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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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28 janvier 2022

Verdun 1916, Henri Pichenet témoigne (1ère partie)…

Le transport des torpilles au fort de Vaux

 

Un énorme livre de plus de 500 pages, consacré à la bataille de Verdun, est publié en 1933. Pour le réaliser, son auteur, Jacques Péricard, écrivain et journaliste, a eu à disposition un ensemble considérable de témoignages laissés par les anciens combattants.

 

Parmi les nombreux récits envoyés figure celui du sergent Pichenet, un sous-officier ayant appartenu à la 7e compagnie du 149e R.I..

 

Le 149e R.I. est au cœur de très violents combats à la mi-mars 1916. Une partie du régiment occupe le tunnel de Tavannes et le fort de Vaux. Ces lieux sont connus pour être de bons abris, mais les conditions de vie y sont déplorables. Leurs abords sont très exposés. Cela a fortement marqué les souvenirs de ce combattant.

 

Jacques Péricard a utilisé deux parties du témoignage rédigé par Henri Pichenet. Ces passages se trouvent aux pages 184 et 336 de l’ouvrage.

 

En 2018, Nicolas Bernard fait don de l’ensemble des témoignages aux archives départementales de la Somme. L’original du récit du sergent Henry Pichenet peut se consulter sur place.

 

La vie au tunnel de Tavannes

 

 

Nous y cantonnons pour la première fois dans la nuit du 14 mars. C’est une existence exempte de charme, même pour des gars de l’infanterie ! Un seul avantage, et il est appréciable : nous sommes à l’abri des marmites, quelle que soit leur taille, sous des dizaines de mètres de terre et de rocs.

 

Les premières heures sont toutefois très pénibles : les deux orifices du tunnel sont pilonnés sans arrêt par des projectiles de toutes sortes. Un violent appel d’air fait refluer jusqu’à nous gaz lacrymogènes et toxiques. Il faut garder les masques pendant de longues heures dans une obscurité totale.

 

C’est à tâtons, la plupart du temps, que nous ouvrons les rares boîtes de singes dont nous pouvons encore disposer et qui composent, pendant plusieurs jours, notre seule nourriture. Rien à boire. Il faudrait se risquer jusqu’à une source qui est située en direction d’Étain, sous la batterie du tunnel et des camarades qui ont voulu, ceinturés de bidons de deux litres, se sacrifier, un seul est revenu avec la plupart des bidons troués.

 

Nous recueillons, partout où c’est possible, à la lueur d’un briquet et à l’aide de cartes postales, l’eau qui suinte des parois. Celui d’entre nous qui parvient à remplir son quart est un privilégié.

 

À l’aide de débris de caisses à grenades, nous avons bien tenté à plusieurs reprises d’allumer du feu, mais la fumée que dégageait ce bois humide ne nous a pas permis de continuer. Il faut rester là, dans le noir, allongés entre les rails, ne pouvant satisfaire nos besoins naturels que dans les caniveaux qui bordent les parois à vingt centimètres de nos têtes ! Là-haut «  à la face de Dieu » comme l’écrivait Péguy, alors que chante l’alouette, des camarades sont frappés et succombent, pour nous, qui dans quelques jours, ce soir peut-être, allons les rejoindre.

 

Le séjour au tunnel nous offre la vivante image d’une antichambre de la mort. Un poids nous oppresse, l’inaction nous accable. Nous vivons sous une impression d’écrasement jusqu’à l’heure où, la nuit venue depuis longtemps, nous irons ravitailler le fort de Vaux, transporter des barbelés jusqu’à la redoute qui domine le bois Fumin.

 

Ce n’est pas cependant qu’à de certains moments des incidents vraiment baroques se produisent ! En voici un au hasard : Bressy est un homme de ma section dont les idées semblent parfois un peu incohérentes, sans enchaînement. À travers mille dangers, la veille du jour où nous devons être relevés, les cuisiniers sont parvenus jusqu’à nous, repas presque chaud, quart de vin, jus, quelques bougies.

 

C’est le paradis par anticipation. Tel n’est pas sans doute l’avis de Bressy. Son quart de vin au poing, je le vois qui remâche dans sa moustache, je ne sais quelle parole. Il regarde de droite et de gauche si nul ne l’observe, puis ‘en va, sans doute en guise de libations à quelque Dieu connu, vider son pinard dans le caniveau !

 

Je suis tellement sidéré que, sur l’instant, je ne trouve rien à dire, mais d’autres que moi ont vu et bondissent. De quelles invectives le malheureux n’est-il pas l’objet ? C’est à croire qu’il va être écharpé ! Il en entend de cruelles. On le secoue comme un prunier, mais lui affirme très nettement qu’après plusieurs jours passés sans « pinard », il en a oublié le goût et que, ne voulant pas faire de jaloux en l’offrant à quelque camarade, il a jeté ce quart de vin qui d’ailleurs lui appartenait et dont il devait pouvoir librement disposer.

 

Le mot de la fin est dit par Régimbaud, un enfant de la Cannebière : «  Il est fada, le pôvre » ! Ce que personne ne songe à contester.

 

Au secours du fort de Vaux

 

Depuis déjà trois jours, nous sommes en réserve au tunnel de Tavannes. Trois jours au cours desquels nous n’avons été ravitaillés qu’une fois et avec quelle parcimonie !

 

Chacun de nous dispose, comme matelas, d’une des traverses de la voie ferrée qui va de Verdun à Étain. Comme oreiller, du rail ! Nos sacs étant restés à la caserne Bévaux.

 

La soif nous torture. Heureux encore quand nous pouvons, après une longue attente, capter dans nos quarts, à l’aide d’une carte postale, quelques gouttes d’eau, qui sourd des parois du tunnel.

 

Fort de Tavannes

 

Ce soir, comme les veilles, nous gagnons Tavannes, vers 21 h 00, par la sortie nord du tunnel. Dure épreuve que de déboucher au milieu d’un marmitage qui ne cesse pas ! Aussitôt arrivés au fort, dont les voûtes d’accès ont été crevées en maints endroits, nous sommes munis, gradés et hommes, sans distinction, d’une torpille à ailettes, du poids de 16 kg, qu’il nous faut transporter jusqu’à Vaux.

 

Les abords immédiats du fort sont relativement calmes. Nous descendons, en file indienne, un petit vallonnement pour remonter ensuite et tourner sur la droite, en direction du fort.

 

Aucun boyau praticable. Seul, de loin en loin, un petit élément qui nous abrite jusqu’aux genoux.

 

Le bombardement qui s’intensifie à mesure que nous approchons atteint toute son ampleur quand nous arrivons à quelques centaines de mètres de l’ouvrage.

 

L’horizon n’est plus qu’un rideau de poussière et de feu, que ponctuent sans cesse l’écrasement des 210, les sifflements des éclats et les éclairs fulgurants des shrapnells.

 

À plus de dix reprises, au cours du faible trajet qui nous reste à couvrir, nous nous jetons par quinze ou vingt, en bloc, dans d’immenses entonnoirs. Combien de temps y restons-nous ? Deux minutes ? Un quart d’heure ? Nous ne savons pas.

 

Toute faculté de penser, de réfléchir est abolie en nous. Un seul désir : aboutir !

 

Chaque fois que nous reprenons, en titubant, notre course, c’est plusieurs des nôtres qui restent en arrière, grièvement frappés.

 

Enfin, voici l’entrée du fort qui se distingue à peine du terrain environnant. Avec un bruit express qui vient de frapper, plusieurs projectiles arrivent à ce moment. Ils nous font nous jeter quelques-uns, sous une petite poterne qui donne accès à un poste où veillent plusieurs des nôtres de la 11e compagnie.

 

Nous y restons quelques instants pour reprendre haleine, juste assez pour voir, à chaque coup du monstrueux bélier qui pilonne la terre, l’unique lanterne du poste s’éteindre comme au souffle d’un ouragan.

 

Nous pouvons enfin pénétrer et nous gravissons, avec notre fardeau, l’escalier qui donne accès aux principales galeries du fort. Le sol des couloirs est déjà recouvert d’une poudre grise, impalpable, de béton qui se détache des voûtes sans arrêt et s’accumule sous nos pas.

 

De-ci, de-là, se voient, mises à nu, les tringles de fer qui forment l’armature des souterrains. Comme les jours précédents, ceux d’entre nous qui ont pu arriver sans encombre forment la chaîne. Les torpilles passant de mains en mains, sont entreposées dans l’un des locaux du fort.

 

Il est près de minuit. Sortir est impossible pour l’instant.

 

Les brancardiers, envoyés au secours de nos camarades blessés, dont on percevait les appels, sont partis depuis longtemps déjà. Ils ne sont pas encore revenus.

 

Les heures s’écoulent et l’orage de fer ne s’apaise pas. Enfin vers 4 h 00, les éclatements s’espacent un peu. Un calme relatif succède à ce martèlement forcené. Nous pouvons rentrer au tunnel avec seulement 2 blessés en cours de route. À notre arrivée, l’aube est proche et surtout, la relève est là.

 

Nous rassemblons nos musettes, et longeant le P.C. en planche établi en direction de Verdun, nous sortons du tunnel.

 

À peine au loin, quelques éclatements. Autour de nous, le silence complet. Quel contraste avec les heures précédentes ! Nous suivons la voie ferrée qui descend en pente douce sur Verdun.

 

De loin en loin quelques oiseaux se font entendre. Pauvres pinsons, pauvres alouettes, qui n’avez point, même au plus fort de la tourmente, quitté ces zones de mort et dont on entendait parfois, la nuit, l’appel éperdu, quand quelque projectile vous chassait brusquement vers le ciel enténébré !

 

Nous marchons en silence, comme accablés sous le poids de notre lourd destin, levant la tête de temps en temps pour nous considérer les uns les autres et lire sur nos traits les traces que huit jours de souffrances, qui débutèrent à l’étang de Vaux, ont imprimées dans notre chair. Haudainville, le canal, Dugny, le repos enfin !

 

Repos, que les pièces à longue portée et les avions troubleront plus d’une fois, mais repos néanmoins, avec les joies du nettoyage, de la soupe chaude et des lettres.

 

Horrida Bella

 

30 mars 1916 à midi 

 

Une file ininterrompue de camions, de fourgons, de caissons, s’achemine à travers Dugny. Elle se dirige vers la gare où vers Dieue.

 

Le rassemblement d’une compagnie de territoriaux, qui va procéder au rechargement des routes, provoque un arrêt de la colonne des véhicules. Bientôt, naît dans la masse, une certaine confusion.

 

Aux rayons d’un chaud soleil, nous sommes assis sur le seuil de nos cantonnements. Repos bien gagné, après les dures épreuves des jours passés !

 

Une série d’éclatements mous, comme ouatés, nous fait lever la tête : « Encore un Fritz » disent quelques-uns, en suivant du regard un avion tout blanc dans l’azur et minuscule comme un oiseau.

 

Quelques secondes encore, quelques obus de plus à l’adresse de l’ennemi, puis soudain, un sifflement bref, un éclair, une détonation violente qui nous soulève à demi et, dans cette masse d’hommes et de chevaux qui stationnent, un tumulte sans nom !

 

Le boche à lâché une première bombe et celle-ci est venue s’abattre au centre du village, là où se croisent les routes de la gare et de Dieue, sur un petit ponceau. Deux autres tombent presque aussitôt en arrière de nous, dans les terrains labourés, sans dégâts. C’est assez, certes, de la première !

 

Après un instant de stupeur, parmi les fils téléphoniques hachés, les tuiles broyées, les vitres pulvérisées par l’explosion, nous nous précipitons. Quel spectacle ! Jamais, même aux heures les plus rudes de Lorette et du fond de Buval, je n’ai assisté à une telle horreur !

 

L’engin a fait mouche, à la lettre, au plein de la compagnie de territoriaux, creusant dans le macadam un trou profond dont les pierres, jointes aux éclats, ont toutes porté.

 

La première vision qui se présente à mes yeux est celle d’un pauvre vieux « pépère » écroulé au seuil de sa guérite, tenant encore son fusil. Un éclat de pierre ou de métal a perforé la tête sans cependant ressortir, soulevant en une énorme bosse une partie de l’os frontal.

 

À deux pas, des chevaux, le ventre arraché, se débattent encore faiblement parmi les traits que l’on coupe à la hâte.

 

Trois civils, parmi les rares demeurés au village, sont étendus sur la chaussée, demi-nus, noircis, comme frappés de la foudre. L’un d’eux est amputé d’une jambe, projetée Dieu sait où ! Quelques mètres encore, et c’est une main, un pied coupé au ras du soulier que ramasse Morel, un homme de ma section.

 

De l’une des églises du village, transformée en ambulance, les secours sont déjà parvenus. Les brancardiers transportent en une longue théorie, morts et mourants.

 

J’ai toujours, sous les yeux, la vision de l’un de ces derniers dont tout le côté droit est arraché, pend par lambeaux et dont on voit, à l’intérieur la cage thoracique, se soulever convulsivement les poumons.

 

Pour achever dignement ce spectacle horrifique, une scène digne du Dante nous est offerte à la popote des officiers de notre bataillon.

 

Dans la salle du premier étage d’un immeuble voisin, où le commandant Schalck, entouré de ses cadres, prend son repas, un éclat est rentré. Il a frappé Vichet, notre major, à la nuque, l’a décapité et a projeté sa matière cérébrale sur tous les convives.

 

Au soir venu, on colportait dans les rues du village que 40 hommes au moins avaient été victimes du monstrueux engin.

 

Pour en apprendre plus sur le médecin aide-major de 2e classe Vichet, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Henri Leon Desire Vichet

 

Dans le cours de la nuit suivante, notre bataillon rejoignait Bévaux, puis remontait en soutien, non loin des casernes Chevert.

 

Il n’y avait pas eu, il n’y eut jamais pour moi, au cours de plus de trois années de front, un drame comparable à celui qui se déroula ce midi du 30 mars 1916.

 

Aucun n’a laissé, dans mon âme de fantassin, une impression plus profonde que ce carnage accompli brutalement, loin à l’arrière du front, par une claire matinée de printemps.

 

À partir du 31 mars, l’ennemi reprend ses attaques dans la région de Vaux.

 

Depuis la veille, le bombardement s’est encore accru. Sans interruption, jour et nuit, les obus ont ravagé nos secteurs. Les 77, les 105 et les 150 forment des tirs de barrage. Les 210 s’acharnent sur les abris. Les 420 cherchent à couper la route de Fleury et creusent tout aux alentours de formidables entonnoirs. Le 31 mars, les Allemands encerclent trois de nos compagnies dans la partie ouest du village de Vaux que nous perdons.

 

Signé : H. Pichenet

 

Caporal, 149e R.I., 7e compagnie

 

Sources :

 

Témoignage inédit rédigé par Henri Pichenet. Archives départementales de la Somme. Fonds Péricard. Cote 179 J 78.

 

129038389 - Copie (2)

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

 

Un grand merci à M. Bordes, à F. Charpentier à A. Carrobi, à X. Daugy, à I. Holgado, à L. Klawinski  et aux archives départementales de la Somme.

21 janvier 2022

Maurice Henri Pichenet (1889-1961)

Maurice Henri Pichenet

 

Maurice Henri Pichenet voit le jour le 6 septembre 1889 au domicile parental, situé au n° 6 de la place de l’Hôtel de Ville, à Montigny-le-Roi, dans le département de la Haute-Marne. Son père, Paul Antoine Alexandre a 26 ans. Il travaille dans une épicerie.

 

Le 17 janvier 1889, cet homme s'est remarié avec Marie Cécile Desloges après les décès de sa première épouse et de son fils unique. Marie Cécile, également âgée de 26 ans, ne pratique pas d’activité professionnelle lorsqu’elle donne vie à son fils Henri. Le couple Pichenet n’aura pas d’autre enfant.

 

Montigny-le-Roi

 

La fiche signalétique et des services d’Henri Pichenet mentionne un degré d’instruction de niveau 3. La lecture, l’écriture et le calcul sont donc bien maîtrisés lorsqu’il quitte les bancs de l’école communale. Henri gagne ensuite sa vie comme épicier. 

 

L’année de ses vingt ans, il est déclaré bon pour le service armé par le conseil de révision réuni à la mairie de Montigny-le-Roi. Son départ pour la conscription est prévu en octobre 1910.

 

Incorporé au 149e R.I. d’Épinal, Henri Pichenet intègre la caserne Courcy le 4 octobre. Discipliné et bon soldat, il est encouragé par sa hiérarchie à suivre la formation des élèves caporaux. Il est promu dans ce grade le 26 septembre 1911. Un an plus tard, le chef d’escouade Pichenet retourne à la vie civile avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

 

En avril 1913, le jeune homme vit à Faverney, une petite commune située au nord de Vesoul.

 

L’année suivante, les relations avec l’Allemagne se dégradent à tel point que la  guerre ne peut plus être évitée. Comme des centaines de réservistes, Henri Pichenet doit rejoindre le dépôt du 149e R.I. le 3 août 1914.

 

Son registre matricule ne fournit pas les détails nécessaires à la bonne compréhension de son parcours de fantassin pour les premiers mois du conflit.

 

Malgré ce manque, nous supposons qu’il a participé à la presque totalité des combats effectués par son régiment entre le début des hostilités et la date de son retrait du front en mars 1915.

 

Henri Pichenet souffre de rhumatismes, une maladie probablement à mettre sur le compte des nombreux séjours effectués dans les tranchées humides et glaciales sur les fronts de Belgique et d’Artois.

 

Le 15 mars 1915, il est évacué à l’hôpital n° 25bis à Lyon. Une fois soigné, le caporal Pichenet est dirigé sur le dépôt de convalescence à partir du 29 juin 1915.

 

Trois jours plus tard, il est envoyé en congé de convalescence pour une durée de 15 jours. Le 18, c’est le retour au dépôt du 149e R.I..

 

Henri Pichenet rejoint la zone des combats le 2 octobre 1915 pour être versé à la 7e compagnie du 149e R.I.. Son régiment vient de subir d’énormes pertes après des attaques menées durant plusieurs jours dans le secteur du bois en Hache, en Artois.

 

Mars 1916, le régiment spinalien doit se rendre dans la Meuse. Les Allemands viennent de lancer une grande offensive commencée le 21 février. Ils veulent prendre la ville de Verdun.

 

Durant cette période de la guerre, les compagnies du 149e R.I. vont effectuer deux séjours distincts en 1ère ligne : le premier du 8 au 17 mars, le second, du 31 mars au 10 avril.

 

Henri Pichenet quitte la 7e compagnie au cours du 2e séjour pour être, temporairement, affecté à la 10e compagnie.

 

Le 4 avril 1916, le caporal Pichenet est blessé à proximité du fort de Vaux. Un éclat d’obus frôle la carotide avant de finir sa course à proximité de la clavicule. La mort est évitée de peu.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

 

Du 7 au 30 avril 1916, il est soigné à l’ambulance des armées n° 10/13. Henri Pichenet bénéficie ensuite d’un congé de convalescence d’une semaine.

 

De retour dans la zone des armées, il est nommé sergent le 19 juin 1916. Sa santé, devenue fragile, lui impose une évacuation à l’ambulance n° 12/1 à partir du 29 août 1916. Une longue période de soins commence.

 

Le sergent Pichenet est, dans un premier temps, pris en charge à l’hôpital n° 16 de Royallieu, près de Compiègne.

 

Le 1er octobre 1916, il est transféré à l’hôpital temporaire n° 54, au château de Beaudiment, dans le département de la Vienne.

 

Le 20 novembre 1916, le sous-officier est envoyé à l’hôpital temporaire n° 12 à Châtellerault. Deux jours plus tard, il obtient un congé de convalescence de 15 jours.

 

Le sergent Pichenet rentre au dépôt le 7 décembre 1916. À partir de cette date, il est impossible de reconstruire son parcours militaire.

 

Sa fiche matricule indique simplement une mutation au 146e R.I. à compter du  2 août 1918.

 

Combien de temps est-il resté au dépôt du 149e R.I. ?  A-t-il été affecté au C.I.D. de la 43e D.I. durant une longue période ? Est-il retourné dans le régiment actif ? Il est difficile de répondre à ces questions.

 

Le dépôt divisionnaire du  21e R.I. de Langres le met en congé illimité de démobilisation à partir du 5 août 1919.

 

Henri Pichenet entre au petit séminaire de Bourbonne-les-Bains juste après le conflit.

 

Il est maintenu au service armé avec un taux d’invalidé inférieur à 10 % pour troubles digestifs, suite à une décision prise par la commission de réforme de Chaumont réunie le 21 juin 1921.

 

Henri Pichenet n’est pas devenu prêtre. Le 7 juin 1927, il épouse Léontine Hélène Delacure à Langres. Le couple aura deux enfants.

 

Le 15 octobre 1930, l’ancien sergent du 149e R.I. passe dans la 2e réserve. Le 10 août 1934, il est inscrit, en tant que père de famille, dans la classe de mobilisation la plus ancienne de la 2e réserve (article 58 de la loi du 31 mars 1928).

 

Dégagé de toutes obligations militaires, il doit tout de même rester à la disposition du ministre de la guerre pour servir, en cas de nécessité, dans la défense passive.

 

Henri Pichenet a exercé les fonctions de secrétaire de la section cantonale des anciens combattants de Montigny-le-Roi durant plusieurs années.

 

Au début des années trente, Jacques Péricard, journaliste et écrivain français, souhaite rédiger un ouvrage consacré à la bataille de Verdun, uniquement construit à partir des témoignages d’anciens combattants. Le 4 octobre 1931, Henri Péchinet lui adresse le courrier suivant :

 

« Mon cher camarade,

 

J’ai lu à plusieurs reprises votre appel en faveur d’une « histoire de Verdun » écrite par les seuls anciens combattants. J’applaudis à votre initiative, mieux encore, je souscris à votre vœu.  C’est, sans doute, une bien faible contribution que la mienne. Je puis du moins affirmer que les deux récits, narrés bien simplement, que je vous communique, ont été vécus en mars-avril 1916, en des heures où l’on faisait bon marché de soi.

 

Si « Jacques des Gachons » dont j’envie tout à la fois et les œuvres et les contes alertes que publie « La Victoire » peut-être satisfait de mon petit grain de sable apporté à son édifice, c’est encore moi qui l’en remercierai. 

 

Agréez, mon cher camarade, l’expression de mes sentiments bien cordialement dévoués.

 

H. Pichenet ex-sergent du 149e R.I. »

 

Deux extraits de ses récits seront publiés dans l’ouvrage de Jacques Péricard.

 

Maurice Henri Pichenet décède le  30 janvier 1961 à Montigny-le-Roi.

 

Il a été décoré de la croix de guerre avec une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la division n° 437 en date du  4 mai 1916 :

 

« Pendant les combats d’avril 1916, sous un feu violent, a toujours conservé un sang-froid remarquable, et fait preuve de la plus belle bravoure. A puissamment contribué à la défense d’un ouvrage important où il fut blessé. »

 

Pour prendre connaissance de la généalogie de la famille Pichenet, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Sources :

 

Les informations concernant ce soldat sont extraites de sa fiche signalétique et des services, de son acte de naissance et du registre de recensement de la ville de Montigny-le-Roi de l’année 1906. Tous ces documents ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

La lettre rédigée par Henri Pichenet à l’adresse de Jacques Péricard fait partie du fonds Péricard enregistré sous la  cote 179 J 78 aux archives départementales de Somme.

 

Archives départementales de la Somme

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

 

Un grand merci à M. Bordes, à F. Charpentier à A. Carrobi, à X. Daugy, à I. Holgado, à L. Klawinski,  aux archives départementales de la Somme et de la Haute-Marne et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

21 janvier 2022

Henri Léon Désiré Vichet (1890-1916)

Henri Leon Desire Vichet

 

Henri Léon Désiré Vichet voit le jour le 3 décembre 1890 à Pontarlier, dans le département du Doubs.

 

Son père, Louis Auguste, est âgé de 23 ans. Il travaille comme distillateur, probablement employé dans une des entreprises fabriquant de l’absinthe. Sa mère, Élisabeth Platel, a 24 ans. Elle n’exerce pas d’activité professionnelle.

 

Une sœur naît en 1892.

 

Genealogie famille Vichet

 

Henri est un élève brillant. Il poursuit sa scolarité bien au-delà de l’école obligatoire. Son registre matricule indique un degré d’instruction de niveau 5, ce qui signifie qu’il est détenteur d’un baccalauréat ; il a obtenu ce diplôme après avoir fréquenté le lycée Carnot de Dijon.

 

Henri Vichet quitte la préfecture de la Côte-d’Or pour poursuivre des études de médecine à l’école de Besançon.

 

Ecole de medecine de Besançon

 

Lorsque le temps des obligations militaires arrive, il se retrouve classé dans la 7e catégorie de la classe 1911. Il peut poursuivre ses études en toute tranquillité.

 

Henri Vichet n’en a pas tout à fait terminé avec sa formation de médecin lorsque l’ordre de mobilisation générale est placardé dans toutes les communes de France, en août 1914.

 

Cet étudiant aux 14 inscriptions (7 années d’études validées) a obligation de rejoindre le dépôt du 149e R.I. le 22 août 1914. Une fois sur place, il est habilité à exercer les fonctions de médecin auxiliaire.

 

Henri Vichet n’a pas reçu de formation militaire. Il est donc invité à rester à l’arrière durant plusieurs semaines.

 

Le jeune homme quitte le dépôt le 30 octobre 1914, avec un petit groupe constitué de cinq officiers, de 18 sous-officiers et d’un soldat. Le 1er novembre, il intègre l’équipe médicale du 1er bataillon du régiment actif installé dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette, en Artois.

 

Ses nouvelles missions sont multiples. Sous l’autorité directe du médecin aide major du bataillon, il se préoccupe de la santé de plusieurs centaines de soldats. Il est chargé des vaccinations, des problèmes d’hygiène. Il veille à ce que les hommes reçoivent, le plus souvent possible, une nourriture correcte. 

 

Les 2e et 3e bataillons sont envoyés en Belgique peu de temps après son arrivée au régiment actif. Le 1er bataillon reste en Artois avant de les rejoindre à la fin du mois de novembre. 

 

L’ensemble du régiment réintègre le secteur de Notre-Dame-de-Lorette à la fin de l’année 1914. Il y restera jusqu’en décembre 1915.

 

Lorsque son régiment est en 1ère ligne, Henri Vichet travaille au poste de secours le plus proche du bataillon pour donner les premiers soins aux blessés. Combien en a-t-il sauvé sur le front d’Artois ? Probablement des dizaines.

 

Le 18 juillet 1915, il est légèrement blessé à la main gauche par un éclat d’obus.

 

Le 13 novembre 1915, Henri Vichet est promu médecin aide-major de 2e classe. Ce changement de grade lui permet de toucher la solde d’un sous-lieutenant.

 

Le 2 janvier 1916, il est muté au 2e bataillon du régiment, sous les ordres du commandant Schalck.

 

Deux mois plus tard, le 149e R.I. est en partance pour Verdun. Les Allemands viennent de lancer une vaste offensive nécessitant l’intervention de nombreuses unités. Il faut à tout prix contenir l’attaque ennemie pour empêcher la prise de la ville.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Verdun 30 mars 1916

 

Henry Vichet est tué le 30 mars 1916, suite à l’explosion d’une bombe lâchée par un avion ennemi alors que son régiment était au repos.

 

Certains papiers officiels laissent supposer un décès à l’ambulance n° 3/70 installée à Dugny. La réalité semblerait être toute autre. Les circonstances de la mort de ce médecin sont évoquées de manière très détaillée dans deux témoignages rédigés par des anciens du 149e R.I.. 

 

Le premier, rédigé par L’abbé Henry, aumônier à la 43e D.I., dit ceci :

 

« Le 149, hier également à Dugny, a reçu des bombes d’aéros : Vichet tué, et avec lui, au moins 40 soldats. Vichet était à table dans la salle au 1er. L’éclat d’obus est entré par la fenêtre et est venu lui emporter la tête. Mon Dieu que tout cela est navrant… »

 

Le second, écrit par Henri Pichenet, caporal au 149e R.I., est encore plus explicite.

 

« Dans la salle du premier étage d’un immeuble voisin, où le commandant Schalck, entouré de ses cadres, prend son repas, un éclat est rentré. Il a frappé Vichet, notre major, à la nuque, l’a décapité et a projeté sa matière cérébrale sur tous les convives… »

 

Ces deux extraits établissement de manière certaine et concordante une mort instantanée.

 

Le chef de bataillon Magagnosc, qui assure le commandement par intérim du 149e R.I. depuis la blessure du lieutenant-colonel Abbat, rédige la note suivante dans le feuillet individuel de campagne du médecin aide-major de 2e classe Vichet :

 

« Tué à Dugny par une bombe d’avion ennemi le 30 mars 1916. Médecin très consciencieux, très dévoué, ayant une haute conception de son devoir. S’est fait remarquer maintes fois par sa bravoure, notamment le 9 mai 1915, à Notre-Dame-de-Lorette Il était très estimé, très aimé de tous pour ses belles qualités militaires et professionnelles. »

 

Décorations obtenues : 

 

Croix de guerre avec une palme et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la division  n° 56 en date du 25 mai 1915 :

 

« Dévouement remarquable et inlassable dans la recherche et le transport des blessés, particulièrement au cours des combats du 9 et 13 mai, n’hésitant pas à transporter lui-même, sous un feu des plus vifs, les officiers et hommes blessés. »

 

Citation à l’ordre de l’armée  n° 139 en date du 1er mai 1916 :

 

« Au front depuis le 1er novembre 1914, a pris part, d’abord comme médecin auxiliaire, puis comme médecin aide-major à tous les combats livrés par le régiment et s’est, en toutes circonstances, fait remarquer par le zèle et le dévouement les plus absolus dans les soins qu’il a pratiqués aux blessés jusqu’en première ligne. A notamment assuré d’une façon remarquable, pendant la période du 8 au 17 mars 1916, l’évacuation de tous les blessés, malgré les rafales d’un bombardement les plus violents. Avait été blessé une première fois en juin 1915, a été tué par une bombe d’avion ennemi le 30 mars 1916. »

 

(La date de sa blessure indiquée dans cette citation n’est pas identique à celle relevée dans son dossier individuel disponible au S.H.D. de Vincennes.)

 

Le médecin aide-major de 2e classe Vichet a été fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume (J.O. du 17 octobre 1919).

 

Henri Vichet ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance. Il repose actuellement dans le cimetière communal de Pontarlier.

 

 

Le nom de ce médecin est inscrit sur le monument aux morts et sur la plaque commémorative de l’église Saint-Bénigne de Pontarlier, sur la plaque commémorative 1914-1918 de l’ancienne école de médecine et de pharmacie de Besançon et sur le monument aux morts du lycée Carnot de Dijon.

 

Monuments aux morts et plaques commémoratives portant le nom de Henri Vichet

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services du médecin aide major de 2e classe a été lue sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Le portrait du médecin aide-major de 2e classe Henri Vichet provient du tableau d’honneur de la guerre 14-18, publié par la revue « l'illustration ».

 

La photographie de la sépulture de cet officier à été réalisée par P. Baude.

 

La carte postale représentant l’école de médecine et de pharmacie de Besançon provient du site « Ville de Besançon, mémoire vive, patrimoine numérisé de Besançon ».

 

Site memoire vive patrimoine numerise de la ville de Besançon

 

Les circonstances de la mort du médecin aide major de 2e classe Vichet sont extraites d’un carnet inédit rédigé par l’abbé Henry, aumônier à la 43e D.I., propriété de J.L. Poisot, et du témoignage inédit rédigé par Henri Pichenet déposé aux archives départementales de la Somme en 2018. Fonds Péricard Cote 179 J 91.

 

Archives départementales de la Somme

 

Les clichés représentant le monument aux morts et la plaque commémorative de l’église Saint-Bénigne de Pontarlier, de la plaque commémorative de l’école de médecine et de pharmacie de Besançon, du monument aux morts du Lycée Carnot de la ville de Dijon ont été trouvés sur le site de « Mémorialgenweb ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à F. Charpentier à A. Carobbi, à X. Daugy, à L. Klawinski, à M. Porcher, à J.L. Poisot, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Doubs et de la Somme.

14 janvier 2022

25 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

25 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I., tout juste remis des attaques de septembre, se prépare à repartir au combat. Un bataillon reconstitué avec les effectifs réduits du régiment est mis sous l’autorité du commandant Froment.

 

Le lieutenant-colonel Vivier prend le commandement d’un groupe composé de 2 bataillons du 1er B.C.P. et du bataillon Froment. Les chasseurs seront les premiers à être engagés. Le bataillon Froment, plus en arrière, constituera la 3e vague d’assaut.

 

L’aumônier Henry quitte Lor pour rejoindre le P.C. du lieutenant-colonel Vivier installé à le Thour. Le P.C. est éloigné de la 1ère ligne. Les informations arrivent par téléphone. Elles sont souvent contradictoires.

 

De Lor à Le Thour

 

Messe à 6 h 30.

 

Le Boche est resté très nerveux jusqu’au déclenchement de notre artillerie à 6 h 30. Il est certain qu’il se doute de quelque chose. Il ne faut pas compter sur l’effet de surprise, il faudra que notre artillerie donne son plein.

 

Le tir boche est si ennuyeux que je ne peux commencer ma messe qu’à 6 h 30. Dès 5 h 30, le G.B.D. est venu se mettre à la disposition de M. Rouquier qui a expédié Papoz et ses hommes à M. Jourdan au 1er B.C.P.. Cela fait bien du monde dans la rue à un moment quelque peu dangereux. La voix claironnante de Clairac indique que M. Vignot est arrivé avec son état-major.

 

6 h 30. Au moment où je commence ma messe, le tir général se déclenche. Quelle musique ! Les 280, qui sont proches de nous, sont particulièrement désagréables. À chaque coup, les ardoises descendent des toits. Tout tremble dans les maisons déjà si peu solides.

 

7 h 30. Première nouvelle. Elles sont mauvaises. Cette nuit, le bataillon Froment a eu, par un seul obus, 5 tués et 6 blessés, sur la route de le Thour.

 

Mon Dieu, de grâce, épargnez-nous ! C’est la 6e compagnie qui a eu ce coup malheureux. L’obus est tombé en plein sur la section !

 

Visite de M. Vuillaume, de M. Vigneault. Ces M.M. ne savent rien de l’attaque.

 

9 h 00. Voici des blessés, une dizaine (158e, 1er B.C.P., un artilleur), deux Boches, utilisés comme brancardiers. On signale un officier boche prisonnier qui vient d’entrer à l’I.D., en face. Quelques ypérités. Les Boches ont envoyé des obus à ypérite surtout sur les batteries. Il est fort heureux que les Boches soient à court d’ypérite ; il nous ferait beaucoup de mal et nous gênerait considérablement.

 

10 h 00. Déjeuner de bonne heure, afin de pouvoir gagner le Thour le plus tôt possible. Il est vrai que rien ne presse encore.

 

C’est le 1er B.C.P. qui attaque ce matin ; le commandant Froment, avec son bataillon, est toujours en réserve, en avant du village de le Thour. L’objectif de la division à atteindre dans la journée est assez considérable et comporte pas mal de difficultés ; un simple coup d’œil sur la carte suffit pour s’en rendre compte.

 

Le 1er B.C.P., partagé en deux bataillons, forme les deux premières vagues d’assaut ; le bataillon Froment partira en troisième vague. L’objectif des chasseurs constitue le gros morceau à enlever.

 

Ils doivent prendre le système de tranchées connu sous le nom de « Hunding stellung ». C’est une véritable forteresse à enlever, constituée par plusieurs tranchées et je ne sais combien de réseaux de fil de fer.

 

La partie de la ligne la plus difficile à enlever est certainement le village de Banogne que les Boches ont organisé comme ils savent le faire. Le mouvement du 1er B.C.P. avec les différentes préparations d’artillerie doit occuper toute la matinée.

 

Ce n’est guère que vers midi que le 149 s’élancera à l’assaut en troisième vague. Son objectif est de presser le Boche quand celui-ci aura été bousculé par le 1er B.C.P. et chassé de son repaire « Banogne et Hunding » et de le poursuivre jusqu'à Hannogne. Objectif intéressant, a déclaré le colonel, car ce sera de la guerre en rase campagne, de la guerre de manœuvre.

 

La partie se joue en ce moment. Depuis deux heures, les chasseurs, appuyés par le 158, à qui revient le périlleux honneur d’enlever Banogne, à droite, sont partis de l’avant. Où en sont-ils en ce moment ? Ici, nul ne le sait ; c’est trop loin du P.C. du colonel.

 

Un officier de l’I.D. que j’interroge me déclare qu’à l’I.D. on ne sait rien encore. Je commence à savoir interpréter ces réponses évasives. Aux jours d’attaque, « Pas de nouvelles » veut dire « Mauvaises nouvelles », du moins, je le crains et c’est le cœur plein d’appréhensions que je prends le chemin de Le Thour.

 

Je m’en vais seul, le docteur Rouquier n’a pas les mêmes raisons que moi de se presser. Il est 11 h 00. En partant, j’aperçois le sergent Arnould, de la musique, qui marche en traînant le pied ; un éclat d’obus ou une pierre, je ne sais au juste, lui a contusionné le pied. Rien de grave, mais le voici hors de service pour quelques jours.

 

De Lor à le Thour, 2 km 500. À droite et à gauche, des canons, des caissons, des munitions. Les attelages sont alignés le long de la route. Les canons de 185 et de 75, tout fumants de l’effort qu’ils ont fait depuis 6 h 30, ne crachent plus leur mitraille que par intermittence. Et pourtant, si je me souviens bien du plan des opérations, ils devraient en ce moment donner leur plein pour l’attaque du 149.

 

Carte 1 temoignage aumonier Henry du 25 octobre 1918

 

Non vraiment, je n’augure rien de bon ! Le soleil a beau briller dans le ciel et jeter sur la campagne sa lumière réconfortante et joyeuse, je sens qu’il fait de plus en plus nuit dans mon cœur. Non, non, si brillant soit-il, ce soleil n’est pas celui d’Austerlitz. À gauche, à la sortie du village, un cimetière boche ; sur chaque tombe, une croix en pierre basse et massive, remarquable de mauvais goût.

 

Ce que je vois sur la route n’est pas fait pour dissiper ma tristesse : des cadavres de chevaux ; ce serait peu ; mais voici un soldat dont le corps est étendu sans mouvement sur le bord de la route ; plus loin un autre. Près d’un bois, un poste de G.B.D.. Ils ont vu passer un certain nombre de blessés, mais ils ont surtout évacué des ypérités.

 

Enfin, voici le village de le Thour : des maisons éventrées, des cratères de mines avec des amas de décombres, de plâtras de charpentes renversées. Le village est détruit, détruit comme Souain, comme Deniécourt. Mais ici ce ne sont pas les obus, ce sont les mines qui ont opéré. À l’entrée du village, encore un mort ; détail macabre, sa capote brûle, le feu doit être dans sa cartouchière ; j’essaie de la retirer ; je n’y réussis qu’en partie.

 

P.C. du colonel. C’est une cave, une de ces caves que les boches n’ont pas cru devoir faire sauter. Il en reste quelques-unes qui ont été épargnées ; le P.S. du 158 est dans la cave voisine. Le père Bruneau assiste là les blessés. La première nouvelle que j’apprends en arrivant, c’est que tout le P.S. du 31e, installé à la sortie est du village, a été ypérité. Le père Poirot, le médecin, eux-mêmes ont été évacués, très gazés.

 

Au P.S. du colonel, je n’ai pas besoin de demander où en est l’attaque, je vois la réponse sur les figures : « Ça n’a pas collé ? – Non ; c’est le bec ! – Alors ? – On va essayer de remettre ça ! »Le coup est manqué ; on va essayer d’y revenir ; je connais ça, c’est le coup d’Orfeuil. Gare à la casse ! À l’avance, je tremble.

 

Le lieutenant Viard est tué ! Il a été tué hier, dans la nuit. Il fait partie des cinq signalés comme tués. Il paraît que son corps était tellement abîmé qu’il était complètement méconnaissable. Dieu l’accueille dans son saint Paradis ! J’aime à me rappeler que je l’ai vu à la messe le dimanche ; c’était un bon camarade et un chef sympathique. Je n’en ai entendu dire que du bien ; en plus, c’était un modeste.

 

L’attaque reprise ce soir n’a pas donné les résultats espérés ; mais, par contre, elle a été fertile en incidents. Au P.C. du colonel, je les ai vécus dans cette soirée, heure par heure, minute par minute. Chaque unité a sa manière, son genre.

 

Les façons des chasseurs ne sont pas celles des fantassins ; le 1er B.C.P. ne rend pas le même son, ne donne pas la même note que le 31e. Le 1er a son genre ; le 149 a le sien qui est autre.

 

L’idée de mettre en ménage deux unités de caractère, deux tendances aussi différentes, n’était certes point banale ; je n’ose dire qu’elle était heureuse.

 

Ces tendances particulières se sont affirmées ce soir par des manifestations répétées qui les ont mises en plein jour. Le soir arrive : où en sommes-nous de l’attaque ? On compte, on calcule au P.C. du colonel. Ici ce n’est pas tout à fait comme dans la vie normale : les mauvaises nouvelles vont moins vite que les bonnes.

 

Dans ces moments d’attente qui paraissent interminables, le P.C. prend une physionomie qui vaudrait la description. On sent l’angoisse au fond de toutes les âmes, mais une angoisse qui ne veut pas se laisser voir, que les attitudes s’appliquent à ne pas trahir.

 

Quelle fièvre, c’est le téléphone qui semble à ce moment le point vital du P.C.. Sur lui, tous les regards sont fixés : pauvre téléphone qui n’en peut plus, mais c’est à lui qu’on s’en prend, c’est sur lui que se déverse la mauvaise humeur. S’il se tait, on le secoue pour le faire parler. Allô ! Allô ! - S’il parle, on l’écoute avec humeur !

 

Il parle ! Il signale des fusées vertes sur la ligne Hunding. Vite on interroge le code : fusées vertes = objectif atteint. Quoi ! Ce serait trop beau ! Voilà qui demande confirmation. Allô ! Téléphone !… Mais parle donc ! Il parle.

 

C’est bien vrai : le commandant du 1er B.C.P. signale que ses intrépides chasseurs ont atteint leurs objectifs. Pourtant, le colonel du 149e reste soucieux. Est-ce que vraiment la joie fait peur ? Il me semble qu’il transmet à l’I.D. cette nouvelle en des termes qui manquent d’enthousiasme.

 

Il a sans doute ses raisons pour cela. Pour moi qui, à toutes ces histoires, ne connais rien de rien, je note simplement que les renseignements successifs qui arrivent coup sur coup ne semblent pas toujours faciles à concilier.

 

Je ne vois pas, par exemple, comment les chasseurs peuvent occuper les lisières ouest de Banogne (ce qui fait partie de leur objectif) tandis que le 158e continue de faire tirer à coups de 155 sur le village lui-même. Je ne vois pas comment… mais, après tout, de quoi vais-je me mêler ? Est-ce que je vais me donner le ridicule d’essayer de voir, de comprendre des choses qui ne sont pas de ma compétence !

 

Quoi qu'il en soit, voici des prisonniers ! J’en compte une vingtaine, dont un officier ; un petit lieutenant qui parle français et qu’on fait descendre au P.C. aux fins d’interrogatoire.

 

Avec une parole un peu sèche, quoique polie, il veut bien expliquer en quel endroit il a été fait prisonnier. C’est un point tellement en arrière de notre ligne, qu’on hésite à le croire. Mais il est formel : il était là avec sa compagnie réduite à 40 hommes ; son capitaine blessé s’était retiré, il a pris le commandement. Il s’est défendu tant qu’il a pu, bien qu’il ait manqué de munitions. Les soldats français étaient passés sans le voir. Par deux fois, il avait envoyé chercher des munitions ; ses hommes ne sont pas revenus. Alors se voyant cerné, sans moyen de défense, il s’est rendu.

 

On essaie d’obtenir d’autres renseignements, peine perdue. Avec une candeur trop polie pour être honnête, il coupe court à toutes les questions : « Écoutez, Monsieur, je ne sais pas, je suis arrivé hier soir d’Allemagne sur le front ! » Ah ! Mon vieux, si tu crois que je te crois ! Tu ne veux rien dire ! Suffit ! À une question du lieutenant Barge qui lui demande s’il a des cartes sur lui, il répond froidement qu’il les a déchirées. Il est temps de renvoyer ce bonhomme ; avec son air de ne pas y toucher, il deviendrait impertinent.

 

Catastrophe au G.B.D.. Une nouvelle épouvantable arrive de Lor. Deux obus sont arrivés coup sur coup dans la cour où stationnait le G.B.D. et ont fait dans le personnel, dans les blessés qui attendaient, un véritable massacre. Tués : MM. Guillaumont, Dessagne, Goix, Luyton et plusieurs autres ; Morise mourant. M. Vuillaume blessé gravement, MM. Vignot, Clairac … etc, blessés. C’est la grosse, très grosse catastrophe ! Nous sommes tous atterrés. Jamais le G.B.D. n’a été éprouvé aussi gravement !

 

Message rectificatif du commandant Lebleu. Les chasseurs n’ont pas du tout atteint leur objectif ; ils n’ont pas du tout pris la ligne Hunding. Ils sont arrêtés à la route Saint-Quentin, Banogne…

 

Mais les fusées vertes lancées ? … lancées par les Boches ? … mais les comptes-rendus ? … à éclaircir…

 

Stupéfaction générale ! Mais stupéfaction dans laquelle il n’entre pas ou presque pas d’étonnement. Alors maintenant, il faut démentir tous les renseignements envoyés précédemment. Allons ! Pauvre téléphone ! Marche ! Transmet ! Et les exclamations se devinent à l’autre bout du fil ! …... Inouï… Incroyable ! … ça vous étonne !

 

Le général n’est pas content ! Il le fait savoir ! Docile, le téléphone transmet toujours ! Protestations ! « Ah, mais non ! Je n’accepte pas ! Je n’encaisse pas ! » Tout le monde est furieux.

 

Le pire c’est que les chasseurs se sont épuisés dans l’effort. Ils ont eu de la casse en hommes, en officiers. Le commandant demande à passer en deuxième ligne pour pouvoir reformer le bataillon désorganisé par les violences du coup.

 

Il demande. Mais c’est déjà fait. Le 149 est passé en première ligne. Le commandant Froment s’est porté en avant afin de parer au danger. Dans ces mouvements opérés d’urgence, la liaison n’a pas pu s’établir assez vite avec l’arrière. Le téléphone reste muet ! Tout n’est pas rose pour les officiers de liaison. Et ce qui complique tout, c’est que la nuit est venue, une nuit d’encre, où on ne voit pas à deux pas devant soi ! Que Dieu guide les agents de liaison.

 

Voilà donc le 149 en première ligne ! À lui maintenant de marcher ! L’officier boche prisonnier a déclaré que non seulement les Boches n’avaient pas l’intention de se replier, mais qu’ils avaient, au contraire, ordre formel de tenir coûte que coûte jusqu’au dernier !

 

Mon Dieu, que nous réservez-vous pour demain ? Allons-nous revivre les mauvais jours d’Orfeuil ? Il fait nuit ! Nuit sur la nature ! Nuit dans les cœurs.

 

Dans l’attente des évènements, je n’ose revenir à Lor. Ici pas de place ! N’importe, on peut dormir sur une chaise !

 

Et les tanks ? Ils étaient partis une quinzaine avec les chasseurs. Il en reste trois ! Le même canon anti-tank en aurait démoli onze à lui seul, dont quatre ont pris feu.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

7 janvier 2022

Gaston Samuel (1881-1918)

Gaston Samuel

 

Gaston Samuel voit le jour le 7 octobre 1881, à Baccarat, une ville située à l’extrême sud du département de la Meurthe-et-Moselle. Son père, Prosper, alors âgé de 29 ans, exerce le métier de commerçant. Sa mère, Caroline Alexandre, a 31 ans. Elle ne pratique pas d’activité professionnelle. Gaston est le second enfant du couple. Une sœur, prénommée Fernande, est née l’année précédente. Un frère, André, viendra au monde en 1884.

 

Genealogie famille Samuel

 

Le jeune Gaston quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il maîtrise parfaitement la lecture, l’écriture et le calcul lorsqu’il rejoint le milieu du travail.

 

En 1901, ses parents vivent alors à Rambervillers. Le registre de recensement correspondant à cette année nous apprend que son père était marchand de bestiaux.

 

Comme pour la quasi-totalité des registres matricules du bureau de recrutement du département des Vosges, il n’y a aucune inscription enregistrée dans la case « détail des services et mutations diverses » sur la fiche signalétique et des services de Gaston Samuel. Cette absence de renseignements rend impossible la reconstruction de son parcours militaire.

 

Nous savons simplement qu’il a été déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Rambervillers l’année de ses vingt ans.

 

Gaston a probablement effectué ses obligations militaires durant l’année 1902, puis quitté la caserne trois ans plus tard, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite. C’est tout ce que nous pouvons dire concernant cette période.

 

De retour à la vie civile, il retrouve son poste d’employé de commerce.

 

Le 1er août 1914, la France rappelle ses réservistes. Un nouveau conflit contre l’Allemagne est sur le point d’éclater. Les classes en âge de revêtir l’uniforme ont ordre de rejoindre leurs dépôts d’affectation, ce qui est le cas de Gaston Samuel.

 

Comme il a été dit précédemment, sa fiche matricule reste obstinément muette sur son vécu de soldat.

 

Il est donc impossible de dire quoi que ce soit sur ce qu’il a fait durant les premières années du conflit. Était-il déjà caporal au moment de la mobilisation, un grade qu’il aurait pu obtenir durant sa conscription ? Rien dans les documents disponibles ne permet de répondre à cette question.

 

Le texte qui accompagne sa Médaille militaire nous apprend qu’il a été blessé entre le début des hostilités et le mois d’avril 1917. Il n’y a pas plus de précision sur cette blessure.

 

En effet, son nom ne figure sur aucun état des pertes du 149e R.I. couvrant la période d’août 1914 à septembre 1915. Il n’est pas plus inscrit dans les registres des contrôles nominatifs des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires de ce régiment ; ces registres sont détenus par les archives médicales hospitalières des armées de Limoges. Cela voudrait-il dire qu’il servait dans un autre régiment avant cette blessure ? C’est une éventualité.

 

Mais où et quand a-t-il été blessé ? Encore un blanc dans son parcours qu'un document permettra peut-être un jour de combler.

 

Une citation à l’ordre du 149e R.I. gagnée en septembre 1916 lui accorde le droit de porter la croix de guerre. Cette citation valide sa participation aux combats menés par ce régiment dans la Somme. Sa présence dans ce département, en tant que sous-officier, est confirmée par le texte qui accompagne sa Médaille militaire obtenue quelques mois plus tard.

 

Mais à quelle période a-t-il été nommé sergent ? L'absence de sources empêche de le savoir.

 

Le 10 avril 1917, un groupe de sous-officier du 149e R.I. est photographié loin de la zone des combats.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Grâce au livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté », il est tout à fait réaliste d’associer un visage à un nom pour ce cliché. Un tirage similaire, reproduit à la page 179 de l’ouvrage, est accompagné des 17 noms des hommes représentés. Le sergent Samuel est dans la liste. Tous ces sous-officiers appartiennent à la 10e compagnie.

 

À quel moment le sergent Samuel a-t-il été affecté dans cette compagnie ? Il n’est pas possible de répondre à cette interrogation.

 

Le régiment qui a pour devise « Résiste et mord » occupe plusieurs secteurs particulièrement exposés, à proximité du chemin des Dames. Mais il ne sera pas engagé avant l’offensive de la Malmaison du 23 octobre 1917.

 

Le sergent Samuel a-t-il participé à cette attaque ? Il est difficile de l’affirmer.

 

Un acte de décès permet de retrouver sa trace à la fin de l’année 1917.

 

Gaston Samuel est témoin de la mort accidentelle du 1ère classe Claude Luc survenue le 26 décembre 1917. La lecture de l’acte de décès de ce soldat nous apprend qu’il servait à la 12e compagnie du 149e R.I., une compagnie non combattante rattachée au centre d’instruction de la 43e D.I. le jour de sa disparition. Même si nous n’en connaissons pas les raisons, cette information est d’une grande importance, puisqu’elle confirme la présence du sergent Samuel au sein du C.I.D. à cette période de la guerre.

 

Le sergent Samuel est ensuite affecté au 31e B.C.P. puis au 67e R.I.. À quel moment et pour quel motif a-t-il été affecté dans ces unités ? Il est impossible de donner une réponse satisfaisante à ce questionnement.

 

Gaston Samuel est tué en Belgique le 8 novembre 1918 près du village de Zingem, que l'on trouve parfois écrit "Synghem". 

 

Un article de presse, publié dans le journal « le télégramme des Vosges », nous indique que le corps de ce sous-officier a été rapatrié par convoi ferroviaire à Rambervillers le 4 juillet 1922.

 

Le nom du sergent Samuel est gravé sur la plaque commémorative de la Synagogue de Saint-Dié-des-Vosges. Il n'est pas inscrit sur les monuments aux morts de sa ville de naissance (Baccarat), de sa ville de résidence (Saint-Dié-des-Vosges), et encore moins sur celui de Rambervillers où son corps repose. 

 

Les décorations du sergent Samuel

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une étoile de bronze :

 

Citation à l’ordre du régiment du 26 septembre 1916 :

 

« A, par beaucoup d’initiative et de dévouement, aidé son chef de section dans l’organisation des positions conquises. A fait preuve d’un grand courage. »

 

Médaille militaire (J.O. du 24 avril 1917) :

 

« Sergent de la territoriale au 149e R.I.. Sous-officier dévoué et brave qui s’est distingué, comme chef de demi-section aux attaques de septembre 1916.  Une blessure (a déjà été cité). »

 

Le fil conducteur reliant la fiche individuelle figurant sur le site « Mémoire des hommes » à la fiche matricule et au portrait de la photographie a été très difficile à établir. Les citations trouvées dans le livre d’or des Israélites dans l’armée française, la lecture du registre matricule de son frère André, souffrant également d’une très forte myopie et l’acte de décès du soldat Luc, ont beaucoup aidé à tisser le lien identitaire.

 

La destruction intégrale des registres d’état civil de la ville de Saint-Dié-des-Vosges, durant le 2conflit mondial du XXe siècle, ajoute un blanc supplémentaire à l’histoire du sergent Samuel. Une recherche généalogique approfondie est inenvisageable. Gaston Samuel a-t-il été marié ? A-t-il eu une descendance ? Il est impossible de le dire.

 

Sources :

 

Fiche signalétique et des services du sergent Samuel lue sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Livre d’or des Israélites dans l’armée française.

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. provient du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à A. Samuel, à F. Barbe, à A. Carobbi, à O. Gaget, à T. Vallé, aux archives départementales de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges  et au Service Historique de la Défense de Vincennes.  

31 décembre 2021

25 et 26 octobre 1918, l’attaque de la Hunding-Stellung

25 et 26 octobre 1918 bataille de la Hunding-Stellung

 

Octobre 1918 : la 1ère ligne allemande est débordée et dépassée dans le département de l’Aisne. La Ve Armée du général Guillaumat stoppe devant la ligne défensive de la Hunding-Stellung.

 

Les unités de la 43e D.I. sont intégrées à la Ve Armée à partir du 17 octobre.

 

Dans la nuit du 20 au 21, des éléments de cette division, subordonnée au 21e C.A., relèvent une partie de la 16e D.I. rattachée au 13e C.A. depuis le 11 septembre 1918.

 

La 43e D.I. occupe une zone située dans les Ardennes entre La Croix et Le Thour. Son secteur a été divisé en deux parties. Le groupement Chabert (31e B.C.P. et 158e R.I.) est placé dans le sous-secteur de droite, le groupement Vivier (1er B.C.P. et 149e R.I.) dans le sous-secteur de gauche.

 

Carte 1 bataille de la Hunding-Stellung

 

Le lieutenant-colonel Vivier, commandant du 149e R.I., vient d’être nommé à la tête d’un groupement ; celui-ci est constitué de deux bataillons du 1er B.C.P. sous les ordres du capitaine Manceaux et du capitaine Launay et d’un bataillon de son régiment, sous l'autorité du commandant Froment. L’unité constituée est appelée « groupement Vivier ».

 

 

Les 2 bataillons du 1er B.C.P. commandé par le commandant le Bleu relèvent le 85e R.I. en 1ère ligne.

 

21 et 22 octobre 1918

 

Carte 2 bataille de la Hunding-Stellung

 

Le bataillon Manceaux occupe la ligne de front jalonnée par le ruisseau des Barres depuis La Croix jusqu’au point 62.12, à environ 300 m au nord des lisières de le Thour.

 

 Le bataillon Launay est en 2e ligne dans le bois situé à 1000 m à l’ouest de le Thour.

 

Le bataillon Froment se tient en réserve derrière le bataillon Launay.

 

Des reconnaissances ont été effectuées par les 31e B.C.P. et le 85e R.I.. Il semblerait que les Allemands aient déjà abandonné une bonne partie de la Hunding-Stellung.

 

Les premiers éléments ennemis ont été repérés sur la ligne de crête cote 109 - cote 127.

 

23 octobre 1918

 

De nouvelles reconnaissances sont effectuées dans la nuit.

 

Les Allemands, qui n’ont pas lancé de grande contre-attaque, ont opté pour une attitude attentiste depuis l’offensive française des jours précédents. L’ennemi compte probablement sur la ligne Hunding-Stellung pour stopper l’avance de la Ve armée. Seuls les nombreux tirs de ses mitrailleuses rappellent la dangerosité du secteur.

 

Les reconnaissances envoyées par le capitaine Manceaux valident les observations faites la veille par les 31e B.C.P. et 85e R.I.. Elles ont constaté qu’une grande partie du terrain a été abandonnée par l’infanterie allemande. Les officiers supérieurs décident de faire progresser les compagnies du 1er B.C.P. plus en avant.

 

24 octobre 1918

 

Plusieurs patrouilles progressent dans le no man’s land tout au long de la journée.

 

Les deux bataillons du 1er B.C.P. avancent à nouveau leurs positions dans la nuit, se tenant prêts à lancer l’offensive prévue le lendemain. Le bataillon Froment du 149e R.I. est toujours en réserve. Il constituera la 3e vague d’assaut.

 

Les chars du 4e bataillon du 502e régiment, composé de l’A.S. 310, 311 et 312, sont mis à la disposition de la 43e D.I..

 

Dans la nuit du 24 au 25 octobre, les blindés gagnent leur position de départ sur la rive nord du ruisseau des Barres. Ils ont été mis sous la protection des avions pour masquer le bruit de leurs moteurs.

 

25 octobre 1918

 

Carte 3 Bataille de la Hunding-Stellung

 

De nouvelles reconnaissances sont envoyées. Il n’y a pas de changement constaté dans les positions allemandes.

 

La préparation d’artillerie française débute  à 6 h 30. L’infanterie attaque à 7 h 00.

 

Les compagnies du capitaine Michaux avancent derrière un tir de barrage roulant. Elles sont suivies par le bataillon Launay.

 

La progression est délicate. Les chasseurs rampent pour aller de l’avant. Les tirs des mitrailleuses ennemies, particulièrement efficaces, empêchent le bataillon Manceaux d’atteindre son objectif.

 

Le bataillon Launay dépasse le bataillon Manceaux à 13 h 20. L’attaque sur la Hunding-Stellung reprend à 15 h 30 sans plus de succès. Seul l’objectif intermédiaire est atteint en fin de journée. Des éléments du 1er B.C.P. sont tout de même parvenus à pénétrer dans la 1ère ligne de la position allemande.

 

Les chars de l’A.S. 312 affectés au groupement Vivier sont intervenus au cours des deux attaques menées par le 1er B.C.P..

 

Les pièges antichars allemands non détruits par l’artillerie (pièces antichars, mines, canon de 77 enterrés au ras du sol, minenwerfer) leur ont infligé des pertes sévères.

 

Malgré cette situation, ils sont parvenus à détruire un nombre conséquent de mitrailleuses, sauvant ainsi de nombreuses vies. Grâce à leur action, un groupe de chasseurs est parvenu jusqu’aux réseaux de barbelés de la Hunding-Stellung.

 

La carte suivante indique la progression approximative effectuée par les chars du 4e bataillon du 502e régiment au cours des attaques menées les 25 et 26 octobre 1918.

 

Carte 4 bataille de la Hunding-Stellung

 

Durant cette journée, les Allemands ont opposé une vive résistance. Les objectifs fixés par le plan initial français n’ont pas été atteints.

 

26 octobre 1918

 

Carte 5 bataille de la Hunding-Stellung

 

La situation est identique à la veille au soir. Les éléments de tête du groupement Vivier sont placés à 200 m au sud de la route Banogne-Saint-Quentin-le-Petit.

 

Le groupement Chabert est stoppé devant le village de Banogne et les premiers réseaux de la position Hunding-Stellung.

 

La 170e D.I.,qui a réussi à enlever le village de Saint-Quentin-le-Petit, se relie au groupement Vivier à proximité du point 94.

 

L’offensive reprend à 9 h 00. Le groupement Vivier doit contourner Banogne par l’ouest, le groupement Chabert par le sud.

 

Le bataillon Froment dépasse le bataillon de tête du 1er B.C.P. pour attaquer la tranchée de Neptune. Il est soutenu par deux sections de chars reconstituées. La 3e section du lieutenant de Bayenghem accompagne sa compagnie de gauche. La 1ère section de l’aspirant Laugier soutient sa compagnie de droite.

 

Carte 6 bataille de la Hunding-Stellung

 

Les deux compagnies du 149e R.I. se collent au tir de barrage. La route de Banogne-Saint-Quentin-le-Petit est franchie à 10 h 00. Les chars arrivent rapidement à la tranchée de Neptune. Une forte brume a favorisé leur approche. L’infanterie est stoppée par les tirs de flanc des mitrailleuses ennemies installées à l’ouest de Banogne et à gauche du point 78.55  de la tranchée de Neptune. L’attaque est stoppée.

 

Le bataillon Froment reprend l’offensive à 15 h 30 après une préparation d’artillerie d’une heure. Sans plus de succès, elle est stoppée nette par les mitrailleuses allemandes qui n’ont pas été réduites au silence.

 

Les compagnies du bataillon Froment et les sections de chars ne peuvent pas aller au-delà. Une fois de plus l’attaque est un échec.

 

L’infanterie se terre pour s’accrocher au terrain conquis. Les chars se replient derrière les escarpements situés à 100 m au nord de la route. À la nuit, ils regagnent leur position d’attente au cimetière de le Thour.

 

En fin de journée, la ligne de front du groupement Vivier est approximativement jalonnée de la manière suivante :

 

Tranchée K1- moulin de Banogne – ligne à environ 200 m au nord de la route Banogne-Saint-Quentin-le-Petit.

 

La carte ci-dessous offre une meilleure visualisation des déplacements effectués par les éléments de la 43e D.I. durant la période allant du 22 et le 26 octobre 1918.

 

Carte 7 bataille de la Hunding-Stellung

 

Deux officiers du 149e R.I., le capitaine de Parseval, de la 3e compagnie et le sous-lieutenant Viard de la 7e, perdirent la vie ce jour-là. Deux sous-officiers et 12 soldats ont également été tués au cours des combats. Cinq hommes ont été enregistrés comme « morts pour la France » les 27 et 28 octobre. Il est certain que sans l’appui des chars les pertes auraient été bien plus conséquentes. 

 

                             Tableau des tués pour les journées des 25, 26, 27 et 28 septembre 1918

 

27 octobre 1918

 

Le 1er bataillon du 170e  R.I. relève le bataillon Froment au cours de la journée. Ainsi s’achève la dernière opération de guerre du 149e  R.I.. En effet, pendant les quinze derniers jours du conflit, le 149e R.I. ne sera plus engagé jusqu’à la signature de l’armistice.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I. Réf : 26 N 344/8.

 

J.M.O. de la 170e D.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 462/2.

 

J.M.O. du 1er B.C.P. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/6.

 

J.M.O. du 3e B.C.P. S.H.D. de Vincennes.  Réf : 26 N 816/5.

 

J.M.O. du 27e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 601/6.

 

J.M.O. du 85e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 666/13.

 

J.M.O. du 116e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 682/4.

 

Les armées françaises dans la Grande Guerre : La campagne offensive de 1918 et la marche au Rhin (26 septembre 1918 - 28 juin 1919) Deuxième volume et cartes.

 

Les cartes n’ont qu’une valeur approximative. Les emplacements des différentes unités ont été trouvées sur plusieurs cartes à échelle différente provenant des J.M.O. consultés.

 

Historique du 502e régiment de chars blindés

 

J.M.O. de l’A.S. 310 : S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 1244/25.

 

« Les chars d’assaut, leur création et leur rôle pendant la guerre 1915-1918 » du capitaine Dutil, agrégé d’histoire. Éditions Berger-Levrault, 1919.

 

La carte des chars a été réalisée par «Tanker» qui intervient régulièrement sur le forum « pages 14-18 ».

 

Un très grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Porcher, au Service Historique de Vincennes, à Google-Earth et pour tout ce qui concerne les chars à « Tanker » du site « pages 14-18 ».

17 décembre 2021

Émile Auguste Nicolas Chevalier (1894-1918)

Emile Auguste Nicolas Chevalier

 

Émile Auguste Nicolas Chevalier naît le 26 novembre 1894, à Corgirnon, une petite commune du département de la Haute-Marne. Il voit le jour dans la maison de ses grands-parents maternels où vivent également ses parents.

 

Sa mère, Marie Louise Voirey, est âgée de 33 ans. Elle n’exerce pas d’activité professionnelle. Son père, Auguste Alexandre, a 29 ans. Il travaille comme cultivateur.

 

Une sœur naît le 21 février 1901. Le couple Chevalier n’aura pas d’autres enfants.

 

Le nom du père n’est pas inscrit sur le registre de recensement de l’année 1901, au domicile des grands-parents maternels. Seuls y figurent ceux de son épouse et de ses deux enfants. Nicolas, le grand-père, ancien cultivateur, est devenu propriétaire exploitant. En 1906, cet homme, qui a perdu son épouse, est devenu trop vieux pour exploiter ses terres. Il les confie à son gendre, Auguste Alexandre. Malgré son âge, Nicolas continue de gagner sa vie comme ouvrier agricole.

 

La fiche matricule d’Émile Auguste Nicolas Chevalier indique un degré d’instruction de niveau 3. Il sait correctement lire, écrire et compter lorsqu’il quitte l’école communale.

 

Sur les traces de son grand-père maternel et de son père, Émile devient à son tour ouvrier agricole en travaillant sur l’exploitation familiale.

 

Corgirnon

 

Émile Chevalier fête ses 20 ans en 1914. C’est l’année où il doit se présenter devant le conseil de révision. Déclaré apte aux obligations militaires, il devrait normalement commencer sa conscription en octobre. Mais la situation européenne, de plus en plus tendue, en décidera autrement. Un nouveau conflit armé contre l’Allemagne débute en août 1914. La classe d’Émile se retrouve appelée par anticipation. Le jeune conscrit reçoit sa feuille de route peu de temps après le début des hostilités.

 

Elle lui impose une présence au dépôt du 149e R.I. pour le 1er septembre 1914. Ce dépôt, initialement implanté à Épinal, a été déplacé à Jorquenay à partir du 4 août.

 

Les cantonnements sont trop exigus pour accueillir les nouveaux arrivants. Le logement chez l’habitant n’est plus possible. Il faut prévoir un nouveau déplacement du dépôt. Celui-ci a lieu le 21 septembre. Les hommes s’installent à Rolampont, une petite commune située au nord-ouest de Jorquenay.

 

Les conditions de vie sont éprouvantes. La formation militaire est accélérée. Il faut envoyer tous les hommes de la classe 1914 sur la ligne de front au plus vite et avec un minimum d’instruction militaire.

 

En novembre 1914, Émile Chevalier, rejoint le régiment actif avec un renfort de jeunes soldats. Il est affecté à la 10e compagnie qui vient de subir d’importantes pertes ; ces pertes ont eu lieu au cours d’un combat mené dans le secteur de Wytschaete le 5 novembre.

 

Fin décembre, le 149e R.I. quitte la Belgique. Il s'installe en Artois près de Notre-Dame-de-Lorette, un secteur qu'il occupera jusqu'au mois de décembre 1915.

 

La fiche matricule d'Émile Chevalier nous apprend qu’il devient soldat de 1ère classe le 13 février 1915 avant d'être nommé caporal le 14 mai 1915.

 

Le jeune homme est touché par un éclat d’obus en juillet 1915. Il est noté sur sa fiche signalétique et des services qu’il a été blessé le 15.

 

Le contrôle nominatif du 3e trimestre 1915 du 149e R.I. ( concernant les malades et les blessés traités dans les formations sanitaires ) indique la date du 13 juillet. Son nom n’apparaît pas, sur les listes de juillet, dans l’état des pertes du 149e R.I..

 

Pris en charge par l’ambulance 2/66 du 21e C.A., Émile est envoyé vers l’arrière pour y subir les soins appropriés.

 

La date de son retour dans la zone des armées n’est pas connue. Il est donc impossible de retracer son parcours de combattant durant une longue période. A-t-il participé à la bataille de Verdun en mars-avril 1916 ? Difficile de l’affirmer !

 

Nous savons simplement que le caporal Chevalier a été nommé sergent le 19 septembre 1916, peu de temps après la reprise du village de Soyécourt, dans le département de la Somme.

 

Une photographie réalisée le 10 avril 1917 dans le Haut-Rhin, près de Belfort, confirme toujours sa présence au sein des sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I..

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Le même cliché figure à l’intérieur de l’ouvrage de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté » à la page 179. Tous les sous-officiers représentés y sont clairement identifiés.

 

Quelques semaines plus tard, la 10e compagnie est en 1ère ligne du côté d’Aizy-Jouy, à proximité du chemin des Dames. La zone est dangereuse. Elle est régulièrement exposée aux tirs de l’artillerie allemande.

 

Le sergent Chevalier participe à la bataille de la Malmaison. Le 23 octobre 1917, sa compagnie est envoyée en tête d’attaque avec le reste du 3e bataillon dans la 2e phase de l’opération, après avoir été en soutien d’offensive durant la 1ère phase. Il reçoit une citation à l’ordre de la division pour ses actions au feu.

 

Pour en apprendre davantage sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 15 juillet 1918, les Allemands attaquent en Champagne dans le secteur du trou Bricot. Le 149e R.I. défend fermement sa position.

 

Le sergent Chevalier manque à l’appel du soir. Personne ne l’a vu tomber sur le champ de bataille. Les deux témoins nécessaires à la validation administrative de sa mort ne se présenteront pas devant l’officier d’état civil chargé de l’enregistrement des décès. Émile Chevalier a probablement été inscrit comme disparu dans les listes des pertes du 149e R.I. pour cette journée.

 

La famille, ne recevant plus de nouvelles, s’inquiète fortement. Elle entreprend des démarches auprès des instances officielles pour tenter d’en savoir plus. Les parents espèrent leur fils en captivité. Le retour fait par le Comité international de la Croix rouge n’est pas rassurant. Il n’y a aucun prisonnier répondant au nom d’Émile Auguste Nicolas Chevalier enregistré sur les listes des prisonniers en Allemagne.

 

 

Le 11 novembre 1921, le tribunal de Langres officialise le décès du sergent Chevalier en le déclarant « mort pour la France » à la date du 15 juillet 1918.

 

Émile Chevalier ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Il n’a pas été retrouvé de sépulture individuelle militaire à son nom.

 

Le sergent Chevalier a été décoré de la croix de guerre avec une étoile de vermeil, une étoile d’argent et une étoile de bronze.

 

Citation à l’ordre du régiment n° 257 en date du 11 juillet 1915 :

 

« A, par beaucoup d’initiative et de dévouement, aidé son chef de section dans l’organisation des positions conquises, a fait preuve d’un grand courage. »

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 267 en date du 27 novembre 1917 :

 

« Sous-officier très brave, a brillamment entraîné sa troupe à l’assaut d’une position très fortement organisée. Une blessure, une citation. »

 

La Médaille militaire lui a été attribuée à titre posthume. Cette décoration donne également droit au port d’une étoile de vermeil sur sa croix de guerre (publication dans le J.O. du 4 janvier 1923).

 

L’acte de décès de ce sous-officier a été transcrit le 18 novembre 1921 à la mairie de Corgirnon.

 

Monument aux morts, calvaire et monument commémoratif de l'église de Corgirnon

 

Le nom de cet homme a été inscrit sur le monument aux morts, sur le calvaire placé à l’intérieur du cimetière et sur le monument commémoratif de l’église de la commune de Corgirnon.

 

La généalogie de la famille Chevalier est consultable sur le site « Généanet ».

 

log geneanet

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services du sergent Chevalier et les registres de recensements des années 1896, 1906, 1911 et 1921 de la commune de Corgirnon ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Contrôle nominatif du 3e trimestre 1915 du 149e R.I. des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires détenu par les archives médicales hospitalières des Armées de Limoges.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, T. Vallé, aux archives départementales de la Haute-Marne, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives médicales hospitalières des Armées de Limoges. 

10 décembre 2021

Du 17 au 24 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

Du 17 au 24 octobre 1918, l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I. reprend la route après quelques jours de repos à Condé-dur-Marne.

 

À l'occasion du passage du régiment dans Reims, l’abbé Henry s’émeut devant l’état de la cathédrale abîmée, symbole de la barbarie allemande, mais toujours debout, à l'image de l'armée française.

 

Pour les hommes du lieutenant-colonel Vivier, quatre longues journées de marches s'annoncent, avant un nouvel engagement, dans une période qui rappelle les premiers mois de 1914, mais dans le contexte d'une marche en avant victorieuse.

 

Jeudi 17 octobre 1918

 

De Condé-Sur-Marne à Mailly

 

Carte 1 de Conde-sur-Marne à Mailly

 

Messe à 6 h 00.

 

Coup de théâtre ! Au milieu de la nuit. J’entends la voix sympathique de Michet qui appelle : « M. l’aumônier, on fait mouvement demain ! ». Comment ne pas accueillir une nouvelle aussi désagréable avec mauvaise humeur ?

 

Déjeuner à 9 h 00. Départ à 10 h 00.

 

Le temps est lourd ; la sueur perle sur tous les fronts, la marche se fait pénible. Dès les premiers kilomètres, ceux qui n’en peuvent ou n’en veulent plus s’alignent sur le bord de la route. Heureusement, l’étape n’est que de 16 km. Nous avons à traverser la Montagne de Reims pour cantonner à Mailly Champagne. Vu au passage l’aérodrome de Condé, déjà moins animé. C’est tellement l’arrière ici ! Déplacement général de l’arrière vers l’avant.

 

12 h 00 : Louvois. Nous abordons la Montagne de Reims dont le sommet est boisé, mais dont les pentes sud sont couvertes de vignes. Ambonnay, Douzy sont les plus riches parmi les vignobles champenois. Les yeux des poilus se tournent instinctivement sur les ceps alignés, cherchant quelque grappe oubliée ! En vain ! Adieu paniers ! Les vendanges sont faites.

 

13 h 00 : La Neuville. En plein bois. Nous montons peu à peu. La pente est si douce qu’on s’en aperçoit à peine. Le Craon de Ludes. C’est la descente jusqu’à Mailly. Vu ces M.M. du G.B.D. à la recherche d’un introuvable cantonnement.

 

14 h 30 : nous arrivons à Mailly. L’aspect du village est singulier. Habité jusqu’en mai 1918 et épargné jusque-là, il fut pris assez violemment à partie par les boches au moment de leur offensive. Les habitants durent évacuer ; ils n’étaient qu’à six kilomètres des lignes. Dès lors, le village fut livré aux troupes de passage. Les obus d’une part, les coloniaux, d’autre part, se sont chargés de donner au malheureux village une physionomie de guerre. De-ci, de-là, des maisons éventrées, mais partout des maisons pillées et pillées d’une façon lamentable. Pourtant, si l’on en croit les quelques rares civils qui commencent à revenir, rien n’a été emporté, mais tout a été déplacé ; les caves regorgent de matériel, les obus ayant obligé les occupants à s’y réfugier. Les habitants feront bien de ne pas trop tarder à revenir.

 

Le major de cantonnement me donne les clefs de l’église ; elle n’a pas trop souffert. Coup d’œil rapide sur le village qui semblait très fortuné. Je suis cantonné dans une maison inhabitée, où je suis fort à mon large.

 

Vendredi 18 octobre 1918

 

De Mailly àThil

 

 

Messe à 6 h 30.

 

On espérait s’arrêter quelques jours à Mailly. Vain espoir ! À 6 h 00, réveil ! On part en direction du Nord ! Je me hâte de dire la messe.

 

À 8 h 00, départ. Nous devons traverser Reims et aller cantonner à 8 km plus loin à Thil.

 

Brouillard intense, pas de pluie, la route est bonne. Le 1er B.C.P. nous précède. Étape de 20 km au moins.

 

De Mailly à Reims : Montbré (Moulin et Fort) – Varsovie – Cormontreuil (résidence des Jésuites, où se donnaient des retraites sacerdotales).

 

Reims. Il est midi quand nous arrivons aux portes de ce qui fut Reims. Reims n’existe plus ; Reims n’est plus qu’un amas de ruines calcinées. Ce que les obus n’ont pas fait crouler a été réduit en cendre. Le centre de la ville est complètement détruit.

 

Dans la périphérie, on trouve encore des maisons qui se tiennent debout ; je doute fort qu’on puisse en trouver qui soient intactes ; pour moi je n’en ai pas vu.

 

Une église neuve dans le faubourg Sainte-Anne semble n’avoir pas souffert. Saint-Rémy n’a plus que les murs. Plus loin, des ruines, des ruines !

 

La cathédrale ! Elle se tient debout, défigurée, les murs ravagés, telle une lépreuse ; debout au milieu des ruines ! Autour d’elle tout a croulé, s’est affaissé. Elle est restée debout ; l’ennemi a pu lui labourer les flancs, la flageller, couvrir de plaies son grand corps, elle est debout ; il a pu la meurtrir, la mettre pantelante, il n’a pu l’abattre ! Et rien n’est tragique comme de voir cette grande mutilée seule debout au milieu des ruines, élevant vers le ciel ses deux flèches tragiques, pour prendre le ciel à témoin de l’inexplicable crime !

 

Je renonce à traduire l’émotion poignante qui étreint tous les cœurs à ce spectacle. Comme si l’on avait peur de troubler ce grand deuil, on ne parle pas, ou on parle bas ! Mais les mots qui sortent des lèvres pincées sont des mots de colère, de haine, comme des serments de ne pas laisser inexpiés de tels crimes.

 

« Il faudrait faire défiler toute la France devant ce portail ! – Ville martyre ! – Ah ! Les brigands ! » Tout le régiment a défilé devant la cathédrale ! Et maintenant, on peut les mener à la bataille, les petits soldats qui ont vu ! Ils ont pris sur le parvis de Reims des âmes de justiciers !

 

Oh ! Boche exécré ! Quelle erreur que la tienne ! Tu as cru par ce crime nous intimider, mettre dans nos âmes la crainte qui fait tomber les armes des mains. Encore une fois quelle erreur ! Ceux qui ont vu s'en vont avec la rage au cœur ; ils n'ont plus qu'un désir : faire justice, coûte que coûte. Il faut que le boche expie ! Les pierres de Reims crient vengeance ! Vengeance ! Pas une âme de français qui n'ait entendu ce cri dont l'écho ne cessera de retentir dans les cœurs, dictant le devoir !

 

Faubourg de Laon. Le commandant Froment me donne force détails sur les batailles qui se sont déroulées dans ce secteur qu'il connaît bien puisqu'il fut le sien pendant de longs mois au 100e R.I.. Le cimetière, qui est à la sortie du faubourg de Laon, marque l'avance extrême des Allemands qui pour un peu auraient pris pied dans la ville !

 

13 h 00 : grand-halte à la sortie de la ville.

 

14 h 00 : une auto passe. C'est le lieutenant Clerc ; il m'offre de me conduire jusqu'à la hauteur de Thil. L'occasion est trop bonne pour n'en pas profiter. Sur la route, en avant le 31e, le 158. De la grande route à Thil, un petit kilomètre que je fais à travers champs.

 

Thil. 15 h 00 : pas une seule maison debout. C'est Jouy et Aizy moins les caves. De l'église, il ne reste que le pan de mur du chœur. Les caves ont été minées pour la plupart. Le Génie en a passé l'inspection ; il en a condamné un certain nombre comme dangereuses. Heureusement, il y a autour du village un certain nombre d'abris aménagés dans les chemins creux, dans les carrières. À force de chercher, on finit par trouver place pour tout le monde.

 

Tour de force. C'en est un ! Le soir, le colonel a pu donner un grand dîner avec cinq invités (lièvre, faisan, perdrix… pinard de luxe ! Rien ne manquait). Demain, peut-être, on se mettra la ceinture ! La guerre a de ces contrastes !

 

Samedi 19 octobre 1918

 

De Thil à Brienne

 

 

Messe à 6 h 00 dans mon abri.

 

J’ai pu dormir dans un abri qui me fut réservé et dire ma messe sans encombre.

 

Au milieu de la nuit, on vient me prévenir que le régiment, tel le juif errant, se remet en marche à 7 h 00. Nous devons aller à Brienne, village tout proche de Neuchâtel, sur la Retourne à 1 km de son confluent avec l’Aisne. Étape de 20 km environ.

 

De Thil, il s’agit de regagner la grande route de Reims à Neuchâtel par des pistes de terre qui n’ont rien de carrossable. Nous traversons d’abord la grande route de Reims à Berry-Au-Bac, puis nous longeons le village de Courcy, complètement démoli.

 

Après avoir traversé le fameux canal de l’Aisne à la Marne, nous suivons les pentes de Brimont. On s’est fort battu par ici. Dans les différentes offensives, le terrain a été chèrement disputé. Le village, le château et le fort de Brimont ont été pris (par les Russes notamment) puis reperdus.

 

Le lit du canal à sec était un point d’appui puissamment fortifié par les Boches. Ce sont les fameux « Cavaliers de Courcy » dont il a été tant parlé.

 

Les chasseurs sont à Courcy. Le Génie également. Tout le monde est en mouvement de départ.

 

Tant bien que mal, les fantassins poussant aux roues, les voitures ont franchi tous les passages difficiles. Nous voici sur la route grande propre et large ; il n’y plus qu’à aller de l’avant.

 

Pause au « Cran de Brimont ». C’est une « redoute » dépendant du fort. Malgré tous leurs efforts et leur science de destruction, les Boches n’ont pu la rendre complètement inutilisable. Avec un petit travail d’aménagement, on serait fort bien au « Cran de Brimont ».

 

Pour arriver à Brienne, deux rivières à traverser : la Suippe et la Retourne. Les rivières attireront pendant quelque temps l’attention. Les Boches ayant fait sauter les ponts, la traversée des rivières devient un vrai problème. En hâte, le Génie construit des ponts de fortune ; ils sont rares et force est, pour les voitures, d’aller les prendre où ils sont.

 

On ne peut traverser la Suippe qu’à Auménancourt-le-Petit. Le pont Givart a été détruit. Les piétons seuls peuvent traverser sur une passerelle de fortune. À grands coups de bélier, les hommes du Génie enfoncent des pieux qui permettent de rétablir le pont. Le village est détruit lui aussi ; c’est là que cantonne le G.B.D. et la S.S. On patauge dans un bourbier innommable.

 

Au loin le canon gronde comme aux jours de grandes attaques. Il se passe quelque chose dans le secteur qui, sans doute, bientôt sera le nôtre !

 

Nous sortons du département de la Marne. Après avoir mis le pied dans le département de l’Aisne, nous entrons enfin dans les Ardennes, que les Allemands ne peuvent plus se vanter d’occuper en entier ! À droite, nous laissons le « Bois des Usages ». En approchant de l’Aisne et de la Retourne, nombreuses voies ferrées que les Boches n’ont pas le temps d’abîmer à fond.

 

« Bonne volonté ». Joli nom de hameau. Il y a là du 31e B.C.P., du 158. Ici, il faut quitter la grande route, Brienne est à 800 mètres à droite.

 

Après un grand détour, les voitures arrivent. Heureusement, le pont sur la Retourne est rétabli ; pas de nouveaux détours à faire.

 

Grand halte sur l’herbe, à l’entrée du village.

 

Brienne. Un grand château. Il est intact : occupé par deux Ambulances (16e D.I. et 13e C.A.).

 

Dans le village, je rencontre successivement, un aumônier catholique, un pasteur, un rabbin. Ils sont attachés sans doute à l’ambulance. Ah, voici un monsieur à deux étoiles, c’est le médecin inspecteur Baratte du 13e C.A.. Très aimable. Baratte ? Où ai-je donc entendu ce nom ? Ah, mais j’y suis ! C’est le cousin de M. Caillette-Pierrot de Pogny. Que je suis sot de n’y avoir point pensé plus tôt.

 

Il y a une église. Je n’ai pas eu le temps de m’en réjouir que j’apprends qu’elle est inutilisable. Il y a 2 compagnies qui l’occupent. Les Boches en avaient fait un cantonnement avec couchettes et tout ce qui s’en suit. Et nous faisons comme.

 

C’est bien fâcheux ; d’autant plus fâcheux que c’est demain dimanche et que je ne vois rien, absolument rien qui puisse servir de lieu de réunion. Après maintes visites, maintes investigations, je n’ai rien trouvé de mieux qu’un bâtiment édifié par les Boches comme salle de bain ! Ce n'est pas fameux, mais faute de mieux !

 

C'est bien une attaque qui a été faite par nous ce matin. C'est la 45e division (une division algérienne) qui était engagée. Les premiers blessés viennent d'arriver à l'ambulance et se déclarent satisfaits du résultat. On a fait reculer le Boche sur une profondeur de 4 km et on lui a fait des prisonniers. L'action s'est passée dans le voisinage de Rethel.

 

Avant de quitter le village, le Boche a fait sauter quelques maisons, particulièrement aux carrefours. Pour détruire, vraiment le Boche s'y entend. De ce qu'il abat, rien ne reste debout. Il ne s'est pas contenté de détruire ; il a préparé des pièges, des traquenards. Il a, dans certaines caves, dissimulé des mines à explosion retardée ; et le retard peut-être de plusieurs jours.

 

On me montre près de l'église, une maison, la cure me dit-on, dont une partie a sauté il y a trois jours, c'est-à-dire huit jours après le départ des Allemands. Dans telle autre maison, on a pu retirer à temps une mine avant qu'elle ait explosé.

 

Comme on ne sait pas de quoi demain sera fait, on dîne de bonne heure afin de pouvoir se mettre au lit le plus tôt possible.

 

Je suis logé avec le docteur Rouquier au premier étage de la popote, dans un grenier aménagé en chambres par les Allemands.

 

Vraiment ! On ne peut compter sur rien ! Nous espérions avoir une bonne nuit. À peine sommes-nous au lit qu’on nous prévient que le régiment va reprendre.

 

sa marche errante à 23 h 30. Peste soit de l’ordre ! Tout se ligue pour le rendre pénible ; la fatigue d’abord – on a déjà une bonne étape dans les jambes – le temps qui se met à la pluie, la boue qui rend la marche pénible… Il vaut mieux s’abstenir de commentaires et obéir en silence. Et où va-t-on ? Dans le bled ; on bivouaque en plein air, par ce froid, par cette pluie… c’est complet !

 

Dimanche 20 octobre 1918

 

De Brienne au Bois d’Avaux

 

 

Pas de messe ! Aujourd’hui dimanche !

 

Où allons-nous ? Malgré la nuit, on peut lire sur les murs les indications que les Boches ont multipliées. Très bien, ces inscriptions en grandes lettres noires sur fond blanc.

 

Minuit : route de Asfeld-Vieux et Avaux. Il s’agit pour nous de traverser l’Aisne. Or il n’y a de pont qu’à Asfeld-Vieux (alias Vieux-les-Asfeld). Celui de Neuchâtel, tout près de nous, est détruit. Force est donc de faire ce détour. Heureusement, la lune est dans son plein ; quoique cachée par les nuages, elle donne une lumière suffisante pour qu’on puisse se diriger.

 

Vieux-les-Asfeld. 6 km. Après une pause sous la pluie qui bruine, nous arrivons à Vieux-les-Asfeld. Sur des ponts de bateaux, d’accès difficile, nous traversons d’abord le canal des Ardennes puis l’Aisne, sous la surveillance des pontonniers qui ont fort à faire pour assurer le passage. Il paraît qu’il y a 3 divisions à passer cette nuit. On prend son tour ; et c’est pour cela sans doute que nous avons dû nous mettre en mouvement à une heure indue. Enfin, T.C. et T.R. sont passés sans incident ni accident.

 

Avaux : grande route de Neufchâtel à Lor.

 

Bois d’Avaux. C’est ici ! Le régiment bivouaque à droite de la route, dissimulant le mieux possible et plutôt mal que bien dans les boqueteaux, hommes chevaux et voitures.

 

En plein bled et par la pluie ! C’est gai. La voiture pour blessés nous sert d’abri contre la pluie, mais non, certes, contre le froid. À mes pauvres pieds à la glace !

 

Pas de messe ! Et c’est aujourd’hui dimanche ! C’est dur !

 

Le colonel a installé son P.C. sur le bord de la route dans un abri boche commencé où il y a place pour quatre personnes assises, sans compter l’escalier. Il reste là jusqu’au déjeuner compris.

 

Puis, ayant trouvé mieux à 200 m de là, il s’y transporte avec son personnel. Pour moi, j’ai profité de son départ pour dire mon bréviaire dans le calme.

 

À combien sommes-nous des lignes ? 5 ou 6 km. On ne sait pas au juste, assez près pour recevoir quelques obus qui heureusement ne font de mal à personne. Les Boches ne semblent pas avoir beaucoup d’artillerie en face, mais le peu qu’ils ont, ils s’en servent !

 

Heureusement qu'ils n'ont plus des masses de canons et de munitions ! Car qu'est-ce que nous prendrions ? En jetant un coup d'œil autour de moi, je suis effrayé de la quantité d'objectifs que nous offrons à leurs coups. Nous les induisons vraiment en tentation. J'en suis à ne plus regretter le mauvais temps, la pluie et le brouillard, car c'est cela qui nous sauve.

 

Pas une route sur laquelle il n'y ait des doubles ou même triples rangées de voitures ! Pas de bois qui n'abrite des troupes ! Pas de boqueteau qui ne cache ou plutôt qui ne cache mal des fourgons, des voitures ! Pas de chemin creux où on ne voit s'agiter du monde ! Pas de vallon qui ne soit truffé de canons ! Pas de ferme qui ne regorge de soldats. À droite, c'est la ferme Tremblot qui  abrite l'I.D., le 158, des artilleurs... un monde ! Partout où les boches voudront taper, ils feront mouche !

 

Hier, un avion boche s'est fait descendre à quelques centaines de mètres d'ici, en avant du bois d'Avaux (une balle dans le moteur). Les deux aviateurs faits prisonniers se sont déclarés fort surpris de nos attaques. Ils ne s'expliquent pas que nous continuions à attaquer, étant donné que l'armistice est signé. Ah oui ! Mes agneaux !

 

À côté de la route, on peut voir un grand enclos fermé par une double enceinte de fils de fer ; c'était un camp de prisonniers.  Le 95e qui a enlevé la place y a trouvé 50 civils qu'il a pu délivrer.

 

La situation commence à se préciser. Nous sommes venus pour renforcer, en prévision d'une attaque, les divisions en ligne. En face de nous se trouve la dernière ligne de résistance boche dite « Hundingstellung ». C'est cette ligne qu'il faut et qu'on veut enlever. Les Boches se cramponneront là tant qu'ils pourront. On dit bien que certains prisonniers auraient déclaré qu'ils avaient ordre de tenir quatre jours pour laisser le temps de sauver les meubles.

 

Nous sommes donc ici pour attaquer ! Pauvre régiment squelettique et pauvre division amochée !

 

Le 149 formera un bataillon, le 1er B.C.P. deux bataillons, le tout sous les ordres du colonel Vivier. De son côté, le 158 formant deux bataillons s'adjoindra le 31e B.C.P. comme 3e bataillon. La division comptera donc l'effectif de deux régiments dans lesquels le 149e compte pour un bataillon !

 

Le colonel quitte son P.C. de l'après-midi et va s'installer ce soir au village de Lor. Le docteur Rouquier, M. Husson et moi pourrons utiliser pour cette nuit l'abri laissé libre par son départ. Il est bien, du reste, cet abri. Il serait parfait s'il avait une porte et était moins humide. Il arrête la pluie, c'est tout ce qu'on peut lui demander ; une sape permet de se garer en cas de bombardement.

 

Lundi 21 octobre 1918

 

Bois d’Avaux

 

Messe à 8 heures.

 

Le 149e, condensé en un bataillon, sous les ordres du commandant Froment, a passé la nuit à la ferme Tremblot. Il doit être en réserve jusqu’à nouvel ordre. Attendons ici la suite des événements.

 

Cette nuit, une quinzaine d’obus, dont quelques-uns sont tombés tout près de nous, sont venus nous rappeler que l’armistice n’était pas encore une réalité.

 

Circulation de plus en plus intense sur la route. Mais cette fois, les boches ont l’air de vouloir troubler la fête. Toute la journée, ils font du tir de harcèlement. Un des leurs ou apporté est tombé sur un camion chargé d’obus ; les obus ont explosé, le camion a pris feu mettant le feu à un autre camion ; une colonne de fumée s’élève en ce moment dans le ciel. Il y a eu, paraît-il, des blessés. Il était 13 heures.

 

Une série de camions fait la pause sur la route. C’est de l’artillerie portée. J’aperçois en effet, sur certains camions, un canon de 75. Pourvu que les Boches n’aient pas l’idée de tirer jusqu’ici !

 

M. Rouquier et M. Husson sont partis à 13 h 00 pour Lor, prendre les ordres du colonel.. M. Rouquier est resté là-bas. L’attaque serait-elle pour demain ? On l’ignore. Tout ce que sait M. Husson c’est que l’artillerie a reçu ordre de se mettre en position pour 2 h 00. La nuit vient, il est trop tard pour rejoindre le docteur.

 

Une fois de plus, j’ai pu admirer avec quelle rapidité les hommes trouvaient le moyen de s’installer dans le bled. Ils tirent de leur toile de tente un parti merveilleux.

 

Mardi 22 octobre 1918

 

Du bois d’Avaux à Lor

 

Carte 5 du bois d'Avaux à Lor

 

Messe à 7 h 00.     

     

À 7 h 00, un messager apporte un ordre de déplacement. Le T.C. 1 se porte dans le voisinage de la ferme Tremblot. Toutes les autres voitures rejoignent près de Neuchâtel le T.R.. J’ai néanmoins le temps de dire la messe.

 

8 h 00 : on se met en route. Je laisse les voitures prendre le chemin de la ferme Tremblot et je continue sur Lor, où je vais rejoindre le colonel. Vu au passage un dépôt de cartouches et de fusées boches.

 

La route et les environs portent la trace de marmitage d’hier. Trois chevaux tués, les deux camions brûlés qu’on démonte pour débarrasser la route, de nombreux trous d’obus sont là pour attester que les boches ne restent pas inactifs. En ce moment, c’est calme. Une voiture du G.B.D. m’aide à faire les deux derniers kilomètres.

 

Lor : village pas mal abîmé par les Boches avant leur départ, maisons sautées à la mine. Encore quelques jours de ce régime et leurs obus ne laisseront rien debout.

 

Soirée. Beaucoup de circulation.

 

17 h 00 : les Boches deviennent méchants. Ils envoient des fusants, puis du gros sur le village. Il faut descendre à la cave. Pas mal, cette cave, mais tiendrait-elle contre un obus ?

 

Demain, 23 octobre, anniversaire de la Malmaison. Est-ce pour cette même date l’attaque préparée ? On le croyait ce matin ; il paraît que ce n’est plus vrai ce soir ; ce ne serait pas demain le jour J. En tout cas, notre artillerie est plutôt silencieuse. Elle se recueille pour le gros effort. L’artillerie boche ne garde pas la même réserve. La soirée a été à peu près calme ; mais vers 17 h 00, les Boches ont commencé un tir de harcèlement très nourri et le village en a pris sa bonne part. Vers 21 h 00, il a même fallu mettre les masques.

 

Tant bien que mal, on a dormi.

 

Mercredi 23 octobre 1918

 

Lor

 

Pas de messe.

 

Pas de chapelle, pas de messe. Journée ensoleillée.

 

Les boches ne cessent de tirer ; du reste, à la première heure, leurs avions patrouillaient sur nos têtes. Allons bon ! Voici trois gros canons de 280 qui viennent s’installer tout près de nous. Il ne manquait plus que cela pour nous attirer des obus ! Qu’est-ce que nous allons encore prendre !

 

Retour des permissionnaires, Lobjoy, Régnier. Ils arrivent à point !

 

Soirée : grande activité d’artillerie boche. Ce matin, c’est le carrefour qui recevait tout et c’était du gros. Ce soir, le village est épargné. Les obus boches cherchent les batteries de 155 en avant et en arrière du village. Vers le soir, leur tir devient très nourri. À un moment donné, les 155 de droite se fâchent et répliquent vigoureusement. Les Boches se tiennent cois pendant deux heures.

 

Le temps s’est éclairci, réchauffé ; la visibilité devenue meilleure permet aux Boches de repérer tous nos emplacements, de surveiller tous nos mouvements.

 

Ils ont pour cela un observatoire merveilleux sur la crête qui, à l’est, domine le village. Leurs avions ne se font pas faute de venir voir. Rien de tout cela, d’ailleurs, n’empêche les poilus et les voitures de se promener dans la rue.

 

Visite du commandant Froment et de Leruste qui viennent recevoir les instructions du colonel. Le bataillon Froment est toujours à la ferme Tremblot où il se trouve fort bien.

 

Le Boche, d’après les derniers renseignements, ne songe point du tout à s’en aller. Il a ordre de tenir coûte que coûte la position « Hunding ». Cela vaut peut-être mieux pour nous. Car le Haut Commandement, sachant la position défendue, a décidé de mettre ce qu’il faut comme préparation d’artillerie pour l’enlever. C’est probablement ce qui fait que l’attaque est retardée de jour en jour. On trouve qu’il n’y a pas assez de canons, pas assez de munitions ; sans compter que faire passer l’Aisne à tout ce matériel ne doit pas être chose facile.

 

Nuit bruyante. Les 280 s’installent ; ce n’est pas sans faire beaucoup de bruit. Les Boches n’ont cessé qu’au matin leur tir de harcèlement ; le village cette fois a eu sa part. J’ai entendu quelques gros qui sont tombés pas loin. Je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’accident.

 

Jeudi 24 octobre 1918

 

Lor.

 

Messe à 6 h 30. Journée ensoleillée.

 

Goupil, mon nouvel ordonnance, ayant rejoint avec la chapelle, je peux dire la messe.

 

Dans la nuit, les chasseurs du 1er qui avait reçu l’ordre d’avancer leur position ont subi une contre-attaque qu’ils ont repoussée. Mais ils ont eu un tué et trois disparus.

 

À la première heure, un avion boche est venu survoler le village, très bas. Les artilleurs qui montaient des 280 n’ont eu que le temps de se cacher. Le Boche sait certainement que nous voulons l’attaquer. Un coup d’œil sur le village montre l’esprit d’ordre du boche.

 

Dans la maison où nous sommes, une affiche porte l’inventaire du mobilier ; une autre porte que la maison est habitée par Pierrot **** (genre féminin), 29 ans, et Pierrot Pierrette, 4 ans.

 

En face dans une grande remise, un dépôt de matériel où l’on trouve de tout, objets venant d’Allemagne, objets pillés dans le village, le tout bien classé ; c’est curieux. L’église n’est pas trop abîmée, mais dans quel état elle se trouve !

 

Les Boches avaient aussi une salle des fêtes, dans laquelle ils ont laissé… un piano.

 

Soirée très calme, coupée par quelques rafales nourries de notre artillerie à droite ou à gauche.

 

19 h 15. Enfin, voici le papier impatiemment attendu. Demain 25, jour J.

 

Le colonel porte son P.C. à le Thour. Je reste ici avec le docteur.

 

J : 25 – H : 6 heures 30.

 

Le Boche continue pendant toute la nuit ses tirs de harcèlement. Quelques coups tombent si près que je crois la maison touchée.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

3 décembre 2021

Joseph Charles Froment (1871-1942)

Joseph Charles Froment 

Les années de jeunesse

 

Joseph Charles Froment naît le 2 mars 1871 à Saint-Mihiel, dans le département de la Meuse.

 

Son père, Adrien, substitut du procureur, est âgé de 33 ans. Sa mère, Julie Marie Deguerre, a 19 ans lorsqu’elle lui donne naissance. Charles est l’aîné d’une fratrie composée de quatre garçons et de six filles.

 

La fiche matricule de Joseph Froment indique un degré d’instruction de niveau 3, ce qui est une erreur. Un autre document figurant dans son dossier du S.H.D. de Vincennes nous fait savoir qu’il est détenteur du baccalauréat ès sciences et que son allemand est plutôt correct.

 

L’année de ses vingt ans, Charles souhaite se lancer dans une carrière militaire. N’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité, il lui faut obtenir l’accord parental avant de pouvoir signer son contrat avec l’armée. Son père accepte ce choix.

 

Le 7 avril 1891, Joseph Charles Froment se rend à la mairie de Lille pour y contracter un engagement volontaire d’une durée de 5 ans.

 

En échange de sa signature, il a la possibilité de choisir l’unité dans laquelle il pourra commencer son métier de soldat. Il se décide pour le 43e R.I., un régiment qui tient garnison à Lille.

 

Les débuts sous l’uniforme

 

43e R

 

Cet engagement volontaire lui permet l’accès aux premiers grades de la hiérarchie militaire en peu de temps. Charles est nommé caporal le 7 octobre 1891 puis sergent le 8 avril 1892.

 

Le jeune homme exerce les fonctions de sergent fourrier entre le 10 juin 1893 et le 20 avril 1894. Redevenu sergent de compagnie, il prouve à ses supérieurs qu’il a toutes les qualités pour faire un bon officier. Il est autorisé à s’inscrire au concours d’entrée de l’école militaire d’infanterie de Saint-Maixent. Charles Froment est reçu à l’examen.

 

Les cours débutent le 1er avril 1895. Il termine sa formation un an plus tard avec le grade de sous-lieutenant en se classant 199e sur 362 élèves. Cet officier, après une période de congé, est affecté au 17e B.C.P., un bataillon qui tient garnison à Rambervillers.

 

17e B

 

Le sous-lieutenant Froment est nommé lieutenant le 1er avril 1898. Très compétent dans le domaine de la comptabilité, il devient le lieutenant trésorier du régiment à partir du 1er octobre 1898. Il occupe cette fonction pendant plusieurs années.

 

Le 22 novembre 1899, Charles Froment épouse Marie Louise Charlotte Gossin à Beauvais. Dix enfants naîtront de cette union.

 

Généalogie famille Froment

 

Le lieutenant Froment suit les cours de l’école de tir de la Valbonne entre le 20 février et le 28 mars 1909.

 

Un décret présidentiel du 24 décembre 1910 entraîne sa nomination au grade de capitaine (publication dans le J.O. du 25/12/1910). Cette promotion  impose un changement d’affectation. Le capitaine Froment est muté au 23e R.I. de Bourg-en-Bresse. 

 

23e R

 

Du 17 septembre 1911 au 3 septembre 1912, Charles Froment exerce son autorité d’officier au fort de Joux qui surplombe la cluse de Pontarlier.

 

Il encadre la 5e compagnie du 23e R.I. à la veille de la 1ère guerre mondiale.

 

Conflit 1914-1918

 

Le 2 août 1914, Charles Froment quitte sa compagnie pour prendre la tête de la 21e compagnie du 223e R.I., le régiment de réserve du 23e R.I.. Cette unité commence à se former à la caserne Aubry en rappelant ses premiers réservistes dès le début de la mobilisation.

 

Le capitaine Froment prend part aux opérations devant Mehoncourt, Gerbeviller et Rehainviller, entre le 20 août et le 2 septembre 1914.

 

Il travaille avec ses hommes à l’organisation défensive de Bienville-la-Petite du 12 au 25 septembre 1914.

 

Les jours suivants, il est aux avant-postes près de Crion.

 

Charles Froment œuvre à l’organisation défensive de Maixe entre le 28 septembre et le 13 octobre. Le 7 octobre, il exécute une reconnaissance offensive sur la ferme de Haute-Riouville, à l’est d’Arracourt.

 

Cet officier accompagne le lieutenant-colonel Bluzet dans les différentes opérations effectuées par tout ou partie du régiment. Il a effectué plusieurs reconnaissances au nord d’Arracourt et de Bures et participé à des opérations sur le Leintrey et à Reillon jusqu’au 13 septembre 1915, date à laquelle son supérieur est nommé à la tête d’une brigade.

 

Le capitaine Froment conserve ses fonctions d’adjoint au colonel après le départ du lieutenant-colonel Bluzet. Il est maintenant sous l’autorité directe du lieutenant-colonel Chenebre, le chef de corps qui dirigera le régiment du 14 septembre 1915 au 13 janvier 1916.

 

Entre le 12 janvier et le 26 mai 1916, Charles Froment est toujours à son poste sous le commandement du lieutenant-colonel Bourdon.

 

Le 30 janvier 1916, son supérieur inscrit ceci dans son relevé de notes :

 

« De tous les officiers du régiment, celui qui est le mieux connu du lieutenant-colonel récemment arrivé au 223e R.I. parce qu’il est chaque jour en rapport avec lui.

 

Le capitaine Froment a pour caractéristique une conscience scrupuleuse et un grand dévouement dans l’accomplissement de ses fonctions délicates et difficiles d’adjoint au chef de corps. D’excellent caractère, d’humeur toujours égale, cet officier est toujours prêt à marcher.

 

Il connaît l’administration de régiment, travaille avec méthode et intelligence. Il inspire confiance à ses subordonnés immédiats auxquels il donne l’exemple. Doit certainement faire un excellent officier de troupe. Il l’a d’ailleurs prouvé au début de la campagne. Officier très vigoureux qui fera très bonne figure à la tête d’un bataillon. »

 

Le 1er avril, il est nommé capitaine adjudant-major du 6e bataillon de son régiment.

 

Une décision du général commandant le 39e C.A. du 29 mai 1916 le fait affecter au 333e R.I.. Il devient capitaine adjudant-major dans sa nouvelle unité dès le lendemain.

 

Le capitaine Froment est nommé chef de bataillon à titre temporaire le 14 août 1916.

 

Le 23 août, il passe au 100e R.I. pour y prendre le commandement du 2e bataillon du régiment sous les ordres du lieutenant-colonel de Renty.

 

Le commandant Froment est nommé adjoint au chef de corps suite à une décision prise par le général commandant la Ve armée prise le 20 mars 1918.

 

Un décret datant du 19 avril 1918 (J.O. du 21 avril 1918) le valide dans son grade de manière définitive. 

 

Le 7 mai 1918, Charles Froment est affecté au groupement des bataillons d’instruction de la IVe armée. Une nouvelle mutation l’empêchera de prendre en charge les jeunes conscrits de la classe 1919.

 

Il prend le commandement du 9e bataillon du 130e R.I. le 16 mai 1918.

 

Au 149e R.I.

 

Une décision ministérielle du général commandant la IVe armée, en date du 28 juillet 1918, entraîne son transfert au 149e R.I.. Le commandant Froment rejoint son nouveau corps le 2 août 1918.

 

Le lieutenant-colonel Vivier lui confie la direction de son 2e bataillon qui a longtemps été commandé par le commandant Schalck, tué près d’Arcy-Sainte-Restitue, le 29 mai 1918.

 

Charles Froment n’est pas à la tête de ses compagnies durant la 1ère phase de la bataille de Champagne et d’Argonne qui se déroule à la fin du mois de septembre 1918. C’est le capitaine Chauffenne qui a autorité sur le bataillon durant son absence. Le commandant Froment reprend le commandement de son bataillon juste à temps pour participer aux combats qui vont se dérouler à proximité du village d’Orfeuil, dans le département des Ardennes les 4 et 5 octobre 1918.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Orfeuil depuis le bois la Croix

 

Les 25, 26 et 27 octobre 1918, le bataillon Froment se lance à l’attaque des positions allemandes fortement organisées dans le secteur de Banogne. La bataille de la Hunding Stellung est engagée. Pour le 149e R.I. c’est la dernière confrontation avec l’ennemi avant la fin du conflit.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Attaque de la Hunding Stellung

 

Le 3 novembre 1918, le lieutenant-colonel Vivier rédige ceci dans son relevé de notes : « Officier supérieur actif et vigoureux, d’un caractère toujours égal, d’une haute conscience, d’un calme et d’un sang froid qui ne se démentent jamais, possédant une grande expérience de la troupe. Le commandant Froment exerce depuis trois mois le commandement du 2e bataillon du 149e R.I. à mon entière satisfaction. Bon chef de bataillon. »

 

Le commandant Froment est toujours à la tête de son bataillon lorsque l’armistice est signé le 11 novembre 1918.

 

Les années d’après-guerre

 

Le 8 janvier 1919, Charles Froment quitte ses fonctions de chef de bataillon pour devenir adjoint au chef de corps du 149e R.I..

 

Il est toujours très bien noté par ses supérieurs ; le lieutenant-colonel Bourgine écrit le texte suivant dans le relevé de notes de son subordonné le 5 mars 1919.

 

« A été un très bon chef de bataillon, nommé depuis deux mois adjoint au chef de corps, a eu plusieurs fois l’occasion de commander le régiment et s’en est fort bien acquitté. Homme de devoir, d’un dévouement sans borne, d’une haute conscience, chef expérimenté et ayant payé d’exemple, a toutes les qualités voulues pour devenir chef de corps. Il le mérite. »

 

Charles Froment devient responsable du groupement des travailleurs russes des 7e et 21e régions entre le 9 août et le 1er janvier 1920. Il réussit à faire maintenir l’ordre et la discipline à l’intérieur de ces unités composées d’éléments particulièrement difficiles à commander.

 

Le 24 octobre 1919, c’est au tour du lieutenant-colonel Lecoanet de l’évaluer.

 

« Officier supérieur des plus vigoureux, très actif, d’un dévouement absolu. Apte à diriger n’importe quel service et l’instruction dans un corps de troupe. Instruit, travailleur, ayant une grande expérience de la troupe et des connaissances militaires des plus sérieuses. Caractère très gai, toujours égal, ferme et bienveillant.

 

Esprit très militaire, payant continuellement de sa personne. Commande, depuis les débuts du mois d’août, les compagnies des travailleurs russes de la 21e région avec compétence et autorité.

 

Très apte, sous tous les rapports aux fonctions de chef de corps. Le commandant Froment se classe parmi les officiers de choix. »

 

Le chef de bataillon Froment est mis à la disposition du ministère des pensions pour être employé comme chef de la section de l’état civil à l’E.M. de la 21e région à partir du 1er septembre 1919.

 

Le 8 mai 1923, il est affecté au 158e R.I. pour devenir adjoint au chef de corps, un poste qu’il maîtrise à la perfection.

 

Atteint par la limite d’âge dans son grade, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite, au titre d’ancienneté de services à partir du 2 mars 1927. Ce jour-là, il est rayé des contrôles de l’armée active.

 

Le commandant Froment est nommé dans la réserve de l’infanterie le jour de cette radiation (décret du 26 avril 1927 publié dans le J.O. du 30 avril 1927).

 

Une décision ministérielle du 16 juillet 1927 (J.O. du  20 juillet 1927) le fait de nouveau dépendre du 158e R.I..

 

Le 14 juin 1928, il est nommé dans le grade supérieur suite à une décision ministérielle prise le même jour. Cette promotion le fait rattacher au 146e R.I..

 

Le 1er décembre 1928, il est muté au C.M. n° 203.

 

Le lieutenant-colonel Froment est rayé des cadres à partir du 3 mars 1934.

 

Cet ancien officier du 149e R.I. a exercé les fonctions de maire de Xermaménil, une petite commune située dans le département de la Meurthe-et-Moselle.

 

Joseph Charles Froment est décédé le 15 septembre 1942.

 

Décorations obtenues :

 

Chevalier de la Légion d’honneur 28 octobre 1915 :

 

« Officier des plus distingués, brillant au feu, lors des premiers combats de la campagne (25 août 1914, 5 septembre 1914). Depuis le mois d’octobre 1914, a rempli les fonctions d’adjoint au chef de corps avec un dévouement, un zèle et une activité inlassables dans toutes les circonstances. »

 

Cette nomination comporte l’attribution de la croix de guerre avec palme.

 

Officier de la Légion d’honneur le 16 juin 1920. (J.O. du 4 octobre 1920).

 

Croix de guerre avec une palme, deux étoiles de vermeil et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 134e D.I. n° 260 du mai 1918 :

 

« Sur le front depuis le début de la guerre, d’une activité et d’un dévouement inlassables, a fait preuve en maintes circonstances de remarquables qualités de bravoure et d’énergie. »

 

Citation  à l’ordre du 21e C.A. n° 232 du 4 novembre 1918 :

 

« A brillamment conduit son bataillon au cours des attaques des 3 et 4 octobre 1918, montrant les plus belles qualités de courage, de calme et de sang-froid, et réussissant, par son ascendant personnel, à maintenir intact l’esprit offensif de son bataillon éprouvé par plusieurs journées de rudes combats. » 

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 238 du 28 novembre 1918 :

 

« Officier supérieur doué des plus belles qualités militaires. Les 25, 26 et 27 octobre 1918, a superbement conduit son bataillon à l’attaque de positions fortement organisées, grâce à la méthode, au sang-froid et à la vigueur dont il a fait preuve au cours des attaques, a réussi à triompher de la résistance acharnée de l’ennemi, a réalisé une importante progression et à maintenir l’occupation du terrain conquis. »  

 

Autres décorations :

 

Médaille commémorative française de la Grande Guerre.

 

Médaille interalliée dite de la victoire.

 

La généalogie dela famille Froment peut se consulter sur le site « Généanet ». Il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour y avoir accès.

 

Geneanet

 

Le commandant Froment possède un dossier individuel sur le site la Base Léonore. Pour en prendre connaissance, il faut cliquer une fois sur l’image suivante puis inscrire son nom dans la case qui mènera à son dossier.

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services de Charles Froment et les différents actes d’état civil concernant sa famille ont été lus sur les sites des archives départementales de la Meuse et de l’Oise.

 

Le portrait de cet officier provient du tableau d’honneur de la guerre 14-18 publié par la revue «l’illustration».

 

J.M.O. du 223e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N. 720/1, 26 N. 720/2 et 26 N 720/3.

 

J.M.O. du 100e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N. 674/3.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à  M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

25 novembre 2021

Du 17 au 24 octobre 1918 - les journées précédant la bataille de la Hunding-Stellung

Du 17 au 24 octobre 1918

 

17 octobre 1918

 

Le 149e R.I. stationne à Condé-sur-Marne depuis le 8 octobre 1918. Il a été mis au repos dans cette commune après sa participation à la bataille de Champagne et d’Argonne.

 

Les manquants furent nombreux à l’appel. Les combats qui ont eu lieu entre le 26 septembre et le 4 octobre 1918 ont été particulièrement coûteux en vies humaines et en énergie. Cent quatre-vingts hommes perdirent la vie. Plusieurs centaines de blessés passèrent par les postes de secours.

 

Le lieutenant-colonel Vivier est en attente d’un gros renfort pour combler les pertes de son régiment. De nouveaux ordres tombent. Ses subordonnés se préparent à marcher de nouveau. 

 

Carte 1 journee du 17 octobre 1918

 

Le régiment quitte Condé-sur-Marne vers 10 h 00 pour une marche de 16 km. Les compagnies sont à Louvois à 12 h 00. Une heure plus tard, elles traversent La Neuville.

 

Le 149e R.I. arrive à Mailly à 14 h 30 pour y bivouaquer jusqu’au lendemain.

 

18 octobre 1918

 

 

Les hommes du lieutenant-colonel Vivier reprennent la route à 8 h 00. Cette fois-ci, ils marcheront durant une vingtaine de kilomètres. Le régiment est aux portes de Reims à 12 h 00. Une heure plus tard, il fait une grand-halte à la sortie de la ville. Après s’être restauré, il se dirige sur Thil, une commune située à 8 km au nord-ouest de Reims, où il passera la nuit.    

19 octobre 1918

 

 

Les bataillons du 149e R.I. se remettent en marche à 7 h 00. Ils quittent Thil pour gagner la grande route allant de Reims à Neufchâtel en suivant des pistes de terre impropres à la circulation de véhicules. Les hommes traversent ensuite la grande route de Reims à Berry-au-Bac. Ils longent le village de Courcy, franchissent le canal de l’Aisne à la Marne, avant de poursuivre leur chemin sur les pentes de Brimont. Une fois atteint la route Reims- Neufchâtel. Le régiment fait une pause au « Cran de Brimont ».

 

Le pont Givart, qui permet de rejoindre directement Brienne, a été détruit par les Allemands. La troupe doit faire un détour par Auménancourt-le-Petit pour franchir la Suippe.

 

Le 149e R.I. retrouve la grande route Reims-Neufchâtel. Il la quitte une fois passé le hameau « Bonne Volonté ». Brienne est à 800 m sur la droite.

 

Les hommes se préparent à passer la nuit dans ce village. À peine couchés, il leur est demandé de reprendre la route à 23 h 30. Ils ont ordre de rejoindre le bois d’Avaux.

 

20 octobre 1918

 

Carte 4 journee du 20 octobre 1918

 

Le pont de Neufchâtel, réduit en miettes par l’ennemi, oblige les compagnies du 149e R.I. à faire un large détour par Vieux-lès-Asfeld. Arrivées dans cette commune, elles traversent le canal des Ardennes et l’Aisne, sur des ponts de bateaux, pour rejoindre Avaux. Une fois sur l’autre rive, elles rattrapent la route de Neufchâtel qui les conduit directement à proximité du bois d’Avaux.  

 

Le régiment bivouaque à droite de la route.

 

Le responsable du régiment installe son P.C. à Lor dans la soirée.

 

21, 22 et 23 octobre 1918

 

Ferme Tremblot Lor et Le Thour

 

Le lieutenant-colonel Vivier constitue un bataillon de marche avec les éléments de son régiment. Ce bataillon est mis sous les ordres du commandant Froment.

 

Le responsable du 149e R.I. prend le commandement d’un groupement composé du bataillon Froment et de deux bataillons du 1er B.C.P. sous l'autorité directe du commandant le Bleu.

 

24 octobre 1918

 

Le lieutenant-colonel Vivier reçoit l’ordre d’attaquer la position ennemie de la Hunding-Stellung à 19 h 15. Il déplace son P.C. à Le Thour.

 

Les deux bataillons du 1er B.C.P. avancent leurs positions dans la nuit se tenant prêts à lancer l’offensive dès le lendemain. Le bataillon Froment, en réserve, constituera la 3e vague d’attaque.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I. réf : 26 N 344/8.

 

Carnets inédits de l’aumônier Henry

 

Le portrait du lieutenant-colonel Vivier provient de son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes.

 

Le portrait du commandant Le Bleu est extrait de l’historique de régiment du 1er B.C.P.. Cet historique est consultable sur le site Gallica.

 

Un très grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, et au Service Historique de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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