Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

Archives
27 août 2021

Simon Vivier (1879-1918)

Simon Vivier

 

Originaire du Puy-de-Dôme, Simon Vivier voit le jour le 18 mai 1879, aux Gabots, un lieu-dit dépendant de la commune de Saint-Quintin-sur-Sioule.

 

Son père, Jacques, est un travailleur de la terre. Il a 30 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Antoinette Lesbre, est âgée de 19 ans. Elle n’exerce pas d’activité professionnelle.

 

Les témoins, Gervais Vérillon et Annet Thomas, accompagnent Jacques à la mairie du village pour officialiser l’arrivée du nouveau-né. Les trois cultivateurs signent le registre d’état civil en présence de l’adjoint au maire François Glomond.

 

Une sœur naît en 1883.

 

 

La fiche signalétique et des services de Simon Vivier indique un degré d’instruction de niveau 3. Il maîtrise la lecture, l’écriture et l’arithmétique.

 

Devenu cultivateur à la fin de sa scolarité obligatoire, l’adolescent travaille dans l’exploitation agricole tenue par son père.

 

Simon Vivier est un homme robuste. Il ne montre pas de signe particulier de faiblesse lorsqu’il se présente devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie du canton de Merat. Il est automatiquement classé dans la 1ère partie de la liste par la médecine militaire.

 

Le futur conscrit est incorporé au 92e R.I. de Clermont-Ferrand. Simon doit se présenter à la caserne le 15 novembre 1900.

 

À l'instruction, ses supérieurs observent ses bonnes capacités militaires. Son capitaine le fait inscrire au peloton des élèves caporaux. Simon Vivier accède à ce grade le 6 octobre 1901. Il est nommé sergent le 23 mai 1903.

 

Simon Vivier est envoyé dans la disponibilité de l’armée active le 19 septembre 1903. Le temps de la conscription est maintenant terminé. Il vient de passer près de trois ans sous l’uniforme. Le jeune homme peut rentrer au pays avec son certificat de bonne conduite en poche.

 

Dès son retour, il retrouve sa vie de paysan à la ferme paternelle. 

 

Entre le 9 mars et le 8 avril 1906, Simon Vivier doit à nouveau endosser sa tenue de sous-officier pour accomplir sa première période d’exercice à la caserne d’Anterroche ; celle-ci abrite le 105e R.I.. Il n’est fait aucune mention de sa deuxième période d’exercice sur sa fiche matricule.

 

Le 12 janvier 1907, il épouse Angèle Thomas, une jeune femme âgée de 17 ans. Le couple aura deux enfants, Yvonne, née en 1908 et Roger, né en 1911.

 

Jacques, Antoinette, Simon, Angèle, Yvonne et Roger vivent sous le même toit jusqu’à l’arrivée de la 1ère guerre mondiale.

 

Le 1er août 1914, la France rappelle ses réservistes. Un nouveau conflit contre l’Allemagne ne peut plus être évité.

 

Simon Vivier se prépare à abandonner les travaux agricoles. Un coup d’œil sur le livret militaire pour s’apercevoir qu’il a encore quelques jours devant lui. Il doit être au dépôt du 105e R.I., à Clermont-Ferrand, pour le 10 août.

 

Le sergent Vivier est nommé adjudant le 15 septembre 1914. Trois jours plus tard, ce changement de grade entraîne son affectation au 138e R.I., à Magnac-Laval. Des signes de faiblesse apparaissent.

 

Le 27 novembre 1914, la commission spéciale de Magnac-Laval constate une hernie inguinale au côté droit.

 

Ce problème de santé empêche un envoi rapide au front, mais il reste insuffisant pour un motif de réforme. Le colonel commandant la subdivision de Magnac-Laval le fait classer dans le service auxiliaire à partir du 2 janvier 1915. l'adjudant Vivier reste donc au dépôt, à disposition de l’armée.

 

Les informations inscrites sur sa fiche matricule empêchent d’affirmer une présence au front entre son arrivée à la caserne et son passage dans le service auxiliaire.

 

Cette situation dure jusqu’au début du mois de mars 1916. Le 5, la commission spéciale de Magnac-Laval le reconnaît de nouveau « bon pour le service armé ».

 

À partir de cette date, sa fiche signalétique et des services indique plusieurs changements d’affectations sans donner plus de précision.

 

Le 21 septembre 1916, il est au 165e R.I.. C’est dans cette unité qu’il apprend  le décès de sa fille Yvonne. Le 29 décembre 1917, Simon Vivier est muté au 9e R.I..

 

Le 24 mars 1918, l’adjudant Vivier est affecté au 149e R.I.. Une fois de plus, les éléments fournis par sa fiche matricule ne permettent pas de confirmer sa présence au sein du régiment actif durant les offensives allemandes de mai et de juillet 1918. La date exacte de sa prise de commandement d’une des sections de la 7e compagnie reste donc inconnue.

 

Il participe à la bataille de Champagne et d’Argonne qui débute à la fin du mois de septembre. Le 3 octobre 1918, au cours d’une attaque, il est mortellement blessé dans le secteur du village d’Orfeuil. Le sous-officier Vivier meurt à l’âge de 39 ans. Son acte de décès est transcrit à la mairie de Saint-Quintin-sur-Sioule le 10 avril 1919.

 

Il laisse une veuve et un orphelin qui devient pupille de la nation le 22 octobre 1919.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

Carte journee du 3 octobre 1918

 

L’adjudant Vivier a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 11 août 1922) :

 

«Énergique et brave sous-officier, tombé glorieusement pour la France, le 3 octobre 1918, en accomplissant tout son devoir devant d’Orfeuil. »

 

Cette citation lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze.

 

Il n’existe pas de sépulture individuelle militaire qui porte son identité.

 

Le nom de ce sous-officier est inscrit sur deux tombes différentes dans le cimetière de Saint-Quintin-sur-Sioule. La première est une sépulture familiale. La seconde ressemble à un lieu de mémoire.

 

Sépultures cimetière communal de Saint-Quintin-sur-Sioule

 

Sources :

 

Le registre matricule de l’adjudant Vivier, les registres d’états civils et de recensement ont été consultés sur le site des archives de l’Isère et du Vaucluse.

 

Le portrait de Simon Vivier et les photographies de sépultures ont été trouvés sur le site « Généanet ».

 

La généalogie de la famille Vivier a été reconstituée à partir de plusieurs arbres consultés sur le site « Généanet ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, aux archives départementales de l’Isère et du Vaucluse et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

20 août 2021

3 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

3 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I. a relevé le 21e R.I. au bois la Croix dans la soirée du 2 octobre.

 

C’est un régiment épuisé par ses efforts lors des 26, 27 et 28 septembre qui doit reprendre le combat.

 

La 43e D.I. doit absolument faire tomber le village d’Orfeuil. L’aumônier Henry, toujours aux premières loges, quitte le P.S. de la voie ferré pour se rendre au P.C. du colonel Vivier. Informé de la situation du régiment, il décide de rejoindre les lieux des combats en accompagnant les brancardiers.

 

Témoignage de l’abbé Henry : poste de secours de la voie ferrée - P.C. du bois des Ronces

 

Messe à 7 h 00.

 

Le colonel s'est déplacé. Il est maintenant au bois des Ronces sur le promontoire qui suit le vallon de "Brunnen Grund". Le docteur Rouquier propose d'aller le rejoindre aussitôt après déjeuner. Le plus tôt possible sera le mieux, car nous sommes ici beaucoup trop à l'arrière.

 

Mandé au G.B.D., je me hâte de faire cette course. Le G.B.D. est avec tous les T.C., dans les bois de la Fouine et prolongement de la tranchée de Gratreuil.

 

Mal renseigné, j'ai cherché trop loin. Cela m'a permis de jeter un coup d'œil sur ce coin des cimetières boches, du bois de La Fouine. En quelques jours, quels changements ! On se croirait ici à l'arrière, pas un coin inoccupé. Quelle smala ! Enfin, je trouve M. Fourneret, M. Husson et compagnie et enfin M. Erny et tout le train du G.B.D.. À la tranchée de Gratreuil, le 21e relevé par nous, repose. Vu l'abbé Massot.

 

M. Rouquier parti en excursion ne rentre pas et l’heure s'avance et les événements là-bas se précipitent et nous ne sommes pas à notre place ! Qu'il me tarde de le voir revenir !

 

En attendant, je note en hâte les événements de la matinée :

 

5 h 30. Forte canonnade boche. Aussitôt, réplique générale de notre part. La gauche, dont le retard constant depuis huit jours a été la source de nos principales difficultés et de nos pertes, semble vouloir se mettre à l'alignement. C'est du moins ce que je crois pouvoir conclure des dires d'un blessé du 17e R.I. qui, à 6 h 30 ce matin, est venu échouer au P.S. du 21e.

 

Deux bataillons américains ont été adjoints à la 170e division qui est à notre gauche. Ils sont arrivés cette nuit et doivent attaquer sur la ferme de Médéah. C'est cette attaque qui a dû être déclenchée ce matin.

 

10 h 00. Vu le capitaine bourgeois du 21e qui me donne quelques explications supplémentaires. L'attaque s'est déclenchée sur tout notre front.

 

Le 149 a relevé cette nuit le 21e au bois la Croix. Le 149 a commencé son attaque ce matin en liaison avec la 170e à gauche et les chasseurs à droite.

 

Orientation de l'attaque : du sud-est au nord-ouest. Objectif du 149 : le Pylône.

 

C'est aux chasseurs que revient l'honneur de prendre Orfeuil. Le capitaine Bourgeois n'est pas très rassurant. J'ai peur, d'après ce qu'il dit, que notre commandement parte sur des données fausses.

 

On table sur des rapports d'avions. Mais qu'est-ce que cela vaut ? D'après les rapports d'avions, il n'y aurait à Orfeuil que la valeur de deux compagnies et demie. Et puis derrière, plus rien, ni personne ! Les troupes qui sont là seraient de qualité médiocre…

 

Ah ! Pardon ! Là, je vous arrête ! Les troupes boches qui défendent Orfeuil sont au contraire excellentes. Ces Boches se font tuer sur place plutôt que de reculer. Si tous les renseignements fournis par les avions sont comme celui-là, c'est du fameux !

 

11 h 30. Je laisse M. Rouquier se reposer de sa course matinale, et sans plus attendre, je vais tâcher de rejoindre le P.C. du colonel.

 

La Pince. La Chèvre. L'artillerie est déjà en batterie par ici. En chemin je trouve plusieurs tanks amochés dont quelques-uns ont brûlé.

 

Grande route de Somme Py à Aure.

 

Au bord de la route, les G.B.D. 170 et 43 ont établi leurs postes avancés et leurs autos. Les blessés ne manquent pas. Là, j'apprends que la lutte a été acharnée ce matin. Le 1er bataillon a été fort éprouvé ainsi que le 2e. Bihr, Vincent, Pradel sont blessés. Bihr par éclat d'obus au pied.

 

Des canons boches tiraient à bout portant, débouchant à zéro. Vincent a été blessé traîtreusement par un Boche faisant partie d'un groupe qui s'était rendu. Une balle lui a cassé le bras. Ils étaient une vingtaine de Boches. Inutile de dire que le châtiment ne s'est pas fait attendre. Le groupe a été aussitôt abattu, à l'exception d'un Feldwebel gardé pour le service de renseignements. Décidément, ces Boches veulent pousser à bout nos soldats !

 

Quant à Pradel, sa blessure, paraît-il, est légère. La lutte devant Orfeuil a pris le caractère d'un véritable drame. On s'est battu à la gare du Tacot. La 5a fait de vrais prodiges, mais il a été impossible d'aller plus loin ; les chasseurs n'ont pu arriver au rendez-vous.

 

Je n'ai que des renseignements fragmentaires, incomplets ; je les recueille en cours de route. Le peu que j'en apprends me permet de juger que la lutte a dû être terrible ! Les trois officiers blessés venaient de partir en auto, quand je suis arrivé. Que je regrette de n'avoir pu leur serrer la main.

 

Nos avions, comble de guigne, nous ont bombardés. Dans les fluctuations de la bataille, la ligne est si mal définie, si instable, si mouvante que tout le monde s'y trompe, avions, canons et même états-majors.

 

Un rayon dans ce tableau noir et sombre. À notre gauche, les Américains ont fait du bon travail. Ils ont pris la ferme de Médéah et capturé un grand nombre de Boches. Tuyau d'agents de liaison qui ont vu les groupes de Boches prendre par centaines le chemin de l'arrière. Bien entendu, il y a eu de la casse chez les Américains.

 

"Brunnen Grund". Vallon étroit, resserré. C'est ici, dans les abris boches, que le 2e bataillon a son P.S.. Ici passent tous les blessés. Il continue d'en arriver dont quelques-uns sont mourants. Il ressort des rapports des blessés que nous ne sommes pas à Orfeuil.

 

Malgré leur héroïsme, nos troupes n'ont pu enlever le morceau ; elles restent accrochées aux pentes, mais leur situation est difficile, le terrain étant balayé par les mitrailleuses boches et battu par leur artillerie. Si l'on s'obstine à rester là, tous y passeront sans profit. À la nuit, on fera bien de revenir au bois La Croix.

 

Dans ce vallon, tout près d'ici, un grand hangar. C'était la demeure du ballon dit d’Orfeuil. La lisière du bois, en face du poste, 7 ou 8 chevaux tués. Chevaux boches, dit M. Rouquier, preuve que quelques-uns de nos obus ont porté.

 

Bois des Ronces

 

15 h 00. M. Rouquier se rend au P.C. du colonel qui est à 500 m d'ici, de l'autre côté du vallon, sur l’éperon du bois des Ronces. Je l'accompagne. Là, tout le monde est absorbé par son travail ; les fronts sont soucieux, ce n'est pas le moment de poser des questions.

 

 « Saintot est blessé, peut être tué ! » C'est Michet qui m'annonce ce nouveau coup. Et en route ! Il faut que j'aille voir ce qu'il en est. Justement, une équipe du 1er bataillon repart, dont Chaudron. Elle va nous servir de guide.

 

Saintot blessé ! Mon Dieu ! Pourvu qu’il ne soit que blessé et pas mortellement. Je m'en vais aussi vite que possible à la suite des brancardiers, incapable de plus penser à autre chose, le cœur complètement à la dérive. Oh ! Que le trajet me paraît long ! « Fuchs Grund », puis Fond d'Aure et enfin cet interminable plateau de la tranchée d’Aure ! Il me semble que nous n'arriverons jamais, les balles sifflent sur le plateau dénudé, venant de la gauche.

 

Et puis que se passe-t-il au juste ? Voici toute l'artillerie déchaînée. Un peu partout dans le voisinage, les obus tombent ; M. Rouquier ne suit plus. Tant pis ; coûte que coûte il faut arriver !

 

Enfin le voilà traversé ce plateau de la tranchée d'Aure. Ah ! je comprends que le 21e ait eu de la peine à enlever un tel morceau !

 

Encore un vallon ! Puis un nouvel éperon qui sur la carte porte pour mention unique V12. C'est ici, à l'entrée d'un trou au fond duquel j'aperçois une descente d'abris où le commandant Fontaine a son P.C. J'aperçois Bonnefous.

 

V12 et bois la Croix

 

« Et Saintot ? » Un geste désolé de Bonnefous m'enlève toute espérance. « Il est certainement tué, d'après ce qu'on dit. Impossible d'y aller avant la nuit. Je sais à peu près où il est et sitôt que ce sera possible j'enverrai une équipe le chercher ».

 

Pauvre Saintot ! Pauvre ami ! Il fallait celui-là encore. Mon Dieu, je ne suis pas meilleur que mes frères ; pourquoi suis-je ici puisque tous disparaissent ? "Fiat Voluntas tua" (Que ta volonté soit faite).

 

16 h 00. Attaque générale. De notre P.C., on voit parfaitement le bois La Croix qui part du pied de la vallée un jusqu’à la hauteur d’Orfeuil, découpant sur tout ce versant un rectangle parfait avec à droite et à gauche, le terrain dénudé. Nos hommes sont dans le bois La Croix.

 

C’est de là qu’ils doivent partir en direction du Pylône sur la gauche. Toutes les tentatives qu’ils font sont immédiatement remarquées par l’ennemi et accueillies par un feu d’enfer. Ils vont quand même, les braves petits ! Avancer sous les balles, du moment qu’ils en ont reçu l’ordre, ils le feront.

 

Maintenir leur avance, déloger l’ennemi, ils ne le peuvent qu’à condition que leur mouvement soit suivi, appuyé à droite et à gauche. Anxieusement, nos yeux scrutent la crête à droite ; nous ne voyons pas déboucher les chasseurs. À gauche, c’est le 170 qui opère. Hélas ! Non seulement il n’avance pas, mais il semble reculer.

 

Ce qui rend la situation délicate c'est que le 170 avait un gros effort à faire pour se porter à la hauteur du 149. Le voilà maintenant qui recule non pas à la hauteur de notre première ligne, pas même à la hauteur du P.C. du commandant où nous sommes, mais sur la crête qui est en arrière de nous, sur la tranchée d'Aure ! Cela devient inquiétant.

 

Ordre de surveiller attentivement ce qui se passe derrière nous ; ordre de s'équiper et de se tenir prêt à se déplacer s'il est nécessaire ! Minute tragique ! L'ennemi est en face, l'ennemi est sur notre flanc, l'ennemi, d'un instant à l'autre, peut-être derrière nous ! Heureusement, la panique semble s'arrêter !

 

Le 170 se ressaisit. On voit tous les soldats qui retraitaient en désordre à travers bois, repartir de l'avant. En de telles circonstances, on juge les hommes.

 

J'admire sans réserve les officiers de notre 3e bataillon. Pas une minute d'affolement. Le capitaine Prenez se multiplie ; il a l'œil, il regarde et surveille partout à l'avant, à l'arrière, partout où il y a du danger ; il voit tout, pas un mouvement intéressant ne lui échappe.

 

Le commandant Fontaine reste calme, il ne s'émeut pas, il garde même le sourire ; un coup de téléphone, il écoute à l'appareil ; à mon regard anxieux et malgré moi interrogateur, il répond par une exclamation comique : « Devinez ce qu'on me demande d'urgence en ce moment ? Le matricule exact d'un type !… Message de priorité… c'est à mourir de rire ! » Ça, en effet, ça dépasse tout !

 

À notre gauche, placée je ne sais où, il y a une mitrailleuse boche qui nous observe et qui nous empoisonne littéralement. Dès que quelques têtes se lèvent - et les têtes ne peuvent pas être cinq minutes sans se lever –, dès qu'un type se met à circuler – et il faut bien qu'on circule – la satanée mitrailleuse se met à balayer le plateau. Comment diable peuvent-ils nous voir à travers les arbres ?

 

Le capitaine Prenez qui n'est pas pour rien un ancien mitrailleur a fait couvrir notre flanc par les mitrailleuses du lieutenant Signé. Il estime qu'il n'y a qu'un moyen de faire taire les mitrailleuses boches, c'est de mettre en face d'elles un nombre égal et, si possible, supérieur de mitrailleuses françaises. « Il faut, dit-il, marcher derrière un rideau de feu ! Le feu ! Le feu ! Il n'y a que ça ! »

 

16 h 45. Nos canons se taisent. Que se passe-t-il en face de nous ? À la lisière du bois La Croix, on voit des types qui descendent… d'autres remontent. Le commandant Fontaine se trouve fort embarrassé pour téléphoner les résultats de l'attaque. Il semble bien qu'elle n'ait pas donnée grand-chose. Et d'ailleurs, que peut faire le 149, déjà en pointe trop avancée ? Ce n'est pas de lui que dépend le succès de la manœuvre, mais de ses voisins qui restent en arrière.

 

Les chasseurs ne semblent pas être arrivés à Orfeuil, puisque d’Orfeuil, on tire toujours sur nous. Quant au 170, à notre gauche, il a commencé par faire mouvement en arrière ; puis il est revenu à son point de départ et s'est arrêté ! « Le 170 ne décolle pas ! C'est malheureux ! », c'est le capitaine Prenez qui s'exprime ainsi ! Au-delà du bois La Croix on voit monter au ciel un gros nuage de fumée. Qu'est-ce qui brûle ainsi ? Un tank ? Une maison d'Orfeuil ? D'ici on ne peut se rendre compte.

 

17 h 00. Tout se calme. Les mitrailleuses seules de temps en temps égrènent leurs balles. La nuit vient. On commence à faire le bilan de cette journée. Elle est franchement mauvaise. Les objectifs n'ont pas été atteints. Orfeuil est toujours aux mains des Boches. Et pourtant on s'est battu, et bien battu !

 

Nos pertes sont nombreuses, douloureuses ; le 1er et le 2e bataillon sont hors de combat. Il n'y a plus que le 3e qui puisse encore faire figure, et quelle triste figure ! Allons ! Pauvre régiment martyr ! Encore une fois, tu boiras le calice jusqu'à la lie ! Jusqu'au bout, jusqu'au dernier, tu marcheras !

 

La nuit vient. Une grande tristesse descend avec les ténèbres sur les âmes et sur les choses ! J'ai eu ce soir l'impression de revivre les plus mauvaises journées de 1915, journées maudites, ou le « matériel humain » était compté pour rien ! Où l'on gaspillait à tort et à travers des existences précieuses !

 

Retour au P.C. du colonel, par vallons et coteaux boisés, en pleines ténèbres ! En compagnie d'un blessé du 170 que je mène à son P.C. au « Brunnen Grund ».

 

De là, je reviens au bois des Ronces ; non sans m'être quelque peu égaré à travers bois.

 

Au P.C., la fatigue accable les corps, la tristesse clôt les lèvres. Le lourd silence des mauvais soirs de mauvaise bataille pèse sur toutes choses comme une chape de plomb.

 

Au P.S., établi à 50 m de là, j'ai trouvé un coin pour m'étendre sur une toile de tente.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Les morceaux de carte sont extraits du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

13 août 2021

Alfred Louis Hommage (1895-1918)

Alfred Louis Hommage

 

Originaire du département du Vaucluse, Alfred Louis Hommage voit le jour le 27 février 1895 dans la maison parentale, au Pontet, à Avignon.

 

Son père, Henri François Marius, travaille comme employé de commerce. Il a 29 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Anaïs Joséphine Allot, est âgée de 24 ans. Elle n’exerce pas d’activité professionnelle. Elle se consacre entièrement à l’éducation d’un premier garçon, à l’entretien du domicile familial et aux tâches quotidiennes.

 

Le contremaître Paul gaillard et l’employé Siméon Valette accompagnent le père à la mairie d’Avignon pour signer l’acte de naissance d’Alfred en tant que témoins. Les trois hommes sont reçus par l’adjoint délégué du maire Joseph Jacob.

 

Henri François Marius et Anaïs Joséphine auront encore deux enfants.

 

Le degré d’instruction d’Alfred Hommage ne figure pas sur son registre matricule. Cette fiche nous indique simplement qu’il exerçait le métier de mécanicien juste avant d’accomplir ses obligations militaires.

 

En 1914, le jeune Hommage se présente devant le conseil de révision d’Avignon-nord qui le déclare « bon pour le service armé ». La guerre est proche. Le gouvernement français décrète la mobilisation générale le 1er août 1914. La classe d’Alfred est appelée par anticipation.

 

Il est incorporé au 16e R.I. le 17 décembre 1914. Le lendemain, il se présente à la caserne d’Estaing implantée à Clermont-Ferrand.

 

Très rapidement, le soldat Hommage montre des signes de faiblesse qui ne sont pas dus à sa taille de 1,53 m. Il est atteint de bacillose pulmonaire et la commission spéciale de Montbrison, lors de sa séance du 11 mars 1915, lui accorde le statut de réformé n° 2. Alfred peut rentrer chez lui. Il se retire à l’Oseraie sur le canton de Bedarrides.

 

C’est à la suite de la loi du 17 août 1915 qu’il repasse devant la commission de réforme d’Avignon le 10 septembre 1915. Alfred Hommage est considéré comme étant de nouveau apte aux obligations militaires. Le 27 septembre 1915, il doit rejoindre le dépôt du 40e R.I. à Nîmes.

 

Le 18 mars 1916, le soldat Hommage est incorporé au 149e R.I.. Ce régiment vient de subir des pertes importantes dans le secteur de Verdun.

 

La fiche matricule de cet homme ne mentionne pas la date de son arrivée au sein du régiment actif. Seule une citation confirme sa présence en première ligne le 7 novembre 1916. Alfred est agent de liaison.

 

Un album photographique ayant appartenu à un officier non identifié de la 5e compagnie du 149e R.I. montre le soldat Hommage à deux reprises. Son nom, mentionné en légende, est accompagné du sobriquet « Petitou » au regard de sa petite taille.

 

Album du 149e R

 

Cet album laisse supposer une participation à la bataille de la Malmaison du  23 octobre 1917.

 

Alfred Louis Hommage et les camarades

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Bataille de la Malmaison

 

Le 149e R.I. s’oppose ensuite à deux offensives allemandes, une première fois à la fin mai 1918, une seconde fois le 15 juillet 1918. Si sa participation à ces évènements n’est pas prouvée, elle reste tout à fait probable.

 

Début octobre 1918, Alfred Hommage assiste à la bataille de Champagne et d’Argonne. Il trouve la mort sur le champ de bataille le 3 octobre 1918, vraisemblablement comme agent de liaison. Il était âgé de 23 ans. La famille habitant au Pontet (Croisière) a été avisée le 18 décembre 1918.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 3 octobre 1918

 

Décorations obtenues :

 

Citation à l’ordre de la division n° 176 en date du 21 novembre 1916 :

 

« Excellent agent de liaison, le 7 novembre 1916, pendant l’attaque, pendant l’organisation de la position conquise, a transmis les ordres sous les plus violents feux de barrage et de mitrailleuses et n’a pas hésité à retourner à plusieurs reprises vers un point où trois de ses camarades s’étaient fait tuer, l’un après l’autre. »

 

Alfred Louis Hommage a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 7 juin 1921) :

 

«Très brave soldat, a toujours fait l’admiration de tous par son courage et son sang-froid. Est tombé au champ d’honneur, le 3 octobre 1918, en se portant à l’attaque d’Orfeuil. »

 

Cette citation lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de vermeil.

 

 

Le soldat Hommage repose actuellement dans la nécropole nationale d’Orfeuil installée dans la commune de Semide. Sa tombe porte le n° 443.

 

 

Alfred ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

La généalogie de la famille Hommage peut se consulter sur le site « Généanet ». Il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour y avoir accès.

 

log geneanet

 

Le 31 janvier 1922, le tribunal d’Avignon officialise le décès d’Alfred Hommage. L’acte de jugement fut transcrit à la mairie d’Avignon le 7 février 1922. Cette reconnaissance tardive laisse supposer que la découverte de son corps a eu lieu bien après les hostilités.

 

Les « morts pour la France » d’Avignon n’ont pas été inscrits sur le monument aux morts. Ils sont gravés sur deux plaques commémoratives installées dans le péristyle de la mairie d’Avignon.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services d’Alfred Hommage a été consultée sur le site des  archives départementales du Vaucluse.

 

Les sites « Gallica » et « mémoire des hommes » ont été visités pour construire cette petite notice biographique.

 

La photographie sa sépulture a été réalisée par J.F. Pierron.

 

Album photographique ayant appartenu à un officier du 149e R.I. (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, M. Bricard, à A. Carrobi, à J.F. Pierron, aux archives départementales du Vaucluse et à la mairie d’Avignon.

6 août 2021

Paul Alexandre Charles Saintot (1896-1918)

Paul Alexandre Charles Saintot

 

Paul Alexandre Charles Saintot voit le jour le 2 juin 1896 au domicile de ses parents, situé 12 rue de Châteauvillain, à Chaumont, dans le département de la Haute-Marne.

 

Son père, Arthur Auguste, est alors âgé de 32 ans. Il travaille comme sous-chef d’équipe aux chemins de fer de l’Est. Sa mère, Marie Virginie Eugénie Déséveaux, a 33 ans lorsqu’elle lui donne vie. Paul est son sixième enfant.

 

Le couple Saintot s’est marié en 1889. Arthur Auguste, veuf de Julie Rosalie Gehin, était déjà père d’un garçon. Marie Virginie Eugénie travaillait comme cuisinière pour élever une fille, née hors mariage, qui sera reconnue par son époux en 1891.

 

Genealogie famille Saintot

 

Bon élève, Paul obtient son certificat d’études primaires sans difficulté. Il a la possibilité de poursuivre sa scolarité jusqu’à l’obtention du brevet de l’enseignement primaire. Peu d’élèves arrivent à ce niveau.

 

Une fois ses études terminées, le jeune Saintot signe un contrat avec la compagnie des chemins de fer de l’Est. Tout comme son père, il est employé à la gare de Chaumont.

 

Paul Saintot est âgé de 18 ans lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914. La guerre ne le concerne pas directement.

 

Son frère aîné est soldat à la 7e compagnie du 149e R.I.. Blessé dans le secteur de Souain le 14 septembre 1914, il est évacué vers l’arrière. Sa blessure est grave. Les médecins sont dans l’incapacité de le sauver. Henri Saintot décède à l’hôpital de Châlons-sur-Marne trois jours plus tard.

 

Le conflit, qui devait être court selon certains, s’est enlisé dans une guerre de tranchées de longue durée. Les mois passent. La classe 1916 finit par être convoquée par anticipation devant le conseil de révision. Paul Saintot est reconnu « bon pour le service armé ».

 

Sa feuille de route lui ordonne d’être à Épinal pour le 12 avril 1915. Il intègre la 27e compagnie du 170e R.I. à la caserne Contades.

 

Le jeune homme est remarqué pour ses compétences militaires, et son degré d’instruction de niveau 4 lui permet d’accéder aux grades supérieurs très rapidement. Paul Saintot est nommé caporal le 10 décembre 1915, puis sergent le 20 décembre, et ensuite aspirant le 1er janvier 1916. Sa formation au dépôt du 170e R.I. est presque terminée.

 

Le 26 février 1916, l’aspirant Saintot est affecté à la 33e compagnie du 9e bataillon du 149e R.I.. Il n’est pas encore l’heure de rejoindre le régiment actif.

 

Le 27 septembre 1916, Paul Saintot intègre la 12e compagnie du 149e R.I. du dépôt divisionnaire de la 43e D.I..

 

Il arrive à la 5e compagnie du régiment actif le 10 novembre. Le 149e R.I. est engagé dans la Somme depuis la fin du mois d’août 1916.

 

Le 22 décembre, Paul Saintot est envoyé à la C.H.R. de son régiment. Le 10 mai 1917, il est muté à la 3e compagnie du 149e R.I.. Le 5 juillet, il passe à la subsistance de la C.H.R..

 

Au regard des informations fournies par sa fiche matricule et par son dossier individuel qui se trouve au S.H.D. de Vincennes, on ne peut pas affirmer sa présence à la bataille de la Malmaison en octobre 1917.

 

L’aspirant Saintot poursuit sa formation théorique en assistant au cours des pionniers entre le 23 décembre 1917 et le 13 janvier 1918.

 

Le 9 avril 1918, Paul Saintot est nommé sous-lieutenant à titre temporaire à compter du 31 mars 1918. Suite à cette nomination, il prend le commandement d’une des sections de la 2e compagnie du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Robinet.

 

Paul Saintot obtient sa 1ère citation à l’ordre de l’armée pour son attitude au feu au cours de l’offensive allemande du 15 juillet. Il a le droit d’ajouter une palme à sa croix de guerre obtenue en décembre 1917.

 

Fin septembre 1918, le 149e R.I. est engagé dans la bataille Champagne et d’Argonne. Le sous-lieutenant Saintot, qui est en permission, ne participe pas à ces combats.

 

Le 3 octobre, il est de retour au régiment. Il reprend le commandement de sa section juste à temps pour participer à une attaque dans le secteur d’Orfeuil.

 

Le jeune officier est tué par un obus, dans une tranchée de 1ère ligne au sud-ouest de ce village ; il est touché par plusieurs éclats à la tête et à la poitrine. Il était âgé de 22 ans. Ses parents viennent de perdre leur deuxième fils. Il n’y aura pas de descendance agnatique.

 

Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 2 journee du 3 octobre 1918

 

L’aumônier Henry évoque les derniers instants de ce jeune officier dans un de ses carnets.

 

« Le corps de Saintot est là. Les brancardiers ont pu le retrouver et le rapporter. Cela n’a pas été sans peine. Saintot était avec trois ou quatre autres dans un bout de tranchée hâtivement creusée. À côté de lui, dans un autre élément de tranchée qu'on n'avait pas encore eu de temps de faire communiquer se tenait le capitaine Robinet. Un obus malheureux tomba juste sur le groupe Saintot, les blessant ou tuant tous, et les enterrant en même temps. Il fallut littéralement les déterrer pour les avoir. Saintot était sous les camarades, tellement recouvert de terre que son casque seul dépassait. Quant à Robinet, il ne dut la vie qu'au barrage de 50 cm qui le séparait de Saintot, barrage que, heureusement, on n'avait pas eu le temps d'abattre. Pendant qu'une dernière fois, je contemple le corps de ce jeune ami, qui depuis quelques mois m'était devenu très cher, mêlant mes larmes et mes prières, un blessé à côté m’appelle que je ne reconnais pas d'abord ; c'est Rémy de Chaumont. »

 

Le corps du sous-lieutenant est ramené vers l’arrière pour être inhumé dans le cimetière militaire de Somme-Suippe.

 

Le caporal fourrier Alcide Marre et le soldat Gaston Magne confirment la mort du sous-lieutenant Saintot auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I. Le lieutenant Auguste Fourneret peut valider le décès administrativement.

 

Après les combats, le lieutenant-colonel Vivier rédige cette petite note dans le feuillet de campagne du sous-lieutenant Saintot : « Chef de section de premier ordre, possédant les plus belles qualités militaires. Promu sous-lieutenant à titre temporaire le 31 mars 1918, tué le 3 octobre 1918. »

 

Il n’existe pas de sépulture militaire individuelle pour cet officier. Son corps a été rendu à la famille dans les années 1920.

 

Décoration obtenue :

 

Croix de guerre avec deux palmes et une étoile de bronze.

 

Citation à l’ordre du régiment n° 76 en date du 6 décembre 1917 :

 

« Excellent sous-officier, a fait preuve, une fois de plus, de courage et de sang froid dans la reconnaissance et la constitution d’un dépôt de matériel poussé avec le bataillon d’attaque »

 

Citation à l’ordre de la IVe armée n° 1357 en date du 25 avril 1918 :

 

« Officier d’élite modèle de bravoure et d’abnégation, s’est acquitté brillamment de plusieurs missions périlleuses pour lesquelles il était volontaire. S’est signalé, une fois de plus, au cours des combats des 15 et 16 juillet 1918, à la bataille de Champagne, méprisant le danger et se dépensant sans compter pour encourager ses jeunes soldats ».

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 1551 en date du 24 décembre 1918 :

 

« Officier d’élite qui n’a cessé de faire preuve du plus beau courage et de s’exposer sans souci du danger. Le 3 octobre 1918, a entraîné brillamment sa section à l’attaque des positions allemandes progressant malgré le feu intense de l’ennemi. Tombé glorieusement au cours de l’action. A été cité. »

 

Monument aux morts et plaque commemorative basilique de Chaumont

 

Paul Saintot a son nom gravé sur le monument aux morts de la ville de Chaumont, juste au dessus de celui de son frère. Il est également inscrit sur le tableau commémoratif 1914-1918 de la basilique Saint Jean-Baptiste et sur la plaque de la mairie de Chaumont.

 

Paul Saintot  est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services du sous-lieutenant Saintot et les registres d’état civil de la ville de Chaumont ont été visionnés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Les photographies du monument aux morts de Chaumont et de la plaque commémorative de la basilique Saint Jean-Baptiste ont été réalisées par J.N. Deprez.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.N. Deprez, à M. Porcher, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Marne.

30 juillet 2021

3 octobre 1918

Les telephonistes

 

Les unités de la 43e D.I. ont relevé les régiments et les bataillons de chasseurs de la 13e D.I. dans la soirée du 2 octobre. Elles doivent reprendre à leur compte les combats dans le secteur d’Orfeuil dans la matinée du 3. Ce sont des troupes harassées par les premières attaques de la bataille de Champagne et d’Argonne qui s’apprêtent à reprendre l’offensive.

 

Hormis le retour de quelques permissionnaires, aucun renfort n’a été prévu pour compenser les pertes subies au 149e R.I. entre le 26 et le 29 septembre 1918.

 

Le commandant Froment a repris le commandement du 2e bataillon du 149e R.I.. Le capitaine Chauffenne, qui dirigeait le bataillon durant son absence, retrouve sa place de second.

 

Le capitaine Pougny est à la tête du 1er bataillon du régiment en remplacement du commandant Hassler.

 

Carte 1 journee 3 octobre 1918

 

Dans la nuit du 2 au 3 octobre, le 149e R.I. occupe la position du  21e R.I. dans le sous-secteur de droite du 21e C.A.. Les chasseurs de la 43e division remplacent les chasseurs de la 13e D.I. au centre et le 158e R.I. se substitue au 109e R.I. dans le sous-secteur de gauche.

 

Le plan d’attaque de la journée du 3 octobre est construit sur le même modèle que celui qui a été élaboré pour la période de septembre. Les vagues de bataillons devront se succéder au fur et à mesure de l’avancée.

 

Les carnets de l’aumônier Henry nous indiquent que c’est le 2e bataillon du 149e R.I. qui est le premier des bataillons à être engagé. Il est soutenu par les restes du 1er bataillon. Le 3e bataillon du régiment est positionné plus en arrière.

 

Orfeuil depuis le bois la Croix

 

La première attaque de la 43e D.I. est prévue pour 5 h 50. Elle se déclenche à l’heure prévue dans les sous-secteurs du 158e R.I. et du 149e R.I. Les chasseurs qui se trouvent au centre prennent un peu de retard en raison de l’arrivée tardive des chars d’assaut du 16e B.C.L..

 

Deux sections de l’A.S. 346 et une section de l’A.S. 348 combattent avec le 158e R.I.. Trois sections de l’A.S. 347 soutiennent les chasseurs. Il n’y a pas de sections de chars disponibles pour le 149e R.I.. À ce stade des combats, l'A.S. 345 est pratiquement consommée.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. franchit le parapet. À sa gauche, le 1er bataillon du 170e R.I.. À sa droite, les chasseurs de la 43e D.I..

 

Le 158e R.I. tombe presque aussitôt sous le feu des mitrailleuses ennemies placées dans le bois du Pou, à L8 et à L9. Sa progression est difficile.

 

Dans un premier temps, l’attaque est une réussite. À 7 h 15, les chasseurs sont devant Orfeuil. Le 149e R.I. occupe la route et la voie de Decauville à l’ouest du village.

 

Malheureusement, les hommes du lieutenant-colonel Vivier ne furent pas soutenus par le 1er bataillon du 170e R.I.. Ce bataillon est resté bloqué plus en arrière. Un violent tir de flanc provenant des mitrailleuses allemandes cause des pertes sérieuses au bataillon de tête.

 

Les mitrailleuses adverses du bois du Pou stoppent la progression du 158e R.I..

 

Vers 10 h 00, le 149e R.I. est violemment contre-attaqué par le nord et par l’ouest. Il n’a pas d’autre choix que de se replier jusqu’au bois la Croix.

 

Le 31e B.C.P. est à son tour contre-attaqué vers 11 h 00. Il doit également faire demi-tour.

 

À midi, la ligne de front est ramenée à quelques centaines de mètres au sud de la crête d’Orfeuil.

 

Le village d’Orfeuil est situé sur une crête protégée par le talus d’un chemin de fer. Les chars ne sont pas parvenus à la franchir. Les Allemands y ont tellement accumulé d’obstacles que le village est devenu une véritable forteresse. Une grande quantité de chars est détruite. Bon nombre d’entre eux tombent en panne.

 

L’État-major de la 43e D.I. est obligé de préparer une nouvelle attaque en début d’après-midi.

 

Les troupes de la 43e D.I. attaquent pour la seconde fois de la journée, à 16 h 00, après une préparation d’artillerie d’1/4 heure. Les unités avancées parviennent à la ligne de crête sans réussir à assurer la position.

 

Carte 2 journee du 3 octobre 1918

 

Les pertes au 149e R.I. ont été importantes. Elles sont principalement dues aux tirs flanqués des mitrailleuses allemandes. Le fichier des « morts pour la France » du site « mémoire des hommes » a enregistré 69 tués pour cette journée.

 

Les deux attaques menées par le 149e R.I. entraînèrent un flux important de blessés. Le G.B.D. 43  évacue 130 hommes du régiment vers l’arrière.

 

                                               Tableau des tués pour la journée du 3 octobre 1918

 

Sources :

 

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I. réf : 26 N 344/8.

 

J.M.O. de la 13e D.I. réf : 26 N 292/17.

 

J.M.O. du 1er B.C.P. : réf : 26 N 815/6.

 

Carnets inédits de l’aumônier Henry

 

Le dessin est une création d’I. Holgado.

 

La photographie a été réalisée par J.L. Arnoul.

 

Les informations concernant le 16e B.C.L. ont été fournies par .M. Souquet.

 

Un grand merci à M. Bordes, à J.L. Arnould, à A Carrobi, à I. Holgado, à M. Porcher, à M. Souquet, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

23 juillet 2021

Extraits des carnets de l’aumônier Henry (période allant du 25 septembre au 28 octobre 1918)

Les ecrits de l'abbé Henry durant la bataille de Champagne et d'Argonne

 

Afin d’en faciliter la lecture, cet article centralise les publications des extraits des carnets de l’aumônier Henry concernant la période allant du 25 septembre au 16 octobre 1918.

 

L’abbé Henry fut l’aumônier titulaire du G.B.D. de la 43e D.I. avant de devenir l’aumônier du 149e R.I. en février 1918.

 

Bien que pouvant se tenir à distance en raison de ses fonctions, l'abbé Henry parcourut le front et la zone des combats afin d'officier durant la bataille de Champagne et d’Argonne. Il fut donc témoin des attaques menés par le 149e R.I.. Il en revint avec un témoignage exceptionnel et une élogieuse citation.

 

Cité à l’ordre n° 232 du 21e C.A. en date du 4 novembre 1918 :

 

« Aumônier d’un dévouement et d’un zèle au-dessus de tout éloge. Exerce les devoirs de son ministère dans les circonstances les plus critiques du combat avec un courage particulier, un calme et un sang-froid admirables. Pendant les rudes combats du 26 septembre au 5 octobre 1918, a forcé l’admiration de tous, chefs et soldats, en se portant jusqu’aux premières lignes, malgré les bombardements les plus violents, pour prodiguer ses soins et réconforter les blessés et les mourants. »

 

                                                              Journée du 25 septembre 1918

 

25 septembre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                                     

                                                               Journée du 26 septembre 1918

 

26 septembre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                                       

                                                             Journée du 27 septembre 1918

 

27 septembre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                                   

                                                           Journée du 28 septembre 1918

 

28 septembre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                         

                                                         Journée du 29 septembre 1918

 

29 septembre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                       

                                                          Journée du 30 septembre 1918

 

30 septembre 1918 l'abbe Henri temoigne

                                         

                                                           Journée du 1er octobre 1918

 

1er octobre 1918

                                                     

                                                             Journée du 2 octobre 1918

 

2 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                       

                                                             Journée du 3 octobre 1918

 

3 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

                                                     

                                                              Journée du 4 octobre 1918

 

4 octobre 1918 l'abbé Henry temoigne

                                     

                                                             Journée du 5 octobre 1918

 

5 octobre 1918, l'abbé Henry temoigne

 

Journées du 6 au 16 octobre 1918 

 

Du 6 au 16 octobre 1918, l'abbe Henry temoigne

 

Journées du 17 au 24 octobre 1918

 

Du 17 au 24 octobre 1918, l'abbe Henry temoigne

                                                           

                                                                Journée du 25 octobre 1918

 

25 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

 

Journées des 26, 27 et 28 octobre 1918

 

Journees des 26, 27 et 28 octobre 1918, abbe Henry temoigne

 

Un grand merci à M. Bordes, A. Carobbi et à J.L. Poisot.

16 juillet 2021

Albert Auguste Beaudron (1893-1917)

Albert Auguste Beaudron

 

Albert Auguste Beaudron naît le 27 octobre 1893 à Plessis-Trévise, un hameau rattaché à la commune de Chennevières-sur-Marne dans l’ancien département de la Seine-et-Oise. Ses parents se sont mariés à Villiers-sur-Marne, l’année précédente. Ils travaillaient comme domestiques lorsqu’ils se sont rencontrés.

 

Le père, Auguste Louis, originaire de la Sarthe, est âgé de 30 ans à la naissance de son fils. Il est devenu journalier. La mère, Marie Rigaudie, native de la Dordogne, a 22 ans.

 

Auguste Louis et Marie semblent avoir gagné leur vie dans des lieux différents avant de venir s’installer définitivement à Villiers-sur-Marne. Il a été impossible de retrouver leurs traces, ni d’identifier une éventuelle fratrie pour Albert ; ils n’apparaissent pas dans les registres de recensement des communes de Chennevières-sur-Marne, de Villiers-sur-Marne et des communes avoisinantes entre 1892 et 1921.

 

 

Albert quitte l’école communale en sachant lire écrire et compter. L’adolescent devient employé de commerce.

 

L’année de ses vingt ans, il doit se présenter devant le conseil de révision qui s’est réuni à Boissy-Saint-Léger. En parfaite santé, il est déclaré apte aux obligations militaires. Albert se retrouve inscrit dans la 1ère partie de la liste de la classe 1913.

 

En ouvrant sa feuille de route apportée par le facteur, il apprend qu’il doit être à Épinal pour le 27 novembre. Albert Beaudron se présente devant la grille de la caserne du 149e R.I. le lendemain.

 

Repéré pour ses aptitudes militaires, son capitaine de compagnie l’autorise à suivre la formation des élèves caporaux.  Albert est nommé dans ce grade le 21 juin 1914.

 

Le caporal Beaudron porte toujours l’uniforme lorsque les hostilités contre l’Allemagne débutent en août 1914.  

 

À première vue, la carrière de combattant d’Alfred Beaudron semble difficile à reconstruire. Les informations fournies dans la rubrique « détails des services et mutations diverses » de sa fiche matricule ne sont pas détaillées. Il est simplement indiqué qu’il a été nommé sergent à la date du 1er octobre 1914.

 

Heureusement, ses citations vont nous permettre d’en apprendre un peu plus sur le parcours de cet homme durant le conflit 1914-1918. En premier lieu, sa dernière citation valide sa présence au front à partir du baptême du feu du 149e R.I. qui a lieu le 9 août 1914.

 

Les recherches entreprises dans les différentes listes des blessés du 149e R.I. nous indiquent que le sergent Beaudron n’a pas été soigné à proximité du front ni évacué vers l’arrière entre le 9 août 1914 et le mois de mars 1916.

 

Ses deux premières citations confirment sa présence à Verdun en avril 1916 et dans la Somme en septembre 1916.

 

Le sergent Beaudron a été photographié le 10 avril 1917 en présence des sous-officiers de la 10e compagnie. Ce cliché figure à la page 179 de l’ouvrage de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté». Son nom et son grade sont indiqués dans la légende qui se trouve à droite de l’image.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

À la fin du mois de mai 1917, le 149e R.I. est envoyé dans un secteur à l’ouest du fort de la Malmaison, à proximité du chemin des Dames.

 

Le sergent Beaudron est tué au cours d’un bombardement, dans une tranchée de 1ère ligne, près de la ferme du Toty, le 7 juin 1917. Il avait 23 ans. Plusieurs éclats d’obus lui ont perforé les reins.

 

Ravin ouest Toty

 

Les brancardiers de la 43e D.I. sont chargés de l’inhumer. Le sergent Marcel Morand et le soldat Jean Baptiste Cunin confirment la mort du sergent Beaudron auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I. qui valide son décès de façon administrative.

 

Même s’il reste encore des zones d’ombre dans le parcours de combattant du sergent Beaudron, nous pouvons quasiment dire qu’il a toujours été présent au sein du 149e R.I. entre le premier engagement du 149e R.I. en août 1914 et la date de sa mort survenue en juin 1917.

 

Deux interrogations subsistent. A-t-il toujours été à la 10e compagnie ? A-t-il effectué des séjours à l’arrière pour suivre d’éventuelles formations (ce qui lui aurait permis d’éviter plusieurs combats) ? Il est impossible de donner des réponses satisfaisantes à ces questions au regard des informations trouvées.

 

Ses parents font rapatrier son corps après la guerre. Le registre de recensement de Villiers-sur-Marne de l’année 1921 nous apprend que le père travaille toujours comme journalier et que la mère exerce le métier de femme de ménage. Ils sont respectivement âgés de 59 et 51 ans. Albert fut enterré dans le carré militaire du cimetière communal de cette ville. Il y repose toujours actuellement.

 

 

Le sergent Beaudron a obtenu les citations suivantes au cours du conflit :

 

Citation à l’ordre de la brigade n° 39 en date du 29 mars 1916.

« Très bon sous-officier, courageux et brave. Les 14 et 15 mars 1916, a très bien organisé la tranchée de doublement de front occupée par la compagnie, sous un bombardement violent et n’a cessé durant toute l’action de donner le plus bel exemple d’entrain et de courage  »

 

Citation à l’ordre du corps d’armée n°286 en date du 12 septembre 1916.

 

« Sous-officier d’une énergie et d’un entrain remarquable, les 4 et 5 septembre 1916, faisant fonction de chef de section, a conduit sa troupe avec beaucoup de sang froid et de bravoure. Le 5 septembre, a conduit avec une vigueur rare, une reconnaissance destinée à nous assurer la position d’une maison détruite, située entre les lignes. »

 

Citation à l’ordre du corps d’armée n° 156 du 25 juin 1917.

 

« Au front depuis le début de la campagne, a été tué glorieusement à son poste de combat alors que, par son sang froid, il se maintenait dans une tranchée de 1ère ligne, soumise à un violent bombardement. »

 

Albert a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (publication dans le J.O. du 19 décembre 1919).

 

« Vaillant gradé, au front depuis le début de la campagne. A été tué glorieusement le 7 juin 1917, à son poste de combat, alors que, par son sang-froid, il maintenait ses hommes dans la tranchée de 1ère ligne, soumise à un violent bombardement. A été cité »

 

Son nom a été gravé sur le monument aux morts de Villiers-sur-Marne.

 

Decorations Albert Beaudron

 

Albert Beaudron ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La fiche matricule du sergent Beaudron, les registres d’état civil et les registres de recensements ont été consultés sur le site des archives du Val-de-Marne.

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

Le cliché de la sépulture du sergent Beaudron a été réalisée par J.M. Lasaygues. Vous pouvez consulter le blog sur lequel il intervient en cliquant une fois sur l’image suivante.

 

Amicale des anciens de la Légion Etrangère de Paris

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. provient du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, à O. Gaget, J.M Lasaygues, aux archives de la ville de Paris, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives médicales hospitalières des armées de Limoges. 

9 juillet 2021

2 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

2 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

 

L’aumônier Henry est toujours en fonction au poste de secours de la voie ferrée.

 

Le climat est rude. Tout en subissant les bombardements, les hommes souffrent des conditions météorologiques. Les premiers morts sont retirés du champ de bataille.

 

Le 21e R.I. s’apprête à lancer une nouvelle attaque en direction du village d’Orfeuil. Derrière, le 149e R.I. se tient prêt à intervenir en cas de contre-attaque allemande.

 

Le lieutenant-colonel Vivier reçoit ses ordres. Son régiment doit relever le 21e R.I. au début de la nuit.

 

Témoignage de l’abbé Henry : poste de secours de la voie ferrée.

 

Messe à 7 heures.

 

Gelée blanche ; le froid est piquant. Pauvres petits gars qui n'ont pour s'en garer que leur toile de tente. Nous avons commencé hier à ramasser les morts.

 

Un caporal et des hommes du G.B.D. sont en liaison avec nous. Les morts sont enterrés à Soury-Lavergne, où le G.B.D. établit un cimetière.

 

Devant notre P.S., il y avait deux Français (de la 2e), trois Boches, dont un sous-lieutenant bavarois du 1er ; ils ont été emportés. Le caporal Régnier a été rapporté également. On fouille le bois de la Chèvre, la tranchée de Nassau ; funèbre besogne, mais œuvre de miséricorde.

 

Tranchee de Nassau et bois de la chevre

 

À la tranchée de Gratreuil, un obus est tombé à l'entrée d'un abri ; c'était un obus à gaz. Dix hommes de la 1ère, ypérités, ont dû être évacués.

 

Ce matin vu Bonnefous, Robinet, Saintot qui arrivent de permission juste pour prendre sa part au concert. Saintot n'est pas bien vaillant ; il a dû garder le lit pendant sa permission et n'est pas solide ; et puis, la mort de Lepaux l'impressionne, comme nous tous.

 

Le 21e R.I. dont c'est le quatrième jour de ligne va encore tenter le coup avant de céder la place. De la plate-forme de la tranchée d'Aure, il va s'élancer à l'attaque d'Orfeuil et tenter de prendre sa revanche. Le 149e se tiendra prêt à l'appuyer en cas de contre-attaque. Heure H = 11 heures 50 avec préparation d'artillerie de 30 minutes !

 

12 heures 30. Les Boches ripostent avec des obus qui cherchent les batteries dans le voisinage de la Pince, de la Voie ferrée. Heureusement, ça tombe à côté.

 

Pourtant, voici quatre blessés, ce sont justement quatre Boches improvisés brancardiers. Ils ne trouvent pas cela de leur goût, non plus que ceux que je vois en ce moment, employés à porter des rouleaux de fils téléphoniques. On n'est pas tendre pour les Boches à la 13e D.I. ! « Français, Camarades ! » essaie de dire l'un. La riposte est véhémente : « Camarades ! Jamais ! Jamais ! Français plus jamais camarades avec des cochons comme vous ! ».

 

Visite du principal Provendier. Il renchérit encore sur son personnel. Il y va de la voix, du geste et même de la canne avec les prisonniers. Je trouve que Monsieur le principal y va un peu fort ! Le combattant, son premier geste de colère passé, est moins dur que le non-combattant ; celui-ci est facilement impitoyable. Je ne puis m'empêcher de penser que ces Messieurs n'ont jamais été prisonniers ; peut-être appliqueraient-ils avec moins de rigueur le « Vae victis » (malheur aux vaincus).

 

On signale une chute d'avion à l'horizon.

 

L'attaque du 21e R.I. progresse, malgré des difficultés inouïes. Les Boches opposent une résistance désespérée. Les blessés arrivent nombreux… le baromètre est au noir !

 

Quelques prisonniers ! Ils appartiennent au 406e et au 409e régiments. Ces régiments font partie de la 203e division. Amenés en camions, ils ont hier immédiatement contre-attaqué la 13e division et obtenu sur elle un premier avantage. À leur tour, ils reculent, mais non sans défendre le terrain avec une opiniâtreté farouche.

 

14 h 00. Ordre du colonel. Nuit tombante, le 149e relèvera le 21e R.I. !

 

17 h 30. Les Boches essaient de reprendre le terrain perdu. Demandes réitérées de barrage. Si tout ce qu'on envoie tombe chez les Boches, il ne leur sera guère possible de nous déloger.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Le morceau de carte  est extrait du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

2 juillet 2021

Auguste Emmanuel Puaud (1894-1965)

Auguste Puaud

 

Natif du département des Deux-Sèvres, Auguste Emmanuel Puaud naît le 15 juillet 1894 au Temple, un petit village dépendant du canton de Châtillon. Sa mère, Marie Lebaure, est âgée de 25 ans lorsqu‘elle le met au monde. Son père, Auguste, a 29 ans. Marie et Auguste sont tous les deux cultivateurs.

 

La fiche signalétique et des services du jeune Auguste, aîné d’une fratrie de 9 enfants, indique un degré d’instruction de niveau 2.  Il ne savait probablement pas maîtriser les bases de l’arithmétique. Ce niveau d’instruction, gradué sur une échelle de 5, pourrait bien être lié à des absences scolaires importantes. Auguste devait certainement aider ses parents à la ferme de manière assez régulière. Une fois l’école obligatoire terminée, il devient ouvrier agricole.

 

Les années suivantes sont bercées par le rythme des semailles et des récoltes. Elles le mèneront jusqu’à l’année de ses vingt ans, période des obligations militaires.

 

Solide comme un roc et en parfaite santé, Auguste est déclaré « bon pour le service armé » lorsqu’il se présente devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Châtillon, au cours du 1er semestre de l’année 1914. Il devrait normalement partir au régiment en octobre. Ce ne sera pas le cas.

 

Le 1er août 1914, la France impose la mobilisation générale. Un conflit armé contre l’Allemagne est inévitable.Tous les réservistes en âge de revêtir l’uniforme sont rappelés dans les casernes. Les classes 1911, 1912 et 1913 sont déjà sur place.

 

La classe d’Auguste est mobilisable dès la fin du mois d’août 1914. Le jeune homme est envoyé au 149e R.I., une unité très éloignée de son lieu de résidence. Avant le début des hostilités, ce régiment logeait ses conscrits dans les bâtiments de la caserne Courcy à Épinal.

 

Le dépôt du 149e R.I. a été transféré dans le petit village haut-marnais de Jorquenay le 4 août. C’est ici qu’Auguste débute sa formation militaire à partir du 11 septembre. Le 1er octobre 1914, le dépôt est déplacé à Rolampont.

 

La formation militaire d’Auguste est brève. Elle dure à peine plus de deux mois. Le jeune homme est envoyé dans la zone des armées dès le 22 novembre 1914. Il quitte le dépôt avec un renfort en direction de la Belgique pour aller combler les vides du 149e R.I., ce dernier ayant été très éprouvé durant les semaines précédentes. 

 

La rubrique « détails des services et mutations diverses » de sa fiche matricule ne permet pas de retracer le parcours exact de ce soldat jusqu’à la date de sa nomination au grade de caporal le 4 novembre 1916. Le 149e R.I. combat près d’Ablaincourt dans le département de la Somme.

 

Ablaincourt 1

 

Le caporal Puaud, fusilier-mitrailleur, est blessé le 11 novembre 1916.Touché par un éclat d’obus à la clavicule droite, il est évacué vers l’arrière le jour même. Une carte postale envoyée à ses parents le 4 décembre permet de savoir qu’il a été soigné à l’ambulance 4/69.

 

Carte postale rédigée par Auguste Puaud

 

Si les informations fournies par sa fiche signalétique et des services n’autorisent pas la reconstitution exacte de son parcours de combattant pour les trois premières années du conflit, il n’en est pas de même pour les suivantes.

 

 

Une fois guéri et probablement après avoir bénéficié d’une permission de convalescence, Auguste est envoyé au dépôt divisionnaire. Il réintègre le 149e R.I. actif le 12 juillet 1917.

 

 

La photographie suivante le représente avec ses sœurs, Alita et Marie.

 

 

Grâce à ses citations, on peut affirmer que le caporal Puaud a vécu la plupart des combats dans lesquels son régiment a été engagé durant les années 1917 et 1918.

 

Sa seconde citation confirme sa présence à l’attaque de la Malmaison du 23 octobre 1917.

 

Pour en savoir davantage sur ce qui s’est passé durant la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

La Malmaison

 

Sa 4e citation nous apprend qu’il a subi l’attaque allemande du 15 juillet 1918.

 

Ses 5e et 6e citations valident sa participation aux offensives de septembre et d’octobre 1918.

 

Pour prendre connaissance des évènements qui eurent lieu au cours de la bataille de Champagne et d’Argonne, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Secteur Perthes-les-Hurlus

 

Le 10 octobre 1918, Auguste Puaud est nommé sergent, un mois avant la signature de l’armistice.

 

Le sergent Puaud est mis en congé illimité de démobilisation le 9 septembre 1919 par le dépôt du 125e R.I..

 

Le 11 septembre 1919, Auguste se retire à Lezay avec l’obtention de son certificat de bonne conduite ; il appartient à la réserve du 114e R.I..

 

Le 21 septembre 1920, il épouse Emma Andrault dans la petite commune de Rom. Le fait d’être père de deux enfants lui permet d’être inscrit à la classe de démobilisation de l’année 1910.

 

Le 1er janvier 1924, il dépend de la réserve du  95e R.I..

 

Le 16 mars 1924, la famille Puaud déménage à Saint-Sauvant, dans le département de la Vienne, avant d’aller s’installer définitivement à Iteuil à partir du 20 mai 1926.

 

L’ex-sergent du 149e R.I. passe à la réserve du 32e R.I. en exécution de la C.M. 11 116 du 30 décembre 1926.

 

Il est dégagé de toutes obligations militaires à partir du 11 octobre 1938.

 

Auguste décède à Iteuil, le 6 novembre 1965, à l’âge de 71 ans. Emma et Auguste ont donné vie à 11 enfants.

 

Decorations Auguste Puaud

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec 1 étoile de vermeil, 2 étoiles d’argent et 3 étoiles de bronze 

 

Citation à l’ordre du régiment n°272 du 31 novembre 1916 :

 

« Fusilier-mitrailleur qui a montré beaucoup d’énergie et de mordant à l’attaque du 7 novembre, a disposé son F.M. près d’un petit poste qu’il avait à défendre, a empêché tout retour offensif de l’ennemi, a été blessé pendant qu’il surveillait les mouvements de l’ennemi. » 

 

Citation à l’ordre du régiment n° 76 en date du 6 novembre 1917 :

 

« Gradé consciencieux et énergique qui a brillamment conduit à l’attaque du 23 octobre 1917. »

 

Citation à l’ordre du régiment n° 37 en date du 8 juillet 1918 :

 

« Très bon caporal au cours d’un combat, sur le point d’être fait prisonnier, a réussi à dégager et à rejoindre nos lignes sous un violent feu de mitrailleuse. »

 

Citation à l’ordre du corps d’armée n° 217 en date du 7 août 1918 :

 

« Caporal énergique et brave, commandant un G.C. le 15 juillet 1918, l’a parfaitement organisé, ne cessant de tirer, malgré le feu d’infanterie et d’artillerie ennemi, infligeant des pertes aux vagues assaillantes. »

 

Citation à l’ordre de la division n° 385 en date du 16 novembre 1918 :

 

« Jeune caporal très énergique et très courageux, s’est particulièrement fait remarquer aux combats du 3 octobre 1918 par son sang froid et son initiative. A assuré parfaitement le commandement de sa ½ section.»

 

Citation à l’ordre de la division n° 388 en date du 26 novembre 1918 :

 

« Brave sous-officier, très méritant, s’est merveilleusement comporté durant les combats du 25 au 28 septembre 1918, en particulier le 28, où il a réduit au silence une mitrailleuse ennemie par les feux précis de ses F.M. »

 

Autres décorations :

 

L’ancien sergent du 149e R.I. a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à compter du 16 juin 1920 (publication dans le J.O. du 13 novembre 1921).

 

Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1957 (décret du 5 juin 1957, publié dans le J.O. du 8 juin 1957).

 

Portrait 3 Auguste Puaud

 

La généalogie d’Auguste Emmanuel Puaud peut se consulter sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

 

Le sergent Puaud possède un dossier sur la base Léonore. Pour le lire, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance du sergent Puaud ont été consultés sur le site des archives départementales des Deux-Sèvres.

 

Les photographies représentant le sergent Puaud appartiennent toutes à M. Boutet, son petit neveu.

 

Un grand merci à M. Bordes, à M. Boutet, à A. Carrobi et aux archives départementales des Deux-Sèvres.  

25 juin 2021

1er octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

1er octobre 1918

 

Les bataillons du 149e R.I. sont au repos dans les tranchées de Postdam et de Gratreuil pour le 2e jour consécutif. Loin d’être à l’abri, les hommes sont régulièrement harcelés par les tirs de l’artillerie allemande. 

 

L’abbé Henry décide d’aller rendre visite au 3e bataillon du régiment. Il quitte le poste de secours de la voie ferrée pour se rendre à la tranchée de Gratreuil.

 

Une fois sur place, il s’entretient avec les officiers du bataillon qui lui résument les évènements de la journée du 28 septembre. L’aumônier Henry relate également une situation peu banale en lien direct avec Ludendorff.

 

La période de repos est sur le point de s’achever pour le 149e R.I.. Il n’y a pas de troupes fraîches à disposition pour relever le 21e C.A.. Le 21e R.I. est à bout de force après ses attaques menées sur la tranchée d’Aure. Les hommes du lieutenant-colonel Vivier apprennent qu’ils vont bientôt reprendre l'offensive. La 43e D.I. est sur le point de relever la 13e D.I..

 

Témoignage de l’abbé Henry : poste de secours de la voie ferrée.

 

Messe à 7 heures.

 

La journée commence bien ! Canonnade violente de la part des Boches, non seulement sur nous, mais encore à droite et à gauche, sur un large front ; fusées demandant le barrage ! Notre artillerie qui est venue se masser en avant et derrière la ligne de chemin de fer donne tout ce qu'elle peut.

 

Du P.S., j'entends la voix du guetteur crier de toute sa force : « Barrage ! ». En ligne, la lutte doit être chaude et les Boches ont dû « remettre ça » à plusieurs reprises.

 

Dans la matinée, le général est venu remettre la Légion d'honneur au capitaine Lobstein et quelques médailles militaires (4). On a raison de ne pas faire attendre des récompenses certes bien méritées.

 

Le commandant Hassler est malade. Le docteur Rouquier ne croit pas qu'il puisse rester à la tête de son bataillon.

 

10 h 00.

 

Le 21e attaque la tranchée d'Aure. Notre artillerie semble décidée à y mettre le prix. La lutte doit être chaude, acharnée, car elle se prolonge.

 

Soirée ensoleillée. J'en profite pour rendre visite à la tranchée de Gratreuil, où le 3e bataillon se repose de ses fatigues. Vu le commandant Fontaine, le capitaine Prenez, le lieutenant Roncin, le capitaine Nold. Causé longuement avec Humes.

 

Devant la tranchée de Nassau, ce fut terrible. Les mitrailleuses balayaient tout ; les obus tombaient sans relâche. Les hommes s'étaient abrités dans les trous et n'en bougeaient plus ; et pourtant, il fallait avancer ! « J'ai dû aller, venir, me raconte Humes, d'un trou à l'autre pour les faire sortir ; je suis resté debout, je ne me suis pas couché ni baissé un seul instant ; ma capote est percée de balles et d'éclats d'obus comme une écumoire, et moi, je n'ai pas une égratignure, pas ça !… Je ne sais pas comment cela se fait ! ».

 

Le capitaine Nold, lui, a reçu une balle qui a traversé le haut de son casque, sans que la tête soit touchée !

 

Et voilà tous ces hommes qui, à peine sortis de la fournaise, pourront y être rejetés demain. Car le 21e est à bout de force et c'est encore le 149 qui va payer de sa personne !

 

C'est dur ! Et pourtant, je n'entends pas un murmure, pas une plainte ! Les hommes préparent leurs armes.

 

Je les trouve à la 9e, fort occupés à installer une mitrailleuse contre avions. Le sergent Charnotet revient de permission ; il a manqué pour la première fois la bataille. Mais il arrive à temps et avec lui un certain nombre de permissionnaires pour la dernière phase de la bataille : « Alors on va remettre ça ! me dit-il en passant, ce ne sera pas grand-chose ! ». Ainsi soit-il !

 

Alors, on remet ça ! Vraiment, je ne croyais pas qu'on pouvait demander à des hommes de tels efforts. Je n'attends pas grand-chose de bon de cette reprise par des gens qui sont déjà sur les dents !

 

C'est le 2e bataillon qui va partir en tête, soutenu par ce qui reste du 1er puis le 3e bataillon (pour la 3e fois) à nouveau se lancera en avant.

 

Le 21e R.I. a dû attaquer à 10 heures. Ses objectifs étaient : tranchée d'Aure, bois La Croix, Orfeuil, Pylône. Si j'en juge par la canonnade qui ne s'apaise pas, qui au contraire ne cesse de croître en intensité, l'affaire doit être extrêmement disputée.

 

P.S.. Il me tarde d'avoir des nouvelles. Au P.S., il est difficile d'avoir la vérité, les impressions de blessés sont si sujettes à caution ! Elles ont la valeur d'indices à retenir et à contrôler les uns par les autres.

 

Après les premiers blessés, l'attaque est bien partie, la tranchée d'Aure a été prise, on a passé trois crêtes et on n'en était à peu près au village d'Orfeuil, mais les Boches ont contre-attaqué aussitôt avec des troupes fraîches, nombreuses, bien outillées, armées d'innombrables mitrailleuses. Elles ont reconduit le 21e en vitesse à son point de départ.

 

Le terrain conquis a été perdu plus vite qu'il n'avait été gagné. Eh quoi ! Le 21e n'a même pas gardé la tranchée d'Aure ? – Si ! C'est là que nous sommes en ce moment !

 

Mais voici un lieutenant du 21e. Il est fatigué, malade ; avec lui nous allons savoir de quoi il retourne.

 

Ses impressions sont celles d'un homme déprimé, qui est arrivé à l'extrême limite de ses forces. Tel Lemoine samedi, il fait mal à entendre.

 

La situation du 21e n'a cessé d'être dangereuse, du fait qu'il est depuis trois jours en pointe d'avant-garde par rapport au reste de la ligne. Les hommes malgré la fatigue de ces six jours sont partis magnifiquement, mais que sont-ils ? Une poignée ! Les rangs sont fort éclaircis.

 

Dans ces conditions, comment tenir le coup contre une division fraîche amenée à pied d'œuvre juste avant la contre-attaque ? Il fallait, ou reculer, ou se laisser prendre par enveloppement en même temps que massacrer sur place !

 

On s'imagine qu'il n'y a personne en face de nous ! C'est une erreur absolue ! Il y a des soldats et il y a de l'artillerie. « L'artillerie, j'estime, dit le lieutenant, qu'elle nous en envoie autant qu'à Verdun, comme nombre de projectiles. Il y a cette différence que ces obus ne sont pas d'aussi gros calibre et que ça ne tombe pas tout le temps comme à Verdun, mais enfin, quand ils nous prennent à partie, pendant une heure, deux heures, ça tombe aussi dru qu'à Verdun. Avec ça, les effectifs fondent ! C'est forcé ! ».

 

Quand on lui parle d'évacuation, le pauvre lieutenant est navré ! Il songe aux camarades restés à la peine. « Ce pauvre Legagneux, qu'est-ce qu'il va devenir ? Il reste… quoi !… 30 hommes dans sa compagnie. En voilà un ! Quel homme ! Comment n'est-il pas tué ! Toujours en avant ! Et modeste ! ».

 

Legagneux ! C'est le nom qu'au 21e on ne prononce qu'avec fierté, admiration et respect ! – Conclusion du lieutenant : « Je plains le 149, si c'est lui, comme on le dit, qui doit nous relever ! ». C'est réjouissant comme perspective.

 

Le 21e, malgré tout, a gagné le terrain qui sépare la tranchée de Nassau de la tranchée d'Aure ; c'est une avancée de 3 km. Il a fait aussi un certain nombre de prisonniers. On les utilise à porter les blessés. Le médecin du 21e, avec eux, est pour la manière forte.

 

 

Les obus boches tombent à nouveau sur la voie ferrée. Rappel nécessaire à la prudence. Dans la plaine c'est un grouillement de monde. Les chariots de parc, les caissons, traversent maintenant la voie à la file indienne, sans souci des obus. Il le faut puisque maintenant une bonne partie des batteries s'est portée en avant. Le maréchal Foch aparaît-il, donné la consigne de ne pas s'arrêter : le succès doit être exploité à fond. La poche ouverte dans la ligne ennemie de doit pas se refermer.

 

Près de nous, sous la voie ferrée, le commandant Pougny,qui commande maintenant le 1er bataillon au lieu et place du commandant Hassler évacué, installe son P.C.. Le 149e décale d'un cran en avant et se porte jusqu'à la tranchée de Nassau en soutien et en liaison plus étroite avec le 21e.

 

Il n'est pas jusqu'aux T.C. qui ne se déplacent. Ordre aux T.C. de se porter au bois de la Fouine et bois voisins, c'est-à-dire près de la ligne de chemin de fer. J'ai l'impression qu'on va un peu vite en besogne. Pourvu que nous n'ayons pas de casse !

 

Barge cité à l'ordre Ludendorff. Ceci n'est point banal. Dans les papiers boches saisis, n’a-t-on pas trouvé une circulaire signée Ludendorff donnant aux Boches comme modèles les observateurs français. Dans leur attaque du 15 juillet, les Boches ont mis la main sur les cahiers où les observateurs de Barge notaient leurs observations. Ces cahiers ont, paraît-il, fait l'admiration de Ludendorff qui ne s'étonne plus que les Français aient été si bien renseignés, etc., etc.… C’est flatteur pour Barge et l'aveu boche doit lui faire plaisir.

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Le morceau de carte  est extrait du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Visiteurs
Depuis la création 837 063
Newsletter
41 abonnés
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.