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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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17 avril 2020

Baptême du feu du 149e R.I.. La prise en charge des blessés au poste de secours

Auprès des blessés

 

Le service de santé de l’armée est encore en pleine mutation lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914.

 

Un règlement promulgué dès le 26 avril 1910 imposait une restructuration complète de l’organisation administrative ; ce règlement comportait des changements majeurs dans les méthodes d’évacuation et dans le traitement des blessés pour l’ensemble du dispositif militaire français.

 

Mais l’application d’un tel règlement occasionnait d’énormes dépenses pour les finances d’état. Il fut accordé un crédit de plusieurs millions supporté par les budgets avec une répartition sur les années 1913, 1914, 1915 et 1916.

 

À partir de là, le matériel trop vétuste fut progressivement modifié pour que l’ensemble des unités médicales soit adapté au nouveau règlement.

 

Mais c’était sans compter sur les évènements internationaux qui allaient précipiter le monde dans une guerre mondiale. Seuls douze des corps d’armée français sur les 34 qui furent engagés étaient correctement dotés à la veille du conflit.

 

Au plus près du 149e R.I. régiment 

 

 

En août 1914, le matériel médical du 149e R.I. et le personnel qui en a la charge sont sous l’autorité directe du médecin-chef de service, le médecin-major de 2e classe Delacroix.

 

Au début de la guerre, chacun des trois bataillons du régiment dispose d’une voiture médicale avec conducteur, de 15 brancardiers, d’un caporal brancardier, de quatre infirmiers et d’un médecin auxiliaire qui sont sous les ordres d’un médecin aide-major.

 

Le 149e R.I. prend la formation de combat pour la première fois le 9 août 1914. Son 1er bataillon et  son 2e bataillon sont engagés dans une attaque qui se déroule du côté de Wisembach. Quelques éléments du 3e bataillon iront les soutenir dans le courant de la journée.

 

Le médecin aide-major de 1ère classe Cleu et le médecin aide-major de 2e classe Mouton reçoivent les ordres du médecin-chef de service Delacroix leur demandant de rassembler leurs hommes dispersés au sein des compagnies.

 

Une fois les ordres reçus, les brancardiers régimentaires des 1er et 2e bataillons rallient au plus vite leur voiture médicale respective.

 

Lorsque le poste de secours est installé, ces hommes y laissent sacs et sabres Z avant de s’équiper de leur matériel médical (brancards, paniers, musettes, tonnelet, bidon).

 

En théorie, il y a cinq brancardiers et deux infirmiers de compagnie par bataillon qui assurent le relèvement des fantassins blessés sur le terrain des combats. Ces soldats sont sous l’autorité du médecin auxiliaire.

 

Leur rôle est d’acheminer les blessés jusqu'à des « relais pour blessés ».

 

C’est dans ces lieux que sont appliqués les premiers pansements, lorsque cela n’a pas été fait directement par le soldat ou par un de ses camarades.

 

Le transport de ces hommes est ensuite assuré par les 11 autres brancardiers et le caporal brancardier qui font la navette entre les « relais pour blessés » et le poste de secours où travaillent les médecins aides-majors et les quatre infirmiers de compagnie restant.

 

Les musiciens de la C.H.R. ont également été conviés à rejoindre le poste de secours pour aider les brancardiers régimentaires au portage des blessés.

 

En principe, le médecin-chef de service emploie tous les médecins et tous les infirmiers du régiment qui ne sont pas en première ligne pour assurer le service du poste de secours. Toutefois, il peut, dans certains cas, laisser des médecins et des infirmiers avec la réserve du régiment jusqu’à ce que cette réserve passe à son tour sur la ligne de feu. Ces médecins et ces infirmiers du bataillon non engagé rejoignent alors le poste de secours. Ce fut probablement le cas pour le 149e R.I. qui n’a envoyé que quelques éléments de son 3e bataillon dans la bataille.

 

Un témoignage très détaillé évoque cette prise en charge des blessés du 149e R.I. au cours de son baptême du feu.

 

Pierre Marie Etienne Henry

 

Tous mes remerciements à J.L. Poisot pour son autorisation de retranscrire ici l’écrit laissé par Pierre Henry, l’aumônier divisionnaire de la 43e D.I..

 

L’abbé Henry arrive à Fraize le dimanche 9 août 1914 vers 18 h 00. Une fois sur place, il apprend que le 149e R.I. a été engagé. Il se rend au plus vite à Wisembach.

 

Les trois aumôniers de la 43e D.I., l’abbé Henry, l’abbé Darbot et l’abbé Marchal sont sur place.

 

Personnel du G

Silhouettes des aumoniers G

 

Le baptême du feu du régiment spinalien est un véritable désastre. Rien ne se déroule comme prévu, c’est le moins qu’on puisse dire !

 

« Mais quoi ! Qu’est-ce qui se mobilise là-haut ; on dirait quelqu’un de chez nous. Mais on n’a pas le temps de demander des explications : " Vite, vite, tout le monde à Wisembach ; le 149e R.I. est fortement touché et il y a de la casse ! »

 

Je croyais en avoir fini pour aujourd’hui ; la journée ne fait que commencer et les émotions aussi ; les cordes du cœur sont tendues par l’annonce de ces mauvaises nouvelles, d’autant plus sensibles au coup d’archet qu’elles sont vierges d’émotions vraiment vives.

 

En attendant, les langues se délient : «  Il y a au moins 100 tués » déclare le conducteur à côté de moi. Le chiffre paraît énorme, fantastique, impossible, un désastre alors ! On discute, on met soi-disant au point, ce n’est plus 100 tués, mais quelques tués. Conclusion du débat. M. l’adjudant Rouquand, de la 2e ambulance, se fâche et déclare tout net au malheureux qui s’est fait l’écho des alarmistes que s’il ne tenait qu’à lui, il lui collerait 15 jours de prison pour colportage de fausses nouvelles. Il va bien, M. le commissaire de police de Gray !

 

Hélas ! Ce n’est pas quelques tués ou blessés, c’est, déclare-t-on à Wisembach, une grande partie du régiment qui est massacrée. L’heure n’est plus à la discussion. Des blessés, j’en vois partout, dans les maisons, sur des voitures, plusieurs centaines sûrement ; au milieu de la rue, je trouve M. Darbot. Là-haut est M. Marchal, sans hésitation, je monte.

 

Quel spectacle ! Quel tableau ! Ce va-et-vient d’autos qui ne suffisent pas à descendre les blessés !

 

C’est la nuit. À la lueur des torches, des lanternes, des phares, des ombres s’agitent ; des ordres se donnent à voix basse, des brancards s’alignent, des gémissements se font entendre. C’est au tournant de la route en plein air qu’est établi le poste de secours du 149e R.I.. J’essaie de mettre un peu d’ordre en moi. Ce n’est pas le moment de s’attarder à la beauté tragique du tableau, c’est le moment d’agir et de faire vite. Je vais de brancard en brancard avisant les plus gravement atteints, tâchant de gêner le moins possible les médecins, les brancardiers ; il y a urgence à soigner les corps, sans doute, mais les âmes sont-elles moins en péril ?

 

Nous sommes au point d’aboutissement de plusieurs chemins sous-bois. Dans les ténèbres, on perçoit la masse noire des cortèges, tous les mêmes, 4 brancardiers, marchant avec précaution pour ne pas secouer trop fortement le blessé qu’ils ont ramassé très loin, à 3 km dans la forêt, précieux fardeau, mais qui pèse lourdement sur leurs épaules. On se porte à leur rencontre et toujours ce sont les mêmes questions : « Où êtes-vous blessé ? » Blessures aux bras, aux jambes, blessures habituellement légères, on passe rapidement, blessures au ventre, à la poitrine, à la tête, il faut s’arrêter.

 

Du côté de Wisembach

 

Au poste de secours, il y a une dizaine de blessés qui attendent leur tour pour monter dans l’une des autos qui les emmènent en bas et qui ne cessent d’aller et de venir ; j’en ai vite fait le tour. Et maintenant que faire ? Allons un peu plus loin. Voici le médecin aide-major Maillet il est près d’un blessé. On interroge, les questions se pressent : « Y-a-t-il encore d’autres blessés ? – Oh, mais oui – Où sont-ils ? – Tout à travers le bois – Loin ? – À deux ou trois kilomètres – Sont-ils nombreux ? – Oh, mais oui, presque tout le régiment… ». Et l’histoire se raconte : des retranchements en ciment armé, les Allemands invisibles dans leurs trous ; des mitrailleuses qui fauchent ; on est tué à bout portant avant d’avoir rien vu, etc…

 

Voici que venant du bois, un soldat s’avance, pressé de parler : « J’ai laissé mon capitaine dans le bois ; il est blessé ; je l’ai porté tant que j’ai pu, mais j’ai dû le laisser, étant à bout de force, moi-même ; si on veut me suivre, je conduirai jusqu’à lui ». Sa voix se fait suppliante, voici un soldat qui aimait son capitaine ; nous n’hésitons pas et nous voilà à sa suite dans le chemin qui suit la lisière du bois. « C’est par ici… Non attendez ! … je me trompe ! … Il y avait un gros arbre, je le retrouve plus ! ». Nous sommes sur le mauvais chemin ; le pauvre garçon en a les larmes aux yeux, mais que faire ? Nous essayons quelques pas dans le coteau boisé et qui grimpe à pic. On entend du bruit : halte-là ! Qui vive ! Personne ne répond. Inutile d’insister, nous ne sommes pas sur la piste.

 

Je reviens au poste de secours ; pourquoi ne pas suivre la route qui tourne à droite, les soldats sont alignés ; les feux sont allumés ; malgré tout, il faut manger et sur tout le flanc de la montagne ce sont des centaines de feux autour desquels on voit s’agiter des ombres. Quelle vision inoubliable et impressionnante ! Je tourne donc à droite et je grimpe la route qui mène au col ; à chaque pas je rencontre des hommes qui se traînent plus ou moins gravement blessés ; je leur indique le poste de secours au tournant de la route. « Courage vous êtes arrivés ; on va vous soigner ! ».

 

Un bon kilomètre et nous sommes aux trois auberges ; à la frontière sans doute. Une à gauche, deux à droite, c’est le col d’où le regard plonge sur l’autre versant. Des soldats se tiennent là, l’œil aux aguets derrière une barrière improvisée et, autant que je puisse en juger, qui me semble barrer la route. Des hommes sont là, une masse confuse, ce sont des blessés ; ils se sont traînés jusque-là, depuis deux ou trois kilomètres ; ils sont comme perdus, gisant à terre et dehors. J’essaie d’ouvrir la maison, mais tout est fermé. Avec l’aide d’un soldat, j’arrive à faire céder la fenêtre puis la porte ; dans la maison, il y a des chaises, des matelas ; en un instant, tous les blessés sont installés ; au moins, ils grelotteront moins ! Mais quel est ce grand soldat élancé, une couverture sur les épaules ? C’est un lieutenant ; « Mon lieutenant, vous êtes blessé ? – J’ai les deux bras cassés – Je vous en prie, entrez dans cette maison, en attendant les brancardiers qui ne tarderont pas – C’est bien, ne vous occupez pas de moi, je tâcherai de gagner le poste de secours s’il n’est pas trop loin ; je suis bien venu jusqu'ici, mais auparavant, j’ai une mission à remplir ; très grave ; où est le commandant du poste le plus proche ou un chef quelconque, il faut que je lui parle. » Un soldat se détache et bientôt, il revient avec un officier et le dialogue s’engage, émouvant : « Je suis un lieutenant du 149e blessé ; mais j’ai à vous rendre compte que j’ai amené avec moi un détachement d’hommes qui attendent là dans le bois ; à qui dois-je les remettre ? ». Je me suis éloigné par discrétion… son devoir accompli, il s’en va le lieutenant et seulement quand il a assuré le service, il peut songer à lui-même, à ses deux bras cassés, à ses souffrances et il s’en va seul… « Occupez-vous des autres, je tâcherai de m’en tirer… ! ». Et les larmes me viennent aux yeux ; c’est beau, c’est sublime dans sa simplicité. Lui, il ne compte pas, avant tout le service, avant tout ses hommes, avant tout son régiment, avant tout la France ! Je m’incline, ému devant tant d’abnégation et de fidélité au devoir. O. France, qu’ils sont beaux tes enfants, qu’ils sont forts jusque dans l’épreuve !

 

« Mes chers amis, restez là un instant, s’il vient d’autres blessés, faites-les entrer ; pour moi, je vais chercher des brancardiers ; patientez un instant, on ne veut pas vous abandonner ! ». Et je hâte de redescendre la route caillouteuse jusqu’au poste de secours. Où sont nos brancardiers ? Je n’en vois plus que quelques-uns, heureusement, il y a là des chasseurs et nous remontons là-haut… Enfin, tous les blessés sont descendus. Au passage un chef nous interpelle. Je distingue plusieurs galons. « Je suis le lieutenant-colonel du 149, prévenez le colonel… » Il parle à voix si basse que je saisis mal ce qu’il veut dire. Tout le long de la route sur laquelle je me reconnais mieux, des soldats sont postés, masqués par le talus, la main sur le fusil, prêts à soutenir une attaque de l’ennemi.

 

Le poste de secours est si vite rempli, encombré par nos blessés. Il est 23 h 00 ; il n’y a plus qu’une voiture automobile et les autres ne reviennent pas. On ne peut cependant laisser ces pauvres malheureux se lamenter et se geler jusqu’au lendemain. Je me fais suppliant, pressant, et l’automobiliste, un jeune homme, me promet de revenir et de ramener d’autres voitures. On lui confie les officiers ; je retrouve étendu sans mouvement mon beau lieutenant aux bras cassés ; il est venu jusqu'ici, mais il est tombé, à bout de force, presque sans connaissance ; il avait tenu jusqu’au bout par un prodige, un miracle d’énergie. J’ignore son nom, mais je voudrais le connaître pour le jeter à tous les échos de la France, comme celui d’un héros.

 

Et je remonte à nouveau cette route, nouveau calvaire ! Là-haut, le silence s’est fait. Il ne reste plus que des hommes valides qui attendent, qui veillent. La Lune envoie quelques lueurs blafardes pour éclairer ce tableau tragique. Un homme là-haut se promène seul, pensif, le dos voûté, et près de moi l’on murmure « C’est le colonel du 149 ». Pauvre colonel, où est-il son beau régiment ? J’ose m’approcher de lui : « Mon colonel, quelle journée ! – Oui, ça a été terrible – Pensez-vous avoir beaucoup de monde hors de combat ? – Pas loin de la moitié du régiment ! » Moitié de 3000 hommes je suis tout étourdi d’un tel chiffre. « Cela  a donc été bien terrible ! – On ne peut pas s’imaginer ; ils sont dans des retranchements formidables ; c’était impossible de les déloger – Mon colonel, est-ce que vous restez ici longtemps encore ? – J’attends les débris de mon régiment, pour les reformer en arrière. Je suis inquiet, car une fraction importante qui venait avec nous a perdu la liaison ; ils ont dû s’égarer dans le bois ; je les attends, ils devraient être ici ; ils auront du mal à retrouver le chemin… ». Et son regard fouille en vain le bois obscur, dans cette nuit, comment essayer de les retrouver, s’engager dans ce fourré serait imprudent et inutile ; le mieux est d’attendre et nous attendons.

 

Minuit ! Personne ne vient plus ; tout à l’heure, auprès des blessés, j’ai pu causer avec un capitaine du 149e R.I.. Il me raconte ce qui s’est passé : « C’est épouvantable, tout crachait à la fois sur nous, mitrailleuses et fusils, c’était une pluie, un ouragan de balles. Mais le plus terrible, ce n’est pas cela ; le plus terrible c’est que nos hommes se sont tirés les uns sur les autres. À la première décharge, il y en a qui ont lâché et qui se sont sauvé dans toutes les directions ; d’autres n’ont pas voulu fuir, mais la peur leur a paralysé les jambes et ils sont restés sur place tandis que les plus braves avançaient. Si du moins, ils étaient restés tranquilles ! Mais hélas ! La main crispée sur le fusil, ils tirent, ils tirent, sur qui sur quoi, est-ce qu’ils savent ? Ils tirent, et devant eux, ce sont des camarades infortunés ; ils sont fusillés par-devant et par-derrière ! Il y a un Dieu, M. l’abbé, car c’est lui qui m’a sauvé ; j’avais beau donner des ordres, crier ; rien n’y faisait, ils ne m’entendaient plus ! La moitié de ma compagnie tirait sur l’autre. À un moment, désespérant de rien faire comprendre à ces affolés, je me suis jeté au-devant de leurs fusils, les bras étendus, j’ai fermé les yeux et j’ai attendu la mort ! J’ai échappé, je ne sais pas comment ! Il y a un Dieu, j’y crois, lui seul a pu me sauver ! »

 

Autre conversation : « Ils sont là, une petite troupe du 149e R.I. encore toute émue de l’épouvantable baptême de feu ! "Les balles sifflaient de tous côtés. À un moment, mon sergent est tombé blessé ; je me suis mis à genoux pour le soutenir - Pan ! Une balle me fait sauter mon képi ; je le remets sur ma tête - Pan ! Une balle frappe le sergent, une autre me fait sauter un nouveau mon képi. J’ai à peine eu le temps de le remettre qu’il s’en va, emporté une 3e fois pendant que mon pauvre sergent reçoit dans la tête une balle qui l’achève ; quand j’ai vu qu’il était mort, je me suis dit : il n’y a plus rien à faire ici ; j’ai ramassé mon képi une 3e fois et je me suis jeté de côté ». Et il me montre son képi troué de balles. « Vous avez de la chance, votre ange gardien a bien veillé sur vous – Et ma capote, tenez ! Comptez les trous des balles ! ». En effet, il y en a partout ! Un vrai miracle, lui, il n’a pas une égratignure ! »  « Mon ami, je ne sais pas quel saint vous avez invoqué, mais vous lui devez un beau cierge ! »

 

Minuit ! Plus de blessés par ici ; il n’y a plus qu’à redescendre, d’autant que l’endroit n’est pas sûr.

 

Au poste de secours, je retrouve les dernières autos prêtes à partir ; une place est libre, je m’installe et en peu de temps, nous sommes à Wisembach. »

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés le 9 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

9 août 1914

 

Sources :

 

Témoignage inédit réalisé par l’aumônier Pierre Henry.

 

Histoire anecdotique de la guerre de 1914-1915 par Franc-Nohain et Paul Delay. Tome 5 « Les blessés, les morts ». Paris P. Lethielleux libraire-éditeur.

 

Article publié dans la revue G.B.M. n° 105 « le bataillon d’infanterie, mille hommes et un chef » de Jean Claude Latour avec la participation de François Vauvillier. Juillet, août, septembre 2013.

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry qui accompagne le montage provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à I. Holgado et à J.L. Poisot.

10 avril 2020

Julien Brignon (1887-1915)

Julien Brignon

 

Julien Brignon voit le jour le 4 février 1887 à Wakenbach, une commune située dans le Bas-Rhin.

 

Cette région fut annexée à l’Allemagne à la fin de la guerre 1870-1871. Julien est le fils d’Albert et de Virginie Adrien. Il est le 6e enfant d’une fratrie composée de 9 frères et sœurs.

 

En 1892, la famille vit à Moussey, une petite commune vosgienne. Les Brignon ont fini par opter pour un retour en France. Le père travaille comme bûcheron. Jeanne Virginie, la sœur cadette de Julien, ne survit pas à sa 2e année. En 1906, le couple parental et leurs 8 enfants sont installés rue Neuve Grange.

 

Commune de Moussey

 

Ainsi qu’il est stipulé sur sa fiche signalétique et des services, Julien quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il travaille ensuite comme tisserand avant de pratiquer la profession paternelle. Une dépendance à l’alcool s’installe.

 

Ayant atteint l’âge d’effectuer ses obligations militaires, Julien Brignot doit se rendre à Épinal pour intégrer un peloton du 4e régiment de chasseurs à cheval, escadron divisionnaire de la 43e D.I..

 

Il arrive au corps le 1er octobre 1908.

 

Nommé trompette le 25 septembre 1909, il passe dans la réserve active le 1er octobre 1910, mais il est maintenu au régiment par mesure disciplinaire jusqu'au 23 octobre.

 

Son passage sous les drapeaux a été émaillé par de nombreux actes d'indiscipline (état d'ébriété à plusieurs reprises, absence ou retard lors de l'appel, inattention aux manœuvres, retour tardif de permission, escalade du mur d'enceinte pour sortir du quartier la nuit, fait d’avoir uriné dans les couloirs, tenue malpropre et paquetage sale, introduction de tabac dans les locaux disciplinaires, avoir gardé une cigarette sur l'oreille au commandement « Garde à vous », être allé à la cantine au lieu de panser les chevaux, etc…). 

 

Selon son relevé de punitions, il fut sanctionné à 18 reprises. Au total, le soldat Brugnon a été détenu 49 jours en cellule de police et 35 jours en prison. Ces 35 jours de prison firent qu'il resta 35 jours de plus à la caserne après la libération de sa classe. Son certificat de bonne conduite lui fut aussi refusé.

 

Julien retourne vivre à Moussey. Retrouvant ses outils de bûcheron il repart travailler dans la forêt vosgienne. Son addiction à l’alcool est maintenant bien marquée.

 

Rappelé le 2 août 1914, Julien retrouve son régiment de cavalerie légère. Il devient cavalier de 2e classe le 1er janvier 1915. De graves ennuis avec la justice militaire commencent. Julien Brignot est dans un premier temps condamné à 6 semaines d'emprisonnement par le conseil de guerre de la 43e D.I..

 

Le 4 juin 1915, pour aller boire, il a quitté sans autorisation la colonne pendant la promenade des chevaux. Il est revenu en état d'ivresse. L'exécution de cette condamnation est suspendue le 5 juin.

 

Une décision du général Maistre, commandant le 21e C.A., le fait muter à la 3e compagnie du 149e R.I. le 9 juin 1915.

 

Cette nouvelle affectation ne l’incite pas pour autant à changer de comportement. L’alcool est devenu comme une drogue. Toutes les occasions sont bonnes pour aller s’enivrer. Julien est régulièrement en manque, il lui faut ingérer quotidiennement une dose importante de vin, peut-être d’alcool plus fort. L’impact de ces produits sur son état psychique va l’amener à commettre de nouveaux actes d’indiscipline lourds de conséquences en temps de guerre.

 

Dès le 14 juin suivant, il est à nouveau sanctionné de 15 jours de prison pour état d'ivresse. Le 24 juillet, Julien est détenu 8 jours en salle de police pour avoir manqué, sans motif, un rassemblement lors de l'exercice du matin.

 

L’homme est condamné à 2 ans de travaux publics par le même conseil de guerre le 24 août 1915. Cette fois-ci, c’est beaucoup plus grave. Il est condamné pour désertion à l'intérieur en temps de guerre. Pour raison de guerre, l'exécution de cette peine est suspendue par décision du 25 août 1915.

 

Le 2 septembre 1915, le lieutenant Canaux, qui commande la 3e compagnie, écrit à son sujet : « Brignon est un très mauvais soldat qui a une manière de servir déplorable. Il est sans énergie et d'un mauvais exemple pour ses camarades. Il serait à désirer que le soldat Brignon disparaisse du 149e R.I.. »

 

Traduisant l'état d'esprit de la hiérarchie militaire à son égard, le capitaine Cochain, commandant le 1er bataillon, confirme cet avis : « Le soldat Brignon est un incorrigible dont il a lieu de sanctionner la dernière faute. Ce soldat a déjà été condamné deux fois par le conseil de guerre ; il ne s'est pas amélioré ; il ne mérite aucune indulgence. »

 

Il est vrai que ce soldat n'a pas du tout tiré profit de la mansuétude dont il avait bénéficié avec la suspension de l'exécution de ses deux condamnations prononcées par le conseil de guerre.

 

Au lieu de changer de conduite, il va, au contraire, commettre, en très de peu de temps, plusieurs infractions passibles de la peine de mort, qui vont finalement le conduire à cette issue fatale.

 

Avec 21 punitions ayant entraîné une détention de 57 jours au poste de police et de 62 jours en prison, ce passif ne pouvait, en aucun cas, lui valoir une nouvelle « bienveillance » de la part du conseil de guerre.

 

La dérive de ce soldat du 149e R.I. nous est rapportée par les différents rapports de la procédure devant le conseil de guerre.

 

Après avoir été placé en liberté provisoire à la suite de la suspension de l'exécution de sa condamnation à 2 ans de travaux publics pour désertion, Lucien Brignon rejoint son bataillon cantonné à Eps dans le Pas-de-Calais le 27 août.

 

Dès le lendemain, il s'absente irrégulièrement entre 7 h 00 et 17 h 00, pour se soustraire à des exercices de lancers de grenades. Incarcéré au poste de police vers 18 h 00, il s'en échappe une demi-heure plus tard par une porte dérobée. Il se rend dans un estaminet d’Eps pour y manger et boire. Il en ressort sans payer son repas. À 20 h 30, il est repris et reconduit au poste de police. Julien Brignon fournit des explications aussi confuses qu'erronées pour tenter de justifier l'abandon de poste et le délit de grivèlerie qui lui sont reprochés.

 

Toujours en prévention pour abandon de poste et de grivèlerie, il est remis en liberté provisoire le 22 septembre.

 

Son régiment se prépare à retourner en 1ère ligne pour effectuer une attaque de grande envergure avec l’intégralité de la 43e D.I.. Il lui est en quelque sorte offert la possibilité de se racheter. Julien Brignon ne se saisit pas l’occasion.

 

Bully-Grenay fosse n°10

 

Le 23 septembre, il quitte la prison de la division. Il retourne à son cantonnement à la Fosse 10, à Sains-en-Gohelle, mais deux heures plus tard, il en repart, sans autorisation, afin d'aller percevoir le montant d'un mandat à Hersin. 

 

La 3e compagnie monte aux tranchées le 24 septembre à 22 h 45. Il n’a pas rejoint son unité durant toute la période d'attaque de son unité.

 

Après une errance de quelques jours passés le plus souvent à dormir et à fréquenter les estaminets de Sains, de Coupigny et d’Hersin, il est arrêté le 30 septembre à 20 h 30, par la gendarmerie, dans une taverne d'Hersin.

 

Le soldat Brignon est ramené le 1er octobre au train de combat de son régiment, à la Fosse 10.

 

Dès le lendemain, il s'esquive une nouvelle fois à l'occasion d'une corvée. Selon ses dires il se décidait, le 5 octobre, à rejoindre sa compagnie cantonnée à Bracquencourt après s'être rendu à Barlin, à Haillicourt et à Coupigny.

 

Cette accumulation d'agissements contraires à la discipline militaire sur une période aussi courte lui vaut de comparaître pour la troisième fois devant le conseil de guerre de la 43e D.I. qui siège au Quartier Général à Hersin-Coupigny, le 25 octobre 1915.

 

Il doit répondre cette fois-ci des infractions suivantes :

 

1°) le 28 août 1915, abandon de poste sur un territoire en état de guerre à Eps (Pas-de-Calais)

 

2°) le 28 août 1915, grivèlerie à Eps (Pas-de-Calais)

 

3°) le 23 septembre 1915, abandon de poste en présence de l'ennemi à la Fosse 10, à Sains-en-Gohelle (Pas-de-Calais)

 

4°) entre le 23 septembre et le 1er octobre 1915 et le 2 octobre 1915, désertion en présence de l'ennemi.

 

Le conseil de guerre est composé de la façon suivante :

 

Président : chef de bataillon Collet du 158e R.I.

 

Juges :

 

- chef d'escadron Perrier commandant les trains régimentaires de la 43e D.I.

 

- capitaine Rondet du 4e Régiment de chasseurs à cheval (commandant le 3e demi-régiment)

 

- sous-lieutenant Foucher du 158e R.I.

 

- adjudant Petit, du 12e Régiment d'artillerie de campagne    

   

Commissaire du gouvernement : lieutenant Toussaint Maurice

 

Greffier : officier Viriot Henri.

 

Par jugement du 25 octobre 1915, Julien Brignon est condamné à la peine de mort à l'unanimité sauf en ce qui concerne la question de savoir, 1°) s'il était coupable d'abandon de poste le 23 septembre au lieu-dit la Fosse 10 - 2°) si cet abandon avait eu lieu sur un territoire en état de guerre - 3°) s'il avait eu lieu en présence de l'ennemi. Ainsi aux questions 4, 5 et 6 portant sur ces trois points, il a manqué une voix pour atteindre l'unanimité.

 

Au cours de l'instruction et devant le conseil de guerre, Julien Brignon tente vainement de s'expliquer : « Je ne savais plus ce que je faisais. Si j'ai le malheur de boire un verre, je ne sais plus ce que je fais … Je ne me rappelle plus exactement ce que je fais. J'étais perdu. » Il dira encore : "Depuis le 14 juillet, à la suite d'un bombardement, je n'ai plus toute ma lucidité d'esprit. Je ne comprends pas comment j'ai pu quitter ainsi mon régiment. » 

 

Les explications de Julien Brignon, considéré comme un récidiviste incorrigible, ne convainquent pas les membres du conseil de guerre. L'intervention d'un notable en sa faveur n'a pas eu plus d'influence. À l'annonce de son passage devant le Conseil de guerre, Julien Brignon avait écrit le 7 octobre à René Laederich, propriétaire d'usines de tissage et filature à Moussey, administrateur de la Banque de France d'Épinal de 1899 à 1913, puis Régent de la Banque de France ; cette lettre lui demandait une intervention en sa faveur.

 

La réponse transmise à Julien Brignon le 19 octobre semblait, par sa sécheresse, constituer une fin de non-recevoir : « (M. Laederich) a été très mécontent et vous fait dire qu'il n'aurait jamais cru ça de la part d'un Brignon, car votre famille est estimée à Moussey. Et c'est justement au moment où l'on se bataille beaucoup que vous avez commis votre faute, risquant d'être en prison le jour où vos camarades avanceront. Vous n'avez pas fait honneur à vos frères et sœurs… »

 

Pourtant, dans le même temps, le 18 octobre, cet industriel adresse au commissaire rapporteur du gouvernement une lettre qui expliquait, mieux que ne saura le faire l'intéressé, les raisons de son effondrement moral :  « Me permettez-vous…. d'apporter à ce pauvre Brignon le seul témoignage de moralité sur lequel il puisse compter aujourd'hui, puisqu'il appartient à une région des Vosges envahie depuis 14 mois et que par conséquent nulle autre voix que la mienne ne peut s'élever en sa faveur.

 

Je connais depuis de longues années la famille Brignon qui travaille dans mes établissements de Moussey. Elle est tout à fait honorable. Six fils et trois gendres sont au front. Les parents, évacués de Moussey vers la fin d'avril dernier, sont actuellement réfugiés dans les Basses-Pyrénées et vivent difficilement. Jules Brignon est en tout cas demeuré plus de 9 mois sans avoir eu la moindre nouvelle de sa famille. Il faut avoir été, comme je le suis, journellement en correspondance avec les soldats du front qui sont de nos villages encore aux mains de l'ennemi, pour se rendre compte de la dépression morale dans laquelle les a jetés la situation particulière dans laquelle ils se trouvent.

 

Si Brignon que j'ai toujours connu comme un bon et brave ouvrier a commis une faute assurément regrettable, peut-être est-il permis d'invoquer à sa décharge qu'il n'était plus tout à fait lui-même et que les épreuves qu'il a subies et l'ébranlement nerveux qui en est résulté le rendent moins responsable que ne le serait tout autre. »

 

Le lendemain, le défenseur du soldat Brignon, l'officier d'administration Membré, qui était officier d'approvisionnement à l'Ambulance 8/21, adresse pour avis au général, commandant la 43e D.I., un recours en grâce présidentielle, en faisant valoir en faveur du condamné :

 

- qu'il était le fils d'un Alsacien, ancien combattant de 1870,

 

- que ses cinq frères, nés comme lui en Alsace, combattaient dans les rangs français

 

- que sa volonté était affaiblie

 

- qu'il s'était lui-même rendu aux autorités militaires.

 

Depuis le 1er septembre 1914, les recours en grâce étaient suspendus sauf lorsque l'officier qui avait ordonné l'engagement des poursuites proposait une commutation de peine. En d'autres circonstances, il y aurait eu matière à trouver dans sa situation de détresse morale, telle qu'évoquée par René Laederich, des circonstances atténuantes justifiant la commutation sollicitée par son défenseur.

 

Mais le général Lombard, commandant la 43e D.I. s'y oppose. Il ordonne l'exécution de la peine.

 

Le 27 octobre 1915 à 7 h 00 à Hersin-Coupigny, Julien Brignon est fusillé par un piquet du 149e R.I., en présence des troupes du cantonnement en armes. Le procès-verbal d'exécution ne mentionne ni le nom du médecin-major qui a constaté le décès, ni celui de l'aumônier qui l'a assisté.

 

Tout le temps où il a été sous les drapeaux, en temps de paix comme en temps de guerre, Julien Brignon s'est toujours montré mauvais soldat, incapable de se soumettre à la discipline militaire, démontrant ainsi progressivement une totale et irréversible inadaptation aux contraintes de la vie militaire, notamment après son affectation au 149e R.I..

 

Il est vrai que la dispense d'exécution des deux premières sentences posées par le conseil de guerre de la 43e D.I. a pu le convaincre qu'il pouvait transgresser la discipline militaire en toute impunité.

 

Sa condamnation à mort avait-elle pour objectif d'éliminer de l'armée un soldat indiscipliné, ingérable et donc irrécupérable ; ou bien l’objectif était-il  d'escompter de son élimination un effet d'exemplarité à l'égard des troupes du 149e R.I. qui gardaient un bon état d'esprit et ne souffraient alors d'aucune propension à l'indiscipline ? Était-ce juste l'application des règlements ?

 

L’alcool l’a probablement conduit à sa perte. Le soldat Brignon s'est engagé dans une spirale de comportements répréhensibles dont l'issue ne pouvait être que le peloton d'exécution, comme le montrent les pièces de la procédure judiciaire conservées dans la base nominative des "fusillés de la Première Guerre mondiale" sur le site « mémoire des hommes".

En contradiction avec sa condamnation à la peine de mort, Julien Brignon figure sur le monument aux morts de la commune de Moussey sous le nom de « Jules Brignon », « Jules » étant son prénom d'usage ainsi que l'attestent les lettres des membres de sa famille et de René Laederich saisies dans le cadre de la procédure pénale militaire.

 

Il est assez fréquent que la participation financière des familles à la construction des monuments aux morts puisse conduire à faire quelques petits arrangements avec les textes : souscription en échange de l’inscription d’un soldat mort chez lui ou décédé après avoir été gazé bien après la signature de l’armistice ou encore fusillé. Ce fut probablement le cas de Jules Brignon.

 

Cette inscription sur le monument aux morts de Moussey est en quelque sorte une manière de montrer a posteriori que ce soldat perdu était malgré tout digne de compassion. Julien Brignon fut l'un de ces "pauvres diables" dont l'aumônier Pierre Henry disait, à chaque exécution : « Il me semble en voyant tous ces malheureux que c'est surtout de la pitié que j'éprouve pour eux, une immense pitié ».

 

Son décès a été transcrit à l'état civil de Moussey avec la mention « décédé accidentellement ».

 

Aucun recours en révision de sa condamnation ne sera exercé dans les années d'après-guerre.

 

Le soldat Brignon repose actuellement dans une sépulture individuelle dans le carré militaire du cimetière communal d’Hersin-Coupigny.

 

 

C’est le seul de la fratrie à ne pas s’être marié. Julien Brignon n’a pas eu de descendance.

 

Il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour faire connaissance avec sa généalogie.

 

 

Sources :

 

Les registres de recensement de la commune de Moussey ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Dossier individuel de Julien Brignon figurant dans la base de données des militaires et civils qui ont été fusillés durant le 1er conflit mondial sur le site « mémoire des hommes.

 

 Le portrait est extrait de la revue « L’Essor » n° spécial 141 publiée en 1988.

 

La photographie de la sépulture du soldat Brignon a été réalisée par J.M.Laurent.

 

Ce texte  a été rédigé par J.P. Poisot auquel j’ai ajouté les informations concernant la jeunesse du soldat Brignon et quelques précisions. Qu’il soit remercié pour sa recherche qui a permis de remettre en lumière le parcours singulier de cet homme.

 

Merci également à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à J.M. Laurent, au Service Historiques de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

3 avril 2020

Félix Chazal (1895-1929)

Felix chazal

 

Années de jeunesse

 

Félix Chazal voit le jour le 26 novembre 1895 au domicile de ses parents, au numéro 132 de la route de Vienne, dans le 3e arrondissement de la ville de Lyon.

 

Le père, Antoine, est alors âgé de 39 ans. Il a travaillé comme veloutier, puis comme cultivateur, avant d’être embauché par la compagnie de chemin de fer de la ligne Paris-Lyon à Marseille-Saint-Charles.

 

La mère, Jeanne Marie Bodoy, est originaire de Saint-Laurent-d’Agny. Elle a également 39 ans. Cette femme travaille comme ménagère. En plus de sa charge professionnelle, elle élève aussi deux garçons, Philippe et Jean Pierre, respectivement âgés de 16 et 14 ans.

 

 

Félix quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il fait ensuite un apprentissage chez un bijoutier avant de devenir ouvrier dans cette profession. En 1914, son salaire journalier est de 4 francs. Son frère Philippe travaille comme comptable. Jean Pierre a suivi les traces paternelles.

 

Le 1er août 1914, le gouvernement Viviani ordonne la mobilisation générale. La guerre contre l’Allemagne est sur le point d’être déclenchée. Il est demandé aux réservistes de rejoindre au plus vite leurs dépôts d’affectation. Les territoriaux sont également sollicités. Les classes 1912 et 1913 sont déjà dans les casernes.

 

Félix Chazal est passé devant le conseil de révision qui l’a classé, avant la déclaration du conflit, dans la 1ère partie de la liste du 7e arrondissement de Lyon.

 

Conscrit de la classe 1915, il doit encore attendre quelques mois avant être incorporé. Ses frères, plus âgés, sont de suite mobilisables.

 

Formation au métier de soldat

 

Le 15 décembre 1914, Félix se rend à la caserne de Chabran, boulevard Limbert, à Avignon. Il est affecté à la 27e compagnie du 58e R.I..

 

Sa formation militaire dans ce régiment se termine le 1er avril 1915. Elle est plutôt expéditive comparée à celles qui ont été suivies par les classes d’avant-guerre, mais elle se poursuit après son incorporation dans un nouveau régiment.

 

Après avoir intégré les premiers rudiments de la vie de soldat, Félix est affecté au  415e R.I, une unité nouvellement créée au camp de Carpiagne, au sud de la ville de Marseille. Ce régiment est en majorité composé d’éléments qui appartiennent à la classe 1915. Tous proviennent des différents dépôts du 15e C.A..

 

Le 415e R.I. quitte le camp de Carpiagne le 31 mars pour prendre place au camp de la Valbonne, près de Meximieux, dans le département de l’Ain. Le 1er février, Félix intègre la 7e compagnie du régiment qui cantonne à Pérouge pour une quinzaine de jours.

 

L’ancien bijoutier  a tout juste le temps de donner quelques nouvelles à sa famille avant de partir pour le front dans la Somme.

 

« Chers parents,

 

Je vous envoie deux mots pour vous dire qu’au lieu de partir lundi comme je vous l’avais écrit, nous partons mercredi à 5 h du matin pour le front. On ne va pas aux Dardanelles. Nous allons dans l’est. Si tu ne te rappelles pas où je serai, je te le mettrai dans ma prochaine lettre. Je pars avec l’espoir de revenir tout au plus blessé, mais avec rien si je peux. Probablement qu’à la fin de la semaine, j’aurai déjà vu les Allemands. Tâchez de ne pas vous en faire, car, d’un côté, si je suis blessé, je pourrai être évacué dans un hôpital et après, j’aurai 8 à 15 jours à passer à la maison.

 

Enfin, tout va pour le mieux. Espérons que ça n’ira pas plus mal que maintenant.

 

Votre fils affectueux qui vous aime et vous embrasse. Félix »

 

Première blessure

 

Son régiment vient s’installer en Champagne à partir du mois d’août 1915. Il occupe une zone comprise entre Souain et Perthes.

 

Le 25 septembre 1915, le 415e R.I. lance une attaque dans ce secteur. Félix est blessé au talon gauche.

 

Le soldat Chazal rejoint le dépôt du 141e R.I. après avoir été soigné. Il est inscrit dans les effectifs de la 9e escouade de la 26e compagnie.

 

Le 14 février 1916, le jeune homme envoie une carte postale aux siens.

 

« Chers parents,

 

J’ai reçu votre lettre, mais il ne faut pas compter sur une permission de 15 jours. C’est impossible.

 

Je vous demande de m’envoyer 3 gros paquets de tabac. Nous faisons que fumer et l’on n’en a pas assez. Je compte sur vous pour me les envoyer, car, si je partais, ils me couvriraient après. Je vais toujours très bien. Je ne pense pas remonter à mon ancien régiment, car aujourd’hui, il y a eu un départ. Je ne vois rien d’autre à vous dire, si ce n’est que j’attends le tabac. Votre fils Félix. »

 

Il bénéficie encore d’un mois de relative tranquillité au dépôt.

 

Une note de service rédigée par le général commandant la 15e région, datée du 15 mars 1916,  lui apprend qu’il est versé au 149e R.I..

 

Au 149e R.I.

 

Félix arrive dans cette unité le 18 mars 1916. Son nouveau régiment est  engagé dans le secteur de Verdun depuis une quinzaine de jours. Le soldat Chazal est affecté à la 8e compagnie qui est installée à la caserne Bevaux. Elle vient de passer une sale période dans le secteur du fort de Souville et du bois Fumin.

 

Le 26 mars, les 3 bataillons du régiment s’établissent à Dugny. Les 1er et 3e bataillons remontent en 1ère ligne le 30 mars.  Le 2e bataillon rejoint Verdun pour aller cantonner à la caserne d’Anthouard. Félix a tout le temps de sympathiser avec les hommes de sa nouvelle escouade.

 

Le 1er avril, sa compagnie reçoit l’ordre de se rendre au fort de Tavannes. Le 2e bataillon est réserve de division. Le 3 avril, la 8e s’installe aux abris du ravin. Elle ne sera pas engagée.

 

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

L’ensemble du régiment quitte la zone de Verdun le 11 avril 1916. Après une courte période de repos passée à Landrecourt, il se rend dans un secteur plus calme, en Champagne, entre les buttes de Tahure et de Mesnil où il reste plusieurs mois.

 

Septembre 1916, le 149e R.I. doit prendre le village de Soyécourt dans la Somme. Le 2e bataillon ne participe pas à l’attaque, il est en réserve, comme à Verdun.

 

Deuxième blessure 

 

Ablaincourt

 

Le 23 octobre 1916, Félix Chazal est grièvement blessé dans le secteur d’Ablaincourt par des éclats d’obus. Sa jambe gauche et son pied gauche sont fracturés et très abîmés. Il est impossible de les sauver, c’est l’amputation au tiers supérieur. Son pied droit est également touché.

 

Ce n’est que le 8 novembre 1916 qu’il est évacué vers l’arrière. Il est pris en charge par les médecins de l’hôpital mixte de Limoges.

 

 

Les soignants ne parviennent pas à sauver la partie inférieure de sa jambe droite. Deuxième traumatisme, il faut de nouveau amputer.

 

Les soins sont longs et douloureux, mais la guerre est terminée pour Félix. Lui qui rêvait tant d’une blessure ! À l’époque, il était loin de s’imaginer que celle-ci allait tant lui coûter.

 

Un taux d’invalidité à définir 

 

Felix Chazal photographie 2

 

La commission de vérification de Lyon, qui s’est réunie le 12 décembre 1918, fait une proposition qui lui permettrait de toucher une pension de retraite de 2e classe suite à l’amputation de ses deux membres inférieurs.

 

Le 1er février 1919, Félix Chazal épouse Victoire Faillant, une femme originaire de la Saône-et-Loire.

 

Les suggestions de pensions s’enchaînent. Le 16 avril 1921, le centre spécial de réforme de Lyon propose une pension d’invalidité temporaire de 100 % avec un surcroît de 20 % pour amputation des deux jambes au 1/3. Félix est également atteint de bacillose pulmonaire.

 

L’ancien soldat du 149e R.I. est réformé définitivement par la commission de réforme du Rhône-sud réunie le 11 octobre 1921.

 

Le 8 février 1922, Félix Chazal est proposé pour une pension temporaire de 100 % avec un surcroît de 20 % au bénéfice de l’article 10 par la commission de réforme de la Seine. Cette proposition se base sur l’amputation des deux jambes et sur l’induration discrète du sommet droit.

 

Le 22 octobre 1922, Félix est admis à recevoir une pension de 3000 francs avec jouissance à partir du 12 décembre 1918. Il obtient une invalidité permanente de 100 %. Le 25 septembre 1923, il bénéficie également de l’article 10 à la suite d’une décision qui fut prise par la 2e commission de réforme de la Seine, pour l’amputation de ses deux jambes.

 

En 1923, victoire donne naissance à une fille qui fut prénommée Jeannette.

 

Félix cesse toutes activités professionnelles à partir du 1er avril 1924.

 

La commission de réforme de Mâcon du 27 février 1925 augmente de manière conséquente son supplément de pension. Elle le fait passer directement du 2e au 10e degré pour amputation des deux jambes et ramollissement du poumon droit et du 1/3 supérieur du poumon gauche.

 

De plus en plus diminué par ses problèmes de santé et par son lourd handicap, Félix décède dans la petite commune de Chânes à l’âge de 33 ans le 13 janvier 1929.

 

Decorations Felix Chazal

 

Décorations obtenues :

 

Citation à l’ordre n° 39 850 du G.Q.G. en date du 2 novembre 1916.

 

« Soldat brave et dévoué, déjà blessé le 25 septembre 1915. A été atteint d’une nouvelle blessure très grave le 23 octobre 1916, amputé de la jambe gauche. »

 

Décoré de la Médaille militaire avec attribution de la croix de guerre avec palme en date du 24 octobre 1916. Q n° 3985 D du Grand Quartier Général en date du 2 novembre 1916.

 

Chevalier de la Légion d’honneur (décret du 21 février 1925 rendu sur la proposition du ministre de la guerre).

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de Félix Chazal a été consultée sur le site des archives départementales du Rhône.

 

Les photographies et les documents présentés ici proviennent tous de la collection de la famille descendante de Félix Chazal. Je remercie tout particulièrement Y. Fanise pour son aide et son autorisation de publication.

 

Merci également à M. Bordes, à A. Carobbi, à Y. Fanise, aux archives départementales du Rhône et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

27 mars 2020

Paul Jean Marie Adrien Soirot (1887-1965).

Paul Jean Soirot

Paul Jean Marie Adrien Soirot est né le 26 juin 1887 à Langres, une ville du département de la Haute-Marne dont elle est l’une des deux sous-préfectures.

La mère, Marie Catherine Hermance Simon, est âgée de 30 ans lorsqu’elle met au monde son enfant.

Le père, Nicolas Jean Baptiste, passe une grande partie de sa vie en dehors du domicile conjugal. Cet homme, âgé de 32 ans, travaille comme voyageur de commerce pour nourrir et loger sa famille installée au n° 21 de la rue du repos.

La fiche signalétique et des services de Paul Jean Marie Adrien Soirot confirme un degré d’instruction de niveau 3. Son instituteur lui a appris à lire, à écrire et à compter. L’adolescent fait ensuite un apprentissage en mécanique. À l’approche de ses obligations militaires et ne trouvant pas sa voie professionnelle dans la vie civile, il prend la décision de signer un engagement volontaire de trois ans. Les motifs qui le poussent à embrasser une carrière de soldat ne sont pas connus.

Ce fils de voyageur de commerce n’a pas encore vingt ans. Paul Jean Marie Adrien est à plus d’un an de la majorité. Il doit avant tout persuader ses parents du bien-fondé de son choix. Après les avoir convaincus, il se rend à la mairie de Langres le 17 janvier 1907.

Cet engagement volontaire lui offre la possibilité de choisir son affectation. Paul Jean Marie Adrien privilégie le 21e R.I., une unité qui est en garnison dans sa ville natale depuis 1871.

Le 5 novembre 1907, le jeune homme signe pour la seconde fois un contrat de 2 ans et 9 jours. La date butoir du précédent contrat est encore très lointaine. Quelle est la raison de cette initiative ? Regrette-t-il de ne pas avoir touché une prime d’engagement plus conséquente s’il avait opté pour un engagement plus long ? A-t-il découvert, dans les possibilités offertes par l’armée, de nouveaux corps de métiers accessibles avec un plus long engagement ?

Toujours est-il que le temps effectif supplémentaire, imposé par ce nouveau contrat, se cumule à celui qu’il doit encore à l’armée.

Paul Jean Marie Adrien Soirot est affecté au 4e R.I.C. aussitôt après avoir apposé sa signature. Il quitte le département de la Haute-Marne pour rejoindre sa nouvelle unité qui est installée à Toulon.

Le 24 décembre 1909, le soldat Soirot signe à nouveau pour deux années supplémentaires. Ce troisième contrat prend effet le 26 septembre 1910.

Le 26 septembre 1912, il est envoyé dans l’est, muté au 149e R.I.. Paul Jean Marie Adrien Soirot abandonne son uniforme de colonial. Le changement climatique est rude. Il faut, une nouvelle fois, trouver de nouveaux repères. Une fois revêtu de la tenue de fantassin, il occupe les fonctions d’armurier dès son arrivée à la caserne Courcy.

Avant qu’ils n’aient accès à l’intégralité de l’armement de l’unité, les hommes qui vont exercer cette charge sont choisis avec extrême attention par les plus hauts gradés du régiment.

Concernant Paul Jean Marie Adrien, sa formation initiale de mécanicien et ses cinq années passées sous l’uniforme l’ont probablement aidé à faire pencher la balance en sa faveur. 

Il est nommé caporal armurier le 1er octobre 1912. Le 11 août 1911, il épouse Marie Joséphine Muller, une femme originaire de Metz, à Épinal.

C’est avec son grade de caporal qu’il commence la guerre en août 1914. Toujours en retrait de la ligne de front, il consacre son temps à réparer les crosses brisées des Lebel, à changer les pièces mécaniques défectueuses et à régler avec précision les armes qui ont été malmenées aux cours des combats ; il est en cela aidé par quelques ouvriers armuriers.

La photographie suivante, réalisée par Jean Archenoul, montre l’armurerie du 149e R.I. installée en Artois, au château de Bouvigny, en octobre 1915.

Armurerie du 149e R

Le 28 mars 1916, le caporal Soirot est nommé sergent armurier. Son régiment est à Verdun depuis le début du mois.

Les années de guerre passent. Il ne compte plus les armes réparées qui sont passées entre ses mains. L’armistice est signé le 11 novembre 1918. Le retour à la paix ne met pas fin à sa carrière. Il participe même à une nouvelle campagne au Maroc en 1921-1922, la guerre du Rif. Pour sa participation, il est d'ailleurs décoré de l’ordre du Ouissam Alaouite Cherifien.

Paul Jean Marie Adrien Soirot est promu adjudant maître armurier par décision ministérielle du 7 octobre 1924 (publication dans le J.O. du 9 octobre 1924).

Le 16 novembre 1926, il est affecté au service du 2e régiment d’aviation.

L’adjudant Soirot est admis dans le corps des sous-officiers de carrière à la date du 24 avril 1928. Il est promu adjudant-chef le 20 janvier 1933 (J.O. du 22 janvier 1933).

Il est ensuite affecté à la 2e escadre d’aviation légère de défense le 1er octobre 1933. Trois jours plus tard, il rejoint les rangs du 25e Régiment de Tirailleurs Algériens.

C’est dans cette unité qu’il termine sa carrière militaire. Le 26 juin 1937, il fait valoir ses droits à la pension de retraite d’ancienneté. Le jour même, il est rayé du contrôle, ce qui le dégage de toute obligation militaire à partir de cette date. Il a porté l’uniforme pendant presque trente ans.

Le 25 avril 1959, il épouse Marguerite Aline Henriette Ganaye à Chennegy, dans le département de l’Aude.

Paul Jean Marie Adrien Soirot décède le 20 mai 1965 à Bondy, commune de la Seine-Saint-Denis, située dans la banlieue nord-est de Paris, à l’âge de 77 ans.

Décorations obtenues :

Médaille militaire par décret du 7 juillet 1927 (J.O. du 10 juillet 1927).

Chevalier de l’ordre du Ouissam Alaouite Cherifien le 21 février 1927.

Pour prendre connaissance de la généalogie de Paul Jean Marie Adrien Soirot, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Sources :

La fiche signalétique et des services de l’armurier Soirot a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

La photographie représentant les armuriers et le portrait de Paul Jean Marie Adrien Soirot dessiné par Jean Archenoul proviennent du fonds Archenoul.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Breugnot, à S. Agosto, à A. Carrobi, aux archives départementales de la Haute-Marne, à la mairie d’Épinal  et  au Service Historique de la Défense de Vincennes.

20 mars 2020

Ouest du bois en Hache, 27 septembre 1915.

journee du 27 septembre 1915

Le 149e R.I. attaque pour la 3e journée consécutive dans le secteur du bois en Hache. D’abord régiment de réserve de division, ensuite engagé dans le combat, il lance deux de ses bataillons. Les objectifs fixés par les supérieurs qui ont mis au point l’offensive d’Artois ne sont toujours pas atteints par la 43e D.I..

Les éléments de la division se maintiennent sur le peu de terrain conquis les jours précédents, en consolidant leurs positions. Ils attendent de nouveaux ordres.

À 3 h 00, le colonel commandant de la 86e brigade informe les responsables des 158e et 149e R.I. qu’ils vont devoir reprendre l’offensive dans la journée.

Le soleil n’est pas encore levé. Des reconnaissances sont envoyées dans le no man’s land pour vérifier les positions allemandes. À leur retour, elles indiquent à leurs chefs que l’ennemi est toujours fortement retranché sur la gauche, ses défenses accessoires sont quasiment intactes et ses mitrailleuses occupent toujours les points signalés.

Les Allemands ont également placé de nouvelles défenses accessoires vers e18, e26 et d22.

Carte 1 journee du 27 septembre 1915

Legende carte 1 journee du 27 septembre 1915

Au point du jour, la situation du groupement nord de la 43e D.I. est la suivante :

Pour le 149e R.I. :

Le 2e bataillon se trouve dans la parallèle de départ e12, e7, f11. Sa 7e compagnie est en g11.

Le 3e bataillon s’est fortement organisé dans le quadrilatère g12, g15, g8, g13. Une de ses fractions est en g19. Elle est en liaison avec le 17e R.I. du groupement sud de la division.

Le 1er bataillon est placé dans la parallèle de départ entre les sapes 4 et 5.

Pour les autres éléments du groupement nord :

Le 10e B.C.P. occupe  le quadrilatère e20, e26, e12, e17.

La compagnie de mitrailleuses de brigade a une section avec le 10e B.C.P. et une section avec le 3e bataillon du 149e R.I..

Très éprouvé, le 1er B.C.P. a été ramené vers l'arrière.

À l’exception de ce bataillon de chasseurs qui doit se reconstituer dans la place d’armes C.D. et dans la tranchée Moreau, l’ensemble des éléments du groupement nord de la 43e D.I. reçoit l’ordre de reprendre l’offensive à 14 h 00.

Le 10e B.C.P. lance son attaque à partir d’e12 en direction d’e18. Les chasseurs progressent péniblement. Ils luttent à coups de grenades avec l’ennemi. L’attaque est partie du talus e7, e12 en direction de la tranchée allemande e18, g10, est prise à revers par des tirs de mitrailleuses allemandes, installées en e21 et  c31. Il est impossible de progresser. Les pertes sont lourdes.

Le 2e bataillon du 149e R.I. sous les ordres du commandant Schalck attaque en direction de g10, g11. Les fantassins sont pris à revers par des tirs d’enfilade provenant des mêmes mitrailleuses qui arrosent le 10e B.C.P.. Ces fantassins sont également gênés dans leur progression par un formidable barrage d’artillerie. Cette attaque n’a pas plus de succès. Elle subit des pertes sérieuses.

Seule la 7e compagnie du bataillon sous les ordres du capitaine Guilleminot a pu se rapprocher de g10,  g11.  Elle s’est approchée assez près pour constater que cette tranchée a été évacuée par les Allemands. Les hommes ne purent sauter dans cette tranchée que à la nuit tombante en raison des tirs d’enfilade auxquels ils furent soumis.

Les 1er et 3e bataillons du 149e R.I., respectivement commandés par le capitaine Cochain et par le commandant Chevassu, ne sont pas plus heureux dans leurs attaques. Seul le 1er bataillon gagne un peu de terrain.

Leurs hommes sont pris sous un feu combiné d’infanterie, d’artillerie et de mitrailleuses qui viennent du nord et de l’est en g7, g2 et g1. Les deux bataillons subissent également de lourdes pertes.

Plus au sud, le 17e R.I. est également stoppé devant la lisière est du bois en Hache.

De nombreux tués et blessés encombrent les boyaux et les tranchées de départ qui sont, de plus en plus, bouleversées par le tir de l’artillerie allemande.

L’offensive du 27 septembre 1915 est un véritable échec. Des tirs d’artillerie allemande partis de la tranchée, immédiatement à l’ouest de g1, g2, contribuent à l’arrêt de la progression française. Une ligne continue de défenses accessoires allemandes, presque intactes, a empêché la conquête de nouvelles tranchées.

Seule l’attaque menée par le 10e B.C.P. partie d’e12 sur e18 par le boyau allemand, a pu se rapprocher à 20 m de son objectif. À partir de cet endroit, les chasseurs furent immobilisés par un tir de barrage ennemi absolument infranchissable.

carte 2 journee du 27 septembre 1915

Legende carte 2 journee du 27 septembre 1915

Le commandant Chevassu, responsable du 3e bataillon du 149e R.I., écrit au lieutenant-colonel Gothié :

« À la nuit, la situation est restée stationnaire. Les fractions sorties de la 2e ligne conquise, restées terrées à peu de distance en avant, ainsi que les blessés seront ramenés dans les tranchées. Les tranchées complètement bouleversées seront remises en état.

Les pertes du bataillon ont été très élevées durant la journée.

Pendant trois jours, les hommes ont été soumis, la nuit, à de durs travaux, le jour, à des actions très violentes. La limite de leur force physique est atteinte. Ils pourraient encore, le soir, se livrer à des travaux de tranchées pour leur propre sécurité. J’estime que pour ces unités réduites et désorganisées qui restent, on ne peut pas demander autre chose.

Effectifs du bataillon restant disponibles :

9e compagnie : 2 officiers et 98 hommes

10e compagnie : 3 officiers et 65 hommes

11e compagnie : 2 officiers et 58 hommes

12e compagnie : 2 officiers et 54 hommes »

Durant toute la nuit, le 149e R.I. consolide le terrain conquis sur le front.

Le casque Adrian, distribué avant l’offensive, a donné d’excellents résultats durant les combats des 25, 26 et 27 septembre. Beaucoup de combattants ont eu la tête efficacement protégée contre les éclats des projectiles d’artillerie. Sans cette protection, les pertes auraient été bien plus importantes.

Beaucoup de blessures n’ont été que de simples plaies du cuir chevelu grâce à la protection donnée par ce casque alors qu’elles auraient été bien plus  graves si les hommes n’avaient eu que leur képi. Il faut rappeler que, contrairement aux autres éléments de la 43e D.I., seule une partie des effectifs du 149e R.I. avait été équipée de ce nouvel élément. Celui-ci fera bientôt partie intégrante de l’équipement du fantassin.

Etats des pertes du 149e R

Les pertes du  jour sont lourdes, les effectifs restants du 3e bataillon en attestent. Mais quand on regarde les pertes cumulées des trois jours d'engagement, on constate que c'est près d'un tiers du régiment qui a disparu dans l'opération : 20 officiers et 808 hommes."

                                    Tableau des tués pour la journée du 27 septembre 1915

       Tableau des décédés des suites de leurs blessures pour la journée du 27 septembre 1915

Le 149e en a- t il fini avec ce secteur ?

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14

La photographie aérienne du bois en Hache qui se trouve sur le montage fait partie de la collection de l’association « Collectif Artois ». Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

Concernant les cartes, une nouvelle fois il n’a pas été possible de faire un travail de grande précision. Ces cartes n’ont donc qu’une valeur indicative.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à I. Holgado, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

13 mars 2020

Jean Pierre Gagne (1895-1915).

Jean Pierre Gagne

Jean Pierre Gagne voit le jour le 19 juin 1895 dans une exploitation agricole, à Maiguezin, où travaille son père.

Ce lieu-dit du département de la Haute-Loire est situé au nord-est de la petite commune de Salettes, dont il dépend administrativement.

Son père, Jean Pierre, est âgé de 39 ans. C’est un homme qui exerce le métier de cultivateur, mais qui n’est pas propriétaire de ses terres. Sa mère, Rosine Rolland, est une femme de 30 ans qui travaille comme ménagère. Elle a déjà donné vie à 5 enfants. Trois n’ont pas survécu. Elle donnera encore naissance à un garçon après l’arrivée de Pierre.

Le registre matricule de Pierre nous indique qu’il est en possession d’un degré d’instruction de niveau 3. Cet adolescent aux yeux bleus sait donc lire écrire et compter lorsqu’il quitte l’école communale de Salettes.

Une fois son enseignement primaire achevé, il n’est pas question pour lui de poursuivre des études. Pierre doit vite aller gagner sa vie en tant qu’agriculteur, probablement pour labourer les mêmes champs que son père ou des parcelles avoisinantes.

En 1911, quatre des enfants du couple Gagne vivent encore sous le même toit. Pierre est alors âgé de 17 ans. Il partage toujours ses repas à la table familiale avec deux de ses sœurs et son petit frère Louis.

Conscrit de la classe 1914, Pierre est inscrit sous le numéro 39 du canton de Le Monastier. Le travail physique de paysan qu’il pratique depuis plusieurs années a fait de lui un homme robuste. Il est solide comme un roc. C’est donc sans surprise qu’il se retrouve déclaré bon pour le service armé par le médecin militaire du conseil de révision.

Cette même année, un conflit majeur, d’abord européen puis mondial, qui durera plus de quatre ans, débute en août 1914. En cette chaude période d’été, Pierre n’est pas encore sous les drapeaux. Ne souhaitant pas signer d’engagement volontaire, il sait simplement qu’il devra bientôt abandonner la charrue pour aller faire ses classes.

Il quitte le département de la Haute-Loire pour celui de l’Isère à la mi-décembre 1914.

Le 17 décembre, Pierre est à Grenoble pour y intégrer une des compagnies de dépôt du 140e R.I..

Le 3 mars 1915, il est envoyé au 414e R.I. un régiment qui vient tout juste d’être créé. Il est à peine formé au métier de soldat avec, comme seul bagage, ses deux mois d’apprentissage militaire.

Le 10 juin 1915, il est affecté au 158e R.I.. Le 21, il est muté au 149e R.I. sans avoir mis les pieds dans une des compagnies combattantes du régiment lyonnais.

Le 149e R.I., commandé par le lieutenant-colonel Gothié, combat en Artois depuis de nombreux mois. Le secteur occupé est particulièrement dur. Les pertes sont sévères à chaque fois que le régiment est engagé.

Pierre Gagne est affecté à la 12e compagnie du régiment qui a été particulièrement malmenée au cours des attaques des jours précédents. Ces attaques ont permis la prise du fond de Buval, longtemps convoité par les Français.

Le soldat Gagne participa probablement à toutes les opérations de sa compagnie jusqu’à la date de son décès.

Le 26 septembre 1915, le 149e R.I. est engagé dans une vaste offensive commencée la veille.

Une série d’attaques menées par les unités de la 43e D.I. doit permettre la prise du bois en Hache. Ce n’est que théorique, toutes ces offensives échouent. Le soldat Gagne trouve la mort au cours de l’une d’entre elles.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Lieutenant-colonel Gothie 26 septembre 1915

Suite aux témoignages fournis par les soldats Augustin Honorat et Auguste Humbert qui l’ont vu tomber sur le champ de bataille, l’acte de décès de Pierre Gagne est établi le 5 octobre 1915 par l’officier d’état civil du 149e R.I., le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse.

L’acte de décès de Pierre est transcrit à la mairie de Salettes le 7 mars 1916.

Le soldat Gagne a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 6 octobre 1920) :

« Excellent soldat dévoué et actif. Mortellement frappé le 26 septembre 1915, en se portant courageusement à l’attaque des tranchées allemandes devant Angres. »

Cette citation lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Monument aux morts de Salettes

Le nom de ce jeune soldat âgé de 20 ans est gravé sur le monument aux morts de la commune de Salettes et sur la plaque commémorative qui a été fixée à l’intérieur de l’église du village.

Il n’y a pas de tombe individuelle militaire connue qui porte le nom de cet homme. Il repose peut-être dans un des ossuaires de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

Pierre Gagne ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

La généalogie de cet homme originaire de la Haute-Loire peut se consulter en cliquant une fois sur le lien suivant.

Geneanet

Sources :

Fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Loire.

Les sites « Mémoire des Hommes » et « MémorialGenWeb » ont également été compulsés.

Une recherche a été effectuée sur le registre de recensement de l’année 1911 de la commune de Salettes. Ce registre est disponible sur le site des archives départementales de la Haute-Loire.

Le portrait de Jean Pierre Grave et la photographie du monument aux morts de la commune de Salettes proviennent du site « MémorialGenWeb ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à S. Protois, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du département de la Haute-Loire.

6 mars 2020

Claude Marius Michoud (1885-1928).

Claude Marius Michoud

Claude Marius Michoud est né le 21 novembre 1885 à Saint-Quentin-Fallavier, une commune située en Isère, en bordure du département du Rhône.

Son père, Jean Claude, dit « Michon », est âgé de 22 ans. C’est un ancien domestique qui travaille comme cultivateur depuis qu’il s’est marié avec Marie Antoinette Odet le 19 février 1885. Cette femme a 24 ans lorsqu’elle accouche de son premier enfant.

En 1893, Marie Antoinette donne vie à une fille qui est prénommée Francia Véronique. En 1899, elle met au monde un garçon, Louis, qui décède à l’âge de 3 mois.

La fiche signalétique et des services de Claude Michoud nous indique qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Il quitte le système scolaire en sachant lire, écrire et compter.

À l’âge de 15 ans, Claude vit à Lyon. Il travaille comme employé chez un certain Monsieur Jarnon.

En 1906, il gagne sa vie dans un commerce géré par des membres de sa famille. C’est également l’année où il doit se présenter devant le conseil de révision. Il est atteint de cryptorchidie. Ce problème testiculaire l’exempte de ses obligations militaires.

Il occupe toujours son poste d’employé lorsque la guerre contre l’Allemagne commence en août 1914. Très rapidement, les instances militaires sont dans l’obligation de rappeler une grande majorité des exemptés. Il faut combler les pertes impressionnantes des premières semaines du conflit. Claude Michoud est donc de nouveau convoqué devant le conseil de révision, mais il ne répond pas à cette injonction. Le jeune homme est automatiquement déclaré « bon absent ».

Claude est incorporé au 99e R.I. Cette unité a son dépôt à Vienne, une ville située à une trentaine de kilomètres de Saint-Quentin-Fallavier. Il arrive au corps le 17 février 1915.

Sa formation militaire est rapide. Le 9 juin 1915, il est affecté au 158e R.I. puis douze jours plus tard, au 149e R.I..

Versé à la 3e compagnie du régiment, Claude participe aux combats du mois de septembre 1915 en Artois.

Son unité est envoyée de toute urgence dans le secteur de Verdun en mars 1916. Les Allemands y ont lancé une vaste offensive qui risque de rompre la ligne de front.

Le 1er bataillon du 149e R.I. est désigné pour tenter de reprendre aux Allemands le village de Vaux-devant-Damloup le 2 avril 1916.

Cette opération est un échec. Le 1er bataillon du régiment fut dans l’impossibilité de déloger l’ennemi qui a réussi à se maintenir sur sa position. Les pertes sont importantes. De nombreux soldats ont été capturés. C’est le cas de Claude Michoud.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Commandant Magagnosc et sous lieutenant Auvert

Une fiche individuelle qui porte son nom est consultable sur le site du Comité International de la Croix Rouge.

Fiche C

Le soldat Michoud est, dans un premier temps, interné à Darmstadt dans le grand duché de Hesse. Il est ensuite transféré à d’Heilsberg en Prusse orientale.

Camps de prisonniers ou a été interne Claude Michoud

Après plus de deux ans et demi de captivité, il est rapatrié d’Allemagne, un mois après que les clairons aient appelé au cessez-le-feu. Le 19 janvier 1919, Claude Michoud est de retour au 99e R.I..

Le 16 avril 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation. Il retourne un temps à Saint-Quentin-Fallavier. En 1921, il est de nouveau installé à Lyon. Claude vit au 33 de la place Bellecourt chez une dénommée Madame Mauchamps.

Il devient voyageur de commerce.

Claude Michoud décède le 16 février 1928 dans sa commune natale, à l’âge de 43 ans. Il repose auprès de ses parents et d’autres membres de sa famille dans le cimetière communal de Saint-Quentin-Fallavier.

Sepulture famille Michoud

Pour avoir accès à la généalogie de cet homme, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Claude ne s’est pas marié.

Sources :

La fiche signalétique et des services de Claude Marius Michoud, les registres d’état civil et les registres de recensement des années 1901 et 1906 ont été consultés sur le site des archives départementales de l’Isère.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et aux archives départementales de l’Isère.

28 février 2020

Georges Léon Horiot (1890-1915)

Georges Leon Horiot

 

Le 18 novembre 1886, Léon Arthur Horiot, surveillant général au collège de Remiremont, épouse Clarisse Mougenot dans la commune de Lure. Le couple s’installe ensuite à Langres. Le 9 mars 1887, Clarisse donne naissance à une fille qui fut prénommée Germaine Claire.

 

Léon obtient un poste de professeur au collège de Luxeuil-les-Bains, une petite ville thermale située au nord-est de Vesoul. C’est dans cette commune que Georges Léon Horiot voit le jour le 31 mai 1890.

 

Genealogie famille Horiot

 

Le métier de son père, qui devait certainement être très attentif à sa scolarité, et sa profession de comptable à la société générale confirment une maîtrise parfaite de l’écriture et des chiffres. Cependant, il est impossible de dire si Georges a poursuivi ses études jusqu’au collège. Sa fiche signalétique et des services nous indique simplement qu’il détient un degré d’instruction de niveau 3.

 

Un an avant sa majorité, il est convoqué devant le conseil de révision. Le jeune homme ne s’y présente pas. Son absence devant les instances officielles, volontaire ou non, le fait déclarer d’office « bon pour le service armé ».

 

Quelque temps plus tard, il reçoit sa feuille de route qui le convoque à rejoindre un régiment d’infanterie vosgien.

 

Le 1er octobre 1911, Georges Horiot arrive à Épinal. Il intègre une des compagnies du 149e R.I.. Son capitaine le fait inscrire au peloton des élèves caporaux, grade qu’il obtient le 15 avril 1912.

 

Georges est nommé sergent le 26 septembre 1912. Ses supérieurs ont sans doute pensé qu’il pourrait faire un excellent sergent fourrier. En tout cas, il possède l’instruction requise pour exercer ces fonctions.

 

L’application de l’article 33 de la loi du 21 mars 1905 le maintient sous les drapeaux plus longtemps que prévu. Georges finit par être envoyé dans la réserve de l’armée active le 8 novembre 1913. Mises à part les périodes d’exercices obligatoires, il pense en avoir terminé avec les affaires militaires.

 

Mais c’est sans compter sur les évènements politiques qui vont conduire le monde tout droit vers un conflit armé sans précédent.

 

Georges est rappelé à l’activité par l'ordre de mobilisation générale du 1er août 1914. Trois jours plus tard, il endosse à nouveau son uniforme de sergent.

 

Selon sa fiche signalétique et des services, ce sous-officier aurait échappé à toute blessure entre le moment où il quitte la caserne Courcy et la date de sa mort. Ce qui relève de l’exception. En effet, peu d’hommes du régiment ont pu traverser une période aussi longue sans aucune « égratignure », surtout durant la période allant du début du mois d’août 1914 à la fin du mois de septembre 1915.

 

Registre matricule incomplet, poste administratif occupé de façon temporaire au sein du régiment ou « chance incroyable » ? Il est impossible de le dire.

 

Tout ce que nous savons de manière sûre, c’est qu’il servait à la 11e compagnie, peu de temps avant sa mort.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe à une offensive de grande ampleur. Les 12 compagnies constituent la réserve de division. La 43e D.I. vient de recevoir l’ordre de s’emparer du bois en Hache au sud-ouest d’Angres.

 

Le lendemain, la 11e compagnie du régiment spinalien, sous les ordres du capitaine Prenez, passe à l’offensive.

 

Le sergent Horiot est tué aux alentours de 23 h 30 alors qu’il participait à l’organisation de la position enlevée aux Allemands.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante. 

 

Carte 2 journée du 26 au 27 septembre 1915

 

L’acte de décès de ce sous-officier âgé de 25 ans a été transcrit à la mairie de Luxeuil-les-Bains le 4 août 1916.

 

Le sergent Horiot est cité à l’ordre n° 121 de la Xe armée (J.O. du 21 décembre 1915).

 

« Le 26 septembre devant Angres, s’est porté à l’attaque des lignes ennemies en entraînant sa demi-section. Tué le soir de l’assaut pendant l’organisation de la position conquise. »

 

Il fut également décoré de la Médaille militaire à titre posthume avec la même citation (J.O. du 6 octobre 1920).

 

Georges est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Luxeuil-les-Bains ainsi que sur la plaque commémorative qui se trouve à l’intérieur de la basilique Saint-Pierre de la commune.

 

Il n’y a pas de sépulture connue pour cet homme.

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services et le registre de recensement de l’année 1911 de la commune de Luxeuil-les-Bains ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Saône.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et aux archives départementales de la Haute-Saône.

21 février 2020

Carnet de guerre d’Eugène Coffinet

Les corons de la fosse 10

 

Eugène Coffinet est âgé de 37 ans lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914. C’est en tant que territorial qu’il doit rejoindre son régiment d’affectation, à Fontainebleau, quelques jours après l’affichage de l’ordre de mobilisation générale.

 

Á l’exception de deux périodes, ce soldat a écrit presque chaque jour dans un petit carnet qu’il conservait précieusement dans ses effets. Eugène s’installait et griffonnait quelques mots pour résumer sa journée : où il est, ce qu’il fait, ce qui sort de l’ordinaire.

 

Le texte est souvent concis, vingt-quatre heures peuvent parfois être évoquées en deux ou trois mots. Cela peut sembler laconique, mais ce carnet est une source d’informations très riche.

 

Eugène Coffinet ne reste qu’un mois au 34e R.I.T.. Les pertes du début du conflit sont si considérables qu’elles obligent le prélèvement de nombreux territoriaux dans leurs unités d’appartenance. Ce déplacement de « vieux soldats » a, en partie, permis de combler les pertes des régiments d’infanterie décimés en premières lignes.

 

Début octobre 1914, un gros contingent du 34e R.I.T. est extrait de ce dernier. Ce contingent est aussitôt envoyé au dépôt du 149e R.I., installé à Rolampont depuis peu. Le soldat Coffinet fait partie de ce groupe.

 

Voici la retranscription de ses écrits…

 

Mois d’Août 1914

 

Dimanche 2 août : mobilisation

 

Lundi 3 août : …

 

Mardi 4 août : je quitte le pays pour me rendre à la gendarmerie de Provins pour être conducteur de chevaux et de voitures.

 

Mercredi 5 août : réquisition des chevaux et voitures. Départ le soir pour Sepveille où nous arrivons à 21 h 00. Je suis en billet de logement chez M. Boileau, une entreprise de maçonnerie.

 

Jeudi 6 août : départ de Sepveille pour Coutencon en passant par Dannemarie. Nous arrivons à midi. Je suis en billet de logement chez M. Prosper Monson.

 

Vendredi 7 août : départ de Coutencon pour Fontainebleau où nous arrivons à 17 h 00 par une pluie battante. Nous sommes transpercés. Une fois débarrassé de mon cheval et de ma voiture, je me rends à la caserne Damesme où nous couchons sous un hangar sur un tas de capotes.

 

Samedi 8 août : je rejoins la 10e compagnie où je suis affecté qui cantonne boulevard de Melun. Là, je suis habillé et armé.

 

Dimanche 9 août : revue à Damesme et présentation du drapeau.

 

Lundi 10 août : repos le matin. Le soir, nous quittons le cantonnement à 20 h 00 pour nous rendre à la gare.

 

Mardi 11 août : départ par le train à 1 h 00 pour Langres, en passant par Sens, Joigny, Tonnerre et Chaumont, plusieurs tunnels, un beau viaduc et la voie taillée dans le roc. Nous arrivons à Langres à 17 h 00. Là, nous faisons un repas froid et nous partons à 19 h 00 pour le fort du Plesnoy où nous arrivons à minuit. Exténués de fatigue, nous couchons dans des casemates, dans des grands lits à deux étages, à 4 par lit.

 

Mercredi 12 août : repos. Nous visitons le fort.

 

Jeudi 13 août : travaux de campagne.

 

Vendredi 14 août : travaux de campagne.

 

Samedi 15 août : revue.

 

Dimanche 16 août : quartier libre. Nous nous promenons à Plesnoy et à Marcilly.

 

Lundi 17 août : pluie torrentielle. Nous restons au cantonnement.

 

Mardi 18 août : corvée.

 

Mercredi 19 août : travaux de campagne.

 

Jeudi 20 août : feu au Plesnoy, trois maisons brûlées.

 

Vendredi 21 août : travaux de campagne. Le soir, je vais à la gare d’Andilly où je vois passer des blessés pour la première fois.

 

Samedi 22 août : compagnie de service.

 

Dimanche 23 août : repos. Promenade à Neuilly-l’Évêque.

 

Lundi 24 août : travaux de campagne.

 

Mardi 25 août : malade, rhume.

 

Mercredi 26 août : jour lessive.

 

Jeudi 27 août : travaux de campagne.

 

Vendredi 28 août : travaux de campagne à Redoute située à l’avant du fort. Passage à la gare d’Andilly de prisonniers allemands dont 7 officiers d’état-major.

 

Samedi 29 août : travaux  à la Redoute le matin et le soir, revue de départ.

 

Dimanche 30 août : départ à 6 h 00 pour le Plesnoy. Nous cantonnons par escouade. La 3e, qui est la mienne, cantonne chez M. Émile Bordel. Je suis nommé cuisinier.

 

Lundi 31 août : la commune à Plesnoy est en état de siège. Toutes les rues du village sont gardées aux sorties du pays par deux sentinelles. Nous voyons passer deux aéroplanes.

 

Mois de septembre 1914

 

Mardi 1er septembre : travaux de campagne.

 

Mercredi 2 septembre : travaux de campagne.

 

Jeudi 3 septembre : travaux de campagne.

 

Vendredi 4 septembre : travaux de campagne.

 

Samedi 5 septembre : travaux de campagne.

 

Dimanche 6 septembre : travaux de campagne.

 

Lundi 7 septembre : travaux de campagne.

 

Mardi 8 septembre : je reçois une carte de Cécile qui me dit que Marcel est blessé à la jambe et qu’il est à l’hôpital de Bordeaux.

 

Mercredi 9 septembre : travaux de campagne

 

Jeudi 10 septembre : …

 

Vendredi 11 septembre : …

 

Samedi 12 septembre : …

 

Dimanche 13 septembre : …

 

Lundi 14 septembre : …

 

Mardi 15 septembre : …

 

Mercredi 16 septembre : …

 

Jeudi 17 septembre : …

 

Vendredi 18 septembre : marche d’entraînement. Passage sur la ligne d’un régiment d’hindous.

 

Samedi 19 septembre : il a plu toute la nuit avec un vent très violent et cela continue jusqu’à midi. Compagnie de service. Une dépêche officielle nous arrive nous disant que nous remportons une grande victoire dans l’Aisne.

 

Dimanche 20 septembre : quartier libre. L’après-midi, nous pouvons sortir.

 

Lundi 21 septembre : marche militaire

 

Mardi 22 septembre : travaux de campagne. Le midi, marche pour tout le monde. Nous allons à Poiseul, à 8 km du Plesnoy, reconnaître les travaux faits par le Génie, car, c’est, pour la 10e compagnie en cas d’approche de l’ennemi, notre point de concentration. Ça consiste en travaux faits sous terre, galeries boisées, tranchées et enchevêtrement de fils de fer. C’est là que nous devons tenir jusqu’au bout, sous les feux d’artillerie du fort de Dampierre et du Plesnoy qui nous garantissent Endroit pas plaisant. 

 

Mercredi 23 septembre : exercice

 

Jeudi 24 septembre : exercice. Je reçois une lettre et un mandat de 10 francs.

 

Vendredi 25 septembre : marche militaire

 

Samedi 26 septembre : service religieux à Neuilly pour les deux fils de notre commandant, morts au champ d’honneur.

 

Dimanche 27 septembre : quartier libre à partir de midi

 

Lundi 28 septembre : exercice et revue pour partir

 

Mardi 29 septembre : école de bataillon

 

Mercredi 30 septembre : terrassement et vaccination. Départ à 18 h 00 pour Neuilly-l’Évêque.

 

Mois d’octobre 1914

 

Rolampont

 

Jeudi 1er octobre : départ pour Rolampont où nous arrivons à 10 h 00. Nous sommes versés au 149e R.I.. Je suis à la 5e section de la 27e compagnie.

 

Vendredi 2 octobre : service en campagne

 

Samedi 3 octobre : tir au champ de tir de Langres

 

Dimanche 4 octobre : repos, pêche

 

Lundi 5 octobre : exercices

 

Mardi 6 octobre : service à la gare

 

Mercredi 7 octobre : je reçois la lettre d’avis d’un colis reçu à la gare de Neuilly-l’Évêque.

 

Jeudi 8 octobre : tir. Je reçois mon paquet.

 

Vendredi 9 octobre : exercice, causerie sur la guerre avec le commandant

 

Samedi 10 octobre : services des places

 

Dimanche 11 octobre 1914 : revue et remise de la Médaille militaire à un adjudant qui a le bras coupé, à un sergent de l’active blessé et qui a fait un fait d’armes.

 

Lundi 12 octobre : exercice

 

Mardi 13 octobre : tir et marche militaire

 

Mercredi 14 octobre : exercice le matin et repos l’après-midi. On nous avertit de nous tenir prêts à partir.

 

Jeudi 15 octobre : tir avec marche de 30 km

 

Vendredi 16 octobre : exercice

 

Samedi 17 octobre : exercice

 

Dimanche 18 octobre : revue

 

Lundi 19 octobre : tir

 

Mardi 20 octobre : exercice

 

Mercredi 21 octobre : exercice et repos l'après-midi

 

Jeudi 22 octobre : tir

 

Vendredi 23 octobre : vaccination contre la fièvre typhoïde

 

Samedi 24 octobre : repos pour la fièvre

 

Dimanche 25 octobre : revue d’arme à 9 h 00

 

Lundi 26 octobre : exercice

 

Mardi 27 octobre : service en campagne

 

Mercredi 28 octobre : exercices et repos

 

Jeudi 29 octobre : tir

 

Vendredi 30 octobre : vaccination

 

Samedi 31 octobre : repos

 

Mois de novembre 1914

 

Samedi 1er novembre : revue, promenade et visite à la cascade et à l’usine électrique

 

Dimanche 2 novembre : exercice

 

Lundi 3 novembre : service en campagne

 

Mardi 4 novembre : marche militaire

 

Mercredi 5 novembre : nous nous préparons à partir. Équipement

 

Jeudi 6 novembre : équipement et préparatifs de départ. Départ à 3 h 12. Chaumont, Bar-sur-Aube, Jessains, Vendeuvre-sur-Barse, Troyes, 8 h 00, Saint-Mesmin, Mesgrigny, Méry-sur-Seine, Romilly-sur-Seine, 9 h 30, Nogent-sur-Seine, Flamboin, Longueville.

 

En train dans la région parisienne

 

Vendredi 6 novembre : Gretz, Noisy-le-Sec, 5 h 00, le Bourget. Une corvée d’Allemands est à la gare. Aubervilliers, la Plaine Saint-Denis, la Chapelle Saint-Denis, Épinay-sur-Seine, Villetaneuse, la Barre d’Ormesson, Enghien-les-Bains, Ermont, Eaubonne, Cernay, Franconville, le Plessy-Bouchard, Montigny Bonchand, Pierrelaye, Épluches, Auvers-sur-Oise, Valmondois, Parmain, l’Isle Adam, Persan Beaumont à 4 h 30. Creil, Clermont, Amiens, Abbeville. Un train anglais.

 

Samedi 7 novembre : Calais, 6 h du matin Dunkerque, Watten, Eperlecques, Saint-Omer, 8 h 30. Renescure, Ebblinghem, Hazebrouk (9 h 20). Esquelbecq, Bergues, les digues, inondation. Dunkerque. Visite du port.

 

Dimanche 8 novembre : arrivée dans la nuit de samedi de goumiers arabes. Train de blessés, wagons entiers de morts, surtout d’Allemands. À 16 h 00, un Taube laisse tomber 2 bombes sur l’hôtel de ville.

 

La région d'Ypres

 

Lundi 9 novembre : nous passons la nuit en chemin de fer et débarquons en Belgique à 5 h 00 à Furnes. Grande halte à Poperinge

 

Mardi 10 novembre : versé à la 12e compagnie du 149e R.I.. Nuit de bivouac. L’après-midi, nous partons pour les tranchées.

 

Mercredi 11 novembre : tranchées, violente attaque, nous ripostons. Nous sommes en 1ère ligne à 200 m des Allemands. Nuit très dure, rapport à l’orage de grêle et de pluie.

 

Jeudi 12 novembre : tranchées, calme sur notre rive au matin. Violente attaque, l’après-midi par notre artillerie qui fait reculer l’ennemi sur la droite. Nuit calme pour nous.

 

Vendredi 13 novembre : calme sur notre gauche. Combat sur notre droite. L’après-midi, violente attaque d’artillerie. Nous avons des blessés dans la tranchée. La nuit, le combat continue. Un camarade, Sirop de Provins, reçoit une balle dans l’épaule à 2 m de moi. Tout flambe autour.

 

Samedi 14 novembre : matin calme jusqu’à 8 h 00. Attaques et violents combats l’après-midi et une partie de la nuit. Nous sommes gelés de froid.

 

Dimanche 15 novembre : froid très vif. Calme au matin. Neige et pluie. À 10 h 00, violente attaque d’artillerie. Les obus éclatent partout autour de nous. C’est la panique dans la tranchée. L’infanterie ennemie nous attaque de tous côtés. C’est un sauve-qui-peut. Nous restons 12 heures. Notre caporal est seul, sur un front de 200 m nous sommes prêts à nous rendre s’il le faut, mais nos mitrailleuses balayent l’ennemi avec nos 75. Au bout de 2 h 00 d’effort, nous commençons à repousser l’ennemi en déroute et nous reprenons tous nos places. Les fuyards reviennent, sauf deux. Nous nous endormons au son des canons qui finissent de balayer l’ennemi. C’est la journée la plus dure jusqu’ici.

 

Lundi 16 novembre : matinée calme. À 8 h 00, reprise des hostilités. Violents combats d’artillerie. Notre tranchée est balayée d’obus. J’en reçois un morceau dans mon sac. Mon camarade est blessé au bras. Un mort. Nous sommes relevés la nuit.

 

Mardi 17 novembre : repos Ypres. Nous partons le soir cantonner dans une ferme seule.

 

Mercredi 18 novembre : nous nous déployons dans un bois. Nous sommes en arrière-garde. Tranchée que nous fabriquons. Je reçois un éclat d’obus sur la main. Violents combats de nuit.

 

Jeudi 19 novembre : nous sommes relevés à 4 h 00. Repos à Ypres. Il gèle et il fait un froid terrible. Neige.

 

Vendredi 20 novembre : repos. Bombardement de Dixmude à 18 h 00. Nous partons relever les Anglais dans des tranchées-abris, sortes de trous où l’on tient à deux. Sentiers dans un bois où il y a un beau château.

 

Samedi 21 novembre : tranchées. Repos. À 6 h 30, nous partons en 1ère ligne dans d’autres tranchées. Nuit calme. Les Anglais se portent en avant.

 

Dimanche 22 novembre : même tranchée. Matin calme. En soirée, à 21 h 00, nous sommes relevés et on fait des tranchées toute la nuit. Etancelin de Septveilles est tué.

 

Lundi 23 novembre : toute la journée, nous sommes terrés dans nos trous de repos. À 7 h 30, nous retournons aux tranchées. Nuit à peu près calme, mâtinée aussi.

 

Mardi 24 novembre : le calme continue. Peu de coups de feu du côté des Allemands. La nuit, nous avons deux attaques que nous repoussons.

 

Mercredi 25 novembre : nous sommes relevés à 4 h 00 et quittons le champ de bataille pour nous rendre à Poperinge, situé à 20 km. Nous traversons Ypres bombardé, superbe cathédrale en ruine. Là, nous reformons les bataillons avec les bleus qui arrivent.

 

Jeudi 26 novembre : repos et reformation du bataillon très bien soigné.

 

Vendredi 27 novembre : repos, revue à 14 h 00.

 

Samedi 28 novembre : repos. Prêts, revue à 14 h 00 pour la préparation du drapeau et défilé. Nouveau colonel et décoration d’un capitaine.

 

Dimanche 29 novembre : repos. Distribution de tabac, cigarettes et papier à cigarettes, bière et permission du soir.

 

Lundi 30 novembre : 5 h 00. Prises d’armes pour dégradation militaire de trois soldats. Deux d’infanteries et un chasseur. De nouveaux bleus arrivent et sont mis avec nous. Je reçois une lettre datée du 4 novembre avec 5 francs.

 

Mois de décembre 1914

 

Mardi 1er décembre : nous faisons nos préparatifs de départ. Nous partons à 16 h 00 et, après une marche de 25 km, nous arrivons aux tranchées au nord d’Ypres à 3 h 00. Nous avons, dans les tranchées, de l’eau jusqu’à demi-jambes.

 

Mercredi 2 décembre : tranchée à 90 m des Allemands. Matinée calme.

 

Jeudi 3 décembre : mêmes tranchées. Relève à 10 pour nous porter derrière la ville de Dixmude où nous arrivons à 8 h 00.

 

Vendredi 4 décembre : repos. Nous sommes logés dans une étable. Nous avons du lait à volonté.

 

Samedi 5 décembre : repos toute la matinée, même endroit. Pluie torrentielle. Nous recevons du renfort du 349e R.I.. Nous sommes sur le qui-vive. Nom du pays où nous sommes : Vlamertinge.

 

Dimanche 6 décembre : même cantonnement. Aéroplanes, ballon captif.

 

Lundi 7 décembre : départ pour Poperinge à 5 h 00 par une pluie battante. Nous en repartons à 11 h 00.

 

Mardi 8 décembre : Hondeghem (France). Arrivée à 6 h 00. Nous avons traversé la frontière à 12 h 30. Marche de 28 km. Cette nuit, un ballon dirigeable français planait le long de la frontière franco-belge. Hondeghem est à 5 km de Hazebrouck. Départ à 5 h 00.

 

Mercredi 9 décembre : arrivée dans le Pas-de-Calais, après avoir traversé Hazebrouck et fait une marche de 30 km. Traversée d’Aire-en-Artois sur la limite du nord. Ville fortifiée entourée d’eau et fermée par des ponts-levis.

 

Jeudi 10 décembre : départ à 22 h 00 (le 9). Après une marche de 25 km, nous arrivons à Pernes-en-Artois à 4 h 00 (repos).

 

Pernes-en-Artois

 

Vendredi 11 décembre : Pernes-en-Artois. Distribution de linges. Je touche chemise, maillot en laine, mouchoir, passe-montagne et foulard. Conseil de guerre.

 

Samedi 12 décembre : revue d’équipement. Remise de décorations. Je touche un cache-nez (don). Don de tabac et de pipes à Pernes-en-Artois.

 

Dimanche 13 décembre : Pernes-en-Artois : À 8 h 00, parade d’exécution sur la place publique du soldat Bertelot du 149e R.I. : cinq ans de travaux publics, ivresse, injures, menaces à son supérieur. Distribution de cartes postales et de pastilles de menthe.

 

Lundi 14 décembre : Pernes-en-Artois. Distribution de chocolat.

 

Mardi 15 décembre : exercices

 

Mercredi 16 décembre : section de service à Pernes-en-Artois

 

Jeudi 17 décembre : départ de Pernes-en-Artois à 7 h 00. Cantonnement à Hermin à 21 km d’Arras. Distribution de vivres de réserve. Cantonnement d’alerte.

 

Hermin

 

Vendredi 18 décembre : Hermin. Je touche du chocolat.

 

Samedi 19 décembre : Hermin. Exercice.

 

Dimanche 20 décembre : départ d’Hermin à 7 h 00 pour Hersin-Coupigny. Cantonnement d’alerte.

 

Hersin-Coupigny

 

Lundi 21 décembre : Hersin-Coupigny

 

Mardi 22 décembre : Hersin-Coupigny

 

Mercredi 23 décembre : Hersin-Coupigny

 

Jeudi 24 décembre : Hersin-Coupigny

 

Vendredi 25 décembre : Noël, je touche une paire de mitaines. Vin chaud.

 

Samedi 26 décembre : Hersin-Coupigny.

 

Dimanche 27 décembre : Hersin-Coupigny Fabrication de chaussons en paille. Hersin-Coupigny. Un paquet de tabac, legs des enfants de France pour Noël. Services aux issues.

 

Lundi 28 décembre : Hersin-Coupigny.

 

Mardi 29 décembre : Hersin-Coupigny. Revue d’effets complets.

 

Mercredi 30 décembre : Hersin-Coupigny. Nous allons réparer des tranchées à Bouvigny.

 

Jeudi 31 décembre : changement de cantonnement à Béthonsart où nous arrivons trempés.

 

Mois de janvier 1915

 

Béthonsart

 

Vendredi 1er janvier : Béthonsart.

 

Samedi 2 janvier : Béthonsart.

 

Dimanche 3 janvier : à 17 h 00, le régiment part pour les tranchées auprès de Mont-Saint-Éloi, près d’Arras. Je reste au dépôt à Béthonsart.

 

Lundi 4 janvier : Béthonsart. Exercices.

 

Mardi 5 janvier : Béthonsart. Exercices.

 

Mercredi 6 janvier : le régiment rentre des tranchées. 3e bataillon, un blessé. 1er bataillon, un capitaine tué, enterré à Béthonsart. Le jour de Noël, les Bavarois fraternisent avec les Français. Échanges de cigares dans les tranchées.

 

Jeudi 7 janvier : Béthonsart. Repos.

 

Vendredi 8 janvier : Béthonsart. Exercice de lancement de bombes à main pour tranchées. Distribution de cadeaux. Je touche une savonnette, des cigarettes et cinq tablettes de chocolat.

 

Samedi 9 janvier : Béthonsart. Revue.

 

Dimanche 10 janvier : Béthonsart. Fabrication de tranchées.

 

Lundi 11 janvier : Béthonsart. Fabrication de tranchées pour exercice.

 

Mardi 12 janvier : départ pour les tranchées. Nous sommes en réserve à 4 km de Mont-Saint-Éloi, bombardé par l’artillerie allemande.

 

Mercredi 13 janvier : mêmes tranchées. Dans la journée, nous travaillons à nettoyer le chemin de relève et nous enterrons deux soldats du 158e R.I., pris dans leur sommeil sous l’éboulement de leur abri.

 

Jeudi 14 janvier : tranchées à 100 m de l’ennemi. Trois kilomètres de boyau de très mauvaises tranchées pleines d’eau et de boue. Pose de fils de fer.

 

Vendredi 15 janvier : retour à Béthonsart dans un état pitoyable.

 

Samedi 16 janvier : barbier à la sucrerie.

 

Dimanche 17 janvier : revue le matin. À 14 h 00, musique sur la place par la musique du 149e R.I.. Je reçois un colis contenant chocolat, pâté et saucisson.

 

Lundi 18 janvier : revue d’armes pour réparation.

 

Mardi 19 janvier : cantonnier, car il y a de la neige.

 

Mercredi 20 janvier : je suis versé aux grenadiers. Nous faisons l’expérience du lancement des bombes.

 

Jeudi 21 janvier : exercices de grenadier. Marche militaire.

 

Vendredi 22 janvier : tir à la cible.

 

Samedi 23 janvier : nous quittons Béthonsart pour Mazingarbe.

 

Mazingarde

 

Dimanche 24 janvier : Mazingarde, grand centre houiller, gentil petit bourg. Nous partons le soir pour les tranchées. Je suis versé aux grenadiers et quitte la compagnie.

 

Lundi 25 janvier : exercices de lancement de bombes. Dans les tranchées à 19 h 30. Les Allemands attaquent et sont repoussés.

 

Mardi 26 janvier : matin exercices de lancement de bombes. L’après-midi, nous allons reconnaître en 1ère ligne pour passer un réseau de fils de fer et lancer des bombes la nuit. Jamais je n’ai vu tant de morts.

 

Mercredi 27 janvier : travaux dans les tranchées et départ le soir pour Sains-en-Gohelle.

 

Sains-en-Gohelle

 

Jeudi 28 janvier : Sains-en-Gohelle.

 

Vendredi 29 janvier : Sains-en-Goyelle. Coucher dans un lit chez M. Martin Léon coté n°10 n° 79.

 

Samedi 30 janvier : Sains-en-Gohelle. Départ à 5 h 30 pour les tranchées à Aix-Noulette. Coucher au cantonnement.

 

Dimanche 31 janvier : travaux dans les tranchées. La neige tombe. Dans la nuit, nous allons faire une sape à 15 m de l’ennemi.

 

Mois de février 1915

 

Lundi 1er février : attaques et contre-attaques le matin. Nous avons repos tout le jour. Je reçois mes colis d’Héloïse.

 

Mardi 2 février : terrassement le matin et toute la nuit. Violentes attaques le matin dans la sape que nous prenons la nuit. Terrassement dans la sape.

 

Mercredi 3 février : nettoyage des boyaux. La 2e section de la 12e compagnie a 2 morts et des blessés. La compagnie entière prend la purge.

 

Jeudi 4 février : fabrication d’abris le soir. À 20 h 00, pose de fils de fer en avant des tranchées. Nous sommes canardés à outrance.

 

Vendredi 5 février : repos le matin. Terrassement l’après-midi. À 20 h 30, départ pour Sains-en-Gohelle.

 

Village de Sains-en-Gohelle

 

Samedi 6 février : Sains-en-Gohelle.

 

Dimanche 7 février : Sains-en-Gohelle.

 

Lundi 8 février : Sains-en-Gohelle. Le soir, départ pour les tranchées de Noulette.

 

Mardi 9 février : travaux dans les tranchées. Abris souterrains.

 

Mercredi 10 février : travaux souterrains.

 

Jeudi 11 février : travaux de déblaiement en 1ère ligne et travaux souterrains.

 

Vendredi 12 février : travaux souterrains.

 

Samedi 13 février : pose d’un réseau de fil de fer.

 

Dimanche 14 février : travaux dans les boyaux et départ pour le repos à Sains-en-Gohelle.

 

Lundi 15 février : Sains-en-Gohelle.

 

Mardi 16 février : Sains-en-Gohelle.

 

Mercredi 17 février : Sains-en-Gohelle. Départ pour Noulette.

 

Jeudi 18 février : Noulette. Terrassement pour canons de tranchées.

 

Vendredi 19 février : terrassement pour canons de tranchées.

 

Samedi 20 février : terrassement en 1ère ligne, pose de fils de fer.

 

Dimanche 21 février : terrassement en 1ère ligne.

 

Lundi 22 février : pose de fil de fer. Terrassement et sape souterraine.

 

Mardi 23 février : visite. Bronchite légère. Départ pour Sains-en-Gohelle.

 

Mercredi 24 février : Sains-en-Gohelle.

 

Jeudi 25 février : Sains-en-Gohelle. Changement de cantonnement.

 

Vendredi 26 février : Sains-en-Gohelle. Départ à 6 h 30 pour Noulette.

 

Samedi 27 février : Noulette. Abris à canon de 37 avec plaques ondulées cintrées. Terrassement d’un boyau reliant la 2e ligne à la 1ère ligne au bois des Boches.

 

Dimanche 28 février : même terrassement au bois des Boches.

 

Mois de mars 1915

 

Lundi 1er mars : les Allemands nous font sauter une tranchée au moyen d’une mine et envoient des bombes. Le lieutenant mitrailleur saute sur la tranchée et va chercher une pièce de la mitrailleuse à 20 m en avant. Toute la nuit, nous travaillons à nettoyer la tranchée. Cette journée nous coûte la vie à 50 hommes.

 

Mardi 2 mars : repos toute la journée.

 

Mercredi 3 mars : départ à 5 h 00 pour le bois des Boches pour travaux de terrassement. À 7 h 00, les Allemands nous font sauter une tranchée et attaquent jusqu’à 9 h 00. Canonnade et fusillade. Ils sont repoussés et toute la journée l’artillerie crache. Ils nous prennent une tranchée. Depuis la Belgique, je n’ai vu chose pareille ! Nous restons là, jusqu’à la nuit, sans pouvoir travailler. À 16 h 00, nous attaquons avec notre artillerie et, pendant une heure, toutes nos pièces crachèrent sur les tranchées. Les Allemands reculent, beaucoup sautent en morceaux et nos mitrailleuses balayent le reste. Pendant la journée, 3000 obus furent lancés. Grosses pertes des deux côtés. De mémoire d’homme, un pareil carnage n’a été vu.

 

Jeudi 4 mars : travaux de tranchées avec le 11e génie. Canonnade toute la journée. Attaque par notre artillerie à 16 h 00, suivie par les chasseurs qui reprennent toute la crête. Un aéroplane français descend un aéroplane allemand. Devant nous, les Allemands fuient en demandant pardon. C’est la garde impériale. La journée est bonne pour nous. Deux mille obus ont été lancés. Le caporal Chalon est tué.

 

Vendredi 5 mars : travaux aux casemates blindées pour poste de commandement. La canonnade est un peu moins violente que la veille.

 

Samedi 6 mars : à 4 h 00, nous portons des tôles pour abris du poste de commandement. Tués : Moret, Chalon, Lebranc du 4 mars. Départ le soir pour Noeux-les-Mines.

 

Dimanche 7 mars : Noeux-les-Mines et Olhain. Commune de Frésnicourt.

 

Olhain

 

Lundi 8 mars : Olhain. Nous touchons des capotes neuves.

 

Mardi 9 mars : Olhain. Je sers de témoins pour la mort de Lebranc. Je touche un jersey, deux mouchoirs, une paire de chaussettes, un caleçon.

 

Mercredi 10 mars : Olhain. Nous allons aux douches chaudes à Barlin.

 

..................

 

Samedi 27 mars : Bouvigny. Enterrement de Dubreuil, service religieux par l’aumônier militaire. Le soir, à 18 h 00, je vais aux vêpres.

 

 

Dimanche 28 mars : Rameaux. Messe à 9 h 00 dans la chapelle de Bouvigny et à 11 h 00 à Marqueffles en plein air.  À 14 h 00, décoration de la croix de Saint-Georges à deux infirmières et concert sur la place de Bouvigny.

 

Lundi 29 mars : nous fabriquons des hérissons. Départ pour Marqueffles à 17 h 00 et la nuit pause de hérissons.

 

Mardi 30 mars : repos toute la journée. Le soir, à 17 h 00, travaux de nuit.

 

Ici s’achève le carnet rédigé par Eugène Coffinet. Ce soldat est tué le lendemain.

 

Son carnet fut probablement restitué à la famille avec quelques effets personnels après son inhumation.

 

Pour en savoir plus sur Eugène Coffinet, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

Eugène Coffinet

 

Sources :

 

Carnet inédit rédigé par le soldat Eugène Coffinet.

 

Pour une meilleure lecture, les communes et les noms propres qui étaient mal écrits ont été orthographiés dans leur nom d’origine.

 

Je remercie tout particulièrement Monsieur G. Coffinet qui m’a donné son autorisation pour que je puisse retranscrire ici le carnet de son grand-père.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à G. Coffinet et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

14 février 2020

Melchior Louis Victor Cuénin (1893-1915)

Melchior Louis Victor Cuenin

 

Melchior Louis Victor Cuénin est né le 29 septembre 1893 à Les Fontenelles, un petit village du nord-ouest de la France, situé dans le département du Doubs.

 

Ses parents se sont mariés le 8 mai 1889. À la naissance de Louis, son père, Jules Constant, alors âgé de 35 ans,  travaille comme horloger, une profession qui occupe une place prépondérante dans l’économie locale. Sa mère, Marie Thérèse Pagnot, a 32 ans. Elle gère le foyer et prend déjà soin de la petite Hélène née en 1890. Louis est le second d’une fratrie composée de sept enfants.

 

En 1906, la famille Cuenin est installée à Bonnétage, une commune avoisinante de Les Fontelles.

 

Louis quitte l’école communale en ayant un degré d’instruction de niveau 2. Il possède donc les bases de l’écriture et de la lecture.

 

Son père finit par abandonner son métier d’horloger, certainement trop peu rémunérateur pour nourrir une grande famille. En 1911, il travaille comme cultivateur.

 

L’année de ses vingt ans, Louis passe devant le conseil de révision réuni à la mairie de Russey. Il est classé dans la 5e partie de la liste de la classe 1913. Son état de santé ne lui permet donc pas d’effectuer ses obligations militaires. La frustration fut probablement grande. À cette époque, le fait de ne pas pouvoir revêtir l’uniforme pouvait être désapprouvé par ses proches. Louis retourne aussitôt à son métier de cultivateur.

 

Le 12 novembre 1913, la commission de réforme de Besançon le maintient dans le statut d’ajourné pour faiblesse.

 

L’année suivante, Louis Cuénin repasse devant le conseil de révision. Il est à nouveau maintenu dans la 5e partie de la classe. Cette décision est validée par la commission de réforme de Besançon qui s’est réunie le 30 juin 1914.

 

Lorsque la guerre entre l’Allemagne, la France et leurs alliés mutuels débute en août 1914, Louis Cuénin travaille toujours dans les champs. Les récoltes sont proches.

 

Tous les exemptés du canton doivent se présenter à nouveau devant le conseil de révision de Russey. Pour la troisième fois de sa vie, Louis est examiné par la médecine militaire qui doit statuer sur son sort. Cette fois-ci, elle le juge apte aux devoirs militaires. Pourquoi un tel changement ?

 

Les pertes du début du conflit furent tellement importantes que le conseil de révision est devenu bien moins « conciliant » avec les éventuelles recrues un peu fragiles. Louis se retrouve ainsi inscrit dans la 1ère partie de la liste de la classe 1915.

 

Cette classe est appelée par anticipation dès le mois de décembre 1914. Quelque temps auparavant, le facteur du village apporte à Louis sa feuille de route qui lui apprend son affectation au  sein du 170e R.I..

 

Abandonnant la charrue pour le fusil du soldat, Louis fait ses adieux à la famille avant de se rendre à la gare la plus proche. C’est probablement la première fois de sa vie qu’il prend le train. Il y a peut-être un peu d’appréhension à l’idée de devoir partir aussi loin de chez soi, surtout en période de guerre.

 

Le 16 décembre 1914, il arrive à la caserne Contades qui se trouve à Épinal.

 

Caserne Contades 1

 

Sa formation militaire est plutôt expéditive. Il lui faut assimiler en quelques mois ce qu’un soldat doit habituellement apprendre en trois ans.

 

Une fois les bases du métier de fantassin acquises, Louis est envoyé dans la zone des armées.

 

La date de son arrivée sur le front n’est pas connue. Nous savons simplement qu’il a été affecté au 149e R.I. à partir du 1er mai 1915. Ce régiment combat en Artois depuis la fin de l’année 1914 dans un secteur difficile.

 

À partir de cet instant, le soldat Cuénin participe à tous les engagements impliquant sa compagnie. La région de Noulette est régulièrement malmenée au cours des semaines suivantes. Plusieurs attaques françaises ont lieu au cours du mois de juin. Louis sort indemne de ces épreuves.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe de nouveau à une attaque de grande ampleur. Cette fois-ci, il est le régiment de réserve de la division. Toute la 43e D.I. est impliquée. Il faut absolument prendre le bois en Hache aux Allemands.

 

Le lendemain, deux bataillons du régiment spinalien passent à l’offensive. Après l’attaque, Louis ne répond plus« présent » à l’appel des effectifs. Il fut probablement inscrit dans la liste des disparus du régiment pour cette journée de combat.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Lieutenant-colonel Gothie 26 septembre 1915

 

Son décès est officiellement prononcé à la date du 26 septembre 1915,  suite au jugement qui a été rendu par le tribunal civil de Montbéliard du 23 décembre 1920. Plus de cinq ans après sa disparition !

 

Le soldat Cuénin fut décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 16 mai 1922).

 

« Brave soldat, tombé glorieusement pour la France le 26 septembre 1915 à Angres. Croix de guerre avec étoile de bronze. »

 

Cette décoration lui donne également droit au port de la croix de guerre avec étoile de bronze.

 

Louis Cuénin est décédé trois jours avant de fêter ses 22 ans avec ses camarades d’escouade. Actuellement, il repose peut-être dans un des ossuaires de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Le nom de ce soldat est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Bonnétage qui a été érigé en 1920.

 

Après recherche, il ne semble pas y avoir de fiche au nom de Louis Cuénin sur le site des archives du C.I.C.R.. «  Prisonniers de la Première Guerre mondiale ».

 

L’inexistence d’une telle fiche, une déclaration tardive du jugement qui officialise la date de son décès et l’absence de liste des pertes du 149e R.I. pour la journée du 26 septembre n’ont pas permis l’identification du numéro de sa compagnie.

 

Pour consulter la généalogie de la famille Cuénin (incomplète), il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

Geneanet

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services et les registres de recensements des communes de Les Fontenelle et de Bonnétage ont été lus sur le site des archives départementales du Doubs. Les registres d’état civil de ces communes ne sont pas encore accessibles en ligne.

 

Livre d’or « Les enfants du canton de Russey 1914-1918 ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

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