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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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22 octobre 2021

5 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

5 octobre 1918, l'abbé Henry temoigne

Les combats sont terminés pour la 43e D.I. depuis la veille au soir. Chaque élément de la division a rebroussé chemin après avoir cédé la place à la 124e D.I..

L’aumônier Henry est un des derniers à quitter le poste de secours du bois des Ronces. En solitaire, il rejoint la zone de rassemblement du 149e R.I. à la Forestière avant de gagner le camp Sapins.

Témoignage de l’abbé Henry :  P.S. du bois des Ronces - P.S. Bois Sapins

La relève s’est effectuée sans incident. Les blessés ont été rapportés. Il n’y a plus qu’à partir.

6 h 00. Tout le monde dort. Je m’en vais seul avec tous mes bagages sur le dos. Que de changements en 48 heures dans cette partie du champ de bataille. Batterie par batterie, les régiments d’artillerie ont peu à peu pris possession de ces croupes boisées. Les pistes ont été poussées vers l'avant. Piste n° 4, piste n° 3, il n'y a qu'à suivre. Route de Somme-Py à Aure. Vu là, le commandant Sancelme qui me demande des nouvelles du régiment qu'il sait avoir été fort éprouvé même par nos obus.

Bois de la Chèvre. On se croirait à l'arrière ; il y a du monde partout qui va, qui vient. Je quitte la piste 3 pour, de la Pince, gagner directement le P.S. voie ferrée. Bien m'en a pris. Les Boches ont tenu à montrer qu'ils étaient encore un peu là et qu'ils avaient des yeux pour voir. Pendant 10 minutes, ils marmitent entre la Pince et le chemin de fer. Je vois des types s'éloigner à toutes jambes de la zone marmitée.

P.S. voie ferrée. Nos amis de la 13e et du 21e sont toujours là. Grâce à eux, je peux dire la messe et prendre une tasse de café. Point de rassemblement du 149 : la Forestière et les environs. Il faut faire en sens inverse le chemin parcouru dans la première journée d'offensive.

Tout ce terrain si longtemps, si âprement disputé, commence à rentrer dans l'ordre, à devenir l'arrière. C’est maintenant que je puis le parcourir à pas tranquille que m'apparaît dans son magnifique ensemble le travail accompli dès le premier jour.

Du chemin de fer à la cote 193, trois km en ligne droite ; de la cote 193 à l'ouvrage 2, point de départ, trois km encore ; au total six km de réseaux de fils de fer, de tranchées, d'abris bétonnés pour mitrailleuses, d'abris aménagés pour les hommes. Il faut revoir tout cela posément par le menu et on reste effrayé de l'audace que nous avons eue, du peu de chances que nous avions de réussir.

Il y avait là de tels moyens de défense accumulés que c'est miracle que nous nous en soyons sortis à si peu de frais. Les pertes douloureuses de toute cette période, en particulier ces deux jours, nous les aurions eus le premier jour en enlevant ce gros morceau, que cela eut paru normal.

Vous n'avez pas voulu, mon Dieu, nous exposer à une tentation d'orgueil à laquelle nous aurions succombé sans doute et voilà pourquoi vous avez permis l'épreuve des derniers jours. L'attaque du premier jour a été une opération extrêmement brillante.

Si on prend les attaques des neuf jours dans leur ensemble, elles constituent encore, et malgré tout, un fait d'armes brillant et, somme toute, avantageux pour nous.

Qui pourrait reconnaître la route de Souain Tahure, Albertini, Soury Lavergne, dans ce décor nouveau ? C'est à n'y pas croire. Au fur et à mesure que j'avance, les détails de l'attaque me reviennent en mémoire.

La route de Souain-Tahure

Est-il possible qu'en dix jours, un tel changement ait pu s'accomplir ? De-ci, de-là dans la plaine tourmentée, ravagée, des explosions ! On me dit que ce sont les mines innombrables posées par les Boches pour arrêter les tanks qu'on fait sauter.

Je me suis arrêté au cimetière fait par le G.B.D. au P.C. ancien Albertini. Adieu, pauvres et chers amis ! Les artilleurs des tanks creusent des fosses pour ceux de leurs camarades qui y sont restés. Il m'a semblé qu'il y en avait bien une douzaine.

Elberfeld, P.C. Grenay, trou Bricot. Ce sont maintenant des échelons d'artillerie qui occupent les abris.

P.C. Hamon. Le 31e B.C.P. est déjà au repos. Forestière. Ici une compagnie de mitrailleuses du 149. Un train du Tacot vient de dérailler ; ça amuse les curieux.

Le colonel s'installe au camp Sapins, c'est-à-dire à l'ouest de la route Marchand sur la cote 200. C'est un quartier près duquel je suis passé souvent sans le visiter ; et pourtant, il en valait la peine. Il y a une chapelle rustique construite jadis par des territoriaux et qui a quelque peu souffert le 15 juillet. À cette époque, il y avait ici des batteries d'artillerie et je ne m'étonne plus de toutes ces rafales d'obus que depuis le P.C. Hamon je voyais s'abattre sur ce point.

La route Marchand

Beaucoup de monde au P.C. Sapins, de la cavalerie qui attend toujours l'heure fatidique de son entrée en scène, une partie des services, sinon tous les services du corps d'armée. Il y a même un camp de prisonniers qui tout de suite attire l'attention. Il y a beaucoup de monde, tellement que ce n'est pas sans peine que nous arrivons à nous caser et plutôt mal que bien. J'ai un petit coin, un trou où il y a juste place pour s'étendre. Mais on est habitué à se contenter de peu. Et puis nous ne sommes ici qu'en passant.

Tout à l'heure, j'ai vu arriver un groupe de 13 prisonniers venant des lignes. En voici un autre groupe plus important. Ils sont près de 200 conduits par quatre cavaliers américains. Curieux détail ; ils sont du 149e R.I. boche. Amenés en toute hâte pour contre-attaquer, ils ont refusé de marcher. Et voilà comment on a pu entendre dire : « Le 149 est un mauvais régiment. Il a refusé d'attaquer ». Ah ! Ne confondons pas ! Il s'agit du 149 boche. Trois officiers se tiennent à l'écart et causent entre eux. Un petit groupe aussi a été séparé du reste. Ce sont, paraît-il, des Alsaciens Lorrains ; ils ont un traitement de faveur, rations doubles, etc.

Tuyau du docteur Rouquier toujours bien informé. Le Boche décolle devant le corps d'armée qui était à notre gauche, le contact est perdu ; le Boche se retire, on le poursuit ; la cavalerie elle-même entre en jeu.

Vu l'abbé**** attaché maintenant au corps d'armée. Le corps d'armée s'en va, paraît-il, demain matin ; il va s'installer au tunnel de Gratreuil !

Forte, très forte canonnade ce soir et qui se prolonge dans la nuit.

Sources :

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

Le morceau de carte  est extrait du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

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