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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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27 mars 2015

Les premiers mois de l'année 1918 sur le front des Vosges (1ère partie)

Le_Violu_1

 

Le 149e R.I et toutes les unités de la 43e D.I. viennent de quitter le département du Doubs. Les premiers éléments de la division, qui ont commencé à se mettre en mouvement à partir du 17 janvier, sont transportés par voie de chemin de fer dans la région vosgienne de Bruyères-Corcieux. Les unités de la division du général Camille Michel doivent se tenir prêtes à relever celles de la 166e D.I. qui sont installées entre le col du Bonhomme et Provenchères-sur-Fave.

 

Dans ce secteur, qu’une poignée d’anciens, toujours présents au 149e R.I. connaissent bien, le front est resté, à peu de chose près, identique à celui de 1914. Seuls quelques villages sont « passés » du côté allemand.

 

La zone dans laquelle va s’installer la 43e D.I. est réputée pour être difficile d’accès. Ici, personne n’aurait l’idée de lancer une offensive de vaste envergure. Cette ligne de front bénéficie depuis plusieurs mois d’une sorte d’immunité qui la protège de toute agression massive. Les attaques françaises de 1915 et de 1916, visant à faire progresser l’infanterie dans les Vosges et en Alsace, ont fait rentrer quelques noms dans la mémoire collective. Périodiquement, les communiqués officiels rappellent certains d’entre eux : l’Hartmannswillerkopf, le Linge, le Violu, et le Ban de Sapt. En dehors de ces lieux, le coin est réputé pour être calme.

 

Il est important de signaler que, même si un secteur est donné comme étant une zone calme, cela ne veut pas dire qu’il y fait bon vivre. Des coups de mains réguliers, des patrouilles quasi journalières pour essayer de savoir ce qui se passe du côté de l’ennemi, de rudes et pénibles travaux effectués par les hommes en première ligne, des bombardements très localisés, parfois d’une extrême violence, sont le lot quotidien vécu par les hommes, au cours de cette période hivernale.

 

Installation du 149e R.I. en Lorraine 

 

18 janvier 1918 

 

Les premiers éléments du 149e R.I. viennent s’installer dans le secteur de Corcieux. Les mouvements de la 43e D.I. se poursuivent tout au long de la journée.

 

19 janvier 1918 

Les ordres de relève en première ligne commencent à être donnés aux officiers concernés. Les éléments de la 166e D.I. qui occupent le secteur depuis le mois de juillet 1917 vont bientôt être remplacés par ceux de la 43e D.I..

 

20 janvier 1918 

 

Carte_1_Vosges_janvier_1918

 

En attendant de rejoindre ses nouveaux emplacements, le 149e R.I. a pris position dans les villages suivants :

 

E.M. à Corcieux

 

C.H.R. dans les baraquements du camp de Corcieux et de Ruxurieux

 

1er bataillon à Ruxurieux, Mariemont et Arrentès-de-Corcieux

 

2e  bataillon à Neune, Vienville et Thiriville

 

3e bataillon à Bellegoutte, Rambaville, la Charmelle, le Haut-de-Bémont, la Vichibure et le Chenet

 

21 janvier 1918

 

Le 149e R.I. quitte les lieux occupés la veille. Il doit se rapprocher de la zone de front. Dans la soirée, les 3 bataillons du régiment cantonnent dans les communes suivantes :

 

1er bataillon à Clefcy

 

2e bataillon à Fraize

 

3e bataillon à Plainfaing

 

Carte_2_Vosges_janvier_1918

 

Louis Cretin évoque cette période dans son témoignage :

 

« … Après un repos excellent dans le Doubs à Hérimoncourt et Seloncourt, nous cantonnons à Corcieux le 18 janvier 1918, après notre arrivée par le train à Laveline-devant-Bruyère. Le 19, repos, le 20, nous partons à pied, nous traversons le col du « plafond » Anould et nous venons cantonner à Fraize où nous demeurons jusqu’au 23. »

 

Au cours de cette journée, une compagnie de mitrailleuses du 31e B.C.P. est mise à la disposition du 149e R.I. pour remplacer la C.M. 1 du 149e R.I. qui est toujours détachée au cours de tir indirect, au fort du Rudolphe. Il est prévu que cette compagnie rentre aux alentours du 31 janvier.

 

Le secteur 

 

L’auteur de l’ouvrage « La 43e Division pendant la campagne de 1918 » nous donne quelques précisions sur la situation du secteur.

 

Les premières positions ne sont vraiment pas fameuses, leurs lignes successives sont très mal protégées et les réseaux de fils de fer sont particulièrement clairsemés. Du fait qu’il n’y ait jamais eu de grandes offensives dans cette zone depuis quatre ans, personne n’a jamais pris ni la peine, ni le temps de faire construire de robustes abris. Les hommes vivent en toute tranquillité dans des baraquements fabriqués à partir de simples planches et qui sont livrés à la seule défense de la forêt.

 

Depuis longtemps, les deux antagonistes cherchent à faire d’importantes économies d’effectifs. La densité des troupes d’occupation est donc réduite à son minimum. Le secteur est très peu garni en largeur, il ne l’est pas davantage en profondeur. Les réserves au niveau des divers échelons du commandement sont quasiment inexistantes.

 

Répartition des unités de la 43e D.I. 

 

Du fait de la grande surface à couvrir le commandement de la division est organisé de la manière suivante :

 

L’échelon de l’infanterie divisionnaire est purement et simplement supprimé. C’est depuis Saint-Dié que le général Camille Michel commande directement les trois sous-secteurs occupés par sa division.

 

Le premier sous-secteur, qui se trouve à gauche, est pris en charge par les bataillons de chasseurs. Les 1er et 31e B.C.P., qui se sont installés dans la vallée de la Fave, tiennent au nord de la rivière, les pentes de l’Ormont et au sud la croupe du Camp Romain. Le deuxième sous-secteur qui se trouve au centre du dispositif est protégé par le 158e R.I. renforcé par un bataillon du 143e R.I.T. Tous ses hommes sont à cheval sur la route du col de Sainte-Marie. Le 149e R.I. prend place dans le troisième sous-secteur avec un détachement de cavaliers à pied. Les trois bataillons du régiment sont échelonnés sur les hauteurs boisées de la Cude, du Violu et du Rocher du Coq de Bruyère. Le colonel Boigues s’installe dans le P.C. Brial.

 

Au jour le jour 

 

Le_Violu_2

 

23 janvier 1918

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. relève un bataillon du 294e R.I. à la Grande Goutte, celle-ci se passe sans incident.

 

24 janvier 1918

 

Le colonel Boigues du 149e R.I. prend le commandement du sous-secteur A à partir de 8 h 00.

 

25 janvier 1918

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. quitte Plainfaing pour venir relever un bataillon du 294e R.I. qui se trouve au C.R. Violu.

 

26 janvier 1918

 

Dans la nuit du 25 au 26, le 1er bataillon du 149e R.I. et la C.M. 2 du 1er B.C.P. de Clefcy relèvent un bataillon du 294e R.I. au C.R. de la Cude.

 

Carte_3_Vosges_janvier_1918

 

27 janvier 1918

 

Des officiers allemands sont aperçus dans la tranchée de Constantinople vers 9 h 15, mais il ne se passe rien de plus. Plusieurs patrouilles sont envoyées pour vérifier le réseau de fils de fer.  

 

28 janvier 1918

 

Le colonel Boigues est informé que la C.M.1 de son régiment vient de terminer les cours de tir indirect de Belfort. Cette compagnie doit débarquer le 29 janvier à Corcieux-Vanémont puis cantonner jusqu’au lendemain à Vanémont.

 

Quelques tirs de harcèlement ont lieu sur tout le secteur, mais la journée reste calme dans l’ensemble. 

 

Une patrouille est envoyée dans le secteur occupé par le 3e bataillon du 149e R.I. Elle doit effectuer une mission de reconnaissance, et vérifier l’état des réseaux de barbelés. Une partie du secteur T 31, situé dans un espace de 50 à 80 m de large est visité. Dans la zone qui fait face à une tranchée entre T 31 et T 32, les hommes constatent trois brèches de 5 m de longueur, qui sont espacées d’une distance de cinquante mètres les unes des autres. Le réseau français qui se trouve en face est intact.

 

Les fermes Gretschy et Wustenloch qui se trouvent en face du 2e bataillon du 149e R.I. sont inoccupées par l’ennemi.

 

Poste_de_commandement_la_Cude

 

Tout au long de la journée, des travaux d’amélioration sont effectués dans les abris, dans les tranchées et dans les boyaux. Il est demandé aux hommes d’accorder une attention toute particulière au camouflage. La pose de fil de fer reste l’activité principale du fantassin.

 

Un boyau de jonction entre le P.C. combat et le boyau du soldat Servant est en cours de construction dans le C.R. de la Cude.

 

29 janvier 1918

 

La journée est calme. Il y a simplement une faible activité d’artillerie de part et d’autre. Une patrouille allemande est repoussée à coup de grenades devant le Violu.

 

30 janvier 1918

 

À 0 h 30, une patrouille ennemie constituée de 12 hommes s’approche à 150 m de P.P.6. Celle-ci est accueillie par le feu nourri d’un F.M. et par le jet d’une vingtaine de grenades. Elle se retire aussitôt.

 

Une patrouille française est envoyée vers 7 h 00, celle-ci constate que les réseaux ont été endommagés. Les hommes découvrent également un cadavre, des armes et des équipements qui ont été abandonnés sur place. Deux heures plus tard, une quinzaine d’Allemands sont vus en train d’examiner nos lignes.

 

Vers 13 h 15, l’ennemi effectue quelques tirs de mitrailleuses sur le C.R. de la Cude à partir du château de Fête. À 22 h 45, des mitrailleuses ennemies arrosent le secteur du ravin de la Cude.     

 

La_Cude_1

 

Des travaux de pose de réseaux sont effectués. Des abris de mitrailleuses et des emplacements de F.M. sont également aménagés.

 

De très nombreux tirs d’artillerie sont échangés tout le long de la journée et tard dans la soirée.

 

Peu avant 23 h 00, l’artillerie allemande effectue des tirs violents sur les premières lignes françaises du côté du P.A. du Ravin, du P.A. Regnault, de la Rotonde et sur l’observatoire Pacchiodo.

 

La compagnie de mitrailleuses du 1er bataillon du 149e R.I. doit se mettre en route pour venir s’installer à Verpellière en fin de journée. Elle suit l’itinéraire Corcieux, Anould, Fraize, la Croix-aux-Mines.

 

Les problèmes de relève de la C.M.2 du 1er B.C.P. par la C.M.1 du 149e R.I., doivent être réglés par le colonel qui commande l’I.D..

 

Carte_4_Vosges_janvier_1918

 

Quatre soldats du 149e R.I. sont blessés au cours de la journée.

 

31 janvier 1918

 

La nuit du 30 au 31 est marquée par une tentative de coup de main réalisé par les Allemands sur la région nord du C.R. la Cude. L’affaire a débuté à 22 h 40, avec un violent tir de minen et d’artillerie sur les organisations du P.A. Regnault. Les communications subissent également des tirs de mitrailleuses.

 

Des fantassins ennemis attaquent en même temps les P.P. des Ta 46, Ta 48 et Ta 50.  Après une âpre lutte à la grenade et conformément aux ordres reçus les Français se replient rapidement, sur une ligne de résistance pour s’y reformer en groupe de combat.

 

Le barrage et le tir de contre-préparation, en partenariat avec l’artillerie de la 167e D.I., se déclenchent dans des conditions satisfaisantes. Les P.P. ont été réoccupés peu après minuit lorsque le calme est revenu, le P. P. 50, lui, l’a été à la suite d’un rapide engagement à la grenade. La tentative de l’adversaire a ainsi complètement échoué.

 

Le sergent Louis Perein de la 2e compagnie du 149e R.I. est tué, il y a également sept blessés au régiment pour cette journée.

 

Durant les semaines qui vont suivre, le 149e R.I. et les autres éléments de la division vont s’efforcer d’améliorer leurs conditions de vie qui restent particulièrement fragiles et défectueuses sur le terrain.

 

Sources :

 

J.M.O. du 174e R.I. S.H.D. de Vincennes Réf : 26 N 710/6

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes Réf : 26 N 344/7

 

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

« La 43e Division pendant la campagne de 1918 » Mayence grande imprimerie moderne. 1922.

 

La  carte donnant les positions des trois bataillons du 149e R.I. a été réalisée simplement à partir des indications données dans le J.M.O. de la 43e D.I. qui est cité dans les sources. La marge d’erreur des positions des bataillons risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée vraiment très approximative des positions occupées par les trois bataillons du régiment pour la période du mois de janvier 1918.

 

Le fond de carte utilisé provient du J.M.O. du 112e R.I.T.. Elle peut se consulter sur le site « Mémoire des Hommes ». Référence du J.M.O. du 112e R.I.T. : 26 N 796/15. 

 

Un grand merci à  M. Bordes, à A. Carobbi,  à É. Mansuy et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

20 mars 2015

À bicyclette du côté de la frontière suisse.

Raymond_Bonnefous_janvier_1918

Une nouvelle fois un très grand merci à N. Bauer pour son autorisation de publier ici une autre partie du  témoignage laissé par son grand-père, Raymond Bonnefous.

À la mi-décembre 1917, le médecin sous-aide-major Raymond Bonnefous est installé à Pont-de-Roide. Il est responsable d’une infirmerie située à l’intérieur de l’Hôpital Hélène Peugeot. La veille de Noël 1917, il apprend sa mutation au 149e R.I..

16 décembre 1917

C’est dimanche, mais je ne peux ni me changer, ni aller à la messe. J’habite à l’extrémité du patelin, et Adam n’a pas pu me trouver encore. Toute la journée, je fais des courses pour le cantonnement.

17 décembre 1917

Il faut installer une infirmerie de cantonnement. Nous allons visiter l’hôpital Peugeot, où on nous abandonne une aile de bâtiment : 4 pièces meublées avec électricité et chauffage central. Nous y installons aussitôt ma salle de visite et le cabinet dentaire. L’après-midi se passe à la pâtisserie, aux cafés, aux docks.

18 décembre 1917

La pâtissière, chez qui j’ai logé Collard, nous invite à goûter l’eau-de-vie de prunes qu’elle vient de distiller, et nous fait manger quelques bons chaussons, quoique ce soit jour sans gâteaux. Nous allons ensuite à notre P.C. de l’hôpital Peugeot, où la clientèle civile commence à rappliquer chez le dentiste.

Le soir, le médecin-chef nous rejoint, rentrant de permission.

H_pital_Peugeot

19 décembre 1917

Nous allons voir la coulée de la fonte à l’usine de Fourneau. Le matériel est un peu ancien, mais c’est intéressant tout de même.

20 décembre 1917

Avec le médecin-chef et l’abbé Bruneau, nous grimpons à la batterie des Roches. C’est un ouvrage qui domine Pont-de-Roide et la vallée du Doubs, et qui fait partie du fort du Lomont. On aurait, sans la brume,un coup d’œil splendide.

21 décembre 1917

Avec Papot, nous filons en auto sanitaire à Montbéliard, puis en vélo nous pédalons jusqu’à Sochaux pour voir nos anciens logeurs et nous rentrons à Pont-de-Roide pour dîner.

22 décembre 1917

Le patron nous entraîne avec Chenu sur la route de Porrentruy dans une ballade monotone et sans intérêt.

Eglise_de_Pont_de_Roide

23 décembre 1917

C’est dimanche. À 9 h 30, grande messe solennelle. La population est très religieuse, et l’église est bondée de monde. Le père Bruneau nous place dans les stalles du chœur, en face du général et de son État-major. Musique agréable. Nous tuons l’après-midi au cinéma d’abord, puis au café.

24 décembre 1917

En revenant de l’hôpital passer ma visite, je rencontre Pierrot, un sous-aide-major du 12e d’Artillerie, qui m’aborde pour me demander quel jour je compte rejoindre mon nouveau poste au 149e.

Je suis tout ahuri de cette nouvelle, mais Pierrot m’exhibe la circulaire, où je lis en effet ma mutation avec Lebranchu du 1er bataillon au 149e. Je fais une grande sensation à table en annonçant cette nouvelle qui fait s’exclamer tout le monde. L’après-midi, nous allons avec le médecin-chef en prendre confirmation chez le médecin divisionnaire ; à la réflexion, je regrette bien de quitter le groupe, mais je ne suis pas fâché de passer enfin dans un corps de troupe, et surtout au 149e, où je retrouverai M. Rouquié.

25 décembre 1917

Après une messe de minuit remarquable où, grâce au père Bruneau, nous avons un bout de banc dans le chœur, un réveillon fantastique se prolonge à la popote jusqu’à 5 h 00. On boit, on chante, on s’amuse, et le père Bruneau est endiablé. Le soir, à dîner, de nouveau champagne et plats fins : de nouveau, piano mécanique et chansons.

26 décembre 1917

On hospitalise Calippe dans mon service ; il traîne la patte de plus en plus et m’avoue aussi une autre petite misère. On soignera le tout à la fois. D’ailleurs, il ne s’ennuie pas pour la première journée. Deux clientes assidues de Collard, des dactylos de Peugeot,viennent lui tenir compagnie, et de plus en plus, je passe tout mon temps dans mon service confortable ; j’aide Collard à soigner ses gentilles clientes.

Le patron décide de me garder jusqu’après le jour de l’An et me fait écrire en ce sens à M. Rouquié et à Lebranchu.

27 décembre 1917

Il a été décidé hier, au cabinet de Collard, qu’on prendrait ce soir le thé chez moi. À 17 h 00, tout est prêt ; de bons gâteaux reçus de la maison sont sur la table, le feu chauffe bien, mais… nous passons jusqu’à 7 h 00 sans voir venir nos invités.

28 décembre 1917

Nous faisons d’amers reproches à l’hôpital à M… et à A… pour leur lapin d’hier soir et passons avec eux une bonne soirée. La neige a cessé ; il fait un clair de lune splendide et l’effet sur la neige est vraiment très joli. Le thermomètre est à – 16°, et le Doubs est entièrement pris. D’ailleurs, on ne voit plus circuler que des traîneaux.

29 décembre 1917

Avec le médecin-chef et M. Jourdan, nous faisons une nouvelle ascension dans la neige à la batterie des Roches et je rentre vite chez moi à 17 h 00. Cette fois, les invités sont exacts au rendez-vous et nous passons une soirée agréable.

30 décembre 1917

Hier, j’ai reçu une lettre de Lebranchu disant qu’il m’attendait le 29. Je décide d’aller m’entendre avec lui, et par ce bel après-midi de dimanche, je file en vélo par Mattay, Mandeure, Valentigney et Seloncourt. À Seloncourt, je m’arrête à l’infirmerie du régiment, où on m’apprend que M. Rouquié est absent depuis 3 ou 4 jours ; je monte jusqu’à Vaudoncourt, village de cultivateurs. Lebranchu  ne fait aucune difficulté pour m’attendre jusqu’au 3 ; il me présente à l’aide-major, M. Richard, un jeune homme qui semble très doux et très sympathique et je fais demi-tour pour arriver à Pont-de-Roide  à la nuit noire. Il gèle toujours très fort, aussi j’ai rencontré dans toutes les descentes quantité de lugeurs et lugeuses.

Carte journee du 30 aout 1917

31 décembre 1917

Le dernier jour de l’année s’écoule bien tranquillement. Le soir, on lunche à 18 h 00 ; on joue au baccarat jusqu’à 22 h 00, puis dîner somptueux, champagne, laïus du patron, réponse de Jourdan, piano mécanique et chansons. 1917 est enterré. Que sera 1918 ??????

1er janvier 1918

Nous commençons l’année par une grande messe solennelle ; l’église de Pont-de-Roide est aussi pleine que le jour de Noël. L’après-midi, nous courons à un concert offert aux Rudipontains par les ambulances et l’artillerie de tranchées. Il a lieu dans une grande salle de l’usine Peugeot. Le tout Pont-de-Roide s’y est donné rendez-vous et bien avant l’heure, la salle regorge de monde. Nous arrivons à temps pour pouvoir choisir nos places et… nos voisins. Je m’installe confortablement derrière A... et à côté de madame la pharmacienne, une jeune dame très musicienne et fort aimable. Le concert est dans le style de tous les concerts offerts par les poilus, plutôt salé. Le temps ne me semble pas long, mais il fait un froid terrible, et les pieds sont glacés. Heureusement, A… a apporté une précieuse bouillotte que je réussis à partager un instant avec ma voisine.

À la sortie, nous allons finir la soirée à l’hôpital avec ce pauvre Calippe, qui s’ennuie désespérément.

2 janvier 1918

C’est la journée des paquets et des adieux. A… et M… viennent me voir le matin à l’hôpital. Toute l’après-midi, je n’ai pas une minute à moi. Je cours de l’hôpital chez Ducuing, de chez Ducuing à chez moi,pour revenir à 18  h 00 à l’hôpital, ce qui représente un certain nombre de km.  A… et M… sont chez Collard, tandis que Jourdan et autres encombrent la chambre de Calippe. On s’isole sans eux.

À 19  h 00, on se retrouve réunis pour la dernière fois à la popote. Le médecin-chef est vraiment charmant pour moi ; depuis hier, ma popote est à son compte ; ce soir, c’est lui qui fait les frais du dîner, et quel dîner ! Vins fins du commencement à la fin, champagne à flots, et pour finir speech tout à fait aimable du patron qui m’accable de compliments et de confusion. Collard et Morise, d’ailleurs un peu noirs, ont les yeux pleins de larmes, et quand je veux répondre au patron, je suis moi-même tellement ému qu’au bout de quelques mots je ne peux plus articuler… Mais avec les chansons, la gaieté reprend le dessus et M. Bruneau entraîne les rires de l’assemblée.

Vraiment, c’est au moment de la séparation qu’on mesure surtout le degré de sympathie et d’affection qui vous unit aux camarades, et je ne m’étais pas rendu compte de l’attachement que j’avais pour le groupe.

3 janvier 1918

Passage au 149e R.I.

 Après avoir bouclé mes cantines, je cours à l’hôpital. De l’usine Peugeot, A… me guettait à mon passage sur le pont pour me faire ses adieux. Je vais vite serrer la main à Calippe, aux infirmiers, et je file à la popote, où je déjeune en vitesse, et après avoir fait mes adieux aux camarades, je monte en traîneau avec un conducteur. On m’a donné un bon trotteur, et j’arrive rapidement à Seloncourt où M. Rouquié me souhaite la bienvenue. Je suis à Vaudoncourt à 14 h 00. et Lebranchu reprend mon traîneau. M. Richard me présente à 17 h 00 au commandant de Chomereau, qui me fait un accueil très affable ; à 18 h 30, réunion à la popote ; M. Richard me présente successivement au capitaine adjudant-major Guilleminot, au capitaine Quinot, commandant la 1ère compagnie, à Roncin, un de ses sous-lieutenants, au lieutenant de Parseval, commandant la 1ère C.M., un bébé à qui on donnerait 15 ans et qui est de la classe 16, à son sous-lieutenant Lesserteur, un bon gros qui a l’air brave type. La 2e et la 3e compagnie ne sont pas là. La 3e est à la Cité du Val, un petit village à 2 km d’ici, et où je dois aller demain passer la visite.

La première impression est assez bonne, mais on sent nettement qu’il n’y a pas là l’homogénéité du G.B.D. et qu’on rencontre un peu de tout.  Après dîner, je regagne vite ma chambre, où m’attend un bon feu. J’ai pris l’ordonnance de Lebranchu, un Vosgien, qui a l’air bien stylé et répond au nom de Bolot.

4 janvier 1918

À 8 h 00, je pars à la Cité du Val, accompagné d’un brancardier. Après la visite, je vais me présenter au capitaine commandant la 3e Cie, le capitaine Liétout, un grand blond maigre, élégant et froid ;  je fais connaissance avec son sous-lieutenant Viard, un blond, joli garçon et qui a l’air de le savoir.

En rentrant, je passe à l’infirmerie ; le personnel infirmier et brancardier me fait très bonne impression ; ils sont tous polis et bien disciplinés. Je fais plus ample connaissance avec M. Richard, décidément tout à fait chic, bon garçon, avec qui, j’espère, je m’entendrai très bien.

À table, à 11 h 00, on me présente à 2 sous-lieutenants qui d’ailleurs sont mes voisins de chambre (ils étaient hier à Montbéliard) Boudène, un jeune décoré de la classe 15 de la 2e compagnie et Loubignac, de la 1ère.

Après déjeuner, on va tous ensemble au pont Sarrazin, un pont naturel franchissant un ravin sous bois, où M. Richard nous photographie. La musique du régiment vient jouer ensuite à Vaudoncourt ; on se gèle  à l’écouter, mais il faut faire acte de présence.

5 janvier 1918

Avec M. Richard, nous allons à Beaucourt, la capitale des Japy, gros bourg usinier sans intérêt, où se trouve en ce moment le Q.G. du 40e C.A., auquel nous sommes momentanément rattachés pour les travaux.

6 janvier 1918

Nous devons partir demain pour nous rapprocher encore de la frontière et des chantiers où travaillent les compagnies. C’est dimanche. Le caporal infirmier Leclerc, qui est prêtre, dit la messe au bureau de bataillon. L’après-midi, je prends le vélo du cycliste de l’infirmerie et je descends à Hérimoncourt, où est cantonné le 1er B.C.P.. Je serre la main de Penet et de quelques officiers qui écoutent la fanfare et je rentre avant la nuit.

7 janvier 1918

Grandvillars_au_bon_marche

À 9 h 00, le bataillon quitte Vaudoncourt. Le mouvement se fait par compagnies, aussi nous partons à part par les sentiers sous bois. Il dégèle et on patauge. Nous arrivons à 10 h 30 à Saint-Dizier, un village tout en longueur, perché sur un plateau. Nous retrouvons là la 2e Compagnie  commandée par le lieutenant Robinet, et la 3e qui est venue de la Cité du Val. Voilà donc le bataillon au complet, et on est 14 à table. L’officier de cantonnement m’a logé dans la maison de la popote, au 2e dans une petite chambre. J’ai donc un lit, c’est tout ce qu’il me faut.

Carte_journee_du_7_janvier_1918

Legende_carte_journee_du_7_janvier_1918

Pour notre début dans le patelin, nous avons une histoire : le lieutenant Robinet s’est battu la nuit dernière avec un homme du 109e, cantonné dans le village, et l’a blessé. Je lui propose d’aller à Morvillars prendre de ses nouvelles ; il accepte avec joie, et je file avec la boue, la pluie et le vent ! Une longue descente m’amène à Léhétain ; puis je traverse Delle et je prends la route de Morvillars, qui m’est familière ; à Grandvillars, je stoppe au « Bon Marché » où on me demande des nouvelles des dentistes ; puis je passe au débit de tabac, où Mlle Fernande me sort d’une cachette 2 paquets de cigarettes Maryland. À Morvillars, je vais prendre des nouvelles du blessé, qui n’a qu’une écorchure ; puis je passe chez les Juillet, où on me fait un bon thé à la crème et je repars, le vent dans le nez. Je suis à Delle où la nuit est noire ; je souffle un moment à la pâtisserie, puis je repars pour arriver péniblement à la popote juste à l’heure du dîner.

8 janvier 1918

La neige tombe serrée toute la journée et nous bloque à la popote.

9 janvier  1918

Encore la neige ! Impossible de sortir.

10 janvier 1918

toute la nuit, un vent violent a amoncelé la neige par endroits, et les compagnies travaillent toute la journée à frayer un passage au ravitaillement et à dégager en particulier la route de Croix, où des fourgons de douaniers sont bloqués par la neige. Je vais faire un tour de ce côté là, et par endroits, j’enfonce jusqu’au-dessus des genoux. Je pousse néanmoins jusqu’à Croix où je rencontre le lieutenant Jeand’heur qui m’offre à sa popote un petit verre de bon kirsch !

11 janvier 1918

Après midi, je prends mon courage à deux mains et je pars à pied pour Hérimoncourt. Dans le bois d’Holaud, la piste est encore mal faite. Après la traversée d’Abbevillers, ça va mieux, et une longue descente en lacets m’amène à Hérimoncourt où je passe un moment avec Penet. Au retour après Abbevillers, Jeand’heur me rattrape en traîneau et me porte jusqu’au carrefour de la Croix.

12 janvier 1918

Il fait beau, mais l’après-midi, M. Richard s’absente et je suis donc obligé de rester au cantonnement. Les jeunes filles de la popote me tiennent compagnie, et le soir tous ensemble, après dîner, on joue avec elles à la bague et au furet. Dans l’après-midi, une tuile. M. Richard soignait ces jours-ci un gosse atteint d’une méningite tuberculeuse. Pendant son absence, on m’appelle vite, et j’arrive pour voir mourir le gosse dans une dernière convulsion.

13 janvier 1918

C’est dimanche. Il fait un temps affreux : pluie ininterrompue qui fait sur la neige un mélange glissant. Le caporal Leclerc chante la grand-messe à l’église. Toute la journée, le mauvais temps nous bloque à la popote, où on bâille à s’en décrocher la mâchoire.

14 janvier 1918

Je me lève de bonne heure par un temps sec et radieux. À 9 h 00, je pars en vélo, et malgré les difficultés que j’éprouve jusqu’à Vaudoncourt pour traverser les amoncellements de neige gelée, et descendre les côtes lisses et glissantes, je suis à 11 h 00 à Pont-de-Roide. Après déjeuner, je vais voir à l’hôpital ce pauvre Calippe, qui a eu ces jours-ci d’abondantes hémoptysies et dont le pied ne s’améliore pas ; je lui tiens compagnie pendant une heure, puis je vais passer un moment à la pharmacie, et comme j’en sors avec Collard, nous nous trouvons nez à nez avec A… et M… ; pendant une heure on se promène le long du Doubs ; ensemble, on retourne à l’hôpital et après des adieux émus à Calippe, que je ne reverrai sans doute jamais, je prends le chemin du retour ; à Seloncourt, où je m’arrête un moment chez le médecin-chef, je me laisse surprendre par la nuit et je rentre avec un gros retard à cause de l’état de la route.

15 janvier 1918

Malgré un vent furieux, je descends jusqu’à Delle faire des emplettes en vue du départ qu’on annonce pour vendredi.

16 janvier 1918

Du vent et de la pluie. J’en profite pour mettre à jour ma correspondance.

17 janvier 1918

Veille de départ. Je retourne à Delle compléter mes achats.

18 janvier 1918

Carte_journee_du_18_janvier_1918

 Lever à 3 h 30. Départ dans la nuit à 4 h 30 par Dasle, Audincourt, jusqu’à Voujeaucourt, soit 19 km. On déjeune avant d’embarquer à l’Hôtel de la Gare et vers midi le train démarre, emportant avec lui le bataillon et la Cie 21/2 du Génie. Heureusement, le voyage ne sera pas long, car on est très serré… Le Doubs que nous franchissons a largement débordé et complètement submergé une route qui le borde… Dans le compartiment, on chante à tue-tête. Nous traversons successivement Belfort, Lure, Luxeuil, Épinal, le dépôt du régiment, où personne n’est venu le voir passer et Bruyères.

19 janvier 1918

À 1 h 30 du matin, on nous débarque à la Chapelle, et le bataillon prend la route de Corcieux.

Carte_journee_du_19_janvier_1918

Legende_carte_journee_du_19_janvier_1918

 L’étape est pénible, car nous avons à peine dormi la nuit précédente, pas du tout celle-ci, et les jambes sont raides après ce trajet en chemin de fer, succédant à une étape de 20 km. À Corcieux, nous laissons le commandant, la 1ère Cie et M. Richard. Je continue avec les 2e et 3e et le service médical. Le jour se lève et nous grimpons une côte interminable ; chaque lacet de la route nous montre un nouveau lacet plus haut ; les hommes sont vannés, et la file des traînards s’allonge, s’allonge. Enfin, voilà le sommet et le village des Arrentès, où je dois cantonner avec la 3e Cie. Après avoir installé l’infirmerie à la mairie, je me couche à 20 h 00 dans une très modeste chambre au-dessus d’une auberge et je dors profondément dans un mauvais lit jusqu’à 23 h 00. Je fais popote avec le capitaine Liétout et Viard et les repas dans la chambre du capitaine sont plutôt silencieux.

Sources :

Toutes les informations présentées dans cette petite notice m’ont été données par N. Bauer, la petite-fille de Raymond Bonnefous.

Pour en savoir plus sur Raymond Bonnefous il suffit de cliquer sur l’image suivante :

Raymond_Bonnefous__Arcy_Sainte_Restitue_

L’histoire de Raymond Bonnefous durant la Grande Guerre peut se lire dans le roman de N. Bauer « Des garçons d’avenir » publié en 2011 aux Éditions Philippe Rey.

Des_gar_ons_d_avenir__couverture__

Un grand merci à N. Bauer à M. Bordes et à A. Carobbi.

13 mars 2015

Dans le département du Doubs, du côté de la frontière suisse...

Herimoncourt

Après avoir effectué plusieurs jours de marche, le 149e R.I. prend ses nouveaux quartiers à proximité de la frontière suisse, à la mi-décembre 1917.

Le 15 au soir, deux compagnies du 1er bataillon cantonnent à Vaudoncourt, la compagnie restante du bataillon s’est installée à Montbouton. Les hommes du 2e bataillon posent le sac à dos à Dasle. Quant au 3e bataillon, il s’établit à Hérimoncourt avec l’E.M. et la C.H.R. du régiment. Tous les hommes sont confortablement logés.

Carte_1_frontiere_suisse

Durant toute cette période, le régiment va effectuer de nombreux travaux pour le compte du 40e C.A.. Il doit participer à l’organisation défensive du territoire tout en contribuant à l’amélioration des voies de communication et  à l’aménagement des cantonnements.

Pas de repos dominical pour les hommes qui doivent travailler les dimanches 23 et 30 décembre. En revanche, la troupe peut se détendre le 25 décembre et le 1er janvier.

La formation théorique n’est pas oubliée. Celle-ci  occasionne quelques changements dans l’organisation de la vie quotidienne. Le lendemain de Noël, les éléments du régiment qui partent à l’instruction sont relevés par des unités qui sont affectées aux travaux. Le stationnement du 149e R.I. est légèrement modifié. L’E.M., la C.H.R. et le 3e bataillon du régiment viennent s’installer à Seloncourt.

Carte_2_frontiere_suisse

Les chutes de neige sont abondantes. Depuis le 28 décembre, les unités chargées des travaux sont employées,en partie ou en totalité, au déblaiement des routes dans la zone de leurs cantonnements. Les travaux « ordinaires » qui sont assignés initialement aux différents groupes sont suspendus, au moins jusqu’au 30, en attendant le retour d’une météo plus clémente.

1er janvier 1918 

Une équipe du peloton des canons de 37 mm du 149e R.I. se met en route, pour suivre le cours spécial d’obusier stokes qui doit se dérouler dans la ville de Belfort.

2 janvier 1918 

Le déblaiement de la neige est dorénavant effectué dans la zone concernée par des détachements, qui sont prélevés sur les unités stationnées dans les régions les plus voisines. Le lieutenant Lobjoy du 149e R.I. cantonné à Montbouton est chargé de la surveillance de ce travail.

Le commandant du D.T. /43  vient faire une conférence sur l’emploi de la T.P.S. et de la T.S.F., aux hommes qui ne manient pas la pelle et la pioche.

4 janvier 1918 

Le 1er bataillon du 149e R.I., installé à Vaudoncourt, envoie chaque matin un nombre important de soldats, pour aller travailler à Saint-Dizier.

5 janvier 1918 

Les mouvements nécessités par la relève des bataillons à l’instruction par les bataillons aux travaux s’exécutent dans la journée. Le 2e bataillon quitte Dasle pour venir à Seloncourt. Il permute avec le 3e bataillon. La 10e compagnie prend la direction de à Vaudoncourt.

Carte_3_frontiere_suisse

Legende_carte_3_frontiere_suisse

Albert Marquand évoque ce quotidien dans un courrier adressé à sa famille :

« … Pour moi, rien de neuf, sinon que nous changeons encore une fois de cantonnement. Oh, le nouveau n’est qu’à 4 km de Dasle. Seulement, nous voilà retournés dans les villages, et ce ne sera plus la propreté et les coquets intérieurs des ouvriers de la vallée…

… là-bas, nous recommencerons les travaux à 7 km de distance, ce qui fait 14 km par jours ! Il continue de faire un froid sibérien. La nuit, le thermomètre descend à -20° ! Les traîneaux attelés font fureur… »

Frontiere_suisse_pr_s_d_Herimoncourt

7 janvier 1918 

Les compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. qui sont cantonnées à Vaudoncourt, et qui travaillent depuis plusieurs jours à Saint-Dizier viennent s’installer dans cette commune. Elles sont accompagnées par 120 travailleurs d’artillerie qui occupaient le village de Dasles. Le bataillon prend également à sa charge l’organisation du P.A. de Villars-le-Sec.

Carte_4_frontiere_suisse

Albert Marquand raconte dans deux autres lettres…

9 janvier 1918

«… Nous avons encore changé de cantonnement à deux kilomètres du précédent. La compagnie seule s’y trouve. Ce qui fait que nous jouissons d’une tranquillité relative du point de vue du service. Seulement, voilà le hic, pour aller travailler à la frontière,  nous devons toujours faire 7 kmaller et autant retour. Avec les glaciers qui coupent les routes actuellement, cela n’a rien d’intéressant !... »

10 janvier 1918 

« … La température change. Maintenant, il y a 50 cm de neige et les travaux sont suspendus jusqu’à nouvel ordre… »

Un exercice de liaison a lieu dans la région englobant les communes de Beaucourt, de Montbouton, de Dasle, de Vaudoncourt, et de Seloncourt. Cet entraînement se fait sous la direction du colonel commandant le 149e R.I..

11 janvier 1918 

La compagnie de mitrailleuses du 1er bataillon du 149e R.I. est désignée pour aller suivre le cours de tir indirect du fort la Rudolphe, près de Belfort.

13 janvier 1918 

Les unités de la 43e D.I. sont informées qu’elles seront bientôt enlevées par voie de chemin de fer pour être acheminées dans une nouvelle région.

14 janvier 1918 

La 1ère compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. fait mouvement pour aller cantonner à Morvillars le 14, au fort du Rudolphe le 15, pour ensuite suivre le cours de tir indirect.

15 janvier 1918 

Les unités de travail de la 43e D.I. cessent tous les chantiers engagés dans la soirée.

16 janvier 1918 

La 43e D.I. s’apprête à quitter le secteur occupé depuis la mi-décembre. Toute la journée est consacrée aux préparatifs de départ. Il faut rassembler le matériel, verser les outils au génie et mettre de l’ordre dans les cantonnements.

Malgré tous ces dispositifs, certains ordres sont maintenus. Le sergent Boisset, un caporal et 8 hommes du peloton de bombardiers du 149e R.I. devront se mettre en route le lendemain pour rejoindre la caserne Bougerel de Belfort. Ils ont tous été désignés pour suivre les cours sur l’utilisation des lance-flammes.

Les bataillons du 149e R.I. s’apprêtent à boucler les sacs à dos. Ils doivent se tenir prêts à rejoindre les quais de gare où les attendent les trains qui vont les acheminer vers une région qu’ils connaissent bien. Direction les Vosges…

Sources bibliographiques :

J.M.O. de la 43e D.I. : S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/7.

J.M.O. du 1er B.C.P. : S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/4

J.M.O. du 31e B.C.P. : S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/28.

J.M.O. du 158e R.I. : S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/14.

« Et le temps à nous, est compté. » Lettres de guerre (1914-1919) d’Albert Marquand. Présenté par Francis Barbe, avec une postface du général André Bach. Éditions « C’est-à-dire ».2011.

« Souvenirs de Louis Cretin soldat musicien au 149e Régiment d’infanterie. »

Pour en savoir plus sur le sergent Albert Marquand il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Et_le_temps___nous_est_compt__

Pour en savoir plus sur le brancardier Louis Cretin, il suffit de cliquer sur l’image suivante :   

Carte_postale_Louis_Cretin_1

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à D. Browarski, à T. Cornet et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

6 mars 2015

De la Malmaison à la frontière suisse (novembre-décembre 1917).

Photographie_de_groupe_avec_Albert_Marquand

Fin octobre 1917, le 149e R.I. et les autres unités de la 43e D.I. mènent une attaque dans le secteur de La Malmaison. À la suite de ces combats, les 2 régiments d’infanterie et les 2 bataillons de chasseurs qui composent cette division, se retirent vers l’arrière pour gagner des zones de repos situées à l’ouest de Montmirail.

L’absence du J.M.O. du 149e R.I. ne permet pas de localiser précisément les communes qui l’accueillent au cours de cette période.

Carte_region_de_Montmirail

Legende_carte_du_31_octobre_au_5_decembre_1917

Les hommes du 149e R.I. sont installés dans des hameaux situés près de Viels-Maisons. Dans ce secteur, il n’y a pas de villes importantes. Les distractions se font rares pour les officiers et pour la troupe. Pour couronner le tout, le temps est à l’humide, le froid est au rendez-vous et le ciel est constamment gris. Des compagnies entières sont installées dans de vastes fermes. Le chauffage est défectueux. Les journées s’enchaînent… Mis à part les exercices et les corvées, aucun évènement marquant ne vient « éclaircir » la vie des hommes durant cette période. À la nuit tombante, les hommes avalent en hâte leur dîner avant de se réfugier dans la paille des granges pour de longues heures de nuit.

Le 1er décembre 1917, le colonel Boigues, qui commande le 149e R.I., est avisé du départ imminent de son régiment. Celui-ci va bientôt être transporté par voie ferrée dans la région de Vesoul.

Tous les transports des éléments de la 43e D.I  s’effectuent entre le 6 et le 8 décembre 1917. Une partie des unités du 149e R.I. monte dans les trains qui lui ont été réservés, dans la station d’Artonges. Le 2e bataillon du commandant Schalk débarque sur les quais de la gare de Vesoul. L’état-major du régiment, le 1er bataillon du commandant de Chomereau de Saint-André et le 3e bataillon du commandant Fournier, descendent des wagons à Genevreuille.

Gare_de_debarquement_entre_les_6_et_8_decembre_1917

Le brancardier Louis Cretin évoque cet évènement dans son témoignage :

« … En récompense de notre brillante attaque au  chemin des Dames, les hommes partent en permission de 12 jours en deux périodes… Je quitte chez moi le 7 novembre et viens retrouver les camarades à leur cantonnement de la Celle, près de Montmirail, où nous restons jusqu’au 5 décembre, date à laquelle nous embarquons à Artonge dans la nuit. Nous passons à Château-Thierry, Langres et nous débarquons le 6 au soir à Genevreuille, près de Lure, dans la Haute-Saône. Nous cantonnons à Mollans… »

Gare_de_Genevreuille_

Comme le fait remarquer l’auteur dans son récit à propos des permissions, le quota de ces dernières a été augmenté après leur suspension probable au cours des opérations et pour aider la troupe à se remettre.

Le 149e R.I. s’établit dans les villages avoisinants la commune de Mollans. De nouveau, les hommes sont installés dans des cantonnements de qualité médiocre, mais ils ne vont pas rester bien longtemps dans cette région. Le 9 décembre, le général Camille Michel qui commande la division reçoit un préavis lui annonçant un mouvement par voie de terre, qui devra s’effectuer dans les jours suivants.

Le 10 décembre, de nombreux ordres sont envoyés aux diverses unités de la 43e D.I..Ceux-ci permettent d’affiner l’organisation et la mise en place des futurs mouvements qui vont commencer dès le lendemain.

La 43e D.I. est mise à la disposition du 40e C.A., un corps d’armée qui n’a pas de composition organique, positionné près de la frontière suisse. Les hommes du général Michel vont devoir participer à l’organisation défensive de ce secteur. Les unités doivent se préparer pour plusieurs jours de marche. Heureusement, malgré le froid, le beau temps est au rendez-vous. Les routes qui sont gelées vont tout de même donner bien de la peine aux différents équipages.

Le mouvement du 149e R.I. commence le matin du 11 décembre 1917. Dans la soirée, le régiment va s’installer à Cubry, à Cubrial et à la ferme Grande Fontaine. L’état-major du colonel Boigues prend ses quartiers à Abbenans.

Carte_du_11_decembre_1917

Après une nouvelle journée de marche, les bataillons du 149e R.I. prennent positions le soir du 12 décembre dans les villages suivants :

Le 1er bataillon à l’Isle-sur- le-Doubs.

Le 2e bataillon à Appenans.

Le 3e bataillon à Médière.

Carte_journee_du_12_decembre_1917

Le 149e R.I. poursuit sa route, le soir du 13 décembre, les hommes passent la nuit dans les communes suivantes :

Les 1er et 3e bataillons à Mathay.

Le 2e bataillon à Maudeure.

Le lendemain, le régiment arrive à destination. Tous les éléments de la 43e D.I. sont mis à la disposition du 40e C.A. qui est commandé par le général Paulinier.

Carte_journees_des_13_et_14_decembre_1917

Legende_carte_journee_des_13_et_14_decembre__1917

Le 14 décembre au soir, le  149e R.I. cantonne comme suit :

L’E.M. et le 3e bataillon à Hérimoncourt.

Le 1er bataillon à Vaudoncourt.

Le 2e bataillon à Dasle.

Les hommes sont cordialement accueillis et trouvent partout des installations confortables.

Dans un courrier envoyé à sa famille datant du 20 décembre 1917, le sergent Albert Marquand évoque la vie quotidienne à Hérimoncourt. Voici ce qu’il nous dit :

« Ici rien de bien sensationnel. Les habitants se montrent d’une gentillesse à nulle autre pareille, et partout les militaires du régiment sont traités comme des membres de la famille… Nous allons travailler tous les jours à proximité de la frontière. Départ : matin 7 h 30, travail jusqu’à 11 h 00, soupe. Reprise jusqu’à 15 h 00 et rentrée. Ce n’est guère pénible pour nous, mais on se gèle terriblement. Aussi, on a sorti toute la grande collection d’hiver. Je ne puis m’approfondir sur le travail, vous devez comprendre pourquoi. Je suis allé voir la Suisse à distance respectable… »

Les travaux dans ce secteur sont bien réglés, ils intéressent les cadres et la troupe sans les surmener. Le pays est pittoresque avec ses vallées profondes et ses vastes plateaux couverts de forêts givrées par le froid.

Sources bibliographiques :

J.M.O. de la 43e D.I. :

J.M.O. du 1er B.C.P. :

J.M.O. du 31e B.C.P. :

J.M.O. du 158e R.I. :

 « Et le temps à nous, est compté. » Lettres de guerre (1914-1919) d’Albert Marquand. Présenté par Francis Barbe, avec une postface du général André Bach. Éditions C’est-à-dire.2011.

La photo de groupe a été envoyée par Francis Barbe, elle provient de la collection de Renée Mioque.

Albert Marquand se trouve au 2e rang (4e à partir de la droite). Jean Baptiste Goudon se trouve au 1er rang (1er à partir de la droite).

« Souvenirs de Louis Cretin soldat musicien au 149e Régiment d’infanterie. »

Pour en savoir plus sur les sergents Albert Marquand et Jean Baptiste Goudon, il suffit de cliquer une fois sur les deux images suivantes :

Albert_Marquand

Jean_Baptiste_Goudon

Pour en savoir plus sur le brancardier Louis Cretin, il suffit de cliquer sur l’image suivante :

Louis_Cretin

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à R. Mioque, à F. Barbe, à D. Browarski, à T. Cornet et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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