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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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21 juillet 2023

Henri Maxime Joseph Collin (1894-1916)

Henri Maxime Joseph Collin

 

Henri Maxime Joseph Collin est né le 29 août 1894, dans le quartier de Chalon de la petite commune de Saint-Bardoux, dans le département de la Drôme. Son père, Pierre, 35 ans, est cultivateur.

 

Sa mère, Marie Antoinette Pipat, 30 ans, une ancienne femme de ménage, n’exerce plus aucune activité professionnelle. Albert, l’aîné de la fratrie, né à Saint-Donat-sur-l’Herbasse, est âgé de 11 ans.

 

En 1906, les Collin sont installés à Marsaz. La date exacte de leur arrivée dans ce village n’est pas connue. Tout ce que nous savons, c’est que la famille vit dans le quartier Tavasse et que le père travaille comme agriculteur sur les terres de la famille Chanal. 

 

À cette époque, Henri fréquente probablement encore l’école publique du village.

 

Sa fiche matricule indique un degré d’instruction de niveau 2, ce qui signifie que son niveau scolaire est assez moyen. Henri a acquis les bases de la lecture, de l'écriture et du calcul. Il a peut-être été obligé de quitter l’école à plusieurs reprises pour participer aux travaux agricoles.

 

En 1911, Pierre Collin travaille toujours la terre. Ses deux fils, Albert, revenu du service militaire effectué au 13e régiment de chasseurs à cheval en septembre 1909 et Henri, âgé de 17 ans, sont tous les deux employés comme ouvriers agricoles.

 

L’année de ses 20 ans, Henri Collin passe devant le conseil de révision, réuni à la mairie de Saint-Donat. En bonne condition physique, le jeune homme est déclaré « bon pour le service armé ».

 

Fin juillet 1914, une nouvelle guerre contre l’Allemagne est sur le point de commencer. Début août, la France affiche l’ordre de mobilisation générale dans chacune de ses communes. La classe 14 n’est pas encore « sous les drapeaux ». Elle peut toujours bénéficier de la vie civile durant quelques semaines. Cette classe est appelée par anticipation, deux mois avant la date prévue.

 

Le conscrit Collin, affecté au 22e R.I., arrive au corps le 5 septembre. Les casernes de cette unité se situent à Bourgoin et à Sathonay-Camp. Il est impossible de dire dans lequel de ces deux bâtiments militaires il a réalisé sa formation de soldat. Son passage au dépôt du 22e R.I., s'il dure de septembre 1914 à septembre 1915, est inhabituellement long. Pourtant, l'extrait de son livret matricule inséré dans sa fiche matricule ne laisse aucun doute sur le fait qu'il resta là un an : il a donc su s'y rendre indispensable.

 

Suite à une décision prise par le gouverneur militaire de Lyon le 22 septembre 1915, Henri Collin est affecté au 158e R.I., une unité qui combat en Artois depuis plusieurs mois.

 

Le 28, le régiment, durement éprouvé par les attaques des jours précédents, reçoit deux détachements de renforts : le premier du dépôt de Lyon (probablement celui où se trouve le soldat Collin) et le second du 9e bataillon du 149e R.I.. Henri Collin est affecté à la 7e compagnie du régiment.

 

Le 29 janvier 1916, il rejoint la 1ère compagnie de mitrailleuses du 158e R.I. (cette compagnie ne dépend pas du 1er bataillon du régiment. Elle reçoit ses ordres directement du responsable de la 86e brigade).

 

Cette brigade, sur le point de quitter le front d’Artois, se prépare à rejoindre le camp de Riquier, dans la Somme, avant d’être envoyée sur le front de Verdun.

 

Le 24 avril 1916, Henri Collin est affecté à la 3e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. (compagnie de mitrailleuses de la 85e brigade). Les sections de cette compagnie sont encadrées par les sous-lieutenants Durupt et Piéfroid sous l’autorité du capitaine Mougel.

 

La 85e brigade bénéficie d’un temps de repos à Landrecourt après son passage dans la Meuse. Début mai 1916, elle occupe des tranchées dans une zone peu exposée, près des buttes de Tahure et de Mesnil, en Champagne.

 

La 3e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Prenez, participe, avec le 3e bataillon du régiment, à la prise du village de Soyécourt au début du mois de septembre 1916. Ses sections sont commandées par les sous-lieutenants Durupt et Achard.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante. 

 

Photo aerienne Soyecourt

 

L’absence de J.M.O. du 149e R.I. et la lecture du J.M.O. de la 85e brigade ne permettent pas de retrouver les déplacements et les positions occupées par la 3e compagnie de mitrailleuses du régiment spinalien durant le mois de novembre 1916.

 

Une petite phrase présente dans le témoignage d’un mitrailleur du 149e R.I. comble en partie ces lacunes.

 

«… La 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. qui se trouve à la tranchée Couverte est relevée, le 12 novembre 1916, par la 3e compagnie de mitrailleuses du régiment.»

 

Le 17 novembre 1916, jour de relève pour cette compagnie, Henri Collin est mortellement blessé par plusieurs éclats d’obus. Il décède sur le lieu même où il a été touché à l’âge de 22 ans.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante. 

 

Carte journee du 17 novembre 1916

 

Le soldat Collin est inhumé sur place par ses camarades à environ 400 mètres au sud de la sucrerie de Génermont.

 

Les soldats Victor Martin et Paul Mauroux sont les deux témoins qui permettent au lieutenant Auguste Fourneret, l’officier d’état civil du régiment, d’enregistrer le décès de cet homme. L’acte est transcrit à la mairie de Marsaz le 9 août 1917.

 

Henri Collin a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 6 octobre 1920).

 

« Soldat courageux, tombé glorieusement à son poste de combat, le 17 novembre 1916, en avant de Soyécourt. »

 

La croix de guerre avec une étoile de bronze accompagne cette décoration.

 

Decorations Henri Collin

 

Son nom est inscrit sur une plaque commémorative fixée sur un des murs du cimetière de Marsaz et sur le monument aux morts du village.

 

Henri Collin ne s’est pas marié de son vivant. Sa compagne, Berthe Marie Louise Bert, qui l'épousera par procuration en 1920, a donné naissance à une petite fille née en avril 1916 ; celle-ci acquiert ainsi le statut de pupille de la nation.

 

La généalogie de la famille Collin peut se consulter sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Il n’y a pas  de sépulture connue pour cet homme. Un hommage lui a été rendu  par son petit-fils, Jacques Tardi, dans une case de bande dessinée.

 

Du côté des morts

 

Sources :

 

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N /816/3

 

J.M.O. de la 85e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12

 

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/15

 

Les archives départementales de la Drôme ont été consultées pour retrouver l’acte de naissance et la fiche signalétique et des services du soldat Collin. Les registres de recensements des communes de Saint-Bardoux et de Marsaz des années 1896, 1901, 1906 et 1911 ont également été lus.

 

Site « GénéaNetWeb »

 

Site « Mémoire des Hommes »

 

Acte de décès envoyé par la mairie de Marsaz.

 

Les dessins de Jacques Tardi sont extraits des ouvrages « Putain de guerre ! 1914-1915-1916 » et « Putain de guerre ! 1917-1918 ». Ces deux albums ont été réalisés en collaboration avec Verney. Éditions Casterman. 2008.

 

Témoignage de Paul Portier, mitrailleur du 149e R.I., inédit, collection personnelle.

 

L’extrait du plan localisant la tranchée Couverte vient du J.M.O. du 3e B.C.P..S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N /816/3 page 165.

 

Notons que le nom de famille d’Henri Collin s’écrit avec un seul l sur son acte de naissance et sur les registres de recensements.

 

Une erreur figure sur la fiche M.D.H. du soldat Collin. Celle-ci localise la sucrerie de Génermont  dans l’Aisne alors qu’elle se trouve dans le département de la Somme.

 

L’extrait du plan, qui indique le secteur dans lequel se trouve la 3e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I.  au moment du décès du soldat Collin, provient du J.M.O. du 3e B.C.P.. Il reste à confirmer si le boyau Couvert et la tranchée Couverte (devenue tranchée Poncelet) sont bien le même lieu.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J. Tardi, à T. Vallé au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales de la Drôme et à la mairie de Marsaz.  

14 juillet 2023

16 et 17 novembre 1916

Bois de Deniecourt - 16 novembre 1916

 

16 novembre 1916

 

Les compagnies du 10e B.C.P. et du 149e R.I. placées en 1ère ligne sont sur le point d’être relevées par le 17e R.I..

 

Des officiers de ce régiment sont accompagnés des guides des unités à remplacer ; ils effectuent les reconnaissances du secteur en prévision des mouvements de troupes prévus pour la nuit suivante.

 

Plusieurs patrouilles allemandes ont été signalées dans le secteur du bois Bauer. Elles se retirent à l’approche des Français. Les mitrailleuses tirent à plusieurs reprises sur les points repérés.

Vers 8 h 00, les deux artilleries reprennent leurs activités sur tout le secteur.

 

À 8 h 30, un avion français, engagé dans un combat avec plusieurs adversaires, est abattu au sud-ouest d’Ablaincourt.

 

Les deux aviations restent particulièrement actives durant toute la matinée. Deux drachens observent les tranchées françaises.

 

Les photographies aériennes françaises révèlent d’importants travaux réalisés dans le secteur allemand, au nord et à l’est de Gomiécourt. L’ennemi a doublé la tranchée Minnen.

Vers 12 h 30, l’artillerie lourde française effectue des tirs de contre-préparation pendant que les  canons de 75 exécutent leurs missions habituelles.

 

Les tranchées de premières lignes, bouleversées par les bombardements de la veille, sont réaménagées. Le boyau du Rat est de nouveau approfondi.

 

L’artillerie française procède à des tirs de barrage entre 18 h 00 et 20 h 00.

 

Carte journee du 16 novembre 1916

 

Les guides, fournis par les unités du 10e B.C.P. et du 149e R.I. à relever, se rassemblent, à 18 h 30, au Casino, sous la surveillance d’un officier de chaque corps. Les mouvements de troupes commencent une demi-heure plus tard.Le 1er bataillon du 17e R.I. cantonne à Harbonnières en remplacement du 2e bataillon du 149e R.I. Ce dernier est parti au repos dans la région de Beauvais. Le décompte des pertes du 149e R.I. pour cette journée s’élève à 1 tué et 9 blessés (dont deux adjudants).

 

Deux noms de soldats du 149e R.I. sont enregistrés dans le fichier des « Morts pour la France » du site « Mémoire des hommes » pour cette date.

 

                                         Tableau des tués pour la journée du 16 novembre 1916

 

17 novembre 1916

 

Les 2e et 3e bataillons du 17e R.I. ont remplacé le 3e bataillon du 149e R.I. et le 10e B.C.P. en 1ère ligne. Les mouvements de relève se sont déroulés sans incident.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. occupe la position de soutien laissée vacante par le 1er bataillon du régiment.

 

Carte journee du 17 novembre 1916

 

 

Sept cent hommes du 1er bataillon du 149e R.I. et le 10e B.C.P. embarquent en camions à Harbonnières pour prendre la direction de  Beauvais.

 

Dans la soirée du 17 au 18, le 1er bataillon du 17e R.I. quitte Harbonnières pour relever le 3e bataillon du 149e R.I. sur la position de soutien dans le quartier C.

 

Le 149e R.I. quitte la Somme pour une période de repos de plusieurs jours.  Il ne sait pas encore qu’il devra bientôt retourner dans le même secteur.

 

Un seul nom figure dans le fichier des « Morts pour la France » du site « Mémoire des hommes » pour cette journée.

 

                                    Tableau des tués pour la journée du 17 novembre 1916

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 17e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 588/2.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

La photographie provient du fonds Valois Réf : val 452/070

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

7 juillet 2023

René Paul Chaillet (1892-1919)

Rene Paul Chaillet

 

René Paul Chaillet voit le jour le 29 juin 1892 à La Rivière, petite commune située au cœur de la vallée du Drugeon, dans le département du Doubs.

 

Son père, Léon Joseph Émile, âgé de 30 ans, est instituteur à l’école publique du village.

 

Sa mère, Marie Rosalie Baverel, 32 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Elle vient de donner naissance à son cinquième enfant.

 

Les deux filles aînées du couple Chaillet n’ont pas survécu.

 

Genealogie famille Chaillet

 

La fiche matricule de René Chaillet indique un degré d’instruction de niveau 3,  ce qui signifie qu’il sait lire, écrire et compter à la fin de sa scolarité.

 

En 1911, le jeune Chaillet gagne sa vie comme facteur. Il quitte cette profession qui ne lui convient pas pour devenir commis d’agent-voyer. 

 

L’année de ses 21 ans, René Chaillet se présente devant le conseil de révision réuni à la mairie de Pontarlier. En parfaite condition physique, il est déclaré apte aux obligations militaires.

 

Le 9 octobre 1913, René Chaillet intègre les effectifs de la 10e compagnie du 149e R.I., une unité qui tient garnison à Épinal.

 

La France entre en conflit avec l’Allemagne en août 1914. Le 149e R.I., réserve de troupes de couverture, quitte la caserne Courcy quelques heures avant que l'ordre de mobilisation générale ne soit officiellement donné.

 

Le 9 août, le régiment subit son baptême du feu au Renclos des vaches,près de Wisembach. Les 9e et 10e compagnies ainsi que 3 sections de la 12e ne sont pas engagées.

 

Le 3e bataillon occupe le bois du Breuil, à 1 km au sud-ouest de Sainte-Marie-aux-Mines, sans être en contact direct avec les Allemands.

 

Le 21 août, René Chaillet participe à son premier combat près d’Abrechvillers. Sa compagnie, sous le commandement du lieutenant Michelin, est chargée de couvrir l’ensemble des mouvements de repli du régiment qui est en difficulté.

 

Le prix à payer pour protéger la retraite des camarades est élevé ! Beaucoup ont été tués ou capturés. Le soldat Chaillet réussit à rejoindre le gros du régiment avec les éléments de sa compagnie qui ont pu échapper à ce sort.

 

Fin août 1914, sa compagnie est de nouveau engagée. Les Allemands attaquent dans le secteur de Bazien près de Ménil-sur-Belvitte. Cette fois-ci, René Chaillet a eu moins de chance. Il est capturé par l’ennemi.

 

Son nom apparaît sur la liste des disparus du J.M.O. du 149e R.I. pour les journées des 25 et 26 août 1914.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Carte 5 journee du 25 aout 1914

 

La section des prisonniers de l’Union des Femmes de France de Pontarlier contacte le Comité International de la Croix Rouge. Elle souhaite connaître le lieu où le soldat Chaillet est retenu en captivité.

 

Une fiche individuelle portant son nom peut être consultée sur le site du Comité International de la Croix Rouge.   

 

Fiche C

 

Le soldat Chaillet a d’abord été envoyé en captivité à Dilligen, une petite ville située au nord-est d'Ulm, en Bavière, sur le Danube. Il est ensuite transféré à Pucheim, à l’ouest de Munich.

 

Carte de prisonniers en Allemagne 1914-1918

 

Fin décembre 1919, René Chaillet est rapatrié d’Allemagne après avoir passé plus de 4 années dans les camps de prisonniers. Gravement malade, affaibli par les privations, il meurt à l’hôpital C 43 de Belley le 4 janvier 1919, à l’âge de 26 ans.

 

Aucune citation, aucune décoration n’ont pu être retrouvées pour ce soldat du 149e R.I..

 

Monument aux morts de la commune de la Rivière-Drugeon

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de La Rivière-Drugeon et sur une des  plaques commémoratives de l’église du village.

 

Paul Chaillet ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance. Le lieu où il repose n’est pas connu.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de René Paul Chaillet, les registres d’état civil et les registres de recensement de la commune de La Rivière-Drugeon des années 1906 et 1911 ont été consultés sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Le portrait de ce soldat a été trouvé sur le site « MémorialGenWeb ».

 

La carte indiquant les camps de prisonniers français en Allemagne a été réalisée par Robert Broisseau en 2006. Elle provient du site « Stenay 14-18 ».

 

Stenay 14-18

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Broisseau, à A. Carobbi, à T. Vallé et aux archives départementales du Doubs. 

30 juin 2023

15 novembre 1916

Ruines de Deniecourt (novembre 1916)

 

Les trois bataillons du 149e R.I. occupent toujours les emplacements de la veille. Le 3e bataillon est en 1ère ligne, le 1er bataillon en position de soutien et le 2e bataillon au repos à Harbonnières.

 

La ligne de front du régiment se modifie sensiblement dans la nuit du 14 au 15 novembre. Un peloton du 31e B.C.P. vient relever le peloton de la 11e compagnie du 149e R.I. installé dans la tranchée Simon.

 

La liaison avec le 31e B.C.P. se fait dorénavant à la limite de la tranchée des Germains et de la tranchée Simon.

 

Le peloton de la 11e compagnie relevé s’établit à la sucrerie de Génermont en remplacement d’un peloton de la 1ère compagnie ; celui-ci est parti dans le secteur du bois des Ifs.

 

Depuis plusieurs jours, les artilleurs allemands concentrent leurs tirs sur la zone Pressoire-Ablaincourt et sur la zone du Bois Bauer, ce qui n’augure rien de bon.

 

Vers 4 h 00, ils ouvrent le feu sur tout ce secteur avec des obus de 105 et 150. Ils envoient également de nombreux obus asphyxiants et lacrymogènes sur les batteries françaises.

 

Deux heures plus tard, l’ennemi sort en force de ses tranchées. Il lance son infanterie sur l’ensemble du front tenu par la 62e D.I. (bois Kratz-Pressoire-Ablaincourt). Les Allemands attaquent également le fortin de Crimée défendu par le 158e R.I. et le saillant des tranchées Pêle-Mêle et des Germains occupé par le 149e R.I..

 

Carte 1 journee du 15 novembre 1915

 

 

Un violent combat s’engage. Du côté de la tranchée des Germains, les grenadiers du 149e R.I., les tirs de mitrailleuses et le tir de barrage de l’artillerie ramènent rapidement l’ennemi dans ses lignes.

 

L’offensive allemande est contenue sur l’ensemble de la zone attaquée sans qu’elle n’ait pu faire le moindre gain de terrain. Les pertes ennemies sont importantes.

 

Vers 8 h 00, trois avions allemands survolent les lignes françaises à basse altitude. Un de ces avions est abattu dans la direction sud-est d’Ablaincourt.

 

Un avion français est tombé en flammes dans les lignes allemandes.

 

L’artillerie française reste très active jusqu’à midi.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. pose des défenses accessoires devant ses compagnies de 1ère ligne ; il termine la construction d’une sape offensive dans le secteur de la 10e compagnie et approfondit sa nouvelle sape dans la tranchée des Germains.

 

Le 1er bataillon améliore les boyaux des Pionniers et des Radiolaires, la tranchée Duchamps et le boyau d’accès du P.C. Valet. Il creuse davantage le boyau du Rat avant d’y poser des caillebotis.

 

Le Général Mollandin rédige l’ordre général d’opérations n° 118 qui prévoit les mouvements de relèves de sa division.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. et le 3e B.C.P. quittent Harbonnières en camions dans l’après-midi. Ils prennent la direction de Beauvais.

 

Pour la journée du 15 novembre 1916, les pertes du 149e R.I. son évaluées à 2 tués et 3 blessés par éclat d’obus.

 

                                Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 15 novembre 1916

 

Un seul nom figure dans le fichier des « Morts pour la France » du site « Mémoire des hommes » pour cette date.

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

J.M.O. de la 62e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 381/1

 

J.M.O. de la 124e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 529/9

 

J.M.O. du 307e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N  746/4

 

J.M.O. du 308e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 746/9

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

La carte représentée ici a été réalisée à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des unités risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des positions attaquées par les Allemands le 15 novembre 1916.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

23 juin 2023

Marcel Albert Demongeot (1888-1916)

Marcel Albert Demongeot

 

Marcel Albert Demongeot est né le 21 juillet 1888 à Melay, une petite commune située au nord-est de la France, dans le département de la Haute-Marne.

 

Son père, Camille Albert, 31 ans, exerce le métier de cultivateur. Sa mère, Clémence Célina Morelle, 27 ans, travaille comme vigneronne.

 

Albert est le quatrième d’une fratrie composée de 4 garçons et de 2 filles. Ses deux sœurs n’ont pas survécu à la petite enfance.

 

Genealogie famille Demongeot

 

Albert sait parfaitement lire, écrire et compter lorsqu’il quitte l’école primaire ; il intègre ensuite l’école secondaire et technique de l'Immaculée Conception de Saint-Dizier.

 

En 1906, les Demongeot tirent profit de leurs propres terres. Le père d’Albert est devenu propriétaire exploitant après une longue période passée au service des autres.

 

Une fois sa scolarité terminée, le jeune Albert gagne sa vie comme vigneron.

 

Melay

 

Lorsque le temps des obligations militaires arrive, Albert Demongeot, inscrit sous le n° 50 de la liste de la classe 1909, est déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision, réuni à la mairie de Bourbonne.

 

Début octobre 1909, le jeune homme, âgé de 21 ans, quitte son village natal pour effectuer son temps de conscription au 149e R.I., un régiment qui tient garnison à Épinal.

 

Resté simple soldat de 2e classe, Albert Demongeot passe dans la réserve de l’armée active le 24 septembre 1911 avec son certificat de bonne conduite validé.

 

Il s’installe quelque temps à Montrouge avant de retourner vivre à Melay.

 

Du 29 août au 20 septembre 1913, Albert Demongeot effectue sa 1ère période d’exercice dans son ancien régiment.

 

Le 1er août 1914, il est rappelé à l’activité militaire en raison d’une déclaration de guerre contre l’Allemagne qui paraît inévitable (son régiment fait partie des troupes de couverture frontalière. Le rappel de sa réserve s’est effectué 24 heures avant la date officielle de la mobilisation générale).

 

Le 14 août 1914, Albert Demongeot quitte le dépôt du 149e R.I. avec un groupe composé de 531 hommes ; ce groupe est sous les ordres de 4 officiers. Le groupe rejoint le régiment actif qui a eu des pertes sévères au cours de son baptême du feu.

 

Les informations fournies par sa fiche matricule ne permettent pas de reconstituer en détail son parcours militaire au sein du 149e R.I. ; mais il est tout à fait possible de confirmer sa présence dans toutes les batailles auxquelles son régiment a participé jusqu'à sa mort.

 

Cependant, une information importante n’a pas pu être retrouvée. Il est impossible de dire si cet homme a été directement placé à la 2e compagnie de mitrailleuses lorsqu'il est arrivé dans le régiment d'actif ou dans une compagnie « classique » (ce qui laisserait supposer une formation initiale effectuée au cours de sa conscription, au sein d’une des trois compagnies de mitrailleuses du régiment).

 

Une citation à l’ordre de l’armée confirme sa participation aux combats de septembre et octobre 1915 sur le front d’Artois.

 

Début mars 1916, le 149e R.I. est engagé sur le front de Verdun. Le 8, la compagnie du soldat Demongeot (2e compagnie de mitrailleuses) rejoint la 1ère ligne. En cours de route, elle subit un violent bombardement, au bois des Hospices. Albert Demongeot est tué aux alentours de 16 h 00 pendant cette avancée.

 

Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Ce soldat est, dans un premier temps, inhumé à proximité du fort de Souville, sur le côté gauche du chemin menant au fort. Aucune sépulture individuelle militaire ne porte son nom.

 

Le 18 mars 1916, les deux témoins, les soldats Bruno Verwaire et Charles Perrel, confirment la mort du soldat Demongeot auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I.. L’acte de décès est transcrit à la mairie de Melay le 18 mai 1916.

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une palme

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 188  en date du 23 mai 1916 :

 

« Excellent soldat, parfait mitrailleur, s’était déjà signalé par son entrain pendant les attaques de septembre et d’octobre 1915. Est tombé glorieusement le 8 mars 1916 en se portant en première ligne avec sa compagnie sous un violent bombardement. »

 

Le soldat Demongeot a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume en 1920 (J.O. du 29 octobre 1920).

 

Monument aux morts de Melay

 

Son nom est gravé sur le monument aux morts de la commune de Melay et sur la plaque commémorative installée dans le hall d’entrée de l'école secondaire et technique de l'Immaculée Conception de Saint-Dizier.

 

Marcel Demongeot ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

Les actes d’état-civil concernant la famille Demongeot, la fiche signalétique et des services du soldat Marcel Albert Demongeot et les registres de recensement de la commune de Melay correspondants aux années 1901, 1906 et 1911, ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Le portrait du soldat Demongeot provient du tableau d’honneur de la guerre 14-18 publié par la revue « l'illustration ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, et aux archives départementales de la Haute-Marne.

16 juin 2023

13 et 14 novembre 1916

Journees des 13 et 14 novembre 1916

 

Les attaques nocturnes allemandes des jours précédents sont toujours très présentes dans les esprits. La vigilance reste donc extrême dans le secteur de la tranchée Poncelet.

13 novembre 1916

 

Plusieurs patrouilles sont envoyées dans le no man’s land. Aucun mouvement suspect n’est à signaler du côté des tranchées ennemies.

 

Les 10e et 11e compagnies du 3e bataillon du 149e R.I., fraîchement arrivées en 1ère ligne, peuvent s’installer sans craindre un nouvel assaut. Le secteur reste cependant très dangereux.

 

En effet, l’artillerie allemande effectue des tirs réguliers de Minenwerfer sur la tranchée Poncelet depuis la chapelle Saint-Georges.

 

Les tirs de contre-batteries français, demandés à deux reprises, ne parviennent pas à ralentir leur cadence de tirs.

 

Une brume épaisse, recouvrant l’intégralité de la zone occupée par le 10e B.C.P. et le 149e R.I., contraint l’aviation à rester au sol. Elle gêne également l’artillerie lourde et l’artillerie de campagne ennemie qui est obligée de ralentir son activité destructrice.

 

Les travaux d’aménagement de la 1ère ligne et de la ligne de dédoublement se poursuivent. Des abris-cavernes sont creusés.

 

La liaison entre les tranchées Poypoy et des Germains est achevée. La sape en avant de 916 k, d’une longueur de 35 m, est terminée.

 

Des défenses accessoires sont posées devant la tranchée Poncelet.

 

Aucune perte n’est à déplorer au 149e R.I..

 

14 novembre 1916

 

Parc du chateau de Deniecourt

 

Les canons ennemis entrent en action dès 5 h 00, après une nuit relativement calme. Durant toute la matinée, ils tirent sur l’ensemble des premières et secondes lignes occupées par la 85e brigade. L’intensité de leurs tirs augmente à partir de midi pour durer tout l’après-midi.

 

L’action de l’artillerie ennemie devient chaque jour plus intense. Il semblerait que les Allemands se livrent à une sorte de contre-préparation préventive en détruisant systématiquement les travaux effectués par la troupe française ; cela entraîne, pour celle-ci, des pertes journalières sensibles.

 

Huit drachens sont observés dans le ciel. Trois avions allemands survolent les lignes françaises vers 12 h 30. Les F.M. et les mitrailleuses françaises entrent rapidement en action.

 

L’artillerie lourde et l’artillerie de campagne françaises effectuent des tirs de contre-préparation.

 

L’infanterie allemande cherche à relier 921 a à 921 b. Une de ses compagnies, travaillant à découvert, a été aperçue vers 22 h 00. Elle est aussitôt encadrée par les feux des V.B., des F.M. et des canons de 75.

 

Telles des fourmis, les hommes du 149e R.I. réfectionnent leurs tranchées et leurs boyaux endommagés pour la énième fois. Ils posent du fils de fer barbelé devant leurs premières lignes.

 

L’infanterie ennemie cherche à relier 921 a à 921 b. Une de leurs compagnies, travaillant à découvert, est aperçue vers 22 h 00. Elle est rapidement encadrée par les tirs des V.B., des F.M. et des canons de 75.

 

Les Allemands se préparent à attaquer de nouveau.

 

Pour le 149e R.I., le bilan des pertes s’élève à trois tués.

 

Le fichier des « Morts pour la France » du site « Mémoire des hommes » donne 5 noms pour cette journée.

 

                                           Tableau des tués pour la journée du 14 novembre 1916

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

La photographie représentant le commandant Beaugier et les capitaines Houel et Foucher est extraite de l’historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919 (version luxe).

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

9 juin 2023

12 novembre 1916

Sucrerie d'Ablaincourt - dessin réalise par Hippolyte Journoud

 

L’ennemi s’apprête à reconduire ses attaques de nuit sur la zone sud du bois Bauer.

 

Il lance ses hommes sur 916 k vers 5 h 15 puis, une demi-heure plus tard, sur le barrage est de la tranchée Poncelet.

 

L’assaut sur 916 k, tenu par des éléments du 1er bataillon du 149e R.I., est un échec total. Les Allemands sont stoppés net par un barrage de grenades.

 

L’attaque est plus difficile à contenir du côté du 10e B.C.P.. L’ennemi s’est approché du barrage est de la tranchée Poncelet sans être vu. Il se glisse à l’intérieur du boyau à moitié détruit, lance de nombreuses grenades. Il réussit à s’emparer du barrage.

 

Les chasseurs du 10e B.C.P. sont obligés de reculer. Ils refluent, d’une part dans la tranchée Poncelet, d’autre part dans le boyau allant vers la tranchée des Grands’ Gardes. Les grenadiers du 10e B.C.P. effectuent rapidement une contre-attaque. Ils reprennent le terrain perdu.

 

Au cours de l’opération allemande, plusieurs fusées ont été envoyées pour demander un tir de barrage. Pareillement à la veille, l’artillerie française a mis dix bonnes minutes avant de réagir. C’est dans un compte rendu rédigé depuis le P.C. 5008 que le lieutenant-colonel Pineau exprimera son mécontentement pour ce retard et pour ce tir trop peu nourri.

 

Du côté allemand, l’artillerie déclenche un tir de barrage d’une grande violence aussitôt après ses assauts de nuit. Ses obus causent des pertes sensibles au 10e B.C.P..

 

carte 1 journee du 12 novembre 1916

 

 

Tout au long de la journée, les canonniers allemands effectuent un bombardement continu sur la 1ère ligne et sur la position de soutien. Ils utilisent régulièrement des obus de gros calibre. Le bombardement est particulièrement intense entre 7 h 00  et 11 h 00, aux alentours de 14 h 00 et vers 16 h 00. Plusieurs torpilles sont tombées sur le bois Bauer.

 

Les travaux de consolidation et de réfection des tranchées et des boyaux sont maintenus dans la zone occupée par la 85e brigade. Les dégâts sont importants.

 

Les hommes du 149e R.I. poursuivent la construction d’une sape offensive en avant de 916 k. Les patrouilles quotidiennes d’observation effectuent leurs missions.

 

Les Allemands réalisent des travaux au sud de 916 k et 916 h.

 

Dans la nuit du 12 au 13, des mouvements de relève s’effectuent dans le quartier C. Les 10e et 11e compagnies du 149e R.I. arrivent en 1ère ligne. La 2e compagnie du régiment quitte sa position. La 3e compagnie reste sur place.

 

Les 1ère et 2e compagnies sont en soutien à la Sucrerie et au Valet. La 9e compagnie est installée dans le secteur du bois du Tremble.

 

Le 2e bataillon du régiment est au repos à Harbonnières.

 

Le décompte des pertes du 149e R.I. pour cette journée s’élève à 5 tués et 3 blessés.

 

Seuls, deux noms ont été retrouvés sur le fichier des « Morts pour la France » du site « Mémoire des hommes ».

 

                                         Tableau des tués pour la journée du 12 novembre 1916

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « Sucrerie d’Ablaincourt (front novembre 1916) » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie d’un fonds privé appartenant à la famille Aupetit.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, à la famille Aupetit et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

2 juin 2023

Jean Alfred Besson (1894-1916)

Jean Alfred Besson

 

Jean Alfred Besson est né le 2 octobre 1894 au Val-d’Ajol, dans le département des Vosges.

 

Son père, Marie Antoni, 36 ans, est instituteur titulaire adjoint. Sa mère, Joséphine Appoline Lentsch, 23 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Jean est le second et dernier enfant du couple Besson.

 

En 1906, la famille Besson vit à Senones au 51 de la Grand’ Rue.

 

Senones - la Grande Rue

 

La fiche matricule de Jean Besson indique un degré d’instruction de niveau 4, ce qui signifie qu’il détient le brevet de l’enseignement primaire.

 

En 1914, Jean Besson est classé dans la 1ère partie de la liste du canton de Senones. Apte aux obligations militaires, il obtient un sursis pour la poursuite de ses études à l’École Normale de Nancy (article 21 de la loi du 7 août 1913).

 

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale, en août 1914, ne lui permet pas d’aller au bout de sa formation d’instituteur. Le 25, Jean Besson est incorporé au 170e R.I., un régiment qui tient garnison à Épinal.

 

Son niveau d’études l'autorise à suivre les cours donnés aux élèves caporaux. Durant cette formation, il apprend la mort de son frère René, sous-lieutenant au 3e B.C.P., tué sur le front belge.

 

Jean Besson est nommé caporal le 8 novembre 1914.

 

Le 2 janvier 1915, il est directement promu au grade d’aspirant sans être passé par le grade de sergent. Ce changement de statut entraîne rapidement sa mutation dans une nouvelle unité.

 

Seize jours plus tard, une note de service du général commandant la 21e région le fait affecter au 149e R.I..

 

Le 24 janvier 1915, l’aspirant Besson intègre la 26e compagnie du dépôt de sa nouvelle unité, installé à Rolampont depuis le mois de septembre 1914.

 

La durée de son passage dans ce dépôt reste inconnue. On sait simplement qu’il a été incorporé à la 12e compagnie lorsqu’il est arrivé au sein du régiment actif.

 

À cette époque du conflit, le 149e R.I. combat en Artois, près de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Le 26 avril 1915, l’aspirant Besson est touché par un éclat d’obus. Blessé à la hanche droite, il est pris en charge par les médecins de l’ambulance 7/21 installée à Hersin-Compigny. Le 27, le jeune sous-officier est évacué vers l’arrière.

 

Le lieu de son hospitalisation et la date de son retour au 149e R.I. ne sont pas connus. La seule certitude c’est que l’aspirant Besson a été affecté à la 3e compagnie du régiment après sa période de convalescence.

 

Le 4 novembre 1916, il est nommé sous-lieutenant à titre temporaire. Son régiment combat dans la Somme depuis le début du mois de septembre.

 

Le 11 novembre, les Allemands effectuent une attaque nocturne sur la tranchée Poncelet. Lors d’une contre-attaque, le sous-lieutenant Besson monte sur le parapet de la tranchée pour galvaniser ses hommes.

 

Sa citation nous apprend que lors de cette contre-attaque, le sous-lieutenant Besson « a été tué d’une balle de mitrailleuse en plein cœur alors qu’il était monté sur le parapet de la tranchée pour mieux surveiller les mouvements de l’ennemi et encourager les hommes ».

 

Pour en apprendre d’avance sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 1 journee du 11 novembre 1916

 

Dans un premier temps, le sous-lieutenant Besson est enterré au cimetière militaire d’Harbonnières (sépulture nº 1678).

 

Il repose actuellement dans la tombe n° 3391 de la Nécropole nationale de Lihons. Son frère est inhumé dans la Nécropole de Notre-Dame-de-Lorette (sépulture n° 10403).

 

Sepultures des freres Besson

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec palme

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 243 en date du 10 décembre 1916 :

 

« Jeune officier d’une grande bravoure, le 11 novembre 1916, au cours d’une attaque de nuit allemande, a été tué d’une balle de mitrailleuse en plein cœur alors qu’il était monté sur le parapet de la tranchée pour mieux surveiller les mouvements de l’ennemi et encourager les hommes, montrant ainsi un complet mépris du danger. »

 

Le sous-lieutenant Besson a été fait Chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume (J.O. du 17 octobre 1919).

 

René et Jean Besson sont restés célibataires et n’ont pas eu de descendance.

 

Leurs noms ont été gravés sur le monument aux morts de la commune de Senones

 

La généalogie de la famille Besson peut se consulter sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

La fiche matricule du sous-lieutenant Besson est vierge de toute information sur son parcours militaire et son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes est peu épais en raison de son jeune âge. Ils n’offrent donc pas la possibilité d’aller plus loin dans ce travail.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Contrôle nominatif du 3e trimestre 1915 du 149e R.I. des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires détenu par les archives médicales hospitalières des Armées de Limoges.

 

La fiche matricule du sous-lieutenant Besson, les actes d’état-civil de la famille Besson et les registres de recensements de la commune de Senones ont été lus sur le site des archives départementales des Vosges.

 

La photographie de la sépulture du sous-lieutenant Besson a été réalisée par B. Étévé.

 

La photographie de la sépulture du sous-lieutenant René Besson a été réalisée par T. Cornet.

 

Un grand merci à M. Bordes, à T. Cornet,  à B. Étévé, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes ainsi qu’aux archives départementales des Vosges.

26 mai 2023

11 novembre 1916

Deux du 149e R

 

Dans la soirée du 10 novembre, des mouvements de relèves ont été effectués dans la zone occupée par la 85e brigade. Le 3e B.C.P. a été intégralement remplacé par le 10e B.C.P.. Le 149e R.I. occupe toujours le quartier C.

 

Les compagnies de 1ère ligne du 10e B.C.P. et du 1er bataillon du 149e R.I se préparent à contenir une attaque allemande. Un prisonnier, capturé la veille, leur a fourni des informations sur cette opération.

 

Au début de la nuit du 10 au 11, les canons français procèdent à des tirs d’interdiction sur les débouchés probables de l’attaque ennemie.

 

Malgré ces tirs, vers 2 h 30, les Allemands lancent leur offensive à la grenade incendiaire et au flammenwerfer sur le barrage est du boyau couvert et sur la tranchée Poncelet.

 

Les artilleurs français transforment aussitôt leurs tirs d’interdiction en tirs de barrage. Ceux-ci resteront insuffisants pour contenir la progression allemande.

 

L’ennemi réussit dans un premier temps à occuper une bonne vingtaine de mètres de la tranchée Poncelet.

 

En un clin d’œil, une partie de cette tranchée s’enflamme sur une longueur de 50 m, forçant les occupants à se replier dans le boyau qui relie la tranchée Poncelet à la tranchée des Grands’ Gardes et dans le boyau des Pionniers.

 

Malgré la soudaineté et la violence de son attaque, l’ennemi ne parvient pas à se maintenir sur place.

 

Il a été rapidement repoussé par les tirs de grenades, les feux des mitrailleuses et la contre-attaque effectuée par des éléments du 10e B.C.P. et du 1er bataillon du 149e R.I..

 

Finalement, les Français ne perdent pas de terrain.

 

Carte 1 journee du 11 novembre 1916

 

 

L’artillerie allemande effectue un violent tir de barrage sur les positions françaises vingt minutes après le début de l’assaut de leur infanterie.

 

L’artillerie de campagne française réplique en exécutant un tir de  barrage continu, à cadence moyenne, jusqu’au petit jour. Elle tire également plusieurs obus en direction de la chapelle Saint-Georges ; elle tente ainsi de neutraliser les crapouillots qui gênent considérablement la première ligne française.

 

Le chef de corps du 149e R.I. demande un tir d’artillerie lourde sur le même objectif.

 

 Des ordres ont été donnés pour que le 1er bataillon du 149e R.I. soit à nouveau ravitaillé en grenades et en fusées.

 

Dans la matinée, le lieutenant-colonel Pineau rédige un compte-rendu complet sur l’opération allemande :

 

 « L’ennemi a dirigé, dans la nuit du 10 au 11 novembre, une vigoureuse attaque pour tenter de reprendre la tranchée Poncelet.

 

 Deux attaques ont été lancées simultanément vers 2 h 30.

 

 À droite : une fraction ennemie débouchant de Sébastopol et de 920 b a tenté d’aborder le petit poste des Germains. Un barrage de grenades à main a immédiatement enrayé sa progression et l’entrée en action des fusils mitrailleurs a dispersé la vague ennemie.

 

 À gauche : l’ennemi débouchant de 915 a a progressé dans la tranchée du Poncelet, précédé de flammenwerfer. Sa progression, impossible à arrêter par un barrage de grenades à main, a été complètement enrayée par un feu vif et précis de V.B., dirigé par le sous-lieutenant Robinet, commandant la 2e compagnie, qui, par son attitude énergique et ses habiles dispositions, réussit à sauver la situation.

 

Une section de mitrailleuses ouvrit alors le feu sur le boyau.

 

Pendant ce temps, le sous-lieutenant Besson, le sergent-major Grumbach, les sergents Rives et Petitseigneur, ralliant quelques hommes, contre-attaquaient, appuyés vigoureusement par une fraction de chasseurs du 10e B.C.P. commandée par un sous-lieutenant ; ils rejetaient l’ennemi de l’élément de tranchée où il avait pris pied.

 

Un aspirant allemand des pionniers de la garde a été tué vers 915 a. Plusieurs cadavres allemands se trouvent entre les lignes.

 

Nos pertes se chiffrent à 7 tués (dont un officier, le sous-lieutenant Besson de la 3e compagnie) et à 19 blessés dont 3 sous-officiers (les sergents Rives, Montenot et Labiste).

 

Le barrage d’artillerie français a été déclenché trop tard malgré les fusées nombreuses. Il a été ensuite trop peu nourri et insuffisant pour enrayer une attaque que seuls les feux de mitrailleuses et de V.B. ont pu faire échouer.

 

L’attaque allemande, que faisait pressentir un violent bombardement durant l’après-midi du 10, avait été dénoncée par un déserteur blessé du 20e I.R..

 

Des avions ennemis survolaient les lignes pendant toute l’action. »

 

Durant la journée, il y a eu peu de travaux en 1ère ligne du côté des Français, en raison de l’attaque de nuit.

 

L’ennemi semble s’activer dans la tranchée Sébastopol et au sud de 916 k.

 

Les pertes du 149e R.I. pour cette journée son évaluées à 7 tués et 25 blessés.

 

                            Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 11 novembre 1916

 

La situation sur le front reste tendue.

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/5.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

19 mai 2023

Alphonse Marie Gabriel Petit (1894-1915)

Alponse Marie Gabriel Petit

 

Alphonse Marie Gabriel Petit est né le 30 septembre 1894, au 3 rue des Meules, à  Chalon-sur-Saône, dans le département de Saône-et-Loire.

 

Son père, Alphonse Jules Raoul Fernand, 35 ans, est employé des chemins de fer. Sa mère, Gabrielle Félicie Prieu, 25 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Elle gère la maison familiale et l’éducation des enfants.

 

Alphonse est le cinquième d’une fratrie de 7 enfants, très proches les uns des autres. Leur sœur aînée, Juliette, est décédée à l’âge de deux mois.

 

Alphonse Petit effectue sa scolarité à l’école primaire publique, au centre des garçons de sa commune natale. Il suit ensuite les cours dispensés par l’école professionnelle de Chalon-sur-Saône, mais les études sont loin d’être son fort. Sa fiche matricule indique un degré d’instruction de niveau 2.

 

Il se passionne pour le dessin dès son plus jeune âge (son frère Gaston deviendra plus tard un artiste reconnu). Alphonse Petit est également un sportif confirmé spécialisé en gymnastique et en saut à la perche. En 1913, il devient champion de Bourgogne dans cette seconde discipline.

 

Quelques camarades

 

Alphonse Petit, surnommé Polo par ses proches, n’a pas encore fêté ses vingt ans lorsque le conflit contre l’Allemagne éclate en août 1914.

 

Classé dans la 1ère partie de la liste de l’année 1914 du canton de Chalon-Nord, il est déclaré « bon pour le service armée » par le médecin du conseil de révision. Alphonse Petit va devoir quitter son travail d’employé de commerce un peu plus tôt que prévu. En effet, l’armée française a besoin d’hommes pour alimenter ses régiments, elle appelle la classe 14 par anticipation.

 

Le 4 septembre 1914, le conscrit Petit intègre le 149e R.I. à Jorquenay, au nord-ouest de Langres. Le dépôt de ce régiment, initialement installé à Épinal, a dû quitter cette ville au début de la guerre pour venir s’installer dans ce village.

 

Les cantonnements sont effectués chez l’habitant. Ils s’avèrent être insuffisants pour loger l’intégralité de la classe 14. Le 21 septembre, les jeunes recrues nées en 1894 et l’équipe d’encadrement quittent Jorquenay pour venir s’installer à Rolampont, une commune voisine située à six kilomètres au nord.

 

La formation est dure. Les apprentissages sont faits à la hâte pour envoyer les hommes sur la ligne de front le plus rapidement possible.

 

Repéré par ses supérieurs, Alphonse Petit suit la formation des élèves caporaux durant son instruction. Le jeune homme est nommé à ce grade le 11 novembre 1914.

 

Le 23 avril 1915, le caporal Petit n’a toujours pas rejoint la ligne de front. Il écrit la lettre suivante à ses parents :

 

(Pour plus de clarté, l’orthographe et la ponctuation de cette correspondance ont été corrigées, seul le style a été conservé)

 

« Mon cher papa, ma chère maman,

 

Bien des nouvelles à vous annoncer. Je suis nommé, ainsi que tous mes camarades de la classe 14 qui n’ont pas encore été au feu, pour faire partie d’une compagnie de marche. Les caporaux et les sergents qui n’ont pas été au feu en font partie.

 

Nous allons partir pour Épinal demain afin de former la compagnie. Une fois sur le pied de guerre, nous allons nous entraîner pendant un mois et ½ à faire des manœuvres, en parfaite perfection, et de connaître tous nos hommes pour les avoir sur la main constamment et qu’ils connaissent à qui ils ont affaire.

 

Nous irons dans un grand centre, car je crois que nous resterons à Épinal. Si jamais j’avais la chance, comme la 1ère compagnie qui est déjà partie, de pouvoir aller à Lyon, je pourrais obtenir, de mon capitaine,  une permission de 48 heures, car nous ne serons plus dans la zone des armées.

 

Je suis content de partir avec lui, car c’est lui qui m’a fait mon instruction aux élèves caporaux et comme toutefois il est épatant, il s’appelle Mr de Chomereau de St André, ce n’est pas de la petite bière »

 

Alphonse Petit rejoint le 149e R.I. avec un groupe de renfort en mai 1915. Il est affecté à la 1ère compagnie du régiment. Cette unité combat en Artois, dans un secteur particulièrement exposé, près de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Correspondance famille Petit (1)

 

Alphonse Petit frôle la mort dès le jour de son baptême du feu. Le 29 mai 1915, sa compagnie, sous la direction du lieutenant Pierron, a reçu l’ordre de franchir le parapet après une longue attente dans les tranchées. L’ennemi est prêt à  recevoir cette compagnie…

 

Le fusil de notre soldat s’est brisé en deux au cours de l’attaque et une de ses cartouchières a été touchée par un éclat d’obus. Très chanceux, le jeune homme a probablement évité la blessure mortelle. Dès son retour vers l’arrière, il prend le temps de rédiger une lettre particulièrement émouvante.

 

« 1er juin 1915

 

« Chers Parents,

 

Je vais vous raconter en deux mots ma première rencontre avec les Boches.

 

Nous étions tout près des tranchées de premières lignes, prêts à relever les chasseurs à pied à 8 heures du soir. Nous voilà partis pour les relèves une fois après avoir pris position de la tranchée.

 

Nous attendons 24 heures et pendant cette nuit, nous guettions ces bandits à travers les créneaux. Le reste du temps, nous mangions et nous jouions aux cartes. Pendant ce temps, le lieutenant de la compagnie reçoit des ordres d’attaques.

 

Nous étions tous prêts à sauter la tranchée aux commandements du commandant qui était présent à nous voir partir à 2 heures du matin.

 

Trois fusées, lancées du poste de commandement, nous préviennent de partir. Nous posons tous nos sacs et le lieutenant commande en avant.  À ces mots,  tout le monde saute par dessus la tranchée. Nous n’avions pas fait 10 mètres que les mitrailleuses, les balles et les batteries d’artillerie allemandes commencent à nous canarder sans discontinuer.

 

Quel spectacle horrible ! Mes camarades commencent à tomber après avoir fait une 40ne de mètres. En avant, tout le monde est couché à terre, et surtout, dans les trous d’obus, nous laissons un instant l’élan prêt à repartir encore une fois.

 

C’est tout ! Le lieutenant tombe, le mollet enlevé par un éclat d’obus. Les 2 sous-lieutenants sons aussi tombés. Un mort et l’autre blessé au pied. Le lieutenant commande à maintes reprises pour que le suivant prenne le commandement, mais personne ne bouge.

 

Plus blottis dans nos trous d’obus, nous attendions que la fusillade finisse pour se rendre compte ou l’on se trouve. Impossible de bouger la tête, car à chaque instant, les balles boches sifflent à nos oreilles.

 

Nous attendions toute une journée, dans ces malheureux trous d’obus, que la nuit commence à venir, pour essayer de nous évader. Nous sommes dans une sale situation depuis les 2 h du matin que nous sommes à plat ventre dans la terre et rien à manger.

 

Petit à petit, avec nos outils portatifs  nous creusons une tranchée entre chaque trou d’obus. Nous sommes 3-4 par trous et nous essayons de nous réunir tant bien que mal.

 

Après avoir attendu toute la journée nous entendons creuser vers 9 du soir.

 

Nous appelons,  et à notre grande surprise, c’est le Génie français qui vient nous sortir de cette sale position. Nous n’attendions même pas qu’il soit vers nous.

 

Il leur restait une 60ne de mètres à creuser, mais tellement nous étions fatigués à être dans ce trou que d’un bond, nous sautions tous dans la tranchée qu’il creusait pour venir à nous. Quel soupir de soulagement que nous ne pouvions pas revenir, que nous étions sauvés, car nous étions prisonniers, et impossible de partir, car ces sales bêtes nous guettaient bien. Enfin, nous sommes sauvés.

 

Nous traversons toutes nos lignes. Nous allions en arrière, car sitôt que nous étions partis, nous étions remplacés par d’autres. Une fois arrivés, nous étions fourbus, vannés, car il y avait bientôt 3 jours et 3 nuits que nous ne dormions pas du tout et sur ces 3 jours, une journée sans manger. Enfin, nous voilà en repos en seconde ligne. Là, nous ne risquons pas d’attaquer, mais nous sommes assiégés par les obus.

 

Nous couchons sur la terre, dans ses anciennes tranchées prises aux Boches et nous sommes dévorés par les poux. Tout le monde en est garni.

 

Dans cette furieuse attaque, je suis passé à travers les balles, mais par contre, mon fusil a été coupé en deux et une de mes cartouchières aussi, par un éclat d’obus. J’ai perdu mes 2 musettes que j’avais sur moi ainsi que mon portefeuille et mon livret militaire. Je n’ai pas de chance, mais d’un côté, j’ai sauvé ma peau.

 

Nous avons perdu 80 hommes dans ma compagnie, dont les trois officiers. C’est par miracle que le reste en est sorti, car nous étions pris entre 3 feux.    

 

Nous ne sommes toujours pas relevés des tranchées, mais je pense que nous allons aller au repos pendant quelques jours.

 

J’avais un tas de choses boches comme souvenir, mais j’ai été obligé de les laisser, car s’y j’avais été prisonnier, les bandits m’auraient fusillé.

 

J’ai aussi un chandelier qui sort du château de Noulette. Il est parti de là, mais il sera trouvé dans une tranchée que les Boches avaient laissée, après avoir pillé le château.

 

Tu feras lire la lettre à Gaston, car j’ai sommeil et je vais me coucher.

 

Et comme je n’aime pas écrire, tu fais la même chose, tu lui feras parvenir. Sitôt que je serai en repos, je vous écrirai une pareille lettre.

 

Mille baisers à toute la famille. Ton fils qui t’embrasse bien fort. »

 

Dans ce courrier, Alphonse Petit n’a pas tout raconté concernant les conditions de sa vie de soldat. Quand il écrit à son frère, il est beaucoup plus clair. Il raconte certains repas pris à proximité de cadavres à moitié décomposés qui font parfois office de chaise ; une telle scène aurait probablement rempli d’effroi sa mère si elle avait été informée de cette situation peu ragoûtante !

 

« Copie d’une lettre de Polo datée du 7 juin 1915,

 

Mon cher Gaston,

 

Sans prendre le temps de recevoir ton colis, je réponds à ta lettre aussitôt. J’ai envoyé à maman une grande lettre ou je lui raconte ma première attaque contre les Boches. Je lui ai dit qu’elle te la communique et tu jugeras un peu quelle veine j’ai eue de m’en sortir. Je suis aussi proposé sous-off pour la première place qu’il y aura à la compagnie, pour mon courage et ma fermeté que j’ai eus envers les hommes à réoccuper une tranchée que les Boches avaient abandonnée.

 

Il est vrai que personne ne voulait s’aventurer à la réoccupation de cette tranchée. Je fis une patrouille, puis une fois sûr qu’il n’y aurait pas de danger, toute la section entre en sa possession.

 

Le commandant me fit des félicitations devant toute la compagnie en me disant que la prochaine fois,  je serai cité à l’ordre du jour.

 

Pour le moment, nous sommes au repos à 8 km en arrière où nous faisons un petit exercice matin et soir.

 

Je me porte toujours très bien. J’oubliais de te dire que le soir, une fois la tranchée réoccupée, le x régiment devait attaquer.

 

Nous étions soutien à notre gauche. Une fois l’heure de l’attaque, nous formions une équipe de grenadiers, mais pas un n’a voulu marcher, car c’est la plus sale place. Ils sont placés à l’endroit où doit partir l’attaque, de manière à arroser les Boches de grenades dans leurs tranchées. Alors, je fais ni une ni deux, à l’heure juste de l’attaque, je me place derrière le pare-éclats qui nous sépare des Boches et je commence à les arroser de grenades en tout genre, cela m’a valu encore une bonne note.

 

Pour la 1ère fois que je montais aux tranchées, mes chefs me feront bien des félicitations. C’est tout ce que j’avais à te dire pour le moment et sitôt que j’aurai reçu ton paquet je t’écrirai à moins que je ne sois remonté aux tranchées.

 

C’est la plus sale vie qu’un homme peut mener. Nous sommes remplis de poux, nous restons pendant 8 jours sans nous laver même les mains. Nous mangeons autour des cadavres à moitié pourris, parfois même ils nous servent de chaise.

 

Toi qui es minutieux, je ne voudrais pas te voir avec nous. Ta lettre, que je viens de recevoir, a mis deux jours et celles de Chalon mettent vingt jours. Tu vois d’ici la correspondance que je peux avoir chez nous. À peine deux lettres par mois, alors tu me feras plaisir d’écrire un peu plus souvent. Ton frère qui t’embrasse bien fort. »

 

Le 25 juin, le général Guillemot le fait citer à l’ordre de la brigade pour son courage au cours d’un violent bombardement dans le secteur du fond de Buval. Le caporal Petit a le droit de porter la croix de guerre avec une étoile de bronze. Le jour même, il peut coudre ses galons de sergent sur sa Poiret.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe à une attaque d’envergure impliquant l’ensemble de la 43e D.I.. Il faut absolument prendre le bois en Hache à l’ennemi.

 

Cette fois-ci, la chance n’est pas au rendez-vous. Le sergent Petit est tué le lendemain au cours d’une charge menée par sa compagnie. Ses hommes l’enterrent sur place.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

En memoire de Merieux, impressions septembre 1915

 

Le 4 octobre 1915, les deux témoins oculaires, les sergents-fourriers André Devineau et André Gérardin, confirment la mort du sergent Petit auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I.. L’acte de décès est transcrit à la mairie de Chalon-sur-Saône le 20 mars 1916.

 

Correspondance famille Petit (2)

 

Le 16 octobre 1915, le sous-lieutenant Guyon rédige une lettre adressée au frère du sergent Petit.

 

« J’ai bien reçu votre lettre du 8 octobre. J’étais en effet en bonne amitié avec votre frère, le sergent Petit.

 

Malheureusement depuis quelque temps nous étions séparés, lui étant au 1er  bataillon et moi au 3e.

 

Je n’ai su ainsi sa mort qu’accidentellement ; elle m’a fort peiné, car je considérais Petit comme un brave garçon et un ami sincère.

 

Je ne sais pas grand-chose sur les circonstances de cet accident ; mais je suis bien certain qu’il est tombé en brave, et bien face à l’ennemi, en accomplissant tout son devoir.

 

Il a toujours été un exemple d’énergie et de bravoure à ses camarades et il a été toujours très estimé de ses chefs. 

 

Son avancement avait été rapide et il pouvait espérer monter encore.

 

Le 149e R.I. perd beaucoup en lui ; ses camarades et ses chefs le regretteront toujours.

 

Monsieur Baverey qui est au 1er bataillon va s’enquérir des circonstances qui entourèrent sa mort. Dès qu’il saura quelque chose, il vous en fera part.

 

Recevez, Monsieur, avec mes plus sincères condoléances, mes salutations très distinguées 

 

R. Guyon » 

 

La réponse du sous-lieutenant Baverey ne se fait pas attendre. Le 21 octobre 1915, il écrit ceci à  Gaston Petit.

 

« Cher ami,

 

Après renseignement pris auprès des camarades qui ont assisté aux derniers instants de votre malheureux frère, je puis vous dire qu’au moment de l’attaque, il n’a pas été possible de ramener le corps à l’arrière.

 

Ses camarades ont creusé au-devant du parapet de la tranchée une fosse qui conservera les restes de celui que le devoir a perdu. Il sera extrêmement douloureux pour vous de ne pas avoir d’autres détails, mais il m’est absolument interdit de vous décrire d’une façon précise cet endroit ; que le hasard me permette de revenir et de pouvoir vous donner tous les renseignements désirables.

 

De tout cœur avec vous, je vous envoie mes affectueuses salutations.

 

Henri Baverey. 4e compagnie du 149e R.I.. »

 

Aphonse Petit- le bois en Hache

 

Les restes mortuaires du sergent Petit, s’ils ont été retrouvés, n’ont pas été identifiés. Il y a de fortes probabilités pour qu’ils reposent dans un des ossuaires de la Nécropole de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Alphonse Petit a été décoré  de la Croix de guerre avec une étoile de bronze et une étoile d’argent

 

Citation à l’ordre de la brigade n° 11 en date du 25 juin 1915

 

« Le 16 juin 1915 a montré sous le bombardement d’une extrême violence du fond de Buval, un sang froid et un mépris du danger qui en ont imposé à ceux qui l’entouraient et les a maintenu sur place. »

 

Le sergent Petit a obtenu la Médaille militaire à titre posthume.

 

« Sous-officier d’une bravoure réputée. Toujours au premier rang dans les moments difficiles. Tombé glorieusement le 26 septembre 1915, devant Angres. Croix de guerre avec étoile d’argent. »

 

Sepulture famille Petit

 

Le nom de ce sous-officier a été gravé sur le monument aux morts de la ville de Chalon-sur-Saône. Il a également été inscrit sur la tombe familiale au cimetière communal de Mellecey.

 

Alphonse Petit  ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Pour consulter la généalogie de la famille Petit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Quelques années plus tard, Gaston Petit se rend en Artois avec des indications très précises fournies par des vétérans du 149e R.I. sur l’endroit où son frère est tombé. Malheureusement pour sa famille, il n’a trouvé aucune trace de sépulture.

 

Sources :

 

La fiche matricule du sergent Petit et les registres d’état civil  de sa fratrie ont été consultés sur le site des archives départementales de la Saône-et-Loire.

 

La correspondance du sergent Petit avec sa famille, les lettres des sous-lieutenants Baverey et Guyon, le cadre avec son portrait et les photographies présentées ici sont la propriété de K. Isker, petit neveu du sergent Alphonse Petit.

 

La photographie du bois en Hache a été réalisée par T. Cornet.

 

Le cliché de la sépulture familiale a été réalisé par K. Isker.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet,  à K. Isker, à M. Porcher, aux archives départementales de la Saône-et-Loire et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

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