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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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la somme (de septembre a decembre 1916)
1 juillet 2022

6 septembre 1916

Hippolyte Journoud -soir d'attaque - septembre 1916

 

Les hommes du 149e R.I. entament leur 3e journée consécutive de combat en 1ère ligne et il n’est pas question qu’ils soient relevés !

 

Plusieurs obus allemands de gros calibres tombent sur le boyau du Dauphin dans la nuit du 5 au 6 septembre. Les grenadiers allemands ont lancé deux violentes contre-attaques. La première a lieu sur 651 h, la seconde près de la ferme sans Nom. Elles ont été brisées grâce à l’artillerie divisionnaire.

 

Le régiment reste sans nouvelles de son chef de corps. Le commandement du 149e R.I. est confié au commandant Magagnosc à partir de 6 h 00. Une nouvelle attaque est programmée dans l’après-midi.

 

Troupes engagées et objectifs

 

Les 3e et 10e B.C.P., les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. et trois compagnies de son 2e bataillon accompagnés de 2 sections de la compagnie de génie 21/2 se préparent à entrer en action.

 

La réserve de brigade est constituée d’une compagnie du 149e R.I., d’un bataillon du 17e R.I. et de deux sections de la compagnie de génie 21/2.

 

Les éléments de la 85e brigade doivent rejoindre les parties du 2e objectif non conquises la veille (3896-batterie 4200-616 c-90).

 

carte 1 journee du 6 septembre 1916

 

Offensive du 6 septembre

 

Les fantassins et les chasseurs de la 85e brigade franchissent le parapet des tranchées à 16 h 00. Ils combattent sur une ligne de front allant de la ferme sans Nom au point 90. 

 

La liaison se fait à droite avec la 86e brigade, au boyau du Prunier, à gauche avec la 122e brigade (tranchée de soutien, tranchée du Merlan, 3614, 3715 et 3815).

 

L'artillerie lourde française envoie quelques rafales sur le boyau Valet. L'artillerie de campagne, chargée des tirs de barrage, met ses canons en action quelques minutes avant l'offensive. Des combats aériens se déroulent au-dessus des lignes.

 

L'attaque ne donne pas les résultats escomptés. La progression n'est possible qu'à l'est de la ferme sans Nom. Au nord, elle est stoppée par des feux très nourris de mitrailleuses et des tirs de barrage ennemis. 

 

L’infanterie allemande, restée très active tout au long de l’offensive, empêche la 85brigade d'atteindre les objectifs fixés.

 

Situation en fin de journée 

 

Le 149e R.I. a légèrement progressé à l’est et au nord de la ferme sans Nom.

 

Le 3e B.C.P. a poussé ses premières vagues au-delà de la tranchée Siegfried mais son attaque a été neutralisée par les feux de mitrailleuses ennemies en provenance de la tranchée 4200 – 616 c et du bois Vasset.

 

Le 10e B.C.P. n’a pas réussi à atteindre le point 90. Il occupe la tranchée 86 a - 3910 a.

 

Les Allemands restent fortement installés sur la position 651 i – 616 c – 90 et le boyau Valet.

 

                               Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 6 septembre 1916

 

Sources bibliographiques :

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Le dessin intitulé « soir d’attaque septembre 1916 » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie du fonds Journoud, propriété de la famille Aupetit.

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

24 juin 2022

Frédéric François Gothié (1866-1940)

Frederic François Gothie

 

Enfance et jeunesse

 

Frédéric François Gothié naît le 22 janvier 1866 à Pisdorf (Bischtroff), un petit village situé près de Sarre-Union, dans le département du Bas-Rhin. Son père, Frédéric, âgé de 44 ans, sergent maître d’armes aux armées du Second Empire, est titulaire de la Médaille militaire et de la médaille d'Italie.

 

Sa mère, Christine Bauer, fille d’un charron de Zollingen, est âgée de 28 ans. Elle a déjà donné naissance à une petite fille, prénommée Marie, venue au monde en 1862.

 

Frédéric Gothié et Christine Bauer se sont mariés le 7 mars 1860 à Philippeville (Skikda) en Algérie. Ils ont opté pour la nationalité française après la guerre de 1870-1871. Une fois la carrière militaire du père achevée, les Gothié s’installent à Collonges-au-Mont-d’Or, dans la banlieue nord de Lyon. L’ancien sergent maître d’armes y a obtenu un emploi réservé à l’octroi du pont de la commune.

 

Scolarité 

 

Frédéric fait ses classes primaires à Collonges-au-Mont-d’Or. Il poursuit ses études au collège de Vienne. C’est un très bon élève. Un bulletin de notes datant de cette époque donne les appréciations suivantes : « Excellent élève sous tous les rapports ; travaille avec application et intelligence. Il fait des progrès très marqués dans toutes les parties. Il nous donne pour l’avenir les meilleures espérances. »

 

Sa classe de 3e est composée d’une cinquantaine élèves. Frédéric est alors âgé de 14 ans.

 

Il est second en récitation, 3e en allemand et en latin, 8e en mathématiques et version grecque et 9e en géographie.

 

Le jeune Gothié intègre le lycée de Saint-Rambert après sa sortie du collège. Il rejoint le lycée de Lyon pour suivre les cours des classes de préparation aux grandes écoles.

 

À l’âge de 19 ans, il est noté comme étant un peu trop léger d’esprit en mathématiques spéciales. Il est dit qu’il doit faire des efforts s’il veut y arriver… Dissipé à certaines heures, mais sans plus, il n’en arrive pas moins à décrocher le baccalauréat es sciences.

 

Une fois ses études scolaires achevées, Frédéric Gothié choisit d’embrasser la carrière militaire.

 

Son degré d’instruction de niveau 5 lui permet de tenter le concours d’entrée de l’école spéciale militaire, une épreuve qu’il réussit sans aucune difficulté.

 

Issu d’une famille modeste, le jeune Gothié obtient une bourse pour entreprendre ses études. Son père signe une décharge pour rembourser les frais de formation en cas de non-respect du contrat.

 

Premières années sous l’uniforme

 

Frédéric Gothié est dans l’obligation de contracter un engagement volontaire pour intégrer la 71e promotion saint-cyrienne dite promotion de Châlons. Le 27 octobre 1886, il se rend à la mairie du 1er arrondissement de Lyon pour y signer un contrat de cinq ans.

 

Ce futur Saint-Cyrien a également été inscrit sur la liste de recrutement de la classe de 1886 de la subdivision de Lyon ; il a le n° 123 au tirage au sort du canton de Neuville ; il est enregistré sous le n° 356 au registre matricule de recrutement.

 

Le 23 juin 1887, son adjudant le punit de deux jours de salle de police pour mauvaise tenue dans le rang et pour avoir ri à l’annonce d’une punition de consigne.

 

Frédéric est nommé caporal le 1er octobre 1887.

 

Le 9 août 1888, son capitaine lui inflige deux jours de salle de police pour mollesse au cours d’une séance de tir.

 

Il quitte l’école spéciale militaire le 1er octobre 1888 avec le grade de sous-lieutenant. Classé 101e sur 406 diplômés, il est affecté au 105e R.I. de Riom.

 

Caserne d'Anterroche Riom 105e R

 

Fréderic Gothié entre à l’école normale de gymnastique de Joinville le 1er août 1889 ; il y obtient la médaille d’argent, prix unique d’épée. Classé 10e sur 33 élèves, le jeune sous-lieutenant est jugé comme suit : « Officier sérieux, a travaillé toutes les parties et malgré son peu d’aptitude pour la gymnastique, est parvenu à sortir dans un rang très honorable, à même de diriger les exercices physiques de son bataillon. »

 

Il suit les cours de l’école de tir de la Valbonne du 1er novembre 1890 au 28 février 1891. Le sous-lieutenant Gothié est classé 10e sur 72 élèves avec l’appréciation suivante : « A montré le plus grand zèle, très bon instructeur, sait très bien régler les différents feux, apprécie assez bien les distances à la vue et au télémètre. Très bon tireur, peut-être utilement utilisé à l’instruction théorique et pratique des officiers et sous-officiers. »

 

Progression de carrière

 

Frédéric Gothié obtient les galons de  lieutenant le 15 juillet 1891. Il tente et réussit le concours d’entrée de l’école supérieure de guerre. Une décision ministérielle du 20 avril 1894 l’autorise à suivre les cours à partir du 1er novembre. Il s’installe à Paris le temps de ses études.

 

Le lieutenant Gothié obtient son brevet d’état-major en novembre 1896 avec la mention « bien », classé 51e sur 80 élèves.

 

À partir du 16 novembre 1896, il poursuit sa carrière d’officier à Nîmes en tant que stagiaire à l’état-major de la 59e brigade rattachée à la 30e D.I..

 

Frédéric Gothié fait la connaissance de Louise Guérin qu’il épouse le 14 décembre 1897. Trois enfants naîtront de cette union : Pierre et Marcel qui feront plus tard une belle carrière militaire et Simone, la cadette, qui deviendra médecin.

 

Mariage de Frederic Gothie et de Louise Guerin

 

Le lieutenant Gothié est promu capitaine le 12 juillet 1898. Il occupe les fonctions d’officier d’ordonnance à l’état-major de la 59e brigade depuis plusieurs mois.

 

Les notes laissées par son supérieur direct sont élogieuses. Le 31 décembre 1898, le général Flouvat rédige ceci : «  Monsieur Gothié a été promu capitaine au choix en juillet dernier. Toujours la même volonté d’arriver, la même ardeur au travail, le même dévouement à ses devoirs professionnels, ne laissant jamais échapper une occasion de se rendre utile. A été pour moi un auxiliaire précieux pendant les manœuvres d’automne où il a su faire apprécier son intelligence, son instruction technique et sa vigueur physique, nature douce, prévenante qui éveille la sympathie. »

 

Le 1er janvier 1900, le général Flouvat ajoute : « Officier toujours des mieux doués, comme vigueur, intelligence, facilité au travail, souplesse de mémoire et sûreté de jugement. Il dirige aujourd’hui son bureau avec une réelle compétence et connaît à fond les diverses questions concernant le territoire et la mobilisation. A fait preuve, au cours des manœuvres alpines d’une endurance à toute épreuve et achevé de se familiariser avec la topographie du VIIe secteur qu’il connaît maintenant à fond, où il pourrait, au besoin, rendre de bons services. »

 

Le capitaine Gothié reste un sportif assidu. Sur les traces de son père, il obtient un prix d’escrime en 1901.

 

Une décision ministérielle du 25 janvier 1905 l’affecte au 55e R.I. à partir du 2 février.

 

Le général Sabatié, nouveau commandant de la 59e brigade, déplore ce départ. Il laisse une dernière appréciation dans le feuillet du personnel de son subordonné : «  C’est avec un vif regret que je vois le capitaine Gothié quitter l’état-major de la 59e brigade où il a rendu pendant 8 ans les plus précieux services. C’est un officier remarquable sous tous les rapports et qui mérite de faire une brillante carrière. Doué d’une intelligence très ouverte servie par un jugement très sûr et une mémoire très exercée, doué d’une grande puissance de travail et d’une réelle facilité d’assimilation, il recherche toutes les occasions de se rendre utile. Très vigoureux, très endurant à la fatigue, très bon cavalier, il est toujours prêt à tout service extérieur et on peut, en toute sécurité,  lui confier les missions les plus importantes et les plus ardues. Très consciencieux, plein d’entrain et de zèle, il a le sentiment de l’initiative, l’esprit de décision et beaucoup de coups d’œil sur le terrain. Il apprécie vite et bien en manœuvres les différentes situations et se montrera certainement aussi bon officier de troupe qu’il était bon officier d’état-major. Son excellente éducation et son esprit de discipline et de dévouement lui attireront pendant toute sa carrière, l’estime et l’affection de ses chefs, de ses subordonnés, de ses camarades. Parle couramment le russe et l’allemand. »

 

Frédéric Gothié prend le commandement de la 10e compagnie du  55e R.I. en tant que « stagiaire de troupe » durant les deux années suivantes. Une fois de plus, il est très bien noté.

 

Auteur d’une étude sur l’éducation physique et militaire de la jeunesse française, il est cité au bulletin officiel du ministère de la guerre du 27 février 1908.

 

Une nouvelle décision ministérielle entraîne son affectation à l’état-major de la 2e division d’infanterie coloniale à Toulon. Il occupe à nouveau le poste d’officier d’ordonnance. Sa formation d’officier breveté est définitivement terminée.

 

Le 18 mars 1909, le général commandant l’état-major de la 2e division d’infanterie coloniale inscrit le texte suivant : « Le capitaine Gothié a obtenu pendant toute sa carrière les plus brillantes notes et elles sont pleinement justifiées. Très intelligent et très instruit, d’excellente éducation, doué d’une grande force de caractère et d’une puissance de travail, toujours dévoué, plein de zèle et d’entrain, ayant de l’initiative et du coup d’œil sur le terrain, animé du meilleur esprit, traitant les affaires avec une scrupuleuse attention, montant bien à cheval et montant régulièrement. C’est un officier d’état-major du plus complet. Parle l’allemand et le russe, a obtenu une citation au B.O. du ministre de la guerre pour un travail sur l’éducation physique, dont il a encore été récompensé par les palmes académiques, a été désigné pour faire une conférence aux élèves du lycée sur l’organisation de l’armée et l’a faite avec beaucoup de talent. A été parfaitement noté comme commandant de compagnie au 55e R.I..

 

Je regrette profondément que cet excellent officier n’ait pas encore été inscrit au tableau d’avancement et j’espère bien qu’à la fin de l’année, il recevra la juste récompense de son travail et de ses excellents services. »

 

Casernes du 44e R

 

Frédéric Gothié est nommé commandant le 24 décembre 1910. Ce changement de grade l’affecte au 44e R.I à Bruyères-en-Vosges. Une fois sur place, il prend le commandement du 1er bataillon de l’unité. Il conduit ses compagnies de façon énergique et décidée pendant les marches des Vosges, au camp du Valdahon, et pendant les grandes manœuvres.

 

Commandant Gothie-Saint-Cyr

 

Il est nommé professeur de tactique et de morale (éducation morale de l’officier) à l’école spéciale militaire à la fin de l’année 1912. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 31 décembre. Frédéric Gothié instruit trois promotions : Les Marie-Louise (1911-1913), la Montmirail (I9I2-I9I4), et la Croix-du-Drapeau (I9I3-I9I4).

 

Les premiers mois de guerre

 

Le commandant Gothié exerce toujours à Saint-Cyr lorsque la mobilisation générale est décrétée en août 1914. Les cadres et les élèves de l’école spéciale militaire sont rapidement répartis dans les différentes unités mobilisées sur le territoire français.

 

Frédéric Gothié est envoyé à l’état-major du IVe groupe de division de réserve.  Il occupe les fonctions de chef du 1er bureau jusqu’à la dissolution de l’unité. Il est ensuite nommé à l’état-major de la Xe armée avec les mêmes fonctions. Le lieutenant-colonel de Vallière, chef d’état-major de cette armée, écrit ceci :

 

« Monsieur le commandant Gothié a été nommé à la mobilisation, chef du bureau à l’état-major du 4e groupe des divisions de réserves. Il a rempli cet emploi jusqu’à la dissolution de cette unité (29 septembre) a été nommé ensuite au même emploi à l’état-major de la Xe armée. Dans ces différents emplois où le commandant Gothié a été sous mes ordres, j’ai pu apprécier toutes les qualités d’intelligence, de dévouement et de commandement. C’est un vigoureux officier, plein d’entrain et d’esprit de discipline qui s’est fait remarquer dans des missions périlleuses sur la ligne de feu par son sang-froid, son initiative et son courage aussi apte à exercer le commandement d’un régiment qu’a remplir les fonctions de chef d’état-major. Était au tableau pour le grade de lieutenant-colonel, mérite à tous points de vue de passer au plus tôt au grade supérieur. »

 

Fin novembre 1914, Frédéric Gothié devient chef d’état-major de la 13e D.I. sous les ordres du général de Cadoudal.

 

Au 149e R.I.

 

Lieutenant-colonel Gothié (1)

 

Nommé dans le grade supérieur le jour de Noël 1914, le général commandant la Xe armée lui confie le commandement du 149e R.I.. Début janvier, le lieutenant-colonel Gothié rejoint sa nouvelle unité tout juste engagée sur le front d’Artois.

 

Frédéric Gothié est toujours très bien noté par ses supérieurs. Le 14 février 1915, le général Guillemot, responsable de la 85e brigade, rédige la note suivante :

 

« Affecté au commandement du 149e R.I. depuis le 5 janvier 1915, le lieutenant-colonel Gothié s’est immédiatement fait remarquer par les brillantes qualités physiques et morales qui lui ont valu ses notes antérieures. Très intelligent, rempli de tact et sachant faire œuvre d’initiative en toutes circonstances, il a su s’attacher bien vite ses subordonnés qu’il commande avec autorité et fermeté.

 

Chargé d’organiser et de tenir avec son régiment un secteur particulièrement sérieux en raison des pertes journalières qui s’y produisent, consacre une inlassable activité à cette mission et cherche à mettre en œuvre les moyens de dominer l’ennemi. Le lieutenant-colonel Gothié est un chef de corps parfait qui saura obtenir le rendement maximum de son beau régiment. »

 

Lieutenant-colonel Gothié 149e R

 

Le 3 mars 1915, le 149e R.I. subit une violente attaque allemande dans le secteur de Lorette. Obligé de reculer, il s’établit sur une nouvelle ligne de front avant de lancer deux contre-attaques. Frédéric Gothié est décoré de la croix de guerre avec une citation à l’ordre de la division pour ses actions menées au cours des combats.

 

Il obtient une nouvelle citation le 13 avril 1915. Cette fois-ci, il est cité à l’ordre du C.A..

 

Le lieutenant-colonel Gothié encadre son régiment durant les combats de mai, de juin et de septembre 1915.

 

Le 8 janvier 1916, il effectue une reconnaissance dans le secteur du bois en Hache, au débouché du bois 9, sur la route d’Arras, à environ 80 m à l’ouest du bois carré. Il est grièvement blessé au cours de cette mission.

 

Touché par une balle allemande dans la région sacro-iliaque gauche, il est sommairement pansé au poste de secours avant d’être évacué à l’ambulance d’Houdain où il subit les premiers soins. Frédéric Gothié est ensuite envoyé à l’hôpital auxiliaire n° 226 de Paris, avant de partir pour Vichy. Il doit également soigner un diabète qui l’accompagne depuis de nombreuses années.

 

Le 20 janvier 1916, il est de nouveau évalué par son supérieur hiérarchique le général Guillemot.

 

« Après un an de commandement, le lieutenant-colonel Gothié s’est affirmé comme un chef de corps de très haute valeur. Sa très belle conduite au cours des multiples opérations auxquelles il a participé avec son régiment lui a valu une citation à l’ordre de la 43e D.I. et une citation à l’ordre du 21e C.A.. Officier supérieur des plus énergiques et des plus instruits, il n’a cessé de faire preuve de ses remarquables qualités de chef en mars et en mai dans le secteur de Lorette et en septembre dans le secteur d’Angres et de donner le plus bel exemple à ses subordonnés sur lesquels il avait pris un très grand ascendant.

 

Il a su à plusieurs reprises réorganiser le 149e R.I. presque constamment en ligne et maintenir à ce beau régiment la brillante réputation qu’il s’était acquise au début de la campagne.

 

D’une activité au dessus de tout éloge, il a su faire face à toutes les situations dans les circonstances les plus critiques. Blessé le 8 janvier au matin, au cours d’une reconnaissance de son secteur, il a donné la mesure de sa grande énergie en revenant à son poste de commandement, malgré la gravité de sa blessure et en ne se laissant évacuer que par ordre, après avoir assuré son service jusqu’au soir et passé les consignes à son remplaçant. Déjà proposé pour le commandement éventuel d’une brigade, le lieutenant-colonel Gothié vient de s’acquérir des titres indiscutables, sa brillante conduite en 1915 à la tête du 149e R.I., ses deux citations et sa blessure, qui le désignent pour le grade de colonel. Ses services antérieurs dans l’état-major et dans la troupe au cours de cette campagne, permettent d’affirmer qu’il sera un très brillant commandant de brigade. »

 

Le 24 janvier 1916, il est fait officier de la Légion d’honneur.

 

En Champagne

 

Le chef de corps Gothié reprend le commandement du 149e R.I. en avril 1916. Le régiment s’installe en Champagne, entre les buttes de Tahure et de Mesnil après un passage à Verdun, particulièrement éprouvant. Comparé avec ce qu’il vécut durant l’année 1915, Frédéric Gothié occupe un secteur plutôt calme.

 

Le 12 août 1916, le 149e R.I. quitte la Champagne pour la Somme.

 

Soyécourt

 

lieutenant-colonel Gothie Soyecourt septembre 1916

 

Début septembre 1916 : le régiment du lieutenant-colonel Gothié occupe la partie nord de Soyécourt. Il a pour mission d’attaquer le village en collaboration avec d’autres unités de la division.

 

Le village de Soyécourt est repris aux Allemands, le 4 septembre. Le 149e R.I. a atteint son 1er objectif qu’il dépasse sur sa droite jusqu’à rejoindre le 2e objectif. Les corps voisins accèdent au 1er objectif sans aller plus loin. Le village de Vermandovillers et le parc de Deniécourt restent aux mains de l’ennemi.

 

Le lieutenant-colonel Gothié pressent une contre-attaque ennemie. Le terrain conquis par son régiment occupe une position en flèche. Cette situation fragilise son emplacement. Pour mieux se rendre compte de la situation, il gagne la 1ère ligne. Pris sous un violent tir de barrage, il s’installe avec sa liaison à la lisière du village. Grièvement blessé au maxillaire inférieur par une balle ennemie, il est fait prisonnier.

 

Le chef de corps Gothié témoigne :

 

« Nous sommes le 5 septembre 1916, je suis inquiet sur la situation des 1er et 3e bataillons qui se trouvent en flèche et qui peuvent à tout moment se faire attaquer à la fois de front comme de flanc. Je fais venir à mon P.C. un agent de liaison du capitaine Houel, l’officier qui commande le 3e bataillon. Ce dernier doit me conduire en 1ère ligne pour que je puisse me rendre compte par moi-même de la situation. Il faut que je prenne les mesures nécessaires concernant l’organisation du terrain conquis et je dois également assurer la liaison avec les corps voisins.

 

À 6 h 30, je quitte mon P.C.. Je suis accompagné du sous-lieutenant Claudel, du cycliste Bauvillet et de l’agent de liaison du 3e bataillon. Nous suivons, dans un premier temps, le boyau amorcé au cours de la nuit par le génie à travers le village de Soyécourt. Nous atteignons le boyau de la Reine et nous dépassons la compagnie Coste du 158e R.I. qui forme l’aile extrême de la 86e brigade de ce côté.

 

Je fais remarquer au capitaine Coste qu’il n’était pas à la limite Est de son secteur.

 

Je lui fais savoir également qu’il existe entre lui et le 149e R.I. qui occupe le boyau Dauphin, un trou d’environ 500 m. Je l’engage à détacher un poste de liaison à l’embranchement de ce boyau et du boyau de la Reine.

 

À peine avons-nous dépassé cet embranchement et avancé de 200 m dans le boyau Dauphin que l’agent de liaison qui nous précède revient en courant pour nous annoncer l’arrivée des Allemands. Nous faisons demi-tour et nous essayons de rejoindre le 158e R.I..

 

Hélas, nous trouvons l’embranchement occupé par les Allemands. Nous sortons du boyau en escaladant le parados pour regagner le château de Soyécourt à travers champ. Nous faisons à peine 50 m qu’une fusillade très nourrie retentit derrière nous. En même temps, un barrage se déclenche en avant. Deux hommes sont tués à nos côtés, l’agent de liaison du 3e bataillon et un homme du 366e R.I..

 

Nous essayons alors de rejoindre rapidement la tranchée de la rue sud-ouest qui passe par le château de Soyécourt, mais je suis blessé par une balle qui me fracasse la mâchoire inférieure.

 

Le sous-lieutenant Claudel me prodigue aussitôt ses soins et me fait un pansement qui réussit à arrêter le sang qui coulait en abondance de ma blessure. Pendant ce temps, nous sommes dépassés par deux vagues ennemies sans être faits prisonniers. Nous nous réfugions dans une casemate abandonnée. Nous espérons voir se produire une contre-attaque française et pouvoir regagner nos lignes plus tard à la faveur de l’obscurité.

 

À 16 h 00, un violent tir de barrage français éclate autour de nous, mais la contre-attaque tant espérée ne se produit pas.

 

Dans l’intervalle, nous envoyons le cycliste Bauvillet qui doit essayer de rejoindre nos lignes et ramener du secours. Mais rien n’arrive.

 

La nuit venue, nous sortons de notre abri pour nous diriger vers le bois Trink que nous apercevons à 400 ou 500 m devant nous. Nous traversons sans encombre la 2e ligne. Mais arrivés à la première nous sommes entourés par une section allemande qui nous fait prisonniers.

 

À bout de force et perdant toujours du sang de ma blessure, je suis amené péniblement à un P.C. allemand. Le capitaine Legler qui commande le 2e bataillon du 100e Grenadier me fait coucher jusqu’à l’arrivée des brancardiers qu’il a demandés.

 

 

Dans la nuit du 6 septembre, la fièvre augmente, les brancardiers ne sont toujours pas là. Mon brave Claudel m’offre de me porter s’il le faut, jusqu’au poste de secours d’Ablaincourt. Nous partons avec un sous-officier saxon, à travers un chemin creux rempli de cadavres et battu par notre artillerie.

 

Après de nombreux arrêts, nous arrivons vers 8 h 30 au poste de secours d’Ablaincourt. De nombreux soldats allemands attendent, bien entendu, ils passent avant moi. Une heure plus tard, je suis étendu sur la table d’opération et pansé très sommairement, sans que la plaie énorme de la face ait été lavée. On me fait tout de même une piqûre antitétanique.

 

À 10 h 00, je suis embarqué sur une voiture tirée par des chevaux. Je suis cahoté pendant 12 km à travers des chemins défoncés par les trous d’obus, jusqu’à l’hôpital d’évacuation de Douilly.

 

Là, complètement exténué, je suis étendu sur de la paille souillée, au milieu de blessés allemands dans une écurie. Sur la déclaration de mon petit Claudel qui n’a pas voulu me quitter, on me transporte pourtant dans un estaminet de la localité où sont étendus sur des matelas à terre quelques officiers et sous-officiers allemands.

 

La population française nous manifeste au passage sa commisération et nous offre des friandises. Mais je ne peux plus ouvrir la bouche. Le trismus de la mâchoire est complet et l’enflure gagne ma gorge. On arrive cependant à me faire passer un peu de bouillon par l’ouverture des dents emportées. Le maire de Douilly m’offre un billet de 100 francs et me dit : « Vous me rendrez cela à la fin de la guerre, si vous en réchappez ! »

 

Le 7 septembre, nous sommes évacués sur Ham. Là, on nous conduit à l’hôpital militaire dans un pavillon réservé aux officiers.

 

J’attends toute la journée sans aucun soin avec une seule soupe pour nourriture. Une auto vient nous chercher à 22 h 00 pour nous conduire cette fois à Saint-Quentin. Nous arrivons à minuit. Mon brave Claudel me quitte.

 

À l’hôpital, il n’y a plus de lit de disponible. On me fait mettre une paillasse à terre sur laquelle je m’étends jusqu’au lendemain. J’ai de la fièvre toute la nuit.

 

Le 8 septembre, à 7 h 00, une infirmière allemande, sœur Clara, m’apporte le déjeuner. Elle a recours à un tube de caoutchouc pour m’introduire un peu de lait et d’ersatz de café. Enfin, vers 10 h 00, je suis étendu sur une table d’opération. Une infirmière me défait mon pansement et pour la première fois, ma blessure est lavée et sondée, mais pas de radiographie ! J’ai beaucoup de difficultés à m’alimenter. Sœur Clara essaye de me faire prendre un lait de poule au vin qui me rend un peu de force. »

 

En Captivité

 

En captivite

 

Frédéric Gothié est envoyé par train sanitaire au camp d’Ohrdruf-en-Thuringe après avoir été pris en charge par les soignants allemands de l’hôpital de Saint-Quentin.

 

« Dès mon arrivée à Ohrdruf, le médecin allemand me fait savoir qu’il ne veut pas soigner les Français. Son fils a été tué sur le front Ouest. Les soins me sont donnés par monsieur Deglin, un infirmier français qui, dans le civil, exerce la profession de contremaître d’usine à Longwy. Il fait mes pansements sous la direction d’un jeune médecin auxiliaire français, étudiant en médecine n’ayant que 4 inscriptions. C’est cet infirmier qui entreprend de suturer le bas de ma joue, le haut étant encore en pleine suppuration.

 

L’opération se fait, en cachette des Allemands, un dimanche matin. Elle se pratique avec des moyens très rudimentaires, du fil noir trempé dans de la teinture d’iode, une aiguille ordinaire désinfectée à l’eau bouillie sont utilisés.

 

Les lambeaux de joue qui s’étaient collés sous le menton sont détachés à l’aide d’un canif. Ils sont relevés à leur place primitive où quatre points de suture sont ensuite pratiqués.

 

Le surlendemain, un appareil à air chaud est trouvé. Il est aussitôt mis en service pour hâter la cicatrisation.

 

Au bout d’un mois, ma santé se détériore, j’ai une violente crise de diabète et je suis obligé de prendre le lit. Une plaie à la jambe gauche, provoquée par un choc contre le fer de mon lit, se produit, faute d’antiseptiques elle s’envenime.

 

Je suis dans un triste état. Enfin, le 25 octobre, je reçois les premières nouvelles de ma famille et trois colis ! Je vais pouvoir m’alimenter plus rationnellement pour mon régime de diabétique.

 

Au camp d'Ohrdruf-en-Thuringe

 

Une commission de médecins suisses passe, en me voyant dans cet état, elle me désigne pour aller me faire soigner en Suisse. Malheureusement, l’espoir passé, il n’y aura pas de lendemain…

 

Au bout de 5 mois, le 4 février 1917, je change de camp. Les Allemands m’envoient à la citadelle de Mayence. Ici, mon régime est mieux observé, je vais même passer un examen pour ma mâchoire à l’hôpital.

 

Mayence ! Cet endroit est aussi pour moi un temps d’énergiques réclamations à l’autorité allemande du camp, particulièrement pour les brimades subies par les camarades. Mes camarades m’en ont su gré, en particulier un certain nombre de mes anciens élèves de Saint-Cyr qui se trouvaient là. Un capitaine allemand du nom de Von Tecklenburg me manifeste beaucoup de hargne.

 

La commission suisse qui m’a retrouvé me fait envoyer, sans délai cette fois, au centre d’examens qui se trouve à Constance.

 

Le capitaine Von Tecklenburg, chargé de me fouiller, me demande ma parole d’honneur que je ne transporte pas de choses interdites. Je lui réponds qu’en tant que prisonnier de guerre je n’ai pas à faire cela. Mon attitude l’irrite, il me fait fouiller à fond. J’ai tout de même pu trouver le moyen de cacher 4 pièces d’or de 20 francs que m’avait confié un sergent français prisonnier et que je devais remettre à sa famille.

 

Le 6 mai, je suis enfermé une journée entière dans une chambre d’isolement appelée « le saloir ». Le lendemain matin, je suis amené à la gare pour être transféré au camp d’Heidelberg. Mais un rapport, sans doute écrit par le capitaine Von Tecklenburg, me suit. Je suis désigné pour aller dans un camp de représailles ! J’ai de suite objecté mes soucis de diabète et je réussis enfin à être présenté à la commission médicale germano-suisse de départ. De suite, cette dernière me reconnaît apte à être interné en Suisse. »

 

En juin 1917, il obtient l’autorisation de se présenter devant une commission médicale germano-suisse dans le but de son évacuation vers la Suisse en tant que grand blessé.

 

« Le 19 juin, je monte enfin dans le train de la Croix-Rouge, direction Schaffhouse, Zürich, Berne et Lausanne. De là, je réussis à envoyer un télégramme à ma famille. Les Suisses me soignent avec tout leur dévouement. Ils me trouvent si profondément atteint, qu’ils me désignent pour un rapatriement en France le 27 juillet 1917. »

 

Le retour en France et la fin de carrière

 

Après un bref passage de quelques semaines sur les terres helvétiques, il regagne la France.

 

« Je suis dirigé sur Glion au-dessus de Montreux. Quel changement ! J’en rends grâce à Dieu.

 

Je vais ensuite à l’hôpital du Val de Grâce à Paris où, de nouveau, je suis opéré pour ma mâchoire. Je retrouve une grande partie de ma santé durant ce congé de convalescence. »

 

Son statut de prisonnier rapatrié ne lui donne plus le droit d’occuper un nouveau poste dans la zone des armées. Il lui est donc impossible de retourner en 1ère ligne.

 

« Me sentant enfin rétabli, je vais me présenter au maréchal Foch, mon ancien professeur à l’école de guerre. Je lui fais une demande pour reprendre du service, à l’arrière bien sûr, puisque je n’ai pas le droit de revenir sur le front en tant que prisonnier libéré. Un jour, il me convoque pour me proposer le remplacement du général Weygand qui vient d’être nommé chef d’état-major sur le front. C’est ainsi que je deviens son chef de cabinet à Paris. Promu colonel, j’occupe cette fonction jusqu’à la fin de la guerre. »

 

Etat-major du maréchal Foch

 

Frédéric Gothié est nommé colonel le 24 décembre 1917. Il occupe les fonctions de chef de cabinet du maréchal Foch durant les années 1918 et 1919.

 

L’année suivante il a pour mission de contrôler l’application des traités de Paix signés après la guerre. Il séjourne à  Innsbruck, Salzburg, et Linz en Autriche. Le colonel Gothié rentre en France en février 1921.

 

Il est affecté à la commission militaire de contrôle de  la Hongrie. Détaché de cette commission, il est envoyé à la commission des généraux de Sopron pour maintenir l’ordre en Hongrie occidentale.

 

L'ancien responsable du 149e R.I. est remis à la disposition de l’état-major des armées le 31 août 1922 en raison de la fin des opérations du contrôle des effectifs en Hongrie.

 

Proposé plusieurs fois pour le grade de général, il ne sera jamais promu.

 

Le colonel Gothié est nommé à la tête du 31e régiment de tirailleurs le 8 décembre 1923. Ce régiment est envoyé en occupation en Rhénanie, à Landau.

 

Atteint par la limite d’âge, Fréseric Gothié prend sa retraite le 22 janvier 1925. Il est nommé colonel de réserve au 5e R.I..

 

Famille Gothié en 1924

 

Il propose ses services à son église. Frédéric Gothié se retrouve nommé administrateur adjoint à la commission permanente de l'Église réformée évangélique. Fin 1926, la fédération protestante l'envoie à Beyrouth pour remplacer le sénateur Eccard, à la tête de l'organisation des œuvres protestantes française en Syrie.

 

Sa belle carrière militaire prend définitivement fin en 1927.

 

Frédéric Gothié décède le 31 juillet 1940 à Bourg-la-Reine dans le département des Hauts-de-Seine. Enterré dans un premier temps dans le cimetière de cette commune, il sera plus tard transféré au cimetière protestant de Saint-Laurent-la-Vernède dans le Gard.

 

Décorations du colonel Gothié

 

Décorations obtenues

 

Croix de guerre avec deux palmes, une étoile de vermeil et une étoile d’argent

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. en date du 16 mars 1915 :

 

« Chargé avec son régiment de l’occupation du secteur de Noulette du 24 janvier au 8 mars, a fait preuve d’une activité et d’un dévouement au-dessus de tout éloge, pendant toute cette période. Constamment sous le feu, il a donné le plus bel exemple à ses subordonnés par son mépris du danger. Violemment attaqué le 3 mars, il n’a cédé qu’à la dernière extrémité pour s’établir sur un nouveau front d’où il a, par deux fois,vigoureusement contre-attaqué. »

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. en date du 13 avril 1915 :

 

« A déployé une activité inlassable pour l’organisation défensive du plateau de Notre-Dame-de-Lorette dans des conditions très difficiles. A pu mener à bien ces travaux dans une période de temps très limitée, grâce au dévouement qu’il a su obtenir des troupes sous ses ordres et en particulier des grenadiers du 149e R.I. »

 

Cité à l’ordre de l’armée n° 14571 du 17 mars 1919 : 

 

« Monsieur Gothié, colonel anciennement commandant du 149R.I.. Le 5 septembre 1916, pressentant une contre-attaque ennemie sur le terrain conquis les jours précédents par son régiment, n’a pas hésité à se porter en première ligne pour se rendre compte par lui-même de la situation, prendre les décisions nécessaires et s’assurer des liaisons avec les corps voisins. Pris dans un violent tir de barrage, s’est porté avec sa liaison à la lisière du village et s’y est installé pour enrayer la contre-attaque ennemie. Grièvement blessé au cours de la résistance, n’a pas pu échapper à l’ennemi, tandis qu’il s’efforçait de regagner les lignes par lui même. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur le 31 décembre 1912.

 

Officier de la Légion d’honneur  le 24 janvier 1916 :

 

« Chef de corps d’une grande valeur qui, placé depuis plus d’un an à la tête de son régiment, se dépense sans compter. Donnant à tous le plus bel exemple d’énergie, de sang-froid et de ténacité, a su faire de son régiment une unité de guerre aussi ardente dans l’action que solide dans les tranchées. Joint à une exceptionnelle valeur morale les plus belles qualités de commandement. Blessé le 8 janvier 1916 par balle à la hanche gauche. »

 

Cette décoration comporte également l’attribution de la croix de guerre avec palme.

 

Commandeur de la légion d’honneur le 16 juin 1920. (J.O. du 10 décembre 1920).

 

Grand officier de la Légion d'honneur décoré par le Maréchal Lyautey, dans la cour des Invalides le 4 juin 1932.

 

Autres décorations :

 

Officier d’académie (arrêté du ministre de l’instruction publique du 7 novembre 1908).

 

Officier de l’ordre du sauveur de Grèce du 31 mars 1920.

 

La généalogie de la famille Gothié peut se consulter sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Le colonel Gothié possède un dossier dans la base de données « Léonore ».

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de Vincennes.

 

Informations communiquées par la famille descendante du colonel Gothié.

 

L’intégralité des photographies présentées proviennent de la collection personnelle du petit-fils du colonel Gothié, D. Gothié.

 

Témoignage inédit du lieutenant-colonel Gothié.

 

Le plan de la ville de Nîmes est extrait du site « Gallica »

 

Un grand merci à M. Bordes, à D. Gothié, à M. Lozano, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

3 juin 2022

5 septembre 1916

Les ruines de l'eglise de Soyecourt (septembre 1916)

 

La veille, le 149e R.I. a effectué une avancée spectaculaire dans son secteur d’attaque.

 

La ligne de front de la 85e brigade s’est stabilisée autour du second objectif qui n’a pas été atteint dans sa globalité. Une nouvelle offensive est prévue dans l’après-midi du 5 septembre pour faire la jonction avec la 86e brigade.

 

5 Septembre 1916

 

La nuit du 4 au 5 septembre reste relativement calme jusqu’à 1 h 00. À partir de cet instant, les Allemands, avec leurs canons de 77, de 105 et de 150, déclenchent un violent tir d’artillerie sur la lisière sud du bois de Soyécourt, sur la tranchée du Chariot et sur le calvaire .

 

Cimetière de Soyecourt

 

Au début de la journée, la 85e brigade occupe une ligne de front délimitée par la corne sud-ouest du bois de Soyécourt, par la tranchée allant du boyau Kreuz à 3809 (sur la route Soyécourt-Estrées), par la ligne des batteries 3605-3504-3403 (boyau du Dauphin), par le chemin 3403-651 et par la maison au nord de 658.

 

À sa droite, la  86brigade est installée dans le boyau du Prunier. À sa gauche, la 61e D.I. est reliée vers 3414 au 10e B.C.P..

 

Objectifs et troupes engagées

 

Les éléments de la 85e brigade devront atteindre les parties du 2e objectif non conquises la veille (3896-batterie 4200-616 c-90), ceci en progressant le long de la lisière sud-ouest du parc de Deniécourt jusqu’à 90. Un tir d’artillerie précédera l’attaque.

 

Les 3e et 10e B.C.P., les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. accompagnés de 2 sections de la compagnie de génie 21/2 participeront à l’engagement.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. et les deux dernières sections de la compagnie de génie 21/2 constitueront la réserve de brigade.

 

La 86e brigade consolidera les positions conquises le 4 septembre.

 

Attaque de la 85e brigade

 

Le lieutenant-colonel Gothié, responsable du 149e R.I., parti en reconnaissance avec son officier adjoint à 7 h 30, n’est toujours pas rentré à 12 h 00.

 

Le commandant Schack, responsable de la réserve de la 85e brigade, prend provisoirement le commandement du 149e R.I. pour donner les ordres d’attaque. L’offensive est prévue pour 15 h 00.

 

La progression des troupes engagées est dans un premier temps gênée par des feux de mitrailleuses et d’artillerie provenant de 4403 (au nord du bois Vasset) et de ses environs. Les Allemands ne parviennent pas à stopper l’avancée des troupes françaises malgré la violence de leurs tirs.

 

La 85e brigade occupe les positions suivantes en fin de journée :

 

Le 149e R.I. a atteint l’ancien ouvrage 3801à la droite de la ferme sans Nom.

 

Le 3e B.C.P. qui a dû exécuter une attaque préparatoire (V.B. et grenadiers) une heure avant l’offensive de la brigade pour établir sa base de départ dans le boyau du Dauphin, s’installe sur une ligne passant au sud du bois Siegfried à 150 m du chemin du bois Déniécourt.

 

Le 10e B.C.P. a conquis la tranchée Siegfried et la lisière sud-ouest du parc de Déniécourt jusqu’à 616 t. Il se relie au 219e R.I. au point 3514.

 

Carte journee du 5 septembre 1916

 

 

La réserve de la brigade réduite à 1 compagnie occupe le village de Soyécourt à l’est et au nord-est.

 

                                Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 5 septembre 1916

 

Sources :

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

Rapport rédigé par le lieutenant-colonel Gothié, provenant de la collection privée de la famille.

 

Un grand merci à M. Bordes, à B. Étévé, à A. Carobbi, à D. Gothié, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

27 mai 2022

Louis Céleste Gabriel Canon (1875-1916)

Louis Celeste Gabriel Canon

 

Enfance et jeunesse

 

Louis Céleste Gabriel Canon voit le jour le 6 février 1875, à Villers-sur-Illon, dans le département des Vosges. Son père, Marie Émile, âgé de 24 ans, travaille comme tailleur d’habits dans une petite entreprise familiale. Sa mère, Marie Lucie Aubertin, âgée de 21 ans, élève déjà un garçon. Le couple Canon n’aura pas d’autre enfant. Gabriel perd son père à l’âge de 14 ans.

 

 

La fiche signalétique et des services de Gabriel Canon ne mentionne pas son degré d’instruction. Sa mère décède lorsqu’il a 22 ans.

 

Une longue carrière dans la coloniale

 

Le 22 février 1896, Gabriel Canon signe un contrat d’une durée de trois ans avec l’armée à la mairie de Dompaire. Il choisit l’armée coloniale. Le futur marsouin traverse la France d’est en ouest pour gagner la ville de Cherbourg. Gabriel Canon débute sa formation de soldat au 1er régiment d’infanterie de marine à partir du 25 février 1896.

 

Le 1er avril 1897, il est muté au bataillon de Paris. Le soldat Canon assiste aux cours dispensés aux élèves caporaux en tant qu’engagé. Il est nommé dans ce grade le 15 octobre 1898.

 

Une semaine auparavant, Gabriel Canon a signé un 1er réengagement, prolongeant ainsi sa carrière militaire pour les 3 années à venir.

 

Le 1er novembre 1898, il est affecté au 10e régiment d’infanterie de marine. Le caporal Canon se prépare à embarquer pour un long périple en mer qui doit le mener jusqu’au Tonkin, en Indochine.

 

10e R

 

Rengagé pour une durée d’un an en août 1901, il signe à nouveau pour 5 ans le 10 mars 1902.

 

Bénéficiant d’un congé de six mois, Gabriel Canon est de retour en France au début de l’année 1903. Il est rattaché au 1er R.I.C. durant toute cette longue période de vacances. De retour au Tonkin, le caporal Canon réintègre le 10e régiment d’infanterie colonial en août 1903.

 

Il est muté au 2e régiment de tirailleurs tonkinois à partir du 2 mars 1904 ; il bénéficie d’une première autorisation ministérielle pour accomplir une 3e année puis d’une seconde autorisation pour effectuer une 4e année aux colonies. Le 19 avril 1907, il se réengage pour une durée de 3 ans.

 

De retour en France en novembre 1907, le caporal Canon a de nouveau droit à un congé de six mois. Le 15 mai 1908, il réintègre le 2e régiment de tirailleurs tonkinois avec le grade de sergent.

 

Gabriel Canon est nommé adjudant le 1er juin 1910. Affecté au 5e régiment d’infanterie colonial, il rejoint la métropole le 24 juin 1911. Âgé de 36 ans, le sous-officier Canon fait valoir ses droits à une pension proportionnelle calculée sur la base de 40 ans, 11 mois et 19 jours de service actif.

 

Libéré de ses obligations militaires avec l’obtention de son certificat de bonne conduite, il passe dans la réserve de l’armée à compter du 11 juin 1911.

 

Il se retire à Ville-sur-Illon avec une pension mensuelle de 1240 francs.

 

Rattaché militairement au 149e R.I., Gabriel Canon espère obtenir un emploi réservé en postulant pour un poste de receveur buraliste de 1ère classe. Il est décoré de la Médaille militaire le 30 décembre 1911.

 

Au 149e R.I.

 

L’ancien colonial est rappelé à l’activité militaire par décret de mobilisation du 1er août 1914. Gabriel Canon se présente à la caserne Courcy dès le lendemain.

 

Il passe une longue période au dépôt du 149e R.I. régiment. L’adjudant Canon est promu sous-lieutenant à titre temporaire à partir du 14 décembre 1914 suite à un décret présidentiel pris le 16 décembre.

 

Cette promotion entraîne son départ du village de Rolampont le 3 janvier 1915. Il fait partie d’un petit groupe de renfort principalement composé d’officiers et de sous-officiers.

 

Le sous-lieutenant Canon doit rejoindre le régiment actif installé depuis peu dans le département du Pas-de-Calais. Le lieutenant-colonel Gothié l’affecte à la 3e compagnie de son régiment dès son arrivée.

 

Sa première expérience combattante au sein du 149e R.I. est de courte durée. Gabriel Canon est blessé le 29 janvier 1915.

 

La date de son retour en 1ère ligne n’est pas connue. Nous savons simplement qu’il a été réaffecté au 149e R.I. après son rétablissement.

 

Le 10 mai 1915, il est nommé sous-lieutenant à titre définitif.

 

Le 149e R.I. est envoyé d’urgence à Verdun en mars 1916. À la tête de la 4e compagnie, le lieutenant Canon participe aux violents combats qui se déroulent autour et dans le village de Vaux-devant-Damloup.

 

Souffrant d’une sévère crise de dysenterie, il reste indisponible durant plusieurs jours. Cette situation ne l’empêchera pas d’être décoré de la Légion d’honneur pour ses actions d’éclat menées au cours des combats.

 

Suite à une décision ministérielle prise le 13 avril, Gabriel Canon est promu capitaine à titre temporaire à compter du 7 avril 1916.

 

Le 149e R.I. laisse derrière lui le secteur de Verdun à la mi-avril 1916.

 

Pour en savoir plus sur l’engagement du 149e R.I. dans le département de la Meuse, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

Verdun

 

Le régiment est au repos quelques jours à Landrecourt. Il prend ensuite position en Champagne dans un secteur situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

 

Le 149e R.I. s’installe dans le département de la Somme en août 1916. Il doit reprendre le village de Soyécourt aux Allemands. Le 4 septembre, Gabriel Canon lance sa 1ère compagnie à l’attaque.

 

Il est tué d’une balle dans la tête au moment où il dirige les travaux d’organisation de la position conquise.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de la journée du 4 septembre 1916, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Photo aerienne Soyecourt

 

Le sergent fourrier Joseph André Gérardin et le soldat Robert Georges Hémon confirment son décès auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I..

 

Le capitaine Canon est dans un premier temps inhumé au cimetière militaire d’Harbonnière. 

 

Decorations capitaine Canon

 

Décorations obtenues :

 

Médaille militaire (J.O. du 18 août 1911)

 

Médaille coloniale agrafe du Tonkin

 

Un portrait représentant le capitaine Canon prouve qu’il a été décoré de la croix de guerre avant son décès. La valeur et le contenu de sa ou de ses citations ne sont pas connus.

 

Citation à l’ordre de l’armée (J.O. du 19 février 1917) :

 

« Officier d’une bravoure à toute épreuve, s’est fait remarquer à l’attaque du 4 septembre 1916 par son énergie. Tué glorieusement d’une balle au front au moment où, avec le plus grand calme et le plus grand sang-froid, il dirigeait les travaux d’organisation de la position conquise. »

 

Gabriel Canon a été fait chevalier de la Légion d’honneur le 4 mai 1916 (J.O. du 5 mai 1916).

 

«Nombreuses campagnes coloniales. Commande une compagnie avec calme, un sang-froid et une compétence remarquables. A donné au cours des opérations de février-mars 1916, à l’attaque d’un village, un bel exemple d’entrain, d’énergie et de courage. A déjà reçu la Croix de guerre. »

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts et sur la plaque commémorative de l’église Saint-Sulpice de la commune de Ville-sur-Illon.

 

Gabriel Canon possède un dossier peu fourni dans la base de données « Léonore ».

 

Le capitaine Canon ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance. Son corps a probablement été restitué à la famille dans les années 1920.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services du capitaine Canon, les registres d’état civil et les registres de recensement de la commune de Ville-sur-Illon ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Le dossier individuel du capitaine Canon n’a pas été retrouvé au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

13 mai 2022

Gédéon Charles Noël Saléry (1887-1916)

Gedeon Charles Noel Savery

 

Gédéon Charles Noël Saléry est né le 25 décembre 1887 à Metgès, un petit hameau rattaché à la commune de Sumène, dans le département du Gard.

 

Son père, Eugène, âgé de 37 ans, exploite des terres agricoles. Sa mère, Marie Valérie Toureille, âgée de 31 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Deux filles sont déjà nées de cette union. Un quatrième enfant naîtra en 1891.

 

Genealogie famille Salery

 

La fiche signalétique et des services de Gédéon Saléry indique un degré d’instruction de niveau 3. L’adolescent sait lire, écrire et compter lorsqu’il laisse son pupitre d’écolier derrière lui.

 

Sumene

 

Après sa période de scolarité obligatoire, Gédéon travaille sur les terres familiales en tant que cultivateur. Le registre de recensement de la commune de Sumène de l’année 1906 confirme sa présence au domicile parental en tant que travailleur de la terre.

 

Inscrit sous le n° 49 de la liste de la classe 1908, Gédéon Saléry est déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision réuni à la mairie de Sumène.

 

Début octobre 1908, le jeune homme quitte la vallée de Recodier pour effectuer son temps de conscription au 55e R.I., un régiment qui tient garnison à Pont-Saint-Esprit et à Aix.

 

L’année suivante, Gédéon est nommé soldat de 1ère classe. Le 1er octobre 1910, il passe dans la réserve de l’armée active après avoir obtenu son certificat de bonne conduite.

 

Le 24 avril 1912, Gédéon Saléry épouse Julia Augusta Marie Antoinette Sauzet à Saint-Roman-de-Codières.

 

Il effectue sa 1ère période d’exercice dans son ancien régiment entre le 25 août et le 17 septembre 1912.

 

Rappelé à l’activité militaire à la déclaration de la guerre, il réintègre le 55e R.I. le 3 août 1914.

 

Les informations fournies par sa fiche signalétique et des services ne permettent pas de reconstruire son parcours militaire au sein de ce régiment. Il est simplement indiqué une affectation au 149e R.I. à la date du 18 mars 1916.

 

Le soldat Saléry a peut-être  été envoyé, avec un groupe de renfort, du  dépôt du 55e R.I. au 149e R.I., pour combler les pertes de ce régiment liées à la bataille de Verdun.

 

Hélas, les citations et les blessures éventuelles reçues par ce soldat n’ont pas été inscrites sur son registre matricule ;  nous resterons donc dans l’incertitude.

 

Arrivé dans la Meuse, le soldat Saléry est affecté à la 10e compagnie du 149e R.I..

 

Le 4 septembre 1916, Gédéon Saléry est tué au cours d’une attaque visant la reprise du village de Soyécourt, dans le département de la Somme.

 

Pour en apprendre d’avance sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Photo aerienne Soyecourt

 

Le soldat Saléry a été enregistré au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume en 1922 (J.O. du 11 août).

 

« Brave soldat, tombé glorieusement pour la France le 4 septembre 1916 en accomplissant son devoir à l’attaque du village fortifié de Soyécourt. »

 

Cette inscription lui donne également droit au port de la croix de guerre avec une étoile d’argent.

 

Son nom a été gravé sur le monument aux morts de la commune de Surème et sur les plaques commémoratives de la mairie et de l’église de Saint-Roman-de-Codières.

 

La descendance et le lieu de sépulture du soldat Saléry n’ont pas été retrouvés. Une plaque « in memoriam » a été déposée sur la tombe familiale au cimetière de Sumène.

 

Sources :

 

Les actes d’état civil concernant la famille Saléry, la fiche signalétique et des services du soldat Gédéon Saléry et les registres de recensement de la commune de Sumène correspondant aux années 1896, 1901 et 1906 ont été consultés sur le site des archives départementales du Gard.

 

Le portrait du soldat Saléry a été trouvé sur le site « MémorialGenWeb »

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi et aux archives départementales du Gard.

6 mai 2022

Une image spectaculaire

Un appareil de l'escadrille F 60 survole Soyecourt

 

Le 4 septembre 1916, un avion de reconnaissance français appartenant à l’escadrille F 60 vole au-dessus de Soyécourt. Au sol, les unités de la 43e D.I. sont sorties des tranchées pour tenter de reprendre le village.

 

À bord de l’appareil, le mitrailleur-photographe effectue plusieurs prises de vue…

 

Le travail suivant a entièrement été réalisé par Arnaud Carobbi. La photographie aérienne étudiée provient de la collection personnelle de Sébastien Robit.

 

Une image spectaculaire 

 

Image 1

 

Dans le choix du mot « spectaculaire », il y a l'idée de se retrouver face une image « qui frappe la vue, l'imagination par son caractère remarquable, les émotions, les réflexions suscitées ». Cette définition, extraite du site du Trésor de la Langue Française Informatisé, s’adapte parfaitement à la photographie aérienne présentée ici.

 

Les images prises au cours d'un assaut sont rares. La plupart d’entre elles sont souvent sujettes à caution : reconstitution ? Légendes truquées ? Légende contradictoire d'un livre à un autre. Finalement, les clichés réellement authentifiés, pris au cours d'une attaque, sont assez uniques.

 

La photographie en question exécutée par l’avion de reconnaissance survole les troupes françaises au cours de l’attaque. On y voit des soldats progresser dans des tranchées, dans des boyaux et dans le no man's land.

 

C’est une image peu commune, à la fois par son mode de prise de vue et par sa datation, mais surtout par la précision de l'heure. Ces informations permettent d'en savoir beaucoup plus. Elles montrent à quel point le mot « spectaculaire » est adapté, sans pour autant être exceptionnel.

 

Nous allons déterminer dans quel contexte cette vue oblique a été réalisée et tenter de répondre à la question : s'agit-il d'hommes du 149e R.I ?

 

Se repérer 

 

Les lieux visibles sur une photographie aérienne sont la plupart du temps difficiles à identifier. Heureusement, des annotations étaient systématiquement ajoutées sur les clichés. Ici, elles nous seront d'une grande utilité.

 

Petit tableau escadrille F 60

 

L’indication « tranchée des Gémeaux, Soyécourt » permet de localiser le secteur…

 

Image 2

 

… de nommer les tranchées visibles, de voir leur forme caractéristique et de repérer les boyaux de communications allemands...

 

Image 3

 

… de délimiter l'espace sur une autre vue aérienne, ce qui facilitera la comparaison d'un même lieu à quelques jours d'intervalle.

 

Tranchées des Gémeaux le 31 août 1916

 

Pour en savoir plus sur la prise de vue réalisée le 31 août 1916, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Image 4

 

Un secteur dans les combats de la bataille de la Somme 

 

Le 4 septembre 1916, commence une nouvelle phase d'attaques françaises dans ce secteur, situé à l'extrême sud de la zone, où se déroule la bataille de la Somme depuis le 1er juillet. Voici la partie du front avant le 21 juillet 1916... 

 

Image 5

 

 … et le tracé de la tranchée des Gémeaux.

 

Image 6

 

Le 21 juillet, le front progresse vers Soyécourt. Avant cette date, la tranchée des Gémeaux n'était qu'une ligne arrière. Elle se retrouve maintenant en 1ère ligne et doublée. De ce fait, son nom devient plus cohérent : les Gémeaux Castor et Pollux de la mythologie grecque symbolisent la gémellité (à noter qu'on trouve également une tranchée Jupiter non loin, plus au sud).

 

Le 19 août, les régiments de la 43e D.I. relèvent ceux de la 51e D.I. Une nouvelle attaque est prévue pour le 4 septembre.

 

Image 7

 

Chaque unité de la 43e D.I. (149e R.I., 3e et 10e B.C.P. pour la 85e Brigade ; 158e R.I., 1er et 31e B.C.P. pour la 86e Brigade) s'est vue attribuer un secteur et un couloir de progression avec les objectifs à atteindre.

 

Ces couloirs de progression ont une importance capitale. Ils permettent l’identification de l'unité ayant pris le contrôle de la tranchée des Gémeaux. Il ne s'agit pas du 149e R.I., mais du 31e B.C.P..

 

À 14 h 00, les hommes sont sortis des tranchées françaises situées à la limite gauche de la photographie aérienne.  Elles restent invisibles.

 

Le bombardement préparatoire, commencé le 28 août, a fait son effet. Lorsque nous comparons les photographies du 31 août et du 4 septembre, le nombre de cratères visibles entre le premier et le second cliché est éloquent. La mise en parallèle des deux prises de vues permet de se faire une idée concrète de ce que pouvait être le  résultat d'un tel tir. Plusieurs obus, manifestement tombés sur les tranchées allemandes, donnent des éboulements significatifs.

 

 

Les tranchées ont été rapidement conquises les unes après les autres (le J.M.O. de la 43e D.I. indique que l'avancée s’est réalisée au maximum sur 1700 mètres en 35 minutes ! ).

 

Les chasseurs se sont enfoncés dans le dispositif allemand. Il en est de même pour les hommes des unités voisines. Le 31e B.C.P. atteint les dernières maisons de Soyécourt dès 14 h 14.

 

Le 149e R.I. signale la conquête du village à 15 h 04. La résistance allemande ne se durcira que plus loin.

 

Dans la mesure où la vue aérienne a été réalisée à 16 h 00, les hommes visibles sur le cliché ne font pas partie de la 1ère vague d’assaut.

 

Ces soldats se déplacent dans la zone de front reprise aux Allemands au cours des toutes premières minutes de l'attaque. Ce sont des chasseurs du 31e B.C.P., des soldats du 149e R.I. voisin et des soldats du génie... En tout cas, il ne s'agit pas des chasseurs du 1er B.C.P., placés en réserve de division. La moitié d’entre eux prendra place dans les tranchées de départ aux alentours de 18 h 30 et l'autre moitié restera à Herleville.

 

Le J.M.O. de la 86e Brigade chargé de ce secteur indique :

 

« À 15 h 30, le colonel commandant la brigade donne à son bataillon de réserve de brigade l'ordre suivant... ». Ce bataillon de réserve appartient au 158e R.I.. Il  doit se mettre en relation avec le commandant du 31e B.C.P.. Il est donc fort probable que ces hommes constituent une partie des renforts destinée au 31e B.C.P., donc des hommes du 2e bataillon du 158e R.I..

 

À vrai dire,  les choses ne sont pas si simples. Sur la photographie, nous voyons nettement deux groupes. L’un d'entre eux est clairement situé dans le secteur attribué au 149e R.I., dans les 50 mètres longeant la rue ouest de Soyécourt et mentionnés par le J.M.O. de la 85e brigade.

 

Il pourrait très bien s'agir de fantassins du 158e R.I. en bas de l'image et d'hommes du 149e R.I. le long du village. Hélas, il n'y a pas de sources suffisamment précises pour confirmer cette hypothèse concernant les hommes du 149e R.I..

 

Voici une proposition d'interprétation de la photographie 

 

Image 9

 

Du fait au ressenti 

 

En l'absence de reconnaissance absolue de l'unité, il reste l'identification (dans le sens d'immersion) que peut percevoir l'observateur d'aujourd'hui. Comme il a déjà été dit précédemment, il est peu courant de voir ainsi des hommes un jour d'assaut, fussent-ils de la 3e vague ou de renfort.

 

En observant, on peut mettre des images plus précises sur les récits d'attaques que l'on a pu lire sur le secteur, ou sur la période en général : un village qui n'est pas rasé puisqu'on y voit encore des bâtiments, des haies, des chemins et des routes.

 

Ici, la guerre n'a pas tout pulvérisé comme ce fut le cas pour plusieurs villages de la Meuse.

 

La préparation d'artillerie a tout de même détruit des bâtiments qui possédaient encore leurs toitures quelques jours auparavant. Désormais, ils ne sont reconnaissables que par les encadrements de portes et de fenêtres.

 

Image 10

 

Il en est de même pour le no man's land qui ne ressemble en rien à la série continue de cratères visibles dans plusieurs secteurs de Verdun. Certes, il est bouleversé, mais ses tranchées ne sont pas totalement rasées.

 

Ces hommes viennent des premières lignes françaises. Ils se dirigent vers la zone des combats située à plus d'un kilomètre. On remarque qu'ils sont en général par groupes de quinze environ. Hélas, ils ne sont représentés que par quelques pixels. Ces soldats restent des formes fantomatiques difficiles à dénombrer.

 

Image 11

 

Les soldats rassemblés par petits groupes suivent des parcours identiques le plus souvent sans passer par le no man's land. C'est notable pour le groupe qui longe les maisons de Soyécourt en haut de la photographie.

 

Image 12

 

Comment faut-il interpréter les quelques isolés visibles ? Se pourrait-il que ce soit les victimes des combats ? Et ces volutes de fumée ? Marquent-elles l'emplacement d'obus qui viennent de tomber ? Si c'est le cas, ils sont arrivés à proximité des groupes d'hommes. Où alors s'agit-il des fumées de feux allumés une heure plus tôt, au cours des combats ?

 

Que se passe-t-il après 16 h 00 ?

 

En regardant cet instantané, il faut également imaginer les hommes avancés vers une zone beaucoup plus dangereuse. Ils subiront un peu plus tard les bombardements allemands et les violentes contre-attaques ennemies. Les pertes subies seront sensibles dans la nuit du 4 au 5 septembre 1916.

 

Que devient la tranchée des Gémeaux après les combats ? Si elle apparaît encore dans une carte du 1er décembre 1916, elle est en pointillés : elle n'est plus utilisée et se comble peu à peu.

 

Image 13

 

Après le conflit 1914-1918

 

Le village de Soyécourt fut reconstruit après guerre. Les traces du conflit ont été effacées pour rendre les terres à leur fonction première : l'agriculture.

 

Image 14

 

Sur une photographie aérienne de 1947, on ne perçoit plus rien mis à part dans le bois Trink voisin. Ce dernier n'a pas survécu au remembrement et aux nécessités de remettre en culture davantage de terres. Il a été rasé après les années 1960, ainsi que les traces qu'il conservait encore.

 

Image 15

 

En réalité, il reste encore quelques stigmates visibles lorsque les conditions météorologiques sont favorables, et le souvenir, dans cette série d'articles sur ces combats.

 

Sources :

 

(Il faut cliquer une fois sur les images suivantes pour accepter directement aux pages des J.M.O. concernant la journée du 4 septembre 1916).

 

- J.M.O. de la 43e D.I., 26N344/5. et- J.M.O. de la 85e Brigade, 26N520/12.

 

JJ

 

- J.M.O. de la 86e Brigade, 26N520/14. et J.M.O. du 31e B.C.P., 26N826/27.

 

J

 

J

 

- J.M.O. du 1er B.C.P., 26N/815/2 et J.M.O. du 158e R.I., 26N700/13.

 

J

 

J

 

- J.M.O. de la 5e batterie du 62e RAC, 26N1017/22.

 

J

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado

 

La photographie aérienne provient du fonds S. Robit

 

L’insigne de fuselage  de l’escadrille F 60 a été trouvé sur le site de Denis Albin.

 

Remerciements :

 

Alors qu'habituellement c'est lui qui adresse ses remerciements dans ses articles, à mon tour de le faire ! Un grand merci à Denis pour m'avoir laissé l’opportunité de travailler sur cette photographie. Merci à Sébastien Robit de lui avoir laissé la possibilité de publier des travaux à partir de clichés qu'il possède (A. Carobbi).

 

Un chaleureux merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à S. Robit et au S.H.D. de Vincennes

29 avril 2022

Camille Albert Poirot (1889-1916)

Camille Albert Poirot

 

Camille Poirot naît le 25 juin 1889, à Basse-sur-le-Rupt, dans le département des Vosges.

 

Son père, Jean, âgé de 44 ans, est absent du domicile le jour de sa naissance. Sa mère, Marie Antoinette Aubert, est âgée de 40 ans lorsqu'elle accouche. Les parents exercent le métier de tisserand.

 

Camille est le dernier-né d’une fratrie composée de 5 garçons et de 7 filles. Une de ses sœurs est mort-née. Une autre est décédée prématurément.

 

Camille Poirot sait lire, écrire et compter lorsqu’il quitte l’école communale. Le niveau scolaire de niveau 3 est confirmé par sa fiche matricule.

 

Futur soldat de la classe 1910, il est inscrit sous le n° 108 lorsqu’il se présente devant le conseil de révision de Saulxures-sur-Moselotte. Camille peut bénéficier d’une dispense familiale qui retarde momentanément son départ pour la caserne.

 

Une petite notice avec portrait trouvée dans un livre d’or nous apprend qu’il a travaillé à la blanchisserie et teinturerie de Thaon-les-Vosges durant plus de cinq ans.

 

Le 7 avril 1913, Camille Poirot épouse Marie Euphémie Fay à Thaon-les-Vosges. La descendance de ce couple n’est pas connue.

 

L’absence d’informations sur la fiche matricule de ce jeune vosgien empêche toute reconstruction de son parcours de conscrit et de mobilisé. Seule l’indication « service auxiliaire » est mentionnée sur le document.

 

De nombreuses questions restent donc en suspens. À partir de quelle date Camille Poirot a-t-il effectué ses obligations militaires ? Étant affecté au service auxiliaire, a-t-il seulement été appelé à faire son service actif ? Dans ce cas, était-il au 149e R.I. durant sa période de conscription ?

 

Au moment de la mobilisation générale, en août 1914, il est très probablement resté dans un dépôt en attendant la révision de son statut de service auxiliaire qui sera modifié en « bon pour le service armé ».

 

A-t-il suivi alors une instruction de fantassin ? Quand est-il parti en renfort ? Le soldat Poirot a-t-il été blessé au cours d’un combat ? A-t-il été évacué vers l’arrière pour une hospitalisation ? Il est impossible de répondre avec certitude à toutes ces questions sans tomber dans l’arbitraire.

 

Nous pouvons simplement dire que ce soldat servait comme clairon à la 9e compagnie du 149e R.I. lorsqu’il a été tué le 4 septembre 1916.

 

Ce jour-là, son régiment est engagé dans le département de la Somme. Cette unité avait l’ordre de reprendre le village de Soyécourt.

 

Mortellement blessé par des éclats de grenade au cours de l’attaque, Camille Poirot décède à l’âge de 27 ans,à proximité de la ferme sans nom.    

 

Pour en apprendre d’avance sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur le plan suivant.

 

Secteur du 149e R

 

Camille Poirot est enregistré au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume en 1920 (J.O. du 28 décembre).

 

« Excellent soldat, ayant toujours fait preuve des plus belles qualités.Tombé glorieusement pour la France le 4 septembre 1916 à Soyécourt. »

 

Cette inscription lui donne également droit au port de la croix de guerre avec une étoile de bronze.

 

Decorations Albert Camille Poirot

 

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Thaon-les-Vosges.

 

Pour avoir accès à la généalogie de la famille Poirot, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

log geneanet

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance du soldat Poirot ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

« Livre d’or des membres du personnel de la blanchisserie et teinturerie de Thaon morts pour la France au cours de la guerre 1914-1918. »  Imprimerie Berger-Levrault, Nancy-Paris-Strasbourg.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, et aux archives départementales des Vosges.

22 avril 2022

4 septembre 1916, il faut prendre le village de Soyécourt…

Soyecourt 4 septembre 1916 dessin hippolyte Journoud

 

Le lieutenant-colonel Gothié, responsable du régiment 149e R.I., dispose de ses 1er et 3e bataillons pour mener à bien l’attaque du 4 septembre 1916. Le 3e B.C.P. est  positionné à sa gauche, le 31e B.C.P. à sa droite.

 

Les jours précédents, un avion de reconnaissance appartenant à l’escadrille C 28 survole le village de Soyécourt à plusieurs occasions. Plusieurs clichés ont été réalisés.

 

Pour mieux se rendre compte de l’aspect du terrain, une de ces vues aériennes est présentée ici.

 

Photo aerienne Soyecourt

 

Les deux rues principales du village, coloriées en jaune sur le croquis ci-dessous, sont bien visibles sur la photographie. Elles délimitent la zone des combats attribuée au 149e R.I.. Une de ces rues mène directement au château de Soyécourt.

 

Secteur du 149e R

 

Le réglage des montres des officiers du 149e R.I. est vérifié la veille du jour J. Il est surveillé à plusieurs reprises, puis contrôlé une dernière fois, trois heures avant le déclenchement de l’offensive.

 

La troupe est en place à 4 h 00. Les chefs de section ont tous été munis de croquis au 1/5000e. Chacun sait ce qu’il a à faire.

 

Les fantassins ne portent pas de sacs à dos. La toile de tente et la couverture ont été roulées en sautoir autour du corps. Les hommes emportent deux jours de vivres de réserve. Les outils portatifs sont accrochés à la ceinture.

 

Les fusiliers transportent 200 cartouches et 2 grenades. Les grenadiers partent avec 8 grenades. Les travailleurs et les pionniers sont chargés de l’outil de parc, de 5 sacs à terre et d’un réseau Brun.

 

Plusieurs fanions sont emportés. Ils serviront au marquage des lignes les plus avancées atteintes au cours de l’attaque.

 

Ruines de l'église de Soyecourt

 

L’offensive débute à 14 h 00 sur toute la ligne de front. Pour mieux surprendre l’ennemi, il n’y a pas de signal, pas de sonnerie et pas de fusées.

 

Les différentes vagues, préalablement formées en avant du parapet, se succèdent sans interruption pour donner à l’attaque toute la soudaineté et toute la violence nécessaire.

 

La 1ère vague est devancée par un tir de barrage d’artillerie. Les obus tombent 200 m en avant.

 

La 2e vague marche à environ 50 m derrière la 1ère. La 3e vague remplace immédiatement la 2e dans la 2e parallèle. La 4e vague est derrière la 3e,  à 150 m environ.

 

Au même moment, les compagnies de soutien, sous les ordres des chefs de corps, se placent dans la tranchée de départ.

 

Ces compagnies suivent immédiatement et au plus près les 1ère et 2e vagues d’assauts. Elles ont pour mission d’occuper et d’organiser le terrain conquis tout en se tenant prêtes à exploiter le moindre fléchissement local de l’ennemi.

 

Les 2 bataillons du 149e R.I. enlèvent les 3/4 du village fortifié encore occupé par les Allemands. Les compagnies s’emparent de plusieurs mitrailleuses. Elles font de nombreux prisonniers. Plusieurs officiers sont capturés.

 

Une fois le 1er objectif atteint, les compagnies d’attaque envoient des reconnaissances sur le 2e objectif afin de vérifier l’état des destructions.

 

La progression du 149e R.I. est très rapide. Ce ne fut pas le cas pour les corps voisins.

 

Le parc de Déniécourt au nord-est, le village de Vermandovillers au sud restent toujours aux mains de l’ennemi. Les 3e et 10e B.C.P. ne sont pas parvenu à dépasser la route de Soyécourt-Déniécourt au nord-est. Le 31e B.C.P. et le 158e R.I. n’ont pas atteint leur 1er objectif.

 

Livré à sa propre force, le 149e R.I. se retrouve rapidement positionner en flèche. L’organisation du terrain conquis se fait sous un feu croisé d’infanterie, de mitrailleuses et d’artillerie.

 

Situation en fin de journée

 

Pour les bataillons de chasseurs 

 

Des éléments du 31e B.C.P. occupent le boyau du Valet. Une de ses sections de mitrailleuses est placée à proximité du moulin détruit.

 

Deux compagnies du 3e B.C.P. sont installées dans le boyau du Dauphin avec des mitrailleuses. Une compagnie se trouve dans le Strassenweg – Soyécourt, deux autres autour de 616.

 

La situation du 10e B.C.P. reste confuse. Ses unités sont mélangées. Il occupe 606 e, la tranchée des mitrailleuses et la tranchée 3510 – 3809.

 

Pour le 149e R.I. 

 

Positions des compagnies du 149e R

 

 

La 9e compagnie et une section de mitrailleuses de la 3e C.M. prennent pied dans le 2e objectif. Elles sont positionnées en avant de la ferme sans nom.

 

La 11e compagnie et une section de mitrailleuses de la 1ère C.M. s’établissent entre 3896 et 651.

 

Plus au nord, la 10e compagnie s’étend jusqu’au boyau du Dauphin, appuyée par deux sections de mitrailleuses de la 1ère C.M..

 

Les 1ère et 2e compagnies, renforcées par 4 sections de mitrailleuses, s’étendent entre le boyau du Dauphin et le château de Soyécourt. La 3e compagnie se trouve entre 3403 et 651 a.

 

Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1916

 

Le 3e B.C.P. et le 149e R.I. organisent solidement leur position conquise en fin de soirée.

 

Le 10e B.C.P. reconstitue ses unités. Il construit une ligne de défense passant  par 606e, le boyau Kreutz, 3310, 846 et 3809. Il relie sa gauche au 3e B.C.P.. Sa compagnie de soutien aménage une tranchée de 606e à 3414.

 

Les autres compagnies de soutien agencent une 2e ligne à 150, 200 m de la 1ère.

 

Une compagnie de la réserve de brigade s’établit à la lisière est du bois de Soyécourt.

 

Les 1er et 3e bataillons du 149e R.I., sous les ordres du commandant Magagniosc et du capitaine Houël, subissent plusieurs contre-attaques allemandes au cours de la nuit. La position est maintenue.

 

                               Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 4 septembre 1916

 

Sources :

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

J.M.O. du 3e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 816/3.

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

La photographie aérienne provient de la collection personnelle de Sébastien Robit.

 

Le dessin intitulé « prise de Soyécourt - 4 septembre 1916 » a été réalisé par Hippolyte Journoud, soldat au 149e R.I.. Il fait partie du fonds Journoud propriété de la famille Aupetit.

 

Certaines informations sont extraites d’un rapport rédigé par le lieutenant-colonel Gothié provenant de la collection privée de la famille.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à B. Étévé, à D. Gothié, à S. et D. Robit, à la famille Aupetit et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

8 avril 2022

2 et 3 septembre 1916 : préparatifs d’attaque

Barricade devant l'eglise de Soyecourt à la veille de l'attaque du 4 septembre 1916

 

Jeudi 2 septembre 1916 

 

Les tirs de préparations d'artillerie se poursuivent tout au long de la journée. Plusieurs patrouilles sont envoyées en reconnaissance au cours de la nuit.

 

L’ennemi semble avoir évacué ses tranchées durant les bombardements de jour. Il revient s’installer dans l’obscurité, pour réparer ce qui a été détruit, sous la protection de nombreux tirailleurs et grenadiers.

 

Une nouvelle tranchée remplace le lendemain, au petit jour, celle qui a été détruite la veille au soir.

 

Le travail de démolition et de bouleversement du terrain de l’artillerie française, si difficile à mener à bien, est en partie réduit à néant.

 

Des ordres sont donnés pour gêner au maximum les Allemands dans cette entreprise de réparation.

 

L’infanterie française se montre plus mordante. Si elle est à bonne distance, elle fait usage de ses grenades .

Au moindre bruit, les hommes tirent au fusil ou à la mitrailleuse.

 

Vendredi 3 septembre 1916

 

Du côté des chasseurs

 

Dans la nuit du 2 au 3, le 3e B.C.P. relève 2 compagnies et 1 compagnie de mitrailleuses du 10e B.C.P. positionnées en 1ère ligne.

 

Il remplace également par 3 compagnies et 1 compagnie de mitrailleuses, les 2 compagnies et la compagnie de mitrailleuses du 10e B.C.P. placées en réserve dans les anciennes tranchées françaises.

 

Carte 1 journee du 3 septembre 1916

 

La limite entre les deux bataillons de chasseurs est formée par la ligne suivante : chemin nord-sud rejoignant la route Amiens-Péronne au  carrefour des cinq chemins, et le chemin allant du carrefour précité à l’intersection des tranchées Kreuz et des mitrailleuses ; cette ligne appartenant au 3e B.C.P..

 

Le P.C. du commandant du 3e B.C.P. se trouve dans la tranchée du Seigneur. Celui du commandant du 10e B.C.P. est établi dans la tranchée du Chariot.

 

Le 10e B.C.P. s’organise de la manière suivante : une compagnie en 1ère ligne, une autre compagnie en soutien dans le boyau Bram Sud. 

 

Du côté du 149e R.I..

 

Les 1er et 3e bataillons du régiment, accompagnés d’une demi-section de la compagnie 21/2 du génie, se tiennent prêts à participer à l’offensive prévue pour le lendemain.

 

Encadrement du 149e R

 

 

Le dispositif d’attaque de ce régiment s’organise de la manière suivante : 4 de ses  compagnies, sous les ordres d’un des commandants de bataillon, fourniront quatre vagues d’attaque de deux demi-compagnies chacune. La 2e vague sera accompagnée d’une section de mitrailleuses.

 

Les sections de mitrailleuses restantes complèteront les 3e et 4e vagues.

 

 

Une petite fraction d’hommes sera prélevée sur l’effectif de chaque vague d’attaque. Elle assurera le nettoyage des tranchées. Les équipes des 1ère et 2e vagues marcheront derrière la 2e vague. Les équipes des 3e et 4e vagues derrière les vagues auxquelles elles seront rattachées.

 

Le responsable du 149e R.I., repartit les missions de nettoyage assignées aux quatre équipes, pour tout le terrain compris entre la parallèle de départ et le 1er objectif à atteindre.

 

Deux compagnies, sous les ordres du second commandant de bataillon, seront stationnées dans la tranchée du Seigneur et l’ancienne tranchée de 1ère ligne allemande. Elles resteront à la disposition du lieutenant-colonel Gothié en cas de besoin.

 

Carte 2 Les 1er et 2e objectifs du 4 septembre 1916

 

Le régiment spinalien devra atteindre les objectifs suivants :

 

1er objectif : Village de Soyécourt, château de Soyécourt, de manière à atteindre le front jalonné par la Batterie 3402 (incluse), la Batterie 3403, la Batterie 3504 (au 149e R.I.).

 

2e objectif : Front compris entre la maison au nord de 658 incluse et l’intersection du boyau du Valet avec le chemin Bois Ritter - Déniécourt (cette intersection est laissée au 3e B.C.P.).

 

3e objectif : Front compris entre la Batterie 4291 incluse, le tronçon nord-sud du boyau du chêne à 150 m au nord-est de 4291 inclus, s’étendant jusqu’à la limite nord du 149e R.I., en s’alignant sur la maison au sud de Déniécourt.

 

4e objectif : Front compris entre le carrefour (exclu) à l’est de la Batterie 4487 et le point 95.

 

5e objectif : Lisière est du village d’Ablaincourt entre la Batterie 5080 (exclue) et la voie ferrée double d’Ablaincourt-Gomiécourt (incluse).

 

Le P.C. du colonel Gothié. se trouve dans l’ancienne tranchée de 1ère ligne allemande, vers le point 608 (P.C. actuel du quartier de Soyécourt).

 

Le 2e bataillon du régiment est en réserve de brigade avec des éléments du 10e B.C.P et du Génie.

 

Cette réserve de brigade est sous les ordres du commandant Schalck. Le 10e B.C.P. compose le 1er échelon, le 149e R.I. et le Génie le 2e échelon. Chaque compagnie comporte une section de travailleurs et une section de ravitailleurs en grenades.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. stationne dans la tranchée de Liaison, dans la tranchée de Redan, dans le boyau de la Sapinière, dans la tranchée du Château et dans la tranchée de Jonction. Les sections du génie sont positionnées entre le boyau Kléber et le boyau Brière de l’Isle.

 

Chemin creux de Soyecourt - 3 septembre 1916

 

Le 2e échelon de cette réserve est tenu de suivre la progression des corps d’attaque.

 

Il devra occuper solidement les différentes lignes à chaque arrêt et se tenir prêt à renforcer partiellement ou en totalité les unités d’attaque momentanément arrêtées. C’est lui qui, en cas de contre-attaque,devra repousser l’ennemi.

 

L’attaque du 4 septembre sera conjointement menée avec le 3e B.C.P. et le 10e B.C.P..

 

Ces unités devront s’emparer du village de Soyécourt, des organisations ennemies à l’est du village et de celles qui se trouvent entre Soyécourt et Ablaincourt.

 

Le village d’Ablaincourt devra également être conquis.

 

                                 Tableau des tués du 149e R.I. pour la journée du 3 septembre 1916

 

Sources :

 

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

 

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

Un grand merci à M. Bordes, à B. Étévé, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.  

25 mars 2022

L’A.L.G.P. à Harbonnières en septembre 1916

Captaine Gerard A

 

Les trois photographies présentées ici font partie d’un lot de documents longtemps préservé par la famille du capitaine Gabriel Gérard.

 

Septembre 1916 A

 

Ces épreuves, simplement légendés « A.L.G.P. Harbonnières – septembre 1916 » ont probablement été réalisées quelque temps avant le déclenchement de l’offensive française du 4 septembre 1916.

 

A

 

Les clichés montrent une ancienne pièce de côte d’origine « Marine », modèle 1870-1884,  appartenant au 3e groupe de 32 cm, placée sur un des 4 épis d’Harbonnières.

 

Á cette période du conflit, ce groupe compte 4 pièces articulées en 2 batteries nommées « A » et « B » composées chacune de 2 pièces.

 

Durant la bataille de la Somme, les batteries concentrent souvent leur tir sur la même position. Les obus sont envoyés par salves de 4 coups.

 

Les pièces effectuent leurs tirs depuis des tronçons de voies ferrées disposés « en épi » de forme circulaire. Cette configuration géométrique permet le lancement d’obus dans un large champ de tir horizontal.

 

Les branches des épis sont équipées d'une plateforme de 37 m de long qui peut être déplacée au prix de manœuvres assez longues. Cette plateforme autorise le tir horizontal instantané dans la limite de 10° à 12°. Elle doit être déplacée pour élargir le champ de tir horizontal.

 

Les épis en tenailles d'Harbonnières (position n° 14) sont directement reliés à la voie ferrée Amiens-Chaulnes via Guillaucourt.

 

Les epis d'Harbonnieres

 

Les epis d'Harbonnières automne 1916

 

Ces pièces imposantes sont des objets de curiosité pour l’infanterie. Elles sont également évoquées dans le livre de Francis Barbe « Et le temps à nous est compté ».

 

 

Le 20 août 1916, Albert Marquand, caporal à la 10e compagnie du 149e R.I., écrit à sa mère : « Enfin, nous voici à H…. Il y a un trafic considérable, genre Verdun, mais encore plus grand. Il y a tous les régiments. Je viens de visiter une batterie (4 pièces) de 320 (obus de 400 kg). C’est monté sur rail. C’est formidable comme structure. »

 

Sources :

 

« Et le temps à nous est compté ». Lettres de guerre (1914-1919) d’Albert Marquand. Présenté par Francis Barbe, avec une postface du général André Bach. Éditions C’est-à-dire. 2011.

 

Les 3 photographies font partie du fonds « Gabriel Gérard ».

 

Un très grand merci à M. Bordes, à F. Barbe, à A. Carobbi et à G. François pour la partie technique concernant les pièces de 32 cm.

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