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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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28 décembre 2018

Un témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez (9e partie) Derniers préparatifs avant l’attaque de la Malmaison.

Sous-lieutenant Paul Douchez

Les hommes de la 9e compagnie du 149e R.I. se préparent à remonter en 2e ligne dans le secteur nord-est de la ferme Volvreux. Cette fois-ci, ils vont devoir s’équiper lourdement.

La compagnie Claudin est installée avec la 10e dans une carrière aux Volvreux en attendant de rejoindre, quelques heures avant le déclenchement de l’attaque de la Malmaison, l’emplacement qui lui a été assigné.

20 octobre 1917

De Billy-sur-Aisne, nous allons en 2e ligne aux Volvreux. Les 9e et 10e compagnies, le petit E.M. la 3e compagnie de mitrailleuses, les brancardiers, etc… soit environ 400 hommes, sont entassés dans une carrière. La moitié dispose de « cadres ». Une cloison crée un dortoir-réfectoire pour les officiers de la compagnie. Une autre est réalisée pour l’E.M.. Des sacs, à terre, forment notre couche. Berteville dort sous la table, et moi-même à côté.

Dans cette atmosphère, lourde et viciée, les bougies s’éteignent. Les hommes sont pris de vomissements, je souffre de la tête. Deux ventilateurs sont là, mais il manque, paraît-il, des bouts de tuyaux pour pouvoir les mettre en action.

Carte_1_journee_du_20_octobre_1917

Le 2e jour, nous crevons la voûte. Par ce puit, il sort continuellement une épaisse colonne de vapeur, sans que nous trouvions un soulagement sensible. Notre respiration condensée retombe sur nous en gouttes d’eau. Les hommes s’obstinent à obstruer les deux entrées entre lesquelles pourrait s’établir un salutaire courant ; ils y restent groupés, à trois ou quatre.

Respirer dehors est dangereux. Les accès sont vus des chenilles et des P.O., auxquels nous aurions avantage à cacher notre présence. En dépit d’une consigne formelle, les abords sont constamment animés. Nous ne tardons pas à avoir plusieurs tués.

Derrière nous, il y a des 75. Notre aspirant, en séjour au C.I.D. y a été affecté,  après une brève instruction, comme chef de pièce. Un obus éclate à l’intérieur du canon. Il est tué ainsi que deux autres servants.

Claudin et moi, nous allons nous découvrir devant son jeune corps mutilé. C’était notre meilleur gradé.

Des pièces lourdes sont en contrebas de ces batteries. Nous nous complaisons à suivre, à l’œil nu ou à la jumelle, la trajectoire de ces gros obus qui martèlent les premières lignes adverses. Le résultat de ce travail préparatoire est tel que nos soldats des 1ère lignes, hors de la tranchée jusqu’à mi-corps, le contemplent impunément, sans qu’un ennemi se risque à tirer.

Nous voyons exploser nos récents 400 sur le fort de la Malmaison.

Nos patrouilles nocturnes trouvent détruites et abandonnées les tranchées avancées. Mais en se retirant au petit jour, elles aperçoivent les détachements ennemis qui viennent les réoccuper !

Sous cet orage, contre lequel leur artillerie ne réagit que faiblement, soit par paralysie soit parce qu’elle se retire en prévoyance d’un recul, la valeur combative de notre adversaire reste forte. La nuit, les détachements ennemis parviennent, à deux endroits, à nous enlever des hommes pour se procurer des informations.

Des déserteurs vont aussi leur fournir des renseignements très précieux pour eux, grâce auxquels ils pourront nous rendre plus ardue et plus meurtrière l’action imminente.

La préparation d’artillerie s’étant révélée insuffisante, surtout à notre droite, au fort de la Malmaison, l’attaque est remise du 21 au 22 puis au 23 octobre.

21 octobre 1917

La 9e compagnie est commandée pour faire une patrouille. Il faut désigner un officier, un sous-officier et douze hommes, tous volontaires. La mission est de reconnaître, dans la tranchée du Blocus, face à notre front de départ, l’état de destruction de cette tranchée et son abandon présumé.

Tranch_e_du_Blocus

Le sous-lieutenant Berteville s’offre spontanément. Mais, sur ma demande, nous tirons à la courte paille. Le sort le désigne.

Berteville exécute sa mission sous la protection d’un barrage dit d’encagement.

Dans le même temps, je dirige le nettoyage des boyaux envasés que nous aurons à suivre pour gagner nos emplacements de départ.

22 octobre 1917

Le lieutenant Claudin, le sous-lieutenant Berteville, moi et deux sergents de la 9e compagnie ainsi que le sous-lieutenant Reigneau de la 3e compagnie de mitrailleuses, nous allons reconnaître notre position de départ qui est établie entre la « tranchée des territoriaux » (derrière) et la « tranchée nouvelle » (devant). Elle est lamentable, à peine assez profonde, et si étroite, que, non seulement on ne peut s’y croiser, mais aussi, grâce au bagage d’assaut, on racle les parois boueuses d’un bout à l’autre. Il en est de même pour le boyau C2 qui y accède.

Le sous-lieutenant Reigneau est chargé de nous accompagner pendant l’assaut avec deux pièces, jusqu’au ravin des Vallons.

Il n’y a pas d’abris, nulle « place d’armes » pour les croisements, nul gradin de franchissement. Où sont les principes ressassés sur l’organisation d’un secteur d’attaque ?

L’officier supérieur chargé des travaux a sans doute jugé qu’ils ne valaient pas un dérangement personnel. Les officiers qui avaient reçu l’ordre d’exécuter les travaux s’en sont désintéressés. Les travailleurs, qui n’utiliseront pas ses parallèles, et ne se voyant pas surveillés, ont expédié la besogne au plus vite et au plus mal. Comme toujours, en pareil cas, peu leur importe le massacre de leurs camarades, pourvu que leur paresse soit satisfaite.

L’ennemi, inquiet, commence à faire tirer son artillerie sur ce fossé. Il est visible que son tir n’a pas pu être réglé. S’il en était autrement, notre compagnie aurait été anéantie dans cette soi-disant parallèle, avant que ne soit arrivée l’heure de l’assaut.

Par contre, le boyau C2, déjà ancien et pris d’enfilade, reçoit en plein coeur des projectiles. Au retour, nous trouvons des éboulements qu’il n’y avait pas à l’aller. Les parapets du boyau sont copieusement servis. Durant ce retour, il nous arrive des obus à gaz « moutarde », toxiques, tout récemment mis en usage, avec lesquels nous faisons connaissance.

Cela me vaut la perte d’un pince-nez que j’ai posé sur une berne avant de mettre mon masque. Je l’oublie en partant.

Disposition générale avant l’attaque 

Front d’attaque : 12 kilomètres

Axe du 149e R.I. : Gauche du fort de la Malmaison, origine du chemin des Dames, le bois de la Belle-Croix, le bois des Hoinets, la route du Point du jour comme objectif extrême.

Dispositif du régiment :

1er bataillon : Départ de la « Tranchée Nouvelle »

Mission :

  1. Enlever les premières lignes.

  2. Se fixer et se retrancher à hauteur de la route Paris-Maubeuge, direction sud-nord.

3e bataillon :

Départ de la parallèle (cent mètres derrière la Tranchée Nouvelle).

Mission :

  1. Arrêt dans les organisations de premières lignes ennemies après leur franchissement par le 1er bataillon.

  2. Dépasser le 1er bataillon et conquérir le terrain jusqu’à la route du Point-du-Jour.

Soit une progression supérieure à 3, 5 kilomètres.

Tanks : Quatre Saint-Chamond précèdent le régiment.

Liaisons : À gauche : le 109e R.I.

                À droite : le 158e R.I.

Répartition de ma compagnie (la 9e)

1ère et 4e sections (la mienne) : dans la parallèle de départ.  À ma droite, une section de la 2e compagnie de C.M..

2e et 3e sections : dans la tranchée des Territoriaux.

1ère phase : (1er bond)

Départ général simultané à l’heure H.

Le 3e bataillon, à l’allure accélérée, ira se coller au 1er bataillon, après avoir franchi la zone où s’abattra le barrage ennemi, avant son déclenchement. Il reprendra alors sa distance (une centaine de mètres) en s’échelonnant comme suit :

pointe de ma section (4e) en ligne de demi-sections :

1er arrêt dans la tranchée allemande des Épreuves. Éventuellement, renforcer la 1ère vague, qui se trouverait avoir rencontré une forte résistance et l’aider à forcer l’obstacle.

Immédiatement derrière, à droite, la section de mitrailleuses. À gauche, la 1ère section. 1er arrêt dans la tranchée allemande des Lassitudes.

Derrière encore : 2e et 3e sections.

Le commandant de la compagnie et sa liaison au centre.

Au premier arrêt, je devrai reconnaître, en avant du 1er bataillon, un emplacement pour le départ de ma section pour le 2e bond et le faire jalonner par quelques hommes. Je devrai ensuite y porter ma section, derrière laquelle, viendront se placer les autres sections de la compagnie, qui prend ainsi la tête de l’attaque.

J’ai obtenu spontanément du commandant de compagnie l’honneur de conduire cette affaire en ce qui concerne le front de notre régiment et plus difficilement du sous-lieutenant Berteville qu’il m’en abandonnât les risques d’abord revendiqués par lui.

2e phase : (2e bond)

À l’heure H : Départ du 3e bataillon, ma compagnie est en « losange ».

1ère vague : ma section qui devra briser toutes les premières résistances, sur un front d’un peu plus de 200 mètres (avec 32 hommes, gradés compris, non prévues les pertes subies à ce moment) disposition en tirailleurs à 7 m.

Échelon droite : section Berteville (1ère)                      

Échelon gauche : l’une des deux autres sections  en lignes de demi-sections

Queue : la section restante

La section de mitrailleuses utilisant au milieu le terrain.

Tenue d’assaut :

Le bagage est énorme. D'abord, les armes : F.M., tromblons, fusils, baïonnettes, pistolets, cartouches, chargeurs de FM..

En plus, tout le monde porte :

des grenades offensives et défensives,

1 outil portatif,

2 masques : un en boîte de métal, l’autre pendu au cou,

2 grandes boîtes en métal protégeant les deux jours de vivres contre les gaz « moutarde »,

2 litres d’eau, de vin, ou de café,

2 petits sachets à délayer dans ¼ d’eau en cas d’absorption de gaz !!! (3 grammes de bicarbonate de soude),

2 musettes, non comprises les musettes spéciales des F.M.,

2 paquets de pansements,

1 couvre-pied en sautoir contenant la toile de tente et la vareuse,

L’attaque a lieu en capote.

Il y a d’autres matériels à porter, il faut répartir dans chaque section :

205 fusées, bengales, cartouches-signaux de toutes couleurs pour tromblon et pistolets spéciaux,

2 pistolets lance-fusées et un tromblon,

12 panneaux de signalisation pour avions,

Je renonce à contraindre mes hommes à emporter :

des grenades incendiaires, dont une sur douze en moyenne fonctionne ! (Combien touchent donc sur ces grenades les contrôleurs aux munitions ?)

Les sacs à terre prescrits,

La cuirasse ventrière, etc…

Pour moi, je n’ai pas d’outil, mais j’ai en plus mon caoutchouc, un porte-carte contenant les multiples cartes et plans, distribués jusque dans la « creute », un dossier pour C.R. et topos.

J’ai une canne à la main droite, la boussole lumineuse dans la gauche, le révolver dans sa gaine.

Sous un tel attirail, qui nous fait ressembler à des toupies hollandaises, tout se complique. Laisser pendre les bras, plonger une main dans une poche, atteindre ses paquets de pansements, circuler dans les boyaux sont autant de problèmes complexes. S’y croiser est impossible. Cependant, il faudra ainsi franchir le parapet, courir, sauter tranchées et entonnoirs, tomber et se relever, se coucher, monter, descendre, se battre enfin… Tous ces accessoires sont utiles, tous peuvent devenir indispensables, non seulement au succès de l’opération, mais aussi à la conservation individuelle.

La « préparation »

L’intensité de la préparation d’artillerie n’a jamais encore atteint ce degré au cours de la guerre. Dans une conférence faite aux officiers, elle a été donnée comme une préparation type. Placés en ligne,  le nombre des  canons serait d’un par 5 m. Que l’on s’imagine, si  l’on peut, environ 2400 pièces d’artillerie, allant du 75 au 400, tonnant jour et nuit, sans parler de la réplique et des engins de tranchée.

À la destruction des positions, à la neutralisation des batteries adverses, doit succéder, pendant une minute, un tir de roulement redoublé, suivi du départ des vagues.

Ces dernières règleront leur allure sur un « barrage roulant » qui les précédera, à raison de 100 m toutes les 3 minutes, accompagné d’un barrage aérien de shrapnells destinés à atteindre les trous d’obus organisés.

Le prochain extrait des notes de Paul Douchez vont nous plonger au cœur de l’action de sa compagnie qui attend ses ordres pour gagner ses emplacements de départ.

Sources 

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

21 décembre 2018

Gaston Gustave Adolphe Louis Prenez (1880-1952).

Gaston_Prenez

Enfance et jeunesse

Originaire du département du Doubs, Gaston Gustave Adolphe Louis Prenez voit le jour le 5 août 1880. Ses parents ont vécu plusieurs années à Méziré. Ils sont maintenant installés au Rondelot, un hameau dépendant de la commune de Fesches-le-Châtel. Sa mère, Eugénie Coury, 33 ans, élève déjà plusieurs enfants. Son père, Louis, travaille comme contremaître de fabrique dans une des usines des frères Japy, un établissement qui produit essentiellement des articles de quincaillerie. Louis a le même âge que son épouse.

Genealogie_famille_Prenez

Gaston termine sa scolarité obligatoire en maîtrisant parfaitement les bases de la lecture, de l'écriture et du calcul avant de rejoindre le monde du travail.

Lorsque l’heure des obligations militaires arrive, Gaston Prenez se présente devant le conseil de révision d’Audincourt qui le classe dans la 1ère partie de la liste.

Déclaré bon pour le service armé, il apprend, quelques semaines avant de partir pour le régiment, que son numéro de tirage au sort ne lui a pas été favorable. Le tirage au sort est encore en pratique à cette époque. Il fut supprimé par la loi du 21 mars 1905. Gaston Prenez va maintenant devoir porter l'uniforme pendant trois ans.

Au 149e R.I..

Le 15 novembre 1901, le jeune homme est à Épinal. Il intègre les effectifs d’une des compagnies du149e R.I..

Gaston Prenez met à profit cette longue période sous les drapeaux pour acquérir les premiers grades militaires.

Autorisé à suivre les cours de l’école des caporaux, il obtient ce grade le 25 septembre 1902.

Un an plus tard, Gaston Prenez découd ses deux chevrons rouges de caporal pour les remplacer par une « sardine » de sergent. Nous sommes le 27 septembre 1903. Désireux de poursuivre une carrière militaire, il signe un contrat de deux ans le 1er novembre 1904.

Il occupe ensuite les fonctions de sergent-fourrier, fonction de plume, entre le 6 juin 1905 et le 20 avril 1907. Au cours de cette période, il se réengage pour la seconde fois.

Le 4 juin 1907, Gaston Prenez épouse Marceline Marguerite Gietmer, une Spinalienne âgée de 17 ans.

Toujours satisfait par la vie de caserne, il signe à nouveau pour trois ans. Cet engagement contracté le 11 octobre 1906, débute le 1er novembre.

Gaston Prenez retrouve son poste de sergent le 21 avril 1907. Il remplace ses deux chevrons accolés couleur or par un chevron de la même teinte, laissant derrière lui les registres administratifs et de comptabilités.

Il signe à nouveau, une première fois pour deux ans, le 18 septembre 1909, puis une seconde fois, pour cinq ans, le 6 octobre 1911.

Le 1er juillet 1913, le sergent Prenez poursuit sa progression dans l’échelle des grades en devenant adjudant.

Période de guerre

Juillet 1914, la paix établie depuis 1871 avec l’Allemagne est en train de s’éffriter. De nouvelles hostilités sont à craindre. À cette période, l’adjudant Prenez est sous l'autorité du capitaine Cadeau, à la 12e compagnie du régiment.

Revenu précipitamment des manœuvres organisées au Valdahon, le 149e R.I. s’apprête à se rendre sur ses emplacements définis par le plan XVII (plan de mobilisation et de concentration des troupes françaises).

Tous les régiments cantonnés à proximité de l’Allemagne reçoivent l’ordre de se diriger vers la frontière, avant même la déclaration de la guerre. Ils ont pour mission de contenir une éventuelle attaque ennemie qui pourrait avoir lieu durant la période de mobilisation de l’armée française.

Le 1er août 1914, le 149e R.I. se rassemble une dernière fois dans la grande cour de la caserne Courcy.

Les 9e, 10e, 11e et 12e compagnies rejoignent la gare. Les trains prennent la direction de la ligne virtuelle délimitant la zone neutre placée entre elle et la frontière. Les hommes du 3e bataillon sont les premiers du régiment à embarquer dans les wagons prévus à cet effet.

Le 3 août, le régiment entre officiellement en campagne. L’Allemagne vient de déclarer la guerre à la France.

L’adjudant Prenez participe à l’ensemble des combats du 149e R.I. durant le premier mois du conflit. Sa compagnie paye un lourd tribut. Les pertes en officiers sont importantes. Ce contexte permet à Gaston Prenez de prendre rapidement du galon. Le 2 septembre 1914, il est nommé sous-lieutenant. Le nouvel officier peut ainsi prendre le commandement d’une des sections de sa compagnie sans passer par les écoles.

Le 14 septembre 1914, le 149e R.I. occupe le petit village marnais de Souain, mais il doit l’abandonner. Les tirs de l’artillerie allemande sont d’une grande violence, rendant impossible le maintien de la position. Gaston Prenez est touché par un éclat d’obus à la tête, très exactement dans la région pariétale gauche. Il est 8 h 00… Deux heures plus tard, un second éclat d’obus lui fait une plaie au talon droit. Une commotion cérébrale aggrave son état de santé déjà bien fragilisé.

Carte postale Souain (1)

Évacué vers l’arrière, le sous-lieutenant Prenez est en traitement du 19 septembre au 17 octobre 1914, après quoi il est renvoyé sur le dépôt d’Épinal.

Le 20 novembre, Gaston Prenez retrouve son ancienne unité  en Belgique. Il reçoit le commandement d’une section de la 8e compagnie.

Fin décembre, son régiment rejoint le territoire français. Il prend position dans un secteur de l’Artois.

Le 3 mars 1915, c’est la troisième blessure. Les Allemands viennent de lancer une virulente attaque-surprise dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette. Une balle traverse la chaussure gauche du sous-lieutenant Prenez .Ne voulant pas laisser son capitaine seul, il continue de se battre malgré la douleur. Une fois l’attaque ennemie contenue, il accepte de se faire évacuer au poste de secours.

Carte du 149e R

Durant sa convalescence, le 2 juillet 1915, le sous-lieutenant Prenez est nommé à titre définitif dans son grade d’officier avec une ancienneté fixée au 3 novembre 1914.

Il retourne dans la zone des armées le 24 août 1915 prendre la tête de la 11e compagnie du 149e R.I..

Le 3 septembre 1915, il peut coudre ses galons de lieutenant sur sa vareuse.

Le 25 septembre, le 149e R.I., toujours positionné en Artois, est engagé dans une vaste offensive dans le secteur de Noulette. Le lendemain, le lieutenant Prenez est une nouvelle fois blessé. Une balle lui perfore la main droite. Il est soigné à Creil avant d’être redirigé sur son régiment après huit jours de permission passés à Fesches-le-Châtel, son village natal.

Gaston Prenez rejoint la zone des armées le 12 novembre 1915, pour exercer à nouveau son autorité sur les hommes de la 11e compagnie. Il constate des changements importants dans sa compagnie. Beaucoup de « têtes nouvelles » sont arrivées depuis son départ. Les combats de la fin septembre ont été particulièrement dévastateurs dans les rangs du régiment.

Le 12 février 1916, il prend le commandement de la 2e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I., en pleine restructuration. En peu de temps, il fait de sa troupe un outil de combat remarquable.

Le 8 mars 1916, le lieutenant Prenez est blessé dans le secteur de Verdun au moment où il conduit ses hommes au feu. Grièvement blessé par un éclat d’obus à la jambe droite, il est, pour la 5e fois, envoyé vers l’arrière. Le 11 mars, Gaston entre à l’hôpital temporaire n° 53 de Vichy.

Carte_journees_des_7__8_et_9_mars_1916

Sa convalescence, qu’il passe à Chantraine, une petite commune vosgienne, débute le 25 mai 1916. Elle dure 2 mois. Il retourne dans la zone des armées le 13 août 1916.

Le lieutenant Prenez, titularisé à titre définitif dans son grade le 24 juin 1916, est nommé capitaine le 7 octobre.

Son régiment est engagé dans la bataille de la Somme depuis le début du mois de septembre.

Gaston Prenez reprend le commandement d’une compagnie de mitrailleuses du 149e R.I.. Cette fois-ci, c’est aux hommes de la 3e compagnie qu’il va donner ses ordres.

Le 2 janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau écrit dans son relevé de notes :

« A repris en septembre 1916, le commandement d’une compagnie de mitrailleuses, s’est montré très brillant commandant aussi bien dans l’emploi au feu qu’a l’instruction. Officier hors ligne. »

L’année 1917 est plutôt indulgente pour le 149e R.I.. Le régiment ne participe pas à une grande offensive avant la fin du mois d’octobre. Durant cette période, Gaston obtient une 1ère permission du 3 au 15 avril inclus, puis une seconde du 4 au 14 juillet inclus.

Capitaine_Prenez_dans_le_parc_du_chateau_de_Maucreux

Quelque temps avant le déclenchement de la bataille de la Malmaison, le capitaine Prenez est photographié avec l’ensemble des officiers du 3e bataillon du 149e R.I..

Photographie_des_officiers_du_3e_bataillon_du_149e_R

Le 23 octobre 1917, l’attaque dite de la Malmaison est lancée. Le capitaine Prenez est blessé pour la 6e fois. Il reçoit une balle à la cuisse gauche. Gaston Prenez est soigné dans un hôpital de Beauvais pendant un mois, avant d’être mis en convalescence à Épinal pour la même durée.

Le 19 novembre 1917, il est de retour dans la zone des armées, toujours inscrit dans les effectifs des cadres du 149e R.I..

Gaston Prenez retrouve son régiment le 8 décembre. Il est promu à titre définitif dans son grade de capitaine la veille de Noël.

Le 10 mai 1918, il est nommé capitaine adjudant-major du 1er bataillon du régiment, une fonction plus qu’honorable pour un homme qui a débuté la guerre comme adjudant !

Le 28 mai, avec les autres éléments de la 43e D.I, son régiment tente de faire obstacle à une vaste offensive allemande lancée sur le chemin des Dames, entre le moulin de Laffaux et les abords de la ville de Reims. Plusieurs divisions sont engagées dans cette attaque. Les combats font rage.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte_journ_e_du_30_mai_1918

Le 25 juillet 1918, Gaston Prenez bénéficie de sa 1ère permission de l’année. Il doit être de retour au régiment pour le 11 août.

Le capitaine Prenez est souvent en tête lorsque le 149e R.I. occupe des positions de 1ère ligne durant les derniers mois du conflit. Il participe à plusieurs reconnaissances, au-delà des éléments les plus avancés du régiment, durant les combats des 25, 26 et 27 septembre 1918 et durant ceux qui ont lieu les quatre premiers jours du mois d’octobre. Ces fonctions de cadre supérieur de bataillon ne l’obligent probablement pas à prendre de tels risques. Il aurait certainement pu déléguer ces missions à un de ses subordonnés.

Ces attaques sont les dernières pour le 149e R.I.. La fin du conflit est proche. Gaston Prenez est envoyé une seconde fois en permission. Celle-ci dure du 16 octobre au 1er novembre.

Le 3 novembre, le lieutenant-colonel Vivier, rédige dans le relevé de notes de son officier, le texte suivant : « Très beau type de soldat de carrière, d’une vigueur et d’une activité sans égales. Plein d’entrain, toujours prêt à marcher, inspirant confiance à tous, par son assurance et son courage. Possédant des états de service superbes, le capitaine Prenez, qui exerce depuis six mois, les fonctions d’adjudant-major se montre un précieux auxiliaire pour son chef de bataillon, dans des circonstances délicates, en particulier au cours des opérations de mai-juin. Il a acquis l’expérience suffisante pour prendre dès maintenant le commandement d’un bataillon. »

La guerre se termine huit jours plus tard.

Période de Paix

Gaston Prenez occupe le poste de capitaine adjudant-major plusieurs mois après la signature de l’armistice.

Ce n’est que le 1er septembre 1919, qu’il laisse ses fonctions de 2e responsable de bataillon pour reprendre le commandement de la 3e compagnie de mitrailleuses.

Pourquoi ce retour en arrière ?  Le lieutenant-colonel Lecoanet, nouveau responsable du 149e R.I., donne l’explication.

Le 24 octobre 1919, il écrit ceci :

« Officier vigoureux. Belle attitude, très sympathique. Après avoir exercé avec autorité et une grande compétence le commandement d’un bataillon, a dû être replacé à la tête d’une compagnie de mitrailleuses. Le cadre très réduit des officiers de régiment ne permettant plus de laisser les adjudants-majors dans leur emploi.

A de brillants états de services. Excellent instructeur, caractère ferme et bienveillant, il est très obéi et très aimé. Il possède une bonne instruction primaire.

C’est un homme sûr, d’un grand bon sens et très travailleur. Il est bien élevé et d’une tenue toujours très soignée. Il connaît parfaitement l’administration d’une compagnie. C’est un bon mitrailleur.

Il sera un candidat sérieux pour l'avancement au choix, quand il aura une ancienneté raisonnable dans le grade de capitaine. »

Le parcours de cet officier au sein du 149e R.I. est exceptionnel. Les hommes partis en août 1914, en troupe de couverture, restés dans cette unité jusqu’à la fin du conflit, ne sont pas très nombreux. De plus, il est extrêmement rare de voir un homme entré comme simple soldat et finir capitaine dans le même régiment.

Ce qui est encore moins courant c’est le fait qu’il n’y a eu aucune interruption dans son affectation dans cette unité entre 1914 et 1918, après une nomination ou une blessure. La plupart du temps ces situations conduisaient à un changement de corps.

Après plus de vingt ans de services passés à porter les écussons du 149e R.I., le capitaine Prenez est affecté au 151e R.I. le 22 juillet 1922. Il va rester dans cette unité pendant quatre années.

Gaston Prenez est ensuite détaché aux cours des chefs de section du C.I./30 au mois d’août 1926. Son supérieur note ceci : « A dirigé le cours des chefs de section d’une manière remarquable et a obtenu des élèves, une tenue, un ordre et une discipline exemplaires, ainsi que des résultats excellents qui lui font honneur. »

Une décision ministérielle du 6 septembre 1927 le met « hors cadre ». Il est affecté au bureau de recrutement d’Ajaccio.

Dès son arrivée, il se met rapidement au courant de ses nouvelles obligations. Méthodique et zélé, il a beaucoup d’ascendant sur le personnel employé qu’il sait guider et conseiller judicieusement.

Inscrit au tableau d’avancement plusieurs fois, il obtient le grade de commandant le 21 décembre 1932.

En février 1933, il prend le commandement du bureau de recrutement de Grenoble.

Le 5 août 1936, il est admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour ancienneté de service.

Le 25 août 1939, il est rappelé à l’activité avant d’être démobilisé le 21 septembre 1940. Durant cette courte période, il fut chargé d’un service qui s’occupait de la réforme.

Par six fois, le commandant Prenez a tutoyé la « grande faucheuse ». Celle-ci vient à sa rencontre peu de temps avant qu’il ne fête son 72e anniversaire. Le 16 mai 1952, Gaston Prenez décède à son domicile du 31 bis avenue des Templiers. Son neveu Daniel Fahy se rend à la mairie d’Épinal pour effectuer la déclaration officielle.

Gaston_Prenez

Au service du drapeau du 149e R.I. durant plus de vingt ans, la croix de guerre 1914-1918  du commandant Prenez est probablement l’une des plus titrées du régiment.

Gaston Gustave Adolphe Louis Prenez a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre de la Xe armée n° 55 en date du 20 mars 1915 :

« Le 3 mars 1915, lors d’une attaque allemande sur les tranchées de premières lignes, devant Noulette, quoique blessé, a voulu conserver le commandement de sa section jusqu’à la fin de la journée pour ne pas laisser son capitaine seul. Déjà blessé une première fois au début de la campagne, s’est en toute circonstance très bien conduit »

Citation à l’ordre de la VIe armée n° 527 en date du 30 novembre 1917 :

« Officier d’une rare bravoure, d’un courage et d’une énergie exemplaires. A été blessé pour la 5e fois depuis le début de la campagne, en tête de vague d’assaut, à la conquête des positions ennemies fortement organisées. »

Citation à l’ordre de la VIe armée n° 587 en date du 10 juin 1918 :

« Officier de devoir, d’un courage et d’une énergie reconnus de tous. Le 30 mai 1918, dans les circonstances les plus difficiles, a surveillé et dirigé les mouvements d’unités du bataillon submergées par le nombre, restant le dernier sur la position presque entièrement entourée, battue au tir direct et à courte portée de nombreuses mitrailleuses. »

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 356 en date du 10 août 1918 :

« Officier d’un dévouement et d’une activité au-dessus de tout éloge. A pris une large part à l’organisation méthodique et judicieuse des positions confiées au régiment et à la réalisation des dispositions prévues pour parer aux attaques ennemies. »

Citation à l’ordre du 149e R.I. n° 66 en date du 5 décembre 1918 :

« Officier d’élite adoré de ses hommes. Au régiment depuis 17 ans, sur le front depuis le 1er jour de la guerre. Par son admirable bravoure, son énergie, l’ascendant qu’il avait sur sa troupe et l’exemple qu’il donnait, a été un véritable entraîneur d’hommes, au cours des nombreux combats, auxquels il a pris part. Six fois blessé, dont une fois très grièvement à Verdun, le 8 mars 1916, est toujours revenu au régiment sans même attendre sa complète guérison. »

Citation à l’ordre de la IVe armée l’armée n° 1551 en date du 24 décembre 1918 :

« Officier digne de tous les éloges, d’une grande bravoure et d’une activité inlassable. Pendant la bataille des 25, 26 et 27 septembre 1918 et du 1er au 4 octobre, comme adjudant-major, a fait personnellement de nombreuses reconnaissances jusqu’en avant de nos éléments les plus avancés, parcourant fréquemment tout le front occupé par nos premières lignes et rapportant de précieux renseignements sur la situation de l’ennemi, communiquant à tous les hommes, par sa présence et ses paroles, son ardeur et son allant personnel. »

Autres décorations :

Le lieutenant Prenez est fait chevalier de la Légion d’honneur le 1er octobre 1915. Ordre n° 1743 D en date du 9 octobre 1915.

« Au cours de la nuit du 25 au 26 septembre 1915, a organisé, dans les circonstances les plus périlleuses, une tranchée conquise. Le lendemain, sous un feu des plus violents, a entraîné très brillamment sa compagnie à l’attaque des nouvelles positions allemandes. Très belle attitude au feu. A été blessé au cours de l’action. »

Cette citation lui vaut également une palme supplémentaire sur sa croix de guerre.

Officier de la Légion d’honneur le 16 juin 1920.

Commandeur de la Légion d’Honneur Décret du 7 juillet 1936.

Décoré de la croix de guerre anglaise (M.C.) par ordre général n° 20 le 10 mai 1918.

Le commandant Gaston Prenez possède un dossier dans la base de données « Léonore ».

Site_base_Leonore

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photographie de groupe représentant les officiers du 3e bataillon du 149e R.I. à la veille de la bataille de la Malmaison, est extraite du fonds Paul Douchez, un témoignage en trois volumes. Ce volumineux travail a été déposé par le fils de cet officier, aux archives du Service Historique de la Défense de Vincennes en 1983. Fond Douchez ref : 1K 338.

L’acte de naissance et la fiche signalétique et des services de Gaston Prenez ont été consultés sur le site des archives départementales du Doubs.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Doubs. 

14 décembre 2018

Témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez (8e partie). Un repos bien mérité avant de remonter en 1ère ligne.

Sous_lieutenant_Paul_Douchez

La compagnie du sous-lieutenant Douchez est à Billy-sur-Aisne depuis le 24 août 1917.

Elle vient de passer plusieurs jours dans un secteur particulièrement exposé, au nord-est de la ferme Hameret. La 9e compagnie du 149e R.I. est sur le point de partir. Les hommes s'apprêtent à monter dans les véhicules qui doivent les conduire à Troënes.

Une période de repos commence.

25 août 1917

De Billy-sur-Aisne nous allons à Berzy-le-Sec.

28 août 1917

Nous quittons Berzy-le-Sec pour Troësnes.

Itinéraire suivi : Chaudun, Beaurepaire, Longpont, Louâtre, la Loge, Villers-le-Petit, Ancienville, Noroy-sur-Ourq.

28_aout_1917_de_Berzy_le_Sec___Troenes

Legende_de_carte_journee_du_28_aout_1917

Je loge chez un vieux ménage de jardiniers.

Popote près de l’Ourcq et de la Savières, où, à titre de curiosité, je jette des grenades pour recueillir le poisson.

30 août 1917

Je prends la route de Troësnes à la Ferte-Milon pour aller en promenade. Visite des ruines féodales du XIIIe siècle.

Troesnes

1er septembre 1917

 Avec la voiture de compagnie, nous allons à Villers-Cotteret pour le ravitaillement du bataillon. Nous passons par Faverolles, Vouty et Dampleux. 

Le sous-lieutenant Bloch est parvenu à se faire envoyer au C.I.D.. Étant le plus récent des officiers du bataillon, j’ai dû prendre la direction de la popote.

J’ai, à titre d’innovation, supprimé tout achat d’alcool, liqueurs fines et autres, faisant une seule exception pour le prochain dîner de réception du 6 octobre.

La consommation mensuelle en était, pour le seul bataillon, de 100 à 150 francs, soit 7 à 8 francs par tête.

Cet emploi ne me dispense en rien de mes attributions actuelles qui s’accumulent :

Officier chef de section,

Officier F.M. du bataillon,

Officier de gaz du bataillon,

Chef de popote du bataillon.

2 septembre 1917

Promenade sur la route de Troësne à Chouy en passant par Noroy-sur-Ourq.

3 septembre 1917

Revue de la division (149e, 158e, 1er et 3e B.C.P.) au bois de Mauloy, par Blanzy et Rémy-Blanzy.

Au moment de passer devant le drapeau avec ma section, un faux pas fait pénétrer la pointe de mon épée sous ma paupière droite, me valant une piqûre vers la racine du nez. Mon pince-nez tombe. Le sang achève de m’aveugler et inonde ma vareuse et mon équipement. Je crois avoir l’œil crevé. Pourtant, le globe n’a pas la plus légère égratignure.

Je renvoie l’adjudant accouru pour me remplacer. Je fais aussi bonne contenance que possible. Croyant bien ma carrière de soldat terminée, je tiens à la clôturer en saluant une dernière fois le drapeau. Aussitôt après le défilé de ma section, je me fais conduire au major. J’en suis quitte pour avoir l’œil et les paupières de toutes les couleurs pendant quelques jours.

Je dîne sur le terrain avec mes camarades. Mon pansement m’empêchant de marcher convenablement, je rentre par la voiture médicale.

8 septembre 1917

J’ai une permission exceptionnelle de 48 heures. Je vais à Paris voir le commandant Pajot, qui a été fait prisonnier à Maubeuge le 8 septembre 1914. Interné un moment en Suisse, il a été récemment rapatrié. J’en profite pour pousser jusqu’à Calais pour passer quelques heures auprès de Jeanne.

11 septembre 1917

L’ordre arrive de remonter d’urgence en secteur. Des camions nous prennent. Je suis, avec mon collègue Bertheville, dans la limousine de l’officier qui conduit la formation d’autos.

Nous prenons l’Itinéraire suivant : Troësnes à Noroy-sur-Ourcq par la route. Nous embarquons dans les camions à Noroy-sur-Ourq jusqu’à Condé-sur-Aisne, passant par Chouy, Billy-sur-Ourq, Saint-Rémy-Blanzy, Hartennes-et-Taux, Soissons, Saint-Paul, Bucy-le-Long, Missy-sur-Aisne.

11_septembre_1917__carte_1__de_Troesnes___Soissons

Legende_de_carte_journee_du_11_septembre_1917__1_

De Condé-sur-Aisne, nous prenons la direction de nord-est de Chantereine, près de Vastiboute. Nous sommes en 2e ligne.

11_septembre_1917__carte_2__de_Soissons___Vastiboute

Legende de carte journee du 11 septembre 1917 (2)

Les sections occupent une vaste « creute » ou carrière souterraine. Les P.C. sont de véritables petits chalets, accrochés au flanc d’un ravin très encaissé. Ils ont été construits avec goût par les Allemands, lors de leur occupation de ce secteur.

Le nôtre a pour enseigne « Schwalbennest » (chalet des hirondelles). Celui du bataillon, à mi-côte du bois est, par ses proportions, une villa avec salon, fumoir, salle de bains, douches, loggia suspendue, etc…

Dans ces constructions règnent la propreté et l’hygiène. Le confort a été créé ingénieusement avec des moyens de fortune. Les revêtements au ripolin, le plaisir des yeux, les décorations rustiques en font un séjour de paix que j’envierais pour y finir ma vie.

Tout cela change vite, hélas, dès notre prise de possession.

12 septembre 1917

Avec la voiture de la compagnie, je quitte le nord-ouest de Vastiboute pour aller à Soissons. Il faut faire le ravitaillement de la popote des officiers du bataillon. Je couche à Billy-sur-Aisne.

21 septembre 1917

Je vais du nord-est de Vastiboute à Billy-sur-Aisne. Cette fois-ci, tous les services, hommes et officiers, logent dans des baraques Adrian. Le village a été réquisitionné par les E.M. et les « services » administratifs, qui en interdisent formellement l’accès à tout combattant.

23 septembre 1917

Billy-sur-Aisne à Chaudun (route) par Septmonts, Noyant-et-Aconin, Ploisy.

23 septembre 1917 de Billy-sur-Aisne à Chaudun

Legende de carte journee du 23 septembre 1917

24 septembre 1917

Chaudun à Ancienville (route) par Longpont, Corcy, Château-de-Maucreux.

24 septembre 1917 de Chaudun a Ancienville

Legende de carte journee du 24 septembre 1917

Ancienville : popote contre l’église. Je loge chez une femme dont le mari est soldat. La vieille demoiselle de Maucroix a mis à notre disposition son château, avec le grand salon où nous nous réunissons.

Chateau de Maucreux

Le capitaine Houel et le capitaine Prenez y logent. Déjà s’y trouve l’officier commandant la compagnie des Annamites. Il vole au capitaine Prenez ses jumelles et y substitue dans l’étui, pour compenser le poids, un masque contre les gaz. Grâce à cette précaution, le capitaine Prenez ne constate le vol que plusieurs jours plus tard, en secteur, lorsque nous avons quitté ce cantonnement.

Chaque matin, sur un terrain dont la configuration se rapproche de celle de notre futur champ de bataille, nous faisons des « répétitions » de la prochaine grande attaque.

27 septembre 1917

D’Ancienville nous allons en voiture de compagnie à Villers-Cotterêts pour le ravitaillement de notre popote.

30 septembre 1917

Nous quittons Ancienville en camions-autos pour aller à Champlieu effectuer des manœuvres avec des tanks types Schneider et Saint-Chamond.

2 octobre 1917

 D’Ancienville, nous nous rendons à Longpont, où nous avons un peloton détaché aux travaux forestiers. La principale occupation des hommes est de tendre des collets et de massacrer les cerfs à coups de fusil Lebel.  En promenade, je vais dire bonjour à Bertheville qui commande ce peloton.

Nous déjeunons chez le concierge du château dans lequel il y a sa chambre. Nous le parcourons, ainsi que le beau musée particulier qu’il renferme, ainsi que les belles ruines de l’Abbaye.

6 octobre 1917

Nous venons d’avoir un nouveau chef de bataillon, le commandant Putz. À sa réception par les officiers du bataillon sont invités le commandant Desanti et le lieutenant Anceau. Étant chef de popote, je mets tous mes soins à composer un dîner. D’une nuit à l’autre, nous pouvons partir pour l’attaque en préparation, attaque à laquelle je fais une seule allusion en baptisant le dessert : « rocher de la Malmaison ». Cette petite fête sera la dernière pour beaucoup d’entre nous. Je veux qu’elle apporte à chacun quelques heures de délassement et de joie.

En les voyant manger et boire, insouciants et gais, je songe au « repas des Girondins » et je me demande quels sont ceux parmi nous que le destin a marqué.

Au dessert, je dis peut-être pour la dernière fois, quelques pièces de vers : « pour le drapeau » et « l’Épave » de François Coppée et « la soumission de Béhanzin » de l’humoriste Jean Goudezki.

La liste de ceux qui prirent part aux combats du 23 octobre et qui tombèrent prouve que mes pressentiments ne devaient que trop se réaliser.

Avant de quitter Ancienville, le photographe de la division, vient, par ordre du colonel, photographier les officiers du bataillon.

Ce cliché a été pris dans le parc de la demoiselle de Maucroix.

Photographie_des_officiers_du_3e_bataillon_du_149e_R

Comme il l'a pressenti à la fin de son écrit du 6 octobre, un nouveau chapitre s'ouvre pour le lieutenant Douchez et sa 9e compagnie : le 149e R.I. doit participer à l'attaque de la Malmaison. Cette bataille est restée comme une belle victoire. Mais chaque victoire a un prix et la suite de son récit va bientôt nous confronter à la réalité de ces jours de combats.

Sources 

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

7 décembre 2018

Eugène Maurice Bénard (1896-1918).

Eugene_Maurice_Benard

Originaire de l’ancien département de la Seine-Inférieure, actuellement nommée Seine-Maritime, Eugène Maurice Bénard voit le jour le 30 décembre 1896. Ses parents, mariés à Mélamare, vivent depuis quelques années à Saint-Nicolas-de-la-Taille, une commune avoisinante. Le père, Séverin Édouard, ouvrier potier, est âgé de 38 ans. La mère, Palmire Eugénie Renault, journalière, est âgée de 34 ans. Ce jour-là, elle donne vie à deux enfants. Le jumeau est prénommé Paul André.

Eugène Maurice quitte l’école communale en sachant lire et écrire. Embauché dans une usine de la région, il y travaille comme simple ouvrier. 

Trop jeune au moment de la déclaration de guerre contre l’Allemagne, il n’est pas concerné par la mobilisation générale, n'étant ni réserviste ni sous l’uniforme.

Son frère ainé, Séverin Auguste est tué au bois de la Gruerie en janvier 1915. Le père, qui ne se remet pas de la mort de son fils, décède en septembre. 

Cette même année, les jumeaux se présentent devant le conseil de révision qui doit examiner les hommes du canton de Lillebonne. Ces deux frères étant fragilisés par des problèmes de santé, le conseil les classe, tous deux, dans la 5e partie de la liste. Ils sont ajournés, en attendant un nouvel examen médical. Eugène Maurice bénéficie de plusieurs mois supplémentaires de vie civile, avant d’être déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision chargé d’examiner la classe 1917.

Paul André est incorporé beaucoup plus tard, au 24e R.I., en avril 1918.

Le 10 août 1916, Eugène Maurice Bénard intègre, avec les jeunes de la classe 1917, une compagnie du dépôt du 28e R.I. pour y être formé au maniement des armes et instruit des rudiments de la vie et de discipline militaire.

Après avoir intégré les premiers apprentissages militaires, il est envoyé dans la zone des armées. Nous ne saurons ni où, ni quand. Sa fiche signalétique et des services, lacunaire sur cette période, reste muette sur le sujet, comme presque toujours dans le cas d’un soldat qui n’est pas revenu.

Ce document nous permet simplement d’apprendre qu’il a été envoyé au 149e R.I. le 19 novembre 1917.

Cependant, une observation fine de son portrait permet d’en savoir un peu plus sur son parcours de soldat. Nous pouvons lire le numéro 228 sur l'encolure de sa veste.

En consultant le J.M.O. de cette unité, nous apprenons que la date de dissolution de ce régiment précède seulement de 9 jours son arrivée à la 6e compagnie du 149e R.I.. Cette information augmente fortement la probabilité de son appartenance au régiment de réserve du 28e R.I..

Eugène Maurice rejoint sa nouvelle unité qui, depuis le 1er novembre 1917, est au repos dans des cantonnements situés à l’ouest de Montmirail. Le 149e R.I. se remet tout doucement de l’attaque de la Malmaison qui a eu lieu le 23 octobre.

Au début du mois de décembre, les trois bataillons du régiment partent s’installer dans la région d’Hérimoncourt, près de Montbéliard, pour y effectuer des travaux de 2e ligne.

Herimoncourt

Mi-janvier 1918, Eugène Maurice Bénard est envoyé dans les Vosges. Sa compagnie occupe un secteur proche du Violu, une zone de combat relativement calme à cette époque du conflit.

Pour en savoir plus sur ces périodes, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Le_Violu

Le régiment quitte cette zone mi-avril pour aller reprendre l’instruction du côté de Royalieu, situé au nord-ouest de la forêt de Compiègne.

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Lieux_de_cantonnements_de_la_85e_Brigade___partir_du_17_mai_1918

Fin mai 1918, le régiment d’Eugène Maurice Bénard est envoyé d’urgence avec les autres unités de la 43e D.I. du côté d’Arcy-Sainte-Restitue, une commune qui se trouve dans l’Aisne. Les éléments de plusieurs divisions tentent d’enrayer une vaste offensive allemande qui pourrait vite tourner au désastre pour l’armée française. Le soldat Bénard ne survit pas à cette attaque. Le 28 mai, un éclat d’obus lui fracture une jambe, causant vraisemblablement une hémorragie mortelle.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Branges_2013

Son passage au 149e R.I. n’aura duré que quelques mois.  Il meurt à l’âge de 22 ans.

Le journal officiel du 4 septembre 1920 nous apprend que le soldat Bénard a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume.

« Soldat dévoué et courageux. Est tombé glorieusement frappé à mort, le 28 mai 1918, devant Branges ».

Cette citation lui donne également droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Mélamare.

Eugène Maurice Bénard ne possède pas de sépulture militaire individuelle. Il ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Son jumeau qui a survécu à la Grande Guerre, se marie en 1920 à Mélamare.

Sources :

Historique du 149e R.I. Imprimerie Klein Épinal 1919.

J.M.O. du 228e R.I.  ref : 26 N 721/10

Fiches signalétiques et des services et actes de naissance des jumeaux Bénard consultés sur le site des archives départementales de la Seine-Maritime.

Le portrait de Maurice Eugène Bénard a été trouvé sur le site  « MémorialGenWeb »

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à D. Conseil et aux archives départementales de la Seine-Maritime. 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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