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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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1 novembre 2019

Charles Justin Damideau (1879-1915)

Charles Justin Damideau

 

Charles Justin Damideau voit le jour le 3 décembre 1879 à Trémonzey, une commune située au sud du département des Vosges, à la frontière de la Haute-Saône. Ce jour-là, sa mère, Marie Anne Catherine Royer, accouche de jumeaux, le second fut prénommé François Henri. Cette femme élève déjà trois enfants, deux garçons et une fille. Elle a également donné vie à un garçon qui n'a pas survécu à sa première année.

 

Le père, Charles Del Joseph, travaille comme manœuvre. Les parents sont tous deux âgés de 34 ans lorsque les actes de naissance sont enregistrés à la mairie de Trémonzey.

 

Le 31 janvier 1885, l’unique fille de la fratrie, Marie Berthe, décède à l’âge de 12 ans. Charles Justin et François Henri ont fêté leur 6e anniversaire quelques semaines auparavant.

 

Le frère aîné, Henri François, a plusieurs fois affaire à la justice. Celle-ci le condamne à trois reprises à des peines de prison pour des faits de violence. Le moment venu des obligations militaires, Henri François ne se présente pas devant le conseil de révision qui le déclare d’office bon pour le service armé. Envoyé au Tonkin, il y meurt à l’âge de 22 ans. Charles Justin et François Henri ont 9 ans.

 

Le second, Luc Joseph, est condamné à deux mois de prison pour filouterie d’aliments par le tribunal correctionnel de Versailles, en février 1896.

 

Charles Justin et François Henri quittent l’école communale en sachant lire, écrire et compter comme le confirment leurs fiches signalétiques et des services avec leur degré d’instruction de niveau 3. 

 

L’heure de porter l’uniforme approche pour les jumeaux en 1899. Le tirage au sort, qui définit le nombre d’années à passer sous les drapeaux, est moins favorable pour Charles. Avec sa boule n° 93, il en prend pour trois ans. Son frère est beaucoup plus « chanceux » avec son n° 38, il pourra retourner à la vie civile au bout d’une année de service actif.

 

Le 14 novembre 1900, François Henri est incorporé au 109e R.I., une unité qui possède son dépôt dans la ville de Chaumont. Deux jours plus tard, c’est au tour de Charles de se présenter devant le portail de la caserne. Il s’est rendu à Belfort pour rejoindre les effectifs du 35e R.I.. C’est probablement la première grande séparation pour les deux frères.

 

Charles Damideau a l’opportunité de suivre les cours de l’école des caporaux durant sa longue période de service. Il est nommé dans ce grade le 4 juin 1901. Le 8 décembre, il obtient l’autorisation de coudre ses sardines de sergent sur sa tenue militaire.

 

Est-ce à cette période qu’un tatoueur lui a encré un lion entouré de laurier sur l’avant-bras droit ?

 

Le 16 septembre 1903, le jeune homme est envoyé dans la disponibilité. Il repart aussitôt vivre dans son village natal. Mais l’ancien sergent ne s’adapte pas à cette nouvelle existence. Moins d’un an après avoir clôturé ses trois années de service, il se présente devant le sous-intendant militaire d’Épinal avec un formulaire de rengagement dûment rempli. Cet acte, signé pour une durée d’un an, prend effet à compter du 8 août 1904.

 

Cette fois-ci, il a la possibilité de choisir son unité d’affectation. Charles Damideau intègre une des compagnies du 4e bataillon du 149e R.I.. Il retrouve ainsi son quotidien de sous-officier qui semblait tant lui manquer. Les contrats vont se succéder.

 

Le 8 août 1904, Charles est envoyé à la 12e compagnie du régiment.

 

Un second rengagement de deux ans, prenant effet à la date anniversaire d’échéance du premier, est enregistré dès le 28 octobre 1904.

 

Le 10 novembre, Charles apprend qu’il est affecté  à la 3e compagnie du 149e R.I..

 

Le sergent Damideau entre dans la catégorie des sous-officiers rengagés avec prime à partir du 12 avril 1905. En février 1907, il reçoit l’ordre de rejoindre la 4e compagnie du régiment.

 

Un troisième contrat de quatre ans est validé le 5 juin 1907.

 

Charles Damideau exerce les tâches de sergent-fourrier entre le 30 septembre 1907 et le 27 janvier 1909. Il quitte les écritures et les chiffres pour retrouver son rôle de chef d’escouades aussitôt après cette date.

 

Le 11 décembre 1910, il retrouve les fonctions de « plume et d’encrier » en étant sergent-major.

 

Un quatrième rengagement de trois ans voit le jour le 4 août 1911. Le 19 juin 1914, Charles signe de nouveau pour deux années et deux semaines.

 

Le sergent-major Damideau est promu adjudant le 1er juillet 1913.

 

Le 10 février de l’année suivante, il épouse Marie Jeanne Louise Hayotte à Trémonzey, une brodeuse âgée de 33 ans qui est originaire du Val-d’Ajol. La vie paisible du temps de paix est sur le point de s’arrêter.

 

Tremonzey

 

Les relations avec l’Allemagne s’enveniment de plus en plus. L’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 sert de prétexte pour déclencher un conflit armé. Le jeu des alliances entre nations conduit l’Europe au bord d’une catastrophe humaine sans précédent.

 

Le 149e R.I. qui est un régiment de couverture doit envoyer son 1er échelon vers la l’Allemagne dès le 1er août 1914. La guerre n’est pas encore déclarée officiellement. Le 2e échelon suit 3 jours plus tard. Beaucoup se préparent à gagner la frontière franco-allemande en s’imaginant que la guerre ne va pas durer trop longtemps. Chimère !

 

Après plusieurs jours de marche, le régiment spinalien engage son premier combat. Celui-ci a lieu du côté du village de Wisembach, au Renclos-des-vaches, le 9 août 1914.

 

Ce jour-là, l’adjudant Damideau encadre sa section de la 4e compagnie. Cette compagnie, qui se trouve sous les ordres du capitaine Altairac, est engagée dans l’attaque. Charles sort indemne de cette expérience du feu. 

 

Pour en savoir plus sur les événements vécus par les hommes de la 4e compagnie au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

La Chaume de Lusse

 

Le 21 août 1914, Charles Damideau est blessé d’un éclat d’obus à la tête durant les combats qui eurent lieu au nord d’Abrechviller. Touché dans la région occipitale, il souffre également de fortes contusions à la jambe gauche et au poignet gauche.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Carte 1 journee du 21 aout 1914

 

Évacué en dehors de la zone des armées, il est pris en charge par les médecins de l’hôpital de Moulins.

 

Le 2 septembre 1914, il apprend qu’il est nommé sous-lieutenant à titre temporaire.

 

Charles quitte la préfecture de l’Allier le 26 septembre pour rejoindre le dépôt du 149e R.I. tout juste installé à Rolampont.

 

Le sous-lieutenant Damideau laisse le dépôt derrière lui le 31 octobre 1914 pour rejoindre son ancien régiment qui combat maintenant en Belgique.

 

Le 5 novembre 1914, il prend de manière provisoire le commandement de la 4e compagnie.

 

Le 2 février 1915, le lieutenant-colonel Gothié rédige à son sujet la note suivante dans le feuillet du personnel : « Ancien adjudant de compagnie énergique et très brave. A fait campagne depuis le début jusqu’à Abreschviller où il a été blessé et évacué. A rejoint le régiment en Belgique où il a commandé sa compagnie comme sous-lieutenant à titre temporaire dans des conditions difficiles. Excellent officier qui mérite d’être maintenu. »

 

Le 14 février 1915, Charles Damideau est de nouveau blessé. Cette fois-ci c’est l’éboulement d’une partie du château de Noulette, qui en est la cause.  Ce jour-là, l’artillerie allemande fait s’écrouler une partie des ruines de cet édifice qui perfore le plafond d’une des caves abritant deux sections de la 4e compagnie. Les hommes sont ensevelis. Le lieutenant-colonel Gothié envoie de suite deux équipes de travailleurs avec pelles et pioches pour les dégager. Il demande également le concours de l’artillerie pour arrêter le feu ennemi. Le sous-lieutenant Damideau a de la chance, il fait partie des premiers à revoir le jour.

 

Il est touché à la tête. Son poignet gauche est foulé. Il est victime d’une forte commotion et le diagnostic est réservé.

 

Le sergent Paul Monne évoque l’évènement dans son témoignage qui peut se lire en cliquant sur l’image suivante.

 

Sergent Paul Monne

 

« … Au château, il ne restait plus que des pans de mur, il avait été incendié au cours des premiers combats. Les sous-sols et les caves voûtées étaient restés intacts. Ils servaient d’abris aux soldats qui quittaient la 1ère ligne pour venir se reposer en 2e ligne.

 

Nous restions 48 heures en 1ère ligne et 48 heures en 2eligne. (Bois 6 et sous-sols du château) et enfin 48 heures de grand repos à Aix-Noulette, Noeux-les-Mines.

 

Je signale en passant qu’il n’y avait pas de fontaines, pas de W.C., tout se faisait dans la mare. C’est même là que les cuisiniers venaient chercher l’eau pour faire le café.

 

Les soldats français toujours imprudents sortaient de leur abri pour venir s’ébattre à l’extérieur du château, sans se préoccuper s’ils étaient vus par les Allemands qui étaient sur la crête.

 

Les observateurs allemands les ont aperçus. Aussi, le 14 février 1915, l’artillerie a bombardé violemment le château avec de gros obus.

 

Malheureusement, sous le poids des hautes murailles et les obus de gros calibre, quelques voûtes se sont effondrées et ont enseveli une partie des soldats de notre 4e compagnie.

 

Les survivants des caves épargnées ont voulu aussitôt dégager leurs camarades qui étaient sous les décombres. Douze ont été trouvés morts. »

 

Charles est envoyé à Paris pour y être soigné. Il quitte l’hôpital le 30 mars 1915, bénéficiant d’une convalescence d’un mois. Il est au dépôt du 149e R.I. le 1er mai, dépôt qu’il quitte le 24 juin pour rejoindre deux jours plus tard la ligne de front.

 

Le lieutenant-colonel Gothié lui donne le commandement de la 6e compagnie de son régiment dès son arrivée.

 

Suite à une décision prise par le général commandant en chef, le 3 septembre 1915, le sous-lieutenant Damideau est nommé lieutenant à titre temporaire. Cette promotion ne lui fut pas favorable bien longtemps.

 

Le 26 septembre 1915, le 149e R.I. poursuit une offensive commencée la veille qui doit lui permettre la prise du bois en Hache. Le lieutenant Damideau est mortellement blessé au cours d'une attaque.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante. 

 

Carte 1 journee du 26 au 27 septembre 1915n(2e partie)

 

Quelques semaines après le décès du lieutenant Damideau, le lieutenant-colonel Gothié écrit ceci : «  Revenu sur le front à peine guéri, a pris le commandement de la 6e compagnie qu’il a assuré avec beaucoup d’énergie et d’autorité. Blessé mortellement au combat du 26 septembre devant Angres, a été proposé pour une citation. »

 

Citation à l’ordre de la 10e armée n° 121 en date du 21 octobre 1915.

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, a été tué à la tête de sa compagnie en l’entraînant à l’attaque des tranchées allemandes après un bombardement des plus violents. Excellent commandant de compagnie, très courageux, avait déjà été blessé au cours de la campagne. »

 

Le nom de cet officier est inscrit sur le monument aux morts et sur la plaque commémorative posée à l’intérieur de la petite église de la commune vosgienne de Trémonzey.

 

Il n’y a pas de descendance connue pour le couple Damideau. Le frère jumeau de Charles est sorti indemne du conflit.

 

Pour connaître la généalogie du lieutenant Damideau, il suffit de cliquer une fois sur le logo suivant.

 

Geneanet

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à  É. Jeannel, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

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