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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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29 décembre 2023

Février 1915 – un épisode tragique parmi tant d’autres sur le front d’Artois

Sur le front de Lorette - janvier et fevrier 1915

 

La zone occupée par le 149e R.I. dans la région de Noulette, en janvier et février 1915, reste particulièrement dangereuse. Les bombardements réguliers et les fusillades quotidiennes tuent presque chaque jour.

 

Pour preuve, le commandant Laure, sous le pseudonyme de Henri René, évoque, dans son livre « Jours de Gloire, jours de Misère… », les évènements tragiques entourant la mort de deux de ses officiers subordonnés, les sous-lieutenants Colnenne et Baranger qui ont été enterrés dans le petit cimetière de Sains-en-Gohelle.

 

« À Noulette, où nous entrons en secteur à la fin de janvier, ce n’est guère plus brillant. Sur la plus grande partie de notre front, nos tranchées sont à contre-pente, sur les flancs de Lorette ou de la petite crête de Buval, et le fleuve de boue y descend comme en un déversoir.

 

Devant nos fils de fer gisent encore des cadavres de la malheureuse attaque du 17 décembre, au milieu d’un cloaque où les plus héroïques ne peuvent s’avancer. Dès que nous cherchons à faire sortir des hommes pour tenter d’accomplir un pieux devoir d’ensevelissement, ils sont fusillés à bout portant.

 

Quelle cruelle vision ! Plus bas, le « bois des Boches » est un marécage sur toute son étendue. On y patauge dans l’eau, c’est glacial et pénétrant. Il faut la santé de fer que nous avons acquise dans nos épreuves pour n’y risquer que la fatale gelure et n’y contracter aucune de ces maladies dont les courants d’air ou l’humidité nous faisaient redouter l’emprise… avant la guerre.

 

Lutte incessante contre l’envahissement des eaux. Les gabions, les claies, les fascines, les sacs-à-terre sont impuissants à dresser contre elles des remparts, et les travaux d’aménagement les plus soigneusement conduits n’aboutissent qu’à de nouvelles cataractes.

 

Je me souviens d’un triste réveil. On nous avait fait exécuter, au cours de la nuit, plusieurs démonstrations par le feu, sans doute pour donner le change sur des mouvements de relève s’effectuant en d’autres points du front.

 

Au jour, l’ennemi se venge et nous écrase sous une trombe de minen. C’est le moment où nous circulons pour assurer « la toilette de la tranchée ».

 

Presque tout le monde est dehors. Les pertes sont en quelques instants très élevées. Le sous-lieutenant C… de la 10e, a été projeté à 10 mètres au loin et gît, informe, dans un bourbier infect d’où nous ne pourrons le retirer qu’à la nuit.

 

Le sous-lieutenant B…, celui que nous aimions à appeler « l’Invulnérable », a reçu une bombe dans les jambes. Il est déchiqueté et ce sont des lambeaux, plutôt qu’un corps humain, que nous voyons emporter sur un brancard sanglant. Il a conservé toute sa connaissance.

 

Le lendemain matin, en descendant du secteur, nous nous rendons directement à la petite chapelle de l’ambulance à la «Fosse 10 » qui est notre cantonnement de repos.

 

Les deux cercueils de nos camarades, dans leur modeste encadrement de cierges, attendent les derniers honneurs. Sur chacun, le drap aux trois couleurs et la banale couronne commémorative que l’on trouve – hélas ! – si facilement à se procurer dans toutes les localités du front.

 

Les vareuses maculées de boue et de sang laissent tomber leurs manches à jamais vides.

 

Celle du sous-lieutenant B…, porte, au côté gauche ; le rouge éclatant de la croix de la Légion d’honneur qui vient de lui être décerné sur son lit d’agonie.

 

Figées dans un « garde-à-vous » le plus respectueux, huit statues d’argile veillent les corps. Des deux sections en deuil, ce sont les huit meilleurs braves, et les plus fidèles.

 

De leurs postes d’écoute avancés, ils sont venus directement à ce poste d’honneur, où l’émotion leur fait oublier les fatigues de plusieurs nuits d’insomnie.

 

À l’autel, un prêtre-soldat a revêtu l’aube blanche par-dessus ses effets sordides. Un brancardier l’assiste. Et ce sont des soldats aussi qui, le missel en main, psalmodient tristement le « Dies iræ » disant le bouleversement des cieux et de la terre. : Quanto cœli movendi sunt, et terra…

 

Et ce sont des guerriers, farouches dans leur haine, qui appellent sur nos défunts le repos bienfaisant de la paix : Requiescant in pace…

 

Au cimetière, les trous béants attendent leurs victimes, et deux croix vont s’ajouter encore au long alignement où les chefs, où les troupiers, où les riches, où les pauvres, où les pères, où les époux, où les fils confondent leur destinée suprême.

Le commandant dit nos adieux. La voix tremble dans ses larmes et se raffermit tout à coup lorsqu’il évoque la nécessaire, l’inévitable vengeance : « Adieu, chers amis, nous ne vous oublierons pas ! »

 

Le cortège se disperse lentement.

 

Maintenant, c’est la joie qu’on ne peut réfréner, de trois jours de repos en perspective.

 

Et dans la grande allée des corons populeux, la musique du régiment répète un air de valse… »

 

Pour en savoir plus sur la vie du sous-lieutenant Colnenne, cliquez sur l'image ci-dessous.

 

Edmond Joseph Colnenne

 

Pour en savoir plus sur la vie du sous-lieutenant Baranger, cliquez sur l'image ci-dessous.

 

Paul Marie Auguste Baranger

 

Sources :

 

« Jours de gloire, jours de misère… », livre d’Henri René. Éditions Perrin. 1917.

 

Le portrait du commandant Laure est extrait de l’encyclopédie libre  « Wikipédéa ».

 

Un grand merci à M. Bordes,  à F. Amélineau, à A. Carobbi et à la famille descendant du commandant Laure. 

22 décembre 2023

Paul Marie Auguste Baranger (1885-1915)

Paul Marie Auguste Baranger

 

Paul Marie Auguste Baranger est né le 27 août 1885 au Thillot, dans les Vosges.

 

Son père, Auguste Jean Baptiste, gendarme à cheval, a 28 ans à sa naissance. Sa mère, Marie Appoline Michel, 26 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle.

 

Paul Marie Auguste Baranger est l’aîné d’une fratrie composée de trois filles et trois garçons.

 

Genealogie famille Baranger

 

Paul poursuit ses études après avoir terminé sa période de scolarité obligatoire. Ses parents l’envoient dans une des six écoles d’enfants de troupe française afin qu’il puisse, outre l’enseignement, recevoir une formation militaire dès son plus jeune âge.

 

Le jour de son 18e anniversaire, Paul Baranger signe un engagement volontaire de 5 ans qui le conduit au 149e R.I., un régiment qui tient garnison à Épinal.

 

Paul Baranger est nommé caporal le 8 avril 1904, puis sergent le 11 mars 1905. Le 1er juin 1907, il occupe les fonctions de plume de sergent fourrier.

 

Le 1er octobre, le jeune sous-officier commence un stage à l’école de tir du camp militaire de Valbonne, stage qui dure jusqu’au 17 novembre 1907. De retour à la caserne Courcy, il reprend ses fonctions de sergent de compagnie à partir du 2 décembre.

 

Le 2 avril 1908, le sergent Baranger renouvelle son contrat pour une durée de deux ans à compter du 27 août 1908.  Le 16 mai 1910, il est à nouveau sergent fourrier.

 

Paul Baranger signe un troisième contrat le 7 juillet 1910 pour une période de trois ans à compter du 27 août 1910.

 

Le 9 avril 1912, il épouse Julia Alphonsine Aline Détat à Hadol. L’année suivante, le couple donne naissance à un fils.

 

Le 29 juillet 1913, le sergent fourrier Baranger contracte un nouvel engagement de trois ans commençant le 27 août 1913. Le 1er octobre, il est promu sergent-major.

 

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare officiellement la guerre à la France. Paul Baranger participe à toutes attaques commises ou subies par son régiment jusqu’à sa mort. Il est présent au col de Sainte-Marie, à Abreschviller, à Ménil, Thiaville et Saint-Benoît, à Souain, à Notre-Dame-de-Lorette et en Belgique.

 

En raison de lourdes pertes en sous-officiers, il est nommé adjudant le 1er septembre 1914.

 

Le 24 octobre 1914, Paul Baranger est cité à l’ordre du corps d’armée pour son courage et sa conduite à diriger ses hommes lors d’une attaque nocturne. Durant cette phase du conflit, le 149e R.I. occupe un secteur à proximité du bois de Bouvigny, au nord-ouest d’Ablain-Saint-Nazaire, dans le Pas-de-Calais.

 

Le 17 novembre 1914, l’adjudant Baranger est nommé officier. Il commande une section de la 11e compagnie du 149e R.I. (aucun document ou note dans son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes ne révèlent le numéro de sa compagnie avant cette date).

 

Début décembre 1914, le régiment spinalien reçoit l’ordre de quitter la Belgique pour rejoindre le front d’Artois.

 

Le 12 février 1915, le 3e bataillon du 149e R.I. couvre le secteur de 1ère ligne entre le bois des Boches et le bois 8 à proximité de Noulette. La 11e compagnie aménage sa position. La section du sous-lieutenant Baranger occupe une tranchée endommagée par l’artillerie ennemie et qu’il faut remettre en état. Les Minenwerfer entrent en action. Un projectile explose à proximité de l’officier. Paul Baranger est touché aux deux jambes et au bras droit. Ses blessures sont très graves. Malgré la douleur, il continue à prodiguer conseils et recommandations à ses hommes jusqu’à ce qu’une accalmie permette son évacuation. Il est transporté toujours conscient, sur sa civière. Le sous-lieutenant Baranger meurt peu de temps après son arrivée à l’ambulance n° 3 du 21e C.A. installée à Sains-en-Gohelle.

 

Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 11 fevrier 1915

 

Le commandant Laure, sous le pseudonyme d’Henri René, évoque les circonstances de la mort du sous-lieutenant Baranger dans son ouvrage « Jours de Gloire, jours de misère… » 

 

« Le sous-lieutenant B…, celui que nous aimions à appeler l’Invulnérable, a reçu une bombe dans les jambes. Il est déchiqueté et ce sont des lambeaux, plutôt qu’un corps humain, que nous voyons emporter sur un brancard sanglant. Il a conservé toute sa connaissance… »

 

Deux jours après la mort du sous-lieutenant Baranger, le lieutenant-colonel Gothié inscrit dans le feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant : « Sergent-major au début de la campagne, a été promu successivement adjudant et sous-lieutenant à titre temporaire pour faits de guerre. Cité à l’ordre du 21e C.A. pour sa belle conduite à Notre-Dame-de-Lorette. Le sous-lieutenant Baranger est le vrai type de soldat qui s’impose à ses subordonnés. »

 

Paul Baranger a été inhumé dans un premier temps dans le cimetière communal de Sains-en-Gohelle. Il repose actuellement dans le cimetière de Grand, commune du département des Vosges.

 

Sepulture famille Baranger

 

Le sous-lieutenant Baranger a reçu les décorations suivantes :

 

Croix de guerre avec une étoile  de vermeil :

 

Citation à l’ordre général n° 27 du 21e C.A. en date du 22 octobre 1914 :

 

« Au cours d’un combat de nuit sous bois, a maintenu sous le feu et a réussi à porter en avant sa section qui, sous une rafale à bout portant, avait perdu, d’un seul coup, la moitié de son effectif. A continué le lendemain la progression à travers bois, en tirant à bout portant sur les tirailleurs ennemis et a ainsi grandement contribué à assurer le succès du détachement. »

 

Légion d’honneur à titre posthume (publication dans le J.O. du 6 mars 1915).

 

« Blessé grièvement aux deux jambes et au bras droit, le 12 février, en parcourant un élément de tranchée bouleversée par les bombes ; a donné à ses hommes le magnifique exemple de son stoïcisme et de l’élévation de ses sentiments, continuant ses conseils et précisant ses recommandations jusqu’à ce qu’une accalmie dans le bombardement ait permis son évacuation. Officier d’une bravoure à toute épreuve ayant pris part à tous les combats du régiment depuis le début de la campagne et y ayant fait montre des plus remarquables qualités dans le commandement de sa section. »

 

Monuments aux morts de Paris, d'Hadol et de Chantraine

 

Le nom du sous-lieutenant Baranger a été inscrit sur les monuments aux morts des communes d’Hadol, de Chantraine et de Paris. Il est également gravé sur une plaque commémorative de l’église d’Hadol et sur l’anneau de mémoire de Notre-Dame-de-Lorette. Une plaque commémorative est également présente dans la basilique de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Julia Alphonsine Aline Detat perçoit une pension de 1400 francs à compter du 13 février 1915 (J.O. du 1er novembre 1915) pour le décès de son mari.

 

Le 14 août 1918, selon le jugement du tribunal civil d’Épinal, son fils est adopté par la Nation.

 

Julia Alphonsine Aline Detat se remarie le 24 juillet 1924 avec René Baranger, un des frères du sous-lieutenant Baranger, avec qui elle aura une fille.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Fiche matricule lue sur le site des archives départementales des Vosges.

 

La photo de la sépulture du sous-lieutenant Baranger est un envoi de T. Cornet.

 

« Jours de gloire, jours de misère… », livre de Henri René. Éditions Perrin. 1917.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à  T. Cornet, à M. Porcher, à T. Vallé, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

15 décembre 2023

Edmond Joseph Colnenne (1880-1915)

Edmond Joseph Colnenne

 

Edmond Joseph Colnenne est né le 13 décembre 1880 à Gruey-lès-Surance, petite commune du département des Vosges. Son père, Juste, 36 ans et sa mère, Marie Sophie Villemin, 23 ans, sont agriculteurs.

 

Edmond est le second d’une fratrie composée de cinq garçons et deux filles.

 

En 1896, les Colnenne sont installés à Escles, village situé à environ 10 kilomètres au nord de Gruey-lès-Surance.

 

Genealogie famille Colnenne

 

La fiche matricule d’Edmond Colnenne mentionne un degré d’instruction de niveau 4, indiquant ainsi qu’il est titulaire du brevet d’enseignement primaire.

 

Ce diplôme lui permet de suivre une formation d’enseignant (Edmond est le seul des frères à poursuivre des études après la scolarité obligatoire).

 

Enregistré sous le n° 71 du canton de Darney, il est déclaré « bon dispensé par l’article 23 de la loi du 15 juillet 1889 ». Cette dispense découle de l’engagement qu’il a signé avec l’état l’obligeant à exercer le métier d’instituteur pendant au moins 10 ans.

 

Le 14 novembre 1901, le jeune homme rejoint le 149e R.I, un régiment stationné à Épinal.

 

Son statut d’instituteur lui permet d’accéder au grade de caporal le 20 septembre 1902, le  jour de sa libération du service militaire.

 

Après avoir passé plus de dix mois à la caserne Courcy, certificat de bonne conduite en main, il apprend qu’il est nommé à Golbey pour reprendre l’enseignement.

 

Le 16 juin 1903, Edmond Colnenne est promu sergent. Il est également certifié chef de section de réserve.

 

De retour à la caserne Courcy, il doit effectuer sa 1ère période d’exercice en tant que dispensé de l’article 23 ; il revêt donc à nouveau l’uniforme de caporal du 25 août au 20 septembre 1904. Il est ensuite transféré dans la réserve de l’armée active à compter du  1er novembre.

 

Edmond Colnenne épouse Marie Pauline Jeanne Villemin le 14 janvier 1906 à Ville-sur-Illon, commune des Vosges.

 

En octobre 1908, il quitte l’école de Golbey pour enseigner à Bouzemont.

 

Compte tenu de sa situation professionnelle, il n’est pas obligé d’effectuer sa 2e période d’exercice.

 

Marguerite Marie Mathilde, fille unique de la famille Colnenne, naît en juillet 1911.

 

En août 1914, Edmond Colnenne enseigne encore à Bouzemont, lorsqu’éclate le premier conflit mondial du XXe siècle.

 

Il entre en campagne le 2 août comme sergent au 349e R.I.. Il a d'abord servi comme instructeur au dépôt, mais a ensuite soumis une demande écrite de promotion au grade d’officier. Cette demande a été approuvée par ses supérieurs. Par décret présidentiel du 24 novembre 1914, Edmond Colnenne est nommé temporairement sous-lieutenant de réserve pour la durée de la guerre.

 

Le sous-lieutenant Colnenne part au  front le 12 décembre 1914. Il est affecté à la 10e compagnie du 149e R.I.. Il s’est habitué à la discipline depuis qu’il a commencé à exercer son métier. C’est un excellent commandant de section, qui se distingue, parmi ses subordonnés, par son sérieux, son calme et sa forte personnalité.

 

Le 12 février 1915, l’ancien instituteur vosgien est victime d’une violente explosion dans une tranchée de 1ère ligne, près de Noulette, dans le Pas-de-Calais. Edmond Colnenne est tué sur le coup par un obus de Minewerfer. Ses hommes doivent travailler dur pour sortir son corps des décombres.

 

Pour en apprendre d’avance sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 11 fevrier 1915

 

Le commandant Laure, sous le pseudonyme d’Henri René, rappelle les circonstances de la mort du sous-lieutenant Colnenne dans son livre « Jours de Gloire, jours de misère… » 

 

« Au jour, l’ennemi se venge et nous écrase sous une trombe de minen. C’est le moment où nous circulons pour assurer « la toilette de la tranchée ». Presque tout le monde est dehors. Les pertes sont en quelques instants très élevées. Le sous-lieutenant C… de la 10e, a été projeté à 10 mètres au loin et gît, informe, dans un bourbier infect d’où nous ne pourrons le retirer qu’à la nuit. »

 

Peu de temps après la mort d’Edmond Colnenne, le lieutenant-colonel Gothié, chef de corps du régiment, écrit ceci dans le feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant : 

 

« A continué à se montrer bon chef de section, courageux et intrépide au feu. A été tué dans les tranchées de 1ère ligne en avant de Noulette le 12 février 1915.»

 

Sa fille fut déclarée pupille de la nation par décision du tribunal de Méricourt à partir du 11 juillet 1918.

 

Le sous-lieutenant Colnenne est aujourd’hui inhumé au cimetière municipal de Ville-sur-Illon.

 

Sepulture famille Colnenne

 

Décorations obtenues :

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 52 en date du 22 février 1915  (J.O. du 21 mars 1915) :

 

« Le 12 février 1915, au cours d’un violent bombardement sur la tranchée occupée par sa section, s’est porté sur le point où tombaient la plupart des coups, afin d’observer la nature d’un projectile qui venait d’y arriver sans éclater ; y a été atteint d’un nouveau projectile, tué et enseveli sous les décombres de l’explosion. »

 

Légion d’honneur à titre posthume (publication dans le J.O. du 22 juin 1920).

 

Le nom de cet officier a été inscrit sur les monuments aux morts des communes de Bouzemont, d'Escles et de Ville-sur-Illon. Il est également gravé sur la plaque commémorative de l'église Saint-Paul de Ville-sur-Illon et sur l'anneau de mémoire de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Monuments aux morts de Ville-sur-Illon, de Bouzemont et d'Escles

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche matricule, les actes d’état civil et les registres de recensements des communes de Gruey-lès-Suranges et d’Escles ont été lus sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Le cliché représentant le caveau familial, envoyé par T. Cornet, a été réalisé par un photographe appartenant au « Souvenir Français » du département des Vosges.

 

Les photographies des monuments aux morts des communes de Bouzemont, d'Escles et de Ville-sur-Illon proviennent du site « les monuments aux morts – université de Lille. »

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

8 décembre 2023

Du 11 au 18 février 1915

Le chateau de Noulette - dessin realise par Hyppolyte Journoud

 

Le 149e R.I. occupe, depuis plusieurs semaines, la même zone entre le bois des Boches et le bois 8.

 

Les mouvements de relèves suivent toujours le même schéma. Chaque soir, à partir de 17 h 00, deux bataillons du régiment alternent entre la 1ère ligne et la 2e ligne, tandis que le troisième reste au repos à la fosse 10 pendant 3 jours consécutifs.

 

Tableau des releves durant la periode allant du 11 au 18 fevrier 1915

 

Si une attaque à grande échelle n’est pas prévue par l’E.M. français, le secteur n’en reste pas moins dangereux. Les tirs d’artillerie sont intenses et les échanges de coups de feu entre les fantassins allemands et les Français font consommer de grandes quantités de munitions de part et d’autre.

 

La liaison du régiment se fait à droite avec le 360e R.I. et à gauche avec le 158e R.I..

 

11 février 1915

 

Tout au long de la nuit, une fusillade assez intense se déroule sur l’ensemble de la ligne de front occupée par le 149e R.I., sa compagnie de droite étant la cible privilégiée des tireurs allemands.

 

Entre 9 h 00 et 11 h 00, les canons allemands de 77, 105 et 150, installés dans le secteur d’Angres, ouvrent le feu sur Marqueffles et sur le château de Noulette.

 

La construction des abris se poursuit. Les tranchées sont améliorées. Les pionniers approfondissent la tranchée de 1ère ligne dans le sous-secteur de droite afin que les hommes puissent y circuler debout en toute sécurité. Ils n’ont pas eu le temps de placer les défenses accessoires. Quarante hérissons sont emportés dans la soirée par le bataillon de relève pour être placés en avant des tranchées pendant la prochaine nuit.

 

Carte journee du 11 fevrier 1915

 

12 février 1915

À 7 h 30, les Allemands ont répondu à une attaque d’artillerie ordonnée par les Français par des tirs d’artillerie nourris. De nombreux projectiles allemands tombent à la haie G, à  Marqueffles, aux bois 4 et 2, à Noulette et sur la route d’Arras.

 

Au même moment, la tranchée de 1ère ligne occupée par le 149e R.I. est bombardée par des torpilles de gros calibre. 

 

Les dégâts matériels sont importants ; ils se situent entre les haies 1 et 2 et à la tranchée occupée par la compagnie du centre du 149e R.I.. La tranchée a été coupée en deux endroits. Il est impossible de communiquer entre les trois parties ainsi constituées.

 

Le temps est brumeux. Il est difficile de distinguer quoi que ce soit du côté de l’ennemi.

 

Les pionniers et les grenadiers s’efforcent de restaurer la tranchée coupée en trois tronçons par les torpilles ennemies. Ce travail doit se poursuivre durant toute la nuit.

 

Un emplacement pour installer un canon de 58 mm est en cours de préparation.

 

Le sous-lieutenant Colnenne, de la 10e compagnie, le sous-lieutenant Baranger de la 11e compagnie, et trois hommes de sa compagnie sont tués ce jour-là. Six hommes ont été blessés.

 

13 février 1915

 

La nuit est plutôt paisible. La compagnie de gauche du 149e R.I. signale avoir vu ce matin, vers 5 h 00, la relève allemande sur laquelle la 1ère ligne a tiré pendant un quart d’heure.

 

Une batterie de 77, extrêmement gênante pour les communications et les travaux, tire aux abords de la haie G, entre 9 h 00 et 11 h 00 et de 13 h 00 à 15 h 00. Les tirs sont concentrés sur la zone occupée par la compagnie de droite du 149e R.I..

 

Les travaux n’avancent pas. Les travailleurs s’attachent à la réparation des tranchées et des boyaux qui ont été inondés et détruits par les intempéries.

 

L’ennemi travaille jour et nuit au sud de la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette et du chemin d’Ablain. Plusieurs pelletées de terre sont visibles autour de t1 et t2. L’ennemi avance activement devant la compagnie de gauche. Ils construisent une nouvelle tête de sape que les Français appellent t0.

 

14 février 1915

 

Chateau de Noulette (photographie 1)

 

Plusieurs échanges de tirs ont lieu dans la nuit.

 

De 15 h 00 à 15 h 30, le château de Noulette est lourdement bombardé. Une partie des ruines du château s’effondre. Une cave est percée, où se trouvent deux sections de la 4e compagnie du 149e R.I.. Les pertes sont sensibles.

 

Après cet évènement tragique, le lieutenant-colonel Gothié écrit à son supérieur :

 

« J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’à la suite d’un violent bombardement de Noulette et du château, une partie des ruines de cet édifice vient de s’écrouler, défonçant une des caves où se tiennent actuellement deux compagnies du bataillon de 2e ligne.

 

La cave défoncée contenait deux sections de la 4e compagnie (capitaine Altairac) qui ont été complètement ensevelies.

 

J’ai envoyé de suite deux équipes de travailleurs avec pelles et pioches pour les dégager et ai demandé aussitôt le concours de l’artillerie pour arrêter le feu ennemi.

 

On a pu retirer jusqu’à présent le sous-lieutenant Damideau, blessé à la tête avec le poignet gauche foulé et une forte commotion qui fait réserver le diagnostic, neuf blessés plus ou moins contusionnés, mais qui paraissent pouvoir s’en tirer, deux cadavres de soldats. Seize hommes manquent encore à l’appel.

 

Les travaux de déblaiement continuent avec la plus grande activité. Deux équipes se relayant en permanence de jour et de nuit.

 

Le reste du château menaçant ruine, je donne des ordres pour le faire évacuer complètement. »

 

Le colonel Guillemot, responsable de la 85e brigade, se rend sur place pour évaluer la situation.

 

Le sergent Paul Monne fait allusion à cet accident dans un témoignage consultable en cliquant sur l’image suivante.

 

Paul Monne - du côté de Notre-Dame-de-Lorette

 

Le 149e R.I. signale une forte activité de l’ennemi dans ses travaux de sape en t1, t2 et t3. Les Allemands s’efforcent de relier ces têtes de sapes. Il apparaît sur la crête, en face de la compagnie de droite, de nouvelles têtes de sape nommées t4, t5 et t6. Il est urgent de détruire ces ouvrages par des tirs d’artillerie lourde.

 

Cette intervention est réclamée au commandement. Les défenses accessoires sont renforcées. Un soutien d’artillerie a également été demandé pour contrer les batteries allemandes d’Angres et de Liévin qui canonnent régulièrement la haie G, les boyaux de communication et la droite du 149e R.I..

 

Le commandant Laure rédige le rapport suivant :

 

« Situation à droite de t1 – L’ennemi tient la crête par sa tranchée en R S et il est couvert face aux chasseurs face à C, qui seuls sembleraient pouvoir leur disputer la crête par un fort réseau R. Il n’y a aucun doute à avoir sur la conception d’un « bonnet de prêtre» autour du point A, dont le résultat serait de nous faire prendre pied sur la crête.

 

Cet ouvrage pourra avoir son utilité pour flanquer le devant de notre tranchée, mais il serait dangereux de laisser croire qu’il nous amènera sur la crête, laquelle est fortement tenue en R S par la tranchée allemande.

 

À partir de S, la tranchée allemande semble disparaître derrière la crête, mais deux sapes sont activement poussées par l’ennemi. L’une en t7, au point où un ancien boyau franchit la crête, l’autre en t6, un peu plus à gauche.

 

Il semble même qu’une troisième tête de sape soit en train de franchir la crête en un troisième point. Donc, même à gauche de S, l’ennemi tient encore la crête par deux (ou trois) têtes de sape, à la progression desquelles il travaille activement.

 

Enfin, la parallèle t1-t4 tient également la crête. Elle a déjà environ 20 m de longueur et le point t4 n’est qu’à une quinzaine de mètres du point E.

 

De notre côté, en E D, tous les efforts tentés pour rétablir notre tranchée éboulée sont arrêtés par l’obstacle presque insurmontable  du cloaque de boue qui s’y oppose.

 

Situation entre les 2 haies – L’ennemi a sa tranchée principale sur la crête qui joint l’extrémité des deux haies. Actuellement, il a presque achevé de la reporter plus en avant, suivant les deux parallèles P P’ et Q Q’. Les points d’attache P et Q semblent être respectivement entre t3 et la tranchée principale. De P’ pour rejoindre t2, il n’a plus que quelques mètres à faire, ainsi que  de Q’ pour rejoindre la haie de droite au pied de t1.

 

Le parapet de ces deux nouvelles parallèles se projette déjà sur celui de la tranchée principale.

 

De notre côté, le boyau H I, mal aménagé en tranchée, ne peut jouer un rôle actif et utile. Il est très profond et les créneaux forés dans la terre molle d’un parapet très épais sont constamment obstrués et inutilisables. C’est une position d’où l’on ne voit rien et où les hommes n’ont aucun moyen d’action. »

 

Après lecture du rapport du commandant Laure, le colonel Guillemot, responsable la 85e brigade par intérim, rédige la note suivante à l’intention du général commandant la 43e D.I..

 

« Comme suite et complément au compte-rendu de fin de journée d’aujourd’hui 14 février, j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint deux croquis perspectifs pris du poste d’observation de l’artillerie au bois 6 par le commandant Laure du 149e R.I. dont le bataillon était en première ligne aujourd’hui. Ces croquis ont été minutieusement vérifiés depuis les tranchées de première ligne. Ils sont accompagnés d’un texte faisant ressortir l’activité des travaux de sape de l’ennemi devant le centre du 149e R.I..

 

Dans un rapport fourni en même temps, le commandant Laure s’exprime ainsi : « A mon avis, il y a urgence à enrayer cette activité par une intervention combinée de 75 et de 155 C.T.R. disposant de beaucoup de projectiles. Je n’estime pas à moins de 200 projectiles de 75 et 100 Rimailho, le nécessaire indispensable pour nous débarrasser de ces travaux d’approche déjà très gênants et qui peuvent devenir très dangereux. Ces tirs combinés ne pourront avoir lieu que si nous évacuons nos tranchées. »

 

De son côté, le colonel Gothié, commandant le 149e R.I., annote comme il suit cette demande : « J’appuie de toutes mes forces la demande de participation de l’artillerie lourde (batteries de 155) pour bouleverser les travaux ennemis. »

 

Cette question avait déjà été envisagée par moi dès la fin de janvier, lorsque nous avons dû évacuer la tête de sape t1 d’abord prise à l’ennemi. Je l’ai envisagée de nouveau, et ai fait, hier, préciser par le lieutenant Roy des batteries de 155 de Marqueffles, que j’ai trouvé sur le terrain, les conditions dans lesquelles ce tir pourrait avoir lieu.

 

Il fallait en conclure que la tranchée de 1ère ligne devait être évacuée sur un front d’environ 100 m correspondant au point à battre, à cause de la proximité de ce point par rapport à notre ligne.

 

Ceci peut se faire de trois façons, soit par resserrement des hommes sur les ailes, soit par recul dans les boyaux, soit en employant conjointement les deux procédés suivant la position de la tranchée, du boyau, et l’état des tranchées aux points à occuper.

 

Mais auparavant, il est nécessaire de préparer cette évacuation par un renforcement intensif des défenses accessoires et dans l’occurrence, par la pose de hérissons. La multiplicité des travaux à faire dans le secteur, étant donné la constitution du sol, la situation que nous occupons et le temps qu’il fait, a forcé à réduire le nombre des travailleurs confectionnant ces hérissons.

 

La relève du 25e Territorial qui me fournit la majorité des travailleurs va encore réduire le rendement.

 

Malgré tout, je donne des ordres pour pousser plus que j’aurais, le développement des défenses accessoires, mais je demanderais que parallèlement, l’action de l’artillerie lourde soit étudiée et accordée aussitôt que possible.

 

Il est bien évident que l’entrée en action de notre artillerie lourde amènera une riposte des batteries qui déjà ont canonné la zone en arrière de nos tranchées et la droite de la ligne du 149e R.I..

 

Aussi, j’insisterai de nouveau pour que l’on s’efforce de contrebattre ces batteries sur lesquelles malheureusement l’infanterie ne peut donner d’indication plus précise que celle déjà donnée, à savoir que les coups viennent de la direction d’Angres-Liévin. »

 

15 février 1915

 

La nuit est assez calme du côté du 149e R.I.. La compagnie de droite aperçoit des lueurs provenant des engins de lancement de bombes ennemies venant de l’ouest de t1.

 

Entre 8 h 30 et 9 h 15 et entre 11 h 00 et  11 h 30, plusieurs obus de 77 s’abattent aux abords de la haie G. Quelques obus de 105 sont tombés sur les flancs du boyau entre les bois 7 et 8.

 

Des obus de 77 et de 105 ont explosé aux mêmes endroits et sur Noulette, vers 13 h 30. Tous les coups semblent avoir été tirés du côté d’Angres-Liévin.

 

Les Allemands effectuent des travaux à t1 et dans la tête plus à droite, t6, en face des mitrailleuses de la compagnie de droite du 149e R.I..

 

Tout est mis en œuvre pour améliorer et réparer les tranchées et les boyaux qui ont subi des dommages importants (éboulements et mares d’eau) dus aux précipitations.

 

Des hérissons sont placés devant la compagnie du centre.

 

Chateau de Noulette (photographie 2)

 

Le lieutenant-colonel Gothié rédige un nouveau rapport sur les évènements de la veille au château de Noulette. Voici ce qu’il écrit au colonel Guillemot: « J’ai l’honneur de vous rendre compte du résultat définitif du déblaiement du château de Noulette qui a été terminé hier soir à 22 h 30.

 

Nombre de blessés : 17 dont un officier le sous-lieutenant Damideau, tous de la 4e compagnie du 149e R.I. (capitaine Altairac).

 

État des blessés : satisfaisant : 2 évacués sur l’ambulance de la fosse 10 (dont le sous-lieutenant Damideau qui va beaucoup mieux), 4 soignés à l’infirmerie régimentaire de la fosse 10, vont aussi bien que possible, 11 légèrement contusionnés laissés au repos dans le cantonnement de Noulette.

 

Tués : 12 dont un caporal ont été transportés à Aix-Noulette (funérailles aujourd’hui à 16 h 00).

 

Hommes manquant à l’appel : Néant

 

Matériel détérioré : 5 fusils inutilisables, 10 fusils pouvant être réparés au corps. Le restant du matériel a été retrouvé et a pu être nettoyé.

 

Ci-joint la fusée d’un des projectiles ayant provoqué l’écroulement d’une tourelle du château. »

 

La première inspection de cette fusée permet de dire que c’est un projectile de Minenwerfer de 245.

 

16 février 1915

 

Toute la nuit, il y a eu une fusillade à grande échelle devant le 149e R.I..

 

Un Minenwerfer approximativement repéré est peut-être placé en direction de la haie de droite t1, à 25 ou 30 m, à droite de cette haie et à proximité de la tranchée de 1ère ligne allemande.

 

Les Allemands sont très actifs entre T1 et T4.

 

Entre 9 h 00 et 12 h 30, l’artillerie allemande bombarde les positions du 149e R.I. à coups de 77, 105 et 150. Ces tirs sont suivis d’un bombardement intermittent à partir de 15 h 00.

 

Les tranchées et les boyaux sont encore très boueux. Ils doivent être nettoyés à nouveau.

 

Le 149e R.I. rapporte que les Allemands travaillent activement à la tête de sape située à droite de t1 (80 m environ) à environ 50 m de leur 1ère ligne.

 

Le régiment demande l’assistance de l’artillerie de la fosse Calonne ; celle-ci pourrait être utilisée à bon escient sur toute sa ligne de front.

 

Un certain nombre d’obus de 75 sont tombés près de la tête de sape x3, causant des dégâts matériels.

 

17 février 1915

 

La nuit est calme dans le secteur occupé par le 149e R.I.. La liaison est établie à droite avec le 10e B.C.P. et à gauche avec le 158e R.I..

 

De 7 h 45 à 9 h 00 et de 10 h 00 à 11 h 30, les artilleurs allemands lancent, avec des obus de 77, 105 et 150, un violent bombardement sur la zone occupée par le 149e R.I.. De grosses marmites tombent aussi à droite du secteur, sur le versant nord du plateau de Lorette.

 

Les Allemands améliorent leurs tranchées en t1 et t4.

 

Les deux bataillons de 1ère  ligne du 158e R.I. et du 149e R.I. utilisent 65 000 cartouches pour tirer sur l’ennemi. Les résultats sont difficiles à évaluer. Tous les créneaux allemands qui semblaient occupés ont été battus. Plusieurs officiers français constatent que les tirs ont endommagé le réseau de fil de fer en de nombreux endroits, ce qui prouve que les hommes tiraient de façon horizontale.

 

La réponse de l’infanterie allemande à ces tirs reste faible. Une section de leurs mitrailleuses s’est néanmoins exposée devant le 149e R.I. entre les haies t1 et t3, près de l’ancien boyau t2.

 

Quelques bombes ennemies ont été lancées sur le bataillon de 1ère ligne du 149e R.I.. Elles semblent être parties des tranchées de 1ère ligne à proximité des haies t1 et t3.

 

L’artillerie ennemie riposte ensuite fortement avec ses batteries de 77, 105 et 150. Les points battus sont les suivants : bois 5, haie talus G, bois 7, pente nord du plateau de Lorette (compagnie de droite du 149e R.I.).

 

Les tranchées et les boyaux continuent d’être aménagés au cours de cette journée mouvementée. De nouveaux créneaux sont confectionnés dans la parallèle terminée qui rejoint la compagnie de droite du 10e B.C.P..

 

Dans la soirée, les artilleurs français ouvrent le feu sur les positions allemandes. Plusieurs créneaux ennemis ont été vus sautant dans les airs.

 

18 février 1915

 

Plan journee du 18 fevrier 1915

 

 

Dans la nuit, une fusillade a lieu devant le 149e R.I.. De nombreuses fusées éclairantes sont envoyées pour aider les tireurs.

 

Dès 8 h 15, les artilleurs allemands bombardent de manière continue, mais peu intense, avec des obus de 77 et de 105,  le bois 5, le versant est de Notre-Dame-de-Lorette, les abris de la haie G, du bois 7 et de la lisière sud du bois 6.

 

Noulette est bombardé de 9 h 00 à 11 h 00.

 

L’ennemi continue de travailler dans ses têtes de sape en face et à droite du régiment et à la parallèle qui doit réunir toutes ces têtes de sape.

 

Les boyaux de communication et les tranchées occupées par le 149e R.I., détériorés par les pluies de la veille, sont aménagés. Des créneaux en bois et des hérissons ont été posés.

 

Comptabilité des grenades au 149e R

                         

                                Tableau des tués pour la période allant du 11 au 18 février 1915

         

                   Tableau des blessés et des disparus pour la période allant du 11 au 18 février 1915

         

                   Tableau des décédés dans les hôpitaux et les ambulances du 11 au 18 février 1915

 

Sources:

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. du 21e C.A.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 195/2.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/1.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « le château de Noulette à la lueur du jour – février 1915 » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie du fonds Journoud, propriété de la famille Aupetit.

 

Les photographies représentant le château de Noulette sont des clichés de presse réalisés par un photographe de l’agence Rol trouvés sur le site de la B.N.F. « Gallica ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

1 décembre 2023

Léon Émile Jean Baptiste Régnier (1896-1918)

Leon Emile Jean Baptiste Regnier

 

Léon Émile Jean Baptiste Régnier est né le 18 juillet 1896 dans la petite commune des Loges ; celle-ci est située au sud-est de Langres, en Haute-Marne. Léon est le descendant d’une des plus anciennes familles du village dont la population n’excède pas 200 habitants avant la 1ère Guerre mondiale.

 

Son père, Pierre Amédée, 33 ans, est agriculteur. Il est propriétaire terrien. Sa mère, Marie Louise Candelier, 26 ans, travaille avec son mari.

 

Léon est le second d’une fratrie composée de trois filles et de deux garçons.

 

Genealogie famille Regnier

 

La famille Régnier habite la rue principale des Loges. L’instituteur de Léon, Monsieur Delapierre, lui enseigne les bases de l’éducation primaire.

 

Son degré d’instruction de niveau 3, enregistré sur le tableau de recensement cantonal, ne correspond pas à celui indiqué sur sa fiche matricule. Cette dernière mentionne un degré d’instruction de niveau 2.

 

Les Loges

 

Après la scolarité obligatoire, l’adolescent devient garçon de culture sur les terres familiales ; il travaille au service de ses parents, jusqu’à ce qu’il aille effectuer son service militaire.

 

Il n’a que 18 ans lorsque la 1ère Guerre mondiale éclate en août 1914. Léon Régnier n’est donc pas concerné par l’ordre de mobilisation générale affiché dans le village le dimanche 2 août. En tant que conscrit de la classe 1916, il sait qu’il lui reste encore de longs mois à disposition avant de comparaître devant le conseil de révision.

 

Léon Régnier doit cependant se présenter devant ce conseil bien plus tôt que la date prévue en temps de paix. La guerre est loin d’être terminée, ce qui entraîne un appel anticipé des nouvelles classes ; celles-ci viendront combler les pertes importantes liées aux combats meurtriers du début du conflit.

 

Inscrit sous le numéro 53 sur la liste de la commune de Fayl-Billot, Léon Régnier est déclaré « bon, service armé » par le médecin militaire chargé d’examiner les futurs conscrits de son canton.

 

Le tableau de recensement cantonal, établi avant sa comparution devant le conseil de révision, nous apprend qu’il sait monter à cheval, diriger et soigner les animaux et conduire une voiture. Il est également précisé qu’il sait faire du vélo, ce qui est rare à l'époque.

 

Le 12 avril 1915, Léon Régnier rejoint le dépôt du 149e R.I., un régiment qui tient garnison à Épinal.

 

Les exercices, les longues marches et les séances de tir deviennent son ordinaire.

 

Au regard des seules informations figurant sur sa fiche matricule, de son arrivée au régiment à la date de son départ vers le front, son séjour au dépôt divisionnaire apparaît inhabituellement long.

 

En règle générale, les soldats de la classe 1916 faisaient un peu moins d’un an de formation avant de partir au combat. Pour Léon Régnier, cela a pris un peu plus de temps.

 

Une petite correspondance, soigneusement conservée par sa famille, nous en apprend un peu plus sur son parcours de soldat avant son arrivée dans la zone des combats. Sans ces quelques lettres, nous ne saurions malheureusement rien concernant cette prolongation, loin du front.

 

Petite correspondance du caporal Regnier

 

Début décembre 1915, le soldat Régnier quitte la ville d’Épinal. Il fait partie des effectifs de la 35e compagnie.

 

Auparavant, le 2 décembre, il écrit une courte lettre à sa famille qui confirme son départ pour le 3, précisant « qu’ils ont touché », c'est-à-dire qu’ils ont reçu leur équipement neuf juste avant de partir.

 

« Cher parents,

 

Nous partons demain matin. Je ne sais toujours pas où nous allons, mais nous sommes prêts maintenant. Nous avons tous touché. Je ne serai plus avec Louis Pernot car nous ne sommes plus dans la même compagnie.

 

Vous devez avoir reçu la carte d’Émile Ragot, ce n’est pas la peine de me la renvoyer.

 

Dites à Lucie … que je suis allé chez sa tante et qu’il n’y avait personne. Quand je serai arrivé, je vous donnerai ma nouvelle adresse.

 

Bien le bonjour à tous les parents. Léon »

 

Une deuxième lettre, datée du 15 janvier 1916, identifie le nom de la ville où il est stationné, sans qu’il soit possible de déterminer l’affectation précise de sa compagnie.

 

« Chers parents,

 

Je vous écris ces quelques mots pour vous dire que je suis arrivé à destination. Mon voyage s’est effectué dans de bonnes conditions. Je suis entré à la compagnie que le soir, car je me suis arrêté à Vesoul. Je n’avais plus de train pour Lure et il a fallu que j’attende à Vesoul le train de 2 h 00 et demi.

 

J’ai visité la ville de Vesoul et je me suis trouvé avec du 149, ça fait que nous avons été mangé en ville.

 

Il fait toujours le même temps, toujours de la neige, mais il y en a moins que chez nous.

 

Aujourd’hui, nous allons à l’exercice, toujours la même chose.

 

Je termine ma lettre, car nous allons nous rassembler pour l’exercice.

 

Je vous embrasse tous. Léon »

 

Le 26 mars 1916, il confie à ses parents qu’il s’attend à partir rapidement pour le front, car « il tombe beaucoup de monde autour de Verdun ». En effet, les jeunes recrues de la classe 1916 sont maintenant aptes à partir au front.

 

Cher parents,

 

Je vous écris ces quelques mots pour vous donner de mes nouvelles. Je suis en bonne santé. Je pense que vous en êtes tous de même.

 

Il n’y a encore rien de nouveau. Nous sommes toujours en attente. Sûrement que nous ne resterons pas bien longtemps, car il tombe beaucoup de monde à Verdun.

 

J’ai reçu des nouvelles de Joseph Chanson. Il me dit qu’il n’a jamais vu chose si terrible depuis le début de la guerre. Il ne trouve rien du tout, pas même de l’eau.

 

Vous devez aller à la charrue et déjà beaucoup semer.

 

Il faut atteler Sultan, car ce n’est pas la peine de m’attendre pour le dresser. Les permissions sont toujours suspendues et maintenant, je pense que ce n’est pas prêt qu’elles reviennent.

 

Bonjour à tous les parents, je vous embrasse tous. Léon »

 

Trois jours plus tard, il trouve le temps d’écrire une nouvelle lettre. Son tour n’est pas encore venu, mais on peut s’interroger sur le lien qui pourrait exister entre les terribles nouvelles reçues du front et sa demande de tuer le cochon sans l’attendre.

 

« Le 29 mars 1916

 

Cher parents,

 

Je vous envoie ces quelques mots pour vous dire que j’ai bien reçu la lettre recommandée. Vous remercierez bien la grand-maman et le grand-papa.

 

J’ai reçu une carte d’Émile Chevalier de Corgirnon. Il est toujours en bonne santé. Il était en repos, dans une caserne à Verdun et il pensait aller en arrière pour reformer le régiment, car ils ont eu beaucoup de pertes. Ils ont été dix jours de suite dans les tranchées. Lui en a encore réchappé cette fois, car il y a eu des bombardements terribles.

 

Vous pouvez tuer le cochon quand il vous plaira, car ce n’est pas la peine de m’attendre maintenant.

 

Je suis toujours en bonne santé ainsi que Louis. J’espère que ma carte vous trouvera de même.

 

Je vous embrasse tous. Léon »

 

Le 10 septembre 1916, Léon Régnier rédige une petite carte annonçant son départ de la 35e compagnie. Il suppose qu’il va être versé à la 34e, ce n’est pas le cas. En fait, il est sur le point de partir pour le front, mais il ne le sait pas encore.

 

« Chers parents,

 

Je vous écris ces quelques mots pour vous donner de mes nouvelles. La santé est bonne. Je pense que vous en êtes de même. Je vous dirai que je viens d’être vacciné ce matin. Je n’ai pas encore mal. Peut-être que cela ne me fera rien cette fois.

 

Je pense changer de compagnie ces jours-ci, car on va devoir dissoudre la 35e compagnie. Nous ne sommes plus assez de monde à la compagnie. Je crois que je vais passer à la 34e, la compagnie de Louis. Je pense que Louis va bientôt rentrer. Je l’attends ce soir ou demain. Je ne vois plus guère à vous dire, je vous embrasse bien tous. Louis »

 

Le lendemain, il rejoint, avec un groupe de renfort, le 149e R.I. qui combat dans la Somme depuis plusieurs semaines. Le régiment vient de subir de lourdes pertes en reprenant le village de Soyécourt aux Allemands.

 

Léon Régnier intègre les effectifs de la 10e compagnie dès son arrivée à proximité de la 1ère ligne.

 

Le 29 septembre il écrit :

 

«  Cher parents,

 

Je m’empresse de vous envoyer ces quelques mots pour dire que je viens d’aller rejoindre le régiment. Je suis versé à la 10e compagnie avec Émile Chevalier. Il est sergent maintenant. Je pense entrer à sa section. La santé est bonne. Je pense que vous en êtes de même. Je vous embrasse tous, Léon. »

 

Le soldat Régnier devient agent de liaison. Le fait qu’il sache faire du vélo à peut-être incité ses supérieurs à lui confier ce poste important au sein de la compagnie, rôle qui ne peut pas être laissé à n’importe qui. Avoir un bon sens de l’orientation, savoir se déplacer sans carte, rester calme lorsqu’on est seul, au milieu de nulle part, sous une pluie d’obus, par tous les temps, sur des chemins inconnus ou au milieu d’un champ de bataille, ce n’est pas dans les capacités de tout le monde.

 

Il paraît acquis que Léon Régnier a rempli la fonction d'agent de liaison peu de temps après son intégration au sein de la 10e compagnie ; en effet, il précise à ses parents, dans un courrier daté du 14 novembre 1916, qu'il est « toujours à la liaison ».

 

« Cher parents,

 

Je vous écris des tranchées de 1ère ligne, car nous y sommes depuis deux jours. C’est assez calme ces jours-ci et nous avons le beau temps. Il y fait encore meilleur quand il ne pleut pas. Pour moi, je n’ai pas à me plaindre, car je suis toujours à la liaison et je suis dans de bons abris.

 

Je vous disais qu’avant de monter, j’ai vu Magnier de Corgirnon, lui aussi pensait encore remonter en 1ère ligne. Je crois que nous n’allons pas tarder à être relevés et une fois au repos, je pars en perm, car, avant de remonter, je suis allé donner mon adresse au bureau pour établir ma permission.

 

Je ne vois plus guère à vous dire. La santé est toujours assez bonne. Je pense que vous en êtes tous de même. Envoyez-moi l’adresse d’Émile Régnier. »

 

Positions des bataillons du 149e R

 

Dans l’après-midi du 18 novembre 1916, le 3e bataillon du 149e R.I. est le dernier des bataillons à  quitter la Somme pour aller au repos à proximité de Beauvais. Léon Régnier espère toujours partir en permission.

« Chers parents,

 

Je vous écris ces quelques mots pour vous dire que nous venons de descendre au repos. Ce n’était pas dommage, car je commençais par en avoir assez. Nous sommes au repos du côté de Beauvais.

 

Je ne peux pas vous dire encore le nom du patelin, car je ne le sais pas. Je ne suis pas encore sorti du cantonnement, car il fait trop froid, mais à entendre dire, ce n’est pas bien important. On ne trouve rien, ni vin, enfin, rien du tout.

 

Je crois que nous sommes au repos pour au moins un mois, si ce n’est plus.

 

Alors, ça me fait plaisir, car d’ici une huitaine de jours, je pourrais peut-être aller en perm. Mais il faut que ça marche bien. Louis n’est pas encore descendu, mais il descendra cette nuit pour venir au repos comme nous. Je ne pourrai pas le voir, car il n’y a que ma compagnie qui est cantonnée dans ce pays et le 1er bataillon sera encore assez loin de nous.

 

Quand nous avons été relevés, j’ai pu voir encore Magnin qui va au repos et Chapugot et aussi Rougeux de Corgirnon, le beau frère de M……, qui est au 21e, car ce sont eux qui sont venus nous relever. Lui est assez tranquille. Il est cuistot à la compagnie hors rang et ne monte jamais aux tranchées.

 

Je ne vois plus guère à vous dire. La santé est toujours assez bonne ainsi qu’Émile. Je pense que vous en êtes tous de même.

 

En attendant le plaisir de vous voir, recevez mes meilleurs baisers. »

 

De janvier à octobre 1917, le 149e R.I. occupe à plusieurs reprises des secteurs à proximité du chemin des Dames sans être engagé dans une offensive de grande envergure.

 

Début octobre, le régiment effectue des préparatifs d’attaque. Une offensive majeure doit être lancée dans le secteur de la Malmaison.

 

La bataille, plusieurs fois repoussée en raison des conditions météorologiques, a lieu le 23. Le soldat Régnier est cité à l’ordre du régiment pour le courage dont il a fait preuve, au cours de ses différentes missions, en tant qu’agent de liaison. Il obtient le droit de porter la croix de guerre avec une étoile de bronze.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

Carte 1 emplacements des 3 bataillons du 149e R

 

Fin mai 1918, la 43e D.I. est dépêchée en urgence dans la région d’Arcy-Sainte-Restitue. Une violente offensive allemande doit être contenue à tout prix.

 

Léon Régnier est de nouveau félicité pour son courage, ce qui lui vaut d’être cité à l’ordre du régiment pour la deuxième fois.

 

Sa troisième citation nous indique que le 15 juillet 1918, il subit une attaque allemande dans le secteur du trou Bricot, en Champagne.

 

Le 15 août 1918, Léon Régnier est nommé caporal.

 

Début septembre, son régiment se repose dans la région de Vitry-la-Ville.

 

Le 24, le 149e R.I. s’installe à  nouveau dans le secteur du trou Bricot. Il se prépare à participer à une nouvelle attaque.

 

Le 26 septembre 1918, le régiment spinalien repart à l’offensive au nord-ouest de Perthe-lès-Hurlus. Cette fois-ci, la chance n’est plus du côté du caporal Regnier. Le 28, il décède des suites de ses blessures, près du bois de la Chèvre.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

28 septembre 1918

 

Sa mort est consignée dans les écrits de l’abbé Henry, aumônier du 149e R.I..

 

« À Somme-Py, la bataille fait rage ; on veut enlever le morceau ; il le faut si on veut pouvoir faire avancer la 43e. Dans le courant de la matinée, il semble bien que nous avons fait des progrès et que le village est à nous. Nos obus tombent au-delà et le tacata des mitrailleuses s’est éloigné.

 

Par les blessés, on commence à avoir des nouvelles de l’attaque. Les nôtres ont souffert du marmitage boche attiré surtout par les tanks dans le bois de la Chèvre et les environs. On signale des morts à la 10e compagnie, le caporal Régnier (des Loges) est étendu au coin du bois. Encore un ami, un compatriote qui disparaît. Nous étions ensemble en permission il y a un mois ! 

 

Bois de la chevre

 

L’abbé Henry note le mercredi 2 octobre 1918 : « Nous avons commencé hier à ramasser les morts.  Un caporal et des hommes du G.B.D. sont en liaison avec nous. Les morts sont enterrés à Soury-Lavergne, où le G.B.D. établit un cimetière… Le caporal Régnier a été également rapporté ».

 

L’aumônier Henry écrit plus tard au curé des Loges, Émile Mielle, qui, dans sa réponse, déplore la mort de ce soldat (ce jeune homme que j’avais baptisé, catéchisé, était resté fidèle à son devoir religieux jusqu’à son départ pour l’armée et je n’avais jamais eu de lui, au point de vue chrétien, que des satisfactions.)

 

Après la guerre, le corps du caporal Régnier est exhumé du cimetière de Soury-Lavergne et inhumé dans la nécropole nationale « La Crouée », à Souain-Perthe-lès-Hurlus. La famille demande son retour dans son village natal après l’entrée en rigueur de la loi sur la libre restitution des corps (article 106 de la loi de finances du 31 juillet 1920).

 

Léon Régnier est actuellement enterré dans le petit cimetière des Loges.

 

Sepulture civile du caporal Regnier

 

La sépulture qui porte son nom à la nécropole nationale « La Crouée » existe toujours (la raison du maintien de cette tombe « vide » n’est pas connue).

 

Sepulture militaire du caporal Regnier

 

Léon Émile Jean Baptiste Régnier ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Le nom de cet homme a été gravé sur le monument aux morts de son village natal.

 

Decorations du caporal Regnier

 

Le registre de recensement de la commune des Loges de 1946 montre que la famille Reignier y réside toujours. La mère est veuve. À l’exception de Marie Rose, tous les autres enfants, non mariés et sans postérité, vivent et travaillent toujours avec leur mère.

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une palme et trois étoiles de bronze

 

Citation à l’ordre du régiment  n° 76 en date du 6 novembre 1917 :

 

« Agent de liaison d’un courage remarquable, s’est surtout distingué au cours de l’attaque d’une position défendue à outrance par l’ennemi, le 23 octobre 1917, accomplissant toutes les missions exposées et dangereuses. »

 

Citation à l’ordre du régiment  n° 34 en date du 21 juin 1918 :

 

« Soldat très brave, a fait preuve pendant les journées des 28, 29 et 30 mai 1918, d’un courage et d’un esprit de sacrifice dignes d’éloges. »

 

Citation à l’ordre du régiment  n° 42 en date du 2 août 1918 :

 

« Agent de liaison d’un courage et d’un sang-froid exemplaires. Dans les journées du 15 au 18 juillet 1918, a rempli ses fonctions avec un zèle remarquable et un mépris du danger digne d’éloges, portant les ordres de son commandant de compagnie sous les plus violents bombardements. »

 

Le caporal Régnier a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 11 août 1922). 

 

« Caporal d’élite, d’une bravoure réputée, toujours au premier rang dans les moments difficiles. Après avoir donné pendant la campagne la valeur de son héroïsme, est glorieusement tombé pour la France le 28 septembre 1918, aux environs de Somme-Py. »

 

Cette décoration lui donne également droit à l’ajout d’une palme sur sa croix de guerre.

 

Pour consulter la biographie du sergent Émile Chevalier, sous-officier évoqué dans la correpondance du caporal Régnier, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

Emile Auguste Nicolas Chevalier

 

Sources :

Cette biographie a été rédigée en collaboration avec J.L. Poisot.

 

La fiche signalétique et des services du caporal Regnier, les actes d’état civil de la famille Régnier et les registres de recensement de la commune des Loges ont été lus sur le site des archives municipales de la Haute-Marne.

 

Extraits des carnets inédits de l’aumônier Henry.

 

La photographie de la sépulture civile du caporal Régnier a été réalisée par J.L. Poisot.

 

La correspondance et les photographies présentées sont la propriété du petit-neveu, L. Bresson, et de la petite-nièce, G. Bresson, du caporal Regnier.  

 

Un grand merci à M. Bordes, à G. Bresson, à L. Bresson, à A. Carrobi, à J.L. Poisot, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Marne.

24 novembre 2023

Pierre Jacquemetton (1881-1915)

Pierre Jacquemetton

 

Pierre Jacquemetton est né le 26 octobre 1881 au lieu-dit d’Apinost ; ce dernier est rattaché à la commune de Bully, dans le Rhône.

 

Son père, Jacques, 41 ans, est cultivateur. Sa mère, Françoise Violay, 40 ans, est ouvrière agricole. Les parents de Pierre n’ont pas d’employeurs réguliers. Chaque année, ils louent leurs services à un agriculteur différent.

 

Bully - vue generale

 

Pierre est le cinquième enfant d’une famille de six garçons et de deux filles. Trois de ses frères sont décédés prématurément.

 

Genealogie famille Jacquemetton

 

Pierre Jacquemetton détient un degré d’instruction de niveau 3. Après avoir quitté l’école communale en sachant lire, écrire et compter, il a rapidement rejoint le monde du travail en tant qu’agriculteur.

 

À l’approche de la conscription, le jeune Jacquemetton comparaît devant le conseil de révision qui le déclare apte au service actif, mais soumis à l’article 2 de la loi de 1889. Son frère Barthélémy étant sous les drapeaux, il bénéficie d’une période de sursis d’un an pour accomplir ses obligations militaires.

 

Le 14 novembre 1902, le conscrit Jacquemetton rejoint le 23e R.I., un régiment stationné à Bourg dans l’Ain. Autorisé à revenir à la vie civile à partir du 19 septembre 1903, il quitte la caserne Aubry avec son certificat de bonne conduite validé.

 

Pierre Jacquemetton est transféré dans la réserve de l’armée active le 1er octobre 1905.

 

L’année suivante, il est employé comme agriculteur par Claude Décrand, à Chasselay. Sa sœur, Marguerite, travaille comme domestique dans la même famille.

 

Du 26 octobre au 22 novembre 1908, Pierre Jacquemetton effectue sa 1ère période d’exercices dans une unité autre que celle dans laquelle il a fait son service militaire. Durant ces quatre semaines, il doit se rendre à Épinal pour reprendre la vie de soldat au 149e R.I..

 

Fin 1911, Pierre Jacquemetton habite à l’Abresle. Il effectue sa deuxième période d’instruction militaire, du 9 au 25 mai 1911, toujours au sein du 149e R.I..

 

Le 8 novembre 1912, il épouse Philomène Besson à Saint-Bonne-des-Bruyères.

 

En 1914, les Jacquetton travaillent au clos Landar à l’Arbresle. Un fils naît le 19 mai 1914.

 

Comme tous ses camarades de classe, Pierre Jacquemetton est rappelé à l’activité militaire sur ordre de mobilisation générale durant l’été 1914. Cet avis est affiché dans toutes les communes de France à partir du  2 août. Trois jours plus tard, Pierre Jacquemetton se présente au dépôt du 149e R.I..

 

Sa fiche matricule n’est pas suffisamment détaillée pour reconstituer avec certitude son parcours de soldat dans les premiers mois de la guerre.

 

En tant que réserviste d'une des classes les plus âgées, il est logiquement affecté au dépôt de la caserne Courcy, probablement dans les rangs des compagnies de dépôt du 349e R.I.. À un moment donné du conflit, le soldat Jacquemetton a intégré les effectifs du 149e R.I., mais à quelle date ?

 

Trois hypothèses sont envisageables :

 

Est-il arrivé dans ce régiment avec le groupe de renfort composé de 250 soldats du 349e R.I. ? Ce groupe est parti de la caserne Courcy  le 23 août 1914. A-t-il rejoint le 149e R.I. avec le groupe envoyé le 5 septembre (310 hommes dont 200 du 349e R.I.), où encore plus tard ? Il est impossible de donner une réponse satisfaisante à une de ces questions sans avoir eu à disposition les listes nominatives officielles de ces différents groupes de renforts.

 

Nous ne saurons donc pas quand il a subi le baptême du feu.

 

Tout ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est que ce soldat sert dans la 3e compagnie du 149e R.I. lorsqu’il est tué en Artois le 6 février 1915 dans le secteur de Noulette.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 6 fevrier 1915

 

Pierre Jacquemetton est dans un premier temps enterré au cimetière A (Est-côté Zeffé) à Noulette.

 

Sepulture Jacquemetton

 

L’aumônier Henry a effectué des relevés et ainsi pu dresser des plans détaillés de tous les cimetières provisoires du secteur d’Aix-Noulette ; il a également établi une liste complète des soldats qui reposaient en ces lieux. C’est grâce à ce minutieux travail qu’il a été possible de localiser la sépulture du soldat Jacquetton avec une grande précision.

 

Cimetiere A - Est - Cote Zeffe

 

Par décret du 29 avril 1916, sur le rapport du ministre de la guerre, sa veuve obtient une pension de 563 francs (jouissance du 7 février 1915) (publication dans le J.O. du 17 mai 1916).

 

Le tribunal civil de Lyon valide l’adoption par l’état de son fils Charles Pierre qui devient pupille de la nation à partir du  21 février 1920.

 

Le 6 janvier 1921, ce même tribunal déclare officiellement le père de Charles Pierre « mort pour la France » à la date du 6 février 1915.

 

Le lieu de sépulture actuel de Pierre Jacquetton n’a pas été retrouvé. Son épouse, qui ne s’est pas remariée, est décédée en 1954. Elle repose actuellement dans une tombe individuelle au cimetière d’Arbresle.

 

Aucune citation, aucune décoration n’ont pu être retrouvées pour ce soldat du 149e R.I..

 

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de l’Arbresle et sur la plaque commémorative de l’église du village.

 

Sources 

 

La fiche matricule du soldat Pierre Jacquemetton, les actes d’état civil concernant sa famille et les registres de recensements des communes de l’Arbresle, de Bully et de Lentilly ont été consultés sur le site des archives départementales du Rhône.

 

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

 

Le plan des cimetières A, B, C, d’Aix-Noulette et le plan des sépultures du cimetière A ont été réalisés par l’aumônier Henry. Ils sont la propriété de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à A. Chaupin,  à T. Cornet, à J.L. Poisot à T. Vallé, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales du Rhône. 

17 novembre 2023

Janvier - février 1915 – Sur le front de Lorette

Fevrier 1915 - Sur le front de Lorette

 

Connu pour son roman « Lorette une bataille de 12 mois », le commandant Laure, toujours sous le pseudonyme d’Henri René, nous offre un aperçu très détaillé des opérations de relèves et des conditions difficiles de ses hommes dans le secteur d'Aix-Noulette. Certes, il reconstitue et regroupe des souvenirs dans un récit reconstruit, mais ses évocations n'en sont pas moins le fruit de ses observations. Il évoque également l'artillerie de tranchée, source d'inquiétude majeure pour le fantassin, lorsqu’elle est utilisée la nuit, le retour des grenadiers dans les unités d’infanterie et la construction des différents modèles de sapes.

 

« L’hivernage se poursuit, particulièrement rigoureux sur notre désert, où le couvert des bois n’existe plus, où « les gourbis » des villages nègres sont d’un maigre confort, où les relèves sont longues et éreintantes. Le «mal des tranchées» sévit : pour éviter ces terribles gelures des pieds, le commandement a prescrit la fréquence des relèves.

 

Elles sont en ce moment quotidiennes. Tous les soirs, des compagnies cheminent de l’arrière vers l’avant, et d’autres de l’avant vers l’arrière, cortèges funèbres jamais interrompus.

 

Rien n’est comparable à la relève, un soir de pluie.

 

Dès le départ du « gourbi » les vêtements sont imprégnés d’humidité et maculés de boue. Les mains, tâchées d’une terre visqueuse, en font à chaque empreinte un lourd dépôt sur l’acier ou le bois du fusil.

 

La baïonnette s’engorge de rouille dans son fourreau. La boule de pain se ramollit, et reproduit les caractères d’imprimerie volés aux journaux dont on l’a jalousement enveloppée.

 

Les pieds, les pauvres pieds, font un navrant « flic-flac » à chaque pas d’un brodequin percé de part en part. Brrr, qu’il fait donc froid sur les genoux !

 

Le passe-montagne et le cache-nez, qu’on ne veut pas quitter « quand même », distillent avec art les gouttes glaciales qui tombent dans le cou.

 

Noir comme dans un four, on marche, on glisse, on tombe, on se relève en jurant. On a perdu la file, on se fait pousser, bousculer, on saisit pour ne pas se perdre la courroie de charge de l’homme qui précède, il vous rejette d’une bourrade.

 

Qu’il fait donc chaud dans ce boyau ! Chute à droite, chute à gauche, un fil téléphonique vous prend à la gorge, une planche en travers vous accroche le pied, et on se fait encore dire par le sergent qu’on ne va pas assez vite. Ce n’est plus un soldat, c’est de la boue qui marche… et parfois, de la boue sanglante – un blessé, arrivant en sens inverse, qu’on heurte sans pitié, car la circulation est obstruée. Enfin la tranchée. C’est idiot, cette fusillade qui n’arrête pas…

 

« 7e escouade par ici… » Les caporaux se passent la consigne en grommelant. Les hommes se frottent les dos et les ventres dans ces trous vraiment trop étroits pour recevoir ainsi double courant. Les fusées qui veulent bien encore partir, malgré l’averse, éclairent ce lamentable tableau ; ceux qui s’en vont loqueteux et sordides, grelottants, harassés ; ceux qui restent, guère plus brillants, s’aménagent un semblant de toit avec un coin de toile de tente, avec un peu de glaise amassée sur quelques brindilles ; les plus veinards, avec un fragment de tôle qui traîne dans la boue ou des planches arrachées par le bombardement du jour à un abri d’officier sommaire et misérable.

 

Non, personne ne se fera jamais l’idée de ce que peut être une relève, un soir de pluie !

 

S’il y a des secteurs où la nuit est un repos après les transes et les fatigues de la relève, ce n’est pas celui de Lorette… Le jet des grenades, des bombes et des torpilles aériennes est devenu la règle. Sans arrêt, l’obscurité retentit du claquement sourd des premières et des formidables détonations des secondes.

 

Quand il fait jour, au moins, on a pris l’habitude de regarder le ciel et des guetteurs poussent en temps utile le cri de : «  gare la bombe » renouvelé d’antan. Mais la nuit !... Rien à faire qu’à subir, à attendre que l’épée de Damoclès brise son fil, à « encaisser ».

 

Une seule de ces torpilles, quand elle tombe dans la tranchée, chose heureusement assez rare, car leur rythme est très irrégulier, écrase cinq ou six hommes sous leur abri, sans qu’ils aient entendu ni le bruit du départ, ni le sifflement d’approche, comme cela se passe pour les obus.

 

Ces projectiles sont particulièrement nombreux en ce moment. La vie de nos tranchées en est littéralement empoisonnée. Ils sont la terreur de nos hommes.

 

Par représailles, nous nous adaptons à cette nouvelle surprise. Nos « crapouillots «  de l’esplanade des Invalides ont été réquisitionnés et ils « crachent » sur la tranchée boche les vieilles bombes de 15 que nous avions vues près de ces mêmes Invalides, rangées en pyramides. On a déjà perfectionné cet engin rustique et primitif. Il lance aujourd’hui des explosifs plus efficaces. Nous allons pratiquer aussi « la torpille aérienne », sorte de gros obus monté sur un manche de bois, garni d’ailettes, projeté à deux ou trois cents mètres par un « tube canon» rudimentaire où brûle un peu de poudre noire.

 

Mais il faut lutter contre le fantassin pour actionner ces outils barbares, dont ils redoutent le voisinage. Car le boche est mieux outillé sur ce chapitre. Nos faibles représailles amènent de la part de ses « minenwerfer » un redoublement d’activité généralement néfaste pour nos premières lignes.

 

L’infanterie s’est appliquée avec une ardeur résolue à dresser «ses « grenadiers ». Elle en a compris toute l’utilité et ce genre de sport intéresse les hommes.

 

Déjà la silhouette du « grenadier » nouvelle mode devient classique dans les feuilles illustrées : un grand gaillard, bien planté sur ses jambes, le regard allumé, le geste large et rapide, vivante reproduction d’audace et de témérité, populaire parmi ses camarades et redouté du boche.

 

Il a d’abord utilisé la petite grenade ronde de l’ancien temps, sortie du magasin d’antiquités de nos forteresses ; vexé de ses innombrables ratés, il s’est montré tenace malgré tout à supporter une lutte à armes très inégales. Il la dédaigne maintenant, lui préférant de beaucoup « la grenade anglaise » qui contient un bon explosif tout neuf , qui est bien en mains et qui ne rate pas… à condition que le carton du détonateur ne soit pas trop imprégné d’humidité. Les modèles varient à l’infini : ne va-t-on pas jusqu’à collectionner, chez tous les limonadiers du front, la petite bouteille-bille pour eau gazeuse, qu’on rempli de cheditte blanche, qu’on arme d’un détonateur et qu’on répand dans les tranchées comme « deux sous de lait pour les poilus. ». Ceux-ci ne lui témoignent pas, au demeurant, un grand enthousiasme !

 

Quoi qu’on fasse, on n’arrive pas encore à la généralisation de l’emploi des grenades.

 

Les escarmouches se bornent à des luttes de petits groupes d’hommes en « têtes de sapes » autour des chantiers de pose de fils de fer et dans les éléments de tranchées très rapprochées, celles surtout qui sont communes aux deux camps et où « les postes d’écoute » ne sont séparés que par une vingtaine de mètres allant d’un « barrage » à l’autre.

 

On en est là, en effet ! Depuis les attaques du 17 décembre, comme résultat des assauts et contre-assauts, on cohabite avec les Boches. Il n’y a plus une ligne française et une ligne allemande nettement démarquée, mais un enchevêtrement inextricable, des tranchées communes et grossièrement compartimentées par des barricades de sacs à terre, des boyaux allant des unes aux autres et où des postes d’écoute, nez à nez, se fusillent à bout portant, se démolissent à coups de grenades, s’insultent à la voix, parfois même se bousculent à coups de crosse.

 

L’artillerie, dans ce dédale, n’arrive plus à discerner les siens, et, sur la ligne de feu proprement dite, l’opiniâtreté de la lutte se manifeste surtout « à la grenade ».

 

Depuis le 17 décembre, il n’y a plus eu d’action d’ensemble importante. Toutefois, ce qui vient d’être dit montre bien que la bataille a continué tous les jours. Pas le moindre chômage pour soigner ses blessés et enterrer ses morts.

 

 

Il est inutile de rappeler le lot de l’infanterie dans cette contribution quotidienne au combat, au travail et à la mort.

 

 

Quant à la sape, la bonne vieille sape, honnie et conspuée avant la guerre, elle triomphe ! Elle se manifeste sous toutes ses formes. La sape volante, la plus audacieuse, qui s’exécute à découvert, de nuit, à hauteur de la première ligne ou même en avant, tout le monde en chantier, les outils mordant le sol en vitesse et les travailleurs s’enterrant pour échapper aux coups.

 

La sape pied à pied, prudente par nécessité, où le piocheur et le pelleteur s’avancent d’un geste hardi « à la barbe » de l’ennemi, toujours invisibles, mais souvent touchés cependant par la balle, la grenade ou le shrapnell qui visent la terre rejetée au bord du trou. La sape des territoriaux qui, plus en arrière, se dévide en longues traînées et laborieusement, méthodiquement, minutieusement, perce en une nuit des deux ou trois cents mètres de boyaux ou de « parallèles de soutien ».

 

La sape des mineurs qui entre sous le parapet, descend en galerie, gagne dix ou douze mètres de profondeur et prend son point de direction sous la tranchée boche qui doit sauter.

 

Nous sommes maintenant aussi actifs que les Allemands sur ce terrain. Notre plateau, en deçà de la haie, se laboure dans tous les sens de tranchées et de boyaux, avec le parrainage des officiers qui en ont dirigé l’exécution, des gradés morts à la tâche ou celui, plus modeste, des chiffres et des lettres de l’alphabet. »

 

Sources :

 

« Lorette une bataille de 12 mois – octobre 1914-octobre 1915 », livre d’Henri René. Éditions Perrin et Cie. 1929.

 

Le portrait du commandant Laure provient de la collection personnelle de F. Amélineau.

 

Un grand merci à M. Bordes,  à F. Amélineau, à A. Carobbi, à T. Cornet et à la famille descendant du commandant Laure. 

10 novembre 2023

Marie Louis Henri Joseph Ducloux (1892-1915)

Marie Louis Henri Joseph Ducloux

 

Marie Louis Henri Joseph Ducloux est né le 9 février 1892 au Chêne, un petit hameau rattaché à la commune de Saint-Martin-d’Auxigny, dans le département du Cher.

 

Son père, Alexis, 31 ans, est agriculteur. Sa mère, Catherine Antoinette Massicot, 29 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle, mais quand cela est nécessaire, elle prête « main-forte » aux nombreuses tâches de l’exploitation.

 

La sœur aînée d’Henri, née en 1890, décède quelques semaines après la naissance de son frère. En 1895, le couple Ducloux donne de nouveau la vie à un garçon.

 

Genealogie famille Ducloux

 

Henri Ducloux quitte l’école communale en sachant lire, écrire et compter. À la fin de la scolarité obligatoire, l’adolescent doit immédiatement intégrer le monde du travail. Comme son père, il devient agriculteur.

 

L’année de ses 21 ans, il comparaît devant le conseil de révision réuni à la mairie de Saint-Martin-d’Auxigny. Henri Ducloux est en bonne santé. Il est déclaré « apte aux obligations militaires ».

 

À compter du 9 octobre 1913, le jeune homme est affecté au 149e R.I., un régiment stationné à Épinal.

 

Août 1914, le traité de paix avec l’Allemagne est sur le point d’être rompu. Le 149e R.I., qui fait partie de la réserve des troupes de couverture, se dirige vers la frontière quelques heures avant l’ordre de mobilisation générale.

 

Le 3 août, le 149e R.I. entre officiellement en campagne. L’Allemagne vient de déclarer la guerre à la France.

 

Henri Ducloux participe à tous les combats de son régiment durant les premiers mois du conflit (son nom ne figure pas dans les nombreuses listes de blessés du régiment pour cette période). Il se bat au col de Sainte-Marie, à Abreschviller, à Ménil, Thiaville et Saint-Benoît, à Souain, à Notre-Dame-de-Lorette et pour finir en Belgique à Verbranden Molen, au sud de Zillebeke, puis il revient  en Artois.

 

Le 4 février 1915, le soldat Ducloux, de la 2e compagnie du 149e R.I., est grièvement blessé dans le secteur de la 1ère ligne au sud-ouest d’Aix-Noulette. Il décède à l’ambulance 3/21 installée à Sains-en-Gohelle, après une évacuation rapide, cinq jours avant de fêter son 23e anniversaire.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 1 - 1er fevrier 1915

 

Son acte de décès est transcrit dans sa commune natale le 16 mars 1916.

 

Le soldat Henri Ducloux a été initialement enterré au cimetière de Sains-en-Gohelle. Ses restes mortuaires, restitués à la famille dans les années 20, reposent actuellement au cimetière de Saint-Martin-d’Auxigny.

 

Sepulture famille Ducloux

 

Henri Ducloux a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 27 juin 1920) :

 

«Très bon soldat. Mort glorieusement pour la France, le 4 février 1915, à Noulette.»

 

Cette inscription lui donne également droit au port de la croix de guerre avec une étoile de bronze.

 

Decorations du soldat Ducloux

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Saint-Martin-d’Auxigny.

 

Marie Louis Henri Joseph Ducloux est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services du soldat Ducloux, les registres d’état civil et les registres de recensement  de la commune de Saint-Martin-d’Auxigny ont été consultés sur le site des archives départementales du Cher.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à T. Vallé, aux archives départementales du Cher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

3 novembre 2023

Du 1er au 10 février 1915

Tranchee de 3e ligne - Mont-Saint-Eloi - fevrier 1915

 

Depuis le 27 janvier, le 149e R.I. occupe une zone située entre le bois des Boches et le bois 8. Les conditions de vie y sont particulièrement difficiles.

 

Le commandement a prescrit des mouvements de relève très resserrés pour éviter que les troupes ne s’épuisent trop rapidement et pour empêcher les terribles gelures des pieds.

 

Deux des bataillons du régiment alternent entre la 1ère et la 2e ligne toutes les vingt-quatre heures pendant que le troisième se repose à la fosse 10 durant 3 jours.

 

 

Dans la soirée du 31 janvier, juste avant la relève, le chef de corps du 149e R.I. donne l’ordre d’attaquer la sape t1.

 

1er février 1915

Pendant la nuit, les Minenwerfer ont ouvert le feu sur la 1ère ligne en tirant toutes les demi-heures. Heureusement pour les compagnies du 149e R.I., les tirs sont presque toujours trop longs.

 

Dans la matinée, une dizaine de 105 fusants tombent entre le bois 5 et la 1ère ligne (au centre et au centre gauche) tenue par le 149e R.I.. 

 

L’ennemi reste très actif sur l’ensemble du front. Il renforce t2 et t3 tout en construisant une nouvelle tête de sape nommée t1’.

 

Les Allemands occupent une position élevée. Ils possèdent une supériorité incontestable sur le 149e R.I. en dominant le secteur depuis leurs têtes de sape. Les hommes du lieutenant-colonel Gothié ont du mal à tenir leurs créneaux.

 

L’ennemi reconstitue une sape offensive en t1 (reculée de quelques mètres depuis l’attaque de la veille). Il place des chevaux de frise en t1, t2 et t3.

 

Carte 1 - 1er fevrier 1915

 

Plusieurs échanges de tirs se font entre les deux artilleries dans la journée. Quelques obus touchent Noulette.

 

La liaison se réalise à vue entre la compagnie du centre du 149e R.I. et la compagnie de gauche. Des isolés effectuent la liaison entre le centre et la compagnie de droite.

 

Des éléments de la compagnie du centre fortifient les postes d’écoute en  face de t1, t2 et t3. Les travaux, réalisés sous un feu intense et contrôlé, sont extrêmement difficiles à mettre en œuvre.

 

Un obus non explosé de 150 tombe dans une tranchée entre les bois 7 et 8 ; il est signalé au colonel en charge de l’A.D. 43.

 

2 février 1915

 

À 5 h 00, des soldats du bataillon de 1ère ligne du 149e R.I. lancent une nouvelle attaque sur t1. Dans un premier temps, les Français réussissent à reprendre la position du 1er février. Ils établissent un nouveau barrage au-devant du t allemand.

 

Vers 6 h 30, les Minenwerfer ouvrent le feu sur la tête de sape t1. La position devient vite intenable. La plupart des défenseurs français sont blessés. Malgré les efforts déployés pour tenir le terrain, il faut revenir au point de départ. Une vigoureuse contre-attaque allemande est repoussée.

 

À l’aube, une patrouille ennemie s’avance vers la corne sud-est du bois des Boches. Elle lance des grenades et des fusées. Cette action n’a aucun effet.

 

De 9 h 30 à 11 h 00, la compagnie de droite du 149e R.I. subit une canonnade intermittente d’obus de  77 et de 105 tirés depuis Angres. À 14 h 45, le secteur de Notre-Dame-de-Lorette essuie un violent bombardement.

 

Pendant la journée, les hommes de la compagnie du centre effectuent des travaux de terrassement et de défenses accessoires en renforçant leurs têtes de sapes avec des chevaux de frise en fil de fer.

 

Durant la nuit, les Minenwefer bombardent le secteur du 149e R.I. (environ une bombe toutes les demi-heures). Leur ajustement de tir reste médiocre. Une bombe tombée dans la tranchée du centre fait tout de même des victimes.

 

Ces projectiles allemands semblent plus puissants que ceux tirés les jours précédents.

 

Ils créent un déplacement d’air considérable. Ils ne font pas de bruit au lancement et ne dégagent pas de fumée. Il semblerait qu’ils viennent des alentours de la haie t1. La batterie Galland tire dans cette direction sans réussir à réduire au silence le Minewerfer supposé.

 

Le commandant Laure évoque cette journée mouvementée depuis son poste de 2e ligne à Noulette, dans une correspondance familiale.

 

« Noulette est notre nouveau cantonnement de rafraîchissement derrière les lignes que nous allons maintenant occuper sur les pentes nord-ouest de la chapelle de Lorette. C’est un pauvre hameau, complètement en ruines, où nous ne trouverons pas le confort de la Fosse 10, et où le rafraîchissement entre nos périodes de tranchées ne sera qu’illusoire, car les obus y pleuvent aussi bien, peut-être même plus qu’en première ligne.  Du peu que l’on a, il faut s’en contenter. »

 

3 février 1915

 

Le bombardement sur la 1ère ligne se poursuit. Dès 10 h 00, plusieurs obus de 105 tombent dans la zone des bois 5 et 6. Des coups isolés de 77 sont tirés du côté du boyau qui longe la haie talus n° 1. Il est possible que les abris en construction de ce secteur aient été repérés.

 

Les artilleurs allemands bombardent de manière intensive la 1ère ligne et le village de Noulette entre 12 h 30 et 13 h 30. L’artillerie française intervient sur demande pour faire cesser ces tirs.

 

Le Génie installe un double réseau brun recouvrant et encerclant le boyau en face de t1 tandis que les travaux à la sape se poursuivent. Une équipe de grenadiers est à l’œuvre à la sape t3. Elle doit prolonger le petit t en face de t1.

 

Dans les tranchées, les hommes luttent contre la boue et l’eau.

 

4 février 1915

 

Un échange de tirs assez intense a lieu vers 2 h 00 en face du  149e R.I.. La liaison se fait à droite avec le 10e B.C.P. et à gauche avec le 158e R.I..

 

Durant la nuit et le matin, des bombes de Minewerfer tombent régulièrement dans la zone tenue par la compagnie du centre du régiment spinalien.

 

Dès 9 h 00, la route d’Arras et le village de Noulette sont lourdement bombardés.

 

L’artillerie allemande a tiré plusieurs obus de 105 sur le bois 5. Un obus de 77 explose vers la barricade de la route d’Arras. Il tue un homme et en blesse 7.

 

Les Minenwerfer restent très actifs. Ils lancent des bombes en forme de bouteille qui tournent dans l’air, mesurant environ 30 cm de long avec un diamètre de 6 à 8 cm.

 

La parallèle partant de x3 à x2 n’est pas encore terminée. Il faut améliorer l’entrée du boyau x1 et des tranchées. Une traverse pare-balle et des boyaux de communication ont été confectionnés. Un boyau allant du bois 5 au poste de l’artillerie est en construction. Les tranchées du bois 6 sont améliorées.

 

De 9 h 00 à 11 h 00 et à 13 h 00,  Noulette subit de violents bombardements. Les tirs proviennent d’Angres et de Givenchy.

 

À 23 h 00, une violente fusillade a lieu dans le secteur du 149e R.I..

 

Le commandant Laure écrit ceci dans une autre de ses lettres : « Sur nos nouvelles lignes, grande agitation autour d’une « tête de sape » que l’ennemi, travaillant sous terre, poussait vers nous pour nous faire sauter. On l’a attaquée, prise, perdue, reprise, et je fais l’impossible pour que nous y restions coûte que coûte.

 

Je vais aller faire ma tournée pour m’assurer que nos travaux également souterrains sont en bonne voie. Alors mon âme de « sapeur » (où sont les élucubrations de « l’offensive française » ?...) s’épanouira devant les deux ou trois mètres que nos ateliers de « sapes » et de « parallèles » auront pu gagner : Chimène, qui l’eût cru !

 

Puis je féliciterai mes « grenadiers » (on a même rétabli ce nom) qui me seront signalés comme ayant réussi à coller au nez de l’ennemi leurs grenades ou « bombes à main » et je vérifierai si les deux « crapouillots », que je viens de faire placer sur mon centre, sont en état de lancer quelques grosses bombes en échange de celles dont nous accablent les « Minenwerfer » de l’autre bord.

 

Il me restera ensuite à aller au poste d’observation de la batterie de 75 mise à ma disposition, pour voir si elle est bien réglée sur l’ennemi et non sur nous (ce qui advient parfois) enfin à demander quelques coups de 155 court pour inciter l’ennemi à se tenir plus tranquille devant nous.

 

Nos bleus comme nos vieux sont stoïques. Ils savent rester en observation à leurs « créneaux » quand la tête et la cervelle d’un voisin éclatent : car, horrible détail, c’est l’effet que produisent des balles tirées à si courte portée. Ils ne se laissent pas impressionner par une centaine de cadavres qui gisent devant eux, lugubre souvenir des vaines attaques du 17 décembre dernier. »

 

5 février 1915

 

Des tirs de fusils sont de nouveau échangés vers 1 h 30. Il faut l’intervention de la batterie Galland pour les arrêter.

 

Durant la journée, les Minenwerfer restent silencieux. L’ennemi tire quelques coups de feu isolés. Leurs tirs sont plus rares que les autres jours, ce qui laisse supposer un changement de troupe.

 

À 11 h 00, deux avions (un allemand et un français) se rencontrent au dessus de Noulette. Ils échangent quelques coups de fusil, sans dommage apparent, avant de regagner leurs lignes respectives.

 

Vers 15 h 30, Noulette est bombardée avec des obus de 105 fusants en provenance d’Angres.

 

Les artilleurs français d’Aix-Noulette effectuent deux coups trop courts avec leur 75. Vers 15 h 30  leurs obus tombent sur le bois 6 et dans l’espace compris entre le bois 6 et 7.

 

6 février 1915

 

Plusieurs coups de feu sont échangés dans la journée. Entre 10 h 45 et 11 h 00, quelques 77 tombent aux abords du boyau allant du bois 7 au bois 8. Les Minenwerfer n’ont pas repris leur activité.

 

Une parallèle allant de X3 vers t2 est en cours de réalisation. Un pan coupé est effectué en X1 pour éviter le tir d’enfilade à l’endroit où le boyau rejoint la tranchée. La tranchée de 1ère ligne est améliorée, en particulier à gauche de la haie de droite. Les boyaux sont remis en état. Des abris de 1ère ligne sont en cours de construction.

 

Carte 2 - fevrier 1915

 

7 février 1915

Dans la journée, une attaque d’artillerie assez intense vise les abris en construction du côté de la haie G.

 

Le hameau de Noulette et les tranchées de 1ère ligne sont bombardés à coups de 105 et 77 entre 12 h 00 à 14 h 00.

 

De nouveaux abris sont construits dans le bois 6. Les anciens sont en cours de rénovation.

 

8 février 1915

 

Durant la nuit, la fusillade reste continuelle sur toute la ligne de front occupée par le 149e R.I.. Les travaux du secteur sont entravés par le mauvais temps. Tous les boyaux sont inondés. À 17 h 00, les Allemands bombardent la zone de la haie talus G  et du bois 6.

 

9 février 1915

 

Le bois 6 est aménagé. Les boyaux et les tranchées, en très mauvais état en raison des intempéries, sont améliorés. Les travaux concernant les abris dans la haie talus G se poursuivent. Le Génie continue la construction de la parallèle X3 et X2 et le revêtement en sacs de terre de la tranchée à proximité du boyau talus 2.

 

10 février 1915

 

Plusieurs coups de feu sporadiques sont échangés pendant la nuit et tout au long de la journée. Ces échanges de tirs sont beaucoup plus rares que les jours précédents.

 

Quelques obus de 77 explosent dans le secteur de la haie talus G et du boyau situé à proximité.

 

Des projectiles, dits « grosses bouteilles », en provenance de t1 (le point exact est difficile à situer), tombent entre la tranchée du centre et le bois 7 (en moyenne, un coup par heure). L’artillerie française ne parvient pas à détruire la pièce allemande malgré un tir bien cadré sur le front de t1 et t2.

 

La liaison est assurée à droite avec le 360e R.I.. Pour le 149e R.I., elle se fait à vue entre la compagnie du centre et les deux compagnies occupant les ailes. Ces compagnies ne peuvent se transmettre de messages en raison des mauvaises lignes de communication.

 

Le Génie poursuit ses travaux, à la parallèle t3 – t2, et à la tranchée de liaison reliant à la 86e brigade. Il restaure les parapets de la tranchée du centre.

 

Les grenadiers du 149e R.I. continuent à construire des abris cavernes à la haie G et à la haie n° 1 dite « haie de droite ». Une équipe de terrassiers rénove la tranchée du centre.

 

La compagnie de réserve du bataillon de 1ère ligne du 149e R.I. est chargée de la reconstruction et du nettoyage d’un boyau éboulé reliant le bois 6 et le bois 7 et du curage du boyau situé le long de la haie de droite. Elle réalise également des travaux de terrassement au bois 6.

 

Le capitaine Vernaire, de l’état-major de la 10e armée, visite la zone occupée par le 149e R.I..

 

                                  Tableau des tués pour la période allant du 1er au 10 février 1915

 

                   Tableau des blessés et des disparus pour la période allant du 1er au 10 février 1915

 

                  Tableau des décédés dans les hôpitaux et les ambulances (du 1er au 10 février 1915

 

Il existe un point de divergence entre le tableau des relèves et les tableaux des pertes du 149e R.I. pour la journée du 4 février 1915.  Plusieurs tués et plusieurs blessés du 2e bataillon du 149e R.I. ont été enregistrés à la date du 4 dans le tableau des pertes tandis que le tableau des relèves indique une période de repos à la Fosse 10 pour ce bataillon.

 

 

Sources :

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

J.M.O. du 21e C.A.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 195/2.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/1.

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « tranchée de 3e ligne à Mont-Saint-Éloi – février 1915 » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie du fonds Journoud, propriété de la famille Aupetit.

 

Deux guerres en un siècle : la Grande Guerre (lettres d’Émile Laure à son épouse) Éditions de Sauvebonne.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Porcher, à la famille Aupetit, à la famille descendant du commandant Laure et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

27 octobre 2023

Émile Alfred Luthringer (1886-1915)

Emile Alfred Luthringer

 

Émile Alfred Luthringer voit le jour le 22 novembre 1886, dans le petit appartement de ses parents situé 4 place Saint-Denis, à Troyes.

 

Son père, Eugène, 38 ans, travaille comme fileur dans une entreprise locale de textile. Sa mère,  Marie Augustine Petitjean, 24 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Émile est le second d’une fratrie composée de quatre enfants.

 

Genealogie famille Luthringer

 

Malgré les actes d’état civil retrouvés, nous ne savons presque rien de la vie de cet homme. En effet, l'autre grande source, la fiche signalétique et des services, consultable sur le site des archives départementales des Vosges, n’est pas plus généreuse en informations. Il s’agit d’une pièce reconstituée après la destruction des originaux, ce qui explique son contenu lacunaire.

 

La rubrique « détail des services et des mutations diverses » est restée vierge. Seules les parties « état civil » et « décision du conseil de révision et motifs » sont dûment remplies. Nous n’aurons donc aucun détail sur le vécu militaire de cette personne. Nous apprenons simplement que son niveau d’instruction est de niveau 3 et qu’il exerce le métier d’ouvrier d’usine avant de porter l’uniforme.

 

Inscrit sous le numéro 315 du canton d’Épinal, Émile Luthringer est déclaré « bon pour le service » par un des médecins du conseil de révision réuni à la mairie de la préfecture vosgienne.

 

La date de son arrivée dans un régiment est inconnue. Selon toute vraisemblance, il a été appelé avec sa classe avant de signer un engagement à l’issue de son service actif de jeune appelé.

 

En effet, quelque temps avant que le conflit n’éclate, Émile Luthringer a été photographié, portant un uniforme de sergent, avec un groupe de sous-officiers de la 1ère compagnie du 149e R.I..

 

Groupe de sous-officiers de la 1ere compagnie du 149e R

 

Le 22 mars 1913, il épouse Marie Louise Chenal, une Vosgienne âgée de 23 ans, originaire de Nompatelize, à Épinal. L’année suivante, la France entre en conflit avec l’Allemagne. Ce couple ne semble pas avoir eu de descendance.

 

Émile Luthringer, nommé adjudant quelque temps après le début des hostilités, prend part à tous les combats dans lesquels son régiment est engagé, jusqu’à ce qu’il soit tué le 29 janvier 1915, au cours d’une attaque qui se déroule dans le secteur d’Aix-Noulette.

 

Le sergent-major Auguste Maurice Sylvestre et le sergent Paul Obré, de la 1ère compagnie du 149e R.I., confirment la mort de l’adjudant Luthringer auprès du capitaine Toussaint, l’officier d’état civil du régiment. Son décès est officiellement enregistré le 24 juin 1915.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Carte soiree du 26 janvier 1915

 

Émile Luthringer est dans un premier temps enterré dans le cimetière communal du petit village de Sains-en-Gohelle. Son corps est restitué à la famille dans les années 20. Le lieu actuel de sépulture où repose ce sous-officier n’a pas pu être identifié.

 

Émile Luthringer a été décoré de la croix de guerre avec palme à titre posthume. (Publication dans le J.O. du 8 mars 1915) :

 

« Mort glorieusement après avoir lutté avec une rare énergie, pour garder une position enlevée à l’ennemi. »

 

Son nom a été inscrit sur le monument aux morts de la ville d’Épinal.

 

Monument aux morts de la ville d'Epinal

 

Après plusieurs années de veuvage, son épouse, Marie Louise Chenal, se remarie le 21 février 1922 avec Victor Mathieu.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance d’Eugène Alfred Luthringer ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Le nom de cet homme est inscrit dans la liste des pertes du 149e R.I. à la date du 29 janvier 1915. La date notée sur sa fiche figurant dans la base de données des « morts pour la France », consultable sur le site « mémoire des hommes », est donnée au 30 janvier 1915.

 

La photographie du monument aux morts d’Épinal a été réalisée par J.N. Deprez.

 

La fratrie d’Émile Luthringer a été reconstituée à partir de plusieurs arbres généalogiques consultés sur le site « Généanet ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.N. Deprez, à T. Vallé, aux archives départementales des Vosges et à la mairie d’Épinal.

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