15 mars 1916.
Les mouvements de relève qui se sont déroulés tout au long de la nuit du 14 au 15 ont été exécutés conformément aux prévisions. Il n’y a pas eu d’incident majeur.
Au petit matin, les chefs de bataillons, les commandants de compagnies et les responsables des sections de mitrailleuses du 17e R.I. peuvent enfin quitter leurs positions. Ils viennent tout juste de terminer l’orientation des derniers éléments du 149e R.I. qui les ont relevés.
Le bombardement reste régulier dans le vallon de Vaux et sur les tranchées françaises de première ligne. Une mitrailleuse allemande, établie sur les pentes nord du fort de Vaux, continue à rendre très difficiles les liaisons avec l’arrière.
En fin de matinée, le commandant de Marcillac du 149e R.I., l’officier responsable du fort de Vaux, rédige le rapport suivant à l’attention du général de la 86e Brigade d’Infanterie :
« Après quelques jours de séjour à Vaux, je crois devoir vous signaler un état de choses qui n’est peut-être pas connu du commandement. Dans la situation actuelle, ce qui reste du fort de Vaux ne peut pas être considéré comme un fort proprement dit. Il est simplement un élément de tranchée de première ligne.
Il n’existe plus aucun organe de commandement du fort personnel ou matériel. Les organes matériels sont tous détruits. Les casemates de Bourges sont totalement inutilisables pour quoi que ce soit, idem pour les organes de flanquement, magasins etc. Il n’y a pas d’eau, les citernes ont été mises hors de service par les bombardements. De nombreuses unités de corps différents y pénètrent tous les jours, occupant à bloc les parties couvertes qui ont résisté au bombardement, y compris les couloirs, gaines et escaliers, dans lesquels il n’est même plus possible de circuler. Les unités, qui doivent soi-disant constituer la garnison, changent. Il est matériellement impossible d’y exercer un commandement de fort proprement dit. Le commandement ne peut y être exercé que comme dans une position quelconque de tranchées de première ligne, par l’officier commandant les troupes qui y sont abritées et qui devraient en même temps occuper la crête de première ligne. Autrement dit, il ne devrait jamais y avoir, dans le fort, que des fractions appartenant à un même corps de troupe.
Avec un mouvement de troupes, de corvées de ravitaillement entrant et sortant et les éléments de toute nature qui viennent avec les fractions des différents corps ( détachements de signaleurs, de téléphonistes, de pionniers, d’agents de liaison, d’observateurs d’artillerie, de brancardiers et d’infirmiers) cela représente, sous un unique passage, un mouvement quotidien de plusieurs milliers d’hommes. Toute surveillance à l’entrée du fort est illusoire.
Cette situation peut créer les plus grands dangers. L’occupation du parapet et des abris du fort de Vaux ne peut être réalisée d’une façon vraiment utile et sûre qu’en la confiant à un seul corps, de manière à éliminer toutes les causes de désordre qui y sont actuellement accumulées. »
Au cours de la même journée, le lieutenant-colonel Abbat fait un compte-rendu concernant les abris du bois des Hospices.
« Les abris du bois des Hospices comprennent :
1) à l’ouest de la route Bellevue Ferme-Souville, à 100 m environ au nord de la ferme, cinq lignes d’abris ébauchés d’abord par le bataillon de Witkowski et la C.M.B.R., puis améliorés par le 3e B.C.P. pendant la nuit du 9 au 10 mars, puis améliorés encore par les 1ère et 4e compagnies du corps et la 1ère C.M..
Ce sont actuellement les meilleurs parce que situés dans une partie du bois moins marmitée que les autres et qu’ils ont été occupés presque sans discontinuer.
2) À l’est de cette même route et sensiblement à la même hauteur, 4 lignes d’abris, seulement ébauchés par le 1er bataillon dans la nuit du 7 au 8 et la journée du 8 mars. Ceux-ci étaient fréquemment marmités et n’ont pu être améliorés faute de bras.
3) À cheval sur la même route, à 800 m au nord de la ferme Bellevue, à la tête du ravin est-ouest, une ligne d’abris creusés et améliorés par les pionniers et les musiciens, ainsi qu’un poste de secours à l’épreuve, un abri à munitions et à grenades et le P.C. du chef de corps, ce dernier inachevé. Ces abris sont fréquemment marmités depuis hier après-midi. Il y a 4 morts et plus de 15 blessés, dont plusieurs appartiennent à des unités circulant cette nuit sur la route et atteints en ce point.
4) À l’ouest de la même route et au sud du ravin est-ouest, deux lignes d’abris ébauchés par le 2e bataillon, dans la nuit du 7 au 8 et la journée du 8 mars, légèrement améliorés par 2 compagnies du 10e B.C.P. qui les ont occupés dans la journée du 13.
En dehors des abris signalés aux 1 et au 3, auxquels on a travaillé presque sans discontinuer et qui sont acceptables, les autres auraient besoin d’être améliorés.
Je n’ai pu le faire faute de bras, les unités se succédant au bivouac pour des temps très courts, y arrivant sans outils, et mes pionniers travaillant toutes les nuits à l’établissement d’un boyau reliant la corne sud-ouest du bois de Vaux-Chapitre au croisement des routes Bellevue-Souville et Bellevue-fort de Vaux. »
Le 2e bataillon du 149e R.I. du commandant Schalck et les 2e et 4e compagnies du 1er bataillon, sous l’autorité du capitaine de Chomereau de Saint-André, conservent leurs positions tout au long de cette journée.
Sources :
J.M.O. de la 13e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 292/3.
J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.
J.M.O. de la 53e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 511/2
J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/11.
J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.
J.M.O. du 75e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 661/5.
J.M.O. du 140e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 691/3.
J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/13.
Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.
Le fond de carte,qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 53e et 86e Brigades et du groupement Randier provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.
La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 53e et 86e Brigades et du groupement Randier risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 15 mars 1916.
Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.