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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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30 mars 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez. Arrivée au 149e R.I.

Paul_Douchez

En 1983, un des fils du lieutenant Douchez fait don des écrits de son père au S.H.D. de Vincennes. Les souvenirs de guerre de cet homme, rédigés en 1921, ont été rassemblés en trois volumes.

Seule la partie consacrée au 149e R.I. nous intéresse. Nous prendrons donc le récit de Paul Douchez en cours de route à partir du moment où il commence sa formation d’officier, juste avant son arrivée dans son nouveau régiment.

Au début de l’automne 1916, l’adjudant Douchez s’apprête à quitter le 5e R.I.T., qui a été son régiment depuis la mobilisation générale en août 1914. Il vient de se porter volontaire pour accéder à une formation qui doit lui donner accès au grade de sous-lieutenant. Une fois sa demande acceptée, il se rend à Remiremont pour suivre les cours qui sont délivrés par le centre d’instruction de la VIIe armée. Les études commencent le 15 octobre 1916. Elles sont assez courtes. La formation se termine le 28 décembre 1916. Il retrouve son ancienne compagnie le 28 décembre 1916. Paul Douchez reste encore quelques semaines dans cette unité avant d'être muter au 149e R.I..

Les derniers jours passés au 5e R.I.T..

Fin janvier 1917

« L’adjudant David, de la 2e compagnie de mitrailleuses et moi-même, nous sommes promus sous-lieutenants à la date du 29 janvier 1917 et affectés au 149e R.I..

Le sous-lieutenant Dhotel m’invite à déjeuner avec David dans son P.C. de Largitzen.

Le trésorier-payeur du 5e territorial nous règle notre indemnité d’entrée en campagne, sous déduction des 100 francs perçus lors de notre nomination au grade d’adjudant.

Nous nous rendons à Friessen où nous nous présentons devant le lieutenant-colonel Pineau, commandant le 149e R.I.. Il nous affecte :

David à la 9e compagnie, cantonnée à Friessen

Douchez à la 2e compagnie, cantonnée à Hindlingen

Il nous libère pour 48 heures afin de pourvoir à notre équipement. Nous allons nous présenter à nos commandants de compagnie respectifs et rentrons ensuite à Largitzen.

Carte_1_temoignage_Paul_Douchez

Le soir, le nouveau colonel commandant le 5e R.I.T. nous invite dans son P.C. pour un dîner d’adieu auquel assistent nos commandants de compagnie, le capitaine Darras et le sous-lieutenant Dhotel, le capitaine adjudant-major Tallandier, le sous-lieutenant de Fernehen et le nouveau chef de bataillon Liagre.

Le capitaine Darras remet au colonel Roy, en ma présence, la proposition de citation à l’ordre de la division, dont j’ai fait mention le 19 janvier. J’exprime mon doute de ce qu’en raison de mon départ, il y soit donné suite. Le colonel me donne l’assurance que bientôt il me la fera parvenir à mon nouveau régiment.

Conformément à mes prévisions, elle m’a été enlevée et mon absence mise à profit au bénéfice d’un protégé.

J’ai, depuis longtemps, les meilleures jumelles de la compagnie. Le sous-lieutenant Labastie, quoique pourvu d’une excellente paire, a déjà cherché à me les faire retirer par le capitaine. Lorsqu’il connaît mon affectation, il parvient, quoique le règlement m’autorise à les conserver, à me les faire retirer pour se les approprier. J’obéis pour ne pas entrer en conflit avec mon commandant de compagnie par ailleurs très correct avec moi.

8 février 1917

Nous allons, David et moi, acheter à Belfort notre équipement. Par économie, je garde mon sabre ainsi que la tenue, encore fort bonne, que je me suis fait faire récemment. Mon browning, devenu réglementaire, me dispense également d’une dépense.

Le soir, je dîne avec le capitaine Darras et le sous-lieutenant Labastie.

9 février 1917

Je vais, une dernière fois, à nos diverses positions pour prendre congé des hommes avec la plupart desquels je suis depuis plus de deux ans. Un seul obus nous est envoyé dans cette matinée. Il tombe dans le boyau d’accès, une quarantaine de mètres en avant de moi, tandis que je me suis arrêté une minute à la porte d’une cagna pour dire au revoir à un collègue. Ce colloque m’a, à coup sûr, évité d’être mis en pièce. Je puis voir en effet, un instant plus tard, le boyau bouleversé.

Arrivée au 149e R.I.

Le soir même, je conduis une compagnie de travailleurs à Largitzen. En prévision d’une attaque par violation de la Suisse, que semble méditer l’ennemi. De grands travaux de défense sont activement poussés. La frontière helvétique est toute proche, puisque de Friessen, nous voyons les mâts qui la jalonnent.

Le 149e R.I. creuse des tranchées autour de Largitzen où j’ai le plaisir de revoir mon ancien régiment.

L’hiver est cruellement rigoureux. Certaines nuits, le froid tombe à un degré tel, qu’il faut suspendre tout travail. Les pioches s’émoussent, sans pouvoir entamer le sol gelé.

Une décision nous fait permuter David et moi. Elle me donne l’emploi d’officier F.M. du 3e bataillon.

À la 9e compagnie, j’ai pour commandant de compagnie, le lieutenant Paul Claudin ; comme collègues, le sous-lieutenant Berteville et le sous-lieutenant Bloch. Ce dernier a pour unique emploi d’être chef de popote des officiers du bataillon…

Dès la première nuit, je suis encore désigné pour conduire les trois compagnies au travail. Nous faisons des canaux très profonds dans lesquels sont enterrés ensemble jusqu’à 15 câbles de transmission. Les conditions dans lesquelles doit être effectuée cette tâche de haute importance ne sont pas observées. Le génie, sous la direction duquel il est mené, est absent lorsque sa présence est nécessaire. Parfois, il est représenté par un sergent incompétent.

Les officiers du génie sont insaisissables ; quant aux nombreux sapeurs, ils sont fainéants, ivrognes, incapables et aucunement surveillés.

En résumé, des sommes fantastiques sont enfouies, parfois à fleur du sol, dans la boue ou les cailloux, vouées à une destruction rapide, sans pouvoir, en cas de problème, rendre aucun service.

Début mars, le lieutenant-colonel Pineau, qui reçoit un nouveau chef de bataillon, m’invite à une réception. Sa popote est installée dans un restaurant abandonné. Le menu est un peu banal, si l’on considère que nous sommes là à environ deux kilomètres des premières lignes. J’ai, à ma droite, l’aumônier du régiment, Stanislas Galloudec.

L’après-midi de cette journée, c’est la bénédiction des fanions à l’église de Friessen.

Les_fanions_du_149e_R

J’avais, sur mon passage dans « l’active », des appréhensions motivées par les différences de vie, d’âge, de service, par l’esprit inconnu de moi, des jeunes troupes que j’allais avoir à commander. J’étais pris dans la crainte de manquer de résistance aux fatigues spéciales peu pratiquées dans l’armée territoriale, soucieux du manque des connaissances nécessaires, n’ayant pas fait de service militaire, et par l’accueil des jeunes officiers.

De suite, je suis mis à l’aise par la cordialité serviable de mes nouveaux camarades et chefs. Je me rends vite compte que mon cours d’élève officier m’a doté d’un bagage ignoré de beaucoup d’entre eux. Les premières étapes de déplacement me prouveront bientôt que je supporte la marche et les intempéries, mieux que la plupart de mes jeunes hommes. J’ai des désillusions sur leur état d’esprit. Je m’attendais à les trouver animés d’un patriotisme compensant la triste mentalité générale des territoriaux. Il en est de même pour la discipline, sapée par les parlementaires, minée par les nombreux journaux anti-français, subventionnés par les agents allemands.

Dans les périodes de demi-repos, tous vont, à tour de rôle, suivre au C.I.D. des cours de chefs de section, de grenadiers, de mitrailleurs, de F.M., de canon de 37, de signalisation, d’observation, de liaison, de commandants de compagnie, de chefs de bataillon… Je suis désigné pour suivre l’un de ces cours, où ne se traite qu’une partie de ce que j’ai déjà étudié à Remiremont.

Je quitte Friessen pour rejoindre le C.I.D. à Méziré, avec mon ordonnance, en utilisant la voiture de compagnie. »

La 43e division s’apprête à changer de secteur. Le C.I.D. suspend les cours pour suivre isolément la division.

Pour accéder à la biographie de Paul Douchez, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Paul_Vincent_Constantin_Douchez

Sources :

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Le portrait peint représentant le sous-lieutenant Douchez, la photographie de la popote du 3e bataillon du 149e R.I. et les clichés des fanions du 149e R.I. proviennent tous du fonds Douchez Réf : 1 K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher  et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

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