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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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26 octobre 2018

Pierre Julien Calixte Bernère (1884-1942).

Pierre Julien Calixte Bernère

Pierre Julien Calixte Bernère voit le jour le 23 septembre 1884, dans la maison de son grand-père maternel à Castillon-en-Couserans, un village situé dans le département de l’Ariège. Son père, Calixte Jacques, travaille comme employé aux contributions indirectes. Il a 28 ans à la naissance de son fils.

Sa mère, Antoinette Sylvie Anna Estrémé, est âgée de 24 ans. Elle n’exerce pas d'activité professionnelle. Le couple vit à Lorp-Sentaraille, une commune située à quelque 18 km de la demeure du grand-père.

La famille Bernère s'installe ensuite à Toulouse. La date de son arrivée dans la ville rose n’est pas connue.

Pierre Bernère est incorporé dans le service auxiliaire, à la 17e section d’infirmiers, après avoir bénéficié d’un ajournement d’un an, probablement pour poursuivre ses études. Le 9 octobre 1906, Il rejoint cette unité stationnée à Toulouse.

Durant cette période sous l’uniforme, il suit une formation de caporal. Le soldat Bernère obtient le premier grade de la hiérarchie militaire le 12 juillet 1907.

Pierre Bernère est envoyé en congé le 1er mars 1908, dans l’attente de son passage dans la réserve. Son retour à la vie civile ne l’empêche pas d’être nommé sergent de réserve le 15 février 1909.

 Il revêt son uniforme de sous-officier infirmier durant plusieurs jours pour accomplir sa première période d’exercice, entre le 2 et le 24 mars 1910, à la 17e section.

Quelque temps plus tard, Pierre Bernère quitte Toulouse pour s’installer dans le département de la Marne.

En septembre 1911, il travaille à la fondation Saint-Jacques, un établissement qui accueille des malades mentaux à Châlons-sur-Marne.

En 1912, il décide de s'installer en Algérie. Pierre Bernère exerce les fonctions d’interne à l’hôpital civil de Saint-Denis-du-Sig. Ce changement de résidence entraîne son inscription militaire dans la subdivision d’Oran à partir du 14 juin 1912.

Du 1er au 17 décembre 1913, Pierre Bernère est obligé de se rendre à Oran pour accomplir sa seconde période d’exercice à la 20e section d’Infirmiers. 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute, Pierre Bernère a obligation de rejoindre son unité le 3 août 1914.

Toujours rattaché au dépôt de la 20e section d’infirmiers, il est promu médecin auxiliaire le 10 juillet 1915. Nous n’avons aucune précision sur ce qu’il a fait durant cette période, mais nous savons, grâce à la lecture de sa fiche signalétique et des services, qu’il est resté en Algérie jusqu’au 9 juin 1916, exerçant ses fonctions de soignant dans les régions sahariennes depuis le 28 août 1915.

Le 9 juin 1916, Pierre Bernère reçoit l’ordre de rejoindre la zone des armées métropolitaine. Le 21 juin, il est affecté à la compagnie 21/52 du 11e régiment de génie, en remplacement du médecin auxiliaire Phélebon, nommé aide-major de 2e classe.

Cette unité se trouve en Champagne depuis le début du mois de mai 1916. Au mois de septembre, Pierre Bernère est dans la Somme près de Soyécourt.

Il est muté au 149e R.I. le 13 juin 1917. En août, il découvre l’environnement hostile de la 1ère ligne, au nord de la ferme Hameret. Cet homme, probablement protégé par ses fonctions de médecin lorsqu’il était dans un régiment du Génie, n’a probablement jamais été envoyé dans un petit poste de secours très exposé aux tirs directs de l’artillerie allemande. Sans aucune expérience du feu, paniqué, il est sévèrement jugé par le sous-lieutenant Douchez qui le rend responsable de la mort d’un officier.

Pour en savoir plus sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Foucher__Bernere__Lemire_et_Douchez

Pierre Bernère a été photographié parmi tous les officiers du 3e bataillon du 149e R.I. à Ancienville, quelque temps avant le déclenchement de la bataille de la Malmaison.

Photographie_des_officiers_du_3e_bataillon

Comme l’attestent deux citations à l’ordre du 149e R.I., Pierre Bernère prend vite de l’assurance au cours des mois suivants. Il passe de l'accusation d'avoir conduit à la mort un officier à celle d'un médecin apprécié, décoré, bénéficiant de mentions élogieuses de la part de ses supérieurs.

Après la bataille de la Malmaison, il obtient une permission suffisamment longue pour retourner quelque temps en Algérie. Il profite de cette opportunité pour épouser, Ednarda Mas, une jeune femme originaire de Saint-Denis-du-Sigde . Deux enfants naissent de cette union.

Le 22 octobre 1918, Pierre Bernère est détaché au 121e régiment d’artillerie lourde, avant de rejoindre les rangs du 158e R.I. à la veille de l’armistice. Le 5 décembre 1918, il est au 31e B.C.P.. Mais l’heure de sa démobilisation n’a pas encore sonné. Ce n’est que le 14 août 1919 qu’il est envoyé en congé illimité par le dépôt démobilisateur de la 16e section d’infirmiers militaires de Montpellier.

Durant la guerre, Pierre Julien Calixte Bernère a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre du régiment n° 76 en date du 6 novembre 1917 :

« Auxiliaire très dévoué, a donné la preuve de son courage et de son calme, sous le feu, en se prodiguant sans compter auprès des blessés. »

Citation à l’ordre du régiment n° 61 du 29 octobre 1918 :

« Médecin auxiliaire brave et dévoué aux cours des attaques du 26 au 29 septembre 1918. S’est dépensé avec la plus grande activité pour assurer l’enlèvement, le pansement, et l’évacuation rapide des blessés du bataillon. »

De retour à la vie civile, il en profite pour passer son diplôme de docteur en médecine. Il soutient sa thèse, avec succès, à la faculté de Montpellier le 22 septembre 1919, avant de se retirer à Saint-Denis-du-Sig.

Le 16 mars1922, le directeur du service de santé d’Oran remplit un mémoire de proposition pour qu’il puisse obtenir le grade de médecin aide-major de 2e classe. Pierre Bernère est nommé dans ce grade le 13 juin 1922.

En 1924 le docteur Bernère travaille toujours à l'hôpital de Saint-Denis-du-Sig.

Le 16 octobre 1926, il devient aide-major de 1ère classe de réserve, titre qui correspond au grade de lieutenant.

Une lettre d’éloges officiels publiée dans le J.O. du 15 août 1930 lui est délivrée pour avoir effectué 10 années de soins gratuits, à la gendarmerie de sa commune.

Une carrière politique débute. Il assume les fonctions de maire de la ville de Saint-Denis-du-Sig de 1927 à 1929.

Mairie_de_Saint_Denis_du_Sig

Le 4 décembre 1933, il est rayé des cadres de l’armée.

Après plusieurs demandes, il est décoré de la Légion d’honneur (J.O. du 2 mars 1935). 

Pierre Bernère retrouve ses fonctions à la mairie de Saint-Denis-du-Sig en 1931. Il reste détenteur du pouvoir exécutif de la ville jusqu’en 1942, année de sa disparition.

Le jour exact de sa mort n’est pas connu. Cependant,  un avis de décès publié dans le figaro permet de s’en approcher à la date 2 septembre 1942.

Le docteur Bernère a été décoré de la médaille de bronze des épidémies (J.O. du 15 juillet 1942).

Sources :

Dossier individuel avec portrait consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La Fiche signalétique et des services de cet homme a été lue sur le site des archives départementales de la Haute-Garonne.

Le site « Gallica » a été sollicité de nombreuses fois pour y faire la lecture de l’historique de la compagnie 21/52 du 11e régiment de génie et  de la presse.

Journaux consultés :

« L’express du midi quotidien de Toulouse et du sud-ouest » du 22 décembre 1924.

« Figaro Paris » du 2 septembre 1942.

« Journal des débats politiques et littéraires » du 3 mars 1935.

La photographie de groupe représentant les officiers du 3e bataillon du 149e R.I. à la veille de la bataille de la Malmaison, est extraite du fonds Paul Douchez, un témoignage en trois volumes. Ce volumineux travail a été déposé par le fils de cet officier, aux archives du Service Historique de la Défense de Vincennes en 1983. Fond Douchez ref : 1K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Lozano, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Garonne. 

19 octobre 2018

Georges Armand Auguste Lemire (1893-1917).

Georges Armand Auguste Lemire

Originaire du département du Nord, Georges Armand Auguste Lemire voit le jour le 6 décembre 1893. Son acte de naissance est enregistré à la mairie de Solesmes. Georges Aimé, son père, exerce le métier de bijoutier. Il a 25 ans lorsque son épouse, Désirée Ismérie Lagny, donne naissance à leur fils. Cette dernière est âgée de 24 ans, et a la chance d’être propriétaire.

Le 17 mars 1898, le couple Lemire a une petite fille qu’il prénomme Marthe Adeline. Georges Aimé travaille maintenant comme horloger, certainement avec son père qui tient son atelier dans la même rue.

Genealogie famille Lemire

Plus tard, la famille Lemire décide de déménager à Saint-Quentin. Il n’y a probablement pas assez de travail pour tous.

Georges Aimé et Désiré Ismérie laissent, derrière eux, la minuscule entreprise du grand-père de leurs deux enfants pour tenter leur chance dans une grande ville. La date de leur départ n’est pas connue. Une recherche dans l’unique registre de recensement de la commune de Solesmes, consultable sur le site des archives départementales du Nord, nous apprend simplement qu’ils ne vivent plus dans cette ville en 1906.

La lecture de la fiche signalétique et des services de Georges Armand Auguste Lemire notifie qu’il est horloger, ce qui est peu surprenant, puisque les Lemire travaillent dans ce métier depuis déjà plusieurs générations. Rouages, oscillateurs et échappements n’ont plus aucun secret pour eux depuis fort longtemps. Mais cette spécialité professionnelle ne semble pas convenir à notre intéressé.

Désireux de changer radicalement de mode de vie, Georges Armand Auguste décide de contracter un engagement volontaire le 2 mars 1912. Il est à peine âgé de 19 ans à cette date. Le consentement paternel est donc nécessaire pour mener à bien cette démarche. Une fois ce consentement obtenu, il signe pour une durée de 3 ans. Il quitte son appartement, 13 rue de Vesoul, pour aller vivre à la caserne.

Le jeune homme a de la chance puisqu’il est incorporé au 87e, le régiment d’infanterie de la ville de Saint-Quentin. Il peut ainsi profiter d’un environnement connu durant encore quelque temps.

Son engagement volontaire lui permet de faire rapidement la formation de caporal puisqu’il est nommé dans ce grade le 27 septembre 1912.

Le 1er octobre 1913, Georges Armand Auguste Lemire est affecté au groupe cycliste de la 3e D.I. de cavalerie. Il se retrouve muté au 18e B.C.P. dont l’unité à bicyclette tient garnison à Compiègne.

La vie de caserne, quelque peu routinière dans son quotidien, dure encore quelques mois. Mais les relations avec l’Allemagne s’enveniment de plus en plus, annonçant une guerre inévitable.

Le 3e groupe cycliste, sous les ordres du capitaine Gendre, fait partie des troupes de couverture. Il se rassemble dès le 31 juillet 1914 à Champlin, dans les Ardennes, prêt à intervenir en cas de besoin.

Le 4 août, le caporal Lemire apprend la déclaration de guerre allemande.

Le 8 août, il est aux portes de Liège avec les hommes de son escouade, mais l’ordre de la retraite est rapidement donné. Georges Armand Auguste participe ensuite à la bataille de la Marne. Le 7 septembre, il est du côté d’Ormoy-villers.

Georges Armand Auguste Lemire gagne ses galons de sergent le 28 septembre 1914 en même temps que son unité contribue à la prise du village de Maucourt.

En 1915, le sergent Lemire participe à une grande offensive en Artois.

Il est nommé adjudant le 31 mars 1916, puis sous-lieutenant de réserve à titre temporaire le 30 avril.

Le 15 mai 1916, il quitte le groupe cycliste, qui vient de perdre une grande partie de ses effectifs, et qui va servir à construire un fragment du 9e cuirassier à pieds, pour être envoyé au 149e R.I..

Georges Armand Auguste Lemire est affecté à la tête d’une section de la 9e compagnie du régiment, commandée par le capitaine Delung.

Fraîchement nommé, il n’a aucune connaissance de l’art de commander un groupe important de soldats. Le sous-lieutenant Lemire est envoyé en formation pour suivre les cours des chefs de section.

Cet enseignement lui est donné au centre d’instruction du 21 C.A. entre le 22 mai et le 10 juin 1916.

La compagnie dans laquelle il est versé à son retour d’instruction n’est pas connue.

La photographie suivante le représente en compagnie de camarades, tous officiers au 3e bataillon du 149e R.I..

Lemire photographie de groupe

Hélas pour nous, la date et le lieu où ce cliché a été réalisé ne sont pas connus, ce qui n’est pas très aidant.

Les noms de Fabre, de Bloch, de Mouren, de Lemire et de Vidal ainsi qu’un nom difficilement déchiffrable sont inscrits au dos de la photographie.

Le sous-lieutenant Lemire participe ensuite à la bataille de la Somme. Le 4 septembre 1916, son régiment doit reprendre le village de Soyécourt. L’attaque est fulgurante. Sa réussite est complète.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés le 4 septembre 1916, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Positions des compagnies du 149e R

Le lendemain, Georges Armand Auguste Lemire est touché par une balle, qui provoque une plaie en séton, au moment où il consolide la position conquise avec ses hommes. Son action, commencée la veille, lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée.

Le sous-lieutenant Lemire est envoyé vers l’arrière pour y subir des soins. De retour de convalescence, il est affecté provisoirement à la 6e compagnie du 149e R.I. le 18 novembre 1916. Le régiment est encore en activité dans le département de la Somme. Georges Armand Auguste Lemire prend par la suite le commandement d’une section de la 11e compagnie.

Le 3 janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau, qui commande le 149e R.I. à cette époque du conflit, écrit la petite note suivante dans le mémoire de proposition pour le grade de sous-lieutenant à titre définitif de son subordonné. : « Brillant chef de section, actif, énergique, donnant à ses hommes l’exemple de l’entrain et du devoir. Deux citations. Collaborateur précieux pour son commandant de compagnie. »

Le 149e R.I. s’est installé dans un secteur à l’ouest du fort de la Malmaison, dans une zone située à l’extrême gauche du chemin des Dames, du côté de Billy-sur-Aisne, Jouy, Aizy et des fermes Hameret et du Toty, alternant ses séjours en 1ère ligne, en 2e ligne et en périodes de repos à l’arrière.

Durant plusieurs mois, le régiment ne participe pas à une grande offensive, mais le secteur occupé en 1ère ligne est instable et régulièrement bombardé.

Le jeune officier est promu sous-lieutenant de réserve à titre définitif le 1er mai 1917.

Quelques semaines plus tard, Georges Armand Auguste Lemire bénéficie d’une permission du 3 au 10 juin.

De retour dans la zone des armées, il est mortellement blessé le 19 août 1917 au quartier dit des 3 communes Aizy-Jouy-Bovettes.

Dans le coma, il est évacué d’urgence au petit poste de secours qui partage son emplacement avec le P.C. de la 9e compagnie. Ce poste de secours se trouve à proximité du lieu où s’est déroulé l’évènement tragique.

Les circonstances de la mort de Georges Armand Auguste Lemire sont évoquées de manière très détaillée dans le témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez. Voici ce qu’il écrit :

« Derrière nous, à environ 600 m, le dépôt de munitions du bataillon saute, touché par un obus. Il est attenant au P.C. de la 11e compagnie, dans la tranchée de première ligne du Cuivre…

…Pensant que l’explosion a fait des victimes, je rentre, pour avoir des renseignements à mon P.C., où il viendra peut-être des blessés. On amène en effet un brancard…

…c’est le sous-lieutenant Lemire, l’un des meilleurs officiers du régiment… L’artère fémorale est coupée…

…Il avait été chargé, après l’explosion, de faire ramasser les grenades éparpillées, un travail très dangereux par l’amorçage accidentel de nombre de ces engins. Un homme passant près de lui, en avait heurté une du pied, la faisant exploser dans les jambes. »

Pour en savoir plus sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Tranchee_Rousseau

Le caporal Michel Fernand Léon Touchard et le soldat Julien Marcelin Alphonse Ollier, tous deux du 149e R.I.,témoignent de son décès auprès l’officier d’état civil du régiment.

Le 21 août 1917, le sous-lieutenant Lemire est inhumé dans le cimetière de Billy-sur-Aisne.

Son acte de décès est transcrit à la mairie de Solesmes le 23 septembre 1919.

Le corps de cet homme a probablement été restitué à la famille dans les années vingt.

Le nom de cet officier est inscrit sur les monuments aux morts des villes de Saint-Quentin et de Solesmes, sur les plaques commémoratives de l’école Jumentier et de la basilique de Saint-Quentin ainsi que sur la plaque commémorative de l’église Saint-Martin de Solesmes.

Georges Armand Auguste Lemire est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Ses parents sont retournés vivre à Solesmes probablement après avoir fui l’occupation allemande de Saint-Quentin.

Citations obtenues :

Cité à l’ordre n° 1 du 3e groupe cycliste en date du 25 mars 1915 :

« Parti comme caporal, s’est affirmé à plusieurs reprises comme chef de groupe incomparable, a dirigé avec compétence plusieurs patrouilles délicates. »

Cité à l’ordre du 21e C.A. n° 286 en date du 12 septembre 1916 :

« A magnifiquement entraîné sa section à l’attaque d’un village le 4 septembre 1916, a fortement contribué à l’organisation de la position conquise. A été blessé en dirigeant ce travail. »

Autre décoration :

Chevalier de la Légion d’honneur (J.O. du 17 octobre 1917). Cette décoration prend rang le 20 août 1917) :

« Jeune officier possédant au plus haut degré le sentiment du devoir et de brillantes qualités de commandement. Est, pour ses hommes, un vivant exemple d’abnégation et de sang-froid, les encourageants par son entrain dans les circonstances difficiles. A été grièvement blessé pour la deuxième fois, le 19 août 1917 alors qu’il dirigeait la réfection d’une tranchée bouleversée par un violent bombardement. Deux fois cité à l’ordre. »

Georges Armand Auguste Lemire détient un petit dossier dans la base Léonore. Pour le consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Site_base_Leonore

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Historique du 149e R.I.. Épinal, imprimerie Klein. 1919.

Historique du 3e groupe cycliste. Numérisation P. Chagnoux, 2009.

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance de cet officier ont été lus sur le site des archives départementales du Nord. Ce site a également permis une reconstitution partielle de la généalogie du sous-lieutenant Lemire.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Nord. 

12 octobre 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez (6e partie) Où il est question de Fantômas, d’obus à gaz...

Foucher, Bernere, Lemire et Douchez

Mi-août 1917, le sous-lieutenant Paul Douchez s’apprête à remonter en première ligne dans un secteur particulièrement difficile.

15 août 1917

Reconnaissance face au Panthéon et au fort de la Malmaison, par la ferme Hameret. Puis au tunnel, à l’extrémité de la tranchée Rousseau qui se trouve en première ligne où nous attirons des tirs de tourterelles qui tuent un occupant des « feuillées ».

Fermet Hameret

Le soir, ma section occupe la partie gauche de la tranchée Rousseau jusqu’au tunnel ainsi qu’un petit poste de F.M., partant de la tranchée. À ma droite, une autre section de la compagnie tient, sous mon contrôle, le milieu de la tranchée Rousseau. Derrière moi se trouve une position qui forme un angle droit avec le tunnel. Celle-ci est occupée par une compagnie de chasseur.

L’accès à la tranchée Rousseau se fait par un long boyau que l’ennemi, qui a vue sur lui, prend d’enfilade. Il est à ce point détruit que son évasement est de 5 mètres au minimum !

Il a plu avant notre montée. Les parapets sont impraticables. Le parcours se fait dans un interminable ruisseau. Dans l’obscurité la plus complète, nous nous enfonçons, depuis la cheville jusqu’au genou. Les caillebotis paraissent inconnus dans ce secteur. Le clapotis est entendu par l’ennemi qui nous envoie des grenades.

16 août 1917

L’extension du secteur de ma section va jusqu'à bien au-delà du tunnel. Il y a également un P.P. avancé pour les grenadiers.

Ni les consignes de secteur, ni la carte, ne me renseignent sur la nature de ce tunnel, sur sa direction, sur son issue. Les vestiges d’une voie ferrée qui y pénétrait, une indication vague de la carte me font présumer qu’il aboutissait au fort de la Malmaison. Il devait en assurer le ravitaillement stratégique. Ou alors, il conduisait à une carrière souterraine.

Peu de jours avant notre arrivée, un barrage en sacs de terre a été établi à une centaine de mètres de l’entrée. Un prisonnier avait déclaré qu’il était projeté de faire sauter ce tunnel. Le barrage a été abandonné et remplacé par un autre, élevé à 10 m de l’orée. C’est là que se trouve mon P.C.. L’obscurité est humide et froide. Des sacs vides font ma couchette. Des toiles interceptent la lumière de ma bougie vers le tube. L’œil ne perçoit qu’un noir impénétrable. L’oreille n’entend que le bruit des gouttes d’eau qui suintent de la voûte ou la course de quelque rongeur. Le guetteur, astreint au silence, à la station assise, à une attention soutenue, à la privation de fumer et de s’éclairer, s’endort si fatalement qu’il faut y mettre une sentinelle double. De fréquentes visites sont également nécessaires.

17 août 1917

Les chasseurs reçoivent l’ordre d’occuper toute ma position. Je vais donc occuper l’extrémité opposée de la tranchée Rousseau, la tranchée du Cuivre, le boyau des Bovettes qui aboutit à un système de petits postes avancés, dit de la ferme des Bovettes qui sont composés comme suit : trois P.P. en antennes appuyés par un élément de soutien, lequel prend à droite et à gauche du boyau des Bovettes, qui donne accès au système.

Tranchee Rousseau

Nos abris sont dans l’élément de soutien. Ce sont de simples « trous de renard », non étayés, creusés dans les parois et dans lesquels on ne peut se tenir que recroquevillé. C’est une ex-tranchée ennemie, obstruée à droite et à gauche par deux barrages de sacs, au-delà desquels elle rejoint les lignes adverses. L’ennemi a également des P.P. avancés, face aux nôtres, à quelque 10 à 30 m.

19 août 1917

Chaque fois que nos 75 veulent détruire ces P.P. adverses, ils tapent court dans les nôtres, en raison de l’espace insuffisant pour l’écart de tir.

Mes fusées rouges demandant l’allongement, restent sans effet.

L’après-midi, la situation est telle que j’envoie au commandant de compagnie l’avis que nous allons avoir fatalement des pertes s’il n’obtient immédiatement, de la division, soit l’allongement, soit la cessation de tir. À l’instant où je quitte le coureur, je vois arriver la garnison d’un des trois P.P. qui, prise de panique, persuadée que notre artillerie se trompe d’objectif, gagne, à la course, ses abris. Cette panique a été salutaire, car, en les ramenant, nous constatons que pendant les deux minutes de son abandon, cette tête de sape a été frappée en plein et détruite. C’eût été la mort certaine pour ses occupants.

La réponse à ma note m’est rapportée. Je reçois l’ordre de faire évacuer les trois têtes de sape et de se replier dans l’élément de soutien. En regagnant mon propre trou, je le trouve crevé par un autre 75. Suite à un nouveau rapport, l’artillerie déclare qu’il faut, ou évacuer tout le système, ou renoncer au tir. Je reçois alors l’ordre d’évacuer la position après l’avoir rendu inutilisable pour l’ennemi.

Durant trois nuits, nous le couvrons de réseaux, obstruant ainsi les P.P., l’élément de tranchée, les boyaux et l’avenue d’accès.

J’ai réparti les occupants dans les abris de la tranchée Rousseau où j’ai moi-même mon nouveau P.C.. Quelques guetteurs sont restés dans le système jusqu’à sa neutralisation complète.

Ce P.C. est aussi un poste de secours, mal placé en première ligne. Il est presque inaccessible aux 3 ou 4 blessés qu’il peut contenir. Des brancardiers, sous les ordres du médecin-major Bernère, gradé poltron, militaire de carrière appartenant aux troupes marocaines. Ce mois d’août, les journées sont radieuses, les nuits délicieusement douces. Dans l’abri, où mon P.C. et son P.S. sont contigus, nous couchons dans deux « cadres » superposés. L’air est rare dans ce réduit mal éclairé par ma bougie. Sa crainte est telle qu’il n’en sort que pour ses besoins naturels. Encore voudrait-il que je fasse faire d’autres « feuillées », celles qui existent étant aux vues de la tranchée d’en face.

Il me questionne sur le nombre, le moral, la valeur de mes hommes. Il mange à peine, ses plaintes sont incessantes. Il proteste avec véhémence contre le fait que le colonel l’a mis en première ligne.

Il va, dit-il, écrire à un député pour provoquer une interpellation sur son cas. A chaque explosion rapprochée, il demande si c’est un « départ » ou une « arrivée », si les avions dont nous entendons les moteurs sont des Français ou des Allemands.

Si je lui dis que c’est « Fantômas », ses traits se décomposent. Ce Fantômas, ainsi appelé dans la division, est un aviateur ennemi audacieux qui, chaque matin, longe toute notre première ligne en la mitraillant à très basse altitude.

Enfin, mon aide-major s’informe si, en cas d’irruption d’ennemis, mon intention est de me rendre ! En réponse, je lui montre une caisse de grenades près de ma couchette. Ses angoisses redoublent. Il louvoie pour m’amener à lui dire qu’en cas de « prévision » d’attaque, il peut se replier sans ordre, ce qu’il exécuterait sur-le-champ si la moindre de mes paroles lui permettait de m’imputer cette autorisation.

Nous privant du peu d’air qui nous parvient, il me supplie, pour que le reflet de ma bougie ne puisse être perçu des avions, de calfeutrer, même en plein jour, l’entrée de mon P.C.. Bref, il offre le pénible spectacle d’une loque humaine.

Cette nuit, très noire, nous achevons de rendre impraticable le système de P.P..

Derrière nous, à environ 600 m, le dépôt de munitions du bataillon saute, touché par un obus. Il est attenant au P.C. de la 11e compagnie, dans la tranchée de première ligne du Cuivre. Celle-ci commence à l’orée du boyau des Bovettes et va jusqu’à l’extrémité de la tranchée Rousseau avec laquelle elle fait angle droit.

J’étais allé, dans la journée, reconnaître ce dépôt et me mettre en liaison avec le capitaine Fouché, commandant la 11e compagnie.

Pensant que l’explosion a fait des victimes, je rentre, pour avoir des renseignements à mon P.C., où il viendra peut-être des blessés. On amène en effet un brancard. Le devoir de l’aide-major est de monter s’assurer que le blessé ne réclame pas de soins de première urgence, étant donné qu’il ne répond plus aux paroles qui lui sont adressées. Non, le Bernère crie de le descendre. L’opération est laborieuse, par suite de manque de largeur de la tranchée qui ne permet pas de tourner aisément le brancard et de l’étroitesse de l’escalier-échelle, le malheureux est amené presque perpendiculairement. Je le reconnais lorsqu’il est à mi-descente, c’est le sous-lieutenant Lemire, l’un des meilleurs officiers du régiment. Il meurt alors qu’il va enfin être déposé. Nous le découvrons. L’artère fémorale est coupée, d’où une hémorragie mortelle. Des soins rapides l’eussent probablement sauvé.

Il avait été chargé, après l’explosion, de faire ramasser les grenades éparpillées, un travail très dangereux par l’amorçage accidentel de nombre de ces engins. Un homme passant près de lui en avait heurté une du pied, la faisant exploser dans les jambes.

Tandis que navré, je suis penché sur lui, un petit choc ébranle faiblement l’abri, attirant à peine l’attention. Quelques secondes après, je sens une odeur caractéristique. Je saute sur ma cagoule en criant : « Mettez vos masques ! »

Secteur ferme Hameret

Aussi vite que le permettent l’obscurité, les fils téléphoniques, stupidement tendus à tort et à travers, la suffocation du masque, je me rends près de mes travailleurs, à 150 ou 200 m.

De petites torpilles à gaz pleuvent avec un léger éclatement étouffé. Cela me vaut l’évacuation de plusieurs hommes et d’un sergent.

Je rentre, assez incommodé aux yeux et à la gorge. L’aide-major me pousse à me faire évacuer pour pouvoir en faire autant. Par la suite, il me sondera sur mes dispositions à le proposer pour une citation à l’ordre de l’armée, qui, dit-il, lui vaudra une annuité…

Pendant mon absence du P.C., il a reçu du commandant de la 11e compagnie, l’avis qu’un autre blessé attendait ses soins sur le lieu de l’accident. Il ne s’est décidé à s’y rendre que sur une 2e injonction formelle. Le blessé, soigné tardivement, meurt le lendemain.

20 août 1917

L’obstruction du système est terminée. Je reçois l’ordre de reprendre, avec la fraction redevenue disponible, le secteur occupé par la première section sous les ordres de Berteville. Celle-ci est placée à ma gauche. Elle appuie aussi dans la même direction.

De cette partie de la tranchée Rousseau, il part un boyau qui aboutit à deux P.P. avancés qui m’échoient également. Avec un effectif aussi réduit sur 300 m, je me hasarde à faire une protestation sur l’exagération du front dont je suis le responsable. Ceci achève de terroriser le major.

Sources 

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Le plan qui localise la tranchée Rousseau provient du J.M.O. du 116e B.C.P. Réf : 26 N 835/11

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

5 octobre 2018

Eugène François Bessière (1884-1914).

Eugene François Bessiere

Eugène François Bessière est né le 23 octobre 1884, dans la commune aveyronnaise d’Espalion. Il est le second d’une fratrie de 4 enfants.

Lorsqu’il voit le jour, son père, Hilarian, est âgé de 38 ans. Cet homme pratique la maçonnerie depuis de nombreuses années. Sa mère, Marie Émilie Truel, qui élève déjà une fille, est âgée de 26 ans.

L’horloger Antoine Belmont et le chapelier Étienne Gouter suivent le père à la mairie pour apposer leurs signatures sur le registre d’état civil que leur présente l’adjoint au maire du village.

Eugène François quitte l’école communale en maîtrisant la lecture, l’écriture et le calcul. Les conditions sociales et financières de ses parents lui permettent de poursuivre ses études à Rodez jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. Ce jeune aveyronnais, brillant, passe ensuite un diplôme d’architecte à l’école des arts et métiers d’Aix-en-Provence.

Il n’a toujours pas terminé sa formation lorsqu’il doit se présenter devant le conseil de révision d’Espalion l’année de ses 20 ans. Celui-ci le déclare « bon pour le service », tout en lui accordant une dispense qui lui permet de ne faire qu’une seule année de service actif, ce qui est bien moins fréquent qu’avec l’ancienne loi de recrutement.

Incorporé au 81e R.I. de Montpellier à compter du 8 octobre 1905, le jeune homme arrive au corps le jour même.

Une fois sa période militaire achevée, il est envoyé en disponibilité le 18 septembre 1906, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite, précieux document pour sa future vie civile, qu’il peut mettre dans son bagage du retour.

En avril 1907, il vit à Roville-devant-Bayon dans le département de la Meurthe-et-Moselle.

Par deux fois, il doit revêtir l’uniforme en se présentant à la caserne du 122e R.I. ; une première fois pour effectuer une période d’instruction allant du 17 août au 13 septembre 1908, une seconde fois pour une période d’exercice allant du 22 août au 13 septembre 1910.

Eugène François Bessière s’installe ensuite à Épinal pour y exercer son métier de bâtisseur. En novembre 1909, cet architecte demeure au 35 rue Chantraine. Ce changement de région lui impose d’être rattaché militairement à une unité du 21e C.A.. Son nom est inscrit dans le tableau des effectifs de la réserve du 149e R.I..

Le jeune homme se marie dans la cité spinalienne le 30 août 1911. Le 4 juin 1912, les époux élisent domicile dans la rue de la Gare.

Eugène François fait une dernière période d’exercice au sein du 149e R.I. du 4 au 20 septembre 1913, quelques mois, avant la mobilisation générale qui sera décrétée le 1er août 1914.

Un ordre individuel du 31 juillet 1914 lui impose de rejoindre son régiment le 2 août. Le 149e R.I. est un régiment frontalier. Ses classes 1911, 1912 et 1913 quittent Épinal le samedi 1er août, bien avant le lever du soleil, pour rejoindre la frontière.

Eugène François Bessière qui est un réserviste, fait partie des effectifs qui vont constituer le 2e  échelon du régiment.

Trois jours plus tard, il rejoint le 1er échelon, au cantonnement de Vanémont. Le soldat Bessière est affecté à la 4e compagnie, sous les ordres du capitaine Altairac.

L’ancien architecte participe à tous les combats dans lesquels est engagé son régiment en août 1914.

À chacun de ces combats, il s’en sort sans être blessé. La chance l’abandonne le mois suivant. Eugène Bessière est tué le 19 septembre 1914, au cours d’une attaque qui se déroule dans le village de Souain.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Village de Souain

Un témoignage, laissé par le sergent Paul Monne, reprend l’intégralité du parcours de la 4e compagnie depuis le début du conflit jusqu’aux combats qui eurent lieu dans la Marne en septembre 1914.

Pour accéder à cet écrit, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Paul Monne

Eugène Bessière repose actuellement dans la nécropole nationale de « la Crouée » sur la commune de Souain-Perthe-les-Hurlus. Sa sépulture porte le numéro 389.

Sepulture Eugene Bessiere

Le nom de ce soldat est inscrit sur la liste des tués du régiment à la date du 19 septembre 1914. Pourtant, son décès ne fut validé que le 22 décembre 1920, suite à un jugement qui a été rendu par le tribunal d’Épinal. La famille ne semble pas avoir fait de recherches auprès du Comité International de la Croix Rouge.

Eugène François Bessière a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (publication dans le journal officiel du 5 octobre 1920).

« Excellent soldat courageux, très apprécié de ses chefs. Tué glorieusement à son poste le 19 septembre 1914 à Souain. »

Cette décoration lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Son nom est inscrit sur les monuments aux morts de la ville d’Épinal et de sa commune natale et sur la plaque commémorative fixée dans l’église paroissiale d’Espalion. Il est également inscrit sur la plaque commémorative qui se trouve dans le hall d’entrée de l’école nationale supérieure d’arts et métiers d’Aix-en-Provence.

La descendance de cet homme n’est pas connue.

Sources :

Fiche signalétique et des services et acte de naissance du soldat Bessière consultés sur le site des archives départementales de l’Aveyron.

Le portrait de cet homme est extrait du livre d’or de l’institution Saint-Joseph de Rodez.

La photographie de la sépulture d’Eugène François Bessière a été réalisée par E. Gambart.

Un grand merci à M. Bordes, à E. Gambart, à P. Baude, à A. Carobbi, aux archives départementales de l’Aveyron et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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