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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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17 janvier 2010

Avant-guerre... Le Maître d'armes et les prévôts d'escrime.

                Escrime_149e

Ce sport d’élite, pratiqué par tous, n’est plus obligatoire pour l’homme de troupe, depuis la tombée de la circulaire  ministérielle du 15 février 1894. A partir de cette date, l’escrime devient facultative pour le fantassin et perd de son  prestige dans les casernes. Mais il reste l’escrime à la baïonnette. Cette dernière permet au soldat  de se familiariser avec cet objet redoutable. Elle lui donne plus de force physique, plus de confiance et de sang-froid devant la menace terrifiante d’une charge de cavalerie. Il est vrai que la puissance sans cesse croissante des armes à feu et de l’artillerie modifie considérablement la forme du combat et que l’abordage et le corps-à-corps deviennent de plus en plus improbables. L’escrime à la baïonnette n’en conserve pas moins une grande importance. Dans les surprises, dans les combats de nuit, elle reste l’arme par excellence. A ces divers titres elle doit être préconisée et dans son emploi et dans les exercices qui permettent d’en tirer le meilleur parti possible.

Le personnel enseignant l’escrime dans l’armée.

Comment s’opère le recrutement ? Dans la plupart des régiments, le maître d’armes n’intervient que pour la forme dans le choix des moniteurs d’escrime. Il demande par voie hiérarchique les hommes qu’il a distingués et qui lui paraissent remplir les conditions physiques ; Mais il est rare qu’il obtienne satisfaction. L’un a été désigné pour un emploi de tailleur, de cordonnier…, l’autre a été réservé comme sapeur, ordonnance, garçon de cantine, etc., etc., de sorte que le maître d’arme ne peut choisir que parmi les hommes laissés par les compagnies. Admis à l’école normale de Joinville, sur concours, ils devront y apprendre en deux années leur métier d’exécutant et de professeur.

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Extraits du règlement d’escrime (fleuret-épée-sabre) approuvé par le ministre de la guerre du 6 mars 1908.

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Escrime_essai_2Ce règlement diffère sensiblement dans l’esprit et dans la lettre, du manuel d’escrime de 1877. Ces différences résultent de l’évolution même, qui s’est produite dans l’art des armes comme dans toutes les manifestations de l’activité humaine…

Alors que le manuel de 1877, n’indiquait que des procédés d’exécution, le règlement nouveau s’attache à formuler des principes de combat, à indiquer la raison d’être tactique de chacun des coups, à réduire, par contre, au strict nécessaire la démonstration mécanique. Un texte, quelque complet qu’il soit, ne pouvant, à cet égard, remplacer l’enseignement pratique du professeur.

Il est divisé en trois parties : La première consacrée à l’escrime au fleuret, la deuxième à l’escrime à l’épée et la troisième à l’escrime au sabre.


Prescriptions relatives à la pratique de l’escrime dans l’armée.

L’enseignement de l’escrime de pointe est donné aux officiers de toutes armes. Il est obligatoire pour les lieutenants et sous-lieutenants.

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EscrimeDans les troupes à pied, il est également obligatoire pour les sous-officiers rengagés et pour les sous-officiers candidats aux Ecoles militaires (Les élèves admis aux grandes écoles, qui accomplissent une année de service dans les corps de troupe, aux conditions ordinaires des art. 23 et 26 de la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l’armée,  sont autorisés à recevoir l’enseignement de l’escrime). Il est facultatif pour les autres sous-officiers. Dans chaque régiment, le lieutenant-colonel est chargé spécialement, sous la direction du chef de corps de la surveillance de l’enseignement de l’escrime. Dans les bataillons, escadrons et autres unités formant corps, cette surveillance est exercée par un officier désigné par le commandant de l’unité. Les commandants d’armes et les chefs de corps encourageront, par tous les moyens en leur pouvoir, la pratique des armes. Des assauts, ainsi que des poules à l’épée, seront donnés, tous les ans, dans chaque garnison. Les officiers de l’armée d’active, de la réserve et de la territoriale seront conviés à assister et à participer à ces réunions.

livre_escrimeDes récompenses pourront être décernées aux lauréats de ces concours. Un insigne spécial (brodé en or ou en argent sur la manche gauche) sera attribué chaque année aux sous-officiers, à raison de 2 insignes par régiment d’infanterie et de 1 par régiment de cavalerie, artillerie et bataillon ou escadron formant corps.

Les aptitudes aux différentes escrimes seront constatées par mention spéciale au dossier du personnel des officiers et au carnet de notes des sous-officiers rengagés.

Références bibliographiques :

« Fleurets rompus… » du  capitaine E. Coste. Editions Librairie R. Chapelot et cie.

« Règlement d’escrime (fleuret-épée-sabre), approuvé par le ministre de la guerre le 6 mars 1908. Editions Paris Imprimerie Nationale. 1912.

Pour en savoir plus…

« L’escrime et ses obligations nouvelles » du général Lewal. Editions P. Dentu. 1891

« Manuel d’escrime à la baïonnette » du capitaine Gaston. Editions Berger-Levrault. 80 pages. 1910.

« Escrime de combat à la baïonnette » du  capitaine Laur. Editions Paris Lavauzelle. 44 pages. 1912.« Petit traité d’escrime à la baïonnette » d’Adolphe Corthey. 1892.

A voir également sur le blog de Bernard Labarbe « 57e Régiment d’Infanterie en 1914 »,  quelques belles photos sur le sujet. (Elles se trouvent dans « la galerie photos du 57»).

23 décembre 2009

Témoignage de Louis Cretin : Alsace (1917).

                  Alsace_Sergent_Biehler

Nouvel extrait des souvenirs de Louis Cretin soldat musicien au 149e R.I.

En Alsace 1917…

Le 14 janvier 1917, je quitte l’H.O.E. de Bussang et je viens retrouver le régiment et les copains qui sont cantonnés à Arpenans, situé à une douzaine de kilomètres de Lure (Haute-Saône). La fin du mois se passe à cet endroit. Il fait très froid.  Le pain est gelé, le pinard aussi. Les pistons d’instruments également. Il faut constamment souffler dedans pour pouvoir jouer, surtout les matins au réveil en musique. Le 1er février  à 6 h 00, nous partons à pied pour aller cantonner à Ronchamp. Le lendemain matin, nous remettons le sac au dos et de nouveau en route. Il fait un froid de Sibérie,  - 21 degrés, les glaçons pendent à la moustache et la marche est pénible en raison de la route gelée. Les chevaux glissent, les voitures restent en panne, les bidons sont des morceaux de glace intérieurement. Vers midi, nous atteignons un faubourg de Belfort, c’est la grande Halte mais sans manger,  la roulante n’est pas arrivée. Ensuite nous défilons dans la ville. Le soir nous atteignons Chèvremont complètement éreintés (bon accueil des habitants).

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Alsace_1917__1_

 

 

 

 


 

 

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Le 3 février, nouvelle marche. Nous traversons Suarce, et à 16 h 00, nous passons la frontière où nous faisons défiler le régiment à une cadence ralentie en raison du verglas. Le soir nous cantonnons à Friésen, un village de la Haute-Alsace occupé par nos troupes depuis le début de la guerre. Pendant ces trois jours de marche, nous avons fait environ 100 km. Du 4 au 24 février, les compagnies vont faire des travaux de seconde ligne à Largitzen et dans les environs de Seppois. Nous, nous faisons nos répétitions journalières. Le 25 février, un nouveau chef de musique arrive pour remplacer Monsieur Porte l’ancien évacué dans la Somme. Jusqu’au 18 mars, rien de particulier à signaler. Le 19 mars, nous partons à pied de Friésen. Nous passons l’ancienne frontière et le soir nous cantonnons à Jonchery. Le 21 mars, nouveau déplacement, mais de nuit. Nous traversons Delle, puis longeons la frontière Suisse. Garden_PartyLe matin du 22 mars, nous sommes en vue de Montbéliard et couchons à Sainte-Marie, 10 km plus loin. Cette étape fut longue de 40 km, en arrivant, nous étions fatigués, néanmoins nous faisons concert. Le lendemain, nous remettons cela, l’entrainement devient sérieux, nous sommes las de marcher, de plus la route est défoncée, il neige. Après une vingtaine de kilomètres, nous atteignons Villersexel où nous y demeurons jusqu’au 7 avril. Pendant que les compagnies sont à l’entrainement et « bouffent » de l’exercice sans arrêt, nous ne chômons pas non plus. Répétitions, concerts, défilés, théâtres. Les jours passent sans avoir le temps long. Le 7 avril, départ pour aller à Arcey. Le 8, départ d’Arcey pour Exincourt. Le 9, jour de Pâques, nous allons faire concert à Montbéliard (la foule nous fait un magnifique succès). Le 10 nous quittons Exincourt et nous arrivons à Granvillars, où nous restons le 11. Des bruits de départ circulent. Le 12, dans la nuit, des ordres d’embarquement arrivent. Nous prenons le train à Montbéliard. Nous passons à Belfort, Lure, Aillevillers, Epinal (où nous descendons pour exécuter deux pas redoublés sur le quai de la gare. C’était notre ville de garnison). Nous continuons le trajet par Darnieulles, Mirecourt, Neufchâteau, Gondrecourt, Bar-le-Duc, Vitry-le-François, Sézanne, Esternay. Montmirail pour débarquer à Artonges. Nous allons cantonner à Viffort, nous y restons le 15. Le 16, départ pour Chezy-sur-Marne. Le 17, repos.

Th_atre_du_149e_RLe  18 départ pour Viels-Maisons où nous y restons jusqu’au 23. Le 24 nous le quittons, nous traversons Nogent-l’Artaud et Charly (quatre kilomètres au pas cadencé en jouant sans arrêt et le soir nous sommes à Bourèches. Repos jusqu’au 27. Le 28, cantonnement à  Belleau, je vais demander au chef ma permission de détente à laquelle j’ai droit. Il me l’accorde non sans peine. Je veux arriver chez nous avant le départ de mon frère (classe 1918) qui doit quitter le 1er mai pour se rendre à son dépôt.

 J’arrive avant son départ, lui fait quelques recommandations, et les larmes aux yeux, je quitte à mon tour ma mère et ma sœur laissées seules. Le 12 mai pour aller retrouver le régiment demeuré à Belleau. Nous y restons jusqu’au 18 où nous allons à Oulchy-Breny. Le 19 à Murrey. Les 20 et 21, repos. Dans le lointain, le canon gronde sans arrêt. Le 22 on vient cantonner à  Ciry-Salsogne. Les bataillons montent successivement organiser le terrain conquis par notre offensive du mois d’avril.

Références bibliographiques :

 Souvenirs de Louis Cretin au 149e R.I..

 

Historique du 149e R.I. Editions imprimerie Klein 1919.

 

 Un grand merci à J. Baptiste, D. Browarsky, à A. Chaupin, à T. de Chomereau et T. Cornet.

 

10 décembre 2009

Hémorragie garance...

Paul Monne

Cinquante ans après les évènements le sergent Paul Monne témoigne…

 

Un très grand merci au Docteur Gilbert Monne qui m’autorise à reproduire ici les écrits de son père le sergent Paul Monne. Écrits qui parurent également dans le journal « Le Combattant Républicain Vosgien », à l’occasion du cinquantenaire des combats du mois d'août 1914.

 

Les premiers combats dans les Hautes-Vosges 
 

Wisembach, col de Sainte-Marie-aux-Mines, Renclos des Vaches.

 

                   Col_de_Sainte_Marie__Renclos_des_Vaches

  

Le samedi 8 août, dans l’après-midi, la 1ère compagnie du 31ebataillon de chasseurs à pied attaquait les Allemands au Renclos des Vaches, au-dessus de Sainte-Marie-aux-Mines, à gauche du col du même nom.

 

Les soldats allemands étaient installés dans des tranchées construites et aménagées au flanc de la montagne dans les chaumes du côté alsacien. Ils avaient profité de la période de transition  pendant laquelle les soldats français devaient rester dès la mobilisation générale, éloignés de 10 km de la frontière.

 

La mobilisation n’étant pas la guerre. En toute quiétude, les soldats allemands ont donc pu creuser et aménager les tranchées comme ils le désiraient. Bien installés, bien abrités, ils attendaient les assaillants. Leur champ de tir était excellent et les chasseurs à pied offraient une bonne cible. Aussi, dès que nos « vitriers » sortirent de la forêt pour s’élancer à l’attaque dans les chaumes, ils furent  accueillis par une violente fusillade qui en coucha un grand nombre.

 

Aucun chasseur ne put arriver à proximité de la tranchée.

 

Bilan : 80 à 90 tués dont le capitaine Méry et de très nombreux blessés.Le lendemain, le 149e R.I. relève le 31e bataillon de chasseurs.

 

Dimanche 9 août 1914, le 149e R.I. était cantonné le 8 août à la croix-aux-Mines et dans les environs.

 

Le rassemblement se fit le 9 dès la  pointe du jour. À l’heure fixée, les soldats se mirent en route dans la direction de Ban-de-Laveline. La journée s’annonçait belle dans un ciel sans nuage et le soleil était déjà bien chaud, quand ils arrivèrent à Wisembach.  

 

                   Carte_4e_compagnie

 

                                        Legende_carte_4e_compagnie_

 

Plusieurs compagnies suivirent la route nationale qui conduit au col de Sainte-Marie-aux-Mines.

 

La 4ecompagnie obliqua à gauche, traversa le village et suivit un chemin longeant le fond de la vallée, en direction de la forêt. Sur ce chemin, un chasseur à pied, blessé, se dirigeait vers Wisembach, accompagné d’un jeune garçon qui portait son fusil. Il n’adressa pas un seul mot aux soldats qu’il croisait et paraissait extrêmement fatigué et déprimé. Les soldats comprirent le soir même le pourquoi de cette attitude. Il semblait si triste et abattu.

 

La troupe était bien entendu, en tenue de campagne ; les fantassins portaient un pantalon de gros drap rouge, une grande capote de drap bleu, 120 cartouches, un sac bien garni avec un outil portatif, un bidon et un fusil.

 

 À environ 1 km du village, la 4ecompagnie quitta le chemin et obliqua à droite en direction de la forêt. À ce moment, l’ordre fut donné aux quatre sections de mettre baïonnette au canon et de faire l’ascension de la montagne en direction de la frontière. La montée fut longue, rude et pénible surtout sous un soleil ardent. Les soldats étaient exténués et s’ils avaient dû charger à la baïonnette, aucun n’aurait pu le faire.

 

                   Wisembach_2

 

Après environ 1 h 30 à 2 heures de montée, la compagnie arriva à la frontière au but assigné et fit la sieste. La halte fut longue et par cette chaude journée, les soldats étaient heureux de se reposer, aussi presque tous se couchèrent sur le dos la tête sur le sac, qui leur servait d’oreiller. Ce lieu « le Renclos des Vaches», paraissait relativement calme. De temps en temps, cependant, des balles passaient en produisant un sifflement semblable à un petit miaulement. Dès que les soldats furent un peu remis de leur fatigue, quelques-uns se levèrent et essayèrent d’arracher les poteaux-frontière. Les sifflements devinrent plus fréquents mais n’impressionnaient nullement la troupe, car les balles passaient haut, bien au-dessus des hommes.

 

À un certain moment le commandant de Sury d’Apremont, chef du 1er bataillon, rassembla les officiers et sous-officiers de la 4ecompagnie. En utilisant au mieux le terrain, en se camouflant derrière les sapins, il les conduisit à flanc de coteau, face à celui occupé par les Allemands. Ils s’arrêtèrent et se cachèrent derrière des roches pour ne pas être vu de l’ennemi. Le commandant montra les tranchées occupées par les troupes allemandes, ainsi que les silhouettes en bois placées en avant, comme on se trouvait au champ de tir. De nouveau des balles passèrent au-dessus d’eux en produisant leur sifflement lugubre. Après quelques instants d’observation et de sages conseils de prudence de la part du chef de bataillon, les gradés rejoignirent la compagnie en prenant les mêmes précautions qu’à l’aller.

 

À ce moment, arrivait une patrouille d’une autre compagnie du 149e R.I., dont un soldat reconnut un gradé du même village ; ils parlèrent quelques instants puis rejoignirent leur poste.Le commandant rassembla à nouveau les gradés et leur dit, en indiquant la direction : « Un peu plus loin, vous allez trouverdes rochers, plus en avant, vous verrez à votre gauche, dans les chaumes, des chasseurs à pied qui ont été tués au combat. Le premier tué que vous verrez est un capitaine. Je compte sur vous pour les venger. » Et se fut tout. Le capitaine Altairac donna des ordres au lieutenant Genevoix. Celui-ci, commandant la première section, rassembla ses hommes et leur dit : « Dans dix minutes, un quart d’heure, nous les aurons, et en avant ! » Dès que les soldats allemands les aperçurent, ils déclenchèrent une violente fusillade. Cette fois on entendait plus les miaulements des balles, mais des claquements secs qu’elles produisaient en touchant et en traversant les sapins. Contrairement à ce qu’a dit le communiqué Joffre : " Devant nos charges à la  baïonnette, les Allemands ne s’enfuyaient pas à toutes jambes."

 

Quelques instants plus tard, le lieutenant était arrêté dans sa marche en avant et demanda du renfort. La 2e section partit aussitôt, puis la 3e, puis la 4e. Elles avancèrent par bonds successifs. Quand les soldats virent en passant sur leur gauche, les corps des chasseurs à pied tués, dispersés sur les chaumes, couchés la face contre terre, ils en furent très bouleversés.La fusillade devint de plus en plus vive et malgré cela, les sections avançaient toujours par petits bonds. À certain moment, au loin, une patrouille allemande se retira  et c’est alors que les Français redoublèrent d’activité par un feu bien nourri. Les allemands de leur côté, tiraient sans arrêt, aussi ce fut une terrible fusillade.

 

Comme le 31e bataillon de chasseurs à pied  la veille, la 4e compagnie du 149e R.I. s’était engagée dans la même souricière , prise sous les feux venant des trois directions, de l’avant, de la gauche et de la droite. Les soldats allemands, bien abrités dans leurs tranchées, avaient un champ de tir étendu et abattaient comme ils voulaient les pauvres pantalons rouges qui se trouvaient en rase campagne en terrain découvert sans le moindre abri.

 

La fusillade fut toujours très vive et ne ralentit pas un seul instant. Les pertes devenant de plus en plus lourdes, la compagnie dut stopper.

À ce moment un Saint-Cyrien donna l’ordre au sergent de la 4e section d’attaquer la tranchée allemande. Il devait s’élancer vers les chaumes, dans la direction indiquée.Ce sous-officier rassembla ses hommes, leur donna des ordres et leur dit : «  En avant ! suivez-moi ! » Le tir des fusils et des mitrailleuses devint plus violent. Après avoir fait un bond d’une vingtaine de mètres environ, ce gradé se coucha, se retourna pour voir arriver ses soldats. Aucun ne put le suivre. Il les vit debout, puis tomber atteints par les balles ennemies et les entendit appeler « maman, maman ». Que de cris, que d’appels désespérés lancés par les blessés ! Après cet essai de sortie, la fusillade crépitait encore avec plus d’intensité.

Ce sergent se trouva alors seul sur les chaumes, pas très loin de la tranchée allemande, n’osant bouger, craignant que l’ennemi ne tire sur lui. D’autre part,  il ne voulait pas rester à proximité de la tranchée, craignant d’être fait prisonnier. Il désirait rejoindre sa compagnie et ses camarades de combat.

Après quelques minutes de réflexions, il se déplaça en rampant. Il s’arrêta, puis de nouveau, avança  jusqu’au moment où, arrivé à proximité de la forêt, et malgré l’intensité du tir, il se mit debout, courut à toutes jambes et retrouva sa compagnie. Il n’avait pas été blessé et n’avait pas reçu la moindre égratignure. Mais que cet isolement lui parut long au milieu d’une fusillade aussi intense. Les quatre sections étaient stoppées et ne cherchaient plus à avancer car toutes avaient subi de lourdes pertes.

 

Le capitaine demanda du renfort. Les soldats qui sont venus pour dégager la compagnie se trouvèrent en pleine bataille ; ignorant, par manque de liaison que des soldats français se trouvaient en avant, ils ouvrirent le feu.

 

C’est alors que ceux de la 4e reçurent des balles de tous côtés, aussi bien de l’avant que de l’arrière et eurent des tués et des blessés par les balles françaises. Les chefs de section criaient de toutes leurs forces au capitaine qui se trouvait un peu en arrière avec ses agents de liaison : « Mais ne tirez donc pas sur nous ! » Après bien des efforts, la compagnie fut tout de même remplacée par une autre. Les rescapés purent alors se retirer en arrière sur le flanc de la montagne, à l’abri des balles, car la fusillade ne ralentissait pas. Il était peut-être 15 h 00, 16 h 00, aucune personne ne pensait au repas de midi, personne n’avait faim. Quand toutes les sections furent arrivées, le capitaine fit faire l’appel. Tous les présents constatèrent alors qu’il y avait de nombreux manquants, morts et blessés.

 

Le lieutenant Genevoix était blessé, ainsi que le saint-cyrien, plusieurs sous-officiers, les deux frères Daval, du Val-d’Ajol, tués, etc.

 

La fusillade était toujours très vive dans la direction des rochers. Aussi, après une bonne sieste, le capitaine reçut l’ordre de retourner au combat.

 

Les survivants de la compagnie furent placés en tirailleurs sur l’ancienne frontière, face à Sainte-Marie-aux-Mines.

 

Le commandant du bataillon, malgré l’intense fusillade, circulait debout auprès des soldats comme à la manœuvre. Le pauvre ne circula pas longtemps. Il reçut une balle au ventre et fut hospitalisé à Saint-Dié où il mourut, le lendemain 10 août.

 

La fusillade était toujours très vive, et la troupe était stationnaire, elle n’avançait plus et ne reculait plus. A un moment, où les soldats s’y attendaient le moins, ils entendirent les clairons allemands sonner la charge (ce sont les soldats alsaciens qui servaient dans l’armée française qui firent connaître la signification de cette sonnerie).

 

                    Photo_Marius_Dubiez_1914

 

Sans recevoir d’ordre les français tirèrent avec plus de rapidité, les mitrailleuses entrèrent en action et la fusillade avait atteint une telle intensité que les Allemands ne purent arriverjusqu’à nous et se retirèrent après avoir eux aussi subi de lourdes pertes. Ceci se passait déjà tard dans la soirée. Le capitaine fit déposer les sacs pour contre-attaquer.

 

Les clairons français sonnèrent le rassemblement puis la charge. Avec le tir des fusils et le tac-tac des mitrailleuses on entendait à peine les commandements. Les soldats des différentes compagnies étaient mélangés et beaucoup étaient complètement affolés, perdus et tiraient dans toutes les directions, aussi bien du côté ennemi que dans la direction des troupes françaises.

 

Les gradés furent obligés d’intervenir auprès des soldats, pour leur crier de tirer dans la direction de l’ennemi. Certains ne réagissaient pas et n’avaient pas l’air de comprendre.

À un moment donné, la situation fut critique ; heureusement que la nuit approchait. Le colonel Menvielle, commandant le régiment craignant sans doute une nouvelle charge de l’infanterie allemande, fit former le carré sautour du drapeau. Il fit sonner « Au drapeau » puis le rassemblement pour rappelerles égarés. Après cette formation en carré, la nuit vint et comme s’il y avait eu une entente avec les Allemands, la fusillade cessa brusquement.

Nous étions restés sur l’ancienne frontière, à l’endroit même où nous arrivions le matin. Chacun chercha son sac, mais comme il faisait nuit, personne ne put le trouver. Le combat ayant cessé, les soldats cherchèrent à redescendre vers Wisembach, mais comme il faisait nuit, il était impossible de faire un pas sans toucher un blessé qui criait de douleur ou un mort qui nous faisait tomber.

                   Wisembach_1

Beaucoup essayèrent de secourir des blessés, mais sans brancard, il fut impossible d’en transporter. Quel massacre ! Que de tués et de blessés ! Les pertes furent énormes et très supérieures à celle des chasseurs à pied ; on parlait de plusieurs centaines de tués. Pendant toute la nuit, les combattants errèrent dans la montagne, à la recherche du village de Wisembach. Ils craignaient de se tromper de direction et de descendre vers le versant alsacien pour être surpris par les Allemands.

Le lundi 10 août, les survivants se retrouvèrent à Wisembach. Ils parlèrent entre eux de ce qui s’était passé la veille et tous étaient stupéfaits d’avoir vécu une journée aussi terrible et de se retrouver vivants. « C’est cela la guerre ? S’il y a autant de pertes dans les prochains combats, la guerre ne durera pas longtemps. C’est impensable qu’il y ait eu autant de tués et de blessés ! Quelle journée et quel massacre ! »

 

Au cours de la matinée, le général Dubail est venu saluer le 149e R.I.et le féliciter pour son attitude courageuse au combat lors de son baptême du feu.

 

Comme le chasseur à pied blessé l’avant-veille, rencontré près du village, les rescapés de cette bataille étaient bien déprimés. Ils restèrent là quelques jours avant de partir vers Lubine, le col d’Urbès, le Climont, vers de nouveaux combats.

 

Bataille de Saint-Blaise.

 

                    Groupe_149e_R

 

Le 14 août 1914, le 149eR.I. venant de Provenchères-sur-Fave se dirigea sur Saales. Au cours de la traversée de cette ville, il fut très applaudi par la population qui avait abondamment pavoisé de drapeaux tricolores (Saales était avant 1870 un chef-lieu de canton du département des Vosges. Il a été annexé à l’Allemagne au traité de Francfort). La troupe suivit la route nationale en direction de Schirmeck.

 

Après avoir parcouru plusieurs kilomètres, le 2e bataillon changea de direction et obliqua à droite. La 4e compagnie qui marchait en tête du 1erbataillon, suivit la route nationale.

À un certain moment, le général Pillot qui se tenait debout sur le côté de la route, donna l’ordre aux soldats de s’arrêter. Il les fit descendre dans le fossé en leur demandant de s’appuyer contre le talus qui était d’ailleurs très haut à cet endroit. Tous se posèrent la question. Pourquoi cet arrêt ? Cette halte ? Après une demi-heure, trois quarts d’heure d’attente, des obus de gros calibre passèrent au-dessus d’eux en produisant un sifflement grave et saccadé pour allertomber beaucoup plus loin, à plusieurs kilomètres vers Plaine.

Parallèlement au 149e R.I., le 109eR.I. descendait la vallée de la Bruche, mais sur la rive gauche. La journée était ensoleillée, aussi l’artillerie allemande placée sur les hauteurs des environs de Saint-Blaise en direction de Saales à Diespach exactement, l’aperçut et ouvrit aussitôt le feu.

 

Les obus de 77 éclatèrent juste au-dessus des soldats du 109eR.I., mais à une grande hauteur, ce qui rendait les fusants moins meurtriers. C’est la première fois que nous entendions le canon, et apercevions dans le ciel des petits nuages blancs, ronds, produit par l’éclatement des obus. Néanmoins, beaucoup de soldats tombèrent et les pantalons rouges s’apercevaient de loin.

 

Les soldats de la 4e compagnie observaient ce qui se passait sans pouvoir porter le moindre secours.

 

L’artillerie française à son tour riposta et ouvrit le feu. Les soldats du 109eR.I. couchés que l’on croyait ou blessés ou tués, commencèrent à se relever l’un après l’autre, si bien qu’au bout de quelques instants on n’en apercevait plus sur le sol, ce qui laissa supposer que les pertes furent minimes. L’artillerie allemande ayant repéré une batterie de 75 vers Plaine, la bombarda et la mit hors de combat ce qui nous causa une grande émotion.

 

Plus tard, les autres batteries françaises placées dans les environs ouvrirent de nouveau le feu avec tir rapide qui dura peut-être une demi-heure. Nous avons appris le lendemain qu’elles avaient repéré les batteries allemandes et les avaient mis hors de combat. Le général Pillot, ayant jugé d’après les renseignements recueillis par l’état major que nous pouvions poursuivre notre marche en avant sans risque d’être bombardé, fit avancer la compagnie.

 

Le capitaine Altairac en tête suivit la route nationale, puis pénétra dans une forêt à droite de la route et fit faire la sieste aux hommes. Un capitaine d’artillerie arriva et lia conversation avec le capitaine Altairac. L’exécution de l’ordre se fit exactement comme il avait été prévu. Les hommes de la patrouille avancèrent par signaux du chef de section. Ils se seraient cru en manœuvre et non à la guerre, car ils ne reçurent pas un seul coup de feu. Les officiers la suivaient à la jumelle. Au bout d’un certain temps, tous les soldats arrivèrent à quelques mètres du taillis. Ce fut le moment pathétique.

 

Qu’allait-il arriver ? Le chef de section cria « Debout ! En avant à la baïonnette ! » Tous pénétrèrent et constatèrent qu’il n’y avait pas d’Allemands. Quelle chance et quel soulagement ! Sa mission terminée, la patrouille rejoignit le capitaine et la compagnie.

 

Dans la direction de Saint-Blaise la fusillade était très vive. Après quelques moments de repos, le capitaine indiqua que nous devions nous rendre dans la direction d’un petit bois de jeunes sapins qui se trouvait sur l’autre rive de la Bruche. Après avoir reconnu l’endroit où nous devions nous rendre, la troupe traversa la route nationale, les prairies et traversèrent la Bruche à gué avec environ 60 cm d’eau, puis peu après arrivèrent au bosquet de sapins où la fusillade était très intense.

 

La 4e compagnie arriva juste après le commandant Tabouis, chef du 1er bataillon de chasseurs à pied. Il était couché, appuyé sur le côté, et abrité contre le talus, derrière les sapins avec les agents de liaison parmi lesquels se trouvait un nommé Launois de Senones, classe 1910, qui avait accompli son service militaire à la 4e compagnie du 149eR.I..

 

Le commandant Tabouis, devenu plus tard général, nous recommanda à tous de nous coucher, de nous abriter et surtout de ne pas chercher à avancer « Restez là et attendez », ajouta t-il.

 

La fusillade était toujours très vive et comme au   Renclos des Vaches et à Sainte-Marie-aux-Mines, les balles claquèrent en touchant et en pénétrant dans les sapins. Au moment donné, un agent de liaison vint trouverle commandant et lui dit : « Mon commandant, les Allemands se rendent. Ils ont placé des drapeaux blancs aux fenêtres des maisons. Dès que les chasseurs s’approchent pour les capturer une mitrailleuse placée dans le cloche rentre en action ». Le commandant le remercia et ne dit plus rien. Il communiqua certainement ces renseignements à l’état major et l’ordre fut donné à l’artillerie d’intervenir. C’est alors que les 75 tirèrent sur le clocher et la mitrailleuse fut bientôt hors de combat.

 

Cette fois la troupe put avancer et capturer 1800 à 2000 prisonniers. Ils furent gardés par les chasseurs à pied.

 

Comme il commençait à faire nuit, la 4e compagnie avait comme cantonnement une usine de textile, et les soldats couchèrent sur les balles de coton déliées.

 

Le 15 août, dès la pointe du jour les soldats sortirent de leur dortoir passager, avec des capotes parsemées de coton. Que de mal ils eurent pour l’enlever. Les soldats avançaient lentement et s’arrêtaient fréquemment, il ne fallait progresser que prudemment pour éviter des attaques surprises. Malgré l’heure matinale, le soleil était déjà bien chaud, et les soldats se déplaçaient bien lentement, quand arriva un arrêt prolongé. On donna ensuite l’ordre d’avancer, la marche devint normale et tous étaient surpris d’une telle accalmie.

 

Nous arrivons alors à Diespach et passons devant l’école transformée en infirmerie et occupée par des infirmiers de l’armée allemande.

 

Nous nous arrêtons longtemps pendant plusieurs heures. C’est alors que le sergent Baudoin de la 4e compagnie dit à un autre sous-officier : « Les chasseurs à pied viennent de trouver un drapeau allemand, si j’étais arrivé quelques minutes plus tôt, c’est moi qui l’aurais eu ».

 

Une patrouille du 1erbataillon de chasseurs s’assurait que les ennemis n’étaient pas cachés derrière les maisons ou dans les environs, lorsqu’une dame les appela et leur dit : « Ils (les soldats allemands) ont caché quelque-chose dans le foin ». Aussitôt ceux-ci montèrent sur le tas de foin, cherchèrent et trouvèrent le drapeau allemand.

 

Voilà les précisions exactes qui indiquent comment fut trouvé le drapeau bavarois (En fait ce drapeau n'était pas Bavarois).

 

Très probablement dans la ferme Niargoutte celle-ci portant une plaque commémorative concernant la prise de l’emblème en question.

 

Les soldats du 149e R.I. visitèrent ensuite le champ de bataille et se rendirent auprès d’une batterie dont les pièces avaient été abandonnées. Ils s’approchèrent ensuite des tranchées, mais les blessés allemands tirèrent sur eux. Les soldats se retirèrent alors et les abandonnèrent aux infirmiers allemands. Dans ces mêmes moments, un « taube» passa au-dessus d’eux mais à une très haute altitude. C’est alors que les soldats se demandèrent s’il allait laisser tomber des fléchettes qui pouvaient traverser le corps d’un homme de haut en bas. Tous avaient entendu parler des fléchettes mais tous ignoraient si celle-ci lancées par les avions français ou les avions allemands.

 

Les canons pris (une vingtaine) furent exposés le lendemain Saint-Blaise et ensuite emmenés dans la direction de Saales. Ces journées mémorables ont joué un grand rôle sur le moral de la troupe. Chaque année, les bataillons de chasseurs à pied fêtent la « prise » de ce drapeau.Cette année à l’occasion du cinquantenaire cet anniversaire sera fêté avec un éclat tout particulier paraît-il !

 

La bataille de la Chipotte.

 

La commémoration du cinquantenaire de la bataille de la Chipotte aura lieu officiellement le dimanche 30 août à 15 h 00. La préparation de cette cérémonie a déjà été ébauchée, étudiée. Certainement le comité d’organisation fera appel aux survivants de la Grande Guerre qui ont participé à cette bataille dans le même esprit que les résistants qui ont participé au 30eanniversaire de la Libération.

 

Il sera soucieux d’honorer la mémoire des disparus et de rendre un juste hommage aux combattants rescapés. Il est inutile de rappeler les péripéties de cette bataille, celles-ci ayant été développées avec précision par le colonel Leboubé. Je crois néanmoins  qu’il est nécessaire de rappeler dans quelles conditions et avec quelle endurance les troupes épuisées de fatigue ont dû lutter avec tant d’ardeur.

 

Le 21eCorps d’Armée qui comptait beaucoup de Vosgiens et de nombreux Parisiens, était de la partie. Après la bataille de Saint-Blaise-la-Roche le 14 août où les Allemands subirent une sanglante défaite, les soldats du 149e R.I. cantonnèrent à flanc de coteau dans les villages de la rive droite de la Bruche.

 

Après deux jours d’accalmie, le 149e R.I.quitta ce dernier cantonnement avant le lever du jour pour se rendre à proximité de Saint-Quirin en passant par Schirmeck, le col du Donon.

 

Les soldats porteurs de tout leur chargement, sac, cartouches, fusil et toujours vêtus de leur grosse capote de drap, parcoururent à pieds cette distance d’environ 65 km. Beaucoup ne purent suivre que très difficilement et arrivés en pleine nuit dans une forêt de sapins, tous se couchèrent exténués de fatigue sans manger, car le ravitaillement ne suivait pas.

 

Le lendemain matin ces soldats marchèrent vers Saint-Quirin puis vers Abreschviller. Dès que le soleil apparut, la première compagnie partit faire toilette dans la Sarre, la deuxième prit ensuite sa place, puis la troisième. Les hommes de cette compagnie étaient à peine déshabillés qu’un ordre arriva demandant de se tenir prêt à combattre car les Allemands avançaient.

 

L’artillerie se mit alors en batterie et la 4e compagnie du 149e R.I. fut placée comme soutien d’artillerie à 200 – 250 m des pièces et dans leur prolongement. Les 75 tirèrent, puis les 77 allemands ripostèrent, les fantassins se trouvèrent alors entre deux feux. Une saucisse d’observation fit son apparition à droite de Sarrebourg et le duel d’artillerie devint alors plus violent.

 

À un certain moment, la fusillade crépita avec intensité et ce bruit mêlé au départ et à l’éclatement d’obus produisit un grondement infernal. C’est alors qu’un officier, sabre au clair fit  sonner la charge à ses clairons et nous entraîna avec lui à l’assaut de la colline. Arrivés en haut, le capitaine commanda un feu de salve. Par manque de liaison nos balles allaient frapper les soldats français de l’infanterie coloniale. Aussi, après avoir tiré 3 cartouches le capitaine ordonna le « Cessez le feu ».

Au cours de cette charge et du combat qui suivit, il y eut de nombreux tués et blessés dont de nombreux spinaliens. Quelques-uns furent même prisonniers car il fallut ensuite battre en retraite en combattant à travers la forêt même la nuit et sans ravitaillement. Le sac et l’armement étaient bien lourds, aussi tous les soldats étaient extrêmement fatigués puisqu’ils n’avaient pas de repos. Ils marchaient comme des automates dans une direction imprécise un peu à l’aventure. La troupe passa à Saussenrupt, près de Cirey, Val-et-Chatillon, Raon-l’Etape, Etival et le 23 août arriva au col de la Chipotte toujours en combattant.

Après un arrêt assez long, une patrouille se dirigea sur le chemin de Thiaville, fouilla une ferme et fit prisonnier un médecin major allemand. Celui-ci fut ramené au col pour être conduit à l’état-major. Il parlait un français très correct avec les capitaines Altairac de la 4e compagnie et Crepet de la 2e compagnie.

Le 1er bataillon s’installa au col et y passa la nuit. Le matin du 24 août, dès la pointe du jour, la 4e compagnie reprit la direction de Thiaville et suivit le chemin utilisé la veille. Le capitaine installa la grande garde et envoya une dizaine de soldats commandés par un sous-officier en petit poste plus en avant avec défense de livrer combat. Dès l’arrivée de la patrouille allemande le petit poste devait se retirer sur la grande garde. Des habitants de Ménil fuyaient en direction des troupes allemandes malgré les conseils donnés par le chef du petit poste.

Un chasseur à cheval du 4e régiment vint jusqu’à nous, puis repartit au galop en direction du col sans avoir voulu s’engager plus en avant.

La patrouille allemande fut aperçue par une de nos sentinelles qui malgré l’ordre tira sur elle. Aussitôt la fusillade s’étendit partout et la bataille commença.

Le chef de poste de la 4e compagnie rassembla ses hommes pour rejoindre le capitaine et la grande garde mais ne trouva plus personne. C’est alors qu’après bien des péripéties, qu’après bien des heurts, les soldats arrivèrent à rejoindre leurs camarades de combat et purent alors à plusieurs reprises attaquer les Allemands à la baïonnette.

Il fallait les voir ces soldats s’élancer courageusement à l’attaque malgré les grandes fatigues des journées précédentes et réussir d’arrêter l’avance ennemie. Ce courage exemplaire méritait d’être rappelé et signalé aux jeunes générations et j’ajouterai que ces braves soldats n’ont pas obtenu de citation ni de décoration pour leur magnifique attitude au feu.

Le 21eC.A. remplacé par un autre corps d’armée fut dirigé vers le camp de Mailly pour participer à la bataille de la Marne. Les fantassins de la Chipotte ont dû à nouveau effectuer de longues et pénibles marches de jour et de nuit et livrer de durs combats.

C’est pourquoi comme je le proposais au début de ce récit par reconnaissance, les rescapés de cette bataille de col de la Chipotte devraient avoir une plaque d’honneur au cimetière, même ce jour là, 30 août et proposer un ruban tricolore épinglé à leur boutonnière pour les distinguer. Ils devraient être présents le 30 août comme les résistants sont présents à la fête commémorative des combats des maquis. Le conseil général ayant voté des crédits pour commémorer dignement ce cinquantième anniversaire, il faut espérer que le comité d’organisation pourra mettre gratuitement un car à la disposition des survivants qui désirent assister à la cérémonie de la Chipotte le 30 août 1964.

 P. Monne

Ancien combattant à la Chipotte.

Sergent.

Chef de section, 4e compagnie du 149e R.I..

Président de la fédération des Vosges des combattants républicains, vice-président de l’U.F.A.C..

 

Un très grand merci à  G. Monne et à P. Blateyron.

 

Référence bibliographique :

 

"La guerre 1914-1918 à l'est de Saint-Dié" de Jean Foussereau, Janine Foussereau et Jean-Paul Baradel aux éditions Jérôme Do Bentzinger Editeur. 2007.

9 décembre 2009

Sergent Paul Monne (1891-1981).

                   Paul_Monne_

Paul est né le 13 février 1891 à Gruey-les-Surange, une petite commune vosgienne. À sa naissance, son père Jules était manœuvre et sa mère Denise Bouvinet exerçait la profession de brodeuse. 

Après avoir fait ses études à l’école communale de son village natal, puis à l’E.P.S. de Charmes, il est nommé instituteur à la verrerie de Portreux jusqu’au 30 septembre 1912. 

Paul Monne est incorporé le 12 octobre 1912 dans la 2e compagnie du 149e R.I.. Il en profite pour organiser des cours d’instruction générale aux illettrés de sa compagnie. Il suit en même temps, les cours des élèves caporaux. 

En janvier 1913, ce jeune homme effectue un stage à l’école normale de gymnastique de Joinville-le-Pont pour devenir titulaire du diplôme délivré par cette école. À la fin de ce stage, au début du mois d’avril 1913, il réintègre la 2e compagnie du 149e R.I. pour donner des leçons d’éducation physique. 

Il est nommé caporal en mai 1913, puis, il passe à la 4e compagnie du 149e R.I. avec le grade de sergent en septembre 1913. 

Durant le conflit, le sergent Monne a été blessé deux fois. La première blessure est reçue le 12 septembre 1914 dans le petit village de Souain, la seconde dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette le 9 mai 1915.

Cet homme ne retournera pas au front après cette deuxième blessure. Après avoir été soigné dans un hôpital de Rennes, il se consacre aussitôt à l’enseignement dans le lycée de cette ville durant sa convalescence Par la suite, il reprend son métier d’instituteur à l’école de Badménil-aux-Bois puis à celle de Gigney. Dans ce village Paul Monne fait la connaissance d’une institutrice, Marie Marthe Gabrielle Munier qui deviendra sa future femme. Il termine sa carrière d’enseignant à l’école de la bibliothèque d’Épinal. 

Monsieur Monne décède le 24 juin 1981 à Vandoeuvre. 

Citation obtenue : 

Citation à l’ordre du régiment n° 33 : 

« Excellent sous-officier, courageux et dévoué, blessé grièvement le 9 mai 1915, au moment où, en tête de sa section, il s’élançait à l’assaut des tranchées ennemies. Déjà blessé le 14 septembre 1914. »

Extrait certifié conforme. Aux armées, le 17 mai 1917. Le lieutenant-colonel Boigues commandant le 149e R.I.. 

Médaille militaire : Le 7 mars 1940. 

Chevalier de la Légion d’honneur : Le 21 juillet 1955. 

Chevalier du Mérite combattant. 

Officier des Palmes académiques. 

La plupart des informations concernant le sergent Paul Monne ont été données par son fils Gilbert Monne. 

Un grand merci à M. Bordes et à G. Monne.

27 novembre 2009

Témoignage de Louis Cretin : la bouffarde de M’sieur Drouot.

                 La_bouffarde_de_M_sieur_Drouot_

Un immense merci à D. Browarski qui nous offre ici la possibilité de  lire un passage du témoignage de Louis Cretin soldat musicien de la C.H.R. du 149e R.I.

Un autre très grand merci à la famille de Jean Archenoul qui me propose d’illustrer ce texte avec une photo de groupe prise le 26 juin 1917 à Ciry-Salsogne venant de sa collection. Toute ma reconnaissance à ces personnes. Une chaleureuse poignée de main à Thierry Cornet sans qui ce qui suit n’aurait jamais été possible.

Verdun…

Le 25 février, nous embarquons à Auxi-le-Château sous une tempête de neige. Nous touchons deux jours de vivres de réserve et le soir à 16 h 00, nous démarrons. Nous traversons Abbeville. Dans la nuit du 26, nous sommes dans la banlieue de Paris. Nous continuons par Verneuil, Coulommiers… On aperçoit tout le long de ce trajet les cimetières des poilus tombés dans la bataille de la Marne en 1914. La Ferté-Gaucher, la Fère-Champenoise… Sommesous et Somme-Py. Le soir, nous débarquons à Saint-Eulien à 8 kilomètres de Saint-Dizier. Trois jours de suite, nous marchons. Mais dès maintenant nous devinons où nous allons. Du 1er au 5 mars, nous demeurons à Seigneulles. Le 5 mars au matin, nous embarquons en camions automobiles. Nous traversons Souilly (siège du G.Q.G.) et à 13 h 00, nous débarquons à Regret tout près de Verdun. La canonnade est terrible. Nous passons à pied par petits paquets près de la citadelle et nous allons nous reformer le long du canal aux abords d’Haudainville. Nous passons la nuit dans des péniches abandonnées, couché sur du minerai de fer. C’était dur !!! Le 6 mars dans l’après-midi nous montons en ligne. Colonel à cheval, musique en tête. Nous longeons le Faubourg Pavé vers 17 h 00, nous atteignons le cabaret de la Cible et touchons à la zone dangereuse. La route que nous suivons est marmitée continuellement. On est obligé de s’arrêter à quelques mètres du barrage d’obus qui tombent sans arrêt. Par paquets de 20 hommes, on attend que la rafale ait éclatée. Nous faisons un bond au pas de gymnastique et l’on se retrouve à plat ventre, trente mètres plus loin, au moment où une nouvelle série d’obus de gros calibre éclatent à nouveau 15 mètres environ derrière nous. C’est ainsi que la montée en ligne s’opère. Au bois des Hospices, la C.H.R. s’arrête pendant que les compagnies continuent dans la direction du fort de Souville, la chapelle Sainte-Fine, le bois de Vaux-Chapitre. Finalement elles prennent position entre l’étang, le village de Vaux et le fort du même nom. Les pertes sont déjà élevées quand les compagnies relèvent l’unité qui occupe ce secteur. La musique, avec la C.H.R. et le bataillon de réserve bivouaque dans le bois des Hospices. C’est effrayant ce qui tombe comme obus, à droite, à gauche, en avant, en arrière, partout ça dégringole sans arrêt.  A tout moment, ils en éclatent dans nos rangs. Sans aucun abri, nous passons la nuit à cet emplacement. A l’aube, on cherche à s’égarer de cette avalanche, avec un camarade, mon meilleur copain, un poilu Vosgien des régions envahies de Saulcy, près de Senones. Je creuse avec lui un trou, quand un gros noir arrive et qui nous enterre sous les débris de la cagna en construction. Je suis  commotionné par l’éclatement. Je descends retrouver nos cuisiniers au cabaret de la Cible, pendant que les autres montent par équipes au poste de secours installé dans le fort de Vaux. Je monte la « croûte » toutes les nuits, et c’est une besogne des plus périlleuses, combien d’arrêts imprévus, de culbutes et d’acrobaties nous faisons chaque fois. Quand nous arrivons à trouver les copains, ce qui reste dans les marmites de campement est souvent immangeable. D’ailleurs on ne se charge que du pain enfilé par boule dans un bâton, les bidons de pinard et la gniole. Pour la nourriture, c’est toujours en salade que nous accommodons les légumes. Les repas chauds sont inconnus dans ce secteur. Heureux, quand après trois heures de marche, dans des conditions impossible à décrire, nous arrivons, saufs, avec moitié de ce que nous avons emporté. Plusieurs fois, nous trouvons bouteillons et bidons troués par des éclats. Au retour, même danger qu’à l’aller…

Le 9 mars des obus atteignent la ferme Bellevue, dans la soirée et mettent le feu au dépôt de grenades et de fusées qui se trouvait à cet endroit. Pendant plusieurs heures, vu d’un peu loin, ce fut un spectacle impressionnant. Des centaines de fusées de toutes sortes et de différentes couleurs firent un vrai feu d’artifice. La corvée de soupe dure jusqu’au 17 mars où le régiment est relevé. Pendant cette période, les Allemands ont attaqué chaque jour les différentes compagnies du régiment. Presque à chaque assaut, ils  sont repoussés avec des pertes énormes. Nos pertes sont grandes également, certaines unités descendent réduites à une vingtaine d’hommes. Et encore, sur ce nombre pas beaucoup sont indemnes. Les habits sont déchiquetés, couverts de sang. Ce sont de vrais fantômes, hébétés, meurtris. Ils n’ont plus souvenir de ce qu’ils ont vu, ont fait, et pourtant ils ont tenu et combattu sans arrêt pendant dix jours et autant de nuits. Ecrasés, asphyxiés, l’enfer de Verdun les a retourner et briser de toutes parts. Les journées les plus dures furent les 8, 9 et 10 mars où, sous un marmitage effroyable nos poilus ne bronchèrent pas et repoussèrent les assauts allemands. Leurs attaques furent brisées par la magnifique résistance des poilus du 1er bataillon dans le village et aux abords du fort de Vaux. Pendant ces trois jours, le village fut pris et repris huit fois de suite, pour finalement rester aux mains des Allemands. Nous tenions quelques maisons et la lisière est. Les Allemands ne purent en sortir. Le régiment descend prendre quelques repos à Dugny et aux environs. Nous recevons des renforts et le 1er avril nous remontons dans le même secteur. Pendant les journées passées à Dugny, presque journellement les avions allemands viennent nous jeter des bombes. Le 30 mars, une torpille tombe au milieu d’un rassemblement sur la route. Plus de cinquante personnes furent tuées par cet engin. Au repos, le spectacle paraissait plus terrible que sur le champ de bataille. Des corps déchiquetés, mêmes des civils, femmes et enfants périrent, victimes de ce bombardement aérien. Le 31 mars nous quittons ce pays et nous venons cantonner aux casernes du quartier d’Anthouard avant de continuer le lendemain sur Vaux.

Cette journée du 1er avril, je suis planton au poste de police. A chaque instant, je vais porter les notes de service dans les différentes compagnies du régiment. C’est sous un marmitage presque aussi serré qu’en ligne que mes déplacements se font. Le 1er avril au soir, le régiment est de nouveau engagé. Le 2, nos équipes montent à Vaux et à Souville. Mais moi, je reste comme agent de liaison à Verdun. Les lignes téléphoniques étant toujours coupées, c’est par coureur que se font et se transmettent les ordres. Je suis désigné pour faire le service du tunnel de Tavannes à la citadelle. Les obus à gaz lacrymogènes tombent sans arrêt dans la vallée et le long de la route, ainsi que sur le chemin de fer. On souffre, on pleure, on crache. C’est pénible la marche dans ces conditions. Le 3 avril dans l’après-midi, je suis surpris dans le quartier d’Anthouard où je venais d’aller porter des ordres, sous un bombardement terrible. Je me refugie au poste de police où une marmite éclate dans le caniveau. La fenêtre vole en éclats. A 200 m de là, sur les bords de la Meuse, un bâtiment occupé par des territoriaux a son escalier broyé par un obus. Le feu prend à l’immeuble et les hommes occupant le premier étage périssent asphyxiés ou brulés. Le bombardement est si violent que le quartier est évacué. Les différents services  occupant ce cantonnement viennent s’installer en dehors de la ville. Au café du « Clair de Lune » et ses environs, où je continue le même service avec la place, la division et la citadelle. J’y reste jusqu’au 9 avril, date où le régiment descend des lignes. Que dire de cette nouvelle période ? Ce fût encore plus terrible si on ose dire et surtout plus meurtrier. Les premiers jours d’avril furent aux dires des rescapés quelque chose d’impossible à raconter. Relevé le 9 nous passons deux jours à Dugny. Le 12 nous partons à pied pour aller embarquer à Lempire. Mais en cours de route, un contre-ordre nous fait revenir sur nos pas. Nous revenons  de nouveau à Dugny et Belleray. Les hommes acceptent sans murmurer. Allons-nous encore remettre çà ? Mais non heureusement ! Dans la soirée, nous partons à Lemmes et Lempire, embarquer en camions-automobiles, et vers minuit, nous arrivons à Bar-le-Duc. Nous descendons et allons cantonner 2 km plus loin, dans un faubourg de Bar-le-Duc appelé la Savonnière.

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                 Sous_chef_Drouot


 

Copie__2__de_sous_chef_de_musiqueIci se place une histoire dont fut « le héros », notre sous-chef de musique. C’était un très fort fumeur. En permanence une énorme bouffarde était suspendue à ses lèvres. Il était connu dans le régiment entier, mais surtout à la compagnie hors rang, à laquelle nous appartenions. Les hommes de train de combat, signaleurs, téléphonistes, éclaireurs montés et train régimentaire étaient très familiers avec lui. C’était un brave homme. Mais bien que n’étant pas de Marseille, il eut enfoncé Tartarin et rendu des points à Marius et Olive. Or, il advint que dans le camion qui nous descendait de Verdun pour aller au repos à la Savonnière, il laissa échapper sa pipe qui tomba sur la route. Impossible de s’arrêter pour la ramasser. Arrivé au cantonnement on le vit le lendemain errer à l’aventure, tout marri et l’air ennuyé. Les premiers qui l’aperçurent  sans son ornement habituel, lui demandèrent le motif de l’absente.

- Ma pipe ? leur dit-il, je l’ai laissée là-haut !!! Oui la dernière fois que je suis allé visiter mes hommes au fort de Vaux, une balle me l’a brisée en deux.

Vous pensez si l’histoire fut vite ébruitée. Peu d’instant après un signaleur, un « pince-sans-rire » lui dit :

- Je ne crois pas qu’une balle vous ai attrapé là, car il n’en sifflait pas beaucoup à cet endroit, ça ne serait pas plutôt un obus ?

- Il est bien probable, reprend-il je n’ai pas pu me rendre compte, il faisait nuit. En effet, je crois me rappeler maintenant. C’était un 77 ou un 88 autrichien. Il en tombait tellement !!

C’est le premier pas qui coûte. Il ne devait pas s’arrêter en si bon chemin. Dans la journée, les hommes qui l’entendirent raconter son aventure, s’aperçurent que le calibre de l’obus avait considérablement augmenté. Le soir, on le retrouva dans un café du cantonnement, une pipe encore plus volumineuse que la précédente, avait repris sa place habituelle. Il avait été en acheter une nouvelle à Bar-le-Duc. Il expliquait avec force gestes à la tenancière ébahie, entouré d’un cercle de poilus qui se tordaient, qu’une batterie allemande de 305 avait pris son briquet comme point de repère et pulvériser sa pipe au moment où il s’apprêtait à l’allumer. A un auditoire plus naïf il eut affirmé sans sourcilier que les 420 allemands furent construits pour lui casser ses pipes.

L’histoire devient populaire dans le régiment. Aussi, chaque fois après une halte, quand on reprenait la marche et que notre « clique » sonnait le refrain du régiment suivi de la « Casquette », les poilus fredonnaient la dernière strophe avec une variante : « As-tu vu la pipe à Monsieur Drouot ?»

 

Merci monsieur Cretin, merci monsieur Drouot pour cette belle anecdote.

14 novembre 2009

Sergent Marcel Weber (1891-1914).

                   Marcel_WEBER

 Medaille_militaire_de_Marcel_WeberLe sergent Marcel Weber est né le 24 juin 1891 à Mulhouse. Il servait dans la 9e compagnie sous les ordres du capitaine Henri Souchard.

Citation à l’ordre du régiment :

« Sous officier brave et dévoué. Tombé au champ d’honneur le 25 août 1914, à Ménil-sur-Belvitte » : Croix de guerre avec étoile de bronze.

Il obtient la médaille militaire à titre posthume le 17 février 1922. Il repose dans la Nécropole Nationale Française de Rambervillers. (Voir dans l’album-photo de la Grande-Nécropole)

Je remercie Mme D.J.L. Fargues pour m’avoir autorisé à reproduire les documents concernant Marcel Weber, ainsi que Guy Watbled.

 

 

 

9 septembre 2009

Un grand merci et une chaleureuse poignée de main

Un grand merci et une chaleureuse poignée de main à Stéphan Agosto pour avoir bien voulu réaliser ce dessin. Ce dernier illustrera et servira de page de présentation à l'album photo des sépultures des hommes de ce régiment.          

                   Dessin_Stephan_Agosto

Et maintenant poussons les  lourdes grilles de la porte d'entrée et pénétrons dans la Grande Nécropole virtuelle du 149e R.I….                  

http://amphitrite33.canalblog.com/albums/la_grande_necropole/index.html

 

28 août 2009

Premiers pas en Artois (2e partie).

                  Les_t_l_phonistes

9 octobre 1914

Le gros du régiment doit se porter au nord du bois du château de Noulette pour se mettre à la disposition de la 26e brigade. Une compagnie qui était restée dans le secteur d’Aubigny, reçoit, en fin de matinée, l’ordre de rejoindre une autre compagnie du 149e R.I. qui se trouve avec une batterie d’artillerie au moulin du signal de Bouvigny. Le détachement Laure doit attaquer la position de Notre-Dame-de-Lorette et empêcher l’ennemi de déboucher à l’ouest du bois de Bouvigny Dans la soirée,  Le 2e bataillon du 149e R.I. commandé par le capitaine Pretet, relève le 3e bataillon du régiment (détachement Laure) dans le bois de Bouvigny.       

Extraits de l’ouvrage « les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert aux éditions Payot.

« Le commandant Michaud du 20e B.C.P. recherche lui-même la liaison avec le bataillon Laure du 149e R.I., à l’intérieur du bois de Bouvigny, pour que le 149e R.I. lie son mouvement au 20e B.C.P.. Le 3e bataillon du 149e R I. est, lui aussi, parti en avant à la première heure du matin. Les taillis touffus, les ronceraies et le brouillard épais ralentirent sa marche. Quelques balles de patrouilleurs ennemis qui s’enfuyaient l’ont obligé à balayer tout le bois. Arrivées à la lisière les sections de droite sont prises sous le feu d’écharpe de mitrailleuses qui vient de la direction d’Ablain-Saint-Nazaire, mais à gauche la progression s’avère plus facile. L’artillerie qui n’a pas pu tirer dans la matinée, vers midi, entre en action au bois de la Haie, et pousse une section du 12e R.A.C., sous les ordres du lieutenant Robert, dans le bois même de Bouvigny et jusqu’à la lisière est, à hauteur des premiers éléments de l’infanterie, assurant ainsi une liaison particulièrement intime avec les deux armes. La 5e compagnie et le peloton de la 2e du 1er B.C.P., qui ont été placés sous les ordres du capitaine Laure, sont bloqués par les tirs ennemis, tandis que le reste du bataillon organise le point d'appui de l'ancien moulin Topart.

16 h 00, le bataillon Laure et le bataillon Michaud se sont mis en liaison. À 21 h 00, le capitaine Laure envoie au général commandant la 43e D.I. le compte rendu suivant : « Situation en fin de journée : à la nuit ma 1ère ligne avait pu atteindre une grande haie traversant du nord au sud l’arête de Notre-Dame-de-Lorette, à environ 300 m à l’ouest de Notre-Dame-de-Lorette. Haie sur laquelle je me trouvais en liaison à gauche avec le 20e B.C.P.. Deux de mes sections environ ont pu sauter sur des tranchées allemandes situées à mi-chemin entre la haie et Notre-Dame-de-Lorette, et les occuper.

À la faveur de la nuit, une compagnie fraîche du 149e R.I. (5e compagnie) prélevée sur celles amenées par le lieutenant-colonel Escallon, a pris sous son commandement mes deux sections occupant un peu en avant la tranchée allemande. Cette 5e compagnie se trouve en liaison à gauche avec une compagnie du 20e B.C.P. qui occupe la partie gauche (nord) de la haie.

Il y a quelques Allemands qui se trouvent encore réfugiés dans la chapelle crénelée et ses abords, mais vraisemblablement très peu. Le point critique pour le maintien de l’occupation du terrain conquis est le rebord sud du plateau, face à Ablain-Saint-Nazaire. De ce village sont partis toute la journée des feux nourris et ajustés d’infanterie et surtout d’artillerie. Sur ma demande, 2 compagnies fraîches (8e et 6e compagnies) s’occupent cette nuit de l’organisation défensive de ce rebord.

Mes 4 compagnies se reconstituent à la lisière est du bois de Bouvigny, moins une demie de la 12e compagnie que j’envoie à la garde des tranchées faites par le génie au moulin de Bouvigny (avec ordre de les occuper surtout face au nord puisque je tiens maintenant assez fortement le plateau pour que le repli face au bois de Bouvigny ne soit pas d’une grande importance) et moins une demie de la 10e compagnie (peloton d’Estrée-Gauchie). 

J'ignore la destination donnée à ce dernier élément, et je demande que ces deux sections me soient rendues si possible. À ma droite, les 6 sections du 1er bataillon (capitaine Delporte) me couvrent en tenant les lisières sud-est du bois de Bouvigny, face au saillant ouest d’Ablain-Saint-Nazaire. Si cette compagnie est rendue demain à son bataillon, il faudra assurer la couverture du 149e R.I. face à Ablain-Saint-Nazaire. Le lieutenant-colonel Escallon a repris ce soir le commandement de l’ensemble ; 2 bataillons du 269e R.I. sont venus, je crois, se mettre à sa disposition un peu avant la nuit ».

Pour soutenir, en effet, l’action des unités qui attaquaient le plateau de Lorette, le commandement avait pris diverses dispositions. Les 2 bataillons disponibles du 149e R.I. avaient été portés dans le bois de Bouvigny, et au nord, près de la ferme Marqueffles, 2 bataillons du 10e C.A., un du 41e R.I. et un du 70e R.I., envoyés à Mazingarbe à la fin de la matinée, les remplaçaient en réserve. Le 269e R.I. transporté d’Arq en autocars et envoyé en renfort du 149e R.I, sous les ordres du commandant Wurmster, se trouvait au soir à Aix-Noulette ; là il était employé pendant la nuit à transporter des outils destinés aux troupes qui occupaient le plateau de Lorette.» 

                  la_maison_foresti_re

Extraits du livre "Lorette une bataille de 12 mois" d'Henri René aux éditions Perrin et cie.

« Quel brouillard ! On n’y voit pas à dix pas…Les ordres brefs de notre chef, nous actionnant hardiment vers l’avant, accroissent notre confiance. Tout le monde en ligne, en tirailleurs et à grands intervalles, pour les compagnies de tête. Les compagnies de queue suivront en colonnes minces. Des patrouilles, bien commandées couvriront ce dispositif. On avance résolument, quoique lentement, car le taillis est épais et à gauche il y a encore des coups de fusil : il faut pourtant balayer tout le bois et ne laisser derrière soi aucun traquenard. Vers la lisière nord, on rencontre nos tués de l’échauffourée d’hier soir…De temps en temps, dans le brouillard épais, des formes se détachent : l’ennemi ? Non, des faisans, dont le brouillard, amplifie les mouvements. Voici d’ailleurs «la Faisanderie», rendez-vous de chasse gracieusement niché dans le bois. On fouille rapidement, et on passe l’orée du bois. À droite du chemin central, nos sections de pointe nous attendent et respirent en nous voyant. Elles n’ont pas été attaquées dans leur solitude, mais, pendant la deuxième partie de la nuit, elles ont entendu des va-et-vient de troupes et de voitures tout près d’elles, là, sur la gauche, entre la Faisanderie et la lisière nord du bois… Elles ont fait le gros dos, sans bouger, heureuses de se sentir au point du jour redevenues maîtresses de la situation.

9 h 00 : Les ailes reçoivent des balles, partant des patrouilles ennemies qui se retirent devant elles. Le centre est gratifié par de violentes rafales de 77 au moment où il se déploie en lisière. Bon gré mal gré, le combat commence. Le 77 est cuisant, ses obus tombent dru et juste… Satanées pièces, elles ne doivent pas être loin : probablement aux abords de la chapelle qu’on ne voit pas encore. Quelques tués, de vingt à trente blessés. Le rassemblement de départ s’élargit sans qu’il soit besoin de donner des ordres dans ce sens, et le gros du bataillon appuie vers la pointe du bois se prolongeant au nord. La pointe du sud est moins hospitalière : on y reçoit des balles qui vous prennent de travers et semblent venir de la plaine, vers Ablain-Saint-Nazaire et Carency. Allons-y par la gauche, puisque la porte paraît céder de ce côté. Au centre et à droite, la ligne de tirailleurs élargit encore ses intervalles, et peut ainsi venir s’accrocher à la petite crête qui relie transversalement les deux pointes.

Les données de l’engagement se précisent. De cette crête que nous occupons maintenant et où nos tirailleurs se terrent en attendant que le dispositif de combat ait pris sa forme définitive, on aperçoit à l’est, en fond de tableau, une haie qui coupe le plateau. Derrière la haie, un clocheton émerge, à 1500 ou1800 m. C’est de là que partent les 77 ; de là aussi, des balles qui, maintenant que nous sommes vus, sont beaucoup plus ajustées.

Vengeance : nous entendons l’aboiement caractéristique du 75, sans doute nos quatre canons du bois de la Haie, qui viennent frapper dans les jambes des Allemands, autour de la chapelle. L’intervention de notre artillerie « donne du cœur au ventre ». Et puis, les gars, il faut marcher, coûte que coûte ; car voyez ce commandant de chasseurs à pied, qui arrive auprès de votre chef, écoutez son appel. Ses chasseurs, avant-garde de la première division descendue de Lille et dela Bassée, ont attaqué cette nuit les pentes de la chapelle par le nord. L’abordage à la baïonnette, plusieurs fois renouvelé, a été sanglant. Plus de cent des nôtres y sont restés, et au moins autant d’Allemands. Nous n’avons pas pu tenir aux abords immédiats de la chapelle, mais nous sommes accrochés au haut des pentes, sur le rebord du plateau. Notre situation, des plus critiques, redevient bonne avec vous. A tantôt : nous vous attendons. Nous tiendrons jusqu’à votre arrivée.

Tout s’agence et s’arrange. Un grand lieutenant d’artillerie nous annonce en même temps qu’il est à la Faisanderie avec deux pièces. On va pouvoir les utiliser pour appuyer directement notre action, pendant que celles d’en bas, du bois de la Haie, continueront leur tir d’écharpe.

Le grand lieutenant joyeux de prendre sa part de si près à un combat d’infanterie, fait plaisir à voir. Il donne ses ordres :

Une pièce en batterie sur le chemin, entre la Faisanderie et la lisière. Les téléphonistes, déroulez le fil jusqu’ici. Allô…pièce prête ? 2400…

Les trajectoires rasantes de ce tir tendu frôlent nos dos, dans nos trous de tirailleurs, mais leur effet moral nous fait bondir. Et nous sommes décidément, résolument, sans esprit de retour, lancés sur le  « tapis de billard », bien convaincus désormais que tout mouvement de recul nous coûtera plus cher que l’assaut. Les bonds : à allure extrarapide. Les arrêts : en manœuvre mieux qu’au terrain d’exercice !

Cette progression, pied à pied, commencée à 11 h 00, nous a fait gagner encore 1000 m, quand arrive 17 h 00.

Les 77 ont taillé dans la chaîne d’attaque, et aussi une certaine mitrailleuse qui « crache » on ne sait trop d’où, part là-bas, en avant et à gauche, croisant ses feux avec celle d’Ablain. Mais ces Allemands travaillent mal, on voit que les chasseurs de la 1ère division les ont déjà « sonnés », et ils ne nous font même pas peur ! Ils nous offrent inutilement le spectacle de quelques 105 qui s’en vont, mi-fusants, mi-percutants, couper des branches du bois où nous ne sommes plus.

Tout le monde n’est pas de fer. À preuve, cet homme, pourtant point blessé, qui s’en va hurlant et ricanant, les yeux hors de la tête, les bras ballants, les jambes flasques... Il est fou. On n’y fait pas attention, ce spectacle étant assez courant pendant les « marmitages ».

Le capitaine commandant sort, avec sa dernière vague de renfort : le 77 a vu et reconnu un groupe de commandement ; ils sont « salués de première », trois agents de liaison sur quatre sont fauchés, la vague dispersée. Par bonheur, le gros du régiment arrive à ce moment dans le bois : on l’a transporté en autos, et, à la nuit tombante, une compagnie de renfort, la 5e compagnie est mise à notre disposition. Son débouché est plus heureux que celui de notre derrière vague, et bientôt, elle vient, à la faveur de l’obscurité, talonner la chaîne, qui n’avait plus beaucoup de vitalité, pour l’entraîner d’un bond jusqu’à la haie.

Il fait nuit. On se « rameute » derrière la haie : une fraction la dépasse et se jette dans une tranchée allemande dont les derniers défenseurs se retirent précipitamment vers la chapelle.

À gauche, on donne la main aux chasseurs de la 1ère division qui garnissent toute la partie nord de la haie et vont pouvoir ensevelir quelques-uns de leurs morts…

À droite, il s’agit de se rabattre face à Ablain, car si l’ennemi s’avisait de remonter par là, les résultats du combat seraient bien compromis.

Appel à voix basse. Échange de poignées de main. Les patrouilles d’officiers circulent pour reconnaître le terrain et en préparer l’occupation. Nous tenons bien le plateau, tout le plateau. L’ennemi a laissé une arrière-garde à la chapelle, mais son gros semble se replier au-delà.

On n’en peut plus, ce soir. On va s’accrocher à la haie et investir la chapelle à très courte distance. On y entrera demain d’un coup de main résolu, avec une unité fraîche. Des groupes d’officiers de 2e bataillon viennent à nous… On se passe les consignes de combat. Nous laissons sur place nos unités au contact immédiat, notamment celle qui occupe la tranchée allemande à mi-chemin entre la haie et la chapelle. Nos remplaçants garnissent la haie avec une compagnie, échelonnent une 2e compagnie face à Ablain, placent les autres en réserve à la lisière nord-est du bois. Et nous allons, près de la Faisanderie, nous compter, nous reconstituer... et nous reposer. »

 Sources :

« Journal des marches et opérations de la 85e brigade ». S.H.D de Vincennes. Réf : 26 N 20/10.

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

« Lorette, une bataille de douze mois ». Henri René, aux éditions Paris, Perrin et Cie – 1929.

« Les combats de Notre-Dame-de-Lorette ». Capitaine J. Joubert, aux éditions Payot – 1939.

La photographie de groupe du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

 Un grand merci à M. Yassai, à A. Carobbi, à M. Porcher, à l’association « collectif Artois 1914-1915 » et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

21 août 2009

Premiers pas en Artois (1ère partie).

                  149e_R

Après son passage dans le secteur de Souain, le 149e R.I. poursuit sa destinée du côté de Notre-Dame-de-Lorette au début du mois d’octobre 1914. De larges extraits du J.M.O. de la 85e brigade sont utilisés ici pour accompagner les quelques passages provenant des livres suivants : « Lorette une bataille de 12 mois » d’Henri René et « Les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert.  

1er octobre 1914

La 85e brigade doit embarquer avec le C.A. à Châlons-sur-Marne. Pour se rapprocher de la zone d’embarquement, elle doit gagner la Veuve. Le 158e R.I., qui vient de Mourmelon-le-Petit, est arrivé depuis 9 h 00. À 14 h 00, le 158e  R.I. est rejoint par deux bataillons du 149e R.I.. Le dernier bataillon de ce régiment est encore  à Souain. Le départ de la brigade commence à partir de 18 h 00. 

La brigade doit embarquer avec le C.A.. Pour se rapprocher de la zone d’embarquement, elle doit gagner la Veuve ou elle arrive à midi. Le 158e R.I. qui vient de Mourmelon-le-Petit est arrivé depuis 9 h 00. Le 149e R.I. avec deux de ses 2 bataillons est là à partir de 14 h 00, le dernier de ses bataillons est encore  à Souain. Le départ de la brigade commence à partir de 18 h 00. L’embarquement se fait à Châlons-sur-Marne. 

2 octobre 1914

Destination prévue : Creil, arrêt à la Plaine-Saint-Denis. Départ 23 h 00. Destination : Arras. Arrivée à Amiens, direction Abbeville, Etaples puis Calais, Armentières, débarquement à Wavrin à 4 h 00 du matin. 

3 octobre 1914

Les trois bataillons du 149e R.I. partent de la gare de Châlons-sur-Marne, un bataillon vers 13 h 00, un autre vers 16 h 00 et le dernier à 19 h 00.

Le 158e R.I. s’établit en défense, sur la ligne, passage sur la Deule, la Bassée jusqu'à Bauvin Des corps de la cavalerie ennemie sont signalés dans la région de Carvin. 

4 octobre 1914

Le 158e R.I. est toujours en action vers Vendin-le-Viel, Pont-à-Vendin, mais il n’y parvient pas. Il se retranche à Wingles. Le 149e R.I. se trouve dans le secteur de Saint-Pol. 

5 octobre 1914

Aubigny_en_Artois

Même but que la veille, pour le 158e R.I.. Le 2e bataillon du 149e R.I. quitte Saint-Pol pour aller sur Aubigny. Il doit accompagner 3 groupes de deux batteries d’artillerie. 

6 octobre 1914

Le 149e R.I. poursuit sa mission de soutien d’artillerie dans la région d’Aubigny-Cambligneul et dans celle de Camblain-l’Abbé. Il doit constituer la réserve d’armée. 

7 octobre 1914

                  Carte_de_Bouvigny_1914

Deux compagnies du 149e R.I. se préparent à gagner le bois de Bouvigny. Elles se dirigent sur Gouy-Servins… 

La situation reste inchangée et le calme règne sur toute la ligne. Des rassemblements ennemis sont signalés sur Roubaix-Tourcoing et vers Comines. À 16 h 00, un ordre téléphonique du commandant de la 10e armée est donné. Deux bataillons de chasseurs doivent se mettre en marche immédiate sur la Bassée.

 Deux compagnies du 149e R.I. qui sont en réserve de la 43e D.I. sont dirigées sur Gouy-Servins. Ce petit détachement du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Petitjean, doit gagner la lisière est du bois de Bouvigny. Il occupe les avant-postes pour renforcer les éléments de la cavalerie.

Le reste du régiment est toujours dans la région Aubigny-les quatre vents, en réserve d’armée et en soutien d’artillerie. 

8 octobre 1914

Le  3e bataillon du 149e R.I. quitte la réserve et se prépare à monter en ligne, non pour tenir le front, mais pour avancer et combattre de nuit dans le milieu particulier qu’est le sous-bois. 

Les deux compagnies du détachement Petitjean, présentes dans le bois de Bouvigny, se maintiennent sans trop de difficultés. Elles cherchent à gagner la lisière est du bois. Un autre détachement plus important, celui du capitaine Laure se trouve dans le bois de Bouvigny à 19 h 00. Ce détachement est constitué de 3 compagnies du 149e R.I. d’une compagnie et demie du 1er B.C.P. et de quelques éléments d’artillerie. Il prend position devant les tranchées allemandes dans la partie est du bois de Bouvigny. 

Extraits de l’ouvrage « les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert aux éditions Payot.

« La 43e D.I. doit exécuter deux attaques simultanées, l’une sur Carency, l’autre sur le plateau de Lorette. Pour celle-ci, elle donne vers 12 h 00 au 3e bataillon du 149e R.I., l’ordre de passer par le bois de Bouvigny et d’atteindre comme 1er objectif la chapelle. Deux compagnies et demie, sous les ordres du capitaine Laure, commencent à progresser dans la partie ouest du bois où elles trouvent, au passage, les 2 compagnies qui avaient relevé les cyclistes de la 1ère division de cavalerie, et dont les postes avancés demeurent à quelques mètres de petites fractions ennemies. En même temps, à droite, partant du bois de la Haie, la 5e compagnie et un peloton de la 2e compagnie du 1er bataillon de chasseurs tentent d’aborder le bois de Bouvigny par la lisière sud-est. L’adversaire résiste partout, et l’avance entravée par de multiples difficultés est presque nulle. La nuit tombe. Au milieu des arbres, dans un épais brouillard qui accentue l’obscurité, le combat continue. On est là, face à face avec des présences incertaines, mais dangereuses, et l’on tire pour un rien, nerveusement. Il n’est pas un glissement ou un pas que l’on ne perçoive dans les feuilles mortes malgré le bruit de la fusillade. Tout à coup, sur la ligne des tirailleurs, un cri rebondit de bouche en bouche : « En avant ! » Et on charge à la baïonnette, droit devant soi, sans rien voir, mais avec la foi dans le succès. Bientôt, c’est le désordre et l’anxiété. Les chasseurs viennent buter dans le flanc droit des unités du 149e R.I.. Il faut s’arrêter à hauteur de la maison forestière. Après ce moment de crise, qui a coûté quelques pertes, les fusils se taisent. L’ennemi s’est replié, on ne sait où, mais on ne le sent plus devant soi. On installe les petits postes et des patrouilles prudentes ratissent le terrain. » 

Extraits du livre « Lorette une bataille de 12 mois » d'Henri René aux éditions Perrin et cie.

« Depuis quelques jours déjà, nous savions que « ça chauffait » ferme, d’Arras à Lille. Nous trépidions dans l’inconnu. La 1ère division (13e) avait filé tout d’une traite sur Armentières et Lille, où nous la devinions aux prises avec l’ennemi. Mais nous, la 2e division, pour qu’on nous eût débarqués, sans suivre la 1ère, à l’ouest d’Arras, pour qu’on nous fît construire hâtivement des tranchées autour des villages où nous étions cantonnés, pour qu’on nous laissât nous mélanger avec la division de cavalerie tourbillonnant dans les plaines de la Gohelle, nous devions nous attendre à être engagés sur place, et cela n’était pas pour nous déplaire. Car, de l’infanterie aussi largement articulée à l’aile d’une armée, de la cavalerie la coudoyant en grande masse, de l’artillerie encore habituée aux évolutions rapides se mélangeant à elles, tout cela nous faisait l’effet d’être de la bonne graine de poursuite. Nous savions que la victoire dela Marne était à exploiter et que, dans l’esprit des chefs, il y avait place pour une décision foudroyante à laquelle tous étaient fiers d’être peut-être appelés à collaborer.

À 11 h 00, nous déjeunions, lorsque le capitaine commandant le bataillon fut appelé au téléphone…

Alerte ! Mission d’honneur, très importante, recommandations spéciales et insistantes du général commandant d’armée : Allemands à repousser d’une hauteur dominant toute la plaine, positions d’artillerie à conquérir et à conserver à tout prix, liaison à assurer avec l’avant-garde de la 13e division qui redescend de Lille et marche sur le même objectif.

On était prêt : on boucle et l’on part. Une pose plus loin, vers les quatre-Vents, on se grossit d’une section de mitrailleuses et d’une batterie d’artillerie. Avec quelque émotion, on serre la main aux camarades du 2e bataillon du régiment, momentanément maintenu à ses constructions de tranchées…

Point de direction : le vieux moulin de Bouvigny qui se profile là-haut, sur la crête, au-dessus de Servins.

Pendant que nous y montons, le capitaine commandant déboîte à droite avec sa reconnaissance d’artillerie et, de loin, nous le voyons qui scrute l’horizon à la jumelle avec le commandant de batterie : bonne affaire ! C’est là qu’il va planter les quatre 75 assurant notre appui, car c’est de ce côté, du bois de la Haie, qu’on aperçoit la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette, notre objectif…

Quelques « tuyaux» nous sont parvenus en cours de route : notre cavalerie, qui avait pris pied aux abords de cette chapelle, a été refoulée par une attaque d’infanterie la nuit dernière, et ses cyclistes n’ont eu que le temps de couvrir son repli, luttant pied à pied sur le plateau et dans le bois contre une avant-garde ennemie supérieure. Deux compagnies de notre régiment, que nous allons retrouver là-haut, ont déjà remplacé les cyclistes…

Nous faisons la pause près du vieux moulin, avec une petite avant-garde dans la direction du bois : la dernière halte avant de nous engager…

Ce n’est pas la première fois qu’on va se battre, mais la perspective d’un combat de bataillon isolé en rase campagne, cela vous fait tout de même quelque chose. Des coups de fusil partent du bois, à l’est… Des balles perdues arrivent près des meules de paille et du boqueteau où nous nous abritons…

À nos pieds, au nord, une immense plaine, mal dégagée des brumes qui la recouvrent en partie, avec des cheminées innombrables, des alignements de corons, des chevalements de puits de mine et, ce qui est moins pacifique, des grondements sourds s’échappant du sol, des lueurs se détachant du brouillard là-bas, du côté de la Bassée, de Loos, de Liévin… C’est, sans doute, le canon de la 1ère division qui redescend de Lille et l’espoir de sa prochaine collaboration à notre engagement.

 Une compagnie reste en réserve près du vieux moulin et y creuse des tranchées. Le reste s’avance… La formation est bonne…

Voici la petite avant-garde à la lisière. Un cycliste rend compte que les deux compagnies nous ayant précédé sont en avant, à 200 m, vers une maison forestière, nez à nez avec l’ennemi qu’elles accrochent ferme.

Le capitaine commandant les prend sous ses ordres…

La nuit tombe, c'est le moment choisi. Une compagnie s’avance de front, pour entraîner les camarades, une autre par le rebord du plateau, en lisière nord du bois, et, au sud les chasseurs à pied prolongent la petite attaque avec ordre de « taper» dans le flanc gauche de l’ennemi… Le signal sera donné à droite par les chasseurs, il se fait un peu attendre, leur cheminement sans point de direction bien visible ayant été difficile. Voilà la nuit maintenant. On s’impatiente. Tout d’un coup la nappe du sifflement des balles s’étend sur tout le bois, les cris de « En avant à la baïonnette ! » percent le silence qui avait précédé l’attaque, la confusion règne, des hommes tombent, surtout à gauche. Les officiers circulent dans le taillis épais et obscur pour mettre de l’ordre parmi le brouhaha, des chasseurs à pied venant de la droite « se jettent dans les jambes » des unités qui ont poussé droit...

Le combat n’a pas donné les résultats qu’on escomptait de la surprise. À gauche, nous sommes bouclés : grosses pertes, progrès nuls, inquiétude des officiers qui sont convaincus qu’on est tombé « sur un bec » et qu’il n’y aura pas moyen de passer. À droite, on n'entend plus rien et on n’a plus de nouvelles des chasseurs ni des sections du bataillon qui agissaient en liaison avec eux.

Il faut avoir assisté à des combats de nuit en rase campagne, surtout sous bois, pour se rendre compte des anxiétés d’une telle situation, quand on n’a pas eu le temps de reconnaître au préalable ni l’ennemi ni le terrain !

Bonne nouvelle : vers minuit, on a la certitude que la droite a passé, filant d’une traite sur ses objectifs, et poussant des éléments jusqu’à l’orée à l’est du bois. Même à gauche, l’affaire s’arrange… Une patrouille d’aile, qui s’est glissée le long des pentes, a pris contact, vers les corons de Marqueffles avec des éléments de la 1ère division.

À l'intérieur du bois, des mouvements perçus nous donnent bientôt la conviction que l'ennemi se décroche, par des chemins connus de lui, mais où il nous est impossible de le talonner en raison de l'obscurité et de la non-connaissance des lieux. » 

Sources :

« Journal des marches et opérations de la 85e brigade ». S.H.D. Réf : 26 N 20/10.

Les archives du Service Historique de Vincennes ont été consultées.

« Lorette, une bataille de douze mois ». Henri René, aux éditions Paris, Perrin et Cie – 1929.

« Les combats de Notre-Dame-de-Lorette ». Capitaine J. Joubert, aux éditions Payot – 1939. 

La photographie de groupe du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, M. Yassai, à A. Carobbi, à M. Porcher, à l’association « collectif Artois 1914-1915 » et au Service Historique de la Défense de Vincennes.   

14 août 2009

Les combats dans le secteur de Souain (septembre 1914).

                  149e_12e_compagnie_1913

11 septembre 1914

Au petit jour, le 149e R.I. fait savoir qu’il s’est emparé du passage à niveau à la baïonnette dans la nuit, mais qu’il n’a pas pu déboucher au-delà. 

Vers 7 h 00,  le commandant de la 85e brigade apprend que les 2 bataillons du 149e  R.I. restés en arrière avec le lieutenant-colonel Escallon, ont rejoint le reste de la brigade. 

Des ordres sont donnés pour reprendre l’offensive sur Soudé-Sainte-Croix et l’arbre de la Nolleraie, en partant de la voie ferrée par Coole en 2 colonnes. Celle de gauche, avec le 149e R.I., se dirige sur Soudé-Sainte-Croix. Ils arrivent sur le front sans incident, l’ennemi ayant évacué en faveur de la nuit.

En début d’après-midi, le 21e C.A. doit atteindre la Marne entre Sogny-aux-Moulins et la ferme Montjallon. L’itinéraire de la 85e  brigade est Soudé-Sainte-Croix, Dommartin-Lettrée, Saint-Quentin-sur-Coole (cote 141, 143, Sogny-aux-Moulins). La colonne comporte un groupe de l’A.D.et deux groupes de L’A.C.. À Saint-Quentin-sur-Coole, la colonne traverse vers 21 h 00.

Elle est coupée par des éléments de cavalerie et d’artillerie. Elle quitte l’itinéraire prévu et forme le parc vers la cote 138. Le 158e R.I. est posté à 200 m à l’arrière du carrefour de la route avec la voie romaine de Châlons-sur-Marne. Les troupes bivouaquent.

                  Journ_e_du_11_septembre_1914

                                        L_gende_journ_e_du_11_septembre_1914

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère » d'Henri René.

« Depuis que nous déambulons la nuit, je n’en ai pas connu d’aussi noire. Je me lance sur une piste… À Sogny-aux-Moulins, nous nous étendons sous les arbres au bord de la Marne, de deux heures à six heures du matin, pour délasser nos membres courbaturés par une rude étape.»

12 septembre 1914

La marche en avant continue. Itinéraire : Sogny-aux-Moulins, Moncetz-Longevas, ferme du Sauna, partie est de Lépine.

La colonne est constituée comme la veille. Elle arrive sans incidents à Moncetz-Longevas.

Un nouveau départ a lieu à 11 h 50 par l’itinéraire suivant : la Maison-Neuve, « chemin à un trait » vers Cheppe. Arrivée cote 152 à 17 h 30. Le brouillard et la forte pluie empêchent l’artillerie de canonner des mouvements ennemis. L’A.G. pousse jusqu’à la Cheppe qu’elle occupe. Cantonnement et bivouac vers 23 h 00.

 Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère » d'Henri René.

« Le lendemain 12, nous marchons sans arrêt, droit au nord à travers champs, et l’obscurité redescend sur la plaine quand nous arrivons en face de la Cheppe. Nos éclaireurs signalent que l’ennemi s’y trouve encore et le bataillon d’avant-garde se déploie pour attaquer. On y mettrait moins de formes, si l’on savait que les Allemands fuyaient, mais personne ne nous l’a dit. Nous en sommes à supposer que la bataille s’est seulement déplacée et, l’expérience aidant, nous ne nous lançons plus à la légère.

L’orage éclate. En quelques secondes, nous voilà trempés jusqu’aux os et de fort méchante humeur : on ne s’arrêtera donc plus jamais ? Il fait aussi sombre qu’hier.

À 21 h 00, l’avant-garde rend compte qu’elle occupe la localité et, pour ne plus perdre un temps précieux, la brigade à l’ordre de s’y porter en formation massée. On s’ébranle sous la trombe d’eau : pas un point de direction à l’horizon, pas la moindre lumière au village, impossible de sortir une carte sous ce déluge. Nous mettons plus d’une heure pour franchir 1200 m.

Les hommes se bousculant, tombant dans les trous, la houle se propageant de droite à gauche et de la tête à la queue. Le bataillon ressemble à un ivrogne : titubant, jurant, sacrant, pestant. Au fond, c’est très comique, et ceux d’entre nous qui ont meilleur moral se payent le luxe de quelques bons mots. Notre avalanche se déverse parmi les ruines ; tout est bouleversé par le passage de la horde, et nos unités se réfugient dans les granges ou dans les remises pour s’y mettre à l’abri des cataractes du ciel.

Une odeur pestilentielle se dégage des cadavres de chevaux qui jonchent les rues et les potagers, et des quartiers de viande abandonnésen hâte par l’ennemi.

Nous trouvons un gîte dans une maison dont les murs sont intacts, mais où tout est saccagé, les tiroirs renversés, le linge et les effets répandus sur le sol au milieu de la boue. Quel bien-être cependant ! Il y a une immense cheminée, où nous voyons pétiller les flammes et bouillir une vaste marmite. Il y a surtout deux grands lits en bois avec les sommiers intacts, et deux matelas étendus par terre. Ce luxe nous paraît d’autant plus exquis que l’ennemi a failli en profiter et que, maintenant, il grelotte sous la pluie.

Je me souviens d’un détail piquant. Parmi ce linge épars, deux de nos camarades ont pu faire leur choix de chemises de rechange, et je crois même que c’étaient des chemises de femme ! Dans l’état d’extrême pénurie et de misère où nous sommes, toutes les ressources existantes sont du bien national : deux sous-lieutenants, habillés de neuf, chauffés et réconfortés, cela représente deux sections qui, demain, se comporteront si c’est possible encore plus vaillamment que la veille.»  

                                     Journ_e_du_12_septembre_1914

                                        L_gende_journ_e_du_12_septembre_1914

13 septembre 1914

Nous récupérons 13 prisonniers qui sont  restés dans le village. Des objets dérobés en France sont trouvés sur plusieurs d’entre eux.

L’avance se poursuit par le passage à niveau de Piémont, carrefour à 800 m à l’est de la ferme de Piémont puis Suippes

Le mouvement est interrompu suite à l’engagement de la 86e  brigade. Il reprend après la prise de Suippes par les 1er et 3e B.C.P.. La ville est en feu. L’ennemi retraite au nord.

La  brigade reçoit l’ordre de marcher sur Somme-Py  par Souain et passe devant la 86e brigade à 17 h 00.

Vers 18 h 00, la tête de la colonne est canonnée par l’artillerie allemande. Les régiments se remettent en colonne par 4. Elle arrive dans la nuit noire à Souain, et constate que le village est vide à 300 m. Au-delà, elle est accueillie par des tirs de mitrailleuses et une vive fusillade sur le front et sur les flancs. L’A.G. se déploie et se retranche pour la nuit. La brigade est au bivouac.

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère" d'Henri René. » 

couverture_Ren__Henri«Il faut arriver à Somme-Py cette nuit morts ou vifs ! » Tel est l’ordre de mouvement que l’on nous communique à Suippes, le 13, à 18 h 00, après une nouvelle journée de marche où l’ennemi ne nous a arrêtés que par de timides arrière-gardes. La nouvelle d’une grande victoire, déjà vieille en fait de deux ou trois jours, s’est enfin répandue comme une traînée de poudre. Soldats ! plus rien ne doit vous arrêter, ni les fatigues, ni les privations, ni les obus tirés de très loin, pour vous retarder sur l’objectif qui vous est assigné, en avant coûte que coûte… 

Il suffit. Ah ! Si nous avions connu plus tôt cette magnifique nouvelle ! Il n’est temps ni d’y réfléchir ni d’analyser les sentiments qu’elle provoque ni de peser la lourdeur des jambes. Direction Souain…

Nuit du 13 au 14 septembre 1914 :


Mes fonctions, que je remplis maintenant comme officier, me désignent encore pour centraliser les liaisons et les renseignements à l’avant-garde, auprès du commandant  L…(Émile Laure), qui a repris le commandement du bataillon, avec la 9e compagnie, du capitaine S…(Henri Souchard),  et la 10e où le capitaine P…(Henri Panchaud)  a remplacé le lieutenant M…(?)

Le colonel E…(Jules Escallon)  nous recommande une allure résolue, sans hésitations, sans tâtonnements, sans précautions excessives : toute la division nous suit et nos arrêts ne pourraient que gêner sa marche. Mission délicate s’il en fût.

Nous cheminons à travers champs en formation semi-déployée tant que l’obscurité n’est pas complète, puis par la grand-route, avec des patrouilles à courte portée sur nos flancs et vers l’avant, une reconnaissance de pointe commandée par l’ex-adjudant C…(Émile Chauffenne), promu sous-lieutenant.

Nous nous  hâtons. Les capitaines des 9e et 10e compagnies combinent leur plan d’action pour aborder Souain et s’en rendre maîtres dans le cas où les Allemands y seraient encore. Chaque pas nous en rapproche, on n’en est plus qu’à 200 m : rien de nouveau. Nous voici à 100 m, deux coups de feu percent le silence et, assez loin, on entend le trot d’un cheval sur la route. À droite et à gauche, il nous semble voir des lanternes sourdes qui se déplacent, nous nous demandons si ce ne sont pas des hallucinations.

Le sous-lieutenant  C…(Émile Chauffenne), nous fait dire par un cycliste : « Je suis tombé sur une patrouille de uhlans. Ils ont crié : Wer da, feuer,… ils ont tiré et ils ont disparu aussitôt ». Le capitaine L... (Émile Laure),  hésite quelques secondes.

-« Marchez, mais marchez donc » lui fait dire aussitôt le colonel. Advienne que pourra, continuons.

La route descend et devient la rue du village. À l’entrée, un camion automobile aux vitres brisées, qui vient d’être abandonné. Pas une lumière, les granges sont ouvertes, les murs sont muets : cela sent le traquenard. Nous frottons une allumette, éclairons une lanterne, inspectons rapidement les premières maisons. Rien.

- Marchez, mais marchez donc !

- Tant pis pour eux… allons-y, puisqu’ils veulent absolument tomber dans la souricière.

Auraient-ils raison et avions-nous vraiment trop peur ? Nous traversons tout le village sans accroc, nous en sortons au Nord. Toujours rien. J’affirme que des lanternes se déplacent sur nos flancs, que j’entends des bruits de voix ; le capitaine commandant, nerveusement, me répond par la formule qui vient de l’arrière : 

- Marchez, mais marchez donc !

Nous avons progressé de 300 m. À ce moment, des coups de sifflet stridents retentissent à notre nez et à nos oreilles, nous donnant immédiatement cette terrible impression de demi-enveloppement. Les clairons ennemis jettent leurs lugubres notes d’alerte, et nous sommes au centre du roulement de la fusillade. J’ai le sentiment que les balles ennemies partent à 50 m devant nous, autour de nous.

Des milliers de petits éclairs me le confirment, et le tapotement d’une dizaine de mitrailleuses nous cingle.

D’instinct, nous nous sommes jetés dans les fossés de la route. Les 9e et 10e compagnies déploient quelques fractions de part et d’autre, et nous répondons au feu par le feu. C’est infernal. On tire aux étoiles, sans savoir pourquoi ni sur qui, mais on tire, on tire, on tire. Il n’y a pas grand dommage, car on vise trop haut de part et d’autre. Que dis-je, et qui parle de viser ?… C’est un concours de bruit, horriblement impressionnant, terrifiant.

C’est l’embuscade. Il fallait s’y attendre, on n’a pas voulu nous croire et je voudrais bien voir le désordre du gros de la colonne qui n’a pas gardé sa distance et qui, en ce moment, doit être engouffrée dans le village ! L’embuscade ennemie ne pouvant être forcée de front, le capitaine L…(Émile Laure), me prend avec lui pour aller organiser et lancer une manœuvre latérale qui, partant du village et appuyant à l’est, cherchera d’autres débouchés. Il laisse au capitaine S...(Henri Souchard),  le commandement des deux compagnies de tête, et il replie le groupe des liaisons, rampant dans les fossés de la route, sur les premières maisons.

En passant, il donne l’ordre à la compagnie du génie de mettre la lisière en état de défense : les sapeurs sont aplatis contre le talus ; les trois chevaux des officiers, imprudemment amenés vers l’avant et incapables de s’affaisser sous la menace des balles, gisent expirant au milieu de la chaussée. Le crépi des murs vole en éclats. Toutes les trajectoires semblent converger de notre côté : nous nous réfugions dans une grange pour délibérer. Les balles traversent, bourdonnent, vont mourir dans la paille.

Je constitue en patrouille mon groupe de liaison, grossi de quelques isolés qui se sont joints à nous dans le désarroi de la nuit, et nous nous coulons dans un ravin, vers l’est. Des fractions d’un autre bataillon sont là, sans objectif, sans mission, cherchant à s’employer. Le capitaine les prend et me suit avec elles. Nous avançons de 200 à 300 m, nous guidant sur la fusillade qui continue à notre gauche et cherchant à nous élever sur son flanc. Arrêt. On se couche. Harassés, presque tous les hommes s’endorment aussitôt, le nez au sol.

Réunion des gradés, explication à voix basse : on va marcher droit encore 200 m, puis on se rabattra à gauche par une conversion, on traversera les buissons du ravin. On se serrera les coudes. On se rapprochera de l’emplacement présumé de l’ennemi et on se tiendra prêt à se jeter sur lui à l’arme blanche. Deux recommandations essentielles : pas de bruit, marcher à pas de loup, tenir les baïonnettes avec la main pour éviter le cliquetis dans les fourreaux et pour tout le monde, avoir la précaution exclusive de sentir avec son coude le voisin de gauche.

Nous circulons derrière les dormeurs : debout, allons, debout ! Ils n’entendent pas nos appels, à voix basse, nous les soulevons les uns après les autres par la patelette de leur sac, les plus maussades retombent lourdement comme des masses inertes. Il faut les secouer : on ne s’en prive pas.

Nous expliquons la consigne à l’oreille de chacun, mais il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut rien entendre ! J’insiste chaque fois : surtout, direction à gauche…De plus en plus, je me heurte à la force d’inertie… La ligne s’ébranle, les pieds automatiquement se portent l’un devant l’autre, les yeux restent fermés, les esprits ne quittent pas les ténèbres. Au bout de 50 pas, tout le monde appuie à droite, parce qu’une déclivité du terrain entraîne de ce côté les inerties. Halte ! murmure le capitaine. Il veut faire serrer sur la gauche pour réparer l’erreur, peine perdue : à l’arrêt, cinquante masses sont retombées, endormies.

Nous passons une demi-heure à stimuler notre monde, à l’oreille : l’ennemi est là, nous allons le rosser, en avant, en avant… On repart, tant bien que mal, on commence la conversion, on se déchire la figure et les mains à la traversée des buissons.

On prend pour nouveau point de direction la silhouette vague des grands arbres de la route, là où nous avons laissé les 9e et 10e compagnies au contact de l’embuscade et d’où nous voulons les délivrer par notre manœuvre.

Elles sont malheureusement retombées dans le silence morne et nous n’avons même plus leur combat pour nous guider. Il nous semble que nous sommes à pied d’œuvre et déjà circule l’avertissement d’attaque : attention, au coup de sifflet, à la baïonnette. Soudain, la rafale reprend, tout près, les sinistres claquements de coups tirés à bout portant nous jettent par terre.

Nous répondons, nos fusils braqués dans toutes les directions, vers l’ennemi, peut-être aussi vers les nôtres, crachent leurs jets de flammes, dispersent leurs projectiles. Le vacarme est assourdissant, rien ne peut l’arrêter. Les culasses se manœuvrent nerveusement et bruyamment, les commandements français et allemands se mêlent en une indicible confusion. Seul et plus fort que tout, même que l’instinct de conservation, le sommeil couche les fusils dans l’herbe les uns après les autres et peu à peu remplace par un des ronflements de fatigue la pétulance du feu.

Décidément, l’embuscade est plus sérieuse que nous le pensions. Il faut songer, non pas à la déborder, mais à constituer un front d’engagement pour s’aligner avec elle en combat singulier. Nous laissons là les fractions de l’autre bataillon, avec mission de couvrir notre flanc droit, et, nous reportant un peu en arrière, nous décrivons à travers champs un demi-cercle pour nous rapprocher des nôtres. Voici le capitaine S…(Henri Souchard),

- C’est vous, L…(Émile Laure) ? Dites donc, vous ne pouvez pas nous laisser ici, c’est intenable.

- Je sais bien. Et c’est pourquoi je reviens à vous. 

- Il était temps. Vous savez que vous nous avez tiré dessus tant que vous avez pu ! 

- Possible. On ne fait pas ce qu’on veut par cette satanée obscurité. Et maintenant, en arrière, homme par homme, par les fossés, dans le plus absolu silence.

Nous ne nous décrocherons qu’au prix de précautions inouïes. Ralliement à la lisière du village. Ce n’est pas une petite affaire que d’insuffler encore à nos unités assez de vie pour permettre l’exécution de cet ordre.

Nous circulons comme des revenants et, renonçant à leur expliquer quoi que se soit, nous prenons nos hommes sous les bras, comme des infirmes, nous les jetons plutôt que nous les amenons dans les fossés de la route, leur indiquant, ensuite de filer droit devant eux. Lourdement ahuris, sans y rien comprendre, ils vont. Il y en a pour deux bonnes heures à les dévider ainsi : nous y réussissons cependant sous les coups de feu qui sont devenus plus rares, et c’est avec un soupir de profond soulagement que nous remettons quelques 300 m entre nous et l’ennemi, qui ne nous suit pas. Avons –nous perdu du monde ?

Mystère… mais certainement pas beaucoup, car ces tirs de nuit sont de la poudre jetée aux moineaux. Les trois chevaux mourants obstruent la route. Nous y heurtons bien aussi du pied quelques formes humaines, mais ce sont vraisemblablement plutôtdes dormeurs que des morts. Par un de ces retours de la fortune des combats, nous battons en retraite, nous qui poursuiveurs éperdus, avions voulu ce soir coucher à Somme-Py.»                                                               

14 septembre 1914

Dans la nuit, le commandant de la brigade décide d’attaquer au petit jour.

Les bataillons de l’A.G. tiendront le front pendant qu’un bataillon du 158e R.I. essaiera de prendre la ligne à revers vers l’est. L’attaque  est prévue à 5 h 00. Le bataillon du 158e R.I., parti à 3 h 30 pour se mettre en place, se heurte à une ligne ennemie dans le bois avec des mitrailleuses. L’A.G. se lance à la baïonnette, mais s’emmêle dans des fils de fer. Elle est obligée de reculer au lever du jour.

Le 149e R.I. signale que les Allemands ont creusé  une ligne de tranchées à 1200 m du village. Ces tranchées sont occupées par des fantassins et des mitrailleuses. Notre artillerie ne répond pratiquement pas.

                         Journ_es_du_13_septembre_au_1er_octobre_1914

                                        L_gende_journ_es_du_13_septembre__au_1er_octobre_1914

Un ordre est donné au 158e R.I. à 9 h 30. I lui faut exécuter un mouvement dans la nuit et se replier en laissant la place à la 13e division. L’avance jusqu’à la crête de la 18e division est stoppée et ramenée en arrière par une violente canonnade.

11 h 00 : l’artillerie allemande canonne la lisière et le village de Souain. Le 149e R.I. doit évacuer le village et reflue vers le sud.

Le lieutenant-colonel Houssemont qui a pris le commandement de la brigade à la suite de la blessure du colonel Neuville, demande au 149e R.I. de se regrouper et de se retrancher à la lisière nord du bois de la cote 135.

Il doit couvrir le repli du 158e  R.I.. Celui-ci s’effectue lentement sous la canonnade d’obusiers lourds. Le repli du 149e R.I. se fait sous le feu des canons et des mitrailleuses ennemies. Vers 15 h 00, le 149e R.I. se reconstitue à l’est de la route à 400 m de Suippes où il se ravitaille.

Ce qu’il n’avait pas fait depuis 2 jours. Bivouac de la brigade à l'ouest de la route. Elle est remplacée par la 86e brigade.

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère» d'Henri René. 

«Ceux qui ne restent pas en ligne se jettent sur la paille pour y sommeiller quelques instants. Je suis du nombre. Je suis trop agité et pressens des choses trop graves pour y réussir. Que la gloire est peu ! Depuis huit jours, nous la colportons sans nous en douter. J’avais vécu avec moins d’anxiété les phases de la retraite que celles de la poursuite. Mourant, je me raccrochais à la vie. Ressuscité, je défaille. Je suis à bout de force et tous sont comme moi. Arrivés à un tournant, nous penchons, nous penchons… Allons-nous tomber quand on fait fond sur nous plus que jamais ?

Fracas d’incendie. Des planches craquent, se disjoignent et tombent près de moi. De hautes flammes entrent dans ma grange. Des cartouches et des bandes de mitrailleuses éclatent sèchement. Tout le monde est debout fuyant le feu : quel lugubre réveil ! Qui a allumé ? Un maladroit, un espion, un allemand resté dans des ruines, on ne le saura jamais, il est parfaitement inutile d’enquêter. On s’écarte, on évacue la partie de village incendiée, les lueurs éclairent notre désordre, l’ennemi tire sur nous, joyeux de ce désarroi.

Nous garnissons les amorces de tranchées rapidement creusées par le génie et, insensiblement, la bataille reprend sans que nous nous doutions même que la clarté du jour remplace maintenant celle des flammes. Notre fusillade part droit au Nord, prenant comme objectifs les bouquets d’arbres, les meules de paille, la crête du moulin de Souain : rien de précis ne nous apparaît. Les obus tombent, arrosant les champs devant nous, bouleversant le cimetière où la 12e compagnie s’est pelotonnée.

Nous avons l’impression d’un isolement absolu, le sentiment que l’ennemi va nous envelopper. La situation est intenable. Le colonel replie peu à peu vers la crête, au sud du village, le gros du régiment, et nous restons en arrière-garde avec ordre de tenir tant que cela nous sera possible. À 11 h 00, un déluge d’artillerie nous accable : on dirait des coups français… Cinglantes et venant de l’arrière, les trajectoires nous frôlent… Tout autour de nous, les explosions saccadées du 75 s’abattent en trombe…

- Cycliste Saunin, au galop, au triple galop, prenez la route au sud, cherchez le colonel ou qui que ce soit, dites que l’artillerie tire sur nous !
On se fait tout petit, très petit. Chose étrange, ce malheureux incident nous donne presque confiance. Il ne nous avait jamais été donné de juger d’aussi près les effets de nos pièces  ils sont terrifiants.

La 11e compagnie, en avant à droite, l’expérimente cruellement et la voici qui se replie vers nous, homme par homme, sous le tir ajusté des impitoyables mitrailleuses. Les minutes sont éternelles. Nous accentuons notre feu pour les aider. À midi, les sergents nous annoncent que les cartouchières sont vides ! Successivement, les demi-sections retraitent, se faufilant à travers les ruines.

À midi et demi, il n’y  a plus personne dans le village et les obus allemands, fusants, percutants, en une danse effrénée nous poursuivent. Nul ne s’arrête pour regarder les morts ou secourir les blessés gémissants, dont le chapelet sanglant s’égrène sur 2 km. Nous nous rallions sous bois, à l’abri d’une position de repli qu’occupe le gros du régiment.

L’intrépide lieutenant W…(Marie Georges Wichard), de la 9e compagnie, qui s’est déjà tant de fois distingué par son courage imperturbable, arrive le dernier : il s’avance par la route, la canne à la main, conduisant la patrouille de queue, s’assurant que l’infanterie ne nous a pas talonnés, au pas, sans prendre garde aux coups, sans fléchir une seule fois la tête ou le buste sous les explosions qui l’encadrent.
Nous l’entourons… Il pleure !!!

Cette journée du 14 est d’une indicible tristesse. On nous ramène à Suippes, on nous parque dans les champs, les bergers comptent leurs brebis, il en manque beaucoup.

Cependant, derrière les faisceaux, nous nous redressons au passage du général de division. 

Nuit de repos inespérée

15 septembre 1914

Deux bataillons du 158e R.I. reçoivent l’ordre d’attaquer en liaison avec la 13e division à 5 h30. Le reste de la brigade reste en réserve de la division et du C.A..

Le colonel Menvielle reprend le commandement de la brigade. Vers 16 h 00, le 149e R.I la direction de la  cote 152, en couverture artillerie. À la nuit, 2 bataillons du 149e R.I. réoccupent le village de Souain. Le 3e bataillon est en réserve à 1800 m au sud-est de Souain.

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère »  d'Henri René.  

« Douze heures de sommeil, tranquillement  nous sommes étendus sur le sol dans nos couvre-pieds, après une bonne soupe chaude que l’on a eu le temps de préparer tout à loisir. 

Pas de pensées, pas de rêves, pas de cauchemars : l’oubli. À 18 h 00, nous nous ébranlons, en formation d’attaque largement échelonnée. Mon bataillon, c’est bien son tour, ferme la marche. Où va-t-on ? À Souain, encore à Souain… Des régiments comme le nôtre ne restent pas sur un échec.

L’artillerie de deux  C.A. est déployée sur la crête que nous franchissons, elle vomit du feu et de l’acier en un tir foudroyant qui nous assourdit au passage et exalte notre confiance. Enfin, voilà une préparation ! Jusqu’à maintenant, nos attaques se sont lancées sans cet appui précis et précieux.

On dit que des instructions venues de haut ont rappelé aux exécutants cet élémentaire principe, l’infanterie n’aura plus qu’à entrer dans les brèches. Fasse le ciel que sa tâche devienne aussi facile ! J’en doute, je suis terriblement sceptique.

Les mitrailleuses tiennent de bien petites places pour ne pas passer à travers les gouttes et j’imagine qu’elles ne seront pas toutes noyées quand nous nous préparerons à accoster. Les bataillons de tête progressent, cependant que nous nous arrêtons, en réserve sous bois. A d’autres les soucis… Nous avons celui de la pluie qui nous suffit. On déploie les toiles de tente et, assis ou accroupis sous leur illusoire abri, on prend ses dispositions de nuit… on fait son lit ! Je ramasse quelques branchages fauchés par le bombardement des jours précédents, et je m’étends presque de volupté.

Au bout d’une heure, transit d’humidité, je me lève en maugréant, n’ayant plus que la ressource de faire les cent pas pour réagir. Nos patrouilles de liaison ont perdu la trace des unités d’attaque, il faut en conclure que celles-ci ont gagné du terrain. Peut-être que nos blessés d’avant-hier ont trouvé des sauveurs qui les ont guéris de la terreur d’être faits prisonniers. 

Le régiment est à Souain, il y restera. Ira-t-il plus loin ? C’est douteux : les crêtes au nord sont fortement tenues. L’artillerie ennemie tonne puissamment, nous sommes arrêtés sur tout le front de Champagne, de Reims, à l’Argonne. La poursuite est enrayée, la libération du territoire est ajournée. Nous restons en réserve.»

16 septembre 1914

Peu de changement. On signale que le bombardement des tranchées allemandes entraîne des coups de fusil tirés par les officiers allemands sur leurs fuyards.

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère» d'Henri René.  

« Nous sommes rassemblés dans le ravin de « la voie romaine », nous subissons un incessant bombardement. Nous sommes disposés par petits paquets et tâchons de nous confondre avec des tas d’avoine bottelée.

À chaque instant, nous attendons l’ordre de nous porter en avant, tant et si bien que nous négligeons une précaution élémentaire, celle de creuser des trous et de nous abriter derrière des parapets de terre. Toutes les imprudences se payent et notre immobilité nous coûte une cinquantaine d’hommes, stupidement tués ou blessés à ne rien faire.

À la nuit, nous rentrons sous bois. Des huttes s’y aménagent rapidement et, sur les toits de branches entrecroisées, les toiles de tente se raidissent d’humidité. Trois nuits de pluie ! On se sent perclus de douleurs. On patauge dans la craie visqueuse. On ressemble à des plâtriers. Les fusils sont rouillés, les mécanismes encrassés de boue blanche ne fonctionnent plus. Le moral est bas. »

17 septembre 1914

Même situation.
Il est 16 h 40, le 149e R.I. reçoit l’ordre d’attaquer le mamelon 155 en liaison avec la 86e division. Cette attaque est annulée.  Le régiment bivouaque sur place.

18 septembre 1914

Les positions occupées sont renforcées. Même situation, la canonnade continue. Le colonel Menvielle quitte le commandement provisoire de la 85e brigade. Il est remplacé par le général Dumezil commandant l’artillerie du 21e C.A..                                         

19 septembre 1914

Un ordre est donné à un détachement sous les ordres du lieutenant-colonel Escallon, composé d’un bataillon du 149e R.I. et d’un bataillon du 158e R.I., il doit occuper la lisière nord-ouest du bois de la cote 151 (1500 m nord- ouest moulin de Chantereine ).

À 4 h 00 les bataillons du 149e R.I. qui se trouvent dans  Souain sont attaqués par l’infanterie et cannonnés. Le 3e bataillon du 149e R.I. ne peut franchir la crête pour les appuyer. Les 2 bataillons coincés dans le village, d’abord dans la partie ouest, finissent par l’occuper en entier, en faisant subir à l’ennemi de grosses pertes.

Ils regroupent  120 prisonniers dans l ‘église. La situation reste critique toute la journée. Les munitions manquent et  il est impossible de se réapprovisionner. 

Le réapprovisionnement ne peut se faire que dans la nuit. Quand l’artillerie ennemie cesse, les blessés et les prisonniers sont évacués et le 3e bataillon le rejoint. 

                 Carte_postale_Souain__1_

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère» d'Henri René.

« À 6 h 00, réveil au son du canon et de la fusillade. Une nouvelle fuse : Le régiment est attaqué dans Souain. 

- Je transmets l’ordre : « 9e compagnie : avant-garde. Front d’engagement : l’est de la route, la droite au boqueteau 158 - 10e et 11e compagnies : formation échelonnée derrière la 9e compagnie. – 12e  compagnie : en réserve, en lisière du bois. »

Rien de grave tant que nous cheminons ainsi dans la dépression de la voie romaine. À la crête, dès qu’y arrivent les éclaireurs de la 9e compagnie, le tableau change : rafales serrées de 77, tirs d’enfilade de mitrailleuses venant du moulin de Souain à l’ouest et des bois à l’est. L’avant-garde, au lieu de reculer, se jette en avant et disparaît au-delà, mais nous voyons des corps inertes qui jalonnent son itinéraire et de nombreux blessés refluent vers nous.

Un moment après, c’est notre tour… Les canons et les mitrailleuses ennemies sont sur leurs gardes, des feux infranchissables nous barrent la route et nous infligent de lourdes pertes. Trois fois nous essayons, trois fois en vain. Le capitaine L...(Émile Laure)  nous ramène à 200 m en arrière, pour reconstituer les unités ébranlées et préparer une autre tentative. Il faut absolument passer.

Les bruits les plus alarmants nous parviennent par des isolés, de retour de Souain : ils disent que l’ennemi a attaqué avec des forces considérables, que nos camarades sont cernés, qu’ils demandent sans délai du secours et des renforts importants. 

Nouvelles vagues de tirailleurs lancées vers la crête, nouveaux échecs. 

De l’arrière, on nous croit mous ou fléchissant. On aiguille dans notre direction 2 compagnies de chasseurs, pour nous entraîner. Ils avancent, dans l’angle mort, en belle formation… Nous n’y mettrons pas d’amour-propre, s’ils font mieux que nous, on suivra ! Les voici. Ils se ramassent, les chefs de section donnent l’exemple, la ligne dangereuse est abordée au pas de course.

Le mouvement s’annonce bien, nous nous y joignons résolument. Soudain, toute une rangée s’écroule en même temps, sous une rafale d’enfilade de mitrailleuses…La vague est brisée… Le reflux arrête et repousse le flux… Les chasseurs rétrogradent loin, très loin… Nous retrouvons nos places et sommes de nouveau seuls… Il ne fallait pas croire que nous étions mous ou fléchissant ! 

Tragiques instants !Et nos camarades qui nous attendent….

L’obscurité va nous permettre de passer. Le capitaine commandant rassemble les survivants de cet engagement stérile et sanglant, et les achemine par la route vers le village. Nous tombons nez à nez sur une colonne arrivant en sens inverse. Quelqu’un s’écrie :

- En arrière, ce sont les Allemands ! 

C’est vrai… Mais prisonniers. 

Une compagnie les escorte. Les 2 premiers bataillons se sont dégagés par leur attitude hardie, grâce au sang froid de leurs chefs. Après un corps à corps dans les maisons et dans les rues, l’attaque a rebroussé chemin, laissant d’innombrables morts et plus de 100 prisonniers. Victorieux, le régiment se groupe sur le champ de bataille et, comme on disait autrefois, il va coucher sur ses positions. 

Autrefois, en pareil cas, on se reposait. Aujourd’hui, on continue. La bataille ne s’arrête jamais, les alertes succèdent aux alertes : les fantassins sont partis, les obus les remplacent, semant à distance, par représailles d’une affaire manquée, l’épouvante, la mort et l’incendie. Le village brûle. Les postes de secours émigrent de ruine en ruine, traînant derrière eux leur triste cortège de blessés. L’auto-canon est encore là, renversée, brisée, seul trophée de 3 jours de bataille. 

Le vainqueur du jour est le commandant F…(Henri François) du 2e bataillon. On se hâte vers son poste de commandement, à la maison d’école, pour lui offrir des félicitations émues. Quel soldat ! Petit, les yeux clairs, un nez fin et décidé, le teint coloré et exubérant de vie. La moustache blonde et éclatante de jeunesse, la voix fraîche et claironnante, un éternel sourire épanoui sur les lèvres. Ce soir, il est grisé d’émotion et de succès. Il vient de donner ses ordres : Le village est cerclé, les barricades sont dressées, les tranchées bien garnies, tout le monde à son poste….

Une constatation inattendue montre que notre bataillon a eu les pertes les plus lourdes. Aussi ne sommes-nous pas appelés au service des tranchées et nous casons nos unités dans les granges ou caves de la partie sud du village, prêtes à être alertées si besoin. 

Deux de nos commandants de compagnies manquent à l’appel : le capitaine S…(Henri Souchard),, de la 9e compagnie, qui a été grièvement blessé au moment où il entraînait ses éclaireurs vers l’avant, et le sous-lieutenant J…(Paul Jeannin), qui a eu une jambe cassée par un éclat d’obus. Le capitaine L…(Émile Laure) ne peut nous dissimuler sa tristesse de voir disparaître ainsi les deux derniers représentants des officiers du départ, et il pleure aux mauvaises nouvelles qu’on lui donne du capitaine S...(Henri Souchard), son meilleur ami du vieux bataillon du temps de paix ! 

Pendant une semaine, nous « tenons garnison ». Les occupations ne manquent pas : elles sont surtout d’ordre funèbre… »

20 septembre 1914

Nuit calme. Accalmie toute la journée. L’artillerie française donne efficacement.

21 septembre 1914

il n’y a pas de changement important au 149e R.I..

22 septembre 1914

L’ordre est donné au 149e R.I. dans Souain de se montrer agressif et de gagner si possible du terrain. Pour le reste de la brigade, organisation sur place et repos.

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d'Henri René.

« Un soir, le 22 septembre, si je me souviens bien, on signale la disparition du commandant F…(Henri François). C’est, pour nous tous une grande et douloureuse émotion. On ne doute pas qu’il n’ait commis une imprudence et, toute la nuit, on le cherche aux abords des tranchées.» 

23 septembre 1914

Une reconnaissance fait savoir que les tranchées en face du 149e R.I. sont garnies de fils de fer. La journée reste calme. Le 149e R.I. effectue des travaux de propreté et enterre les cadavres. L’artillerie allemande tire sur Souain. La  nuit est calme.

24 septembre 1914

Une attaque de la 43e  division et de la 60e division sur la cote 60 doit se déclencher. Le 149e R.I. agira dans la direction de Sainte-Marie-à-Py, en liaison avec les chasseurs de la 86e brigade. L’offensive commence à 9 h 00 et se poursuit jusqu’à la nuit. L’artillerie ennemie se tait grâce à la nôtre. La progression du 149e R.I. est très lente sous le feu. La  nuit est calme. 

25 septembre 1914

Matinée calme. À 15 h 00, ordre de vigilance, une action ennemie est à craindre. À 18 h 00, une violente canonnade se produit sur Souain. À 18 h 30, l’infanterie attaque. La canonnade ralentit à la tombée de la nuit. 

26 septembre 1914

Matinée calme. Le commandant François du 2e bataillon est retrouvé mort d'un éclat. 6 h 30. Le 17e C.A. subit une violente attaque. L'ennemi est arrêté par l'artillerie. Les tranchées de la cote 155 sont abandonnées dans la journée par 2 sections du 149e R.I. qui les avaient occupées. Elles sont reprises la nuit. Le 158e R.I. est engagé. 

Extraits du livre " jours de gloire, jours de misère" d'Henri René.

« Vers le matin seulement, un de ses officiers songe à monter au grenier de la maison d’école : sur la dernière marche, un corps inerte gît, la tête fracassée, inondé de sang, c’est notre malheureux commandant F…(Henri François)  ! Il a été frappé à son poste, en pleine activité, au travers de la mansarde qui lui avait servi d’observatoire à la fin du jour, pour y surveiller le front, pour s’assurer que nous pouvions dormir tranquilles. C’est une belle fin, il n’en eût pas rêvé d’autre s’il avait dû choisir…

Il avait tant souhaité, cependant, ne pas être arrêté dans sa course à la victoire ! Nous lui faisons de pieuses obsèques, les plus anciens officiers de régiment se disputent l’honneur de le porter eux-mêmes jusqu’à sa dernière demeure. Le colonel prononce sur sa dépouille une allocution touchante et l’on se dit « à Dieu »… 

Le haut commandement a les yeux sur nous. Il vient de nous le faire savoir par la plus belle citation à l’ordre de l’armée que le régiment ait encore connue. Il peut être tranquille : Souain tiendra. Peu à peu, nous nous organisons comme dans une place forte assiégée, mobilisant toutes les ressources, faisant face aux évènements prêts à subir les privations ; les fatigues et les bombardements, pleins de confiance.

Nos troupiers s’ingénient : ils soignent les vaches dans les caves. Ils décomptent le petit bétail. Ils rassemblent les lapins et les pigeons égarés. Ils retournent les champs de pommes de terre… Même encerclés, nous ne mourrons pas de faim. Les cuisines s’installent dans les foyers effondrés, le plus près possible des entrées de caves afin que, au premier sifflement d’obus, on puisse disparaître.

Les hommes ont été tellement sevrés d’aliments chauds, depuis longtemps, qu’ils mettent à ce jeu l’audace la plus étonnante : j’en vois qui sont assis sur les marches de l’escalier. Leur marmite bout, ils flattent des yeux leur rata. Ils le tournent amoureusement avec un bâton d’une propreté douteuse… 

Ils s’éclipsent par une descente rapide pour laisser passer l’explosion. Ils reviennent à leur pot-au-feu, et le manège se poursuit, tragique et comique tout à la fois. Quelques-uns meurent à leur poste, sans que l’incident (la mort n’est plus qu’un incident) décourage les autres. La chasse aux vieilles ferrailles leur a fait découvrir des moules à gaufres, ils se passionnent à cette fabrication et, d’une pâte horriblement fade de farine et d’eau, sans sucre, ils tirent des gaufres par douzaines. C’est très mauvais, mais c’est une apparence de friandise.

Notre tour est venu de monter la garde et nous nous alignons dans les tranchées. Elles sont bien maigres et bien imparfaites. Nous ne voulons pas admettre que ce puisse être définitif, et nous nous contentons de cette demi-mesure en attendant que la situation stratégique se soit modifiée. Ah ! Non ! L’immobilisation ne saurait être notre sort, au lendemain de ces longues journées de marches et de fatigues, et nous savons que dans le nord, vers la Somme, de nouvelles armées continuent la manœuvre de la Marne.

Le barrage défensif que les Allemands ont tenté de nous opposer sur l’Aisne tombera par débordement et l’heure n’a pas encore sonné de nous enfouir dans le sol comme des taupes. Les nuits sont agitées. Les patrouilles se heurtent. La danse des ombres peuple l’imagination des guetteurs. Nos soldats n’ont pas acquis, jusqu’à maintenant, « le sang froid de l’homme de guerre » et les fausses alertes se succèdent presque sans interruption.

De terribles fusillades se déclenchent, les Allemands éclairent le terrain avec des fusées (détail pratique qui nous est encore inconnu), et la plupart du temps, ce sont fantasmagories pures. Les sentinelles à la barricade du nord rendent compte affolées qu’une « grosse colonne d’attaque s’avance par la route »… On va voir… C’est un troupeau de vaches errant d’un front à l’autre ! »    

27 septembre 1914

Le bombardement de Souain continue avec un mortier de 210. 20 h 00 : violente fusillade sur tout le front du 21e C.A. jusqu'à la hauteur du moulin de Souain. L’artillerie continue de canonner devant la 86e brigade.                                  

28 septembre 1914

La fusillade et la canonnade reprennent dès le début du jour et se poursuivent toute la journée.

Dans la nuit, le 2e bataillon revient cantonner à Suippes pour se reposer. Il amalgame un renfort de 500 hommes et de 4 officiers du 115e R.I.T. de Marseille, ainsi que 2 lieutenants de l’active, blessés en début de campagne, et un officier russe engagé pour la durée de la guerre. 

Deux voitures chargées d’outils et de fil de fer sont envoyées pour faire des travaux de terrassement Les mouvements sur la route entraînent une violente canonnade. Quelques fusillades dans la soirée. La nuit reste calme.

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère» d'Henri René. 

« On s’use vite à  ce régime, et, privés de sommeil, nous voilà de nouveau épuisés. La charge s’alourdit cependant le 28 : le gros du régiment est retiré et on confie à notre bataillon la défense du village. Nous ne sommes pas contents du tout et passons une journée maussade. » 

29 septembre 1914

Même monotonie d’événements. Le 149e R.I. signale que l’ennemi renforce ses tranchées.

Extraits du livre « jours de gloire, jours de misère» d'Henri René. 

« Le lendemain, le moral remonte, à la nouvelle que nous partons aussi. On ne sait, ni pour où, ni pour quoi, on est heureux tout de même : on ne tient plus en place, on en a assez de ce coin de Champagne où les horizons sont bornés à 100 m par des crêtes qu’occupe l’ennemi. Partons, partons vivement. Surtout, n’alarmons pas les tranchées opposées, pour qu’il ne prenne pas à quelque attaque la fantaisie de sortir et de nous immobiliser à l’heure de la délivrance !

Il fait un clair de lune radieux… « Un clair de lune allemand » … Nous avons tout préparé  pour passer  minutieusement la consigne à nos successeurs, nous ne voulons pas qu’ils aient à nous retenir une seconde… Ils n’arrivent pas, on s’impatiente. Pas un coup de fusil. C’est la sérénité des beaux soirs d’automne, un souffle de poésie court sur la pestilence des charniers. Vers le ciel, des tranchées ennemies, la pieuse harmonie d’un « lied » s’élève doucement : le chant, d’abord plaintif, se hausse peu à peu en accords plus puissants, puis devient une prière grandiose ; son rythme mélancolique semble évoquer la communion des vivants et des morts dans le même sacrifice.

Voilà la relève. Notre monôme se déroule à travers les ruines et la lune projette sur les pierres le silencieux cortège de nos ombres. La chanson s’éloigne et le chœur de nos ennemis pleure en sourdine les souvenirs communs que notre hospitalité fit naître dans ces champs d'horreur.» 

30 septembre1914 

Le général reçoit, à  1 h 00 du matin, un l’ordre verbal du 21e C.A. (confirmé ensuite par écrit). Il doit attaquer vers Source-de-l’Ain avec un groupement  composé de la manière suivante : Un bataillon du 17e R.I., un bataillon du 109e R.I., un bataillon du 21e R.I. réserve de C.A. + un bataillon du 149e R.I., cantonné à Suippes pour empêcher l’ennemi de retirer des forces de leurs lignes de combat. 

1er octobre 1914

Un avis  est donné à la brigade. Elle embarquera avec le 21e  C.A.. Dans la soirée elle gagne Veuve. Arrivée à midi.
Le 158e R.I. arrivant de Mourmelon-le-Petit est arrivé depuis 9 h 00. Le 149e R.I.(2 bataillons) y arrive à partir de 14 h 00. Un bataillon est resté à Souain. Départ de la brigade à 18 h 00 pour embarquerà Châlons-sur-Marne. 

Sources :

J.M.O. de la 85e brigade : série 26 N 520/9 et 26 N 520/10.

« Jours de gloire, jours de misère », livre de Henri René, éditions Perrin. 1917.

La carte postale représente la 12e compagnie du 149e R.I. en 1913. 

Remerciements :

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

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