Il n’effectue qu’un an de service actif. De ce fait, le résultat du tirage au sort n’a aucune importance pour lui. Il tire la boule qui porte le numéro 59.

 

Le 14 novembre 1901, Maurice intègre les effectifs de la 6e compagnie du  79e R.I.. Le dépôt de ce régiment est à Neufchâteau, mais tous ses bataillons sont stationnés à Nancy.

 

La profession de Maurice lui permet d'accéder à la formation de caporal sans aucune difficulté. Il obtient ce grade le 26 mai 1902. Devenu responsable d’escouade, il fut affecté à la 2e compagnie du 79e R.I. aussitôt après avoir cousu ses deux galons rouges.

 

Maurice est envoyé dans la disponibilité le 20 septembre 1902, en attendant son passage dans la réserve de l’armée active. Il se retire à Épinal tout en restant rattaché au régiment de Neufchâteau. Le jeune homme figurait au tableau d’avancement pour le grade de sergent au renvoi de sa classe. 

 

Il est nommé dans ce grade le 26 juillet 1903.

 

Maurice Marchand accomplit une première période d'exercices au sein du 79e R.I. du 16 août au 12 septembre 1904.

 

Il passe ensuite à la subdivision d’Épinal et se voit rattaché au 149e R.I.. En février 1906, il s'installe au numéro 9 de la rue de l’école normale à Épinal.

 

Le sergent Marchand effectue sa seconde période d’exercices au 149e R.I. du 19 août au 15 septembre 1907.

 

Il est dispensé d’une troisième période d'exercices en mai 1908.

 

Berthe et Maurice ont une fille qui vient au monde le 20 octobre 1910. Le couple Marchand  enseigne maintenant à l'école des  Meix de Rupt-sur-Moselle.

 

Ecole des Meix

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Maurice Marchand rejoint le dépôt du 149e R.I..

 

Promu sous-lieutenant à titre temporaire pour la durée de la guerre le 14 novembre 1914, ce n’est que le 12 décembre 1914 qu’il est envoyé sur le front. À cette période de l’année, le 149e R.I. combat en Belgique dans la région d’Ypres. Maurice est affecté à la 5e compagnie.

 

Fin décembre 1915, le 149e R.I. retourne en France pour aller occuper des tranchées dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Le 10 mai 1915, Maurice Marchand est titularisé de manière définitive dans son grade de sous-lieutenant.

 

Cet officier est sérieusement blessé le 29 mai 1915 au cours d’une attaque lancée dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Atteint au visage, au bras et à la jambe droite, il est rapidement évacué vers l’arrière. Guéri, ce n’est que le 22 août 1915 qu’il retrouve son ancienne compagnie qui occupe toujours le même secteur.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. est engagé dans une vaste offensive qui doit permettre la prise du bois en Hache. Le sous-lieutenant Marchand est tué au cours d’une contre-attaque en soutien du 1er B.C.P. qui est en grande difficulté.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Carte journee du 25 septembre 1915

 

Son décès n’est rendu officiel que le 4 avril 1918, suite à la décision prise par le tribunal civil de Remiremont qui le déclare « mort pour la France » à la date du 21 septembre 1915, ce qui est une erreur.

 

Le 11 juillet 1918, sa fille unique Alice est adoptée par la nation suite à un jugement du même tribunal.

 

Maurice Marchand a toujours été très bien noté par ses supérieurs. Le 14 février 1915, le lieutenant-colonel Gothié écrit ceci : « Officier de réserve arrivé sur le front depuis peu. Ancien instituteur qui se présente très bien, vigoureux, énergique, il a de l’autorité sur ses hommes. Excellent chef de section. »

 

Une deuxième évaluation lui est donnée par le même responsable du 149e R.I. le 10 juin 1915. « Officier de réserve animé d’un excellent esprit. A montré dans les combats de mars et de mai beaucoup de courage et de sang-froid dans la conduite de sa section. Blessé et évacué au combat du 29 mai devant Notre-Dame-de-Lorette. »

 

Quelques semaines après son décès, le lieutenant-colonel Gothié rajoute : « Revenu sur le front à peine guéri, a donné de nouvelles preuves de son énergie et de son courage. A été tué le 25 septembre en entraînant sa section à l'assaut des positions ennemies devant Angres. »

 

Le fait qu’un jugement ait été nécessaire prouve que cet homme a été considéré comme « disparu ». Il n’y eut peut-être qu’un témoin, voire aucun, pour officialiser sa mort. Maurice n’a donc probablement pas de sépulture identifiée.

 

Le sous-lieutenant Marchand a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre de la 43e division n° 61 en date du 8 juin 1915.

 

« Officier calme et énergique, a secondé son commandant de compagnie de façon parfaite en toutes circonstances. A entraîné vaillamment sa section le 29 mai à l’attaque des tranchées allemandes. Blessé pendant le combat. »

 

Citation à l’ordre de la Xe armée n° 121 en date du 21 octobre 1915.

 

« Le 25 septembre 1915, devant Angres, a été tué en se portant bravement en tête de sa section, au-devant d’une contre-attaque allemande qui fut repoussée. Officier très brave et très énergique. Déjà blessé a été cité à l’ordre de la division. »

 

Le nom de cet homme est inscrit sur les monuments aux morts des communes de Thuillières, de Grignoncourt  et de Rupt-sur-Moselle.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

31 juillet 2019

Dernier combat du mois d’août 1914 avant la blessure.

Du côté de la ferme de Methenval

La 8e compagnie du 149e R.I. retraite depuis son engagement dans le secteur d’Abreschviller. Les hommes sont éparpillés en plusieurs groupes. Une fois reconstituée, la compagnie du capitaine de Chomereau de Saint-André se remet en route, talonnée par les Allemands.

Elle s’apprête à vivre son 3e épisode sanglant depuis le début de la campagne.

Un très chaleureux merci à T. de Chomereau pour son autorisation de publier ici la dernière partie du témoignage racontant les évènements vécus par son grand-père en août 1914.

Un autre très chaleureux merci à B. Bordes pour ses illustrations qui accompagnent l’écrit.

22 août 1914

8e compagnie carte du 22 aout 1914

Réveil au petit jour. J’ai terriblement de mal à sortir de mon lit. J’en ai encore davantage à se­couer les pauvres gars éta­lés dans la grange.

Cette fois, il y a des précisions et même des ordres fermes. Le régiment se reconstitue sur un plateau, à un kilomètre au nord-ouest du village où le colonel Menvielle et tout un groupe ont bivoua­qué.

Enfin ! Les officiers reforment leurs unités et je conduis le tout à destination. Menvielle me croyait tué. Il est ravi de retrouver l’effectif assez important qui me suit.

Il manque environ au moins six cents hommes restés à Saussenrupt avec François, dont pas mal d’hommes de chez moi et du reste du 2e bataillon. Massignac est là. Nous repre­nons contact avec la même joie que le soir du 9 août à Wisembach.

Val-et-Châtillon a été sur­volé au petit jour par un zep­pelin qui sera démoli à Badonviller un ou deux jours après, mais je ne l’avais pas entendu.

Le 149 se réor­ganise vite. Distribution de vin de réserve, de cartouches. Grande halte. Il fait un temps su­perbe et le moral est excellent.

On ne dirait guère que nous avons subi un échec la veille. L’insouciance du soldat français, sa légèreté d’esprit et sa nervosité qui lui font si souvent perdre la tête et se débander, présentent par contre cet avantage de lui faire oublier très vite les en­nuis passés. Quelques heures de sommeil, une bonne grillade de « bifteck », un quart de vin et le vaincu d’hier qui se traînait la tête basse, blague, rie et est tout prêt à combattre de nouveau. Le fait est connu, mais je ne croyais pas que ce fût à ce point. Je le constaterai encore les jours suivants.

À midi et demi, nous entrons, l’arme sur l’épaule droite, à Val-et-Châtillon. L’installation est sommaire dans les maisons. La 8e occupe les dernières demeures sur la route de la scierie de Noroy.

De suite, les cuisiniers s’installent. Auront-ils le temps de faire la soupe ? Il me semble invrai­semblable que les Allemands n’atta­quent pas. Ils n’ont pas poursuivi. Les imbéciles ! Sans doute avaient-ils été échaudés pendant les combats du 21 alors que tout était en désordre.

Maintenant tout est d’aplomb, si j’en juge par le 149. Fernier et mon ordonnance, que j’ai retrouvés avec le groupe du colonel, ont déjà pendu la crémaillère dans une maison et me fri­cotent un bifteck, des pommes de terre et de la soupe. Entre-temps, je déniche chez une brave dame, après avoir inuti­lement cherché dans plusieurs magasins, une paire de chaussettes d’un rouge écla­tant. Les ha­bitants ne se figurent pas la proximité de l’en­nemi !

Voilà qui vient à point pour remonter ma garde-robe ! J’ai l’idée en effet que je ne verrai pas ma cantine d’ici quelques jours.

Quant à Égyptienne, ma bonne jument, elle doit faire les choux gras de quelques Allemands. Les six chevaux du bataillon ont disparu, sûre­ment pris à La Valette où, paraît-il, on les a vus arriver au moment où l’ennemi y pénétrait.

Ma vareuse, deux pèlerines, un certain nombre de boîtes de conserve et une trousse de toilette ont ainsi été volés, sans compter mon sabre et un sabre alle­mand damasquiné trouvé le 16 août à Saint-Blaise. Il me reste heureusement mon sac porté par mon ordonnance.

J’expédie mon déjeuner, qui suit de près le singe pris en breakfast à dix heures, quand on me prévient de l’arrivée de François qui vient d’amener le reste des manquants du 2e bataillon. J’apprends qu’il faut repartir.

C’est cela la cérémonie habituelle des « soupes » interrompues, de la viande placée à demi cuite dans les gamelles, du bouillon et des légumes jetés sur la route ! Et nous maudissons une fois de plus la routine des « commissions » qui ont refusé ou retardé l’adoption des cuisines roulantes.

On en­tend tout à coup très près, vers Petitmont et Cirey-sur-Vezouze, les cra­quements des 75. C’était à prévoir. Le 2e batail­lon se met à mar­cher vers Bréménil, suivi du train de combat.

L’ennemi doit être en­core assez loin, car celui-ci, très en vue sur une partie du chemin, gagne sans encombre cette lo­calité puis Badonviller.

Nous prenons une posi­tion d’attente dans un bois. Long arrêt. Nos batteries, placées un peu au nord-est de cette position, arrosent les crêtes au nord-est de Cirey. Elles sont battues sans grand succès par de l’artille­rie lourde.

Le bataillon qui était au nord du chemin se déploie pour prendre position au sud. François me donne, à ce mo­ment, l’ordre suivant émanant du brigadier Pillot, commandant la 85e Brigade : « Se porter au pont de la scierie de Noroy à mille cinq cents mètres au sud de Val-et-Châtillon et la tenir jusqu’à ce qu’on me re­lève ou jusqu’à ce que toutes les unités qui com­bat­tent sur l’autre rive de la Vesouze se soient re­pliées, en particulier le 158 ».

Il faut donc re­descendre dans la vallée, par les bois. Je n’ai que ma carte au 1/100.000e et j’atteins avec difficulté le chemin Saint-Sauveur / Val-et-Châtillon, ren­contrant sur celui-ci un officier du 4e chasseurs en képi et selle sans paquetage. Il est furieux, le pauvre ! Parti en coup de vent de Cirey vers midi pour chercher le zeppelin signalé tombé dans les bois, il n’a rien trouvé, sauf, au retour, Cirey bombardé et son cantonnement en flammes. Il n’a eu que le temps de décamper à vive allure.

Un peu plus loin, près d’une mai­son forestière, je tombe sur Pignot qui ne sait pas grand-chose de la si­tuation. Un bataillon du 149e R.I. est vers Saussenrupt. Ma section d’avant-garde atteint le pont. Elle rejoint bientôt mon gros. Je prends mes dispositions pour accomplir au mieux ma mission, bien délicate, car la rivière n’est ici qu’un obstacle moral. Un mètre de profondeur et six de large !

Le groupe de maisons de Noroy est dominé de partout par des pentes boisées. C’est le type idéal de la cuvette ! De jour passe encore, mais la nuit… Peu importe d’ailleurs, je préviens mes gradés que nous tien­drons coûte que coûte.

Je fais organiser une série de barri­cades, installer des réseaux de fil de fer, etc., ce qui nous permet, le cas échéant, de démolir pas mal d’Allemands.

Tout ceci s’accompagne du bruit des marmites qui pleuvent sur Val-et-Châtillon et qui résonnent en coups de tonnerre dans les vallons. La fusillade est intense vers le nord et l’est.

Le général Pillot, qui commande la 85e Brigade, passe. Interrogé, il me confirme la présence, en avant de ma compagnie, d’unités du 149e et du 158. Je suis tout étonné, connaissant son aménité habituelle, d’avoir une réponse polie. Ma foi, je regarde avec sympathie ce grand gaillard solide qui conserve un beau calme insouciant dans d’aussi pénibles conjonctures et dont la bravoure devient un dogme dans la brigade.

Le capitaine de Chomereau dans les bois

La nuit vient et le si­lence se fait, un silence lugubre et inquiétant de soir de combat. Ma pauvre petite compagnie est comme perdue au milieu de ces bois menaçants. Je circule l’oreille tendue, d’une sentinelle à l’autre, sentant mes hommes oppressés par l’at­tente d’une attaque qui peut déboucher à l’impro­viste du nord, à l’ouest, de partout. Toutes les directions sont dangereuses.

Deux éclaireurs montés rentrent dans les lignes. L’un d’eux porte en croupe une jeune femme qu’il a rencontrée, fuyant, terrifiée, à Val-et-Châtillon. Elle est à ca­lifourchon, les jupes retroussées jusqu’aux ge­noux, serrant d’un bras un petit paquet de linge ou d’effets. Je n’ai pas envie de sourire et mes hommes non plus. Combien parmi eux songent qu’en ce moment leurs villages sont envahis, que leurs enfants et leur femme, comme celle-ci, se sauvent sur les routes.

Un bataillon de chas­seurs rentre ensuite. Longue attente. Un détachement de B.C.P. passe, puis le 158. Nuit noire. Enfin débouchent plusieurs compagnies du 149, avec Souchard, le capitaine de la 9e compagnie. Il n’y a plus rien derrière eux que l’en­nemi qui ne paraît pas vouloir poursuivre.

Ma mission est ac­complie. Je pousse un soupir de soula­gement. Silencieusement, après avoir laissé Souchard prendre ses distances, je reforme mes hommes. Il doit être neuf ou dix heures et il faut gagner Badonviller où, paraît-il, se trouve le régiment. En route… Au bout d’un kilomètre, nous faisons un arrêt. Souchard réveille un forestier qui dormait paisi­blement. Il l’interroge sur le meilleur itinéraire, car, en pays aussi accidenté, le 1/80.000e est de médiocre se­cours. Je l’ai rejoint et nous décidons d’atteindre Bréménil par Angomont.

Ma compa­gnie est en formation d’arrière-garde. Je déplore que l’on n’ait pas fait sauter le pont derrière nous ; moi, je n’ai absolument rien pour faire cela.

Interminable marche en montant puis, une fois sur le plateau, un terrain faiblement ondulé nous attend. Nous sommes tous éreintés. Ma conversation avec Souchard se réduit à des grognements. Il répond de même. Une pause, deux, trois… Je tombe par terre à chaque fois, instantanément endormi, Souchard me secoue pour me réveil­ler. Après quoi, à coups de pied, nous faisons lever les pauvres troupiers.

J’envie Souchard qui, le veinard, a son cheval presque toute la journée. Il l’a renvoyé vers Badonviller seulement le soir.

Pour me réconforter, non pour le moral qui est solide, mais pour le physique, à ma grande joie, je tâte dans ma poche le gou­lot d’une bouteille de champagne qu’un bon­homme m’a vendue à Noroy.

Dorénavant, je me jure d’avoir toujours quelques pains de guerre en réserve sur moi. L’alimentation de mes hommes me tracasse ; qu’auront-ils ?

Vers onze heures et demie, nous dépassons des bataillons bivouaqués. Nous voilà en sûreté. La route est tout à coup encombrée d’artillerie, d’infanterie. C’est un méli-mélo énorme. Nous marchons toujours par deux, puis par un… Traversée de Bréménil, et… enfin ! enfin ! Nous arrivons à Badonviller.

Dans les deux villages, les Allemands sont déjà venus au début d’août, pil­lant, violant, brûlant et tuant. Rien qu’à Badonviller, ce sont quatre-vingt-sept maisons et l’église qui ont flambé. La traversée de ces ruines éclairées par le feu répand encore une odeur âcre et caractéristique qui réveille les hommes jurant tout bas.

Le fourrier m’attend sur la grande place. Il me dit qu’il n’y a rien à manger et que je dispose de deux petites maisons pour cantonner mes deux cents gaillards ! C’est cu­rieux, mon fourrier se croit encore aux ma­nœuvres ! Les portes étaient fermées, alors il s’est assis sur une pierre… et il a attendu ! Il est vrai qu’il est éreinté. Quant à Persant, mon ser­gent-major, gros et suant, il est tout à fait abruti pour l’ins­tant. Impossible de compter sur mes gradés, ils sont tous à plat.

Avec l’aide de deux ou trois braves, je fais enfoncer quelques portes. Je dé­couvre des clés. Je reviens prendre successive­ment chacun par les épaules. Il faut les agonir d’injures et leur taper dessus pour les faire lever. Ces malheureux ronflent par tas sur la place. Je les conduis comme des enfants à leur place. Dans une armoire, j’ai découvert cinq kilogrammes de sucre et un litre de rhum. Le propriétaire s’est enfui.

Honnêtement, je rembourse le tout à un voisin, en plus d’une boîte de conserve dénichée et que je me suis appropriée.

Ah ! Cette petite maison co­quette et propre, qu’elle est navrante avec ses berceaux d’enfants d’où les petiots ont été arra­chés, avec ses ar­moires ouvertes, et en désordre. Et encore, les habitants de celle-là ont eu la vie sauve. Ils se sont sauvés à temps. Mais combien d’autres, à Badonviller, comme à Val-et-Châtillon et ail­leurs sont restés, parce qu’en haut lieu, personne n’a organisé le départ méthodique !

Je me suis réservé un des lits assez nombreux. Je tombe exténué, après avoir fraternellement partagé, avec mon ordonnance, champagne et conserve et m’être assuré que tout était tranquille.

23 août 1914

8e compagnie carte journee du 23 aout 1914

Dès quatre heures, je suis de­bout. Abominable sensation ! Toute la fatigue revient d’un coup. Elle est à peine atténuée par deux ou trois heures de repos. Péniblement, comme un somnambule, je fais le chien de ber­ger une fois de plus.

La compagnie se ras­semble, atone, comme ahurie. C’est, en partie là, au début, que la souffrance est la plus dure. Après, la machine est remontée !

Temps su­perbe. Le 149 se replie sur Fenneviller qu’il traverse.

Les Chasseurs à pied doivent revenir vers Badonviller. Le 149 organise un repli entre Pexonne et Neufmaisons. Sur la route, il y a des théories de voitures encombrées de matelas, de meubles qui sont suivies d’enfants et de femmes.

Nous nous installons dans une plaine au nord de Neufmaisons. Enfin, nous faisons une grande table, il doit être 8 heures ! Des troupes passent. Partout on entend le canon. Vers Sainte-Pôle des batteries ti­rent sans relâche tandis que dans l’air calme monte la sonnerie des cloches de Neufmaisons. Il est l’heure de la Grand Messe ! C’est un contraste singulier et saisissant.

Vers midi, Menvielle fait faire à tous les officiers une reconnais­sance de terrain. Elle est précédée par le passage en auto du général Legrand, qui fait un léger arrêt au milieu de nous.

Cette prome­nade, digne d’un exercice de cadres en temps de paix, est visible de loin. Elle nous permet au moins de cueillir des mirabelles. Les mirabel­liers, du reste, seront bientôt coupés.

Nous occupons une longue ligne de tran­chées perpendiculaire à la route de Neufmaisons, que nous évacuerons si l’ennemi « mord » trop.

Pexonne Neufmaisons croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Nous grognons entre nous. Il nous paraît inadmissible d’occu­per, avec ordre, cette ligne prise en écharpe par des bois, à trois cents mètres d’un talus, excellent pour l’en­nemi, quand il faudra se « replier » sur une 2e ligne.  Une 2e ligne creusée à six cents mètres derrière ! Il faudra traverser un terrain nu comme la main et absolument plat. Il sera im­possible de combattre et, par-dessus le marché, le feu de la deuxième position sera masqué.

Se faire tuer, oui, mais aussi inutilement, c’est idiot ! Le lieutenant-colonel Escallon essaie vai­nement de faire rectifier ces dispositions ab­surdes. Peine perdue, Menvielle est têtu comme tous les gens bornés. Nous nous deman­dons quels seront les sacrifiés.

Cela tombe sur Massignac et moi. Par-dessus le marché, Menvielle attend la nuit pour faire la désigna­tion. Je suis furieux !

Les hommes dormaient déjà après avoir copieusement dîné, dans un bois de sapin. Il faut à tâtons les réveiller. La nuit est noire, défense d’allumer.

Sur la croupe, une pro­cession d’émirs traîne ses couvertures avec des bottes de paille sur la tête. Elle gagne les emplace­ments. Péniblement, je case les hommes. Il est sûr que nous y resterons le lendemain. Aussi je fais un petit paquet de mes lettres, afin de l’ex­pédier au lieutenant Girard, excellent camarade, en qui j’ai confiance et qui, étant porte-drapeau, est moins exposé. Je le confierai à mon ordonnance. Après quoi, celui-ci, mon cuisinier et moi-même dînons de conserves. Puis nous nous ser­rons les uns contre les autres, avec un peu de paille sur nous et nous dormons, malgré l’humi­dité.

La rosée est abondante et il fait froid. À plusieurs reprises, je n’y tiens plus, je circule aux alentours. La nuit est calme d’ailleurs. Quelques coups de feu au nord-est, vers Celles-sur-Plaine.

24 août 1914

8e compagnie carte journee du 24 aout 1914

Legende carte du 24 aout 1914

Je suis debout à trois heures ou trois heures et demie. Comme d’ordinaire, je fais réveiller mon monde et nous attendons, réchauffés peu à peu par le soleil qui nous dérai­dit.

Le contact avec l’ennemi a repris et manifestement nous reculons partout, lente­ment. De ma place, installé sur le point le plus haut, je distingue fort bien les mouvements de repli successifs.

En avant de moi, il doit en être de même, mais le terrain couvert fa­cilite la résis­tance.

Vers neuf heures, Menvielle m’emmène de ce côté. Nous repérons l’empla­cement d’une avant-ligne pour une section. Celle-ci est à peine placée que le bombardement com­mence. Une salve de quatre 105 tombe juste devant moi à cent mètres. Puis, ça conti­nue, mais le tir très violent ne produit aucun ef­fet sinon d’obli­ger la section de Pesant à déboîter. Il y a une accalmie, puis ça reprend. Cette fois-ci, le tir paraît destiné aux batteries de 75 qui sont en position entre Neufmaisons et moi.

Tout le plateau est balayé. Je suis en plein dans l’axe, je m’at­tends à rece­voir d’une minute à l’autre un pot de fleurs sur la tête, et mes hommes aussi ! Le so­leil monte. Il fait une chaleur torride. La tran­chée est couverte partiellement d’un abri de branches, notoi­rement insuffisant contre les shrapnels, et dont pourtant je bénis l’ombre protectrice.

Malgré tout, les cuisiniers sont allés cuire le repas dans le boqueteau. L’ennemi décèle leur présence par la fu­mée des feux. Il aurait fallu, il faudrait exécuter tout cela loin dans des cuisines roulantes. Alors ? Parfaitement, elles sont à l’étude ! 

Je déjeune sur le pouce, prêché à droite et à gauche auprès de mes troupiers aux­quels je passe du vin « en force » et puis c’est la sieste géné­rale, irrésistible, les corps pliés en quatre, le nez sur les pattes, comme des chiens.

Véritable engourdis­sement où les projectiles qui éclatent par­fois tout près ne nous secouent même pas. Nous atten­dons toujours l’attaque ! Quand celle-ci se pro­duira, j’ai pris cette résolution très arrêtée : ne pou­vant, si je me replie suivant les ordres donnés, que me faire fusiller comme un lapin, tenir désespérément et foncer ensuite en avant. Au moins, nous nous vengerons d’avance !

Au petit jour, j’ai ex­pédié mon ordonnance avec mes papiers et le boni à Girard. Tout est donc en règle. Je suis tranquille. Mais les hommes sont fort intelli­gents quand leur peau est en jeu ; ils ont en­tendu, je crois, la veille, quelques bribes de la discussion entre Menvielle et Escallon. Ils savent parfai­tement que la situation est absurde. Je devine des réflexions peu disciplinées. Enfin ! Ils tiennent bon sous les obus qui se multiplient.

Vers quatre heures environ, un papier expédié par Massignac au ca­pitaine François, commandant le bataillon, passe par mes mains : « À notre gauche, au-delà de la route de Neufmaisons, per­sonne, il n’y a plus per­sonne dans les tran­chées : le 109 s’est replié. »

Une demi-heure après arrive l’ordre de détaler pour nous aussi. Je pousse un soupir de soulagement. Précisément, le bombardement a cessé. Mais il faut procéder avec méthode. J’oblige mes sections à partir avec ordre, sans courir, à larges in­tervalles. Tout se passe bien et François félicite la 8e. C’est parfait.

La 7e elle aussi agit de même au début, mais les derniers éléments en ont assez d’attendre et partent tous à la fois. Résultat, une demi-mi­nute après, il y a un arro­sage sérieux de 105 qui font heu­reusement très peu de blessés.

Tout le 2e batail­lon et la 7e qui est avec Menvielle, ner­veux et agité, se re­forment dans le vallon à l’est de la crête. Commence alors, par les bois touffus, une interminable marche vers Thiaville, où nous arrivons à la nuit.

Le pont est barré, mais il n’y a, paraît-il, pas d’ordre pour le faire sauter. Les Allemands s’en empare­ront sans diffi­culté.

Bien entendu un Taube passe juste au moment psychologique. Il lance, mal du reste, une bombe sur le pont encombré. Ce fait a été vu par Isler, le capitaine de la 3e compagnie, moi je ne l’ai pas constaté. En tout cas, un autre avion a suivi notre re­pli. Cette observation est horripilante.

Le 2e ba­taillon se rassemble dans un pré, puis re­part. La nuit est venue. Ma carte s’arrêtant à Pexonne, je marche à l’aven­ture, me bornant à suivre François. C’est une longue et une interminable marche.

Nous franchissons les hau­teurs au sud de la Meurthe et la route monte dur. Il y a des à-coups fré­quents, une « grinche générale », puis c’est le silence complet. Nous n’avons plus la force de parler !

Depuis quatre jours, je me suis tant dé­pensé, obligé de tout faire. Je suis à bout, et surtout mourant de sommeil. Oh! dormir, dormir…

Ma belle capote de ciré, trop longue, m’alourdit. Déjà le jour d’Abreschwiller, elle m’avait causé, par son poids, une crampe qui avait failli me faire rester en arrière. Oublieux des services rendus la nuit, je la maudis. Mais je n’ai rien d’autre qu’elle. Les cantines sont loin. À force d’énergie, j’ar­rive à secouer les hommes, à les faire relever aux pauses.

À l’entrée de Ménil-sur-Belvitte, il est, je crois, onze heures et demie. Je m’étends durant l’arrêt exécuté et il m’est im­possible de repartir. La tête me tourne et je vois trente-six chandelles. Je n’ai que le temps de m’accrocher au bras d’un homme qui m’aide à me rasseoir.

Au bout de cinq mi­nutes, je suis ré­veillé : c’était un besoin de sommeil rentré. La compa­gnie est à l’autre ex­trémité du village. Nous can­tonnons ici, paraît-il. Je retrouve la 8e. Tout le monde est par terre, ronflant. Le fourrier est tombé sur des cavaliers qui déjà sont « chez nous ». Il attend mon intervention qui est immédiate et prompte. Dans la première grange, courts pour­parlers, entente : on se serrera… Bien ! Dans la deuxième, gro­gnements, protestations. L’ordre est donné de détacher les chevaux et de les lâcher dans la campagne. Cette menace met les cava­liers en révolution. Eux aussi, éreintés, me font pitié. Mais les miens d’abord !

Le capitaine de l’escadron de cavalerie survient et nous nous arrangeons faci­lement. Ouf ! Je me mets en quête d’un gîte pour moi. Oh ! bonheur ! je déniche enfin un lit chez de braves gens. D’autres me confec­tionnent deux vagues œufs frits et je vais m’en­dormir d’un seul coup, comme une brute. Marcher, manger, dormir, se battre, c’est toute la guerre !

25 août 1914

8e compagnie carte journee du 25 aout 1914

Il fait grand jour quand je me réveille assez d’aplomb. Le soleil est déjà chaud. Les hommes sortent des greniers à foin et bavar­dent. Il y a des coups de canon lointains au nord. Personne ne semble avoir l’impression que l’en­nemi ne peut être très éloigné. La compagnie se rassemble péniblement après le café. Pour ma part, mes hôtes, deux bons vieux, m’ont fait du chocolat au lait et veulent me for­cer à emporter un petit flacon de mirabelle. Je les paie d’une pièce de dix francs. Rareté ! Je n’ai pas, depuis le 31 juillet, touché aux quatre-vingts francs d’or reçus du trésorier Richelot. Mais ces braves gens pa­raissent si tourmentés. Leur fils est au feu, je ne sais où. Ils m’ont de­mandé si je leur conseillais d’émigrer. Prudemment, m’assurant qu’on ne m’entend pas, je leur dis oui et ils commencent leurs prépara­tifs. Pauvres vieux ! Il est 6 heures, je crois. À midi, tout sera écrasé, brûlé dans leur maison. La veille ils avaient fait des manières pour me recevoir, disant : « Nous craignons de déranger des soldats qui sont ici ». Ce qui est savoureux c’est que ce sont les miens. Mais ils ont changé de ton et m’ac­compagnent de souhaits au départ.

J’ai pu aller remettre au va­guemestre une lettre que j’ai commencée le 23 et poursuivie depuis. La grande rue est en­combrée de voitures qui se mettent en route vers Rambervillers.

Des bruits encourageants circu­lent. Pau vient de prendre le commandement. Il prescrit une offensive gé­nérale. Dans le ciel très pur, un avion français passe, le premier vu depuis… quand, au fait ? Nous n’avons aperçu que des Allemands et pas une cocarde tricolore ne nous a survolé, de retour de reconnaissance ou en route pour en effectuer une.

Le moral est bon malgré la fatigue encore présente. Vers six heures et demie, l’ordre est donné de se por­ter vers le nord du village où nous devons nous installer. Hum ! le canon paraît bien près main­tenant !

Quelques hommes se sentent brusque­ment at­teints d’affections inat­tendues. Hémor­roïdes et crampes d’estomac, qui sont aussitôt guéries par la pro­messe d’un traitement à base de coups de pieds ! Une fois de plus, je me souviens de ce peintre admirable de la psycholo­gie du combat­tant qu’a été Ardant. Pour la ving­tième fois, je constate qu’il avait raison : soldat de 1809, de 1896 ou de 1914, l’esprit est identi­quement pa­reil. La majorité « va bien ».

Bazien croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Legende Bazien croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Par les clôtures du vil­lage, empêtré dans des fils de fer et des haies, je conduis la 8e en direction in­diquée. J’ai pris la formation d’approche, à larges intervalles, cou­vert au loin par des patrouilles. Le terrain est découvert et ondulé. Deux bois sur ma droite et en avant !

À deux kilomètres, il y a un village, c’est Bazien. À peine mes disposi­tions prises, je reçois l’ordre de me porter sur ce dernier point que j’atteins bientôt. François et le reste du 2e bataillon qui étaient à ma gauche et en avant, y arrivent aussi, avec Menvielle et Schalck, son adjoint. Il paraît que nous sommes réserve de division.

À cent cinquante mètres, une crête formant plateau, est, paraît-il, tenue par le 158e R.I.. Les hommes sont couchés, dans un ver­ger ; à ma droite il y a la 7e compagnie de Massignac.

Je sais à ce moment-là seulement quel est le nom du village à la lisière méridionale duquel nous sommes. Car je n’ai toujours pas de carte ! Menvielle et Schalck, appelés vers Ménil-sur-Belvitte par le divisionnaire Lanquetot, partent à cheval.

Le calme est complet, coupé seulement par une fusillade assez vive, loin en avant. Derrière, sur les pentes, d’autres fractions, nombreuses, s’avancent.

Ren­seigné sur ma situation exacte par un officier du 158e R.I., je viens de noter rapidement ces données sur une lettre déjà commencée.

Tout à coup, très près, à cent cin­quante mètres devant nous, un crépitement vio­lent ! Une grêle de balles passe à quelques cen­timètres sur nous. Des tirailleurs déployés à la crête se replient en hâte. C’est une surprise complète !

Autant que j’aie pu l’apprendre par la suite, la ligne de contact dont nous étions « ré­serve » a été soumise, à l’improviste, au feu violent d’un ennemi insoupçonné, qui l’a fait céder.

J’ai l’impres­sion très nette que le rassemblement du 2e batail­lon va être écrasé par l’attaque allemande qui at­teint, à quelques mètres maintenant, le sommet du glacis que nous occupons.

Presque en même temps, pas loin de là, le 3e bataillon du commandant Laure aussi surpris perd beaucoup de monde. Devant moi, les hommes de la 7e compagnie, dés­orientés, reculent.

À coups de pied furieux, j’en ar­rête un instant quelques-uns, aidant Massignac qui tâche de déployer. Mais les miens en font autant !

En réalité la situation est intenable et l’effet de cette surprise est irrésistible. Et dire que nous étions ré­serve de division !

Nos hommes dégringolent la pente. Les fractions en arrière font également toutes demi-tour. Impossible de les arrêter ! En y songeant, il était absurde de rester sur place. Mais sur l’ins­tant, je vois seulement qu’on recule. Furieux, j’agonis mes hommes d’injures en leur mettant le revolver sous le nez.

Obliquant sur ma gauche, j’en entraîne un certain nombre vers un ressaut de terrain couvert de gerbes. Les balles y pleuvent, mais c’est un point important et je m’y cramponne.

Tout près, il y un bois. Je circule en arrière de la lisière et je trouve un lieutenant mitrailleur au 4e Chasseurs à cheval, qui est en train de mettre en batterie. L’arrêt se prolonge.

Sur ma gauche, face à l’ennemi, le 2e bataillon s’est reformé. Nous tenons ferme, non sans pertes sérieuses.

Ma pauvre 8e y laissera encore une cinquantaine d’hommes !

Malheureusement, mes hommes sont loin d’avoir tous des outils. Les abris offerts par la lisière et les abords sont insuffisants. L’attaque ennemie nous déborde par notre droite. Nous nous replions lentement sur Ménil.

Des fractions se sont intercalées entre moi et le reste du bataillon que je m’efforce de rejoindre. Encore un arrêt à l’entrée nord-est du village. Des blessés et des isolés tourbil­lon­nent dans les rues, cherchant le 149e R.I..

Aidé du sergent Fleuriot et de plusieurs sous-officiers, je les regroupe, au milieu des marmites qui commencent à tomber sur les maisons. Laure, me dit-on, est blessé. Le colonel Copet, adjoint au co­lonel, et Schalck tués. C’était, Dieu merci, faux pour ces derniers !

Tandis que je constitue deux grosses unités de tout ce monde, le général Legrand qui commande le 21e C.A. passe aux grandes al­lures, se repliant derrière le village qu’il a l’air d’avoir traversé en ouragan. Il semble terrible­ment nerveux et agité ! Je fais présenter les armes, très fier, en somme, du résultat obtenu en plein feu d’artillerie ! Je salue réglementairement. Je suis aussitôt remercié par un « Je me fous des saluts ! » vraiment bien articulé. Un « Qu’est-ce que ces hommes ? » auquel je ré­ponds : « Ce sont des isolés que je groupe » est immédiatement suivi sur un ton plus correct et moins affolé de « Bien. Déployez-vous au nord-ouest du village. Il faut tenir ! Une divi­sion va déboucher et c’est la victoire assurée ». Puis il repart.

Je contourne le village par le sud, utilisant des bouquets d’arbres et de sapins. Les marmites tombent toujours, dirigées contre des coloniaux qui contre-attaquent.

Par une chance inouïe, rien ne nous touche. Par bond, me défilant, j’atteins le point qui me paraît le meilleur, vers le chemin, je crois, qui mène de Ménil à Brû.

Sur une partie du chemin non battu encore, une auto d’état-major passe très crânement ! Dedans, il y a un capitaine de cavalerie, grand avec une longue mous­tache blonde. Il s’arrête, me demande ce que je suis. Je me nomme et lui réponds : « Vous voyez, je viens du feu, j’y retourne ! » – « Quand on s’appelle Chomereau, on ne sait pas agir autrement ! Au revoir, mon cher Chomereau et bonne chance ». Rarement une phrase ne  m’a été aussi agréable que celle-là ! Ce témoignage, sous les balles, d’un inconnu en­vers une réputation établie par quatre générations d’officiers est certainement mon meilleur souve­nir de la campagne.

J’en ai été fier pour Yvonne, pour mes enfants qui auront à la soutenir et pour mon frère Charles.

Une batterie d’artillerie est en arrière de moi, dans un pli de terrain. Son chef vient de je­ter un coup d’œil de mon côté et je le reconnais sans étonnement. Je m’habitue aux rencontres imprévues ! C’est Théophile Chanel, un camarade de pro­motion de Saint-Cyr qui est passé dans l’artillerie. Sa situation est passablement critique. Ainsi lancé en avant, je lui promets de le soutenir. Mais c’est une be­sogne assez scabreuse, car ses premiers tirs à peine tirés attirent sur nous des marmites qui me forcent à avancer pour échapper aux éclatements.

Il doit être midi. De toute façon, il fait chaud. Un brave petit berrichon, Moreau, s’est accroché à moi. Il me suit fidèlement tandis que je circule, tantôt en rampant, tantôt au pas de course.

L’avance de l’infanterie ennemie paraît s’être arrêtée devant nous. Mais, de ma place légèrement dominante, je vois distinctement, à la jumelle, leur progression sur la droite à l’est de Ménil.

À cinquante pas de distance, méthodiquement, sans courir, avec un ordre impressionnant, des sil­houettes grises passent sur la crête où j’étais le matin. Elles sont si peu visibles, si peu vulnérables qu’elles n’attirent pas le feu. Quelle précision dans la manœuvre !

C’est extraordinaire, d’autant plus que, pas loin de moi, je vois les coloniaux qui avancent également, mais mal tassés et mal mêlés.

Beaucoup plus à l’ouest, des lignes de tirailleurs, faciles à discerner grâce à l’absurde pantalon rouge, sont, comme moi, cramponnées au sol, sans pouvoir gagner du terrain.

On croirait assis­ter à une scène de manœuvre où il y aurait des morts, beaucoup de morts.

Après tout, Chanel se tirera d’affaire sans moi ! Je vais faire prescrire un bond en avant quand le lieutenant mitrailleur Gérardin surgit près de moi. D’où sort-il ? Lui aussi a obliqué vers l’ouest du village, ayant perdu le bataillon qui est, je crois, tout à fait disloqué. Chaque officier s’est incrusté sur place, noyé ensuite dans les renforts.

Gérardin m’apprend que Menvielle est vivant et que Schalck, disparu, était blessé grièvement. Il me dit que le 149 doit être derrière nous, dans les bois, et qu’il y a ordre de se refor­mer vers Brû.

En effet, la division, annoncée par Legrand, débouche de partout. Je reconnais, avec émotion, des bérets et des bandes molletières ! C’est le 97 et aux alentours le 157 et le 159, de ma­gnifiques régiments alpins, qui viennent d’Alsace où ils ont colmaté, à Altkirch et à Mulhouse, perdant un monde fou et bousculant les Allemands à plusieurs reprises.

Il est temps qu’ils nous relè­vent.

Le 149 rallie aussitôt après la surprise due à l’impéritie de certains grands chefs et à la s… de retraite de la première ligne. Menvielle est mis hors de cause ce jour-là.  Le 149e s’est battu avec acharnement, perdant Cadeau, le capitaine de la 12e compagnie, le sous-lieutenant Drouet etc… ceci après plusieurs jours de luttes et de marches exténuantes.

Ramenant les blessés par paquet, je gagne les bois. Mais où est passé le 149 ? Je rallie le lieutenant mitrailleur Petitjean, lui aussi attardé et dés­orienté. Vaines recherches : le mieux est d’aller à Brû. La brigade entière est par là.

Nous croi­sons l’artillerie de la brigade provisoire des Alpes. Je tombe sur le 4e Chasseurs d’Afrique qui lui est adjoint : ah ! les jolis cava­liers ! pimpants, reluisants, astiqués, frais et ra­sés ; les chevaux étrillés, sabots cirés, ont l’air de partir pour une fête.

En vrai cocar­dier ravi d’un pareil spectacle, je ne puis m’empê­cher de féliciter un brigadier médaillé du Maroc qui part en patrouille. Il a d’abord l’air étudié, puis il comprend. L’homme a un petit sourire modeste et triom­phant où perce à la fois tout l’esprit du corps de ce beau régiment.

Par les chemins pleins d’argile rouge et gluante, je traverse la forêt. Les obus d’artillerie allemands tombent sans relâche. Brû, en­fin ! Mais pas de 149e !

Deux ou trois autres of­ficiers, lesquels, je m’en souviens, se sont joints à moi. Avec la 8e compagnie incomplète, j’ai bien plusieurs centaines d’hommes à mes trousses.

Explosions d'obus

Le village n’est pas sûr ; du reste, un obus y est tombé le matin, faisant fuir toute la population. Seul un vieux bonhomme, soldat du Tonkin, est resté. C’est chez lui que mon cuisinier pend la crémail­lère après que j’aie organisé une grande halte. Nous sommes cinq ou six à ma tablée. Celle-ci s’accroît bien­tôt d’un certain nombre d’officiers du 4e Chas­seurs d’Afrique dont Potier, le camarade de mon frère Charles au 26e Dragons.

Ces officiers ont chargé à Altkirch, perdant une centaine d’hommes. J’essaie, avec Potier, d’aller voir où est le colonel de Buyer, mais il est absent. Il doit être au 4e. Notre frugal déjeuner est à peine commencé quand arrivent Menvielle, François et Massignac. Ils avaient stationné dans les bois. Prétet, de la 6e compagnie, manque encore. Il est, paraît-il à Rambervillers avec cinq ou six cents hommes.

Je retrouve pas mal de manquants de la 8e, dont Pesant, mon sergent-major qui sera tué à Ypres.

L’installation est difficile faute de place. Je suis dans une des dernières maisons au nord du village et la nuit vient vite me sur­prendre. Enfin, les distributions terminées, je peux retrouver Menvielle et tous les officiers réunis chez mon indigène à neuf heures.

J’aide à mettre le couvert, avec Massignac, cherchant du maté­riel chez le propriétaire.

Le dîner en commun commence à huit heures, je crois, interrompu par l’irruption de Prétet. Celui-ci est littéralement ivre de fa­tigue, de tension nerveuse. La surexcitation de ce Bourguignon sanguin est telle qu’il est comme fou, répondant à Menvielle qui lui dit de prendre place à table : « Moi j’ai l’habitude de penser d’abord aux hommes et de ne pas me go­berger quand ils ont le ventre creux ! » Puis il sort en faisant claquer la porte.

Je m’offre à aller l’aider, mais il est tellement hors de son bon sens qu’au bout de cinq minutes je lui dis : « Va te faire f… et dé…brouille-toi ». Bien entendu, le len­demain il avait tout oublié et Menvielle ne lui en parlait même pas.

Tous les hommes sont aussi nerveux que lui, accueillis il faut voir comment, par ceux déjà étalés dans les canton­nements et qui dormaient à poings fer­més.

En ce qui concerne la 8e compagnie où arrive une quaran­taine d’égarés, ç’en est vite fini ! Crispé de tou­tes les « grincheries », je bouscule mon monde. Je dis­tribue quelques coups de poing, empile les nou­veaux venus au mieux des can­tonnements. Dix minutes après, tout le monde dort, couché, et moi aussi dans un lit dont j’ai donné la pail­lasse à un de mes sergents.

26 août 1914

Bru croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Legende Bru croquis dessine par le capitaine de Chomereau

La nuit est calme. À cinq heures, je groupe la 8e compagnie dans un verger attenant, constatant les pertes. La jour­née se passera sans incident notable. Vers neuf heures, j’entends parler d’un message apporté par avion qui annonce une vic­toire de Castelnau. Il est tombé, tout près, vers des batteries de 75 qui tirent sur la crête au nord de Brû. J’y vais : vague confirmation.

Nous sommes au repos, pa­raît-il, pour la première fois depuis le 17 août à Diespach. Les hommes dorment par terre une grande partie de la journée. L’offensive ennemie paraît enrayée.

Le déjeuner à lieu à onze heures au logement du colonel, assis qui sur son lit, qui sur les quelques chaises res­tantes.

Un peu auparavant, j’ai pu expédier à Yvonne un billet et une carte faite d’un fond de table en carton.

L’après-midi est calme aussi. Vers trois heures, je crois, il y a un rassemblement sous les arbres à l’empla­cement qui sera utilisé le lendemain.

Dans la soirée, nous allons creuser des tranchées un peu au nord du village. Nous rentrons à la nuit sous une pluie assez violente.

Ma chambre a été ré­quisitionnée pour y mettre un poste de secours du 157. J’ai émigré vers la mai­son où j’avais dé­jeuné la veille. Le propriétaire a décampé !

Je dîne, un livre pour enfants en main, que Berquin a déniché dans une armoire, avec aux pieds d’énormes chaussettes trouvées au ha­sard de mes recherches. Ma cantine me manque bien. Le lit est bon, mais cette obligation de se tenir, sans ordre, prêt, toujours, à cinq heures du ma­tin, est odieuse.

27 août 1914

8e compagnie carte journee du 27 aout 1914

Réveil par un temps maussade et pluvieux. Il faut s’attendre à partir. Nous nous rassemblons près de l’église et on attend.

Menvielle me dit que le train de combat est là, tout près, dans la grande rue ! J’y cours, d’abord sur une fausse piste, en­fin dans la boue des chemins dé­foncés. Au passage, je cause avec des officiers de Chasseurs qui ont été décimés comme nous. Un lieutenant d’état-major m’apprend l’écrasement du 97e R.I. à Mulhouse.

Je trouve fi­nalement le train de combat, ma voiture à ba­gages et ma cantine ! Oh joie ! Je la fais porter par le conducteur dans une chambre occupée par deux lieutenants de chasseurs aussi crottés que moi.

Je savoure la volupté de trouver un mouchoir propre, de l’eau dentifrice, de me munir de papier à lettres, d’enveloppes et de mes cartes laissées à Diespach quand nous croyions entrer en Allemagne. Le tout dure cinq minutes, mais quelles bonnes minutes !

Bien des fois je l’ai constaté, et d’autres avec moi en ont fait autant, la cantine, en guerre, c’est le « chez soi » qui vient vous trouver avec les souvenirs d’intimité, du confortable.

Tout guille­ret, je reviens à mes hommes. Je serre la main à Vilarein, capi­taine au 157e R.I., un vieux ca­marade du 22e d’infanterie à Sathonay. J’aperçois également des fractions du 163e R.I., Galland du 7e R.I. de Castries, n’y est pas.

L’ordre est donné d’aller un peu au nord-est du village et de se rassembler sous les arbres.

La bruine est là par ins­tant. Le canon, tout proche, qui la veille, pa­raissait diminuer, s’accroît.

Il paraît que Ménil est enlevé et que les Allemands ont pris pied dans les bois qui nous séparent.

Les grands chefs ont l’air ner­veux. François, qui commande le ba­taillon et qui a un déplorable caractère, est parti­culièrement grincheux.

Gérardin a, en dépit de l’ordre donné d’évacuer les maisons, laissé judicieusement les mitrailleuses à l’abri pour les démonter et les nettoyer. François se rue chez lui, revolver au poing !

Gérardin vient nous re­trouver, suffoquant, s’étranglant, avec des sanglots. Nous le calmons.

J’ajoute que mis à part ce manque de maîtrise de soi-même, François est un chef qui voit juste et commande bien. Je fais un déjeuner tar­dif et solitaire dans « ma » maison. Le bataillon est désert, l’après-midi est triste et long. Il pleut.

Vers trois ou quatre heures, un détache­ment de renfort fourni par le 349e R.I. est réparti séance tenante, ce qui porte les compagnies à environ cent quatre-vingt-dix hommes.

Une batterie de 155 Rimailho a pris position der­rière nous. Elle tire sur Bazien, par-dessus nos têtes. Pour éviter les ripostes, le ré­giment va se rassembler au nord-ouest du village.

Menvielle fait exécuter quelques mouvements de manie­ment d’armes. Il lit ensuite un ordre de Legrand qui confirme la victoire de Castelnau qui pour­suivait l’ennemi en déroute vers Einville-au-Jard. Quand on va poursuivre, il faudra donner jusqu’au dernier homme, jusqu’au dernier souffle. Tout ceci n’emballe personne.

Nous savons, par les camarades qui sont en avant, que l’ennemi ne recule pas du tout et j’ai depuis quelques instants une angoisse que je garde pour moi seul.

Un des ré­servistes du dernier renfort m’a donné un papier sur les « Nouvelles Spinaliennes » qui, imprimé sur une page, fournit le communiqué : « L’offensive du 25 au 27 non réussie, va re­prendre. Position de couverture reprise, même situation que si les Belges n’avaient pas été nos alliés, etc. Cavalerie allemande à Roubaix et à Tourcoing. » Aucun doute, c’est un désastre complet. Dieu merci, les hommes n’ont pas compris : c’est mieux ainsi.

Mais quel coup, il y a de quoi ! Durant toute cette retraite, nous étions soutenus par cette idée que vers la Belgique cela allait bien et que notre échec était sans importance.

Enfin, je plai­sante avec mes troupiers pour qu’ils ne devinent rien et je ren­fonce tout ce que j’éprouve.

J’ai de nouveau un cheval. C’est celui du pauvre Cadeau, une superbe bête qui lui appartient et qu’on m’a af­fectée. François a pris celui de Schalck et Massignac un autre. J’ai accaparé le caoutchouc qui était sur la selle, n’ayant que ma capote, et j’ai prévenu l’ordon­nance, brave Berrichon qui paraît consterné de la disparition de son officier. Je rembourserai le prix en lui disant que Cadeau lui-même me dirait d’agir de cette façon.

Pour en savoir plus sur le capitaine Cadeau, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

La mort du capitaine Cadeau

Nous sommes ainsi étendus. Je tue le temps en gri­gnotant des fruits, en écri­vant et en dormant, quand, à cent mètres, tombent une série de marmites. J’ai par là une section qui garde le rassemblement. Entendant des cris, je me lève d’un bond. Avec quelques hommes, je me précipite. Mes hommes n’ont rien, mais un pauvre diable de réserviste d’un autre régiment a été abîmé. Il passait par là et a eu une jambe broyée. On l’emporte et je re­tourne au rassem­blement qui, ainsi menacé, va aller ailleurs.

Premier arrêt, là où nous étions en premier lieu, puis plus loin. Enfin, nous faisons quelques mouvements de déploiement pour passer le temps. Finalement, nous nous installons au-dessus du village dans les champs de blé et de pommes de terre. Les cuisiniers ap­portent les aliments cuits dans le village. Il fait presque nuit. Les distri­butions se sont corsées d’un petit cochon qu’un indigène a donné à Mégnier, le médecin aide-ma­jor. Celui-ci prélève quelques morceaux, me le refile et la 8e, son capitaine en tête, se régale de grillades !

D’autres compagnies ont attaqué des porcs errant dans la campagne. Les pommes de terre sont très abon­dantes, et à ce point de vue, il n’y a pas à se plaindre.

Bien que les distributions, tardives, in­terdisent de cuire le repas à temps pour le len­demain. Les hommes, empêchés de l’utili­ser ainsi, le jettent souvent. Il y a toujours moyen de confectionner de copieux et savoureux plats.

Le repas est juste terminé quand François me fait appeler. Un ba­taillon ennemi est signalé dans les bois entre Ménil et Brû.

Ordre est donné au 2e batail­lon du 149 de s’installer sur la crête à quelques centaines de mètres du débouché de la forêt et d’arrêter toute attaque.

Reconnaissance rapide, il fait presque nuit et il faut se hâter. Les 5e et 6e compagnies sont en première ligne. Les 7e et 8e compagnies sont derrière, dans des sa­pins. Nous arrêtons un isolé du 157e, un clairon qui paraît fort peu satisfait de nous voir !

Je crois, et c’était vrai, que le 157e devait donner devant nous vers Ménil et que ce bonhomme s’est esquivé. François lui saute dessus. Terrifié à la vue du ca­non de revolver braqué sous son nez, il bafouille pour enfin déclarer qu’il est perdu ! On le renvoie à son corps, escorté par un médecin auxiliaire de son régiment qui, lui, est en mis­sion régulière.

La nuit est noire. À tâtons, comme à Abreschwiller, j’installe mes hommes. Il reste de la paille d’un bivouac précédent. Le sommeil est ins­tantané. Au bout d’une minute, il y a une fusillade vio­lente vers Ménil. Clameurs, charge française, salves. C’est un bataillon du 157 qui attaque et qui doit s’emparer du village. Il en sera chassé le lende­main.

Chacun pour soi ! Nous nous rendormons aussitôt sans faire attention au drame qui se joue à deux ou trois kilomètres. Ce sommeil est court. Vers neuf heures et demie, je suis ré­veillé par un agent de liaison qui me cherche dans l’obscurité. On part de suite.

Rassemblement. Au bout de vingt minutes du­rant lesquelles les autres compagnies serrent sur nous, nous descendons vers le village, dans la boue. Il paraît qu’on va à Saint-Gorgon près de Rambervillers.

Non sans peine, je retrouve mon cheval et la colonne. Tout le 149e chemine, longeant un détachement de ravi­taillement qui en­combre la route et dont les conducteurs dor­ment à moitié.

Traversée de Rambervillers. J’évoque le souvenir du joyeux re­tour de Lunéville avec Yvonne. Tout est silencieux et sombre. La marche est lente, pleine d’à-coups. Tout le monde som­meille en marchant. Je lutte contre une envie de dormir qui est une vraie souffrance.

À plu­sieurs re­prises, je suis sur le point de tomber de cheval. Et il commence à pleuvoir ! À l’arrivée, c’est la désillu­sion. Deux maisons minuscules pour cent quatre-vingt-dix hommes ! Je tasse, j’empile ; c’est insuffisant. Recherche vaine ail­leurs, dans les granges, car celles-ci sont occu­pées par d’autres compagnies aussi à l’étroit que la mienne.

Cantonnement de Saint-Gorgon croquis dessine par le capitaine de Chomereau

L’idée me vient honteusement d’aller à l’église. Elle est vide, c’est une véritable aubaine, car la pluie tombe as­sez sérieusement. Quant à moi, je trouve un lit grabat dont le pro­priétaire, un bouvier ou un berger d’une quin­zaine d’années fait le sacrifice. Je m’y étends avec délices après l’avoir dédoublé pour mon or­donnance. J’ai obtenu de la pro­priétaire qu’elle me cède quelques bouteilles de « cachetés », il faut penser au len­demain ! Le lieute­nant-colonel Escallon loge à côté.

28 août 1914

8e compagnie carte journee du 28 aout 1914

Réveil par un ciel gris, brumeux et triste. Les rues du petit village sont encombrées de nos troupes qui le raniment tout doucement.

Sur la place, devant l’église, il y a des fourgons « trésorerie et poste ». J’apprends de l’un des « habits verts » qui s’y prélassent qu’il est arrivé soixante kilos de lettres pour le 149. Enfin, enfin ! J’essaie, sans succès, de trouver des cartes postales mili­taires.

Je finis par obtenir d’un sergent du régi­ment une simple carte de cor­respondance que j’expédie de suite.

Je voudrais faire savoir à Yvonne que « ça ne va pas ». Je suis obsédé de la voir surprise aux Estivaux ou à Bourges où elle est peut-être. J’ignore où elle est, car depuis plusieurs jours il n’y a aucun courrier.

À coup sûr, et je ne me trompe pas, on cache la vérité qui ne doit pas être brillante.

Les officiers d’état-major ne sont pas farauds et détournent la conversation quand on parle de Belgique. Devant Rambervillers l’ennemi attaque dur et nous recu­lons lentement.

Vers la Chipotte il y a des combats san­glants et une résis­tance pénible. Oh, la triste mati­née ! Je finis par parler à Yvonne d’un retour éventuel à Castries. Elle comprendra !

Départ vers Rambervillers vers six heures, six heures et de­mie, sept heures ? Massignac est en pointe avec la 7e compagnie. Je le suis à six cents mètres avec le gros du 2e bataillon. Je suis assez ennuyé par ma selle que mon sac tyrolien fait tourner, car le poids sup­plémentaire est lourd et mal réparti.

Je me décide à mettre pied-à-terre. Je traverse ainsi la petite ville où les 105 Allemands qui éclatent, tout près, réveillent dans le matin d’automne d’extra­ordinaires sonates.

Quelques indigènes pourtant circulent, des vo­lets s’ouvrent. Grelottant sous ma ca­pote, j’expédie Gérard, mon cy­cliste, chercher un chandail. Je lui confie un bil­let de cinquante francs. J’ai eu un chandail, mais pas la mon­naie !

Dans les rues, quelques cais­sons d’artil­lerie, couverts de boue, sont au ravi­taillement. Les cartouches de 75 s’empilent avec ordre et ra­pidité.

On tourne à droite, direc­tion Methendal. Je reçois l’ordre d’occuper cette ferme et un bois à droite, me reliant à Massignac qui est plus à droite encore.

Le régi­ment est en réserve derrière nous ; il constitue le repli pour les élé­ments du 13e Corps et la Division provisoire des Alpes qui tiennent devant nous les bois d’Anglemont. Ils résistent avec difficulté, dit-on.

Me voici seul avec la 8e compagnie. J’ai pris la tête, j’ai échelonné, comme il convient, et j’atteins le bois-pré Methendal, qui est couvert sur une croupe à ma gauche. Cette croupe est très arrosée par une patrouille, en avant par les éclaireurs montés.

Avant tout, il me faut savoir ce qui se passe devant. Je pars avec quelques hommes, laissant le reste couché. La ferme de Methendal, demi-ferme, demi-château, est une laiterie, avec un jardin entouré de grilles, garni d’arbres fruitiers. Elle est particulièrement entretenue, so­lide et massive. Ce serait un point d’appui sérieux, malgré sa situation à l’orée des bois d’Angle­mont qui permet une approche facile. J’y vais tout droit.

Tout près, il y a un poste de secours d’in­fanterie, mal dissimulé dans un boqueteau d’arbres sur un chemin. Visite rapide. Une marmite est tombée dans la cour il y a peu de temps, cassant tous les carreaux. Mais, à part cela, pas un dégât.

Il me semble distinguer un uniforme par la porte en­trouverte d’un appen­tis. J’approche. C’est un ca­davre de colonial re­couvert d’une capote et qu’on a dû por­ter là. Aucune autre trace de lutte.

Par une sorte de route, j’arrive de l’autre côté des constructions et, imitant mes patrouil­leurs, je fais main basse sur de succulentes mirabelles. Enfin me voici à la lisière du bois.

La bataille fait rage à mille ou mille cinq cents mètres. Je détache quelques-uns de mes hommes dans cette direc­tion pour aller aux nouvelles. Je reviens sur mes pas pour trouver Escallon qui est venu, lui aussi, pour savoir ce qui se pas­sait.

Il paraît qu’une voiture d’inten­dance va arri­ver. Bien. Avec lui je circule dans le fond de Methendal, sur la crête, à l’ouest. Nous décidons des travaux à faire. Gabionnages des tranchées, constitution des ateliers, distribution des pelles, des pioches parvenues sur ces entre­faites.

Tout est promptement expédié. Mes hommes s’attel­lent à la tâche avec la vigueur des gens qui savent qu’ils vont bientôt devoir combattre, abrités par leur propre ouvrage !

Au bout d’une heure et demie, les tran­chées, défilées, parfaitement « fignolées » sont prêtes.

Je reçois avec dé­solation, l’ordre de François, arrivé lui aussi, de changer de place. Nouveau jalonnement, nou­veau travail.

Enfin, Menvielle survient à son tour et change tout. Ça, c’est le bouquet ! Il est midi, les hommes sont éreintés, agacés de ce désordre et moi aussi.

J’ai bien parcouru vingt fois le front très vallonné de mon secteur. Si l’ennemi attaque, après tant de peine et d’efforts de notre côté, il trouvera ma compagnie mal ins­tallée, mal protégée.

Décidément, à tous les échelons, on est affolé. Il faut croire que dans les bois cela va mal, car je dois d’urgence recharger les outils et les réexpé­dier à l’arrière. Ainsi, ma pauvre compagnie oc­cupe la troisième position à peine ébauchée, n’ayant que de rares outils por­tables. Le rendement dans ces terres lourdes et dures est insuffisant. Les réservistes des renforts sont venus sans pelles ni pioches. Je sur­veille les lisières qui barrent la vue à quelques centaines de mètres, et je vois sortir des groupes de tirail­leurs, l’arme à la bretelle, qui reviennent tran­quillement.

Ce sont des « 163 » qui battent en retraite, avec l’air de gens qui « ont assez travaillé pour aujourd’hui ».

Interrogatoire rapide : « Il n’y a pas moyen de tenir, les mar­mites donnent trop ». C’est simple en effet ! Et ces honnêtes gens ont jugé que mieux valait chercher fortune ailleurs ! Pas de blessés, rien que cette fièvre des combattants échauffés, énervés, qui ont cédé après des efforts désespérés. Ils f… le camp, voilà tout !

Un malheureux sous-lieu­tenant de réserve les suit de loin, débordé. La co­lère me saisit et, sortant mon revolver, je pré­viens toute cette clique que je vais déployer du monde et ti­rer dans le tas. Aussitôt toute la pro­cession s’ar­rête et, vague­ment ralliée par le sous-lieutenant, retourne au bois.

J’ai compris, par la suite, le dédain des trois régiments alpins de la division provisoire pour le 163e, échantillon ni­çois du 15e Corps. Seulement… si le 158e pouvait tenir de la même manière dans les bois d’Anglemont. La sur­prise de Ménil a rendu les troupes du 21e Corps défiantes vis-à-vis du 15e.

Le repli que nous constituons ne sera pas de trop ! Il est midi passé. Les cuisiniers arrivent. Je les avais en­voyés à Methendal puisqu’il faut faire la cuisine sur une ligne de feu. Tout le monde déjeune le plus vite pos­sible.

Personnellement, je suis sur une crête à l’est du chemin de Rambervillers, tout près de Massignac. Je me leste avec soin. Je fais encore un tour dans les arbres pour voir mes hommes. Sur la grande crête à l’ouest du chemin précédent, je sur­veille le débouché du bois d’Anglemont.

Les obus de 150 de la fameuse batterie de Bazien, qui a été ci­tée dans les journaux exaltant les combats de Rambervillers, tombent maintenant en abon­dance.

C’est un point capital que cette crête ! Elle permet de prendre d’écharpe toutes les positions autour de Methendal. Je reçois donc l’ordre de François d’y tenir coûte que coûte. Nul ne sait ce qui va sortir du bois d’Anglemont. Français et Allemands sont aux prises. Il faut par conséquent « garnir » la position dès maintenant, sans pouvoir s’abriter durant le bombardement qui est violent dans une carrière voisine.

La tranchée faite pour une section qui barre la crête est petite et peu profonde. De fait, la terre, desséchée par un mois d’août très chaud, n’a pas été pénétrée par les quelques averses des deux derniers jours. Il est impossible de la creuser plus profond. Dans la section de Pesant, qui la tient, il existe au plus une demi-douzaine de pioches et de pelles.

C’est ennuyeux, car cette tranchée est juste dans l’axe des pièces allemandes et les projectiles dégringolent devant derrière.

L’un d’eux s’abat à quelques pas d’une demi-section du premier bataillon qui est déployée à ma gauche, sans aucun couvert, celle-là.

Les hommes ont dû renoncer à creuser dans ce sol dur comme du rocher.

L’effet moral de cette ex­plosion n’est pas long. Cette demi-section détale et je rends compte de mon isolement à François. Décidément, ça se gâte ! Nous sommes « encadrés », c’est visible.

Mes lascars tiennent bon, sauf l’un d’eux qui à chaque « boum » redit d’une voix quelque peu étran­glée : « Mon capitaine, vraiment, je crois qu’il serait temps de se replier ! » Un geste vers l’étui de mon revolver lui ôte toute velléité de « repli ».

Il est certain qu’il ne fait pas bon ici ! Des cailloux et de la terre nous tombent des­sus à tout instant et le souffle, moins dange­reux, par chance, que celui de la mélinite, nous donne des gifles.

Pour me forcer au calme, j’écris quelques notes sur une lettre commencée et j’imagine de cocher sur un morceau de bois les obus les plus rapprochés.

Autant que je puisse m’en souvenir, il est quatre heures. Je termine la deuxième douzaine d’encoches quand un zzzz grossissant nous annonce qu’il en arrive un en plein sur nous.

Ferme de Methendal croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Legende ferme de Methenval croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Une détonation formidable et je suis plaqué contre le talus. Je demeure, quelques instants, abruti dans un nuage de poussière et de fumée âcre. Autour de moi, il y a un remue-ménage. Je ressens dans l’épaule droite comme une douleur vive résultant d’un solide coup de poing sur un os. Je pousse un « M…, je suis blessé » bien excusable. Je constate que je suis seul !

Mes hommes se réfugient dans la carrière voisine. Le projectile est tombé derrière moi, à ma droite,à environ deux mètres cinquante, touchant légère­ment Pesant que son sac a protégé. Claudel, qui a la même protection, a la capote cri­blée de trous. J’essaie de rappeler mon monde qui me croyait tué, mais peine perdue. Pourtant, Claudel re­vient : « Sûr qu’on ne va pas vous laisser là tout seul, mon capitaine. Attendez, je vais vous aider à quitter la tranchée, mais il faut partir, voyez-vous ».

Je veux crier encore, seulement des obus nouveaux arrivent par deux, par trois, tout autour et il est inutile d’insister. Pesant veut m’aider à marcher. Je lui donne l’ordre de rallier la section et de réoccuper la tranchée aus­sitôt que le bombardement ralentira.

Obus Allemands du côté de la ferme de Methendal

Moi, je sens que ça ne marche plus ! Mon épaule me fait horriblement souffrir et je suis étonné de me sentir trempé de sueur. Je rejoins François cou­ché pas très loin, derrière un tertre. Je lui rends compte de tout. « Mais ça saigne dur, dites donc, Chomereau ! Il faut aller au poste de se­cours. Tout de même, attendez un peu. » En effet entre nous et Rambervillers des projectiles lourds tombent pour le moment. Je me couche un instant près de lui, et bois avec bonheur quelques gor­gées d’eau à son bidon.

Je me sens devenir faible et j’ai mal au cou. C’est bizarre cette transpiration d’un seul côté, qui inonde jus­qu’à mes jambes. Décidément, je pars, tant pis ! Bouillon, le fourrier de ma compagnie, m’ac­compagne. Je m’appuie sur lui et, par les champs, j’atteins l’entrée de Rambervillers.

La marche m’a secoué. Je suis assez gaillard pour lui donner mes cartes à remettre à Pesant qui va commander la 8e compagnie

Je lui dis, en le remerciant, ne plus avoir besoin de lui et je me re­mets en route. Aux premières maisons, je vois le brigadier Pillot qui est assis dehors avec Pignat, son offi­cier d’ordonnance : « Vous êtes touché, mon pe­tit ? » Il me serre la main et je continue mon chemin, soutenant mon bras droit avec ma main gauche.

Je marche de nouveau difficile­ment : la réaction s’opère. Un habitant m’in­dique l’hôpital. J’entre, aussitôt expulsé, très maternelle­ment, par une bonne religieuse : « Nous évacuons l’hospice. » Allons bon !

Sur son conseil, je vais à la gare. Je m’affale sur la banquette à entreposer les bagages à l’enregis­tre­ment. Impossible de faire un pas de plus. Tout tourne et j’ai mal, mal ! Un jeune médecin-major d’un bataillon de Chasseurs s’est empressé et, secondé par un infirmier, me déshabille, ôte ma capote,ce qui est particulièrement doulou­reux.

Ma chemise est, du côté touché, inondée de sang.  C’était donc cela, parbleu, la transpiration qui m’étonnait par son abondance. « Simple cou­pure, c’est l’affaire de quinze jours ». C’est bien mon avis. J’étais persuadé que le mor­ceau d’obus était retombé par terre. Je n’avais même pas, chose curieuse, le soupçon qu’il avait pu pénétrer et rester dans la blessure.

Il me panse lestement, et aussitôt après je me trouve presque mal. Un verre de mélisse me ravigote. Mais resté seul, n’y voyant plus clair du tout, j’ai passé quelques détestables minutes.

Après un remerciement et une poignée de main, quelque peu ressaisi, je m’achemine vers un autre hôpital sur la route d’Épinal.

Tout est plein. Je découvre heureusement à droite en en­trant les docteurs Delacroix et Cléry qui me font étendre sur un lit.

Un convoi part précipitamment pour Épinal dans une heure au plus. J’en profiterai. En effet on m’embarque dans une espèce de car avec des troupiers et nous partons. Il y a une procession d’autos.

Nous traversons des troupes rassemblées un peu partout, surtout de l’artillerie. Oh ! ce voyage, ces coups de frein brusques à chaque instant, surtout aux abords d’Épinal.

Des postes barrent à tout bout de champ les chemins. Chaque secousse se répercute. Je cherche, nous cherchons, des positions nou­velles, moins pénibles. C’est long, long.

Deux heures et demie ou trois, je crois, car il est huit heures et demie quand les autos entrent dans Épinal. Par les rues noires et désertes, elles nous conduisent à l’infirmerie de gare. Je descends, bien empêtré dans ma capote à demi endossée, avec tous mes « cuirs » accrochés pêle-mêle sur mon épaule gauche.

Je suis prévenu qu’un train sanitaire est en partance ce soir vers Grasse. Aucun blessé ne doit rester à Épinal. Déjà le temps de dîner ? Oui, parfait. Je pénètre dans une coopérative d’agents de l’est, devant la gare, et suis servi par le patron qui coupe mes bouchées.

Il est bien anxieux de connaitre le résultat de la terrible canonnade entendue, si proche. Je répète à lui comme à d’autres : « Ça va bien, on tiendra ferme ».

Je ne croyais pas dire si vrai ! La crise tirait à sa fin. Deux jours après, l’ennemi reculait devant Rambervillers au moment où tout semblait perdu.

Je force le brave patron à accepter le prix du repas et, muni d’un journal de la veille, je gagne l’infirmerie. La fièvre agit sûrement, aucune fatigue n’apparaît plus.

Je me laisse soigner par une dame de la Croix-Rouge qui arrange délicatement mon écharpe.

Oh ! Cette impression de calme, de bien-être après des journées terribles, quel paradis ! Qu’il me tarde d’être soigné par Yvonne ! L’idée de la tranquilliser, de l’avertir, de la voir me poursuit sans relâche, mais comment faire ?

Péniblement, de la main gauche, je trace, au crayon, quelques mots sur la lettre commencée dans la tranchée sous le feu.

L’idée me vient d’aviser Guitry. J’ignorai que le télégraphe fonc­tionnait, du moins à l’intérieur du pays. Sur un fond de boite en carton, apporté de Saint-Georges, je dicte une lettre à son adresse à un aimable ma­jor, qui la fera parvenir.

Yvonne est-elle à Bourges ? Je n’en sais rien. Je ne devais recevoir ses vingt-deux lettres et cartes que le 19 sep­tembre.

Ayant fait tout ce qui était en mon pouvoir, je cause un instant avec made­moiselle de Miribel une fille du général, une femme grande, distinguée, calme, qui est infirmière-major.

L’attente est assez longue. Je me re­pose, assis sur une chaise, les idées floues où se mêlent la certitude joyeuse de retrouver Yvonne, la fierté d’être blessé au feu et le sentiment que dans mon petit coin, j’ai agi de mon mieux.

Que fait en ce moment la 8e compagnie ? En me laissant, Bouillon a eu un mot qui me revient et me touche tant : « Ah ! mon capitaine, revenez vite, vous êtes un vrai père pour la compa­gnie ».

Comme cela se brouille dans ma cer­velle ! Et ce train ? Je ressors et avise un in­firmier. Je me fais conduire à un wagon de troi­sième où un prêtre, dévoué au possible, me donne du pain, une boîte de « singe » ouverte, une bouteille de coco. Qui sait combien durera le trajet ?

J’ai froid et je grelotte. Le prêtre découvre une superbe couver­ture que j’ai encore. Je m’étends sur la ban­quette de trois de façon à éviter tout contact à mon épaule, sur le dos, la tête soulevée par un coin de couverture.

Je m’endors aussitôt d’un sommeil de brute, coupé parfois de demi-réveils quand un cahot ou un faux mouvement me cau­sent un élancement particulièrement vif. Il doit être onze heures et le train part, je ne sais quand, pas vite, il me semble.

29 août 1914

Il fait grand jour quand je me relève. Je suis courbaturé, raidi, endolori, sur ma banquette. Des gares se succèdent avec de longs sta­tionnements. Dans l’une d’entre elles, je prie une jeune femme de bien vouloir me faire expédier quelque chose du buffet.  Elle m’apporte du café, en me di­sant que son mari est offi­cier.

Dans une autre gare, j’entends le cher accent du Berry. Je m’enquiers et me trouve au milieu de territoriaux du 62e de Bourges.

Ailleurs, un em­ployé m’a cherché des journaux, un livre de Gyp, quelques Arsène Lupin ou Sherlock Holmes. Je ne pourrais rien lire de sé­rieux. J’ai les idées trop en désordre.

Plus tard, une voix me hèle. C’est un capitaine du 157, qui est installé en première, dans un wagon qui n’était pas là au départ d’Épinal.

Amicalement, il m’in­vite à mon­ter avec lui. J’accepte. Au bout de cinq minutes, nous sommes les meilleurs amis du monde. Avec lui est grimpé un jeune sergent de sa com­pagnie, Curet, fils d’un universitaire, gentil et simple. L’officier qui se nomme Laure a été blessé au bras gauche le 27 au soir, ainsi que son sergent, lors de cette attaque nocturne de Ménil dont, dans mon sommeil, j’avais discerné le bruit.

L’attaque a été menée, en dépit du bon sens. Les hommes, en co­lonne par quatre, sans reconnais­sance, sont conduits par le lieutenant-colonel Cordonnier. Blessé à la main, il exhibe dans le comparti­ment voisin une figure indigne avec barbiche noire de Méphisto. Très arriviste, me dira par la suite de Mortemare qui est devenu sous-lieutenant du 149e, ex-sergent de la compa­gnie de Laure.

Le lieutenant-colonel devait réussir à être promu co­lonel, utilisant sans vergogne des comptes-ren­dus de Laure en se les attribuant.

Laure et moi constatons bientôt notre communauté d’idées militaires et autres. Nous bavardons avec en­train, tout remontés, malgré notre lassitude, par l’admirable, le magnifique empressement de tous à nous soigner.

Tout le long du trajet, les femmes et les enfants veulent nous offrir fruits, bouillon et café. Maternelles, des dames de la Croix-Rouge arrangent un pan­sement, font boire les grands blessés, disent un mot d’encourage­ment. Cet accueil chaleureux et touchant suc­cède aux sanglantes réalités de la veille. C’est le meilleur des réconforts.

Notre train suit un itiné­raire bizarre. Du reste, Grasse est loin. Nous avons traversé Besançon.

Il y a un mois, lors d’un retour précipité du Valdahon, je passais là et déjà je pressentais la guerre inévitable.

Il est près de midi. Laure et moi dénichons une bouteille de Bourgogne qui nous donne un « ton » sérieux qui nous est précieux, car nous sommes assez faibles malgré tout. Sieste. Le train continue toujours. Saint-Jean-de-Loire. J’ai honte d’avouer que nous cé­dons toujours aux gentilles sollicitations qui nous accablent à chaque arrêt.

Notre déjeuner se prolonge jus­qu’à la nuit. Tant d’autres camarades blessés m’ont dit avoir agi de même. Cela me tran­quillise quand j’y pense.

Achat de limonade je ne sais où.

Nous sommes seule­ment trois et nous pouvons nous étendre, mais un des coussins est inondé de sang. Un comman­dant allemand y a agonisé cette nuit depuis Épinal.

Où va-t-on nous conduire ? Laure est décidé à descendre à Lyon, d’où il est originaire. J’aimerai moi aussi, car cela m’éloigne­rait de Bourges, si - et c’en a tout l’air - nous allions au-delà.

Une joie encore nous est réser­vée. Plus loin, une dame de la Croix-Rouge nous offre des mouchoirs : un mouchoir propre ! Délices et voluptés sans pareilles. Laure, Curet et moi touchons avec ravis­sement ce carré de toile usagé, bien blanc.

Le train va à Gap. Ah, mais ! il ira sans moi. C’est décidé, mais ce sera sans doute dur à décro­cher. Faut-il demander à m’arrêter au médecin du train ? Oui, ce serait pratique. Mais, il n’y a pas même, je crois, un infirmier.

30 août 1914

Tandis que je demande comment opérer, nous entrons en gare de Brotteaux. Laure descend. Sa famille qui est ici me sert la main et disparaît. Il est environ une heure du matin.

Sur le quai, un médecin à cinq galons déambule. Je m’adresse à lui et lui expose mon vif désir de descendre à Lyon pour aller ensuite à Bourges. Je reçois aussitôt l’aimable réponse, et sur quel ton ! : « Monsieur, votre train va à Gap, vous irez à Gap : on est militaire ou on ne l’est pas ». Je retiens juste à temps un : « Ça vous est facile de dire cela à vous qui êtes à trois cents kilomètres du front ! » qui aurait tout gâté.

J’insiste, je me fais suppliant (Ah ! le s…). Enfin, il me dit : « Je vais voir ». Une minute plus tard, je suis au poste des dames de la Croix-Rouge, et je m’y cache ! Un bon et compatissant major m’a fait asseoir : « Attendez que votre train soit parti ! » J’attends anxieusement !

Qu’est-ce qu’il fait donc ce train à rester indéfiniment en gare !

Enfin, il s’éloigne et escorté de l’aimable docteur, je vais retrouver mon grincheux.

Accueil froid. Pourtant, il renonce à rattraper le « sanitaire ». « On va vous expédier à Desgenettes ». Soit ! Là ou autre chose, pourvu que je reste à Lyon.

Lyon Hôpital Desgenettes

Dans la cour, des autos aménagées trépident. On me fait grimper près d’un pauvre réserviste at­teint gravement d’une balle dans les reins, je crois, et étendu sur une couchette.

Au bout de quelques minutes, arrêt devant l’hôpital ; c’est-à-dire presque à l’endroit où en 1907, le 19 mai, je rendais les honneurs à Fallières !

Il y a quelques mois, je passais là avec Yvonne, allant à Verges en auto.

Des infirmiers s’empressent, m’interro­gent, inscrivent mon nom. « Faim ? Soif ? Changer le pansement ? » – « Non, dormir, dormir ! » Je suis conduit au premier étage ; et quelqu’un m’aide à retirer mes vêtements.

Mes souliers pas cirés depuis, depuis… huit jours, ont une couche de terre invraisemblable. Mes autres effets sont un poème de crasse !

Je suis entré doucement dans la chambre éclairée par une veilleuse. Quelques lits dont un seul libre. Avec quelle volupté je m’étire dans les draps frais, ma pauvre épaule calée avec soin. Ce calme, cette paix, ce silence !

Par moments, un élance­ment me réveille et je sursaute, ahuri de ne plus entendre de détonations, de piétinements d’infan­terie.

La journée en wagon est comme un rêve et il me semble être à Rambervillers, blessé de­puis un instant seulement. Mais quelle bonne nuit, malgré tout !

Il est cinq heures environ quand un prêtre entre dans la chambre où il fait déjà jour. J’aperçois mes voisins : trois à gauche, un ou deux à droite. Deux d’entre eux communient et je me rendors.

Vers huit heures, déjeuner et visite. De suite je parle de Bourges. C’est difficile, paraît-il, pourtant le médecin-major est ami d’une connaissance… alors oui ! Mais comment donner signe de vie à Yvonne ?

J’apprends avec ahuris­sement que télégraphier est facile. Et grâce à un infirmier et au vaguemestre, je vais faire préve­nir mon père et Quitry. J’ignore naturellement tou­jours si Yvonne est aux Estivaux ou à Bourges.

Me voilà calme, car cette crainte de ne pouvoir l’avertir me torturait.

Je ne suis pas en­core sûr de partir, mais il y a des chances. Yvonne va enfin avoir des nouvelles fraîches.

Une ques­tion se­condaire me tracasse. Je réclame un coif­feur à cor et à cri, car je pourrais, au bout d’un mois de campagne, poser avec succès les Absalon, mais le coiffeur de l’étage est « en main ».

Je me ré­signe, vêtu de gris et flottant dans le costume trop ample à larges babouches, à circu­ler un peu dans le couloir voisin.

J’ai été changé de chambre et suis maintenant dans la pièce voi­sine entre un capitaine d’artillerie qui, opéré au chloroforme pour un shrapnel dans la jambe, sanglote et se lamente durant deux heures et un camarade de promotion de l’infanterie coloniale. Sorti dès le matin, il fait de moi le plus heureux des hommes en me rapportant une brosse à dents, de l’eau de Cologne, etc.

Il y a aussi un lieutenant, cou­ché, que viennent voir des parents munis de fleurs. Celles-ci égaient tout le lieu ; pour ter­miner un énorme intendant atteint de phlébite. Il était chargé de je ne sais quel important ser­vice à l’arrière à la 1ère Armée de Dubail, la mienne. Très aimable, ce gros père me passe des journaux que je parcours distraitement.

Le déjeuner est exquis. La dame de la Croix-Rouge qui coupe mes bou­chées est pleine d’attention pour les blessés. De plus en plus, j’ai la nostalgie des soins de ma petite Yvonne. La femme prononce devant moi le nom de madame Blanc qui est infirmière-major à l’hôpital.

Ceci me rappelle tout à coup que l’avant-veille à Épinal, j’ai appris la mort de Colcombet, le beau-frère de Monsieur Blanc, en même temps que celle de Brouard, capitaine au 349e...

Après entente avec mon infirmière et un de ses amis, madame Blanc est avertie de ma présence.

Je la reconnais parfaitement. Elle m’avait reçu avec Colcombet, chez elle, rue Sainte-Hélène à Lyon en 1909. Sans lui dire tout, je parle de blessure grave. Elle s’éloigne, soupçonnant déjà un peu la vérité.

L’après-midi est coupée par un pansement, le premier depuis Rambervillers, peu douloureux.

N’empêche que, patatras, je suis tangent après une syncope. Je fais une ra­diographie, par excès de précaution. Aussi suis-je singulièrement étonné quand, à huit heures ou neuf heures du soir, un infirmier vient m’annon­cer « qu’il croit bien voir un morceau de métal dans l’épaule ». Tiens, mais, moi aussi, j’aurai une breloque ! Et satisfait de cette nou­velle, je me rends dîner.

Le dîner était à sept heures et comme dit l’infirmière, je n’ai pas perdu une minute de sommeil dans ma journée.

31 août 1914

Ma première idée au réveil est celle avec laquelle je m’étais endormi : quit­ter Lyon au plus vite. Il n’y pas l’ombre d’une fièvre, donc aucune impossibilité médicale.

Je me démène ! Les papiers voulus sont « à la signa­ture ». Mais, mon Dieu, quand les aurai-je ?

À force d’ennuyer les scribes, d’aller d’un bureau à l’autre, tout s’arrange.

Entre-temps, j’ai eu une grande joie : une dépêche d’Yvonne. Enfin, voici le contact repris.

Elle doit en recevoir une autre de moi lui annonçant ma prochaine arrivée et qui, j’espère, parviendra à temps pour l’empê­cher de venir à Lyon.

Les heures passent vite. Je jette par-ci par-là un coup d’œil par la fenêtre grande ouverte sur le quai du Rhône.

Une foule stationne devant l’hôpital, assistant au débar­quement de nombreux blessés. Des voitures pleines de fruits admirables circulent. Comme la guerre est loin !

Cette impression s’accentue dans l’après-midi. J’ai enfin obtenu mon exeat et je vais à « la place ».

Là, muni d’un certifi­cat du médecin major, j’obtiens une permis­sion de quinze jours pour Bourges. J’ai dû attester par écrit que je partais non guéri.

J’achète dans un ba­zar de la rue Victor Hugo une affreuse va­lise où je fourre un peu de linge acquis en hâte. Je me précipite à l’hôpital régler quelques dé­tails, et dire adieu à mes compagnons de chambre, à ma dame de la Croix-Rouge.

Impossible d’ob­tenir ma plaque radiographique contemplée le ma­tin... Elle appartient aux archives de Desgenettes. Une épreuve me sera envoyée.

Permission et radiographie du capitaine de Chomereau

Il est cinq heures quand je suis à Perrache, passant sans difficulté partout, introduit avec déférence dans le bureau du contrô­leur qui me donne un billet. Les places sont limitées, mais les mi­litaires, cette fois, ont le pas sur les civils. Décidément « y en a bon » pour les officiers blessés. Après tant d’années de mépris, les ga­lons ont reconquis leur prestige.

J’aurai un peu plus tard un témoignage bien français de cette sympathie. Mon train partant seulement vers neuf heures, je vais faire quelques courses en ville.

Avant tout, je dois chercher des bonbons pour Yvonne. En rentrant au buf­fet, qui est mon quar­tier général, je trouve ces bonbons accompagnés d’une gerbe de fleurs, geste char­mant de la mar­chande lyonnaise.

J’ai quelques moments libres et me voilà bientôt chez un coiffeur à qui j’ai dit — comme Darré à Dakar après un an de Soudan — : « Faites tout ce que vous voudrez avec ma tête ! »

Je ferme les yeux avec béati­tude tandis qu’il s’en donne à cœur joie.

Courte causerie avec un intendant ; celui-ci est chargé, pré­cisément, du ravitaillement de la Ire armée Dubail. Il est enchanté d’apprendre que tout ar­rive avec abondance, mais fort étonné de savoir qu’il y a un gaspillage inouï, faute de moyens de cuisson. Il sourit quand je chante, après tant d’autres admirateurs, les louanges du potage aux haricots.

Je fais un passage à la poste et au commissariat. Après quoi j’ai un plaisir de col­légien en va­cances à déambuler un moment dans la rue de la République, à m’asseoir au « Tonneau », ad­miré et où les oisifs se bouscu­lent pour me faire place.

Je dîne au buffet. Décidément, on ignore tout de la guerre ici ! Sarrebourg, Morhange, la défaite des 14e, 13e, 8e, 21e, 15e, 20e Corps, tout cela est inconnu : « Repli d’avant-garde ».

Je le note en pas­sant, il faut songer à ce qu’a été la souffrance morale des blessés de l’est apprenant, après les rudes épreuves subies, qu’ailleurs c’était pire, que l’ennemi était sur la Somme, à Compiègne, à Meaux.

À l’heure dite, je monte dans mon wagon. Une jeune Anglaise s’empresse, malgré mes refus polis, de caser mes affaires dans le fi­let.

Craignant un trajet d’une durée illimitée, j’avais emporté des « vivres pour un jour ».

Je suis agréablement surpris de me trouver, après une nuit de courbatures, vers trois heures du ma­tin, à Nevers où je passe deux heures au poste de secours étendu sur un lit. Vers cinq heures, un train part pour Saincaize. Je partage un fourgon avec quelques femmes et un ouvrier du Creusot.

Autre arrêt, le commis­saire de gare, fort complaisant, me reçoit dans son bureau et me narre ses démêlés avec un train de « Joyeux » passés la veille, envahissant la gare et impossible à maîtriser.

Là encore, je télégraphie à Yvonne et monte dans un wagon « coupé-lit » s’il vous plaît ! Avec un médecin-major malade et un officier de cavalerie territoriale qui me dorlotent à qui mieux mieux.

Avec quelle émotion je retrouve Bourges ! J’ai besoin de toute ma volonté pour me contraindre au calme et pour prendre quelques fleurs destinées à Yvonne.

Est-elle déjà ici ? Non, la porte de la maison de la Petite Armée m’est ouverte par la grosse Marie qui paraît stupéfaite. J’ignore que ma mère est à Bourges depuis plusieurs jours et que mon Yvonne doit arriver aujourd’hui ! Avec un calme imperturbable, elle me renseigne.

Ma mère est allée au-devant de moi à la gare et je l’aurai man­quée. Je passe rue du Four chez les Buzonnières où m’attend l’accueil affectueux et fraternel prévu.

Je retourne à la gare chez Bigot ; à la porte, je tombe sur ma mère et sur mon oncle d’Amécourt, très pâle et dont je ne sau­rai le drame que plus tard.

À quatre heures, après une attente prolongée due au passage d’un train de « Joyeux », débraillés, hurlants, juchés sur les toits des wagons et maintenus par des territo­riaux baïonnettes au canon, j’ai l’immense joie, de mon bras valide, d’aider Yvonne à sauter sur le quai de la gare…

Ici s’achève le récit du capitaine de Gaston de Chomereau de Saint-André.

Sources

Témoignage inédit rédigé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Les différents plans donnant les positions successives de la 8e compagnie du 149e R.I. au cours de la période du 24 au 26 août 1914 ont été dessinés par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Les dessins ont été réalisés par B. Bordes.

Pour en savoir plus sur la capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Gaston de Chomereau de Saint-André 1

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours des journées du 22, du 23, du 24, du 25 et du 26 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

25 aout 1914

Pour lire ou relire le texte écrit par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André concernant le combat qui a eu lieu dans le secteur d’Abreshviller, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

Le grand bal de la 8e compagnie

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à B. Bordes, à A. Carobbi, à T. de Chomereau et à É. Mansuy.

26 juillet 2019

Ouest du bois en Hache, 25 septembre 1915. (3ème partie)

Compagnie de mitrailleuses 1915

Petit à petit, les trois bataillons du 149e R.I. prennent place dans les tranchées de départ d’attaque laissées vacantes par les 1er et 31e B.C.P..

Certaines compagnies du régiment arrivent avec beaucoup de retard. Elles ont été gênées dans leurs déplacements par des éléments d’unités déjà engagées qui se trouvaient encore dans cette zone.

Le lieutenant-colonel Gothié, toujours sans nouvelles de son 2e bataillon, reçoit enfin un billet rédigé par le commandant Schalck.

« Les 5e et 8e compagnies suivies par les 7e et 6e compagnies se sont mises en route de manière à suivre le 1er B.C.P. dans sa progression. Mais il est resté, dans les sapes fixées pour l’itinéraire, des éléments du 1er B.C.P. (une compagnie et 2 sections de mitrailleuses) qui ont beaucoup retardé le mouvement.

À 15 h 30, le 1er B.C.P. occupe la 1ère ligne allemande, mais ne pouvait pas en déboucher. Les 5e et 8e compagnies occupaient la parallèle de départ entre la sape 3’ et 4’.

La 7e compagnie, suivie de la 6e était arrêtée dans la sape 4.

Une contre-attaque ennemie s’étant dessinée vers 16 h 30, les 5e et 8e compagnies contre-attaquèrent à leur tour les Allemands et occupèrent leur ancienne première ligne qui n’avait pas été abandonnée. Les 7e et 6e compagnies vont renforcer, par un peloton, les 5e et 8e compagnies. L’autre peloton reste disposé dans notre ancienne parallèle de départ. Elles auront pour mission de relier les deux lignes par le prolongement des sapes 3’, 4 et 4’.

Un peloton de la 9e compagnie est venu se mettre en liaison avec moi, à ma droite. »

Carte 5 journee du 25 septembre 1915

Legende carte 5 journee du 25 septembre 1915

L’attaque du 1er B.C.P. qui devait le mener aux  corons sud d’Angres, entre d16 et e33, au moulin Buquet et au moulin de l’Hirondelle, est finalement stoppée.

Les moulins Buquet et de l'Hirondelle

Les tirs des mitrailleuses allemandes placées dans les derniers corons d’Angres, les tirs d’artillerie ennemie et les défenses accessoires insuffisamment détruites par les obus français, ont empêché l’avancée rapide des chasseurs.

De plus, le 2e bataillon du 149e R.I. est arrivé en retard pour soutenir de manière correcte le 1er B.C.P. dans son opération. L’infanterie allemande a également mené plusieurs contre-attaques dans le secteur.

Le 31e B.C.P. subit également une violente contre-attaque ennemie qui le fait reculer sur l’ancienne 1ère ligne allemande et sur la lisière ouest du bois en Hache. Un bataillon du 149e R.I. est dépêché en renfort, mais il est bien trop échelonné dans les boyaux pour être utilisé efficacement dans une contre-attaque.

Un nouvel assaut est programmé par le chef de la 86e brigade, le colonel Rondeau.

Le lieutenant-colonel Gothié a désormais sous ses ordres directs les deux bataillons du 149e R.I., le groupement formé par le 1er B.C.P. et le 2e bataillon de son régiment et le 31e B.C.P..

À 21 h 00, le chef du régiment spinalien écrit au colonel Rondeau.

« J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’à la réception de votre ordre reçu à 17 h 30, je me suis rendu aussitôt aux P.C. des 31e et 1er B.C.P. pour essayer d’organiser l’offensive prescrite. Mais au moment où j’arrivais en 1ère ligne, vers 18 h 00, une contre-offensive allemande se produisait sur toute la ligne, faisant replier les chasseurs vers l’arrière. Les boyaux, les tranchées et les parallèles de départ étaient encombrés de tués et de blessés, rendant la circulation difficile.

Tout ce qui avait été conquis au-delà de la 1ère ligne allemande fut reperdu, malgré les contre-attaques exécutées par les 1er et 3e bataillons du 149e R.I.. Ces derniers réussirent pourtant à maintenir la possession de la 1ère ligne ennemie.

Toutes les unités étaient mélangées. Les boyaux très étroits sont encombrés. Il était donc impossible de faire, à la tombée de la nuit, un effort sérieux. Toute la nuit sera employée à remettre de l’ordre dans les unités, à assurer les communications du terrain conquis avec l’arrière et faire le ravitaillement.

Les pertes sont sensibles dans toutes les troupes engagées. Au 149e R.I., la 5e compagnie a perdu tous ses officiers.

L’offensive sera reprise demain à la 1ère heure après une préparation complète de l’artillerie, que je vous demanderais de faire diriger de 5 h 00 à 6 h 30 sur la seconde ligne allemande, g8 g15, g6, g17, e22, e29, e 24, e25, e30. »

L’attaque du 25 septembre ne s’est donc pas tout à fait déroulée selon les prévisions des cadres supérieurs qui ont été à l'initiative de cette opération. Très coûteux en vie humaine, les objectifs fixés ne furent, pour la plupart,  pas atteints. La prise de terrain occupé par les Allemands est minime.

Dans la soirée, le colonel Rondeau envoie un dernier message aux responsables des 158e et 149e R.I.. Son texte est rédigé à 22 h 00.

« L’attaque a progressé à notre droite où la 13e D.I. a atteint la Souchez à l’est du bois 11. Le 158e R.I. tient la ligne des tranchées allemandes au sud du bois en Hache de k21 à m18. Il a des éléments dans le bois en Hache au nord de k7. Sa gauche s’étend entre k7 et k1, à la lisière ouest du bois.

Le 31e B.C.P. occupe la 1ère ligne allemande de k17 à g12.

Le 1er B.C.P. n’a pas pu atteindre la ligne g12-g18.

Le 10e B.C.P. n’a pas pu progresser.

L’attaque sera reprise demain matin à 6 h 30. Elle sera précédée d’une préparation d’artillerie exécutée sur la ligne c14, c31 à 24 et e22, e12, e18, e29, e19, e13, e16, g21, k43 et k25 de la part de l’infanterie.

Le tir sera ensuite allongé sur la ligne d24, d21, d19, e23, e16. Il restera sur cette ligne jusqu’à une demande d’allongement demandée par l’infanterie.

L’artillerie de tranchée prendra sous son feu les mitrailleuses signalées en e12, e24 et e31, ainsi que les défenses accessoires qui lui seraient signalées.

L’attaque sera commandée par le lieutenant-colonel Gothié qui disposera des 3 bataillons de son régiment, des 1er et 10e B.C.P. et de 2 sections de mitrailleuses de la 85e brigade.

Elle sera flanquée à droite par une attaque du 31e B.C.P. et des éléments disponibles du 158e R.I., sous le commandement du lieutenant-colonel Garcin.»

Les responsables de régiments connaissent désormais de manière précise les positions occupées par les éléments des 85e et 86e brigades en fin de journée.

Carte 6 journee du 25 septembre 1915

Legende carte 6 journee du 25 septembre 1915

Les consignes du colonel Rondeau concernant la reprise de l’offensive du lendemain sont divulguées aux officiers subalternes. Les hommes ont peu de temps pour penser aux souffrances du jour. Il faut de nouveau se préparer au pire.

                                 Tableau des tués pour la journée du 25 septembre 1915

      Tableau des décédés des suites de leurs blessures pour la journée du 25 septembre 1915

                 Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 25 septembre 1915

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/4

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

J.M.O. de la 86e brigade S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13 et 14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Fond de carte du secteur de Noulette construit par V. le Calvez.

Concernant la première carte, une nouvelle fois il n’a pas été possible de faire un travail de grande précision. L’échelle du calque utilisé pour sa réalisation est différente de la carte dessinée par V. Le Calvez. Ceci peut expliquer les dissemblances importantes avec la réalité du terrain. Cette carte n’a donc qu’une valeur indicative.

Les zones occupées par les 1er et 31e B.C.P. et les 158e et 149e R.I. dessinées sur la seconde carte sont également indiquées de manière approximative. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ». 

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