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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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28 avril 2014

Blanche Gérard... Quelques lettres rédigées à l'attention du père et de la soeur du capitaine Gabriel Gérard (2e partie).

Gabriel_Gerard_3

Charles Gérard et sa fille Marcelle reçoivent les dernières consignes de Blanche avant de se rendre dans la capitale pour le weekend…

Vendredi 14 juin 1918,

Bien Chers,

Ainsi que je vous le disais dans ma lettre de ce matin, la nuit a été très mauvaise. Mercredi soir, j’avais quitté Gabriel vers 18 h 30 après lui avoir fait donner un potage, un œuf à la coque et un peu de confiture. Il paraît que dans la nuit, il a eu une grande agitation, il voulait même se lever. D’où une situation tendue avec une grosse fièvre et des secousses nerveuses. En arrivant près de lui vers midi et demi, je l’ai trouvé dans une prostration extrême avec des compresses d’eau sur la tête. Je ne l’ai plus quitté d’une minute. L’après-midi de jeudi a été pénible pour lui et plus encore pour les infirmières et pour moi moralement. On lui a injecté un litre et demi de sérum dans les cuisses, par un goutte à goutte ; ensuite, il y a eu une succession de piqûres de toutes sortes. Toute la nuit, il se tournait dans son lit et sautait comme une carpe. À 3 h 00, quelqu’un est venu le sonder, cela n’a pas duré une demi-heure tellement il est faible. Je me demande si vous ne feriez pas mieux d’attendre pour venir le voir. Faites donc comme vous voudrez.

Sa croix est belle à voir sur sa tunique et le trou qu’elle a derrière aussi. Cette nuit, il m’a appelé plus de 50 fois, cela, malgré le fait que je sois souvent à son chevet. Que ferai-je cette nuit, je ne sais, je vais voir comment va se passer la suite.

Il me faudrait soit mon bracelet-montre, ou celui de Marcelle qui se trouve chez Jacqueline. C’est ce qui me manque le plus. Surtout, apportez-moi ma robe avec1, 2 ou 3 guimpes en tulles qui sont à prendre dans le devant de mon armoire et puis des gants. Pouvez-vous m’apporter des cartes de visite et des enveloppes ? 

 Le docteur Iselin est passé vers 11 h 00. Il lui a retiré trois haricots d’urine. Il lui a posé un appareil qui va permettre de lui faire, deux fois par jour, des lavages de vessie au nitrate d’argent. Le fait de le faire boire beaucoup, c’est peut-être cela qui lui a occasionné cette journée de fièvre et cette grande agitation qui dure depuis samedi soir 22 h 00. Juste 48 heures de souffrance.

Gabriel est maintenant soulagé, il se repose et reste bien calme, ce qui change avec ce que j’ai vu depuis midi.

Venez donc pour vous tranquilliser, tant pis si le séjour devra être court près de lui. Attention donc à mes commissions. Je vous attendrai chez Marthe. Au cas où je n’y serais pas, vous y déposerez le sac et vous viendrez me trouver à l’hôpital. Vous le verrez donc un peu le matin et un peu le soir. 

Hopital_Marie_Lannelongue_2

Le père et la sœur de Gabriel Gérard ont quitté Paris pour rejoindre la Bretagne. Blanche fait le choix de demeurer auprès de son fils, elle estime que sa présence reste indispensable. Elle continue d’envoyer régulièrement des nouvelles aux siens. Les journées s’écoulent…

Lundi 17 juin 1918,

 Bien chers,

Je suis au chevet de Gabriel depuis 9 h 30 ce matin. Je l’ai admiré dormir jusqu’à 10 h 15, heure à laquelle on est venu s’occuper de lui. Les soins ont duré jusqu’à 11 h 45. Je lui ai alors fait la toilette de la figure et des mains et on lui a donné un peu de bouillon de légumes.

Je vais sortir un peu pour aller déjeuner et je reviendrai vers 15 h 00. Il dort tranquillement et il paraît que la nuit n’a pas été mauvaise. Je ne le quitterai que vers 19 h 00 pour rejoindre Marthe et dormir aussi bien que cette nuit. Couchée à 20 h 30, je me suis reposée jusqu’à 8 h 00, d’un seul somme tellement j’étais fatiguée.

Il faudra répondre à l’évêque. Gabriel le fera lui-même quand il le pourra.

Je vous quitte pour aller déjeuner

Affection

Blanche

Adressez vos lettres à Gabriel à l’hôpital.

Mardi 18 juin 1918 à 14 h 00,

Mon cher Charles,

Toute l’après-midi d’hier lundi a été occupée après Gabriel tellement il en a fait des pleins chapeaux. Plus deux fois cette nuit et encore tout à l’heure. J’arrivais, on venait de le changer. Il va un peu mieux, la température est bonne. Monsieur Iselin que j’ai vu ce matin m’a dit que pour quelque temps encore, il fallait vivre au jour le jour.

Écris-moi chez Marthe, j’ai ta lettre tous les matins avant de la quitter. Il y a amélioration pour Gabriel, dans ce sens qu’il se sent évacuer et que même tout à l’heure, il appelé pour qu’on lui donne le bassin. L’appétit revient lentement et il a un gros bouton de fièvre à la lèvre.  Si le mieux continuait, je partirais lundi ou mardi. Je commence à m’ennuyer ici et à bien être fatiguée.

Au revoir, c’est l’heure de mettre ma lettre à la poste.

Écris à Madame Garneau pour les remercier d’être venus voir Gabriel et encore les regrets de ne pas avoir été présent pour le faire toi-même.

Affections à tous les deux

Blanche

La solde de Gabriel vient d’arriver, plus de 700 francs.

Carnet_de_p_cule

Mercredi 19 juin 1918 à 14 h 00,

Bien cher,

La journée d’hier, n’a pas été brillante, nous avions hier soir 40° 3 et ce matin 39°. La fièvre est donc encore persistante. Cependant, il a évacué et uriné. On me dit que la plaie est belle. Lorsque je suis arrivée, il avait des envies de vomir, ce qu’il a  rarement fait dans sa vie.

Mes inquiétudes subsistent donc toujours et qu’y faire !!!

Il faut, mon cher Charles, que tu gardes tes papiers tout près pour un voyage imprévu. Hier, il a reçu sa solde sous la délégation 783 francs.

Il  a envoyé ce matin sa créance de Valette, il lui reste donc un peu plus de 335 francs. Seulement, à la fin du mois, il ne touchera plus que 450 francs. Mais il n’en a pas besoin de sitôt. Malheureusement.

On te donnera le nom de l’infirmière plus tard, lorsqu’elle saura quand son frère arrivera au lycée.

Je suis toujours avec Gabriel, toutes les après-midi et vous pouvez suivre par la pensée.

Affections à tous deux,

Blanche

14 h 30 : Gabriel vient de vomir. L’infirmière me dit qu’il va y avoir des hauts et des bas encore pendant au moins15 jours ou trois semaines. Elle dit aussi qu’il ne faut pas s’inquiéter, que c’est normal. Il souffre beaucoup aujourd’hui de la tête.

Sources :

Le morceau de plan de Paris utilisé pour le montage provient du site suivant :

Atlas historique de Paris

La photographie de l’hôpital Marie Lannelongue a été réalisée par le photographe Chevojon. L’architecte 1913. Planche XLI.

 Les Lettres rédigées par Blanche Gérard proviennent toutes de ma collection personnelle.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi.

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