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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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29 avril 2016

Une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Albert_de_Longeaux_1

En juin 1917, le commandant Albert de Longeaux fait le tri dans ses papiers. Il retrouve des documents concernant le sous-lieutenant Maurice Gaudin. La période de Verdun lui revient en mémoire, les souvenirs douloureux se ravivent…

Il décide de prendre le temps d’écrire une lettre à Madame Gaudin, l’épouse de son subordonné.

Madame,

Je retrouve dans mes papiers quelques feuilles qui portent des notes prises par votre regretté mari pour son service d’adjoint au chef de bataillon. Ces feuilles sont une preuve du soin qu’il apportait à l’accomplissement de ses devoirs militaires. Je prends la liberté de vous les envoyer sachant bien que les moindres souvenirs de l’héroïque défunt vous sont extrêmement précieux.

C’est très intentionnellement, Madame, que j’applique l’épithète d’héroïque à votre mari.

Je n’ai connu, en trois ans, aucun militaire qui neméritât autant que lui ce qualificatif.

J’admire particulièrement les officiers de réserve d’infanterie, et, parmi ceux que j’ai connus, c’est le souvenir de votre mari qui entraîne plus particulièrement l’admiration. Il avait le pressentiment de sa mort prochaine dès le jour où le l’ai rencontré. Il était sans cesse angoissé par la pensée de votre avenir à vous et à votre petite fille. Cependant, personne ne s’en doutait, sauf notre ami, son « petit-fils » Jacques Rousset, qui était son confident.

Il faisait son service avec une scrupuleuse exactitude, sans tenir compte ni de la fatigue, ni du danger. Il était toujours prêt à marcher. Non seulement cela, malgré ses angoisses pour vous et sa fille, il était toujours d’une humeur charmante, très gai, plein d’entrain et bienveillant pour tous.

Dans la nuit du 7 au 8 mars 1916, celle qui a précédé sa blessure mortelle, nous étions au bois des Hospices. Il vit que pour dormir, je n’avais rien sous moi. Sans rien me dire, il s’occupa de trouver un brancard d’ambulance. Au bout d’une heure de recherches, il me l’apporta lui-même.

Le lendemain, vers cinq heures du soir, j’appris qu’il avait un bras cassé et au côté, une plaie qu’on disait légère. Je n’ai pu aller jusqu’à lui. Le 9, j’étais blessé moi aussi.

J’ai su plus tard qu’à la relève, brusquement, les camarades s’étaient trouvés en face de sa tombe.

Oui Madame, votre mari restera pour moi le type de héros le plus pur. Celui qui sacrifie pour l’honneur et pour la patrie, sans bruit, sans phrases, sans éclat, tout ce qu’il aime et tout ce qu’il a, sans parler de lui – même ; celui qui sait que ce sacrifice lui sera demandé et qui va au-devant, sans faiblesse. Celui enfin qu’on ignore et qu’on ne récompense pas.

Depuis le 6 mars, je ne commandais plus rien au 149e R.I..

Je n’ose espérer, Madame, que ces quelques mots d’un inconnu soit un adoucissement à votre douleur qui ne saurait accepter de consolation. Votre mari disait : « Si je suis tué, la Providence s’occupera de ma femme et de ma fille. » Je souhaite vivement que cette protection se manifeste sur vous de la façon la plus heureuse et la plus constante. Et, daignezagréer, Madame, l’hommage de mon plus profond respect.

Commandant de Longeaux

Le 19 juin 1917

1er Hussard, S.P. 229

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Maurice_Gaudin_

Pour en savoir plus sur le commandant Albert de Longeaux, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Albert_de_Longeaux_2

Sources :

La lettre rédigée par le commandant Albert de Longeaux provient de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly et  à A. Carobbi.

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