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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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1 novembre 2011

Premières lettres du caporal Marcel Perret (1896-1915).

                    Marcel__Perret

De nouveau un très grand merci à toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 ».

Richerenches, le 28 janvier 1915 

 Bien chers parents,

Cette fois, ça y est ! Je suis sur mon départ. On nous a prévenus ce matin, avez-vous reçu ma carte ? Je rentre ce soir à Romans. Y resterai-je longtemps ? Où partirai-je de suite pour le front ? Je ne sais, mais peu importe. Je suis assez content de partir, j’espère avoir la chance d’échapper aux balles allemandes, je reviendrai, je l’espère, victorieux et indemne, couvert de gloire et sans doute, possesseur de beaux galons d’or.

Plus que jamais, le compte sur vos prières, espérant que grâce à elles, le bon Dieu me gardera. Si vous voulez, vous donnerez une messe pour votre Marcel. Priez aussi pour que j’aie le bonheur d’aller vous embrasser avant le départ.

Je viens de ficeler un paquet que Mr Fraçon, le propriétaire de la ferme où je suis cantonné, vous enverra dans quelques jours. Il contient la paire de souliers de repos qu’on m’a donné, ils ne sont pas épatants. Je ne veux pas m’embarrasser ; 3 paires de chaussettes en coton, les bouquins par vous envoyés, une brosse à cheveux et 2 chemises du régiment pas fameuses, dont une sert d’enveloppe.

Au revoir bien chers tous, priez bien pour moi et ayez confiance. Votre fils qui vous aime tendrement et qui vous prie d’oublier tout ce qu’il a pu vous faire souffrir.

Je vous embrasse bien affectueusement.

Marcel

Le 4 février 1915 au soir 

Bien chers parents,

Je reçois à l’instant la lettre de Marie-Louise du 30 janvier. Je vois que bien que surpris de mon départ un peu précipité, vous n’êtes pas trop en soucis. Vous avez raison, confiez-vous à la Divine Providence et tout ira bien.

Malheureusement, il est impossible obtenir une permission. Je le regrette bien, si je n’étais pas si loin, je vous prierais de venir me voir à Montluel. Ce me ferait grand plaisir, mais je crois bien qu’il n’y faut pas compter, tant pis, je me fais à cette idée de ne pas vous revoir avant la fin de cette guerre maudite.

Je n’ai besoin de rien pour le moment et gardez-vous bien de m’envoyer quelque chose en fait d’habit. Je ne saurais qu’en faire, en ayant presque plus que je ne puis en porter. Ce sera pour plus tard. J’ai tout ce qu’il me faut pour le moment. Bien content de pouvoir compter sur vos prières, je ne le suis pas moins de savoir que vous avez donné pour une messe pour moi. Je suis en ce moment légèrement fatigué, maux de dents et maux de gorge aussi. Je me suis fait porter malade ce matin, je passe de nouveau la visite demain matin, mais ce ne sera sûrement rien.

Encore rien de décisif quant à la date du départ, je crois que sans tarder beaucoup, ce n’est pas encore pour ces jours. J’attends avec patience, le courage ne me fait pas défaut, de même que la confiance. Je tâcherai de me faire photographier un de ces jours. Que vous dire d’autre ? Le major m’a porté grippé et m’a donné 2 cachets de quinine.

Avez-vous des nouvelles de l’oncle Léon et de l’oncle Alfred, des autres parents et amis qui sont au front ?

Je pense bientôt recevoir une longue lettre de vous. Au revoir chers et bons parents. Je vous embrasse affectueusement. Votre tout dévoué.

Marcel 

Le 1er mars 1915 

Mes chers parents,

En rentrant du tir, je reçois votre lettre du 25. Je suis bien content de savoir que mes correspondances vous parviennent maintenant. Moi de même je les reçois assez bien, quoique tardivement. Mais mieux vaut tard que jamais.

Ce matin, exercice, l’après-midi, tir. On nous a exercés ensuite à lancer des grenades. On va former une section de grenadiers au bataillon.

Je n’ai rien reçu ni de l’oncle Léon, ni de l’oncle Alfred, ni de la tante Maria, mais j’espère qu’ils vont bien.

J’ai bien reçu votre paquet d’hier et j’attends le suivant, ça vient assez bien ici et ça fait bien plaisir, car nous n’avons pas trop à manger et bien assez d’occasions de dépenser. Je n’ai toujours pas de détails au sujet du départ. Les Anglais qui cantonnaient à proximité sont partis hier pour le front. À quand notre tour ?

Bien content que vous ayez des détails sur le patelin. Je n’ai pas de nouvelles depuis longtemps des amis et copains, et je suis bien content des détails que vous me donnez, les concernant. Toujours plein de courage et de confiance, j’attends les évènements avec patience et je me confie à la divine providence.

Au revoir, je vous embrasse bien affectueusement tous trois. Bonjour cordial aux parents et amis. Votre tout dévoué.

 Il neige à gros flocons. Vive la neige. Cette nuit, il pleuvait, la pluie me tombait sur la figure. 

Marcel Perret

Référence bibliographique :

Tome 1 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1918 », à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

24 octobre 2011

Marcel Perret (1896-1915).

                    Marcel Perret

Avant de vous présenter les lettres du caporal Marcel Perret, je me dois de remercier toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 ». En effet, cette association m’autorise à publier sur ce blog, une partie de la correspondance écrite par un jeune caporal du 149e R.I.. Une chaleureuse poignée de main à A. Chaupin, à T. Cornet et à F. Videlaine. 

Au début des années cinquante, l’association de Notre-Dame-de-Lorette souhaite rassembler des témoignages d’officiers, de sous-officiers et de soldats qui ont participé aux combats en Artois dans le but de créer un livre d’or. Pour cela, elle se propose de faire parvenir un questionnaire aux familles qui pourraient être intéressées par ce projet. Cent cinquante-trois témoignages furent ainsi recueillis pour être rassemblés en trois gros volumes.Les 2 premiers volumes sont présentés officiellement le 9 mai 1965 à l’occasion du cinquantenaire de la seconde bataille d’Artois. Le 3e volume sera publié ultérieurement pour compléter la collection des témoignages déjà recueillis. 

Les lettres du caporal Marcel Perret se trouvent dans le 1er tome du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Les informations suivantes proviennent des renseignements qui ont été donnés par mademoiselle Marie Louise Perret, sœur de Marcel, qui était domiciliée sur la commune de Moirans-en-Montagne dans le Jura. Voici ce qu’elle écrit. 

Marcel Perret était en bon terme avec les camarades de son âge, mais il recherchait volontiers la compagnie des plus âgés et peut-être des plus lettrés. Il est resté en relation avec les vicaires de sa paroisse comme en témoignent quelques cartes. Il nous envoyait régulièrement ses correspondances en nous demandant de les lui conserver. Toutes ses lettres depuis la première jusqu’à la dernière, sont pleines d’espoir. « Je reviendrai… J’ai confiance, priez dieu qu’il me garde… Du courage j’en ai, souhaitez-moi de la chance… »

Atteignant l’âge de 18 ans le 19 août 1914, trois semaines à peine après la déclaration de la guerre, il contracte un engagement volontaire pour la durée de la guerre au bureau de recrutement de Lons-le –Saunier. Il est incorporé au 75e R.I. le 11 septembre 1914. Il arrive au corps comme simple soldat de 2e classe, le 15 septembre 1914. Nommé caporal le 19 novembre 1914, Marcel passe au 158e R.I. par décision du général gouverneur militaire de Lyon le 28 janvier 1915. L’heure de départ pour le front sonne le 9 février 1915. Le caporal Marcel Perret est muté au 149e R.I. le 12 mars 1915.

Il prend part à l’attaque du 9 mai 1915. Présumé disparu à cette date, dans une lettre écrite par le capitaine qui commande la 2e compagnie datant du 24 mai 1915. 

Citation à l’ordre du régiment : Le lieutenant-colonel Abbat, commandant le 149e R.I., cite à l’ordre du régiment le caporal Marcel Perret de la 2e compagnie, n° matricule 12.587. Motif de la citation : « Est tombé glorieusement le 9 mai 1915 en entrainant ses hommes à l’attaque des tranchées allemandes. » Ordre du régiment n° 48 (extrait) en date du 25 mars 1916. 

Il n’y a pas de sépulture connue. Aucun objet lui ayant appartenu ne nous a été renvoyé. Cela malgré lettre sur lettre, qui ont été adressées par mon père, à des camarades de mon frère, dont il nous avait donné les noms. De tous, le lieutenant Ravoire, est le plus précis : 

Voici son témoignage : 

Épinal, 27 mars 1916

Votre lettre du 27 février dernier adressée du dépôt à la clinique Sainte-Anne, et de la clinique à chez moi m’arrive après un mois de retard. Je comprends votre désir de savoir quelques détails sur les conditions de la mort de votre fils, et le lieu de sa sépulture. Je comprends votre douloureuse surprise de n’avoir reçu jusqu’à ce jour, aucun objet ou souvenir ayant appartenu à votre fils.

 Des détails sur sa mort, je peux vous en donner. Je les tiens de l’aspirant qui commandait la 3e section de la 2e compagnie à l’assaut du 9 mai. Les 3 sections de première ligne étaient arrivées à quelques mètres des tranchées allemandes et attendaient, couchées sur le sol pour reprendre la marche en avant, que notre artillerie eût allongé son tir. Votre fils portait un fanion d’artillerie et à ce moment-là, l’agitait comme tous les porteurs de fanions, pour signaler à notre artillerie d’allonger son tir. Quand le moment de repartir à l’assaut fut venu, l’aspirant voyant votre fils immobile l’interpella.  N’obtenant pas de réponses, il se pencha vers lui et constata qu’il était mort. Le fanion qu’il portait pouvant être nécessaire, l’aspirant le prit et continua à monter à l’assaut avec ses hommes. Il fut blessé peu après. En allant au poste de secours, il passa près de votre fils qui était à la même place et avait gardé la même attitude. Il n’avait pas de blessures apparentes, le visage empreint d’un grand calme. L’aspirant qui l’a donc vu à deux reprises est persuadé que votre fils a été tué sur le coup d’une balle en pleine poitrine, sans souffrance. J’étais moi-même à vingt mètres près de l’endroit où votre fils est tombé. Ce n’est évidemment pas à  Noulette même, mais à proximité de ce petit village, à moins de 200 m des tranchées de départ du régiment.Je compatis sincèrement à votre grande peine. Votre fils était un très bon soldat, discipliné et courageux. Je sais bien que votre douleur ne cessera pas, mais savoir qu’il est bien mort en bon Français, n’atténue t’-il pas la peine de l’avoir perdu ? Je suis toujours à votre disposition pour vous fournir tous les renseignements que vous me demanderez.

Avec ma vive sympathie, recevez mes meilleurs sentiments. 

Lieutenant Ravoire dépôt du 149e R.I.. Épinal. 

Quelques informations complémentaires concernant Marcel Perret. 

Marcel Perret est né le 19 août 1896 dans le petit village de Moirans-en-Montagne qui se trouve dans le département du Jura. Fils d’Alphonse et de Marie Louise Charniers, ce tout jeune caporal n’a même pas 19 ans lorsqu’il trouve la mort au cours de l’attaque du 9 mai 1915 dans le secteur d’Aix-Noulette. Il servait dans la 3e section de la 2e compagnie. Son acte de décès sera enregistré le 11 juin 1916 et transcrit à la mairie de Moirans-en-Montagne le 29 juillet 1916. André Junillon et Louis Passet sont les deux témoins qui viennent valider sa mort. 

Voici maintenant le contenu de la lettre écrite par la sœur de Marcel Perret au secrétaire de l’association de Notre-Dame-de-Lorette. 

Moirans-en-Montagne le 18 juin 1922 

Monsieur le secrétaire,

Je vous retourne le questionnaire que vous avez bien voulu m’adresser pour le livre d’or de Notre-Dame-de-Lorette. Je ne sais trop si je l’ai rédigé bien dans l’esprit de ceux qui ont décidé pour ce livre d’or. Comme photos, je n’ai plus que quelques mémentos dont je joins un exemplaire, si vous le jugez bon, vous pourrez vous servir de la photo.

Quand aux lettres de mon frère, elles sont toutes conservées, je dirais presque religieusement par maman et j’hésite à m’en séparer. Et pourtant !, après moi,  puisque restée seule avec mes parents, je suis restée célibataire, qui les recueillera ? De vagues cousins dont les enfants n’ont pas connu mon frère.

J’approuve entièrement vos projets et vous exprime en tant que membre des familles des morts, ma reconnaissance pour tout ce que vous faites pour eux.

Ce matin me sont parvenus le programme et les tickets pour la 18e manifestation que vous avez pris la peine de m’adresser, ce dont je vous remercie. Par le même courrier, mon autorisation de congé de mon administration. Ainsi, rien j’espère ne m’empêchera d’être des vôtres. Mon permis de circulation demandé ne saurait tarder d’arriver.

Je vous avais parlé d’un autre membre des familles, Monsieur Roux Charles, ancien combattant et prisonnier de la guerre 14-18, dont l’un des frères, classe 14, est disparu à Neuville-Saint-Vaast. J’ai préparé pour lui, la demande de permis, il sera aussi des nôtres. Je ne sais s’il vous envoie le montant des frais, mais j’espère bien que vous lui réserverez une place. Il règlera certainement à Arras, s’il ne le fait d’ici là.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l’expression de mes sentiments les meilleurs et les plus distingués. 

Mademoiselle Marie-Louise Perret, 8 rue du Jura. Moirans-en-Montagne (Jura). 

(À suivre...)

Référence bibliographique :

Tome 1 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1915 », à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

10 octobre 2011

Et la terre s'enivra de leur sang...

Pour clôturer le travail sur l’engagement du 149e R.I. durant l’attaque du 9 mai et des jours suivants, voici une analyse succincte réalisée à partir des quelques tableaux suivants :

                 Tableau_des_pertes_generales

Ce tableau nous montre l’état des pertes générales du régiment pour les 9 jours où il est resté en première ligne. Les tués sont représentés en rouge, les blessés en vert et les disparus  en orange. 

La liste des tués rassemble les hommes qui ont trouvé la mort dans les zones de combat, ceux qui sont décédés dans les hôpitaux à la suite de leurs blessures reçues et ceux dont l’acte de décès a été officialisé quelques années plus tard par décision des tribunaux.

                 Pertes_du_1er_bataillon

L'effectif théorique d’un bataillon est d'environ 1000 hommes (250x4). En additionnant les pertes des 4 compagnies du 1er bataillon, nous arrivons à un total de 477 hommes, soit 47,7 % de l'effectif théorique. Cette notion d'effectif théorique est essentielle ici, car les compagnies étaient rarement à un effectif de 250 combattants : malades, blessés... expliquent ce fait. En réalité, le pourcentage de pertes pour les combattants est bien supérieur au pourcentage par rapport à l'effectif théorique.

Pour le 1er bataillon, nous obtenons les résultats suivants :      
1ère compagnie : 56,4 % de l'effectif théorique.
2e compagnie : 61,2 % de l'effectif théorique.
3e compagnie : 42,4 % de l'effectif théorique.
4e compagnie : 30,8 % de l'effecttif théorique.

                 Pertes__du_2e_bataillon

Pour le 2e bataillon, nous obtenons les résultats suivants :       
5e compagnie : 24 % de l'effectif théorique.
6e compagnie : 16,8 % de l'effectif théorique.
7e compagnie : 9,6 % de l'effectif théorique.
8e compagnie : 16 % de l'effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 2e bataillon, nous arrivons à un total de 166 hommes, soit 16,6 % de l'effectif théorique.

                 Pertes__du_3e_bataillon

Pour le 3e bataillon, nous obtenons les résultats suivants :       
9e compagnie : 19,6 % de l'effectif théorique.
10e compagnie : 29,6 % de l'effectif théorique.
11e compagnie : 34,4 % de l'effectif théorique.
12e compagnie : 21,2 % de l'effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 3e bataillon, nous arrivons à un total de 255 hommes, soit 25,5% de l'effectif théorique.

En guise de conclusion :

Je n’ai pas réussi à retrouver le nombre exact de l’effectif du régiment au début de l’attaque du 9 mai 1915. La lecture de l’ensemble de ces résultats ne peut donc donner qu’une idée approximative des pertes réelles du 149e R.I. durant les combats qui ont eu lieu pendant cette période. Il faut ajouter aux pertes des trois tableaux précédents les nombres de 7 tués, de 16 blessés et de 7 disparus pour les compagnies de mitrailleuses et de 1 blessé pour la C.H.R.. En partant de l’hypothèse que le régiment est composé de 3200 hommes, le pourcentage des pertes serait de 29,87 %. Les pertes globales du 149e R.I. pour cette période sont de 293 tués, 621 blessés et 42 disparus.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi.

27 septembre 2011

Du 15 au 18 mai 1915.

                 Carte_journee_du_15_mai_1915

Dans la nuit du 15 mai, le lieutenant-colonel du 149e R.I. continue d’exercer le commandement de l’infanterie qui se trouve dans le secteur. Le canon allemand reste en activité toute la nuit. Il faut organiser la tranchée T3-h1 fraîchement conquise. La liaison est faite avec le régiment de gauche. Un violent bombardement allemand à lieu durant toute la matinée sur tout le secteur et sur la 1ère ligne française. Une attaque d’envergure de la 43e D.I. est prévue à 17 h. Dès 17 h 30, l’attaque est arrêtée à gauche et les troupes placées sous les ordres du lieutenant-colonel Gothié du 149e R.I. doivent rester dans leurs positions. À 22 h 00, une compagnie du 3e bataillon qui est placée en réserve de 1ère ligne au bois de Noulette est portée aux abris du bois 6. Dans la nuit du 17 mai, les Allemands exécutent successivement deux nouvelles attaques sur la tranchée h1 T3. La 1ère échoue, mais la seconde déclenchée sur le bois 10 réussit à prendre pied dans cette tranchée qui est devenue onéreuse pour la troupe. Cette tranchée finit par devenir une zone neutre où l’ennemi n’envoie que des patrouilles. Le reste de la journée se passe dans le calme, la canonnade est intermittente. Dans la soirée, le 2e bataillon du 28e R.I. relève 4 compagnies du 10e B.C.P.. La  journée du 18 mai est consacrée à l’organisation de la position conquise. Tard dans la soirée, le 3e bataillon du 149e R.I. est relevé par le 1er bataillon du 28e R.I. qui va cantonner à la fosse 10. Cette relève se passe sans problèmes. 

Les pertes pour les journées du 15 au 18 mai 1915 sont de 25 tués et de décédés des suites de leurs blessures, de 61 blessés et de 9 disparus.

 

                               Tableau des tués pour les journées du 15 au 18 mai 1915

             Tableau des blessés et des disparus pour les journées du 15 mai au 18 mai 1915

 

Références bibliographiques :

Historique du régiment « 149e Régiment d’infanterie » Épinal. Imprimerie Klein.

Fichier des « Morts pour la France » du site S.G.A./Mémoire des hommes.

Les archives du S.H.D. ont été consultées, ainsi que le J.M.O. de la 85e brigade, série 26 N 520/10. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à V. le Calvez, à A. Chaupin, à T. Cornet, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « collectif Artois 1914-1915 ». 

20 septembre 2011

Commandant Pierre Bichat (1873-1916).

                    Commandant_Pierre_Bichat

Pierre Bichat est né le 4 juin 1873 dans le 5e arrondissement de Paris. Son père Ernest, exerçait le métier de professeur, sa mère, Marie Eugénie Bertin-Mourot ne travaillait pas. Marie Marguerite Larivière deviendra son épouse en 1905.

 Engagé volontaire en octobre 1892, après avoir fait ses études à Nancy, ce jeune homme de 19 ans est reçu à l’école spéciale militaire et commence sa formation dans la promotion du Siam. Nommé sous-lieutenant à la fin de ses études, Pierre Bichat traverse la méditerranée pour rejoindre le 3e Régiment de Zouaves qui se trouve à Constantine. Admis comme élève à l’école de guerre supérieure de 1905 à 1907. Nommé capitaine, il passe à l’état-major de la 15e D.I. puis à celui de la 56e D.I.. Fin 1911, le capitaine Bichat commande une compagnie du 109e R.I., puis c’est de nouveau plusieurs passages dans les États-majors. Devenu commandant, affecté au 149e R.I. à la fin de l’année 1914, il rejoint le régiment qui se trouve sur le front d’Artois en janvier 1915 pour prendre la tête du 1er bataillon. À la mi-août 1915 il devient chef d’état-major à la 43e D.I., puis à la 81e D.I. territoriale, puis de nouveau à la 43e D.I., il décède le 17 octobre 1916 à Cayeux-en-Santerre dans la Somme à l’ambulance 12/1.

Citation à l’ordre de l’armée n° 70 en date du 31 mai 1915 :

« A conduit le 9 mai, son bataillon à l’attaque de positions ennemies fortement organisées et défendues et a contribué puissamment au succès de l’opération. S’est maintenu le lendemain sur les hauteurs conquises, malgré la pluie de projectiles qui a fauché plus de la moitié de son effectif ».

                                      Citation_commandant_Bichat

Chevalier de la Légion d’honneur en 1906.

Officier de la Légion d’honneur le 12 juillet 1916 :

« Nombreuses campagnes, s’est acquis de nouveaux titres depuis le début de la guerre, notamment dans le commandement d’un bataillon qu’il a exercé avec distinction ».

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photo qui se trouve sur le montage a été réalisée en juin 1915. Elle est légendée «  Capitaine Prétet, commandant Bichat, Coupigny ( P.d.C.) »

La citation du commandant Bichat provient de la collection personnelle de L. Ricot.

Pour en savoir plus sur le capitaine Prétet :

http://amphitrite33.canalblog.com/archives/2010/09/12/19047679.html

Un grand merci à M. Bordes, à M. Porcher, à L. Ricot, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

13 septembre 2011

Quelques livres d'or (1).

                                                                                                                                                                                         Livre_d_or_usine_MichelinAntoine Floret : né le 23 décembre 1884 à Mezel (Pas-de-Calais). Soldat au 149e R.I., mort pour la France le 6 septembre 1916, des suites de ses blessures reçues le 4 septembre au bois de Soyécourt (Somme). Une blessure.

 Jean Labrosse : né le 23 juin 1893 à Thizy (Rhône). Sergent au 149e R.I., mort pour la France le 11 mai 1915 à Nœux-les-mines (Pas-de-Calais), des suites de ses blessures reçues le même jour à Notre-Dame-de-Lorette. Une blessure.

Livre_d_or_Besan_on

 

Marcel César Baverel : né le 30 avril 1891 à Arçon (Doubs). Sergent au 149e R.I. tué au combat de Soyécourt (Somme)  le 05 septembre 1916.   

 Jean Cholley : né le 18 août 1893 à Lure (Haute-Saône) .Sous-lieutenant au 149e R.I. tué au signal de Sainte-Marie (Vosges) le 09.08.1914.

  Livre_d_or_de_Notre_Dame_du_Bon_Conseil

Armand Breton : né le 8 juin 1894 à Paris dans le 18e arrondissement. Soldat au 149e R.I. tué le 26 septembre 1915 devant  Angres (Pas-de-Calais).

Citation à l’ordre du régiment :« Soldat d’un courage et d’un sang-froid exemplaires, tombé mortellement frappé le 26 septembre 1915 devant Angres ».

 

Références bibliographiques :

« Livre d’or du personnel mobilisé des usines Michelin, guerre 1914-1918 ». Paris, imprimerie J. Cussac.

« Livre d’or du lycée Victor Hugo de Besançon ». Besançon, imprimerie Millot Frères, 1936.

« Livre d’or des œuvres ouvrières de Notre-Dame du Bon Conseil ».

 Un grand merci à P. Baude.

7 septembre 2011

14 mai 1915.

                  Carte_journ_e_du_14_mai_1915

                                       L_gende_carte_journ_e_du_14_mai_1915

La matinée se passe dans le calme. Deux compagnies du 149e R.I. renforcées d’une compagnie et d’une section de mitrailleuses du 10e B.C.P., qui sont sous les ordres du commandant Bichat, doivent attaquer sur le front h1 - sape T3 en partant de la lisière est du bois 5 et de la sape en Y. Le reste du front actuel du 149e R.I. appuiera l’attaque par son feu. L’ennemi est calme et les troupes prennent leurs dispositions pour être en mesure d’agir. À 13 h 00, une violente canonnade allemande se produit sur tout le secteur de 1ère ligne, plusieurs hommes sont blessés. À 15 h 00, les troupes sont mises en place sur 2 lignes par unités accolées, le 10e B.C.P. à droite, et les 1ère et 2e compagnies du 149e R.I. à gauche. Un quart d’heure plus tard, un tir de préparation d’attaque est déclenché par l’artillerie française. Les Allemands répondent avec une violence extrême, qui forme un barrage aux débouchés du bois 5 et à l’est du bois 6. Il est 17 h 15, lorsque l’artillerie française allonge son tir. Au même instant, l’attaque d’infanterie commence dans les conditions suivantes :  La moitié de la 5e compagnie du 10e B.C.P. et la 2e compagnie du 149e R.I.en 1ère ligne, la moitié de la 5e compagnie du 10e B.C.P. et la 1ère compagnie du 149e R.I.en 2e ligne.

La tranchée T3 h1 est rapidement atteinte et occupée. Les Allemands lancent de T3 une grande quantité de grenades et de bombes. Tous les efforts pour s’emparer de T3 échouent. Vers 18 h 00, l’ordre de soutenir l’attaque sur T3 est donné au 3e bataillon du 149e R.I... À plusieurs reprises, les éléments des 2 bataillons combinent leur action autour du point attaqué, sous une pluie de bombes et de grenades, lancées de part et d’autre. La tête de sape qui se trouve sur un massif assez élevé  empêche les Français de s’en rendre maître. À 18 h 30, la situation est stationnaire.

Le 10e B.C.P. relève en 1ère ligne le 149e R.I., et le 3e B.C.P. se retire du secteur pour cantonner à la Fosse 10. Les 1er et 2e bataillons du 149e R.I. vont à la Fosse 10, ils sont en relève générale. Le  3e bataillon va aux abris du bois de Noulette pour être en réserve de 1èreligne. Tous ces mouvements de troupes sont terminés dans la nuit du 15 mai, à 3 h 00.

 Les pertes pour cette journée sont de 14 tués et de décédés des suites de leurs blessures, de 38 blessés et de 1 disparu.

 

                                     Tableau des tués pour la journée du 14 mai 1915

                       Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 14 mai 1915

 

Références bibliographiques :

Historique du régiment « 149e Régiment d’infanterie » Épinal. Imprimerie Klein.

Fichier des « Morts pour la France » du site S.G.A./Mémoire des hommes.

Les archives du S.H.D. ont été consultées, ainsi que le J.M.O. de la 85e brigade, série 26 N 520/10.

 Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à V. le Calvez, à A. Chaupin, à T. Cornet, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « collectif Artois 1914-1915 ».

30 août 2011

Messieurs les beaux parleurs, bienvenue en enfer !

                   Joseph Dechanet        

De nouveau un très grand merci à Y. Marain et à Y. Petrazoller, pour leurs autorisations de reproduire ici, cette lettre écrite le 15 février 1915 par Joseph Dechanet. Elle a été publiée dans un ancien  numéro des « cahiers Haut-Marnais ».

 

Ah ! Les belles phrases, les belles poésies, les beaux discours des journaux ! … sans doute nous espérons la victoire, nous avons la volonté de vaincre, et la confiance ! Mais cette guerre,  sauvage, atroce, barbare, n’est pas du tout « dans le caractère français » ! Et l’on dit, sans doute, tu entends dire, j’en suis sûr, parfois ceci : « Qu’est-ce qu’ils fichent :! Qu’attendent-ils pour les mettre dehors ? Ils ne font rien ! Ça ne marche pas!... ». Je voudrais les voir un peu à notre place, les beaux parleurs de cafés et de coins du feu ! S’ils apercevaient les immenses plaines du Pas-de-Calais et du Nord sillonnées de centaines et de milliers de kilomètres de tranchées, où l’on se guette, où sont braqués les mitrailleuses, les petits canons de 37  et les mortiers, les minenwerfer, etc. S’ils entendaient, de chaque bouquet d’arbres, de chaque montagne, de chaque colline, partir les obus qui balayent les routes, rasent les villages, bouleversent les tranchées ! Ils verraient la difficulté de la tâche.

Tu me parles de la paix, de la fin prochaine, de notre enthousiasme… de notre courage… Quelle vie ! Quelle vie ! Mon pauvre frère… Quand cela finira-t-il ? Quand ? Et comment … ? La confiance s’en va peu à peu à force de fatigues, d’insomnies, de terreurs… Depuis des mois et des mois, on est là, face à face et surtout sans pouvoir bouger… Nous partons le soir, à la nuit tombante, par n’importe quel temps, pour gagner les tranchées de première ligne. Pour y parvenir, il faut suivre des « boyaux » d’approche qui garantissent contre les balles qui, en tout temps, à toute heure, sillonnent les plaines.

C’est une boue infecte, épouvantable, inouïe. On s’enfonce jusqu’aux genoux, et il faut parfois l’aide d’un camarade pour s’en tirer. Après une heure d’efforts, de glissades, de chutes, de « bains de pieds », nous arrivons dans les fameuses tranchées. On se courbe, on se cache, car les balles pleuvent. Les Allemands illuminent de tous côtés la plaine avec leurs fusées éclairantes pour tâcher de découvrir la « relève » afin de la canonner. Et, couverts de boue, les pieds pleins d’eau, l’on s’installe. On est à 150, 100 mètres, 10 mètres de l’ennemi… Allemands et Français cherchent à se rapprocher le plus possible et pour cela creusent des sapes qui parfois se rencontrent ! Nous passons ainsi la nuit, sous la pluie, la neige, la gelée. Il faut veiller !... Sans arrêt, les balles font voler la terre. Les fusées éclairent le ciel. Au loin, le canon gronde ! De-ci, de-là, une bombe, une grenade tombent… On grelotte, on claque des dents, on « bat la semelle », on fume cigarette sur cigarette, on boit de l’alcool et encore de l’alcool pour se réchauffer et … s’abrutir. Voici le jour… La canonnade commence. « Eux » bombardent nos tranchées et nos canons répondent. Les batteries cherchent à se démolir, à détruire les abris de l’infanterie, à suspendre, au lointain, quelque troupe en marche… Puis, rien, rien ne peut te donner une idée de la terreur qu’elle inspire ! On entend un petit bruit sourd, bien connu. Alors, chacun se lève ! « Une bombe » ! Les yeux se lèvent avec frayeur vers le ciel où va apparaître l’engin terrible ! Un cri ! La voilà ! Gare ! Gare la bombe ! « Elle monte, monte dans le ciel, lentement, puis brusquement, descend, descend, descend sur nous en ronflant. » La terreur affreuse, la mort se lit sur les visages. Les yeux hagards, les bras écartés, on la regarde tomber… où tombera-t-elle ? Devant nous, derrière nous, à droite, à gauche ? Horrible anxiété. On tâche de se rendre compte, dans un éclair, dans une seconde… Et l’on fuit, comme des fous, à droite ou à gauche, comme on peut, en se bousculant ! Quel spectacle, grand dieu ! Un craquement épouvantable ! La terre vole à cent mètres de là, le sol tremble, le déplacement de l’air jette tout le monde à terre… Parfois, la terrible bombe arrive sans s’être fait entendre, ou bien l’on ne peut s’enfuir ! Et l’on voit d’horribles choses… Des hommes lancés à 40 m de là ! ou plutôt… des débris d’hommes… ; des hommes enterrés vivants, d’autres devenus fous, d’autres sourds et hébétés par la commotion !... Et nous voyons cela à chaque fois qu’il faut prendre les tranchées. Et le soir, quand nous revenons, nous avons bien souvent la mort dans l’âme ; et quand nous songeons aux nôtres, aux parents, à la famille, la gorge se serre… Oui, celui qui meurt, comme celui qui survit, a souffert déjà cent agonies ! Et parfois, l’on devine à désirer cette mort qui serait la fin des souffrances, la paix décisive !... Tous les endroits ne sont pas aussi mauvais, mais depuis quelque temps nous occupons un secteur des plus dangereux. Devant nous, le sol est jonché de cadavres français qui pourrissent là depuis des semaines. Derrière nous, des croix, des croix partout ! Mon Dieu ! mon Dieu ! la terrible chose !

Mais, me diras-tu, ne pouvez-vous donc jamais vous battre, les chasser ? Ah ! Je ne sais, non, vraiment, je ne sais pas ! Ils sont outillés supérieurement ! Et ils souffrent moins que nous de la vie des tranchées. Nous sommes des centaines dans notre tranchée, exposés à tout. Eux laissent, de loin en loin, une sentinelle dans la leur, et le reste est en arrière, à l’abri, tranquille, et n’arrive qu’en cas de danger, par de multiples « boyaux » savamment creusés. Ils ont des abris solides contre lesquels notre 75, pourtant terrible, ne peut pas grand-chose. Attaquer ?... Hélas ! Les mitrailleuses ouvrent le feu, et les malheureux tombent comme des mouches… On prend une tranchée qui coûte la vie à cent hommes… Et puis ? Derrière elle une autre, et une autre… Comment cela finira-t-il ? Notre artillerie est très bonne, mais ne peut pas tout faire, et l’artillerie allemande est fameuse elle aussi, surtout l’artillerie lourde. Nos effectifs fondent comme neige au soleil ! Il faut être de fer, pour résister, et je suis fier, vraiment de dire que je ne me suis jamais fait porter malade depuis 6 mois. Chaque jour, des malades, des tués, des blessés. Et nulle perspective de paix ! Nous essaierons, sans doute, un de ces jours, de percer. Comment ? Ce sera épouvantable… À moins que d’autres nations n’interviennent : l’Italie, la Suisse, la Roumanie… Que sais-je ? Ces Allemands sont de fameux hommes, on ne peut dire le contraire. Et surtout, on ne ménage plus le sang ! On les mène à l’attaque en « colonnes par quatre », en masse ! Que de milliers d’hommes sont déjà tombés !

 

Légende photo moulin de BouvignySources :

« Les cahiers Haut-Marnais », cahiers édités par les archives départementales de la Haute-Marne. Cote 7 rev 168.

La  photo réalisée en février 1915 est légendée « capitaine Baril, capitaine Panchaud, lieutenant Jean, sous-lieutenant Jauffret ». Elle provient de ma collection personnelle.

 

Un grand merci à M. Alzingre, à M. Bordes, à T. Cornet.,  à J.N. Deprez, à Y. Marain, à F. Petrazoller, au Conseil départemental de la Haute-Marne ainsi qu’à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

25 août 2011

13 mai 1915.

                  Carte journée du 13 mai 1915

                                      Légende journée du 13 mai 1915

La relève des 2 compagnies du 1er B.C.P. par deux compagnies du 3e B.C.P. se termine à 3 h 30. Aussitôt après, des attaques allemandes se produisent sur T0, T2 et T3 sous un bombardement intense. Les attaques sur T0 et T3 sont repoussées. Le 3e B.C.P. qui est à peine en place, fléchit devant T2.

A 7 h 50 arrive l’ordre général d’opération pour la journée. Le 10e B.C.P. qui est remis à la disposition de la 43e D.I. doit relever les 2 bataillons du 149e R.I. qui passent en réserve  générale. Cependant, aucune relève ne sera faite tant que l’ancienne ligne conquise par le 149e R.I. ne sera pas reprise à l’ennemi.

En milieu de matinée, des petits postes avancés signalent que des Allemands sont concentrés  en grand nombre dans la sape T1. L’artillerie lourde allemande poursuit son bombardement sur tout le secteur avec une grande intensité.

Le  lieutenant-colonel  commandant le 149e R.I. conserve le commandement de l’infanterie de secteur.

 

A 15 h 00, arrive l’ordre d’opérations pour la journée du 13  et la nuit du 13 au 14 mai.

Le 149e R.I. à pour mission de contre-attaquer dans la soirée à 22 h 00. Il lui faut reconquérir le  secteur perdu.  Son 2e bataillon reçoit une compagnie du 10e B.C.P. qui remplace la compagnie İeské ramenée au chemin des Vaches. Le 3e bataillon du régiment à pour objectif les sapes T2 et T3 ainsi que les tranchées de 1ère ligne qui ont été perdues et qui se trouvent entre ces différentes sapes. Il est renforcé par deux compagnies du 3e B.C.P. et une compagnie du 10e B.C.P..

L’attaque devant se faire par surprise, l’artillerie n’interviendra pas au début. Les fractions du 149e R.I. ne prennent pas part à l’attaque, se tiennent prêtes à marcher au 1er signal.

 

Les pertes pour cette journée sont de 14 tués et de décédés des suites de leurs blessures, de 27 blessés et de 9 disparus.

 

 

                                        Tableau des tués pour la journée du 13 mai 1915

 

                         Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 13 mai 1915

 

 

Voici un message écrit par le capitaine Pretet dans l’après-midi du 13 mai qui donne une idée de l’état d’esprit des hommes du 2e bataillon 149e R.I. :

 

La liaison est assurée avec la 13e division à la parallèle Bruckert. Le 109e R.I. occupe des positions en arrière de la ligne tenue par le 149e R.I.. Le 3e B.C.P. avec qui je suis en liaison est également en arrière du 149e R.I.. Nous sommes alors exposés à des feux de flanc de l’ennemi provenant du point V et de T1 et T3. Le bataillon a été en butte avec un bombardement épouvantable de l’ennemi. Les pertes sont très sensibles. Le moral est fortement atteint. Les hommes ne restent dans les tranchées que sous la menace du révolver.

Le bataillon est absolument incapable d’un effort quel qu’il soit. Mes officiers m’ont signalé le fait à maintes reprises et İeské lui-même vient de me dire qu’il ne fallait pas compter sur sa compagnie. J’ai le devoir de vous rendre compte de ces faits. J’ai l’honneur de vous rendre compte d’autre part que l’agent de liaison de l’artillerie ignorait les signaux au pavillon blanc et bleu que j’ai dû employer il y a quelques instants alors que notre artillerie tirait sur nos tranchées. 

 

Réponse du lieutenant-colonel Gothié commandant le 149e R.I. :

 

J’ai prescrit au capitaine Pretet de faire une attaque sur T1 uniquement avec la compagnie du 10e B.C.P.. »

 

Commentaires du général Guillemot, commandant la 85e brigade :

 

Ce rapport est un complément de renseignements sur la force de résistance du 149e R.I. qui semble avoir atteint une limite en raison de la fatigue et des pertes éprouvées. Le bataillon Pretet a fourni 2 compagnies en renfort de l’attaque du 9 mai, il tenait les tranchées depuis le 5 mai. Le 149e R.I. a montré jusqu’alors qu’il était vaillant, je veux bien espérer qu’il n’aura pas de défaillance et j’approuve la mesure prise par le chef de corps de n’envoyer que des unités fraîches du 10e B.C.P. pour le coup de main de ce soir. 

 

L’attaque de nuit débute à l’heure prévue. Les troupes s’élancent à 60 m environ des sapes. Mais, dès le départ elles sont prises sous un feu de mitrailleuses ennemies placées dans T1, dans le prolongement de la sape 1. Ces mitrailleuses stoppent net le mouvement en avant. Toutes les tentatives de progression sont vouées à l’échec. Une nouvelle attaque est ordonnée et exécutée à 3 h 30. Elle échoue comme les précédentes.

 

Références bibliographiques :

Historique du régiment « 149e Régiment d’infanterie » Épinal. Imprimerie Klein.

Fichier des « Morts pour la France » du site S.G.A./Mémoire des hommes.

Les archives du S.H.D. ont été consultées, ainsi que le J.M.O. de la 85e brigade, série 26 N 520/10.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à V. le Calvez, à A. Chaupin, à T. Cornet, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « collectif Artois 1914-1915 ».

8 août 2011

Témoignage de Louis Cretin : rencontre avec les troupes russes.

                    Les russes

 

De nouveau tous mes remerciements à D. Browarsky et à T. Cornet. Suite du témoignage de Louis Cretin intitulé « Le camp de Mailly, repos et permission».

  

 De mon séjour passé avec les Russes, je garde de multiples souvenirs. Ces hommes différaient totalement de nous autres français. Toutes leurs sorties et marches se faisaient en chantant une sorte de mélopée plutôt triste. Je veux parler de l’air, car nous ne comprenions pas les paroles !  Pendant une revue, on eût juré voir des statues tant ils étaient immobiles. Les punitions étaient dures et souvent ils recevaient un « passage à tabac » sérieux, sans broncher. Dans le camp ; leur drapeau était toujours sur deux faisceaux, un garde en permanence à côté. Tout homme qui passait devant devait le saluer en criant quelques mots. S’il oubliait de le faire, immédiatement il était empoigné sans ménagement. Au réveil et au coucher, ils étaient rassemblés par compagnie et tête nue, ils faisaient tous ensemble leurs prières. La journée terminée, ils remplissaient les cafés et buvaient jusqu’à l’ivresse. Chaque soir, une voiture passait et ramassait ceux qui ne pouvaient pas rentrer. Ils possédaient tous beaucoup d’argent. Ayant fait un long voyage depuis Archangel, ils n’avaient rien pu dépenser et leurs poches étaient pleines de billets et de coupures des chambres de commerce. Ignorants de la valeur qu’ils représentaient, ils étaient les bienvenus dans la maison de tolérance du camp qui ne désemplissait pas. Les gaillardes qui s’y trouvaient ont du ramasser gros ! Leurs bas servaient de coffres-forts, ils étaient toujours pleins de papiers. Quand ils avaient bu, ils étaient querelleurs, fanatiques, ils l’étaient autant que nos troupes de couleur. Voilà un tableau imparfait de ce que j’ai vu et connu du peuple slave.  Après être rentré dans le secteur qui est occupé par le régiment, je pars en permission de détente. J’amène avec moi un camarade.  Cette permission dure du 6  au 17 juillet. À notre retour, nous retrouvons les compagnies toujours au même endroit. Le régiment est relevé le 25 juillet. Nous partons en camions automobiles, toujours au repos, à Mairy-sur-Marne qui se trouve à dix kilomètres de Châlons. Les répétitions et les concerts reprennent à Sagny-aux-Moulins et à Mairy-sur-Marne. Le 29, il y a une revue de la division faite par le général Gouraud avec remise de décorations. Trois musiciens reçoivent la croix de guerre pour leur brillante conduite à Verdun. Le soir, elles sont arrosées copieusement. Deux de ces hommes seront tués par la suite. Le dimanche 30, il y a un concert et une représentation théâtrale dans le parc du château de Mairy-sur-Marne. Nous demeurons au repos jusqu’au 10 août. Le 11, nous faisons les préparatifs de départ pour la Somme.

 

Sources : « Souvenirs de Louis Cretin soldat musicien au 149e R.I. ». 

 

 La traduction de la phrase inscrite sur le drapeau russe  « Съ нами Богъ » signifie  « Dieu avec nous ». Les photos des bouteilles de vodka ont été trouvées par « Poutine » qui intervient régulièrement sur le forum Pages 14-18. Une des cartes postales utilisées sur le montage provient de la collection de « Poutine », l’autre de ma collection personnelle. 

 

Un grand merci à M. Bordes, à D. Browarsky, à A. Carobbi, à A Chaupin, à T. Cornet., à l’association « Collectif Artois 1914-1915 » et, pour « la partie russe » à « Poutine » du forum Pages 14-18. 

 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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