Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

Archives
2 juillet 2021

Auguste Emmanuel Puaud (1894-1965)

Auguste Puaud

 

Natif du département des Deux-Sèvres, Auguste Emmanuel Puaud naît le 15 juillet 1894 au Temple, un petit village dépendant du canton de Châtillon. Sa mère, Marie Lebaure, est âgée de 25 ans lorsqu‘elle le met au monde. Son père, Auguste, a 29 ans. Marie et Auguste sont tous les deux cultivateurs.

 

La fiche signalétique et des services du jeune Auguste, aîné d’une fratrie de 9 enfants, indique un degré d’instruction de niveau 2.  Il ne savait probablement pas maîtriser les bases de l’arithmétique. Ce niveau d’instruction, gradué sur une échelle de 5, pourrait bien être lié à des absences scolaires importantes. Auguste devait certainement aider ses parents à la ferme de manière assez régulière. Une fois l’école obligatoire terminée, il devient ouvrier agricole.

 

Les années suivantes sont bercées par le rythme des semailles et des récoltes. Elles le mèneront jusqu’à l’année de ses vingt ans, période des obligations militaires.

 

Solide comme un roc et en parfaite santé, Auguste est déclaré « bon pour le service armé » lorsqu’il se présente devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Châtillon, au cours du 1er semestre de l’année 1914. Il devrait normalement partir au régiment en octobre. Ce ne sera pas le cas.

 

Le 1er août 1914, la France impose la mobilisation générale. Un conflit armé contre l’Allemagne est inévitable.Tous les réservistes en âge de revêtir l’uniforme sont rappelés dans les casernes. Les classes 1911, 1912 et 1913 sont déjà sur place.

 

La classe d’Auguste est mobilisable dès la fin du mois d’août 1914. Le jeune homme est envoyé au 149e R.I., une unité très éloignée de son lieu de résidence. Avant le début des hostilités, ce régiment logeait ses conscrits dans les bâtiments de la caserne Courcy à Épinal.

 

Le dépôt du 149e R.I. a été transféré dans le petit village haut-marnais de Jorquenay le 4 août. C’est ici qu’Auguste débute sa formation militaire à partir du 11 septembre. Le 1er octobre 1914, le dépôt est déplacé à Rolampont.

 

La formation militaire d’Auguste est brève. Elle dure à peine plus de deux mois. Le jeune homme est envoyé dans la zone des armées dès le 22 novembre 1914. Il quitte le dépôt avec un renfort en direction de la Belgique pour aller combler les vides du 149e R.I., ce dernier ayant été très éprouvé durant les semaines précédentes. 

 

La rubrique « détails des services et mutations diverses » de sa fiche matricule ne permet pas de retracer le parcours exact de ce soldat jusqu’à la date de sa nomination au grade de caporal le 4 novembre 1916. Le 149e R.I. combat près d’Ablaincourt dans le département de la Somme.

 

Ablaincourt 1

 

Le caporal Puaud, fusilier-mitrailleur, est blessé le 11 novembre 1916.Touché par un éclat d’obus à la clavicule droite, il est évacué vers l’arrière le jour même. Une carte postale envoyée à ses parents le 4 décembre permet de savoir qu’il a été soigné à l’ambulance 4/69.

 

Carte postale rédigée par Auguste Puaud

 

Si les informations fournies par sa fiche signalétique et des services n’autorisent pas la reconstitution exacte de son parcours de combattant pour les trois premières années du conflit, il n’en est pas de même pour les suivantes.

 

 

Une fois guéri et probablement après avoir bénéficié d’une permission de convalescence, Auguste est envoyé au dépôt divisionnaire. Il réintègre le 149e R.I. actif le 12 juillet 1917.

 

 

La photographie suivante le représente avec ses sœurs, Alita et Marie.

 

 

Grâce à ses citations, on peut affirmer que le caporal Puaud a vécu la plupart des combats dans lesquels son régiment a été engagé durant les années 1917 et 1918.

 

Sa seconde citation confirme sa présence à l’attaque de la Malmaison du 23 octobre 1917.

 

Pour en savoir davantage sur ce qui s’est passé durant la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

La Malmaison

 

Sa 4e citation nous apprend qu’il a subi l’attaque allemande du 15 juillet 1918.

 

Ses 5e et 6e citations valident sa participation aux offensives de septembre et d’octobre 1918.

 

Pour prendre connaissance des évènements qui eurent lieu au cours de la bataille de Champagne et d’Argonne, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Secteur Perthes-les-Hurlus

 

Le 10 octobre 1918, Auguste Puaud est nommé sergent, un mois avant la signature de l’armistice.

 

Le sergent Puaud est mis en congé illimité de démobilisation le 9 septembre 1919 par le dépôt du 125e R.I..

 

Le 11 septembre 1919, Auguste se retire à Lezay avec l’obtention de son certificat de bonne conduite ; il appartient à la réserve du 114e R.I..

 

Le 21 septembre 1920, il épouse Emma Andrault dans la petite commune de Rom. Le fait d’être père de deux enfants lui permet d’être inscrit à la classe de démobilisation de l’année 1910.

 

Le 1er janvier 1924, il dépend de la réserve du  95e R.I..

 

Le 16 mars 1924, la famille Puaud déménage à Saint-Sauvant, dans le département de la Vienne, avant d’aller s’installer définitivement à Iteuil à partir du 20 mai 1926.

 

L’ex-sergent du 149e R.I. passe à la réserve du 32e R.I. en exécution de la C.M. 11 116 du 30 décembre 1926.

 

Il est dégagé de toutes obligations militaires à partir du 11 octobre 1938.

 

Auguste décède à Iteuil, le 6 novembre 1965, à l’âge de 71 ans. Emma et Auguste ont donné vie à 11 enfants.

 

Decorations Auguste Puaud

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec 1 étoile de vermeil, 2 étoiles d’argent et 3 étoiles de bronze 

 

Citation à l’ordre du régiment n°272 du 31 novembre 1916 :

 

« Fusilier-mitrailleur qui a montré beaucoup d’énergie et de mordant à l’attaque du 7 novembre, a disposé son F.M. près d’un petit poste qu’il avait à défendre, a empêché tout retour offensif de l’ennemi, a été blessé pendant qu’il surveillait les mouvements de l’ennemi. » 

 

Citation à l’ordre du régiment n° 76 en date du 6 novembre 1917 :

 

« Gradé consciencieux et énergique qui a brillamment conduit à l’attaque du 23 octobre 1917. »

 

Citation à l’ordre du régiment n° 37 en date du 8 juillet 1918 :

 

« Très bon caporal au cours d’un combat, sur le point d’être fait prisonnier, a réussi à dégager et à rejoindre nos lignes sous un violent feu de mitrailleuse. »

 

Citation à l’ordre du corps d’armée n° 217 en date du 7 août 1918 :

 

« Caporal énergique et brave, commandant un G.C. le 15 juillet 1918, l’a parfaitement organisé, ne cessant de tirer, malgré le feu d’infanterie et d’artillerie ennemi, infligeant des pertes aux vagues assaillantes. »

 

Citation à l’ordre de la division n° 385 en date du 16 novembre 1918 :

 

« Jeune caporal très énergique et très courageux, s’est particulièrement fait remarquer aux combats du 3 octobre 1918 par son sang froid et son initiative. A assuré parfaitement le commandement de sa ½ section.»

 

Citation à l’ordre de la division n° 388 en date du 26 novembre 1918 :

 

« Brave sous-officier, très méritant, s’est merveilleusement comporté durant les combats du 25 au 28 septembre 1918, en particulier le 28, où il a réduit au silence une mitrailleuse ennemie par les feux précis de ses F.M. »

 

Autres décorations :

 

L’ancien sergent du 149e R.I. a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à compter du 16 juin 1920 (publication dans le J.O. du 13 novembre 1921).

 

Il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1957 (décret du 5 juin 1957, publié dans le J.O. du 8 juin 1957).

 

Portrait 3 Auguste Puaud

 

La généalogie d’Auguste Emmanuel Puaud peut se consulter sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

 

Le sergent Puaud possède un dossier sur la base Léonore. Pour le lire, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance du sergent Puaud ont été consultés sur le site des archives départementales des Deux-Sèvres.

 

Les photographies représentant le sergent Puaud appartiennent toutes à M. Boutet, son petit neveu.

 

Un grand merci à M. Bordes, à M. Boutet, à A. Carrobi et aux archives départementales des Deux-Sèvres.  

25 juin 2021

1er octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

1er octobre 1918

 

Les bataillons du 149e R.I. sont au repos dans les tranchées de Postdam et de Gratreuil pour le 2e jour consécutif. Loin d’être à l’abri, les hommes sont régulièrement harcelés par les tirs de l’artillerie allemande. 

 

L’abbé Henry décide d’aller rendre visite au 3e bataillon du régiment. Il quitte le poste de secours de la voie ferrée pour se rendre à la tranchée de Gratreuil.

 

Une fois sur place, il s’entretient avec les officiers du bataillon qui lui résument les évènements de la journée du 28 septembre. L’aumônier Henry relate également une situation peu banale en lien direct avec Ludendorff.

 

La période de repos est sur le point de s’achever pour le 149e R.I.. Il n’y a pas de troupes fraîches à disposition pour relever le 21e C.A.. Le 21e R.I. est à bout de force après ses attaques menées sur la tranchée d’Aure. Les hommes du lieutenant-colonel Vivier apprennent qu’ils vont bientôt reprendre l'offensive. La 43e D.I. est sur le point de relever la 13e D.I..

 

Témoignage de l’abbé Henry : poste de secours de la voie ferrée.

 

Messe à 7 heures.

 

La journée commence bien ! Canonnade violente de la part des Boches, non seulement sur nous, mais encore à droite et à gauche, sur un large front ; fusées demandant le barrage ! Notre artillerie qui est venue se masser en avant et derrière la ligne de chemin de fer donne tout ce qu'elle peut.

 

Du P.S., j'entends la voix du guetteur crier de toute sa force : « Barrage ! ». En ligne, la lutte doit être chaude et les Boches ont dû « remettre ça » à plusieurs reprises.

 

Dans la matinée, le général est venu remettre la Légion d'honneur au capitaine Lobstein et quelques médailles militaires (4). On a raison de ne pas faire attendre des récompenses certes bien méritées.

 

Le commandant Hassler est malade. Le docteur Rouquier ne croit pas qu'il puisse rester à la tête de son bataillon.

 

10 h 00.

 

Le 21e attaque la tranchée d'Aure. Notre artillerie semble décidée à y mettre le prix. La lutte doit être chaude, acharnée, car elle se prolonge.

 

Soirée ensoleillée. J'en profite pour rendre visite à la tranchée de Gratreuil, où le 3e bataillon se repose de ses fatigues. Vu le commandant Fontaine, le capitaine Prenez, le lieutenant Roncin, le capitaine Nold. Causé longuement avec Humes.

 

Devant la tranchée de Nassau, ce fut terrible. Les mitrailleuses balayaient tout ; les obus tombaient sans relâche. Les hommes s'étaient abrités dans les trous et n'en bougeaient plus ; et pourtant, il fallait avancer ! « J'ai dû aller, venir, me raconte Humes, d'un trou à l'autre pour les faire sortir ; je suis resté debout, je ne me suis pas couché ni baissé un seul instant ; ma capote est percée de balles et d'éclats d'obus comme une écumoire, et moi, je n'ai pas une égratignure, pas ça !… Je ne sais pas comment cela se fait ! ».

 

Le capitaine Nold, lui, a reçu une balle qui a traversé le haut de son casque, sans que la tête soit touchée !

 

Et voilà tous ces hommes qui, à peine sortis de la fournaise, pourront y être rejetés demain. Car le 21e est à bout de force et c'est encore le 149 qui va payer de sa personne !

 

C'est dur ! Et pourtant, je n'entends pas un murmure, pas une plainte ! Les hommes préparent leurs armes.

 

Je les trouve à la 9e, fort occupés à installer une mitrailleuse contre avions. Le sergent Charnotet revient de permission ; il a manqué pour la première fois la bataille. Mais il arrive à temps et avec lui un certain nombre de permissionnaires pour la dernière phase de la bataille : « Alors on va remettre ça ! me dit-il en passant, ce ne sera pas grand-chose ! ». Ainsi soit-il !

 

Alors, on remet ça ! Vraiment, je ne croyais pas qu'on pouvait demander à des hommes de tels efforts. Je n'attends pas grand-chose de bon de cette reprise par des gens qui sont déjà sur les dents !

 

C'est le 2e bataillon qui va partir en tête, soutenu par ce qui reste du 1er puis le 3e bataillon (pour la 3e fois) à nouveau se lancera en avant.

 

Le 21e R.I. a dû attaquer à 10 heures. Ses objectifs étaient : tranchée d'Aure, bois La Croix, Orfeuil, Pylône. Si j'en juge par la canonnade qui ne s'apaise pas, qui au contraire ne cesse de croître en intensité, l'affaire doit être extrêmement disputée.

 

P.S.. Il me tarde d'avoir des nouvelles. Au P.S., il est difficile d'avoir la vérité, les impressions de blessés sont si sujettes à caution ! Elles ont la valeur d'indices à retenir et à contrôler les uns par les autres.

 

Après les premiers blessés, l'attaque est bien partie, la tranchée d'Aure a été prise, on a passé trois crêtes et on n'en était à peu près au village d'Orfeuil, mais les Boches ont contre-attaqué aussitôt avec des troupes fraîches, nombreuses, bien outillées, armées d'innombrables mitrailleuses. Elles ont reconduit le 21e en vitesse à son point de départ.

 

Le terrain conquis a été perdu plus vite qu'il n'avait été gagné. Eh quoi ! Le 21e n'a même pas gardé la tranchée d'Aure ? – Si ! C'est là que nous sommes en ce moment !

 

Mais voici un lieutenant du 21e. Il est fatigué, malade ; avec lui nous allons savoir de quoi il retourne.

 

Ses impressions sont celles d'un homme déprimé, qui est arrivé à l'extrême limite de ses forces. Tel Lemoine samedi, il fait mal à entendre.

 

La situation du 21e n'a cessé d'être dangereuse, du fait qu'il est depuis trois jours en pointe d'avant-garde par rapport au reste de la ligne. Les hommes malgré la fatigue de ces six jours sont partis magnifiquement, mais que sont-ils ? Une poignée ! Les rangs sont fort éclaircis.

 

Dans ces conditions, comment tenir le coup contre une division fraîche amenée à pied d'œuvre juste avant la contre-attaque ? Il fallait, ou reculer, ou se laisser prendre par enveloppement en même temps que massacrer sur place !

 

On s'imagine qu'il n'y a personne en face de nous ! C'est une erreur absolue ! Il y a des soldats et il y a de l'artillerie. « L'artillerie, j'estime, dit le lieutenant, qu'elle nous en envoie autant qu'à Verdun, comme nombre de projectiles. Il y a cette différence que ces obus ne sont pas d'aussi gros calibre et que ça ne tombe pas tout le temps comme à Verdun, mais enfin, quand ils nous prennent à partie, pendant une heure, deux heures, ça tombe aussi dru qu'à Verdun. Avec ça, les effectifs fondent ! C'est forcé ! ».

 

Quand on lui parle d'évacuation, le pauvre lieutenant est navré ! Il songe aux camarades restés à la peine. « Ce pauvre Legagneux, qu'est-ce qu'il va devenir ? Il reste… quoi !… 30 hommes dans sa compagnie. En voilà un ! Quel homme ! Comment n'est-il pas tué ! Toujours en avant ! Et modeste ! ».

 

Legagneux ! C'est le nom qu'au 21e on ne prononce qu'avec fierté, admiration et respect ! – Conclusion du lieutenant : « Je plains le 149, si c'est lui, comme on le dit, qui doit nous relever ! ». C'est réjouissant comme perspective.

 

Le 21e, malgré tout, a gagné le terrain qui sépare la tranchée de Nassau de la tranchée d'Aure ; c'est une avancée de 3 km. Il a fait aussi un certain nombre de prisonniers. On les utilise à porter les blessés. Le médecin du 21e, avec eux, est pour la manière forte.

 

 

Les obus boches tombent à nouveau sur la voie ferrée. Rappel nécessaire à la prudence. Dans la plaine c'est un grouillement de monde. Les chariots de parc, les caissons, traversent maintenant la voie à la file indienne, sans souci des obus. Il le faut puisque maintenant une bonne partie des batteries s'est portée en avant. Le maréchal Foch aparaît-il, donné la consigne de ne pas s'arrêter : le succès doit être exploité à fond. La poche ouverte dans la ligne ennemie de doit pas se refermer.

 

Près de nous, sous la voie ferrée, le commandant Pougny,qui commande maintenant le 1er bataillon au lieu et place du commandant Hassler évacué, installe son P.C.. Le 149e décale d'un cran en avant et se porte jusqu'à la tranchée de Nassau en soutien et en liaison plus étroite avec le 21e.

 

Il n'est pas jusqu'aux T.C. qui ne se déplacent. Ordre aux T.C. de se porter au bois de la Fouine et bois voisins, c'est-à-dire près de la ligne de chemin de fer. J'ai l'impression qu'on va un peu vite en besogne. Pourvu que nous n'ayons pas de casse !

 

Barge cité à l'ordre Ludendorff. Ceci n'est point banal. Dans les papiers boches saisis, n’a-t-on pas trouvé une circulaire signée Ludendorff donnant aux Boches comme modèles les observateurs français. Dans leur attaque du 15 juillet, les Boches ont mis la main sur les cahiers où les observateurs de Barge notaient leurs observations. Ces cahiers ont, paraît-il, fait l'admiration de Ludendorff qui ne s'étonne plus que les Français aient été si bien renseignés, etc., etc.… C’est flatteur pour Barge et l'aveu boche doit lui faire plaisir.

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Le morceau de carte  est extrait du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

18 juin 2021

Albert Joseph Louis Marquand (1895-1938)

Albert Marquand

 

Albert Marquand n’est pas un soldat du 149e R.I. comme les autres. Il a laissé un témoignage d’une exceptionnelle densité sur son passage dans ce régiment.

 

Enfance et jeunesse

 

Albert Joseph Louis Marquand vient au monde le 13 décembre 1895 à Troyes, au n° 20 de la rue de Paris.

 

Son père, Louis Modeste Cécile, assure la direction du dépôt de la société anonyme des parqueteries de Montbard. Il a 37 ans lorsque son fils voit le jour. Sa mère, Olympe Pauline Joly, est âgée de 26 ans. Le couple donne également vie à deux autres garçons, Georges, né le 14 mars 1897 et Henri, né le 12 février 1900.

 

Les Marquand quittent le département de l’Aube en 1902 pour aller s’installer à Aubenas, un chef-lieu de canton de l’Ardèche. Olympe et Louis prennent la gestion de la librairie-papeterie située faubourg Gambetta.

 

Aubenas librairie-papeterie Marquand

 

Le jeune Albert quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Ses écrits ultérieurs montrent qu’il maîtrise parfaitement les fondamentaux scolaires. Ces aptitudes lui permettront de fréquenter l’école primaire supérieure. Albert est un sportif accompli. Il pratique la gymnastique de manière assidue. Il possède également une bonne culture musicale avec un répertoire de chant bien rempli.

 

Sa fiche matricule indique qu’il a été étudiant avec une formation industrielle avant d’être employé par ses parents. Albert travaillera à la librairie-papeterie familiale jusqu’à la date de son incorporation.

 

Conscrit de la classe 1915, il est appelé sous les drapeaux en décembre 1914. La déclaration de guerre contre l’Allemagne, qui a eu lieu en août, lui a imposé de revêtir l’uniforme bien avant l’heure de la conscription du temps de paix ; celle-ci était normalement prévue en novembre 1915.

 

Au 3e R.I.

 

Le futur soldat a tout juste 19 ans lorsqu’il reçoit sa feuille de route. Celle-ci lui intime l’ordre de se rendre à Digne. Albert intègre la 30e compagnie du dépôt du 3e R.I. à partir du 18 décembre 1914. Cette compagnie est sous l’autorité du capitaine Cazer.

 

Le niveau d’études du soldat Marquand lui permet d’entrer au  peloton des élèves caporaux dès le 28 décembre. Il fait partie des meilleurs éléments, mais une circulaire ministérielle prescrit de ne pas nommer de caporaux à la classe 1915 durant le temps de formation ; cela l’empêche d’être officiellement nommé dans ce grade avant le départ pour le front. Albert commande ensuite différentes escouades de la 30e compagnie sans pour autant porter le galon rouge ni toucher la solde correspondante.

 

Le soldat Marquand tente ensuite le concours d’élèves officiers de réserve, mais le niveau est bien trop élevé pour lui. Il échoue à la seconde partie de l’examen qui se déroule à Marseille. Albert ne deviendra jamais officier.

 

Les entraînements deviennent de plus en plus durs. Les sacs sont régulièrement remplis de cailloux pour en augmenter la charge. Les marches s’enchaînent. Les exercices en campagne et les exercices à la baïonnette suivent à la même cadence. Les nombreuses séances de tir dévoilent un homme particulièrement doué avec le Lebel. Albert est vite classé parmi les meilleurs tireurs.

 

Caserne de Digne

 

Au 9e bataillon du 111e R.I.

 

Albert Marquand est officiellement nommé caporal le 23 avril 1915. Deux jours plus tard, il quitte la caserne Desmichels pour rejoindre le bataillon de marche du 111e R.I. établi à Antibes.

 

Le 9e bataillon de ce régiment rejoint la zone des armées au début du mois de mai 1915. La 34e compagnie, dans laquelle se trouve Albert, s’installe à Saint-André-en-Argonne. Le 15 mai, elle est à Brocourt.

 

Au 55e R.I.

 

Le 24 juin 1915, il est affecté à la 4e compagnie du 55e R.I.. Cette unité combat dans le secteur du bois de la Gruerie, une zone particulièrement dangereuse.

 

Six jours plus tard, Albert Marquand est blessé par une grenade. Le lendemain, il est évacué sur Chaumont où il est pris en charge par des médecins spécialisés dans la traumatologie oculaire. Pour rassurer la famille, Albert écrit ceci dans une de ses correspondances : « Comme blessure, je n’ai pas grand-chose, une plaie à la jambe gauche (en bonne voie de guérison), une autre à la main (à moitié guérie), enfin, et c’est pour ça qu’on m’a évacué, un minuscule éclat dans l’œil droit, mais l’œil n’est pas perdu. »

 

Guéri, il est envoyé au dépôt des éclopés de Chaumont le 7 août. Le 20, il passe la contre-visite devant un spécialiste. Le médecin qui le reçoit estime qu’il peut repartir dans la zone des combats avec une bonne paire de lunettes.

 

Le 27 août, le jeune Marquand réintègre la 4e compagnie du 55e R.I, sous les ordres du sous-lieutenant Fauché. La compagnie cantonne à Villers-Cotteret.

 

Le 1er septembre, le régiment est positionné à l’extrême est du chemin des Dames. Albert tombe malade. Il souffre d’embarras gastrique fébrile. Il est évacué sur l’ambulance 10/15 installée à Magneux, avant d’être envoyé à Igny puis à Sille-sur-Guillaume, dans la Sarthe. Il quitte l’hôpital temporaire 7bis deux mois après y être entré. Il a en main une permission de sept jours, la première depuis qu’il a revêtu l’uniforme.

 

Le 28 décembre 1915, il est au dépôt du 55e R.I. à Pont-Saint-Esprit, affecté à la 31e compagnie. Albert est arrivé à la caserne Pépin avec quelques jours de retard. Il a de la chance, ses supérieurs ne lui en tiendront pas rigueur.

 

Caserne Pepin

 

Le caporal Marquand quitte la caserne Pépin très rapidement. Le 10 janvier 1916, il est versé à la 32e compagnie qui cantonne à Bourg-Saint-Andéol.

 

Il est de retour à Pont-Saint-Esprit le 17 mars 1916. Albert vient d’apprendre son affectation au 149e R.I.. Une fois habillé de neuf, il prend la direction d’Avignon pour rejoindre le dépôt du 58e R.I. avec un petit groupe constitué de 4 sergents, de 9 caporaux et d’une quarantaine de soldats de son régiment.

 

Au 149e R.I.

 

Albert quitte Avignon dans la soirée du 22 mars avec un renfort de 500 hommes, pour prendre la direction de Verdun. Le voyage se fait en train. Il est long et épuisant. Le caporal Marquand arrive à destination le 26. Il est aussitôt affecté à la 12e compagnie du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Chauffenne. Le régiment se prépare à retourner en 1ère ligne.

 

Il faut cliquer sur l’image suivante pour se faire une idée de ce qu’a vécu le caporal Marquand durant cette période.

 

Albert Marquand, souffrances à Verdun

 

Mi-avril 1916, la 12e compagnie laisse derrière elle la région de Verdun. Mise en repos à Landrecourt pour une courte durée, elle se rend ensuite en Champagne, avec l’ensemble du régiment, pour occuper un secteur bien moins exposé aux attaques. La zone couverte par le régiment se situe entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des deux Mamelles.

 

Albert est nommé sergent le 19 mai 1916.

 

En juillet 1916, dans le cadre de la création du dépôt divisionnaire, les 4e, 8e et 12e compagnies sont remplacées par des compagnies de mitrailleuses. Les hommes de ces compagnies sont versés dans les autres unités du régiment. Ainsi, les hommes de la 12e compagnie sont versés dans les 9e, 10e et 11e compagnies. En remplacement, celles-ci se séparent de leurs soldats les plus âgés et les plus fatigués pour aller former la 12e compagnie qui fera partie du dépôt divisionnaire.

 

Albert fait partie des quelques « privilégiés » qui intègrent le D.D. installé à Saint-Thiébault. Cette situation lui permet d’être éloigné des dangers de la 1ère ligne durant plusieurs mois. Certes, il y a l’exercice et les marches, mais il a tout de même la possibilité d’assister à plusieurs concerts et il peut également lire à sa guise, ce qui n’est pas rien !

 

Le 13 août 1916, le dépôt divisionnaire est déplacé dans la Somme. La 43e D.I. est sur le point d’être engagée dans le secteur de Soyécourt et de Déniécourt. Toujours au dépôt divisionnaire, Albert Marquand ne participera pas aux combats.

 

Le 28 novembre 1916, il quitte la 12e compagnie pour rejoindre le régiment actif. Albert est affecté à la 10e compagnie. C’est le retour en 1ère ligne. Le 16 décembre, il est dans le secteur de la sucrerie d’Ablaincourt, pataugeant dans la boue jusqu’à mi-cuisses, loin du confort du dépôt.

 

L’année suivante, le 149e R.I. occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames. Il alterne périodes de repos et passages en 1ère  ligne.

 

Un cliché réalisé le 10 avril 1917 montre le sergent Marquand parmi les sous-officiers de la 10e compagnie.

 

10e compagnie du 149e R

 

Début juillet 1917, Albert Marquand fait un stage de mitrailleurs d’une durée de 10 jours au dépôt divisionnaire.

 

En formation

 

Le 149e R.I. participe à la bataille de la Malmaison qui se déroule le 23 octobre 1917. Marqué par cette expérience, Albert rédigera plus tard un écrit poignant, extrêmement détaillé, sur les évènements qu’il a vécus.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 149e R.I. est envoyé au repos après l’attaque, dans la région ouest de Montmirail. Il s’installe ensuite près de Montbéliard.

 

Dernière mutation

 

Albert Marquand intègre le groupe radio du 8e Génie du 1er corps de cavalerie en février 1918. Il devient téléphoniste. La vie est de nouveau plus tranquille. Il est très loin des expériences traumatisantes des combats qu’il a connues au sein des 55e et 149e R.I.. Son quotidien ressemble presque à des vacances ! Pour obtenir ce poste, il a dû accepter d’être cassé de son grade de sous-officier en redevenant simple soldat.

 

Albert termine la guerre dans cette unité. Après l’armistice, il fait partie des troupes d’occupation en Rhénanie, avant de devenir élève interprète auprès de l’armée américaine.

 

La démobilisation et les années d’après-guerre

 

Le 14 septembre 1919, Albert Marquand est mis en congé illimité de démobilisation par le 15e régiment de train à Orange. Il se retire à Aubenas avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

 

La commission de réforme de Nîmes, qui s’est réunie le 15 mai 1920, le propose pour une pension temporaire de 20 % pour diminution de l’acuité visuelle bilatérale par myopie ; parallèlement, il est maintenu  au service armé.

 

Le 25 avril 1922,  il passe devant la commission de réforme de Valence qui diminue sa pension de 10 %.  Cette commission maintient cette décision lors de ses sessions du 21 février 1923 et du 9 avril 1924.

 

Au début des années trente, Albert quitte son emploi à la librairie parentale qu’il occupait depuis sa démobilisation, et part s’installer à Sedan.

 

Ce changement de domicile le fait rattacher militairement à la subdivision de Mézières à partir du  12 janvier 1932.

 

Albert est maintenant propriétaire d’une librairie-papeterie située au 16 rue Carnot. Elle porte l’enseigne « Isabel ».

 

La commission de réforme de la Seine, dans sa séance du 3 septembre 1934, le réforme définitivement n°1. Elle lui propose une pension permanente de 30 %.

 

Une notification de pension définitive de 30 %  lui est concédée le 17 février 1937 suite aux commissions de réforme de Paris réunies les 3 et 9 septembre 1935 ; cette pension est accordée pour une taie paracentrale de la cornée à son œil droit et pour un astigmatisme myopique important à l’œil gauche.

 

Albert Marquand décède à Carpentras le 28 septembre 1938. Il ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

La correspondance de guerre d’Albert Marquand, constituée de 469 lettres, a été publiée en 2011 dans un ouvrage présenté par Francis Barbe avec une postface rédigée par le général André Bach sous le titre « Et le temps, à nous est compté».

 

Une critique de ce livre a été réalisée par Arnaud Carobbi. Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Site Anaud Carobbi

 

Une seconde analyse, faite par Rémy Cazals, peut également se lire en cliquant une fois sur le logo ci-dessous.

 

CRID 14-18

 

L’ancien sergent du 149e R.I. a été décoré de la croix de guerre avec une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la division n° 267 en date du 21 novembre 1917.

 

«Sous-officier très brave, a rempli au cours d’une attaque très périlleuse, une mission de liaison des plus importante dont il s’est acquitté d’une façon parfaite. Blessé au cours de la campagne. »

 

La généalogie de la famille Marquand est consultable sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services d’Albert Marquand a été consultée sur le site des archives départementales de l’Ardèche.

 

« Et le temps à nous, est compté » Lettres de guerre (1914-1919) Albert Marquand. Présentation de Francis Barbe, postface du Général André Bach.

 

L’aquarelle « la permission du poilu »  figurant sur le montage accompagnait le programme d’un concert donné à Aubenas le 29 avril 1917 en faveur des enfants orphelins. Il fait partie du fonds Marquand, propriété de R. Mioque, tout comme le portrait d’Albert en uniforme de soldats du 3e R.I. et la photographie de groupe avec les fusils-mitrailleurs Chauchat. 

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à A. Carobbi, à F.Barbe, aux archives départementales de l’Ardèche et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

11 juin 2021

30 septembre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

30 septembre 1918

 

Les 3 bataillons du 149e R.I. sont au repos dans les tranchées de Gratreuil et de Postdam. Grâce aux informations fournies par les blessés du 21e R.I. qui affluent au poste de secours, l’abbé Henry est informé de tout ce qui se passe en 1ère ligne.

 

Il évoque une nouvelle fois des actes déloyaux commis par les Allemands.

 

Témoignage de l’abbé Henry : Au poste de secours de la voie ferré

 

Messe à 7 h 00.

 

Pendant la nuit, un certain nombre d’ypérités, une trentaine sont passés au P.S..

 

La nuit se met de la partie. Voilà qui ne va pas faciliter au 21e la rude tâche qui lui incombe. Il s’agit d’enlever la tranchée d’Aure, c’est un morceau. Le 21e s’y emploie sans succès toute la journée.

 

Ce ne sont partout, sur ce plateau, que réseaux de fil de fer et mitrailleuses. Le 21e comptera cette journée du 30 septembre parmi les plus dures de la guerre.

 

On signale au 21e deux officiers tués, dont l’un, par un soldat qui avait d’abord fait camarade. Ce coup de traîtrise signalé mainte fois en ces derniers jours. Nos soldats sont exaspérés et l’on se demande comment eux-mêmes ne tuent pas tous les prisonniers.

 

On en voit passer qui appartiennent aux 236e et 237e régiments de la 51e Division. Ils reçoivent partout un accueil dénué de sympathie ; on est outré de leurs procédés.

 

J’entends un blessé raconter un de ces incidents, un boche faisant mine de se rendre et tirant à bout portant. « Pourquoi n'avais-tu pas tiré dessus ? Tu sais bien qu'il n'y a rien à compter avec ces gens-là ! » Le soldat eut cette réponse admirable où l'âme du poilu français se montre à nu dans sa naïve bonté : « On l'avait bien vu ; mais plutôt que de le tuer, on s'était dit : oh ! Après tout, c'est un pauvre bougre comme nous, on va essayer de le faire prisonnier. Pas la peine de le tuer il a p' t'être des gosses !… ». Pauvre petit troupier français, te voilà bien ! Tu es né pour être dupe de ton bon cœur ; tu seras toujours roulé par le tortueux germain. Et bien ! Je t'aime ainsi. Heureux les simples d'esprit et de cœur !

 

À droite, le 109e a progressé ; et plus à droite, les zouaves ont fait une forte avance ! La droite est dégagée, reste la gauche qui est toujours en retard. On dit que les Américains sont derrière pour donner un coup de main où ce sera nécessaire.

 

Les avions ont pris part à la bataille. Ils étaient bien une cinquantaine conduits par l'avion divisionnaire, qui sont venus cribler de bombes les points de résistance. Je serais curieux de savoir quel est le résultat.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Revue « uniformes » n° 292 année 2014.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à J.L. Poisot.

4 juin 2021

Léon Ferdinand Bernheim (1874-1943)

Leon Bernheim

 

Léon Ferdinand Bernheim est né le 4 août 1874 à Strasbourg, une ville officiellement annexée à l’Allemagne depuis le traité de Francfort signé le 10 mai 1871. Il est le troisième enfant de la fratrie.

 

Son père est âgé de 27ans. Il se prénomme Jules. Sa mère, Ernestine Léa Lévy, a 25 ans.

 

Les Bernheim et leurs trois enfants décident de franchir la frontière pour aller s’installer à Paris. Le père travaille comme négociant. Il est réintégré dans sa qualité de français par un décret datant du 15 juillet 1884. Léon est rattaché à la classe 1894 suite à une décision prise par le conseil de révision. Il devra marcher avec cette classe en temps voulu.

 

Le jeune homme quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il sait lire écrire et compter. Une fois sa scolarité obligatoire achevée,  il travaille comme employé de commerce.

 

Sa fiche signalétique et des services nous apprend qu’il a passé une partie de sa jeunesse à Hambourg, mais il est impossible de savoir durant combien de temps.

 

Comme il est indiqué sur son registre matricule, Léon aurait dû partir avec les conscrits de la classe 1894. Ce ne fut pas le cas. La raison qui pourrait expliquer ce décalage de classes reste ignorée.

 

Était-il à Hambourg ? Y-a-t-il eu une erreur d’écriture dans la datation de classe au moment de sa transcription sur le registre matricule ?

 

Une dernière hypothèse concernant le décalage entre sa classe et son incorporation : son statut de naturalisé. Il est regrettable que l’année de son passage devant le conseil de révision ne soit pas indiquée.

 

Nous savons simplement qu’il fut classé dans la 1ère partie d’une liste. Le fait qu’il ait été déclaré « bon pour le service armé » signifie qu’il s’est présenté devant le médecin militaire du conseil de révision. Sinon, il aurait été déclaré « bon absent ».

 

Sa feuille de route lui ordonne de se rendre à Compiègne dans le département de l’Oise. Léon intègre une compagnie du 54e R.I. le 14 novembre 1896.

 

Remarqué par sa hiérarchie, son capitaine de compagnie le fait inscrire au peloton d’instruction pour suivre la formation de caporal,  grade qu’il obtient le 5 novembre 1897.

 

Le jeune homme est envoyé en congé le 17 novembre 1898 en attendant son passage dans la réserve. Il quitte la caserne Othenin avec son certificat de bonne conduite en poche. L‘ancien conscrit est, dans un premier temps, versé dans la réserve du 91e R.I. avant d’intégrer celle du 26e R.I..

 

Léon Bernheim effectue sa première période d’exercice dans ce régiment entre le 3 mai et le 1er juin 1903. Il n’aura pas l’obligation de faire la seconde.

 

Il a été classé dans le service auxiliaire par la commission de réforme de la Seine du 2 mars 1907, pour méningo-myélite avec paraplégie. Cette décision est entérinée par le gouverneur de Paris le 11 mars.

 

La commission spéciale de la Seine lui accorde le statut de réformé n° 2  dans sa séance du 11 mai 1907 pour les mêmes raisons.

 

Le 1er octobre 1908, Léon est inscrit dans les registres de l’armée territoriale.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, il fait son choix. Pour lui, il est hors de question de se réfugier derrière son statut de réformé. Le 5 août 1914, il se présente volontairement devant la 6e commission spéciale de réforme qui lui permet de réintégrer le service actif.

 

Léon est affecté au 149e R.I., une des unités de la place forte d’Épinal. Il arrive au dépôt le 9 août. Le régiment est déjà en route pour la frontière.

 

Il est impossible de reconstruire le parcours militaire de Léon Bernheim durant le conflit 1914-1918 en s’appuyant sur les informations qui figurent sur sa fiche matricule. La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est qu’il a fait l’intégralité du conflit au sein du régiment spinalien, mais de quelle façon ?

 

Sa fiche matricule n’en dit rien et ses problèmes de santé pourraient faire penser qu’il ne quitta pas le dépôt. Heureusement, d’autres sources précisent son parcours.

 

Léon a occupé les fonctions de caporal fourrier à partir du 25 novembre 1914 avant d’être nommé sergent le 3 décembre 1914 ; cette nomination fait suite à un ordre donné par le lieutenant-colonel qui commande le 149e R.I..

 

Le livre d’or des israélites dans l’armée française nous apprend qu’il a été cité à l’ordre du corps d’armée suite à une action menée au cours de l’attaque du 9 mai 1915. Blessé au visage, il poursuit le combat après s’être fait faire un pansement sommaire.

 

Le registre de contrôle nominatif du 2e trimestre 1915 du 149e R.I., concernant les malades et les blessés traités dans les formations sanitaires, nous indique que le sergent Berheim servait à la 9e compagnie du 149e R.I. lorsqu’il est entré à l’hôpital n° 3 de Sains-les-Mines le 18 mai 1915, et qu’il a quitté cet établissement de soins dès le lendemain.

 

Une fois de plus, nous perdons sa trace. A-t-il été évacué vers l’arrière après son hospitalisation à Sains-les-Mines? Si c’est le cas, durant combien de temps ?  À quel moment fut-il dans l’obligation de réintégrer son régiment ? Encore des questions qui resteront sans réponses. Il est impossible de dire s’il a ou non participé aux combats de Verdun et de la Somme durant l’année 1916.

 

Nous retrouvons sa trace dans le livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté». Léon figure sur une photographie qui se trouve à la page 179 de l’ouvrage. Ce cliché qui a été réalisé le 10 avril 1917 indique dans la légende qu’il est sergent-major à la 10e compagnie du régiment.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Début octobre 1917, le 149e R.I. est en préparation d’attaque. Une vaste offensive doit bientôt commencer dans le secteur de la Malmaison.

 

La bataille débute le 23 octobre. Il y a de fortes chances pour que le sergent-major Bernheim ait pris part aux combats.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

Bataille de la Malmaison

 

Son parcours pour l'année 1918 n'a pas pu être identifié.

 

Léon Benrheim est mis en congé de démobilisation le 30 décembre 1918. 

 

De retour à la vie civile, il s’installe au 22 rue Pétrelle, à Paris, pour y occuper un appartement qu’il conservera jusqu’à la fin de sa vie.

 

Le 9 mars 1920, il épouse Marie Philomène Calvière, une Suissesse âgée de 42 ans. Léon a 45 ans. Le couple se marie à la mairie du 9e arrondissement, 6 rue Drouot.

 

Le titre de combattant volontaire est accordé à l’ancien sergent-major du 149e R.I. en 1935.

 

Léon Bernheim a obtenu une citation à l’ordre du corps d’armée :

 

« Réformé, engagé volontaire pour la durée de la guerre, a courageusement entraîné ses hommes à l’attaque des pentes de Notre-Dame-de-Lorette le 9 maiet, quoique blessé au visage, a voulu, après un pansement sommaire, sa place de combat. Sous-officier exerçant une très heureuse autorité sur ces hommes. »

 

Cette citation ne figure pas sur sa fiche matricule.

 

Pour prendre connaissance de la généalogie de la famille Bernheim, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Léon Ferdinand Bernheim décède chez lui le 28 février 1943, à l’âge de 68 ans. Il est écrit sur son acte de décès qu’il était veuf de Lina Calvière. Y aurait-il un lien avec une ancienne danseuse de l’Olympia ?

 

Sources :

 

Le registre matricule du sergent Bernheim et les registres d’état civil ont été consultés sur le site des archives de la ville de Paris.

 

Livre d’or des israélites dans l’armée française éditions Angers Imprimerie Frédéric Gaultier.1921.

 

Contrôle nominatif du 2e trimestre 1915 du 149e R.I. des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires détenu par les archives médicales hospitalières des armées de Limoges.

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. provient du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, à O. Gaget, aux archives de la ville de Paris et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

28 mai 2021

30 septembre, 1er et le 2 octobre 1918

30 septembre, 1er et 2 octobre 1918

 

Affaiblie par les combats, la 43e D.I. passe en réserve, relevée par la 13e D.I.. Le 149e R.I. est remplacé par le 21e R.I. qui poursuit l'offensive.

 

Voici un résumé rapide de la progression de cette division pendant trois jours, dans le secteur où le 149e R.I. va ensuite repartir à l'attaque.

 

30 septembre 1918

 

La 13e D.I. s’est substituée à la 43e D.I. dans la nuit du 28 au 29. Le 2e bataillon du 21e R.I. a dépassé le 3e bataillon du 149e R.I. pour continuer le combat. Au prix de lourdes pertes, il s’empare de la tête du fond d’Aure vers 12 h 15.

 

Carte 1 journees des 30 septembre, 1er et 2 octobre 1918

 

Dans la matinée du 30, le 2e bataillon du 21e R.I. se fait doubler par le 3e bataillon pour la suite de l’attaque. Vers 9 h 30, il se dirige sur les objectifs marqués par la tranchée d’Aure et par la lisière des bois qui se trouve à 800 m au nord.

 

La marche est pénible. Les échanges de tirs entre les artilleries sont particulièrement violents. De nombreux blessés affluent au poste de secours.

 

Le 3e bataillon du 21e R.I. finit par s’emparer de la tranchée d’Aure aux alentours de 15 h 00.

 

Carte 2 journees des 30 septembre, 1er et 2 octobre 1918

 

Pendant ce temps, les compagnies du 3e bataillon du 149e R.I. sont mises au repos dans la tranchée de Gratreuil. Plus en arrière, les 1er et 2e bataillons de ce régiment occupent la tranchée de Postdam.

 

1er octobre 1918

 

Le 1er bataillon du 21e R.I. passe devant le 3e bataillon. Il progresse sous la protection d’un tir de ratissage. Une fois de plus, le nombre de blessés est conséquent. Les prisonniers affluent. Non sans peine, le 1er bataillon parvient à porter sa 1ère ligne plus au nord à 700/ 800 m.

 

Les Allemands réagissent avec force. Ils effectuent deux contre-attaques entre 15 h 00 et 16 h 00. Sous la pression, le 1er bataillon du 21e R.I. est dans l’obligation de se replier jusqu’à sa base de départ. Heureusement pour lui, le vide est vite comblé par les chasseurs de sa division.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. est  toujours au repos dans la tranchée de Gratreuil, les deux autres à la tranchée de Postdam.

 

Mal remis de sa dernière blessure, épuisé par les combats des jours précédents, le commandant Hassler finit par tomber malade. Évacué vers l’arrière, il laisse le commandement du 1er bataillon du régiment spinalien au capitaine Pougny.

 

2 octobre 1918

 

Le 1er bataillon du 21e R.I. repart à l’attaque à 11 h 50 après une préparation d’artillerie d’une demi-heure.

 

Sa progression s’effectue au prix de grandes difficultés. Orfeuil est en vue, mais le bataillon fait face à une solide organisation de la défense ennemie.

 

Les chasseurs et le 109e R.I. se portent en avant à 16 h 00 après une préparation d’artillerie d’une demi-heure. Les éléments de ces unités sont stoppés à 1000 m du village.

 

La 203e D.I. allemande, fraîchement arrivée dans le secteur, contre-attaque vers 17 h 00. Cette contre-attaque est brisée par l’artillerie française.

 

En fin d’après-midi, les éléments les plus avancés de la 13e D.I. occupent la ligne suivante : bois de la Croix, lisières ouest et nord des bois R.44 et R.45.

 

Carte 3 journees des 30 septembre, 1er et 2 octobre 1918

 

Les troupes de la 13e D.I. apprennent qu’elles vont  être relevées par la 43e D.I. dans la nuit du 2 au 3 octobre.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. est désigné pour repasser en tête d’offensive. Il sera soutenu par ce qui reste du 1er bataillon. Les 1ère, 2e, 3e, 5e, 6e et 7e compagnies du 149e R.I. se préparent  à quitter la tranchée de Postdam.

 

Le chef de bataillon Froment a repris le commandement du 2e bataillon du 149e R.I. qui était sous la responsabilité du capitaine Chauffenne durant son absence.

 

Sources :

 

Les étapes de guerre d’une division d’infanterie (13e D.I.) par le lieutenant-colonel Laure et le commandant Jacottet 1914-1918. Paris berger-Levrault.1928.

 

Le 1er morceau de carte utilisé est extrait de l’article « Tactique appliquée d’infanterie » rédigé par Ulysse Fontaine. Le second provient du J.M.O. du 3e B.C.P.. Ref : 26 N 816/5.

 

Concernant la 3e carte, elle a été créée à partir de plusieurs plans. Cette carte n’a donc qu’une valeur indicative.

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi à I. Holgado, à É. Mansuy, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

21 mai 2021

29 septembre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

Journée du 29 septembre 1918

 

L’aumônier Henry s’apprête à passer sa 3e nuit dans la zone des combats.

 

La 1ère partie de la bataille de Champagne et d’Argonne, appelée bataille de Somme-Py, touche à sa fin pour la 43e D.I.. La relève du 149e R.I. est assurée par le 21e R.I..

 

L’abbé Henry rejoint le P.C. du 149e R.I.. De là, il observe le repli de la compagnie de mitrailleuses du 3e bataillon, sous le commandement du lieutenant Barlier. Les mitrailleurs sont en difficulté.

 

Le capitaine Prenez arrive au P.C.. Il donne au lieutenant-colonel Vivier les dernières informations connues concernant la poursuite de l’attaque. Le 21e R.I. est bien engagé dans l’offensive. Malgré ses pertes, sa progression se fait à un rythme soutenu.

 

Témoignage de l’abbé Henry : du poste de secours de la voie ferrée au P.C. du lieutenant-colonel Vivier puis retour au P.S..

 

P.S. Voie ferrée.

 

C'est bien la relève. Dans la nuit, le médecin-chef du 21e, le docteur Barberousse et sa suite sont arrivés au P.S.. M. Ruffin retourne à la tranchée Gratreuil où le 3e bataillon s'installe à nouveau, tandis que le 1er et le 2e vont s'abriter à Postdam. Après maints pourparlers, tout le monde finit par se caser.

 

Tranchee de Grateuil et tranchee de Postdam

 

L’abbé Corvée, aumônier volontaire à la 13e, s’est attaché au 21e. Il est aidé par l’abbé Saillard, infirmier, faisant habituellement fonction d’aumônier.

 

Enfin, je retrouve l’abbé Paquelin du diocèse de Dijon, sergent infirmier. L’abbé Saillard a avec lui sa chapelle. Je craignais de n’avoir pas la messe aujourd’hui dimanche et si je n’ai pu dire la mienne, du moins, j’en ai entendu deux, celle de l’abbé Corvée et celle de l’abbé Saillard.

 

Jusqu'à nouvel ordre, nous voilà donc simples spectateurs dans le grand drame qui va continuer.

 

P.C. du 149e R.I.

 

11 h 00. Visite au P.C. du colonel. La relève n'est pas encore terminée. Je frémis en voyant nos troupes s'éloigner à travers une zone battue par le feu de l'ennemi. En ce moment, c'est la C.M. 3 qui débouche du bois de la Chèvre.

 

 

C'était fatal ! Il y a des blessés ! Un obus malheureux est tombé sur le boyau que suivaient le lieutenant Barlier et ses hommes. Plusieurs sont amochés.

 

Le lieutenant lui-même est touché fort sérieusement ; il a un pied presque complètement détaché.

 

C'est la fin de la carrière militaire de ce brave et sympathique lieutenant. Le voilà infirme pour le reste de sa vie. Pour un vieux sous-officier de carrière, c'est une fin que je n'ose dire malheureuse tant elle est glorieuse. On l'apporte au P.C. du colonel ; il se rend compte de son état et quand tout ému je lui serre la main, il me dit simplement en me montrant son pied mutilé : « C'est pour la France ! » Brave cœur ! Il était prêt à donner sa vie s'il eut fallu. Il s'en tire avec la vie sauve. Lui, du moins, il sait ce qu'il a !

 

Arrivée au P.C. du capitaine Prenez. Il apporte au colonel des nouvelles de l'attaque que le 21e mène depuis ce matin : « Ça va très bien, dit-il, nous progressons ! »

 

Le capitaine Prenez est un militaire dans l'âme pour lequel les résultats priment surtout. Au fond, il a raison. Si les grands chefs prenaient trop en considération le prix dont il faut payer la victoire, ils ne signeraient jamais les ordres d'attaque et il n'y aurait plus qu'à attendre la défaite en victimes résignées.

 

Il indique les points atteints « Brunnen Grund », V 88, le 21e attaque le bois des Ronces. De son côté, le 158 était à la Croix Walfroy. L’attaque continue dans la direction d’Orfeuil. Un coup d'œil sur la carte permet de se rendre compte des difficultés auxquelles nos soldats se heurtent ; ils ont à prendre une série d’éperons boisés, séparés par des ravins étroits, mais profonds.

 

Après l’éperon coté V 88 et bois des Épines, le vallon dit : « Brunnen Grund », puis l’éperon du bois des Ronces suivi du vallon « Fuchs Grund », puis l’éperon « Fuchs Busch » et V 77, suivi du Fond d’Aure, puis de nouveau un plateau très large sur lequel la tranchée d’Aure promène ses lignes formidables qui, du Grand du bois du Carrefour, se prolongent sur les pointes dentelées absolument nues du plateau.

 

Après ces formidables défenses, de nouveau, un vallon sans nom, puis encore un éperon marqué V 10, V 12 ; après cela un vallon, un nouvel éperon sur lequel est couché en travers comme une bande, le bois « La Croix ».

 

Enfin, une nouvelle dépression dans laquelle court un tortillard qui regrimpe le vallon pour arriver par un détour au sommet d’Orfeuil. Si les Boches ne sont pas en nombre ou s’ils fichent le camp, ça ira bien. Si, au contraire, ils se défendent, ce sera dur. De V 88 à Orfeuil, cinq vallons.

 

Avec le lieutenant Barlier, quatre mitrailleurs ont été blessés dont quelques-uns assez grièvement.

 

Retour au P.S. Voie ferrée, juste pour apercevoir le musicien Brunard, mon sacristain d’occasion, blessé au bras et évacué. Ce n’est pas grave, heureusement, car c’est un bien brave garçon et un bon chrétien.

 

Au P.S.

 

Les blessés affluent et le docteur Barberousse a fort à faire. C’est un véritable encombrement devant le P.S. et je tremble qu’il ne prenne fantaisie aux Boches d’envoyer quelques bombes.

 

Tous les blessés sont unanimes à dire que la lutte est très dure et que les Boches se défendent âprement. Beaucoup de blessés par balles de mitrailleuses.

 

Nous sommes au fond d’Aure, avec en face de nous le plateau défendu par la tranchée ou plutôt le système de tranchées d’Aure.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Les portraits du lieutenant-colonel Vivier, du capitaine Prenez et du lieutenant Barlier sont extraits de leurs dossiers individuels archivés au S.H.D. de Vincennes.

 

Les morceaux de cartes utilisés sont extraits de l’article « Tactique appliquée d’infanterie » rédigé par Ulysse Fontaine et publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot.

21 mai 2021

Joseph Émile Barlier (1880-1966)

Joseph Emile Barlier

 

Joseph Émile Barlier voit le jour le 10 mai 1880 à Marzelay, un hameau situé dans le département des Vosges et dépendant de la ville de Saint-Dié.

 

Sa mère, Marie Louise Fleurent,est âgée de 35 ans lorsqu’elle lui donne naissance. Son père se prénomme Sébastien. Il a le même âge que son épouse. Émile est le second enfant du couple.

 

Genealogie famille Barlier

 

Sébastien et Marie Louise exercent tous les deux le métier de cultivateurs.

 

Émile quitte l’école communale après avoir obtenu son certificat d’études primaires, ce qui signifie qu’il sait parfaitement lire, écrire et compter. Ne pouvant pas poursuivre des études, il rejoint rapidement le monde professionnel. À l’âge de quinze ans, il travaille la terre, probablement dans la même exploitation agricole que ses parents.

 

Marzelay

 

Émile fête ses vingt ans en 1900. Solide comme un roc, il passe devant le conseil de révision qui le déclare « bon pour le service armé ». Le jeune homme se retrouve inscrit dans la 1ère partie de la liste du recrutement cantonal. Le futur conscrit reçoit sa feuille de route l’année suivante. Celle-ci lui indique son affectation au 149e R.I., une unité qui tient garnison à Épinal.

 

Au 149e R.I.

 

Émile intègre la caserne Courcy le 16 novembre 1901. Son appétence pour la vie militaire est vite repérée par ses supérieurs. Son capitaine de compagnie le fait rapidement inscrire au peloton des élèves caporaux. Émile Barlier est nommé dans ce grade le 25 septembre 1902. Un an plus tard, il a une promotion, il devient sergent.

 

Caserne Courcy - stand du tir réduit

 

Émile a trouvé sa voie. L’ancien cultivateur décide de s’engager pour une durée de deux ans, quelques mois avant la fin de ses obligations militaires. Ce contrat est homologué le 7 mai 1904. Il sait qu’il ne touchera pas de prime pour cet engagement, mais cela ne fait rien. Il ne souhaite absolument pas retourner à la vie civile. Le 28 décembre, le sergent Barlier change de catégorie. Il entre dans celle des sous-officiers rengagés avec prime.

 

Le 1er juillet 1905, il troque la cartouchière pour l’encrier. Émile est nommé sergent-fourrier. Il doit maintenant s’occuper de la comptabilité de la compagnie.

 

Il signe un second engagement le 11 octobre 1906. Ce contrat d’une durée de trois ans prend effet à compter du 1er novembre.

 

Émile Barlier redevient sergent de compagnie le 15 mars 1907. Le 11 mai, il est promu sergent-major, c’est le retour aux fonctions administratives, mais cette fois-ci, il est tout en haut de la hiérarchie comptable de la compagnie, en lien direct avec le capitaine.

 

Le 8 juillet 1908, le sergent-major Barlier adresse une demande d’autorisation de mariage au président du conseil d’administration du régiment pour épouser Claire Marie Louise Modret, une jeune femme originaire de la Côte d’Or.

 

Le capitaine Cesbron qui commande la 1ère compagnie, l’unité dont il dépend, écrit ceci : « Très bon sous-officier, d’un moral très élevé, est d’une conduite irréprochable, capable par son caractère de fonder une famille et de la tenir très convenablement. »

 

Le couple se marie dans la petite commune de Gemeaux, le 11 août 1908. Les Barlier n’auront pas de descendance. 

 

Le 8 juillet 1909, Émile signe pour la troisième fois. Il devra porter l’uniforme pendant les cinq années suivantes.

 

1ere compagnie du 149e R

 

Le sergent-major Barlier est promu adjudant le 11 octobre 1913.

 

Émile s’engage à nouveau pour une durée de deux ans et soixante-quinze jours, le 23 mai 1914. Ce contrat aurait dû prendre effet à partir du 1er novembre, mais les évènements internationaux en décidèrent autrement.

 

La Grande Guerre

 

Un nouveau conflit armé contre l’Allemagne est sur le point de débuter en août 1914, mettant fin à 43 années de paix. À cette époque, Émile Barlier est sous-officier à la 7e compagnie, sous le commandement du capitaine Coussaud de Massignac.

 

Toutes les unités frontalières reçoivent l’ordre de se diriger vers l’Allemagne avant même la déclaration de guerre officielle. Elles doivent stopper une éventuelle attaque allemande le temps que la France ait fini de se mobiliser.

 

Le 149e R.I. entre officiellement en campagne le 3 août. Six jours plus tard, la compagnie Coussaud de Massignac entre en action, c’est le baptême du feu pour le régiment. Ce jour-là, L’adjudant Barlier se fait remarquer par un acte de bravoure. Il tue un porte-drapeau allemand auquel il arrache le baudrier et le fer de lance. C’est dommage, l’homme n’était pas en possession du drapeau, symbole identitaire du régiment. Cette action lui vaut une citation à l’ordre de l’armée.

 

Pour en savoir plus sur le déroulement de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 9 aout 1914

 

Émile Barlier est blessé le 21 août 1914 au cours d’une attaque qui a lieu du côté d’Abreschwiller. Touché par une balle au pied gauche, il est évacué vers l’arrière.

 

Pour en savoir plus sur ce qui s’est passé durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 21 aout 1914

 

L’adjudant Barlier est soigné à Hôpital militaire de Vichy, du 24 août au 26 septembre 1914. Durant ce séjour, il apprend sa nomination, à compter du 2 septembre, au grade de sous-lieutenant à titre temporaire.

 

Émile est envoyé en convalescence du 27 septembre au 8 novembre 1914. Le lendemain, il doit être au dépôt du 149e R.I. à Rolampont, pour se mettre sous les ordres du commandant Bédin. Son pied reste une véritable source de souffrance. Les premiers soins n’ont pas suffi, il doit de nouveau être hospitalisé. Le 15 janvier 1915, le sous-lieutenant Barlier intègre l’hôpital militaire de Bourbonne-les-Bains pour y subir plusieurs interventions chirurgicales. Il devra, en parallèle, suivre un traitement thermal. Considéré comme guéri, Émile rejoint le dépôt le 16 avril 1915. Des problèmes subsistent ; le 6 octobre, il est de nouveau hospitalisé à Bourbonne-les-Bains. Le 15 décembre 1915, c’est le retour à Rolampont.

 

Trois jours plus tard, le sous-lieutenant Barlier est envoyé en stage au centre d’instruction de mitrailleurs de Chaumont. Il réintègre le dépôt du 149e R.I. le 17 janvier 1916.

 

Le 6 juin 1916, Émile Barlier est détaché comme instructeur au cours des mitrailleurs du  C.I. du 21e C.A.. Confirmé à titre définitif dans son grade de sous-lieutenant, il rejoint le corps combattant du régiment le 26 juillet pour être affecté à la 1ère compagnie de mitrailleuses.

 

En septembre, le 149e R.I. affronte les Allemands dans la Somme. Le sous-lieutenant Barlier est cité à l’ordre du régiment pour sa conduite au feu durant la prise du village de Soyécourt.

 

Le 21 novembre 1916, il est nommé lieutenant à titre temporaire.

 

Deux jours avant Noël, le lieutenant-colonel Pineau rédige la petite note suivante dans son feuillet personnel : « Très bon officier, a continué de montrer de très belles qualités militaires. Rend les plus grands services dans la compagnie de mitrailleuses à laquelle il appartient. A été cité lors des dernières affaires. »

 

Le 15 février 1917, Émile est envoyé au dépôt divisionnaire de la 43e  D.I.. Le 6 juillet, sa hiérarchie valide son grade de lieutenant à titre définitif.

 

Le 28 octobre, Émile Barlier est affecté à la 3e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I.. Le régiment vient de subir des pertes à la bataille de la Malmaison.

 

Le lieutenant Barlier est détaché au centre d’instruction divisionnaire de la 43e D.I. pour assurer, du 1er janvier au 14 avril 1918, le commandement de la 4e compagnie 149e R.I.. Durant cette période, il enseigne également comme instructeur-mitrailleur en donnant des cours aux élèves, chefs de section du groupe des armées de l’est.

 

Le 15 avril, il prend la tête de la 12e compagnie du 149e R.I..

 

Émile quitte le C.I.D. pour rejoindre le régiment le 13 mai 1918. Le lieutenant-colonel Vivier lui confie sa 3e compagnie de mitrailleuses.

 

À partir de cette date, le lieutenant Barlier participe à tous les évènements majeurs du régiment en tant que chef de la C.M.3.

 

Fin mai 1918, le 149e R.I. s’oppose à une vaste offensive allemande qui est menée sur le chemin des Dames, entre le moulin de Laffaux et les abords de la ville de Reims. Les combats sont très violents. Le lieutenant Barlier est cité à l’ordre de la division.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Sa compagnie est engagée dans la bataille de Somme-Py à la fin du mois de septembre 1918. Le lieutenant Barlier est grièvement blessé le 29.

 

Pour en savoir plus sur les évènements de septembre 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Sa jambe droite est fracturée, le pied est presque détaché, un éclat d’obus a pénétré dans la jambe gauche. Émile Barlier est dans un premier temps soigné à l’ambulance 10/13 à Bussy-le-Château.

 

L’aumônier du régiment, l’abbé Henry, évoque cet évènement dans un de ces carnets.

 

Pour lire ce qu’il a écrit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Journée du 29 septembre 1918

 

Jugé transportable, il est évacué par voie de chemin de fer le 3 octobre 1918. Émile arrive à la gare de Lyon le lendemain. Il est pris en charge par les médecins de l’hôpital complémentaire n° 9.

 

Fin octobre 1918 le lieutenant-colonel Vivier, chef du régiment, rédige ceci dans le relevé de notes de son subordonné « Bon commandant de compagnie possédant des connaissances techniques très sérieuses et ayant une compagnie disciplinée et très bien tenue. Officier sérieux et consciencieux. »

 

Les années d’après-guerre

 

Le lieutenant Barlier quitte l’hôpital complémentaire n° 9 le 21 novembre 1918 pour aller occuper un lit à l’hôpital complémentaire n° 24. La guerre est terminée depuis dix jours. Sa jambe droite a été amputée jusqu’à la cuisse, au tiers supérieur. Sa jambe gauche est en bonne voie de guérison. Émile est fait chevalier de la Légion d’honneur le 29 mars 1919.

 

Les soins sont très longs, il quitte Lyon le 12 mai 1919 pour partir en convalescence durant trois mois.

 

Le lieutenant Barlier est envoyé au centre d’appareillage de Saint-Maurice pour être équipé d’une prothèse le 14 août 1919.

 

Le 11 octobre, il est affecté au 103e R.I. Émile n’est jamais reparu au dépôt du 149e R.I. depuis sa blessure.

 

Le 2 septembre 1920, il est expertisé par la commission de réforme de la Seine qui lui accorde un taux d’invalidité de 85 % à titre définitif. La 3e commission de réforme de la Seine du 23 septembre 1920 valide cette décision.

 

Le lieutenant Barlier n’a nullement l’intention d’abandonner l’uniforme. Malgré son statut de grand mutilé, il souhaite poursuivre sa carrière militaire pour occuper des fonctions administratives.

 

Le 11 octobre 1920, il est détaché, en qualité de chef de bureau de la comptabilité, à la 10e section des chemins de fer de campagne, dépendante de l’E.M. du 4e bureau. Très bon dans ce domaine, il fournit un travail intense et assidu. Il met à jour et mène à bonne fin la comptabilité de liquidation du dépôt qui était en retard de plusieurs semestres. Le lieutenant Barlier dépend toujours du 103e R.I. pour la solde.

 

Le 26 novembre 1920, le lieutenant Barlier devient officier de détails. Il est en charge des services administratifs du C.R.P.M. du fort de Nogent.

 

La 5e commission de réforme de la Seine du 26 février 1921 le rend définitivement inapte à servir sur un T.O.E. en application des dispositions de l’article 19 de l’instruction n° 2600 1/11 du 2 mars 1921 et de la C.M. 3374 du 5 avril 1921.

 

Son ancienneté dans le grade de sous-lieutenant à titre définitif est fixée au 2 septembre 1914, celle de lieutenant à titre définitif au 2 septembre 1916. Ce changement aura une incidence favorable pour le calcul de sa retraite.

 

Suite à une décision ministérielle du 9 mai 1921, le lieutenant Barlier est affecté au 89e R.I. pour convenance personnelle, en vue de son affectation à la place de Vincennes. Il est désigné, par note du général gouverneur militaire de Paris, aux fonctions d’adjudant de garnison à la place de Vincennes.

 

Cet officier donne entière satisfaction aux différents commandants d’armes qui l’ont sous leurs ordres. Émile est jugé comme étant un collaborateur excessivement sérieux, zélé et consciencieux. Ses supérieurs peuvent compter sur lui. Le lieutenant Barlier est à même de remplacer le commandant-major de garnison lorsque celui-ci est absent.

 

Émile Barlier est nommé capitaine par décret du 15 mai 1922. Ce changement de  grade est validé pour ancienneté à compter du 30 juin 1921.

 

En 1923, il doit se présenter à deux occasions devant la commission de réforme de la Seine (une fois le 13 mars 1923 devant la 2e commission, une fois le 29 mai devant la 5e). Son taux d’invalidité reste inchangé.

 

Le 22 mai 1924, il est proposé pour le maintien en activité avec un emploi sédentaire et pour une pension permanente pour amputation de la cuisse droite au tiers supérieur, pour limitation de l’extension du genou gauche suite à une blessure transfixiante de la cuisse avec cal volumineux du 2e métatarsien.

 

Il est une nouvelle fois hospitalisé à Bourbonne-les-Bains entre le 13 juillet et le 6 août 1924. Émile est ensuite envoyé en permission pour une vingtaine de jours.

 

Le général de Partonneaux, commandant de la place d’armes de Vincennes, note dans le feuillet du personnel : « Jugement droit et sain, esprit pondéré, caractère méthodique, éducation parfaite, le capitaine Barlier est de ces officiers complets avec lesquels on se plaît à collaborer, on peut d’ailleurs avoir, en toutes circonstances, une confiance absolue. Pour lui, le devoir et la conscience priment tout, c’est dire tout le bien que je pense de lui. »

 

Le capitaine Barlier est affecté pour ordre au 46e R.I. suite à la dissolution du 89e R.I. (J.O. du 9 décembre 1923). Ce changement n’a aucune incidence sur ses fonctions.

 

En décembre 1928, il est détaché à l’E.M. de la place de Paris 1928 après plus de sept années passées à l’E.M. de la place de Vincennes. Il. Il ne reste à ce nouveau poste que quelques semaines. Le 14 février il est de nouveau hospitalisé, Émile est envoyé en congé de convalescence pour trois mois à compter du 6 mars 1929. Le 6 juin il obtient une prolongation d’un mois et demi. Le 18 juillet, il fait sa demande de droit à la retraite.

 

Émile Barlier est admis à la retraite et rayé des contrôles de l’armée active le 10 octobre 1929, jour de sa nomination au grade de chef de bataillon.

 

Cette promotion le fait passer dans la réserve par décret du 25 décembre 1929. Il est affecté aux services militaires de la région de Paris. Le commandant Barlier se retire à Rosny-sous-Bois.

 

Le 19 mars 1935, il est mis à la disposition du général commandant le département de la Seine par décision n° 421 2/P du général commandant la région de Paris.

 

Le 5 février 1937, il est remis à la disposition du général commandant la région de Paris.

 

Le commandant Barlier est définitivement rayé des cadres par décret du 2 novembre 1937.

 

L’ancien soldat du 149e R.I. décède le 21 février 1966, à l’hôpital du Val de Grâce, à l’âge de 85 ans.

 

Decorations Emile Barlier

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre 1914-1918 avec 1 palme, 1 étoile d’argent et 1 étoile de bronze.

 

Cité à l’ordre n° 43 de la 1ère Armée en date du 16 septembre 1914 :

 

« Pour sa belle conduite au feu. »

 

Cité à l’ordre n° 257 du 149e R.I. en date du 26 septembre 1916 :

 

« Le 4 septembre 1916, a brillamment entraîné son peloton, chargé d’une mission de flanquement délicate à l’assaut d’un village puissamment organisé par l’ennemi. A conservé, sous un feu violent de mitrailleuses, la liaison avec le corps d’attaque voisin. A maintenu, dans les jours suivants, son peloton dans des positions de soutien soumises à des bombardements intenses et continus, en se multipliant pour organiser un travail sans cesse retourné par les obus. »

 

Cité à l’ordre n° 333 de la 43e D.I. du 23 juin 1918 :

 

« Officier ayant une très belle attitude au feu. A fait preuve des qualités de chef dans le commandement de ses sections de mitrailleuses au cours des combats du 28 au 31 mai 1918 dans des conditions particulièrement périlleuses. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur du 29 mars 1919 (J.O. du 22 mai 1919) :

 

« Excellent officier ayant toujours fait preuve de la plus grande vaillance ; bel exemple de courage, de sang-froid pendant les plus violents combats. Blessé le 21 août 1914 à Abreschviller, a été de nouveau grièvement blessé le 29 septembre 1918 après avoir, pendant trois et demi, entraîné sa compagnie de mitrailleurs au cours d’une progression de 8 km (3 citations). »

 

Officier de la Légion d’honneur : Décret du 12 décembre 1936 pour pendre rang du 23 juillet 1935.

 

Commandeur de la Légion d’honneur par décret du 16 janvier 1946.

 

Le commandant Barlier possède un dossier sur la base Léonore.

 

Site base Leonore

 

Sources :

Dossier personnel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services du commandant Barlier, les tables décennales, et les registres de recensements de la ville de Saint-Dié pour les années 1886 et 1896 ont été visionnés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges. 

7 mai 2021

Marie Joseph Émile Chauffenne (1879-1965)

Marie Joseph Emile Chaffenne

 

Natif du petit village de Bouligney situé dans le département de la Haute-Saône, Marie Joseph Émile Chauffenne voit le jour le 29 mars 1879. Ses parents se sont mariés à Conflans-sur-Lanterne en 1871.

 

Sa mère, Catherine Joséphine Haussetète, est âgée de 29 ans lorsqu’elle donne vie à Joseph. Son père, Théodule Almire a 36 ans. Le couple a perdu son premier enfant en 1873.

 

 

Almire et Joséphine exercent le métier de cultivateurs.

 

Bon élève, Joseph quitte l’école communale en sachant parfaitement lire, écrire et compter sans pour autant poursuivre ses études. Après avoir obtenu son certificat d’études primaires, il rejoint définitivement le monde professionnel en devenant un travailleur de la terre.

 

Bouligney

 

En 1899, Joseph a 20 ans. C’est l’heure de penser aux obligations militaires. Il faut se rappeler que la loi Freycinet est encore en application à cette époque. Le rituel du tirage au sort est toujours de rigueur.

 

Le jeune Chauffenne extrait le billet n°46 de l’urne républicaine ce qui signifie qu’il servira pendant une durée de trois ans. Quelque temps après, il se présente devant le conseil de révision du chef-lieu du canton de Vauvillers qui le déclare « bon pour le service armé ». Il apprend finalement son affectation. Ce sera l'infanterie, au 149e d’Épinal. 

 

Au 149e R.I.

 

Joseph doit être à Épinal pour le 16 novembre 1900. Une fois arrivé à la gare spinalienne, il se rend, à pied, à la caserne Courcy où cantonne le 149e R.I.. L’ancien agriculteur est affecté à la 10e compagnie.

 

Le 15 décembre, le soldat Chauffenne est admis au peloton d’instruction. Non classé en mai, il termine 7e sur les 30 élèves qui ont suivi les cours du peloton au classement final. Il devient caporal le 1er juin 1901.

 

Joseph est considéré comme mobilisable le 1er mars 1901 même si son instruction n’est censée s'achevée qu’à partir du 21 septembre 1901, juste après les manœuvres d’automne. Joseph prend sa première leçon d’escrime le 1er avril 1901.

 

Le 17 novembre 1901, il suit les cours de gymnastique. Débutant, il est positionné à la 3e classe, ce qui est l’échelon le plus bas de la discipline. Le 1er avril 1902, il passe à la 1ère classe. Les barres parallèles, le cheval d’arçon et les anneaux sont maintenant bien maîtrisés. 

 

Joseph est nommé caporal le 1er juin. Ce changement de statut le fait affecter à la 11e compagnie du régiment.

 

Quelques manquements à la discipline lui valent d’être puni à quatre reprises dans ce grade.

 

 

Ces punitions n’auront aucune conséquence sur son avancement puisqu’il fut promu sergent le 10 mars 1903. Il faut préciser que le passage dans ce grade est relativement rare pour un conscrit.

 

La vie de soldat lui convient parfaitement, à tel point que le 10 août, il décide de s’engager pour un an, sans toucher de prime. Il était à quelques semaines de la fin de ses obligations militaires. Joseph n’avait nullement l’intention de retourner pousser la charrue.

 

Le sergent rengagé signe un nouveau contrat le 19 mars 1904 ; cette fois-ci, il en prend pour deux ans. Joseph touche la prime. Ce contrat prend effet à partir du 1er novembre 1904.

 

Cour de la caserne Courcy

 

Le 26 octobre, il quitte ses fonctions de responsable d’escouades. Son niveau scolaire lui permet de gérer les registres de comptabilité de la compagnie.

 

Le 29 juillet 1905, le sergent fourrier Chauffenne écope de 4 jours d’arrêt simple donnés par le colonel du régiment.

 

 

Le 26 septembre, il épouse Gabrielle Lagant à Crépy-en-Valois. De cette union naîtront deux enfants, Jeannine et Pierre.

 

Joseph Chauffenne reprend ses fonctions de sergent après ce mariage.

 

Le 24 février 1906, il appose de nouveau sa signature sur un contrat de deux ans. Au cours de celui-ci le sergent Chauffenne a obligation de faire un stage au 7e escadron des équipages militaires. Ce stage a lieu du 1er mai au 10 juin 1906.

 

Le 7 août, il se fait réprimer pour la sixième fois.

 

 

Joseph Chauffenne est nommé au grade de sergent-major le 20 mars 1908. Tous les sergents de la 11e compagnie sont sous son autorité directe.

 

Les contrats de deux ans s’enchaînent. Le premier est validé le 21 septembre. Joseph Chauffenne trouve encore le moyen de se faire punir à deux occasions au cours de celui-ci. Ce seront les dernières punitions de sa carrière de soldat.

 

 

Un nouveau contrat est signé le 10 mai 1910, le suivant le 19 août 1912.

 

Joseph Chauffenne est nommé adjudant le 16 avril 1913. Il retourne à la 10e compagnie pour y prendre le commandement d’une section.

 

Conflit 1914-1918

 

Été 1914, la paix est en danger. L’attentat de Sarajevo du 28 juin va servir de prétexte au déclenchement des hostilités. Fin juillet, la voie diplomatique échoue à maintenir la paix. La guerre contre l’Allemagne est inéluctable. Le jeu des alliances se met en place. L’Europe est sur le point de s’embraser. Pendant que se déroulent ces évènements internationaux, l’adjudant Chauffenne effectue des manœuvres au camp du Valdahon. Le 149e R.I. doit regagner au plus vite Épinal.

 

Joseph Chauffenne est toujours à la tête de sa section de la 10e compagnie, sous le commandement du capitaine Laure. De retour au dépôt, les hommes reçoivent l’équipement complet pour partir en guerre, les munitions sont distribuées…

 

Toutes les unités frontalières reçoivent l’ordre de se diriger vers l’Allemagne au plus vite. Elles ont pour mission d’endiguer une potentielle attaque ennemie avant même que la mobilisation de l’armée française ne soit achevée.

 

Le 3 août, le 149e R.I. entre officiellement en campagne. L’Allemagne vient de déclarer la guerre à la France.

 

L’adjudant Chauffenne participe à toutes les attaques du régiment qui ont lieu au cours du mois d’août. Il mène ses hommes aux combats du Signal de Sainte-Marie, d’Abreschviller et de Ménil, Thiaville et Saint-Benoît ; il le fait avec beaucoup d’autorité er survit indemne.

 

Les pertes sont énormes. Depuis le baptême du feu, beaucoup de supérieurs manquent à l’appel. Le 14 septembre, Joseph Chauffenne est promu sous-lieutenant à titre temporaire, une promotion qu’il n’aurait pas pu obtenir en temps de paix. Le lieutenant-colonel Escallon, qui commande le 149e R.I., lui confie sa 12e compagnie.

 

À cette date, le 149e R.I. est engagé dans la bataille de la Marne. Il occupe et perd à plusieurs reprises le petit village marnais de Souain.

 

Après un passage en Artois, deux bataillons du régiment spinalien sont envoyés en Belgique. La compagnie Chauffenne est du « voyage ». Le 5 novembre 1914, Joseph Chauffenne est dans le secteur de Kemmel. Un éclat d’obus le blesse à la fesse gauche.

 

Pour en savoir plus sur ce qui s’est passé durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Journée du 5 novembre 1914 (3e bataillon du 149e RI)

 

Il est évacué sur l’ambulance n° 6 à La Clytte avant d’être hospitalisé à Boulogne-sur-Mer entre le 7 et le 24 novembre 1914.

 

Le sous-lieutenant Chauffenne est de retour au dépôt du 149e R.I. le 24 novembre 1914. Il est renvoyé dans la zone des armées le 4 janvier 1915. Joseph Chauffenne retrouve la 12e compagnie, mais cette fois-ci, en tant que chef de section.

 

Son régiment est en Artois depuis la fin du mois de décembre 1914. Il occupe un secteur particulièrement exposé du côté de Noulette. Le lieutenant-colonel Gothié observe que son subordonné montre moins de zèle et de tenue depuis son retour.

 

Le 3 mars 1915, les Allemands lancent une violente attaque dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Chapelle de Notre-Dame-de-Lorette (2)

 

Le lendemain, Joseph Chauffenne est blessé pour la seconde fois, une balle lui perfore l’orteil gauche. Le sous-lieutenant est de nouveau évacué vers l’arrière pour être soigné à l’hôpital temporaire n° 35 du Touquet-Paris-Plage. Il y séjourne du 5 mars au 24 avril 1915.

 

Joseph Chauffenne rejoint le front le 25 pour prendre le commandement de la 10e compagnie du 149e R.I..

 

Son régiment est toujours en Artois. Il participe aux attaques des mois de mai, juin et juillet avant d’être blessé à la cuisse gauche par un éclat d’obus, près du bois en Hache, le 17 août 1915. Évacué sur l’infirmerie du corps le lendemain, il ne sera pas envoyé vers l’arrière.

 

Joseph Chauffenne est décoré de la croix de guerre avec une citation à l’ordre de la division le 21 septembre.

 

À la tête de sa compagnie, il participe aux attaques des  26, 27 et 28 septembre 1915.

 

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

départ pour la releve

 

Le 6 janvier 1916, le lieutenant-colonel Gothié note ceci dans son feuillet individuel de campagne : « Officier à titre temporaire sortant du rang, brillants états de services (3 blessures, une citation), sérieux, consciencieux et actif, moyens ordinaires, instruction primaire, fait un bon commandant de compagnie. »

 

Le 12 octobre, il a la joie de pouvoir coudre ses galons de lieutenant sur son uniforme.

 

En mars 1916, la 12e compagnie est à Verdun. Le 149e R.I. occupe des secteurs de 1ère ligne autour des forts de Souville et de Vaux à deux occasions. Une fois de plus les pertes sont importantes.

 

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour lire le témoignage du capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

 

Verdun 1916

 

Joseph Chauffenne est nommé capitaine à titre temporaire le 7 avril 1916.

 

La 12e compagnie quitte la région de Verdun à la mi-avril 1916. Après une petite période de repos à Landrecourt, le capitaine Chauffenne se rend en Champagne avec l’ensemble du régiment pour prendre position dans un secteur moins exposé. Ce secteur est situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

 

En septembre, le 149e R.I. combat dans la Somme. Le 1er octobre 1916, le capitaine Chauffenne prend le commandement de la 3e compagnie.

 

Il obtient une citation à l’ordre du corps d’armée pour ses actions menées à la tête de sa nouvelle compagnie dans les offensives qui suivront.

 

Joseph Chauffenne est confirmé dans son grade d’officier à titre définitif le 31 décembre 1916.

 

Le 9 mai 1917, il est nommé capitaine adjudant-major du 1er bataillon. C’est une magnifique promotion pour un homme qui n’a, pour tout diplôme, que son certificat d’études et n’était qu’adjudant en août 1914 !

 

Le 12 septembre 1917, il est affecté au 2e bataillon, où il occupe les mêmes fonctions. Dix-huit jours après, il est photographié à Troësnes, une petite commune située dans le département de l’Aisne. Cette photo le montre avec l’ensemble des cadres du bataillon Schalck.

 

Officiers du 2e bataillon du 149e R

 

Le 1er octobre 1917, le colonel Boigues écrit dans son relevé de notes : « Sans avoir peut-être de grands moyens, a des qualités d’activité et d’énergie qui le rendent précieux comme adjudant-major. Homme de toute confiance, a beaucoup d’autorité, de savoir-faire et un courage à toute épreuve. »

 

Le 23 octobre, Joseph Chauffenne participe à la bataille de la Malmaison en tant que second du bataillon.

 

Pour en savoir plus sur la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

Attaque du 149e R

 

Joseph Chauffenne ajoute une seconde étoile de vermeil à sa croix de guerre suite à cet engagement.

 

En décembre, il suit une formation de trois jours. Il fait un stage sur l’utilisation militaire du gaz.

 

Fin mai 1918, le 149e R.I. s’oppose à une vaste offensive allemande qui est menée sur le chemin des Dames, entre le moulin de Laffaux et les abords de la ville de Reims. Joseph Chauffenne prend le commandement du 2e bataillon suite à la disparition de commandant Schalck. Les combats sont d’une grande dureté. Le capitaine Chauffenne est cité à l’ordre de l’armée.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 15 juillet 1918, les Allemands attaquent en Champagne dans le secteur du trou Bricot. Le 2e bataillon du 149e R.I. défend fermement sa position. Le capitaine Chauffenne est cité à l’ordre de la division.

 

Il participe ensuite aux combats de septembre et d’octobre, d’abord  en tant que chef de bataillon puis comme capitaine adjudant-major. Il est cité à deux occasions pour ses actions. Une citation à l’ordre du corps d’armée, une autre à l’ordre de l’armée.

 

Pour en savoir plus sur les évènements de septembre 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 1 journée du 26 septembre 1918

 

Joseph Chauffenne obtient une dernière permission en temps de guerre, prise entre le 8 et le 23 octobre. Il rejoint son bataillon juste à temps pour participer à la bataille de la Hunding-Stellung qui se déroule dans le secteur de Banogne deux jours plus tard.

 

Pour en savoir plus sur cet engagement, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

Hunding-Stellung

 

Le conflit est sur le point de se terminer.

 

Le 3 novembre, le lieutenant-colonel Vivier, qui commande le 149e R.I., rédige dans le relevé de notes de son subordonné : « Officier vigoureux et énergique, d’une très belle conduite au feu. S’emploie, avec beaucoup de zèle et de dévouement, à seconder son chef de bataillon pour lequel il est un précieux auxiliaire. Instruction primaire, bonne éducation, très beaux états de service. »

 

 

Les années d’après-guerre

 

Joseph Chauffenne occupe le poste de capitaine adjudant-major jusqu’en septembre 1919 ; il est ensuite affecté au commandement de la 2e compagnie de mitrailleuses.

 

En octobre, le lieutenant-colonel Lecoanet évalue le capitaine Chauffenne de la manière suivante : « Vigoureux, très résistant à la fatigue. À fait ses preuves. Nommé adjudant-major au cours de la campagne a dû être replacé à la tête d’une compagnie de mitrailleuses, le cadre des officiers du régiment ne permettant plus de le maintenir dans son emploi. Instruction primaire qu’il devra développer sérieusement. Tenue et conduite irréprochables. Bien élevé. Connaît bien ses règlements et l’administration d’une compagnie. Excellent officier de troupe, d’un dévouement à toute épreuve. »

 

Joseph Chauffenne sait qu’il doit se former.

 

Il suit la 1ère série des cours de perfectionnement du camp de la Valbonne du 14 novembre 1919 au 15 février 1920.

 

Deux ans plus tard, du 18 au 26 février 1922, il assiste à un cours concernant le tir antiaérien des armes automatiques d’infanterie à l’école de tir de Cazaux.

 

Les fatigues, les intempéries et les souffrances de toutes natures supportées durant les quatre années de guerre ont laissé des traces. Les vieilles blessures se réveillent.

 

Le capitaine Chauffenne est envoyé sur Bourbonne-les-Bains pour y faire usage des eaux thermales du 26 mai au 15 juin. Il est en congé de convalescence du 16 juin au 11 juillet.

 

Joseph Chauffenne est proposé pour le maintien en activité avec un taux d’invalidité de 10 %. Il obtient une pension temporaire de 10 %, approuvée par la commission spéciale de réforme qui s’est réunie à Nancy le 3 juillet 1923.

 

Une décision ministérielle du 24 octobre 1923 l’affecte au 27e régiment de tirailleurs à partir du 15 novembre 1923. Le 149e R.I. est sur le point d’être dissous.

 

Joseph Chauffenne a porté le numéro de ce régiment pendant 23 ans. C’est probablement une des plus longues carrières au sein de cette unité qui ait traversé l’intégralité de la guerre.

 

Le 1er janvier 1924, le capitaine est muté au 170e R.I.. Il prend le commandement de la 11e compagnie en décembre 1926. L’année suivante, il est mis à la disposition du général commandant supérieur des troupes du Maroc.

 

Un bref passage en Afrique

 

Le capitaine Chauffenne est affecté au 3e bataillon d’Afrique qui tient garnison dans le village Outat-El-Haj. Il embarque à Marseille le 14 décembre 1927. Joseph est à Oran le 16. Il prend le commandement de la 1ère compagnie du bataillon le 18.

 

Six mois plus tard, Joseph Chauffenne est atteint de paludisme. Le 23 juillet, il  est évacué sur l’infirmerie-ambulance de Guercif, puis sur l’hôpital de Taza le 21 août 1928. Le 13 septembre, il se rend à l’hôpital d’Oudjda pour se présenter devant une commission de rapatriement. L’ancien officier du 149e R.I. obtient un congé de rapatriement de 40 jours. De retour au régiment, il apprend qu’il ne retournera plus au Maroc après ce congé.

 

Le 7 octobre 1928, Joseph Chauffenne quitte définitivement la caserne du 3e bataillon d’Afrique.

 

Le 15 octobre, il débarque à Marseille.

 

Retour en France et fin de carrière

 

Le capitaine Chauffenne passe son congé chez lui, à Épinal au 41 rue Notre-Dame-de-Lorette.

 

Il est affecté au 158e R.I. en novembre 1928, mais il ne rejoint pas cette unité.

 

Le 1er janvier 1929, il porte l’uniforme du 17e R.T.A..Ce régiment sera rebaptisé 21e R.T.A. le 1er janvier 1929.

 

Joseph Chauffenne est nommé capitaine adjudant-major du 3e bataillon de son régiment le 16 août 1930. Il connaît bien cette fonction, pour l’avoir exercée durant le conflit 1914-1918.

 

Le 21 mars 1931, il est affecté à la section du personnel de l’état-major particulier du centre mobilisateur d’infanterie n° 205.

 

Atteint par la limite d’âge de son grade, Joseph est rayé des contrôles à partir du 29 mars 1932. Il est proposé pour le grade de commandant.

 

Le capitaine Chauffenne n’en a pas pour autant terminé avec l’armée. Régulièrement, il continue de se former en tant que réserviste.

 

Le 26 juin 1936, l’ancien adjudant de 1914 est nommé chef de bataillon de réserve. Cet avancement est en quelque sorte la reconnaissance de sa brillante carrière militaire. Il ne faut pas oublier que cet homme n’a en tout et pour tout que son certificat d’études.

 

Le commandant Chauffenne est rappelé à la mobilisation le 24 septembre 1938. Il préside la commission hippomobile qui est chargée de la réquisition des chevaux. Renvoyé dans ses foyers le 14 octobre, il est rappelé à l’activité à la fin du mois d’août 1939 pour prendre le commandement du groupe des unités d’instruction.

 

Le 12 janvier 1940, il est muté au 624e régiment de pionniers. Il est décoré de la croix de guerre avec étoile de bronze et étoile de vermeil pour son implication dans la campagne de France en tant que chef de bataillon.

 

Le 1er juillet 1940, le commandant Chauffenne est démobilisé. Sa carrière de soldat prend fin après presque 40 ans de « bons et loyaux services » sous l’uniforme.

 

Marie Joseph Émile Chauffenne décède le 18 février 1965, quelques semaines avant de fêter son 86e anniversaire.

 

Decorations capitaine Chauffenne

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre 1914-1918 avec 2 palmes, 3 étoiles de vermeil et 2 étoiles d’argent.

 

Cité à l’ordre n° 81 de la 43e division en date du 21 septembre 1915 :

 

« A courageusement organisé et dirigé au cours de plusieurs nuits des travaux en terrain découvert à proximité des lignes ennemies devant Souchez. Blessé le 17 août au matin, a refusé de se rendre au poste de secours et a voulu conserver son commandement jusqu’à la relève du soir. Officier dévoué déjà blessé deux fois. »

 

Cité à l’ordre n° 119 du 21e C.A. en date du 6 novembre 1916 :

 

« Commandant de compagnie de grande valeur. Les 16, 17, 18 et 19 octobre 1916 a puissamment contribué par son énergie et l’habileté de ses dispositions prises, à  assurer avec un minimum de pertes, le succès d’une opération difficile. Déjà cité à l’ordre de la division, trois blessures. »

 

Cité à l’ordre n° 176 du 21e C.A. en date du 10 décembre 1917 :

 

« Dans l’attaque du 23 octobre 1917, a fait preuve des plus belles qualités de courage et de sang-froid, a été un auxiliaire précieux pour son chef de bataillon et s’est acquitté de toutes les missions qui lui ont été confiées. »

 

Cité à l’ordre de l’armée n° 604 du 15 juillet 1918 :

 

«Officier d’un moral et d’un courage superbes. Son chef de bataillon ayant disparu a pris le commandement du bataillon, au cours du combat dans des circonstances particulièrement délicates, par son courage et son entrain a réussi pendant sept jours de combat ininterrompu à remplir, avec un bataillon déjà éprouvé, toutes les missions qui lui ont été confiées, tout en maintenant intact le moral de sa troupe.»

 

Cité à l’ordre n° 362 de la 43e D.I. du 14 août 1918 :

 

«A fait preuve de grandes qualités d’autorité et de méthode dans l’organisation de la défense d’une position qui a résisté superbement à l’offensive ennemie. Pendant la bataille du 15 juillet s’est dépensé sans compter pour faire fonctionner sous le bombardement, les liaisons entre les compagnies et le poste de commandement du sous-secteur et assurer le ravitaillement du bataillon en vivres et munitions.»

 

Cité à l’ordre n° 238 du 21e C.A. du 28 novembre 1918 :

 

« Officier d’une haute valeur morale, comme adjudant-major d’un bataillon d’attaque, a fait preuve au cours des combats du 25 au 27 octobre 1918, des plus brillantes qualités militaires, se portant sans cesse aux endroits mêmes les plus exposés, pour observer la marche des unités de 1ère ligne, traversant un terrain violemment battu par l’infanterie ennemie pour entraîner les hommes par son exemple.»

 

Cité à l’ordre n° 1551 de la IVe  Armée du 24 décembre 1918 :

 

« A brillamment conduit son bataillon au cours des combats des 26 septembre au 1er octobre 1918, malgré des barrages intenses d’artillerie et de mitrailleuses, a atteint tous ses objectifs, faisant une progression de plusieurs kilomètres, a maintenu tous ses gains en repoussant toutes les contre-attaques ennemies, a contribué à la capture de nombreux prisonniers et d’un important matériel, faisant subir de lourdes pertes à l’adversaire. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur :

 

« Le 1er avril 1917. Excellent commandant de compagnie, s’est particulièrement distingué pendant les combats d’octobre 1916. » (J.O. du 17 avril 1917).

 

Officier de la Légion d’honneur :

 

Inscrit au tableau spécial pour prendre rang du 16 juin 1920 par arrêté ministériel du 2 octobre 1920.

 

Commandeur de la Légion d’honneur par décret du 24 mars 1956. Brevet n° 279470 du 6 avril 1956.

 

Croix de guerre 1939-1940 avec une étoile de bronze et une étoile de vermeil

 

Par ordre général n° 117 du 24 juin 1940 du général d’armée n° 3 – citation à l’ordre du régiment – note du 6 juillet 1940) :

 

« Depuis la Somme, sur l’Oise, sur la Marne, sur la Seine, après la Loire, jusqu’au bout, a donné le plus bel exemple de ce que peut le moral du français.

 

A fait un effort surhumain, malgré les fatigues et les nombreux bombardements par avions ennemis, pour éviter la honte d’une capitulation en rase campagne. Est resté complètement groupé autour de ses chefs. »

 

Par ordre général n° 16 du 14 juillet 1940 du général commandant le 24e C.A. – citation à l’ordre du C.A. :

 

« Depuis le début de la campagne a commandé son bataillon d’une façon admirable. Chef de tout premier ordre, a constamment donné sous les nombreux bombardements par avions ennemis et à travers les nombreuses difficultés rencontrées, l’exemple du courage, du dévouement et de l’abnégation. A maintenu son unité dans un état moral et physique parfait. »

 

Chevalier de l’ordre de Léopold. Extrait de l’ordre général n° 40 D.E.D. du 26 août 1919.

 

 

Le commandant Chauffenne possède un dossier sur la base Léonore.

 

 

Sources :

 

Dossier personnel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services du commandant Chauffenne, les actes d’état civil de sa famille et les registres de recensements de la commune de Bouligney pour les années 1872 et 1911 ont été visionnés sur le site des archives départementales de la Haute-Saône (les registres des années intermédiaires de recensement ne figurent pas sur ce site).

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Saône. 

30 avril 2021

Martial Jacob Crémieux (1894-1958)

Martial Jacob Cremieux

 

Martial Jacob Crémieux naît le 30 mars 1894 dans le 3e arrondissement de la ville de Paris, au n° 2 de la rue Notre-Dame-de-Nazareth. Sa mère, Clarisse Esther Naxara, originaire de Bordeaux, est âgée de 25 ans lorsqu’elle le met au monde. Son père, Georges Maurice Fernand, est un parisien né la même année que son épouse. Il travaille comme employé de commerce.

 

En 1896, les Crémieux vivent au n° 22 de la rue Héliopolis, dans le 17e arrondissement. Clarisse donne vie à un second garçon.

 

Genealogie famille Cremieux

 

Martial quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il sait bien lire, écrire et compter. L’adolescent se fait embaucher comme coupeur d’habits avant de devenir employé de commerce.

 

Début 1911, la famille Crémieux occupe un appartement situé au n° 137 boulevard Perère. Le père meurt dans sa 42e année, le 16 février. Martial approche de son 17e anniversaire. Son frère a quatorze ans.

 

Une année avant sa majorité, Martial doit se présenter devant le conseil de révision, réuni à la mairie du XVIIe arrondissement. Le médecin qui l’examine décide de le classer dans la 5e partie de la liste en raison de sa fragilité.

 

En temps normal, il aurait dû bénéficier d’une année supplémentaire avant de se présenter à nouveau devant le conseil de révision, mais les événements internationaux vont changer la donne. Un conflit armé contre l’Allemagne débute en août 1914.

 

Les premières semaines de combat sont particulièrement meurtrières. Le nombre de blessés est très élevé. Tous les exemptés sont à nouveau convoqués devant le conseil de révision. Cette fois-ci, la médecine militaire est moins bienveillante avec Martial. Elle le classe directement dans la 1ère partie de la liste, ce qui veut dire qu’il est déclaré « bon pour le service armé ».

 

L’employé de commerce est incorporé à compter du 19 décembre 1914. Le lendemain, il rejoint le dépôt du 29e R.I., une unité du 8e C.A. qui se trouve à Autun, dans le département de la Saône-et-Loire.

 

Martial est affecté au 9e bataillon du 85e R.I. le 25 juin 1915. Il quitte la caserne Changarnier doté de sa formation militaire de 6 mois. Le soldat Crémieux est rapidement muté dans un des bataillons du 61e Régiment territorial, une unité qui dépend du 85e R.I. ; il va y travailler comme manutentionnaire.

 

Une telle affectation, pour un jeune de la classe 1914, s’explique probablement par la prise en compte de sa faiblesse physique. Cette fragilité le conduit peut-être à une évacuation. Ce qui est certain, c’est qu’il est amené à se présenter devant la commission de réforme de Compiègne le 8 décembre 1915.

 

Martial Crémieux apprend qu’il ne rentre pas dans les critères pour passer dans le service auxiliaire. La commission décide de le maintenir au service armé. Il sait qu’il va bientôt être muté dans une unité combattante.

 

Le 31 décembre 1915, le soldat Crémieux est affecté au 149e R.I..

 

Son régiment est envoyé à Verdun en mars 1916. Les Allemands ont lancé une grande offensive dans ce secteur. Martial fait partie des effectifs de la 1ère compagnie, sous les ordres du capitaine de Chomereau de Saint-André. Sa section est commandée par le sous-lieutenant Gaston Brosse.

 

La 1ère compagnie est une des deux compagnies du 149e R.I. qui fut engagée à deux reprises en 1ère ligne durant cette période.

 

Après la guerre, Martial laisse une trace écrite particulièrement poignante sur ce qu’il a vécu durant son passage à Verdun.

 

Il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant pour lire ce témoignage.

 

Verdun Martial Crémieux

 

Le 149e R.I. quitte le département de la Meuse à la mi-avril 1916. Après une courte période de repos à Landrecourt, Martial Crémieux se rend en Champagne avec l’ensemble du régiment. Le 149e R.I. prend position dans un secteur beaucoup plus calme, situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

 

Les hommes du lieutenant-colonel Gothié combattent dans la Somme à partir du mois de septembre 1916. Martial participe à la prise des villages de Soyécourt et de Déniécourt, il y apprend la mort de son frère. Des problèmes de santé finissent par l’éloigner de la ligne de front.

 

Martial Crémieux entre à l’hôpital Rollin de Paris le 4 novembre 1916. Il en sort le 18 novembre. Souffrant de rhumatismes, il est envoyé au centre de réforme de Clignancourt. Il quitte cet établissement le 30 novembre. Martial bénéficie ensuite d’un mois de convalescence. Le 6 décembre 1916, il est de nouveau hospitalisé. Le soldat Crémieux se fait soigner à l’hôpital complémentaire de la Croix de Berny, à Fresnes, pendant une durée de 3 mois. Le 7 mars 1917, il rejoint le dépôt du 149e R.I.. La date exacte de son retour dans la zone des armées n’est pas connue.

 

Il est impossible de dire s’il a regagné les rangs de son ancienne compagnie après son long séjour dans les hôpitaux.

 

Son unique citation nous fait savoir qu’il a pris part à la bataille de la Malmaison et aux combats de septembre 1918.

 

Martial Crémieux est mis en congé illimité de démobilisation le 31 août 1919,  avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

 

De retour à la vie civile, il retrouve sa profession d’employé de commerce. Martial devient réserviste du 101e R.I. avant d’être rattaché au dépôt du 23e R.I.C.. Il fait ensuite partie des réservistes du C.M. colonial n° 17 puis de ceux du C.M. colonial n° 59. Martial Crémieux vit avec sa mère au 55 rue Laugier.

 

Le 5 février 1925, il épouse Germaine Mendel, une couturière parisienne âgée de 30 ans.

 

Le 1er mai 1930, sa situation militaire entraîne son rattachement à la 5e section de C.O.A..

 

Le 1er novembre 1934, l’ancien soldat du 149e R.I. devient réserviste du C.M. d’infanterie n° 212.

 

En 1938, il demeure avec son épouse au 253 rue Saint-Denis, dans un appartement anciennement occupé par sa belle-mère. La descendance du couple Crémieux n’est pas connue. Martial est devenu vendeur en confection.

 

Il est rappelé à l’activité militaire par ordre de mobilisation générale du 2 septembre 1939. Martial a 45 ans lorsqu’il rejoint le C.M. d’infanterie n° 212. L’ancien réserviste est muté au 3e B.D.R.. Le 1er octobre, il est envoyé à la 5e compagnie de travailleurs militaires, une unité dépendante du dépôt d’infanterie n° 131. 

 

La fiche matricule du soldat Crémieux n’est pas assez détaillée pour que nous puissions en dire davantage sur ce qu’il est advenu de lui durant et après le conflit 1939-1945. La date où il est définitivement libéré de l’impôt de sang n’est pas connue.

 

Martial Crémieux décède le 8 janvier 1958 dans le 10e arrondissement de Paris à l’âge de 64 ans.

 

Le soldat Crémieux a obtenu la citation suivante :

 

Citation à l’ordre du régiment n° 64 du 14 novembre 1918 :

 

« Très bon soldat, a pris une part très active aux durs combats de Verdun en 1916, de l’Aisne en 1917. S’est particulièrement distingué au cours des opérations du 26 juillet 1918 en Champagne. »

 

Sources :

 

Les informations qui ont permis la réalisation de cette biographie sont extraites de sa fiche signalétique et des services et des différents actes d’état civil consultés sur le site des archives de la ville de Paris.

 

Site « MémorialGenWeb »

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à I. Holgado, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives de la ville de Paris.  

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Visiteurs
Depuis la création 840 839
Newsletter
41 abonnés
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.