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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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21 octobre 2022

De la Somme à l’Oise, un très bon festin entre camarades

Un bon festin

 

Le 149e R.I. vient de reprendre le village de Soyécourt aux Allemands. Le musicien brancardier Louis Cretin participe au relevage des blessés avant d’apporter son aide aux cuisiniers. Le régiment quitte la Somme pour aller au repos, à proximité de Beauvais.

 

« Le 21, le régiment descend. Le 22, nous allons à Guillaucourt rechercher nos sacs demeurés là avant de monter.

 

Un nouveau colonel arrive au régiment. Il tient à nous faire donner un concert avant d’embarquer dans les camions.

 

Nous descendons à Tillé, près de Beauvais, après avoir traversé Moreuil et Amiens. Sitôt arrivé au repos, notre nouveau colonel passe en revue la musique. Il exige que nous ayons deux tenues afin que celle avec laquelle nous donnons nos concerts soit toujours très propre.

 

Le repos dure jusqu’au 12 octobre et fut bien rempli… Répétitions, concerts (le dimanche au kiosque de Beauvais). Messe en musique, réveil en fanfare, théâtre, défilés, prises d’armes. Notre effectif est porté à 48. La clique est remontée et augmentée également.

 

Notre chef est évacué. Le sous-chef prend la direction provisoirement. Un musicien fait fonction de sous-chef avec le grade de sergent (René Arnould, un parisien). Il forme un orchestre symphonique pour les théâtres et les services religieux.

 

J’ai une petite histoire à raconter concernant cette période :

 

« Nous étions au repos. À chaque descente des lignes, nous étions quelques camarades du même pays qui, naturellement, se recherchaient, heureux chaque fois que le sort nous ramenait au complet.

 

Il y avait Albert Benjamin, un éclaireur monté du 4e chasseurs à cheval, actuellement directeur de tissage au Prey-Le Thillot dans les Vosges et François Briot dit « l’ancien », connu de tout le régiment sous ce surnom. Il était le seul poilu ayant fait toute la campagne sans évacuation ni blessure et pourtant, il n’avait jamais eu le filon, toujours en ligne à la 5e compagnie.

 

Depuis Verdun, il était entré comme mitrailleur à la 2e C.M.. Il fut tué le 4 octobre 1918 à Orfeuil, quelques semaines avant l’armistice sans avoir été touché auparavant.

 

Le troisième, Georges Griesser, un sergent de la 5e compagnie, actuellement commerçant à Saulxures-sur-Moselotte, marié avec une des sœurs de « l’ancien », et mon camarade, Camille Rêches, habitant encore à Saulcy, par la petite Raon dans les Vosges, avec lequel j’étais ami depuis notre incorporation en octobre 1912 à la même compagnie (3e) puis à la musique. Je l’estimais davantage, peut-être parce qu’il était, depuis le mois d’août 1914, sans nouvelles de chez lui. Son pays étant occupé par les Allemands.

 

Avec ce dernier, je partageais, colis, tabac, bidons de pinard. Je l’emmenai même en permission chez moi avant qu’il ne fasse connaissance d’une marraine de guerre, devenue sa femme maintenant.

 

Après les premières attaques de la Somme, nous étions heureux de nous retrouver. Nous décidâmes de faire un petit gueuleton, autrement dit, un réveillon.

 

Dans la ferme où nous étions en cantonnement, il y avait une grande quantité de volailles et de lapins, mais à chacun de nous qui se présentait pour lui acheter ce qu’il aurait bien voulu nous vendre (on n’avait pas de préférence), le patron répondait invariablement qu’il n’avait rien.

 

Sa mauvaise foi ne fit qu’aggraver notre désir ! Un soir après l’appel, on flânait dans la cour où se trouvait une mare dans laquelle se balançait au fil de l’eau un fort groupe d’oies.

 

Le camarade Albert était venu avec un de ses copains, Joseph Antoine, un autre éclaireur. Nous avons fait une manille. Nous causions de l’insuccès de notre partie projetée… quand le camarade Antoine nous dit en montrant les volailles : « Mais ! Et çà ? » sans aucune forme de procès. Il entre dans l’eau, saisit une superbe oie, un jard !, l’étouffe sous sa capote en lui serrant fortement le cou pour l’étouffer sans cris.

 

On plume la bête derrière une haie, assez loin de la ferme pour dépister les recherches s’il y en avait eu.

 

Triomphalement, le lendemain, nous demandons à la boucherie chez qui logeait le peloton des éclaireurs, de bien vouloir nous accommoder cette volaille. Nous lui avons dit, bien entendu, que nous l’avions acheté !

 

Elle ne dut pas être dupe de notre mensonge, car c’est avec le sourire que le lendemain, elle nous servit notre « extra ».

 

C’est égal, nous dit-elle, vous l’avez eu ce vieux grigou, preuve qu’il ne jouissait pas de l’entière sympathie des habitants.

 

Ce fut l’occasion pour nous d’une petite bamboula sans beaucoup de remords. En effet, notre intention première était bien de faire  emplette de ce que nous mangeons de bon appétit ! »

 

Sources :

 

Témoignage inédit du musicien brancardier Louis Cretin (autorisation de publication donnée en 2013 par D. Browarski).

 

Un grand merci à  M. Bordes, à D. Browarski, à A. Carobbi et à T. Cornet.  

Commentaires
P
Il est fort intéressant de connaître ces moments de repos et de plaisir que ces hommes ont pu savourer malgré toutes les horreurs vécues. Ces genres d'anecdotes ont dû être nombreuses mais souvent méconnues. Merci à vous de nous faire partager ces moments. Continuez svp.
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