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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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verdun 1916
5 août 2016

Louis Nicolier (1894-1916).

Louis Nicolier

Louis Nicolier est né le 4 mai 1894 au numéro 19 de la rue Part Dieu, à Lyon. Son père, qui exerce la profession de chauffeur, se prénomme Jean Louis. Sa mère, Marie Philiberte Joulier, travaille comme ménagère.

Le niveau de vie peu élevé de ses parents n’empêche pas le jeune Louis de faire des études supérieures. Peut-être a-t-il été boursier ? Le jeune homme part étudier la chimie à l’école française de tannerie lyonnaise, après avoir obtenu son baccalauréat. Louis fait partie de la promotion 1911.

Trois ans plus tard, la déclaration de  guerre contre l’Allemagne vient mettre fin à sa vie d’étudiant.  A-t-il obtenu son diplôme d'ingénieur ? Les éléments biographiques trouvés jusqu’à maintenant ne permettent pas  de le certifier. Mais le fait qu’il ait été incorporé plus de deux mois après les autres de sa classe le laisse imaginer.

Inscrit sous le numéro 311 du 7e arrondissement de Lyon, il est classé dans la 1ère partie de la liste en 1914. Il est donc en excellente santé pour devenir soldat.

Louis est incorporé le 5 novembre 1914. Le futur combattant apprend qu’il doit rejoindre le dépôt du 149e R.I. qui se trouve à Épinal,et qu’il va devoir prendre le train pour se rendre dans la cité spinalienne. Il arrive au régiment deux jours plus tard. Après avoir fait une rapide formation, le soldat Nicolier s’apprête à rejoindre le régiment qui se trouve en Artois.

Dès le 13 janvier 1915, Louis Nicolier devient soldat de 1ère classe avant d’être nommé caporal le 22 février 1915. Son parcours au sein du 149e R.I. au front est plus difficile à établir : quand y arrive-t-il en renfort ? On sait juste qu’il se trouve à la 10e compagnie du régiment lorsqu’il est blessé le 31 mai 1915 à Aix-Noulette. La gravité de sa blessure n’est pas connue, ainsi que la durée de son éloignement du front, tout comme la date de son retour au régiment. Seule certitude, une photographie le montrant bras en écharpe, nous apprend que c’est le bras droit qui a été touché.

Le caporal Nicolier occupe les fonctions d’agent de liaison à la 2e compagnie,lorsque le 149e R.I. est engagé dans le secteur de Verdun en mars 1916. Cette fonction, qui est déjà en soi particulièrement dangereuse, est encore plus difficile dans le secteur du village de Vaux-devant-Damloup régulièrement bombardé par les Allemands. Envoyé en mission, sa compagnie n’a plus aucune nouvelle de lui entre le 1er et le 2 avril 1916.

Dans un premier temps, le caporal Nicolier est considéré comme disparu. Il existe une fiche attestant les recherches effectuées par la famille auprès du C.I.C.R..

Louis_Nicolier_fiche_C

La réponse négative de l’organisme le 16 janvier 1917 dut éteindre un dernier espoir : Il n’était pas prisonnier.

Ce n’est que le 30 juin 1921 que son décès est officiellement prononcé, à la suite d’un jugement rendu sur requête de la chambre du conseil du tribunal civil de Lyon.

Le caporal Nicolier a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume.

« Soldat courageux et dévoué. Tombé glorieusement pour la France le 2 avril 1916 à Vaux. Croix de guerre avec étoile de bronze. »

Louis Nicolier est décédé à l’âge de 22 ans ; il est resté célibataire.

Compte tenu des circonstances de sa disparition et le contexte des évènements dans ce secteur de la bataille de Verdun, il repose certainement anonymement dans la crypte consacrée à ce secteur dans l’ossuaire de Douaumont.

Sources :

Fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales du Rhône.

Fiche lue sur le site du Comité International de la Croix Rouge.

Livre d’or « association des anciens élèves de l’école de chimie industrielle de Lyon et de l’école française de tannerie ».

Journal officiel de la République française du 1er août 1922 lu sur le site « Gallica ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

22 juillet 2016

Henry Bordeaux « Verdun 1916 ».

Henri_Bordeaux

L’académicien Henry Bordeaux évoque dans son ouvrage « Verdun 1916 » l’attaque du 2 avril 1916 qui a été menée par les hommes du 1er bataillon du 149e R.I.. Ce bataillon se trouvait sous l’autorité du commandant Magagnosc.

Voici ce qu’il écrit…

« Le 2 avril 1916, le 1er bataillon du 149e R.I. commandé par le commandant Magagnosc, qui occupe les abris du ravin des Fontaines, reçoit l’ordre de réoccuper le village. Au petit jour, il se porte à la digue, où il fractionne sa troupe en trois groupes formés chacun d’une compagnie, la quatrième compagnie étant en soutien. Une compagnie a pour objectif la rue principale, une autre opérera plus au nord, entre la voie ferrée et le ruisseau, en liaison avec le 31e B.C.P ; la dernière, plus au sud, opérera dans les jardins.

En quelques bonds, nos hommes ont atteint le village et se sont avancés jusqu’à l’église. Mais un barrage d’artillerie les isole et empêche les renforts de leur parvenir. Les agents de liaison qui réussissent à traverser ce barrage continu apportent des nouvelles d’abord exaltantes, puis de plus en plus inquiétantes. Les assaillants ont été contre-attaqués et sont submergés sous les colonnes d’assaut. Sur la rive droite, dans les jardins, le lieutenant Vayssière qui commandait la compagnie a été tué et ses hommes ont reflué. Dans le village on se bat au corps à corps. Tous les officiers des trois groupements sont tués, blessés ou capturés. Parmi eux se trouvait le capitaine Toussaint qui commandait la 2e compagnie et qui, gravement frappé, encourageait encore ses hommes à ne pas se rendre. Des sous-officiers prennent leur place. L’ennemi flambe les maisons avec du pétrole. Le sergent Chef a rallié les survivants et, les groupant avec une section de mitrailleuses à la sortie du côté de l’étang, il s’est barricadé dans la dernière maison, a creusé une tranchée et arrêté l’ennemi. Au nord, le sergent Chapelle tient de même jusqu’à la nuit avec quelques éléments. On travaille à deux, l’un fait le trou, tandis que son camarade tire. Les pertes allemandes sont considérables. Un soldat qui les a vues disait : « Il y en avait, chez eux, des allongés ! »

Si le village est perdu, sauf la dernière maison, le chemin de la digue est barré. Mais, sur le revers nord du ravin, les Allemands ont réussi à se rapprocher de la voie ferrée. »

Sources :

« Verdun 1916 », livre d’Henry Bordeaux. Éditions Paris Librairie Plon 395 pages

Le plan qui figure sur le montage est extrait de l’ouvrage « La bataille de Verdun expliquée sur le terrain et par les cartes » du colonel Marchal et du capitaine Forestier. Éditions H. Frémont et fils.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi.

15 juillet 2016

2 avril 1916.

Commandant_Magagnosc_et_sous_lieutenant_Auvert

Vaux-devant-Damloup est entièrement entre les mains des Allemands depuis leurs attaques réussies du 31 mars. L’état-major de la 43e D.I. a la ferme intention de reconquérir le terrain perdu. Il est en train de préparer une action offensive avec une partie de ses troupes de réserve.

Il faut savoir que le théâtre des opérations de la 86e brigade s’est légèrement modifié à la suite des évènements du 31 mars. Il est maintenant jalonné par la ligne des retranchements, par le boyau d’Hardaumont devenu tranchée de 1re ligne, et par la moitié ouest de la tranchée du colonel Driant qui est restée en possession française.

Les compagnies qui doivent participer à la future attaque sont prélevées sur le 31e B.C.P.  sur le 158e R.I. et sur le 149e R.I..

Zone_de_l_attaque_du_2_avril_1916

Ces unités se mettent en route dans la nuit du 1er au 2 avril. Une partie d’entre elles s’apprête à remplacer l'autre partie de la brigade qui a été malmenée durant les jours précédents.

Quatre compagnies du 31e B.C.P. relèvent les compagnies du 1er B.C.P.qui sont encore en 1ère ligne.

La 5e compagnie du 158e R.I., l’unique compagnie de ce régiment qui doit  être engagée, se rend à R1.

Le 1er bataillon du 149e R.I. quitte les abris du ravin pour venir prendre sa position d’attaque à la digue de l’étang de Vaux. Il emprunte le ravin situé au sud-ouest de la mare.

Carte_1_journ_e_du_2_avril_1916

Les compagnies restantes des 31e B.C.P., et du 158e R.I. constituent les troupes de garnison et la réserve.

Tableau_d_occupation_du_secteur_le_2_avril_1916

Toutes ces unités sont en position à 3 h 45. L’attaque qui devait avoir un caractère de surprise est devancée par les Allemands !  À 4 h 00, ces derniers engagent une offensive sur la droite du front du 31e B.C.P. tout juste installé. Heureusement, cet assaut est vivement repoussé. L’ennemi laisse beaucoup d’hommes sur le terrain.

Comme prévu, les troupes du colonel Rondeau lancent leur attaque à 4 h 30.

Carte_2_journee_du_2_avril_1916

Legende_carte_2_journee_du_2_avril_1916

Les artilleurs allemands déclenchent aussitôt un violent tir de barrage qui est associé aux feux de mitrailleuses. Ces tirs sont d’une extrême précision. Toute communication avec l’arrière est impossible. Les lignes téléphoniques ont toutes été coupées depuis longtemps.

Seuls quelques coureurs tentent l’impossible. Malgré les relais, il leur faut plus de deux heures pour parcourir la distance qui les sépare du fort de Tavannes à la 1ère ligne. Largement le temps d’y laisser sa peau !

Les deux compagnies du 31e B.C.P. qui tentent de déboucher de leur aile droite se cognent à un ennemi resté très en éveil. Les chasseurs sont attendus de pied ferme. Ce sont les mêmes unités allemandes qui les ont attaqués, une demi-heure plus tôt, qui les empêchent de progresser.

Les deux compagnies de l’aile gauche du 31e B.C.P. remplissent leur mission. La tranchée nord-sud qui passe par la carrière est de nouveau occupée.

La 5e compagnie du 158e R.I., partie de R1, est stoppée net dans son élan par un barrage à la grenade et par des tirs de mitrailleuses particulièrement meurtriers. Seule une petite quinzaine d’hommes est parvenue à la tranchée ennemie, la mort les y attendait.

Les trois compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. se lancent à la reconquête du territoire perdu de Vaux-devant-Damloup.

Carte_3_journ_e_du_2_avril_1916

Deux d’entre elles reprennent presque entièrement la partie du village qui leur avait été assignée comme objectif. La 3e compagnie du 1er bataillon du 149e R.I. s’installe dans les ruines de la dernière maison à l’ouest.

L’attaque française semble donc être une réussite. La plupart des objectifs ont été atteints même si la 5e compagnie du 158e R.I. a perdu la quasi-totalité de ses hommes.

Mais la situation va rapidement devenir intenable. Les hommes sont épuisés, les munitions manquent…

Les deux compagnies de chasseurs qui occupent la tranchée nord-sud qui passe par la carrière ne sont plus soutenues par l’artillerie. Une fois leur approvisionnement de grenades épuisé, ces compagnies cèdent à la pression des contre-attaques allemandes. Elles sont obligées de revenir à leur point de départ.

Le commandant Magagnosc rédige un billet depuis son P.C. qui est installé près de la digue de la mare de Vaux.

« Mon bataillon est exposé depuis ce matin à un bombardement des plus violents, prélude probable d’une attaque ennemie. Mes compagnies se sont avancées dès 4 h 30 très rapidement vers le village de Vaux ainsi qu’au nord et au sud.

La 1ère compagnie est dans les premières maisons à l’ouest de Vaux. Je ne sais pas exactement où. En raison du tir de barrage continu et de plus en plus violent, il m’a été impossible d’obtenir des renseignements précis sur leur situation. À la nuit, je me mettrai en relation avec elle. Trois sections d’une de mes compagnies occupent la digue où j’ai établi mon P.C..

Si l’ennemi attaque en force, il me sera difficile de tenir, mes pertes étant élevées. J’aurai besoin de renfort.

Le lieutenant Stehlin qui commande la 3e compagnie est blessé. Le lieutenant Auvert, qui commande la compagnie de mitrailleuses, malade des suites de blessures à la tête, est évacué.

Je vous prie de me faire apporter le plus tôt possible 2 ou 300 grenades, 5000 cartouches, 100 fusées rouges, 50 vertes et 50 blanches, ainsi que 500 sacs à terre.

Des groupes d’avions ennemis nous ont survolés toute la journée, réglant le tir de leur artillerie et nullement gênés par nos avions !

Il m’a semblé que notre artillerie ripostait faiblement à celle de l’ennemi !

J’ai l’honneur de vous demander de vouloir bien faire dire si possible à mon chef de corps qu’il est inutile de faire venir les cuisiniers à Vaux. Cela leur serait impossible aujourd’hui. Mes hommes mangeront des vivres de réserve. Nous recevons des gaz asphyxiants. L’attaque ennemie paraît se déclencher. »

À 16 h 00, les Allemands déclenchent une violente contre-attaque sur Vaux-devant-Damloup. Les débris des deux compagnies du bataillon Magagnosc qui se trouvent dans le village sont anéantis. La progression ennemie est tout de même arrêtée devant une tranchée creusée à la hâte à l’ouest du village, par la 3e compagnie de ce bataillon.

Les Français ont lancé près de 150 fusées rouges pour demander l’appui de leurs canons, tant de la première ligne que du P.C. de la 86e brigade. Mais les résultats sont restés nuls !

Les tirs de l’artillerie ennemie sont restés très intensifs tout au long de la journée.

Le sous-lieutenant Auvert qui commande la 2e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. résume les évènements de cette journée du 2 avril 1916 dans la note suivante.

Reçu le 2 avril 1916 à 22 h 00 au P.C. de la 85e brigade.

Le 1er bataillon a attaqué à 4 h 30 avec 3 compagnies en première ligne et une en réserve. Chaque compagnie ayant une section de mitrailleuses de la 2e C.M. du 149e R.I..

À savoir de la gauche à la droite :

La 2e compagnie, au sud de la voie ferrée, en liaison avec le 31e B.C.P. jusqu’à la lisière nord de Vaux-devant-Damloup.

La 1ère compagnie dans le village de Vaux-devant-Damloup.

La 3e compagnie de la lisière sud de Vaux-devant-Damloup à la lisière sud des Vergers.

La 4e compagnie est en réserve à la maison à  l’est de l’étang.

À droite du régiment se trouvent des éléments du 158e R.I.. Ils attaquent par vagues  en partant  des retranchements sur le chemin creux.

 L’attaque part bien. À gauche, le 31e B.C.P. progresse jusqu’aux anciennes tranchées du 1er B.C.P.

La 2e compagnie du 149e R.I. dans un terrain marécageux, battu par les mitrailleuses ennemies placées entre le village de Vaux-devant-Damloup et le fort de Vaux, a des éléments qui marchent avec la 1ère compagnie et les autres passées au nord de la voie ferrée avec le 31e B.C.P..

La 1ère et la 3e compagnie disparaissent dans la fumée au-delà de l’issue ouest de Vaux-devant-Damloup et la 1ère compagnie parvenant jusqu’à l’ancienne barricade française. À 4 h 40, les compagnies paraissent avoir atteint leurs objectifs.

Un peloton de la 4e compagnie est envoyé en soutien de la 2e compagnie.

Il ne reste plus au commandant Magagnosc, dans la réserve, qu’un peloton et 1 section de mitrailleuses.

De  8 h 50 jusqu’à cette heure très violent marmitage sur les positions du 149e R.I..

Devant la contre-attaque allemande, à gauche le 31e B.C.P. revient à sa ligne de départ sur laquelle il se tient avec des éléments de la 2e compagnie du 149e R.I. et y reçoit l’attaque en tirant debout.

Du côté de Vaux-devant-Damloup, les Allemands auraient contourné par la voie et occupé la lisière ouest du village cernant les 1ère et 3e compagnies dans  Vaux-devant-Damloup.

Pendant longtemps on entendit les mitrailleuses françaises dans Vaux.

Le commandant Magagnosc qui a reçu une grosse pierre a quitté son commandement. Le sous-lieutenant Auvert, ancien trépané, a dû quitter sa compagnie de mitrailleuses.

Cette attaque un véritable désastre. Le village de Vaux-devant-Damloup est perdu.

carte_4_journee_du_2_avril_1916

Les deux autres bataillons du 149e R.I. n’ont pas été engagés durant cette journée. Le 2e bataillon qui se trouve sous les ordres du commandant Schalk s’est installé au fort de Tavannes. Le 3e bataillon qui est sous le commandement du capitaine de Chomereau de Saint-André occupe toujours le secteur du fort de Vaux.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 43e et 70e D.I., provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 43e et 70e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 2 avril 1916.

La carte qui indique la zone de d’attaque du 2 avril 1916 est extraite du J.M.O. du 22e R.A.C. 1er groupe 26 N  942/9.

La photographie aérienne provient de la collection de P. Lehue.

Le portrait du sous-lieutenant Auvert est extrait du livre d’or de la faculté de droit de Paris qui a été édité en 1925.

Le portrait du commandant Magagnosc provient du tableau d’honneur de la guerre 1914-1918 publié par la revue « l’illustration ».

Le plan qui figure sur le montage est extrait de l’ouvrage « La bataille de Verdun expliquée sur le terrain et par les cartes » du colonel Marchal et du capitaine Forestier. Éditions H. Frémont  et fils.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à P. Lehue, à A. Orrière, à M. Porcher, aux intervenants du forum « Pages 14-18 » qui m’ont apporté leur aide et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

1 juillet 2016

1er avril 1916.

Secteur_du_fort_de_Vaux

Le 31 mars, les Allemands ont lancé plusieurs attaques d’infanterie dans le secteur de la 86e brigade et dans celui du 10e B.C.P.. Du terrain a été cédé à l’ennemi.

Le colonel Rondeau, responsable de la 86e brigade, fait savoir dans un rapport, qu’en dehors de lacunes regrettables et irréparables dues à l’encadrement de certaines unités d’infanterie, l’appui de l’artillerie française aurait été tout d’abord insignifiant, puis trop tardif par la suite.

De plus, les tirs de barrage n’ont pas pu être correctement dirigés dans les zones concernées. Les observateurs n’ont pas aperçu les fusées blanches ou rouges pourtant lancées à profusion. Les compagnies du 1er B.C.P. qui étaient en première ligne ont utilisé tout leur stock, aucune n’a été vue !

Le 149e R.I. qui n’a pas pris part à ces engagements est sur le point de prêter main-forte à la brigade du colonel Rondeau,avec un de ses bataillons qui se trouve en réserve au fort de Tavannes.

Dans un premier temps, les compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. viennent s’installer aux abris du Ravin. Leur chef, le commandant Magagnosc, doit se rendre directement au P.C. du colonel Rondeau qui est situé aux abris de la Carrière, pour y recevoir ses ordres.

Carte_1_journee_du_1er_avril_1916

legende_carte_1_journee_du_1er_avril_1916

Une attaque française est en cours de préparation. La mission est claire, il faut absolument tenter de reprendre les tranchées qui étaient occupées par les 1ère, 2e et 3e compagnies du 1er B.C.P  au nord de Vaux-devant-Damloup, et essayer de reconquérir la partie du village qui a été perdue dans le secteur du 3e bataillon du 158e R.I..

Le 2e bataillon du 149e R.I., qui a quitté Dugny pour venir s’installer à la caserne d’Anthouard à Verdun, reçoit l’ordre de rejoindre le fort de Tavanne. Il doit se mettre en réserve de division en lieu et place du 1er bataillon du régiment dans la nuit du 1er au 2 avril 1916. Le départ de la caserne est prévu pour 2 h 00.

Le 3e bataillon du 149e R.I. occupe toujours les mêmes positions dans le secteur du fort de Vaux.

Carte_2_journee_du_1er_avril_1916

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte,qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 43e et 70e D.I., provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 43e et 70e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 1er avril 1916.

La photographie qui se trouve sur le montage a été réalisée en 2012. Elle a été prise du haut du fort de Vaux. La carte qui accompagne le cliché est extraite du 1er volume du tome IV des Armées Françaises de la Grande Guerre. Cet ouvrage est consultable sur le site « Mémoire des hommes ».

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

17 juin 2016

31 mars 1916.

Fort_de_Tavanne

La veille, les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. ont reçu l’ordre de remonter dans la zone des combats.

Une relève difficile

Ce qui avait été couché sur le papier par les officiers supérieurs de la division n’a pas pu être suivi à la lettre, en raison des nombreux encombrements qui ont lieu dans les tranchées. Les mouvements de troupes, les corvées, les relèves, tout pose problème. Pour compliquer le tout, l’artillerie allemande reste très entreprenante dans le secteur.

Les horaires dans les permutations d’unités de la 77e et de la 43e Division n’ont pas été respectés, mais dans la matinée, tout finit par rentrer à peu près dans l’ordre.

Les éléments de la 43e D.I. remontés en 1ère ligne en même temps que les deux bataillons du 149e R.I., occupent maintenant leurs nouvelles positions. 

Carte_1_journee_du_31_mars_1916

Legende_carte_1_journee_du_31_mars_1916

Le 3e bataillon du capitaine Gaston de Chomereau a relevé le 1er bataillon du 159e R.I. et le 1er bataillon du commandant Magagnosc est venu s’installer dans le fort de Tavanne en réserve de sous-secteur.

Comme l’atteste un rapport rédigé par le lieutenant-colonel Abbat, le chef du 149e R.I. l’organisation du secteur a été compliquée à mettre en œuvre. Voici ce qu’il écrit au général commandant la 85e brigade :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte que les relèves de cette nuit ont subi d’importants retards du fait de l’encombrement :

1) dans les boyaux d’accès à la partie ouest du tunnel.

2) sous le tunnel même. Cette voie est empruntée dans les deux sens alors que le passage n’est praticable que pour les hommes qui sont en file indienne.

J’ai l’honneur de vous demander :

1) des moyens d’éclairage sous le tunnel pour guider la circulation. Il semble qu’on pourrait trouver à la citadelle de Verdun des lampes à acétylène ou à pétrole qu’il serait facile d’espacer sous le tunnel et qui permettraient une surveillance plus active.

2) il faudrait interdire le passage sous le tunnel dans un sens à déterminer soit vers l’est, soit vers l’ouest. Faute de cette précaution, il y aura, la nuit surtout, des embouteillages inévitables.

Des commandants de compagnie se sont plaints à moi de ce que, sur la route, des accidents ont failli être causés par les ravitaillements d’artillerie, qui une fois déchargés, rentrent à Verdun au grand trot.

Il y aurait lieu, semble-t-il, de donner des ordres pour que le retour de ces ravitaillements s’opère au pas comme à l’aller.

Je vous demanderais aussi de bien vouloir pourvoir le tunnel de tonnelets pour le ravitaillement en eau. Ces tonnelets pourraient être ravitaillés chaque nuit par les tonneaux d’eau de bataillon venant sur la route de Souville, à hauteur du boyau qui descend au tunnel.

J’ai l’honneur de vous rendre compte que personnellement, je suis tombé, hier soir, sur un caillou en gagnant le tunnel. Je me suis contusionné assez fortement la jambe droite. Je n’ai rien de cassé, mais je ne pourrai aujourd’hui, et peut-être demain, marcher longtemps. »

Pour en savoir plus sur le lieutenant-colonel Abbat, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Emile_ABBAT_1

Il est inutile de dire que les tranchées sont en très mauvais état dans le secteur des premières lignes. Elles sont pour la plupart dépourvues de défenses accessoires.

L’artillerie allemande qui est restée active toute la matinée se prépare à amplifier la cadence de ses coups de canons.

Attaque allemande

À partir de 15 h 00, les artilleurs ennemis augmentent progressivement leurs tirs sur le secteur du fort de Vaux et du fort de Souville.

La puissance de feu maximale est atteinte aux alentours de 15 h 30, juste au moment où doit se déclencher leur première attaque d’infanterie.

Ce sont la partie gauche de la 85e brigade et la partie droite de la 86e brigade qui sont particulièrement visées. Les mouvements de relève avec la 77e division viennent tout juste de se terminer et la 43e D.I. va devoir s’apprêter à encaisser le  choc de plusieurs attaques allemandes.

À l’est de l’étang de Vaux, les Allemands s’emparent de la tranchée de 1ère ligne et de la tranchée de doublement orientée nord-sud, au nord-ouest du village de Vaux-devant-Damloup. Elle cause des pertes importantes au 1er B.C.P..

Carte_2_journee_du_31_mars_1916

Legende_carte_2_journee_du_31_mars_1916

Un bataillon du 158e R.I. se trouve au centre de l’attaque allemande, aucune nouvelle précise n’a pu être obtenue jusqu’à présent, les patrouilles ou agents de liaison qui ont été envoyés sur les lieux ne sont pas reparus. On peut craindre que les 3 compagnies de ce bataillon qui tenaient la première ligne, aient péri sous le bombardement ou aient été faites en partie prisonnières.

Plusieurs attaques allemandes sont également en train de se dérouler à l’ouest du fort de Vaux dans le secteur du 10e B.C.P..

Ayant été informé du danger dès le début des événements, le capitaine de Chomereau de Saint-André, responsable du 3e bataillon du 149e R.I. rédige un petit message à son supérieur.

« Le capitaine de Chomereau au commandant sous-secteur sud,

Le commandant Randier me fait prévenir que les Allemands se rassemblent dans le fond de Vaux dans l’intention d’attaquer. Tout le monde est à son poste et j’attends l’attaque.

16 h 15, 31 mars 1916, le capitaine de Chomereau commandant le 3e bataillon »

Finalement, ses hommes ne seront pas concernés par ces combats.

Le système de liaisons reste très précaire. En effet, toutes les lignes téléphoniques ont été coupées dans l’après-midi du 31 mars. Malgré le travail constant de l’équipe divisionnaire pour essayer de les remettre en activité, elles ne sont toujours pas réparées dans la nuit du 31 mars au 1er avril.

Les Allemands bombardent le secteur occupé par le 1er bataillon du 149e avec des obus lacrymogènes de gros calibre toute la journée. Les émanations de gaz empêchent les hommes d’exécuter correctement les tâches à effectuer. Les travaux de réfection du boyau allant de l’entrée du tunnel au fort de Tavannes sont interrompus. Les hommes doivent se mettre à l’abri.

Carte_3_journee_du_31_mars_1916

Legende_carte_3_journee_du_31_mars_1916

Le 2e bataillon du 149e R.I., sous l’autorité du commandant Schalk, est toujours en réserve de division. Il est installé dans la caserne d’Anthouard avec 4 compagnies du 3e B.C.P..

Carte_4_journee_du_31_mars_1916

Dans la soirée, le 1er bataillon du 149e R.I. est mis en alerte. À tout moment, il doit se tenir prêt à faire mouvement pour se mettre à la disposition du colonel Rondeau, l’officier qui commande la 86e brigade.

Les compagnies du commandant Magagnosc s’apprêtent à vivre des moments difficiles dans les heures à venir.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. de la 88e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 521/4.

J.M.O. de la 139e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 533/3.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 44e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 827/14.

J.M.O. du 75e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 661/5.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

J.M.O. du 226e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 721/1.

J.M.O. du 269e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 733/9.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

La photographie qui peut se voir sur le montage provient de la collection personnelle de N. Bauer.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 43e, 70et 77e D.I. provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte indiquant le secteur approximatif où se sont déroulées les attaques allemandes du 31 mars 1916 provient du J.M.O. de la 88e brigade S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 521/4.

Les cartes dessinées du secteur de Verdun, qui peuvent se voir ici, ont été réalisées uniquement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources.

La marge d’erreur qui indique les positions des régiments des 43e, 70e et 77e D.I. et l’orientation des attaques allemandes risque d’être assez importante. Toutes ces cartes ne sont donc là que pour se faire une idée approximative des évènements qui se sont déroulés durant la journée du 31 mars 1916.

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

10 juin 2016

Clément Henri Bonnaud (1880-1916).

Clement_Henri_Bonnaud

Les années de jeunesse

Clément Henri Bonnaud voit le jour le 7 juillet 1880 dans le petit hameau charentais de Chez-Bois. François, son père qui est un cultivateur âgé de 30 ans, doit, ce jour là, quitter le champ quelques heures pour aller à la mairie de Salles-de-Villefagnan où il doit déclarer la naissance de l’enfant. Sa mère, Françoise Goumain, est une jeune femme âgée de 23 ans qui n’exerce pas de profession.

Clément Henri obtient son certificat d’études primaires et son brevet d'études primaires sans qu'il soit possible de dire s'il entra ensuite au lycée.

Il va tout d’abord travailler comme employé de commerce, mais cette profession ne semble pas vraiment lui convenir. Alors qu’il n’est pas encore tout à fait l’heure de penser à la conscription, il décide de tout abandonner. Le 15 mars 1899, le jeune homme se rend à la mairie d’Angoulême pour venir y signer un engagement volontaire d’une durée de 4 ans. Il n’a pas encore 19 ans. Le motif qui le pousse à faire ce choix ne nous est pas connu. Monotonie de son quotidien, déception amoureuse, profession peu rémunératrice, à chacun de s’imaginer ce qui aurait pu le pousser à prendre cette décision ! Quelle qu'elle fut, il trouva les arguments auprès de sa famille pour avoir l'autorisation de le faire.

Le jeune homme s’apprête à faire son premier grand voyage. Il se prépare à quitter sa Charente natale pour s’établir dans une caserne vendéenne. Il gagne, par voie ferrée, La Roche-sur-Yon pour intégrer la 1ère compagnie du 93e R.I.. Son instruction commence le 16 mars 1899, celle-ci durera six mois.

Caserne_93e_R

Nommé caporal le 23 septembre 1899, puis sergent le 2 juillet 1900, Clément Henri Bonnaud est amené à exercer les fonctions de sergent fourrier dans sa compagnie à partir du mois de septembre 1900. Le 16 octobre 1901, il réintègre un poste de sergent à la 1ère compagnie du 93e R.I..

Le 1er février 1902, il est de nouveau sergent fourrier, mais cette fois-ci, ce sera pour travailler à la S.H.R. du régiment.

Une carrière dans la Légion étrangère

Son contrat avec l’armée arrive à échéance ; il a obligation de le renouveler pour poursuivre sa carrière sous l’uniforme. Le 9 mars 1903, il signe de nouveau pour trois années consécutives.

Cette fois-ci, ce sera pour vivre une toute autre expérience. Les portes de l’Afrique ne sont pas loin ! Le jeune sous-officier choisit le 2e Régiment étranger, une unité de la Légion qui est installée en Algérie. Une fois la Méditerranée traversée, il doit se rendre à Saïda, surnommée la ville des sources, pour découvrir sa nouvelle compagnie d’affectation.

Caserne_2e_R_giment_Etranger

Le sergent Bonnaud cantonne dans la région d’Oran entre le 27 mars et le 15 mai 1903. Le 11 avril, il occupe une place de sergent fourrier, une charge qu’il connaît maintenant parfaitement bien, à la 22e compagnie.

Envoyé dans les régions sahariennes entre le 16 mai et le 21 juin 1903, il est affecté à la colonne de Béchar dès le lendemain.

Clément Henri Bonnaud s’installe avec son unité dans la province de Figuig qui est située à l'extrême sud-est du pays, au sud de la région de l’Oriental, du 4 juillet au 9 novembre 1903.

Du 10 novembre 1903 au 21 octobre 1904, il est de retour dans la région d’Oran. Durant cette période, le sous-officier  est  de nouveau sergent fourrier. Cette fois ci, il est chargé de l’intendance de la 6e compagnie à partir du 1er août 1904.

Le 1er octobre 1904, il peut coudre ses galons de sergent-major sur les manches de sa vareuse,

Clément Henri Bonnaud devient responsable des registres de la comptabilité et de l’administration de la 5e compagnie montée, qui se trouve sous les ordres du capitaine Morel. Du 22 octobre 1904 au 15 octobre 1905, il est, de nouveau, en mission dans les régions sahariennes.

Le 26 septembre 1905, il signe un troisième contrat avec l’armée. Celui-ci prend effet à compter du 15 mars 1906. Le légionnaire vient de se réengager pour quatre ans.

Le sergent-major Bonnaud est de retour dans la région d’Oran à partir du 16 octobre 1905.

Au cours du mois de mars l’année 1907, il reçoit une médaille d’argent de l’alliance française.

Le 15 avril 1907, il est en partance pour Marseille. Le sergent-major Bonnaud vient d’être désigné pour faire partie de la relève qui doit se rendre au Tonkin par voie de mer. Après une longue traversée, le sous-officier arrive à destination le 27 mai 1907 pour servir au 5e bataillon du régiment.

C’est dans cette lointaine colonie qu'il est nommé adjudant le 13 août 1908, cela, après avoir été proposé au tableau d’avancement durant plusieurs années.

Le 1er janvier 1911, il est transféré à la 17e compagnie du 2e Régiment étranger. Promu sous-lieutenant huit jours plus tard pour être aussitôt affecté à la 9e compagnie du régiment, il est muté à la 19e compagnie du régiment à la fin du mois de février 1911.

 Fraîchement nommé dans son grade, il doit rejoindre Cao-Bang, pour exercer les fonctions de comptable sous les ordres directs du capitaine Morin.

Juin 1911, c’est le retour en France. Il embarque sur le paquebot vapeur « Nera » qui doit quitter Haiphong le 3 juin 1911, à destination du port de la cité phocéenne.

Nera

Rapatrié du Tonkin où il est resté 4 années, Clément Henri Bonnaud a le droit à plusieurs semaines de repos. Un congé de fin de campagne d’une durée de trois mois lui est accordé. Il profite de ce long temps de vacances pour retourner en Charente où il va pouvoir prendre du temps avec les siens.

De retour en Afrique, nous le retrouvons dans les régions sahariennes au début du mois de novembre 1911. Le 7 janvier 1912, le lieutenant Bonnaud change de garnison. Il a reçu l’ordre de quitter Beni Ormif pour se rendre dans la ville de Mascara.

Il s’occupe de nouveau de comptabilité lorsqu’il retrouve la caserne de Saïda. Ses supérieurs le désignent pour prendre en charge l’armement et l’habillement du régiment.

Clément Henri Bonnaud est nommé lieutenant le 9 janvier 1913. Il est  muté au 1er régiment de marche dans la 1ère quinzaine d’avril 1913. Destiné à intervenir dans le cadre de la campagne du Maroc, ce régiment  avait été formé en 1907 à partir d’éléments du 2e Régiment étranger.

Le lieutenant Bonnaud  prend part en avril et mai 1913 à la colonne Henrys. Il est ensuite désigné d’office pour assurer les fonctions d’officier de détails. Bien que remplissant très bien cette mission, il préfère de loin être sur le terrain. Il demande à reprendre du service actif. Ce choix est accordé. Clément Henri Bonneau prend un poste d’officier dans une compagnie qu’il commande avec autorité durant l’absence de son capitaine. C’est lui qui organise le caravansérail d’Ain-Hamman.

Il participe à plusieurs opérations militaires dans le Maroc occidental entre le 24 mars 1913 et le 1er août 1914.

Le 18 avril 1913, c’est l’affaire d’Auras. Le 14 septembre 1913 il est à Meknès. Le 18 juillet 1914, le lieutenant Bonnaud participe au combat de Mahajibat. Le 25 juillet c’est le combat de Sidi Amdal puis celui du col de Ziar le 4 août 1914. Les 5 et 6 août il participe au combat de Khénifra.

En mai 1915, Clément Henri Bonneau est à la compagnie montée du 2e Régiment étranger.

Cet officier arrive en France le 10 décembre 1915.

Au 149e R.I.

Le lieutenant Bonnaud rejoint le front la veille de Noël de l’année 1915, pour prendre le commandement de la 10e compagnie du 149e R.I.. A cette période de l’année, le régiment s’apprête à quitter l’Artois, une région où il est resté durant 13 mois.

Clément Henri Bonnaud est promu au grade de capitaine à titre temporaire, suite à une décision prise par le général commandant en chef le 5 février 1916 ; celle-ci est ratifiée le 10 février 1916.

Son passage au 149e R.I. sera de très courte durée. En effet, le capitaine Bonnaud est  tué quelques semaines après son arrivée au régiment. Le 30 mars 1916, la commune de Dugny est attaquée par l’aviation allemande. Les bombes qui sont tombées sur le village font plusieurs victimes, Clément Henri Bonnaud fait partie du nombre.

La dernière mission effectuée par le capitaine Bonnaud est décrite dans un témoignage laissé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint- André.

« 29 mars 1916

… Un message me prescrit de rallier d’urgence Dugny pour y prendre,par intérim, le commandement du 3e bataillon du 149e R.I. qui monte en secteur le 31 mars au fort de Vaux… Je connais déjà à fond les officiers, le 3e bataillon ayant eu l’occasion de travailler avec moi et ils me connaissent.

Je pars en reconnaissance, en voiture, avec mes quatre commandants de compagnie. Il fait un froid très vif. Nous sommes frigorifiés lorsque nous débarquons au Cabaret, où les projectiles tombent assez nombreux. Nous passons d’abord par le fort de Tavannes puis nous redescendons du tunnel par une profonde tranchée neuve… Nous allons par la sortie sud du tunnel et la Lauffée. Nous atteignons la batterie de Damloup, pour arriver pendant une accalmie de marmitage, dans un abri de bombardement à 400 m sud-est du fort de Vaux, qui sert de P.C. et d’abri pour un peloton…

Le dispositif est presque linéaire. Devant le fort, une tranchée d’un mètre de profondeur qui est sans cesse marmitée. Pas de téléphone, il est continuellement coupé. Pas d’optique possible à cause du terrain. Pour avoir l’appui de l’artillerie, il faut envoyer un coureur au fort, qui, lui, peut communiquer. Pas d’eau, une seule source connue et marmitée Ces agréables constatations faites, la reconnaissance, très sommaire, est terminée. Retour par le fort de Tavannes à Dugny, sans accroc. À 16 h 00, je suis à Belrupt, où le détachement me rejoint. Je laisse à Dugny un de mes capitaines, tué par bombe d’avion au moment où nous arrivions. »

L’intégralité de ce texte  peut se lire en cliquant une fois sur l’image suivante.

Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andre_22

Le capitaine Bonnaud  repose actuellement  dans une sépulture individuelle qui se trouve dans le cimetière national français de Dugny-sur-Meuse. Sa tombe porte le numéro 1218 A.

Décorations obtenues :

Chevalier de la Légion d’honneur (décret du 10 avril 1915).

Croix de guerre avec une étoile de vermeil.

Citation à l’ordre de 21e C.A. n° 84 du 29 mars 1916 :

« Chargé de tenir des tranchées soumises à un bombardement intense d’artillerie de gros calibre, à su accomplir sa mission avec une volonté de fer, luttant pendant 12 heures sans arrêt, pour réparer sous le feu, ses tranchées bouleversées, déterrer ses hommes ensevelis etterrer constamment, prêt à recevoir un assaut qui paraissait imminent. Légèrement blessé à l’épaule, ayant les pieds gelés, a refusé, malgré ses souffrances, de se faire évacuer. »

Médaille coloniale avec agrafes « Sahara, Algérie et Maroc ».

Clément Henri Bonnaud a également été décoré de l’ordre honorifique du Ouissam Alaouite avec le grade d’officier. Cette décoration est considérée comme étant l’équivalent de la Légion d’honneur française, pour avoir rendu des services éminents au Royaume du Maroc.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photographie de sa sépulture a été réalisée par F. Radet.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à  M. Porcher, à F. Radet et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

27 mai 2016

Verdun… Retour en première ligne.

Fort_de_Tavannes

Le 149e R.I. est installé à Dugny depuis le 26 mars 1916. Les corvées et les travaux en tout genre sont le lot quotidien des hommes. Ici, personne ne se plaint vraiment, le secteur est considéré comme calme en comparaison de ce qui se passe sur la ligne de front située à une petite poignée de kilomètres !

Mais cette situation ne va pas durer…

Le général de Boissoudy, chef de la 43e D.I., transmet un ordre écrit au responsable de la 85e brigade. Ce document atteste qu’une grande partie de ses troupes va devoir se tenir prête à remonter en 1ère ligne.

Le 1er et le 3e bataillon du 149e R.I. ont dû se rendre à Belrupt. Ils arrivent dans ce village, tôt dans la matinée du 30 mars 1916, accompagnés de deux compagnies de mitrailleuses du régiment.

Le 2e bataillon est resté à Dugny avec la 3e compagnie de mitrailleuses qui est rattachée à la brigade.

Le bataillon du commandant Magagnosc et celui du capitaine de Chomereau de Saint-André, officier qui vient tout juste de remplacer le commandant de Witkowski, reçoivent l’ordre de quitter Belrupt à la tombée de la nuit.

La plupart de ces hommes connaissent bien le secteur qu’ils vont devoir occuper. Ils retrouvent, tout simplement, les positions quittées quelques jours plus tôt.

Carte_1

Legende_carte_1_journee_du_30_mars_1916

Le gros du 10e B.C.P. et le 3e bataillon du 149e R.I. sont désignés pour aller s’installer dans les premières lignes.

Deux compagnies du 3e B.C.P. constituent la réserve de brigade avec deux compagnies du 10e B.C.P.. Le 1er bataillon du 149e R.I assure la réserve de division avec deux compagnies du 31e B.C.P..

Le 3e bataillon du 149e R.I. quitte Belrupt vers 19 h 00. Le témoignage laissé par le capitaine de Chomereau de Saint André nous donne le parcours suivi par ses compagnies.

« Le bataillon passe par les casernes Chevert, le Cabaret, la voie ferrée et le tunnel »

Le témoignage du mitrailleur Paul Portier nous indique le chemin utilisé par la 1ère compagnie de mitrailleuse et probablement par le 1er bataillon du 149e R.I..

« Nous devons relever, dans la nuit du 30 au 31 mars le 159e R.I.. À 19 h 00, les mouvements de relève commencent. Nous nous dirigeons d’une façon générale, sur la ferme de Bellevue, en passant par la haie Houry, le Tillat et nous prenons ensuite le boyau qui conduit au tunnel de Tavannes… »

Ce parcours ne semble pas être tout à fait celui qui est emprunté par le 3e bataillon. Les informations données dans le J.M.O. de la 85e brigade ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre une certitude absolue concernant les déplacements effectués.

Les fantassins du 149e R.I. sont rejoints en cours de route par les compagnies de chasseurs qui ont également reçu l’ordre de remonter en ligne.

Carte_2_journee_du_30_mars_1916

Legende_carte_2_journee_du_30_mars_1916

Ces éléments de la 85e brigade doivent se présenter à la sortie est du tunnel de Tavannes.

Selon les ordres reçus, la tête du 10e B.C.P. doit atteindre le tunnel vers 22 h 00, celle du 3e bataillon du 149e R.I. doit arriver vers 23 h 00. Des guides les attendent. La tête des compagnies du 3e B.C.P. se présente vers minuit. Le 1er bataillon du 149e R.I. rejoint le fort de Tavannes vers 3 h 30.

Les horaires inscrits sur le papier ne seront pas respectés, la réalité sera tout autre !…

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 88e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 521/4.

J.M.O. de la 93e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 523/3.

J.M.O. de la 139e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 533/3.

J.M.O. du 42e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 827/8.

J.M.O. du 57e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 831/3.

J.M.O. du 60e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 832/8.

J.M.O. du 75e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 661/5.

J.M.O. du 97e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 672/12.

J.M.O. du 159e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 701/1.

J.M.O. du 226e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 721/1.

J.M.O. du 269e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 733/9.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 70e et 77e D.I. provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 70e et 77e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 30 mars 1916.

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

6 mai 2016

Petite correspondance rédigée à Seigneulles.

Gaston_de_Chomereau_petite_correspondance

Les témoignages et les récits des batailles focalisent le plus souvent l’attention du lecteur sur les activités militaires du soldat. Pourtant, les correspondances montrent régulièrement que le contact épistolaire permettait aux hommes de conserver un lien fort avec l’arrière, avec la famille. Les nouvelles du « pays », les nouvelles de la famille, les activités professionnelles, le lien n’était pas rompu. Y compris pour apprendre le décès de membres de la famille ou de l’entourage. Y compris dans les épisodes paroxystiques pour le régiment.

Début mars 1916, le 149e R.I. cantonne dans la petite commune de Seigneulles qui se trouve dans le département de la Meuse.

Nous sommes dans une période très anxiogène pour les hommes. Ils savent qu’ils ne vont pas tarder à remonter en ligne pour aller combattre dans le secteur de Verdun où les Allemands ont déclenché une vaste offensive depuis le 21 février. Personne ne sait vraiment ce qui les attend. Le bruit court que les combats sont terribles. Dans cette période un peu chaotique, le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, qui vient apprendre le décès d’un membre de sa famille, prend le temps de rédiger une petite carte à sa cousine.

« Aux armées 5 mars 1916,

Ma chère cousine,

J’apprends aujourd’hui le grand malheur qui vous frappe et veux vous dire la part bien vive et sincère prise à votre chagrin et la peine personnelle éprouvée dans le deuil qui nous atteint. Je sais, hélas, la douleur ressentie en pareil cas et je joins mes prières aux vôtres…

Pardonnez la brièveté de cette carte, mais je suis dans un coin terriblement agité depuis quelques jours et veuillez, je vous prie, ma chère cousine, agréer avec l’hommage de mon plus profond respect, l'expression de ma sympathie bien attristée et affectueuse.

G. de Chomereau »

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Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à T. de Chomereau. 

29 avril 2016

Une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

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En juin 1917, le commandant Albert de Longeaux fait le tri dans ses papiers. Il retrouve des documents concernant le sous-lieutenant Maurice Gaudin. La période de Verdun lui revient en mémoire, les souvenirs douloureux se ravivent…

Il décide de prendre le temps d’écrire une lettre à Madame Gaudin, l’épouse de son subordonné.

Madame,

Je retrouve dans mes papiers quelques feuilles qui portent des notes prises par votre regretté mari pour son service d’adjoint au chef de bataillon. Ces feuilles sont une preuve du soin qu’il apportait à l’accomplissement de ses devoirs militaires. Je prends la liberté de vous les envoyer sachant bien que les moindres souvenirs de l’héroïque défunt vous sont extrêmement précieux.

C’est très intentionnellement, Madame, que j’applique l’épithète d’héroïque à votre mari.

Je n’ai connu, en trois ans, aucun militaire qui neméritât autant que lui ce qualificatif.

J’admire particulièrement les officiers de réserve d’infanterie, et, parmi ceux que j’ai connus, c’est le souvenir de votre mari qui entraîne plus particulièrement l’admiration. Il avait le pressentiment de sa mort prochaine dès le jour où le l’ai rencontré. Il était sans cesse angoissé par la pensée de votre avenir à vous et à votre petite fille. Cependant, personne ne s’en doutait, sauf notre ami, son « petit-fils » Jacques Rousset, qui était son confident.

Il faisait son service avec une scrupuleuse exactitude, sans tenir compte ni de la fatigue, ni du danger. Il était toujours prêt à marcher. Non seulement cela, malgré ses angoisses pour vous et sa fille, il était toujours d’une humeur charmante, très gai, plein d’entrain et bienveillant pour tous.

Dans la nuit du 7 au 8 mars 1916, celle qui a précédé sa blessure mortelle, nous étions au bois des Hospices. Il vit que pour dormir, je n’avais rien sous moi. Sans rien me dire, il s’occupa de trouver un brancard d’ambulance. Au bout d’une heure de recherches, il me l’apporta lui-même.

Le lendemain, vers cinq heures du soir, j’appris qu’il avait un bras cassé et au côté, une plaie qu’on disait légère. Je n’ai pu aller jusqu’à lui. Le 9, j’étais blessé moi aussi.

J’ai su plus tard qu’à la relève, brusquement, les camarades s’étaient trouvés en face de sa tombe.

Oui Madame, votre mari restera pour moi le type de héros le plus pur. Celui qui sacrifie pour l’honneur et pour la patrie, sans bruit, sans phrases, sans éclat, tout ce qu’il aime et tout ce qu’il a, sans parler de lui – même ; celui qui sait que ce sacrifice lui sera demandé et qui va au-devant, sans faiblesse. Celui enfin qu’on ignore et qu’on ne récompense pas.

Depuis le 6 mars, je ne commandais plus rien au 149e R.I..

Je n’ose espérer, Madame, que ces quelques mots d’un inconnu soit un adoucissement à votre douleur qui ne saurait accepter de consolation. Votre mari disait : « Si je suis tué, la Providence s’occupera de ma femme et de ma fille. » Je souhaite vivement que cette protection se manifeste sur vous de la façon la plus heureuse et la plus constante. Et, daignezagréer, Madame, l’hommage de mon plus profond respect.

Commandant de Longeaux

Le 19 juin 1917

1er Hussard, S.P. 229

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Maurice_Gaudin_

Pour en savoir plus sur le commandant Albert de Longeaux, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Albert_de_Longeaux_2

Sources :

La lettre rédigée par le commandant Albert de Longeaux provient de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly et  à A. Carobbi.

22 avril 2016

Albert de Longeaux (1865-1930).

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Les années d’enfance et de  jeunesse

Marie Étienne Albert Xavier de Longeaux voit le jour le 2 décembre 1865 à Charleville, dans les Ardennes. Son père, qui est garde général des forêts, se prénomme Angélique Charles Henri Marie. Il a 27 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Marie Marguerite Hélène de Lescale est une femme qui est âgée de 25 ans.

Le parcours scolaire d’Albert ne nous est pas connu, mais il a certainement obtenu son baccalauréat, clé d’accès qui lui a permis de tenter et de réussir le concours d’entrée de l’école spéciale de Saint-Cyr.

C’est comme simple élève qu’il commence sa formation d’officier le 28 octobre 1885. Les études vont être difficiles. Deux ans plus tard, il termine avec le n° 368, ce qui le place dans les tout derniers de la promotion de l’Annam.

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Albert de Longeaux : 3e compagnie de la promotion de l’Annam (1885-1887)

Le 1er octobre 1887, l’homme entre comme sous-lieutenant élève à l’école d’application de cavalerie de Saumur. Là aussi, les résultats ne seront pas exceptionnels. Le futur officier occupe la 75e place sur 78 étudiants. Il obtient tout de même la note générale « assez bien ».

Une expérience africaine

Muté au 6e régiment de chasseurs, le sous-lieutenant de Longeaux prend ses quartiers dans un escadron du régiment qui est cantonné à Saint-Mihiel, une ville du nord-est de la France. Il restera dans cette unité pendant quatre années.

Le 18 juin 1891, il épouse Marie Louise Magdeleine Voisin, une jeune femme qui est domiciliée à Reims. C’est une fille de général habituée à la vie militaire. De cette union naîtra le futur sous-lieutenant Jean de Longeaux qui verra le jour dans leur petit appartement sammiellois.

Le 1er juillet 1891, Albert de Longeaux est nommé lieutenant de 2e classe. L’année suivante, il est affecté au 13e régiment de dragons, il va falloir se rapprocher de la région parisienne. C’est la première mutation de sa carrière et il y en aura bien d’autres !  Le lieutenant de Longeaux quitte le 6e régiment de chasseurs à la fin du mois de décembre 1892 pour  venir s’installer dans la nouvelle caserne,construite dans le quartier Pajol de la ville de Melun.

L’officier est nommé lieutenant de 1ère classe, le 26 février 1894.

Tenté par l’aventure africaine, il fait une demande écrite à ses supérieurs qui y répondent de manière favorable. Une décision ministérielle du 1er octobre 1898 l’oblige à se mettre à la disposition du département des colonies ; pour raison administrative, il est mis hors cadre. L’officier trésorier du 6e régiment de chasseurs ne s’occupe plus de lui faire verser sa solde.

Albert de Longeaux quitte la France au début du mois d’août 1898 pour venir prendre ses nouvelles fonctions sur les terres soudanaises. Cet officier rejoint l’escadron des gardes-frontières du Sahel. Le lieutenant de Longeaux occupe, dans un premier temps, un poste à responsabilité sur le territoire du Néré-Nampala. Il quitte cette position retirée du monde en août 1899, pour être ensuite détaché à la région de Tombouctou. C’est au cours de cette période qu’il est incorporé dans la colonne de novembre 1899 qui sera amenée à combattre les Arabes Bérabiches.

En février 1900, Albert de Longeaux est nommé adjoint au commandant du cercle de Sakolo. Il quitte cet emploi en avril 1900 pour revenir dans la région du Néré-Nampala, un secteur qu’il connaît bien. Il y reste jusqu’au 6 juin 1900.

De cette expérience africaine, il revient avec plusieurs décorations.

Un officier de cavalerie mal noté

De retour en France, le lieutenant de Longeaux va connaître une carrière classique, probablement ralentie par les appréciations de ses supérieurs.

Il intègre à nouveau un régiment de dragons. Cette fois-ci, ce sera sur un cheval du 18e dragons qu’il devra poser sa selle. Le 3 décembre 1900, il est installé dans la ville de Lure.

Le 16 mars 1901, il obtient ses galons de capitaine en 2e. Cette promotion ne le fait pas pour autant changer d’affectation. Il va lui falloir attendre le 10 janvier 1905 pour être muté au 9e régiment de dragons.

Le 23 mars 1910, c’est le retour au 18e dragons. Il prend le commandement du 2e escadron du régiment.

18e_dragons_Lure

On sait qu’Albert de Longeaux est assez mal noté par ses supérieurs tout au long de son séjour dans ce régiment. En 1910, le colonel écrit dans son feuillet individuel de campagne : « Bien qu’il soit animé de la meilleure des volontés, cet officier n’a malheureusement rien produit de bon pendant le semestre. »

En 1912, il est carrément écrit que c’est un officier sans avenir !

En 1913, les appréciations ne sont guère plus encourageantes : « Très ancien capitaine, manque de feu sacré et agit beaucoup par routine. Caractère foncièrement honnête et loyal. Monte très vigoureusement à cheval, mais ne semble pas fait pour la fonction de major »

Cette évaluation ne l’empêchera pas pour autant d’être nommé major le 23 septembre 1913.  

Surtout, il est très difficile de savoir  s’il était un officier aussi peu méritant que ce qui transparaît dans les appréciations ou s’il s’agissait plutôt d’un problème de personne. L’affaire des fiches n’est pas si lointaine. Il serait intéressant de connaître l’avis renvoyé à la préfecture concernant sa loyauté vis-à-vis de la République, sa pratique de la religion. Cela pourrait expliquer le changement majeur dans ses appréciations entre l’avant-guerre et le début du conflit. En effet, tout cela va diamétralement changer avec l’entrée en guerre.

D’affectation en affectation

1914, c’est un tout autre officier qui se révèle dès le début de la campagne.

Albert de Longeaux débute le conflit contre l’Allemagne au sein du 18e dragon, mais il n’est pas envoyé au front au début de la guerre.  En fait, cet homme est resté au dépôt du régiment comme chef d’escadron en surnombre. Ce qui veut dire qu’il se retrouve sans commandement. Ce n’est que le 29 août 1914 qu’il rejoint le régiment qui est positionné dans les Vosges. Les premières missions qui lui sont confiées vont être purement d’ordre intérieur (Commandement de l’état-major et des convois, surveillance du personnel). Trois mois plus tard, il est muté au 11e régiment de dragons. C’est à partir de cet instant que les choses vont complètement changer pour lui.

Le lieutenant-colonel Vieillard est content du travail de son subordonné. Il écrit : « Le commandant de Longeaux à fait d’excellents débuts au 11e dragons à la tête de son demi-régiment. C’est un homme qui a de l’autorité, du calme et une grande valeur morale. Il a prouvé, au service des tranchées, son mépris complet du danger. »

C’est au cours de l’hiver 1915, que le major de Longeaux fait une demande pour  aller faire un stage dans un régiment d’infanterie. Ce sera au 149e R.I. qu’il sera affecté ! Concours de circonstances ? Fait du hasard ? Demande personnelle ?

Cette affectation n’a probablement rien à avoir avec le hasard. Son fils fut tué en août 1914 dans les rangs du 149e R.I. !

Pour en savoir plus sur le fils du commandant de Longeaux, il suffit de cliquer une  fois sur l’image suivante.

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Il lui faut maintenant abandonner « sa selle de cavalier  pour venir chausser les godillots du fantassin »...

Albert de Longeaux doit rejoindre sa nouvelle affectation au cours du mois de décembre 1915. Le 149e R.I. s’apprête à quitter le front de l’Artois, une région où il a été particulièrement malmené durant toute l’année 1915. Albert de Longeaux donnera, là encore, entière satisfaction au responsable du régiment.

Le lieutenant-colonel Abbat note l’appréciation suivante dans son feuillet individuel de campagne : «  Stagiaire au 149e R.I. depuis plus de trois mois. Monsieur le commandant de Longeaux a beaucoup travaillé et appris. Il peut être, sans aucun inconvénient, mis à la tête d’un bataillon, auquel il communiquera son sentiment élevé du devoir. Officier vigoureux, plein de santé, de zèle et de dévouement sur lequel on peut absolument compter. »

Le 9 mars 1916, le commandant de Longeaux est blessé par une balle reçue dans le genou droit, au cours d’une attaque qui a lieu dans le village de Vaux-devant-Damloup près de Verdun. Rapidement évacué vers l’arrière, il est soigné dans un l’hôpital de Chalon-sur-Saône.

Après sa convalescence, il passe ensuite au 95e R.I.T. le 29 juillet 1916. Il rejoint sa nouvelle unité le 3 août pour être mis à la tête d’un des bataillons du régiment. Cette expérience sera de courte durée.

Quelques mois plus tard, le commandant de Longeaux reçoit l’ordre de réintégrer son arme d’origine.

Le 31 août 1916, il assure le commandement du 3e groupe du 8e régiment de chasseurs.

Le 25 janvier 1917, Albert de Longeaux est muté au 1er régiment de Hussards pour commander le 2e groupe.  Il passe à l'état-major de cette unité le 8 avril 1917.

Cet officier est remis à la disposition du ministre en vue de son emploi à l’intérieur (proposé pour être admis à la retraite). Il est maintenu au service dans le cadre des officiers de complément, suite à une décision prise par le général commandant en chef du 10 décembre 1918 et par une application de la décision ministérielle du 5 janvier 1919.

Le commandant de Longeaux est rayé des contrôles de l’armée active par décision présidentielle du 8 mars 1919. Cette décision prend effet le 15.

Il est ensuite nommé chef d’escadron de réserve des services spéciaux du territoire de la 11e Région à partir du  24 novembre 1920.

Le petit sous-lieutenant « mal classé » de Saint-Cyr, représenté comme étant peu doué et sans avenir par ses supérieurs de l’époque, va terminer sa carrière de soldat avec le grade de lieutenant-colonel de réserve.

Albert de Longeaux décède le 16 décembre 1930 à Nantes.

Cet officier a obtenu les décorations suivantes :

Chevalier de la Légion d’honneur le 10 juillet 1907.

Officier de la Légion d’honneur à compter du 1er avril 1917

« Officier supérieur très distingué, au front depuis le début de la campagne, s’est fait remarquer en toutes circonstances par son allant, sa bravoure, son énergie. Une blessure, a déjà été cité.

Croix de guerre avec deux étoiles d’argent et une étoile de bronze

Une citation à l’ordre de la 124e D.I. n° 12 en date du 7 septembre 1915 :

« De juillet au 28 août a exercé le commandement d’une zone de tranchées, s’est consacré avec un zèle infatigable à la préparation minutieuse d’une ouverture de parallèle qui s’est effectuée les 24, 25 et 26, malgré l’action énergique d’un ennemi très rapproché. Par son sentiment du devoir, son mépris du danger et son dévouement absolu, a donné le plus bel exemple qui puisse être proposé. »

Une citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 114 en date du 25 mars 1916 :

« S’est fait remarquer en maintes circonstances par son courage et son mépris du danger. Blessé le 9 mars 1916 d’une balle au genou, a continué, malgré sa blessure, à s’occuper de la direction des premiers éléments de combats »

Une citation à l’ordre du régiment n° 202 en date du 23 décembre 1918.

« Officier supérieur d’un moral très élevé au cœur chaud qui, pendant deux ans,n’a cessé de donner à tous l’exemple le plus complet du dévouement à la patrie. D’un courage admirable, n’hésitant jamais pour entraîner ses hommes, soit dans les tranchées de Régneville, soit, tout dernièrement encore, dans les reconnaissances lancées sur Voharies, à affronter le feu de l’ennemi »

Les autres décorations :

Albert de Longeaux a obtenu le 25 octobre 1896, une médaille d’honneur en argent de 2e classe de la part du ministre de l’Intérieur. Cet officier a sauvé un dragon qui était sur le point de se noyer dans la Seine.

Médaille coloniale avec agrafe « Soudan » en 1898.

Chevalier de l’ordre de l’Étoile noire le 30 juin 1899.

Officier de l’ordre de l’Étoile noire le 21 avril 1902.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photographie de la 3e compagnie de promotion de l’Annam provient de la collection personnelle du général D. de Longeaux.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, au général D. de Longeaux, à  M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

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