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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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19 mai 2014

Martin Jeské (1883-1941).

Martin_Jeske

Martin voit le jour le 12 novembre 1883, dans le lointain gouvernement de Courlange, en Lettonie. De sa famille nous ne savons rien, si ce n’est que ses parents étaient des luthériens.

Devenu adulte, le jeune Martin s’engage dans l’armée impériale russe. En mai 1905, il est sous-lieutenant au 116e régiment d’infanterie où il commande une compagnie de mitrailleuses. En octobre 1908, il est promu au grade de lieutenant. Deux ans plus tard, Martin Jeské doit quitter la ville de Riga pour rejoindre sa nouvelle affectation. Il vient d’être muté au 25e régiment de tirailleurs sibérien du général Kondratainko, une unité qui cantonne à Irkoutsk. En 1912, le lieutenant Jeské devient capitaine.

Lorsque le conflit contre l’Allemagne éclate en août 1914, Martin Jeské est en congé. Il séjourne en France depuis le mois de mai. Cet officier ne retournera pas dans son pays pour combattre avec les siens, puisqu'il va intégrer l’armée française avec son grade de capitaine.

Au cours de la même période, un petit nombre d'officiers russes se retrouvent dans la même situation. Il s'agit du lieutenant de réserve Kazakoff qui va au 6e R.I., du lieutenant de réserve Arguéeff qui est affecté au 7e R.I., du sous-lieutenant de réserve Chtiknoff qui est désigné pour rallier le 9e R.I. et du sous-lieutenant de réserve Stinikoff qui doit aller au 10e B.C.P..

 D'autres officiers russes seront incorporés par la suite, dans l'armée française.

Martin Jeské rejoint le 149e R.I. au début du mois de septembre 1914. Les circonstances de son arrivée sont inconnues.  Novembre 1914, il commande la 8e compagnie du régiment, qui se trouve en Belgique à ce moment-là.

Au cours de cette période, il obtient la citation suivante qui lui donne le droit de porter la croix de chevalier de la Légion d’honneur :

« Officier russe au service de la France pour la durée de la campagne. Officier d’une haute valeur, ayant un coup d’œil et une expérience dont il montre journellement les preuves. Le 8 novembre 1914, a arrêté, à plusieurs reprises, une poussée allemande par de vigoureuses charges à la baïonnette et, grâce à son calme et à son sang-froid, a refoulé l’ennemi. Le 9 novembre a de nouveau supporté une vigoureuse attaque qu’il a repoussée et contre-attaquée à la baïonnette avec succès. »

Toujours à la tête de sa compagnie, il reçoit une nouvelle citation en mai 1915. Le 149e R.I. combat en Artois dans le secteur d’Aix-Noulette depuis plusieurs mois.

« Le 9 mai 1915, avec trois sections de sa compagnie, s’est emparé brillamment d’une sape allemande et, à trois reprises successives, a tenu tête à trois compagnies, le plus bel exemple du mépris du danger. Officier russe d’une bravoure extrême, ayant été fait chevalier de la Légion d’honneur et obtenu une citation depuis le début de la campagne. »

En mars 1916, le capitaine Jeské est à Verdun. Il ne sait pas encore qu’il est sur le point de quitter son régiment pour être affecté à l’encadrement de soldats russes. Une brigade nouvellement constituée est sur le point de débarquer en France.

Sa connaissance de la langue de Molière, et son expérience des combats, lui seront d’une grande utilité pour former les nouveaux arrivants.

Cette 1ère brigade russe spéciale fut formée avec des hommes originaires de la région de Moscou et de Samara en janvier 1916. Elle est composée de deux régiments constitués de 3 bataillons à 4 compagnies. Les officiers ont été sélectionnés pour leur bravoure, ou pour leurs états de service excellents au cours de leur service militaire. Plusieurs  d’entre eux parlent le français.

La brigade quitte Moscou le 3 février 1916. Elle traverse la Sibérie et la Mandchourie par voie de chemin de fer en direction du port de Dairen.

Une fois sur place, elle embarque à bord de trois navires français, le Latouche-Tréville, l’Himalaya et le Sontay et de deux bateaux russes, le Tambov et le Laroslavl.

La France envoie le Lutetia au-devant du convoi lorsque celui-ci franchit le canal de Suez.

Ce long périple en mer amène la brigade jusqu’au port de Marseille où elle débarque le 20 avril 1916.

Le_debarquement_des_troupes_russes_a_Marseille

Les_troupes_russes_dans_Marseille

les_troupes_russes_a_Marseille

Les russes sont ensuite dirigés sur le camp de Mailly pour y être entrainés sur place avec un équipement et un armement fournis par l’armée française.

Pour encadrer et diriger tous ces officiers, sous-officiers et soldats, les instances supérieures ont fait retirer tout le personnel russe qui se trouvait dans les régiments français. Concerné par cette mesure, le capitaine Jeské a dû quitter le 149e R.I. dès le 6 avril 1916.

Camp_de_Mailly

De juin à octobre 1916, la brigade russe spéciale est dans le secteur de Suippes et d’Aubérive, le camp de Mourmelon lui servant de base de repos, lorsqu’elle ne se trouve pas en première ligne.

Le 16 avril 1917, Martin Jeské prend la tête d’un bataillon du 1er régiment de la 1ère brigade russe spéciale. Ce bataillon est engagé avec son régiment, dans le secteur de Courcy, et il vient tout juste de perdre son commandant qui a été mis hors de combat.

À la suite des combats qui eurent lieu dans le secteur de Courcy, Martin Jeské est nommé commandant le 18 mai 1917. Cet officier prend la tête du 2e bataillon de la légion russe qui est créée en décembre 1917.

Le_commandant__martin_Yeske

                                          Commandant Martin Jeské (1er homme à partir de la gauche)

La légion russe est engagée aux côtés de la division marocaine, dans le secteur de Villers-Bretonneux en avril 1918, au sud-ouest de Soissons, en juin et juillet et dans la région de Vic-sur-Aisne en septembre.

Le bataillon,qui est sous les ordres du commandant Jeské, ne participe pas aux combats qui eurent lieu en 1918. Seul, un détachement de cette unité s’est battu au cours d’une escarmouche qui s’est déroulée le 6 juin 1918.

Après l’armistice, il a été créé en France,un bataillon de marche composé de la légion russe et de volontaires russes de la Légion étrangère. Les volontaires russes ne sont pas des légionnaires. Martin Jeské a environ 300 hommes sous ses ordres.

Fin février, début mars 1919, le commandant Jeské est à Marseille avec ses hommes. Tous embarquent sur un navire pour retourner en Russie, un pays qui se trouve en pleine révolution. Avec ses hommes, Martin Jeské rejoint l’armée de Denikine, une armée qui est opposée aux bolcheviques. Son bataillon est engagé en avril 1919.

Un article de presse, paru dans le journal français l’humanité datant du 3 juin 1919, laisse entendre que le commandant Jeské a été assassiné par ses propres soldats.

« On lit dans la république russe du 22 mai 1919 : des nouvelles alarmantes nous parviennent sur le sort de ce premier échelon qui a quitté Marseille il y a environ trois mois pour se mettre, un peu malgré lui, sous les ordres du général Denikine. Arrivés dans le midi de la Russie, les légionnaires auraient, on ne sait pas dans quelles circonstances, refusé de combattre les armées rouges. Ils auraient même voulu passer du côté de celles-ci. Le commandant de la légion, le colonel Jeské, aurait été mis à mort par ses propres soldats, ainsi qu’au moins deux de ces officiers. Les mutins d’ailleurs n’y gagnèrent rien, car ils furent, d’après ce qu’on nous dit, entourés par les volontaires du général Denikine et tués jusqu’au dernier. » 

En fait, il n’en est rien ! Quelques articles trouvés dans « Les échos des anciens combattants », une revue mensuelle publiée après la guerre par la Fédération française des unions et sociétés d'anciens militaires et combattants, invalident cette situation. La «Moselle»,une association d’anciens des 149e et 349e R.I., donne régulièrement des nouvelles du colonel Jeské dans les années 20.

Après avoir commandé un régiment de l’armée blanche, le commandant Jeské retourne sur ses terres d’origine où il va intégrer l’armée lettone avec le grade de lieutenant-colonel obtenu en novembre 1920. La Lettonie est un pays à part entière depuis deux ans. Lénine a reconnu la souveraineté de cette nation depuis le mois de décembre 1918. Après son affectation à l’état-major général, Martin Jeské est nommé attaché militaire en Allemagne en janvier 1921.

Il revient en Lettonie en août 1923 pour prendre le commandement du 4e régiment d’infanterie de Valmiera.

De retour en France en septembre 1923, il intègre la 45e promotion de l’école supérieure de guerre pour parfaire sa formation d’officier. Il en sort le 31 octobre 1925, avec le brevet d’état-major français.

Riga

Revenu en Lettonie, il est chargé de diriger le cours de formation des officiers. Promu au grade de colonel en 1927, il est nommé directeur de l’instruction militaire à l’état-major. En 1929, Martin Jeské prend le commandement du 6e régiment d’infanterie de Riga. En 1930, il reprend ses fonctions de directeur de l’instruction militaire. En 1933, il est responsable de l’école de guerre de son pays, avant d’être mis à la disposition du commandant en chef de l’armée lettone. En 1938, il travaille pour la Société des Nations.

Cette nouvelle fonction l’amènera sur la terre d’Espagne qui est en pleine guerre civile. Début janvier 1939, il est à Valence. Martin Jeské fait partie d’une commission de contrôle qui a pour mission de surveiller l’embarquement de 2900 volontaires des brigades internationales, en vue de leur rapatriement.

De retour à Riga, il est, à nouveau, mis à la disposition du commandant en chef de l’armée lettone. Le monde va de nouveau se déchirer… Le 25 juin 1940, il est nommé chef de l’état-major général par le nouveau gouvernement mis en place par les pro-soviétiques.

Promu au grade de général en juillet 1940, il assure cette fonction jusqu’au 27 septembre 1940, date à laquelle il est victime de l’épuration organisée par les Soviétiques. Arrêté, puis jeté en prison, il décède le 21 novembre 1941.

Décorations obtenues :

Croix de guerre avec 4 citations,

Chevalier de la Légion d’honneur,

Ordre de Sainte-Anne de 2e catégorie avec glaives,

Ordre impérial de Saint-Vladimir de 4e classe avec glaives.

Le nom de cet officier est orthographié de plusieurs façons dans les différents documents consultés. Voici quelques exemples d’écriture,  Jeské, Ieské, Yeské.

Sources :

Édition originale du dictionnaire biographique des pays baltes. Une traduction française de cet ouvrage a été publiée aux éditions l’Harmattan.

L’article de presse de l’humanité et les citations du capitaine Jeské ont été trouvés sur le site de la bibliothèque numérique Gallica.

La majorité des informations concernant Martin Jeské m’ont été communiquées par F. Amélineau et par Igor, un intervenant régulier du forum du site « pages 14-18 ».

Le portrait du capitaine Jeské qui est utilisé sur le montage provient de la collection personnelle de F. Amélineau.

La photographie de groupe où figure le commandant Jeské appartient à R. Parlange. Ce cliché est légendé : « P.C. du bataillon de Sulzern colonel russe Yeské, Alsace avril 1918. »

 Un grand merci à M. Bordes, à F. Amélineau, à A. Carobbi, à Igor,  à M. Porcher, à R. Parlange, à J.L. Poisot, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux participants du forum du site « pages 14-18 ».

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